France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales (n° 658 deuxième rectification, 800).
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Béatrice Descamps.
Le nombre de 400 000, mes chers collègues, devient glaçant et vertigineux lorsque nous réalisons qu'il est celui des enfants exposés à des violences intrafamiliales. Cette partie visible de l'iceberg nous rappelle la nécessité de perfectionner la législation pour que soit empêché, détecté, sanctionné ce fléau dramatique. C'est pourquoi je vous remercie sincèrement, madame la rapporteure, de nous donner l'occasion de réfléchir, d'avancer ensemble, avec une prudence à la mesure du caractère sensible du sujet, sans jamais perdre de vue l'intérêt supérieur de l'enfant, ni l'impératif de protéger les victimes de tels drames.
Suspendre ou retirer l'autorité parentale constitue pour la justice une décision grave, difficile, loin d'être anodine, tant pour le parent qui en fait l'objet que pour l'autre parent et pour l'enfant ; nombreuses sont d'ailleurs les victimes qui peinent à entamer des démarches et doivent être accompagnées. En raison de ces enjeux, il est essentiel que les modifications que nous proposons d'apporter à la loi suscitent l'adhésion de tous. Notre assemblée a dernièrement adopté à l'unanimité la proposition de loi sénatoriale créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, dont j'étais corapporteure : cette union sacrée adresse aux victimes un signal fort et j'espère, ou plus exactement je suis sûre, qu'elle se produira de nouveau ce soir.
En 2019 et en 2020, deux lois avaient déjà permis d'enrichir l'arsenal législatif en matière de suspension de l'autorité parentale. La lenteur du système judiciaire ne devant pas pénaliser les victimes, il était nécessaire de pouvoir soustraire les enfants à l'emprise d'un parent violent. En l'état du droit, ce n'est possible qu'en cas de crime au sein du couple. Tout en comprenant qu'il est nécessaire de restreindre l'application d'une telle mesure aux affaires les plus graves, notre groupe estime indispensable d'en étendre le champ ; c'est pourquoi nous avons pleinement soutenu les réécritures successives de la proposition de loi présentées par la rapporteure, afin de concilier renforcement de la législation et équilibre juridique. La nouvelle rédaction permettra en particulier la suspension de plein droit de l'autorité parentale en cas de violences sexuelles incestueuses, comme le réclamaient les associations de lutte contre les violences intrafamiliales. Notre groupe demeure cependant réservé concernant le choix, en cas de condamnation pour violences conjugales ayant entraîné plus de huit jours d'incapacité totale de travail (ITT), de ne suspendre de plein droit l'autorité parentale que si « l'enfant a assisté aux faits ».
Ce critère additionnel ne se justifie guère : un enfant peut être choqué a posteriori, par exemple en voyant sa mère marquée de coups. Une telle différence de traitement, alors même que le parent violent aura fait l'objet d'une condamnation, reste inacceptable ; lors de l'examen du texte en commission, madame la rapporteure, j'avais d'ailleurs eu l'impression que vous étiez sensible à mes observations en ce sens. S'agissant en revanche du retrait automatique de l'autorité parentale en cas de condamnation, notre groupe accueillera favorablement les amendements déposés par la rapporteure, à qui les auditions ont permis de rectifier son texte – la rédaction initiale encourait le reproche d'inconstitutionnalité. Nous saluons donc le dispositif, issu d'un consensus en commission, qui tend à laisser le juge pénal dans la boucle, tout en inversant la logique actuelle afin d'éviter qu'il omette de retirer l'autorité parentale. Dans les dossiers les plus graves – crime commis sur la personne de l'autre parent, crime ou agression sexuelle sur la personne de l'enfant –, la condamnation emporte ainsi retrait, sauf si le juge pénal en décide expressément autrement.
Je conclurai en répétant ce qui a déjà été dit : non, un conjoint violent n'est pas un parent digne de ce nom ; oui, l'intérêt supérieur de l'enfant doit marquer le nord sur notre boussole à tous. Par conséquent, nous soutiendrons bien sûr votre texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et LR.
« J'ai pris perpétuité à 8 ans. » « C'est l'histoire d'un crime qui a détruit mon enfance et ma vie d'adulte. » « Je serai à jamais un humain cassé. » Recueillis par la Ciivise, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, ces témoignages expriment bien les tristes conséquences de l'inceste et des violences intrafamiliales. Des centaines de milliers d'enfants sont victimes de ce qu'ils subissent directement, de ce que leur infligent des membres de leur propre famille, mais aussi de ce qu'ils voient, de la violence à laquelle les confronte leur environnement familial lorsqu'ils grandissent auprès d'un parent, d'un frère, d'une sœur maltraités. Chaque année, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles ; sur 208 000 victimes de violences conjugales recensées en 2021, 80 % avaient des enfants. Stress post-traumatique, troubles du développement du cerveau et du système nerveux, addictions, sont quelques exemples des conséquences dévastatrices que peuvent avoir de tels faits.
Aux termes de l'article 371-1 du code civil, la vocation naturelle et première des parents à assurer la protection et l'éducation de leurs enfants entraîne une responsabilité ; l'autorité qui en découle doit s'exercer sans violences physiques ou psychologiques. Lorsque certains parents, non seulement ne protègent plus leur enfant, mais deviennent un danger pour lui, le contrat est rompu : la sécurité physique et psychologique de l'enfant doit passer avant tout. Qui protéger ? En théorie, la réponse est évidente : l'enfant. En pratique, la réalité se révèle plus contrastée. Or l'innocente victime de telles violences n'a pas à subir, de surcroît, les latences de la société ; je le répète, il est nécessaire de la mettre à l'abri de son agresseur, de la préserver de toute violence physique ou psychologique supplémentaire, même si cela passe par la restriction de certains droits parentaux.
Depuis 2017, le Président de la République a fait de l'enfance une priorité de son mandat, comme l'a illustré en 2019 le Grenelle contre les violences conjugales. Notre majorité s'est engagée à accélérer le déploiement du bracelet antirapprochement (BAR) et du téléphone grave danger (TGD).
M. Maxime Minot s'exclame.
La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille prévoit la possibilité, pour le juge pénal, d'aménager ou de suspendre l'autorité parentale du conjoint violent. Nous avons également fait en sorte que le parent violent puisse voir suspendre son droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur, en vertu de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, et créé en 2021 quatre nouvelles infractions en vue de protéger les mineurs des crimes et délits sexuels. Cette même année, à la suite des témoignages marquants suscités par le hashtag #MeTooInceste, le Président de la République a souhaité la création d'une commission indépendante. La Ciivise a vu le jour en mars 2021 : en un an, elle a recueilli plus de 16 000 témoignages et élaboré vingt propositions visant à mieux prévenir, repérer, soigner et traiter judiciairement ces violences.
En dépit de ces avancées importantes, le chemin à parcourir reste encore long et beaucoup de progrès sont attendus, à juste titre. C'est pourquoi le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, et la secrétaire d'État chargée de l'enfance, Charlotte Caubel, ont annoncé en septembre dernier plusieurs mesures destinées à mieux prévenir les violences et soutenir les enfants victimes, par exemple l'accompagnement de ces derniers, tout au long du processus pénal, par les associations d'aide aux victimes, avec l'intervention d'un administrateur ad hoc – un « parrain judiciaire » – en cas de défaillance parentale. Le garde des sceaux souhaitait également le retrait de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles sur son enfant. La présente proposition de loi s'inscrit donc en partie dans la continuité de ces initiatives, ainsi que des travaux réalisés par notre ancienne collègue Marie Tamarelle-Verhaeghe, puis par notre collègue Nicole Dubré-Chirat dans le cadre de la délégation parlementaire aux droits des enfants. Le groupe Renaissance abonde dans le sens de ce texte, qu'il a contribué à enrichir à l'occasion d'un dialogue constructif avec Mme la rapporteure, que je salue ; nous espérons le voir adopter en séance à l'unanimité, comme ce fut le cas en commission des lois. Aucun enfant, chers collègues, ne devrait vivre pareilles violences : à nous de les protéger au mieux et de leur assurer un avenir meilleur.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
À titre liminaire, et comme je l'ai dit à M. le garde des sceaux le 10 janvier, à l'occasion de son audition par la commission des lois, je ferai observer que raisonnablement, aucun professionnel de la justice n'estime suffisant ou même réalisable le recrutement de 1 500 magistrats d'ici à 2027. Or la parole se libère : de plus en plus de victimes de violences domestiques portent plainte, faisant augmenter les chiffres. Les signalements de morts violentes au sein du couple ont augmenté de 14 % entre 2020 et 2021.
C'est ça !
Pour autant, l'arsenal judiciaire n'a jamais été aussi complet : il ne manque que le personnel pour s'en servir. Depuis les années 1970, on a pu constater l'instauration progressive d'une autorité parentale conjointe, mais l'exercice de cette coparentalité peut devenir complexe en cas de violences au sein du couple : c'est pourquoi la loi du 28 décembre 2019 prévoit la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale par le parent poursuivi. Le retrait total ou partiel de l'autorité parentale elle-même peut être prononcé par le juge en raison de faits graves commis à l'encontre de l'enfant ; depuis la loi de 2019, le juge pénal peut également prononcer cette sanction en cas de crime ou délit commis sur la personne de l'enfant ou de l'autre parent. La proposition de loi vise à étendre le champ d'application de ces procédures.
La suspension automatique de l'autorité parentale d'un individu poursuivi pour viol incestueux, agression sexuelle incestueuse, ou pour tout autre crime commis à l'encontre de son enfant ou de l'autre parent, est opportune et justifiée. Cette automaticité, c'est-à-dire le fait que la sanction n'est pas validée par le juge, devient en revanche discutable s'agissant de violences infligées à l'autre parent et ayant entraîné une ITT de plus de huit jours : nous lui préférons la notion de violences habituelles, telle qu'elle figure à l'article 222-14 du code pénal, en ce sens qu'un parent qui se montre régulièrement violent instaure de facto au sein du foyer un climat conflictuel dont les répercussions sur l'enfant et sur son psychisme rendent le contexte familial dangereux pour son équilibre. Lorsqu'un parent fait subir des violences à l'autre, il est évident que le maintien de son autorité parentale devient contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. Quant au retrait total, prononcé par la juridiction pénale, et sauf décision contraire spécialement motivée, de l'autorité parentale ou de son exercice en cas d'inceste, d'agression sexuelle incestueuse, ou encore d'autre crime commis sur la personne de l'enfant ou de l'autre parent, il fait consensus et n'appelle donc pas de réflexion particulière de notre part.
Sur l'article 3, nous avons proposé un amendement d'ordre rédactionnel. Les alinéas 6 et 14 font en effet état des « frères et sœurs mineurs de la victime », ce dernier terme désignant l'enfant. Or dans les cas où c'est l'autre parent qui est la victime du parent violent, l'enfant n'est pas la victime au sens pénal du terme. Nous proposons enfin, dans un souci d'exhaustivité, de prévoir les cas de retrait de l'autorité parentale ou de son exercice lorsque cette autorité a été déléguée à un tiers au sens des articles 376 et suivants du code civil.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
« Les quarante dernières secondes qui me restent, je veux les consacrer à nos enfants. On a parlé de notre jeunesse, qui a tant souffert pendant le covid. Et au fond, on se bat tous, chacun avec nos différences, nos sincérités, pour nos enfants. » Ces mots, Emmanuel Macron les a prononcés le 20 avril dernier, lors du débat de l'entre-deux tours. Quand je les ai entendus, je travaillais encore comme éducatrice spécialisée en protection de l'enfance. Aujourd'hui, je les répète à cette tribune avec une légère amertume. En effet, depuis qu'Emmanuel Macron les a prononcés et a annoncé faire de la protection des enfants une grande cause de son quinquennat, nous assistons à un véritable effondrement des dispositifs de protection de l'enfance. Les signaux d'alarme viennent des travailleurs sociaux, des magistrats, des personnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE), des représentants des assistants familiaux, des familles, des femmes et mères victimes de violences conjugales, et même de la Défenseure des droits. Ils viennent de toutes parts, car tous les maillons de la chaîne de protection de l'enfance dysfonctionnent.
Il ne suffit pas de dire que nous nous battons tous sincèrement pour nos enfants, car il est évident que ce sujet nous touche toutes et tous. Mais, tout comme la lutte contre les violences faites aux femmes, ce n'est pas un sujet qui se paye de grands mots. C'est un sujet profondément politique, imbriqué dans plusieurs de nos politiques publiques si affaiblies aujourd'hui qu'il n'est plus possible d'assurer effectivement la protection des enfants.
En décembre 2022, 65 % des Français estimaient d'ailleurs que la maltraitance des enfants était insuffisamment prise en compte par les pouvoirs publics. Ce sujet n'est donc pas qu'une question d'empathie ou de morale. Il relève de notre capacité collective à faire des choix de société et des choix politiques et à les inscrire dans le droit, afin que la protection des enfants victimes de violences soit vraiment effective. Ce que nous devons avoir à l'esprit, ce qui doit nous animer et nous guider dans toutes nos décisions, c'est évidemment l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le texte qui nous est proposé aujourd'hui arrive dans ce contexte d'effondrement majeur, et comme l'a expliqué la rapporteure, Mme Santiago, il n'a pas vocation à régler tous les problèmes. Je tiens à la remercier d'avoir mis à l'ordre du jour de la journée de niche parlementaire du groupe Socialistes et apparentés ce sujet si peu traité, voire invisibilisé dans la vie politique. Pourtant, je le rappelle, un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents.
Les violences faites aux enfants sont systémiques et de différentes natures : elles peuvent être physiques ou psychologiques ; elles peuvent consister en des négligences, un délaissement, des violences sexuelles ou des actes d'inceste. La plus courante, et la plus banalisée hélas, est l'exposition aux violences conjugales. Mais toutes ces violences entraînent des traumatismes profonds qui entravent le développement psycho-affectif des petites victimes.
Concernant les violences intrafamiliales, des améliorations sont intervenues et ont permis de faire évoluer la situation : ce sont celles apportées par la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et par celle du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales. Mais chacun de ces textes révèle qu'il reste beaucoup trop d'angles morts dans notre droit.
Celui dont nous discutons aujourd'hui vise à aller plus loin et à améliorer la protection des enfants s'agissant de l'autorité parentale. Le groupe La France insoumise est satisfait de la position d'équilibre trouvée en commission la semaine dernière, car elle démontre qu'il est possible de faire respecter les grands principes du droit et de garantir la place de la décision des magistrats tout en garantissant à la victime une mise à l'abri du parent violent.
Mais pour qu'une loi soit effective, il faut des moyens : des moyens pour faire fonctionner la justice, pour accompagner et pour former les professionnels du droit, du milieu éducatif et de la santé. Il faut donner des moyens aux structures d'accueil des femmes victimes de violences, ainsi qu'aux dispositifs de protection de l'enfance et d'accompagnement, et aux lieux de protection. Il faut des places, pour que l'on arrête de compter les mesures non exécutées dans tous les départements. Il faut des moyens pour combler le manque de professionnels formés en protection de l'enfance ; il faut des moyens pour combler le manque de familles d'accueil et les difficultés d'accès aux soins. Comment se reconstruire sans accompagnement adapté, sans place en centre médico-psychologique (CMP), sans pédopsychiatre ? Les enfants victimes de violences ou exposés à des violences conjugales présentent des troubles du développement dix à dix-sept fois plus fréquents que les enfants qui grandissent dans un milieu serein et adapté.
Les avancées que nous allons voter aujourd'hui sont évidemment bienvenues, mais clairement insuffisantes au regard du retard que nous avons pris. Vous l'aurez compris, je profite de cette tribune pour souligner que les violences systémiques faites aux enfants nécessitent un vrai plan de lutte, des moyens et une volonté politique de protéger et d'accompagner tous les enfants qui vivent dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.
« Qu'ils étaient doux ces jours de mon enfance
Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
je coulai ma douce existence,
Sans songer au lendemain. […]
Mon cœur encore tendre et novice,
Ne connaissait pas la noirceur,
De la vie en cueillant les fleurs,
Je n'en sentais pas les épines,
Et mes caresses enfantines
Étaient pures et sans aigreurs.
Croyais-je, exempt de toute peine
Que, dans notre vaste univers,
Tous les maux sortis des enfers,
Avaient établi leur domaine ?
Nous sommes loin de l'heureux temps
Règne de Saturne et de Rhée,
Où les vertus, les fléaux des méchants,
Sur la terre étaient adorées,
Car dans ces heureuses contrées
Les hommes étaient des enfants. »
Ces mots sont ceux de Gérard de Nerval, dans ce qui est sans doute l'un des poèmes les plus doux et profonds sur l'enfance. L'enfance, c'est le début de tout. Souvent du meilleur, parfois du pire. Au cœur de tout, il y a l'enfance. Au cœur de l'avenir de chaque être comme de celui de la nation, il y a l'enfance. L'idée que nous aimons nous faire de l'enfance est souvent heureuse. La nostalgie que l'on en tire est souvent celle des temps heureux, sans peines irréparables, comme le dit Gérard de Nerval. Mais l'enfance, c'est parfois aussi le cœur irréparable des traumatismes de demain. Lorsque les violences conjugales frappent, que reste-t-il de l'enfance ? Protéger nos enfants, c'est ce que nous oublions trop souvent face aux violences conjugales et c'est ce que nous allons faire avec la proposition de loi que notre assemblée s'apprête à examiner.
Madame la rapporteure, je veux saluer votre travail et votre engagement constant sur ce texte. La détermination en politique, l'obstination parfois, c'est rude mais cela paye. L'obstination en politique, cela paye toujours. Aujourd'hui, grâce à votre travail, nous allons faire avancer une cause majeure. Depuis quelques années, un chemin a déjà été ouvert. Des avancées importantes ont été obtenues, notamment avec la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, que nous avons défendue et qui a été adoptée ici à l'unanimité. La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a elle aussi permis des avancées.
Quel lien peut-il demeurer entre un enfant et un père qui a commis le pire envers sa femme ? C'est là, au fond, toute la question. Veiller à la protection des plus petits, à ceux qui n'ont pas leur mot à dire car ils ne peuvent tout simplement pas les exprimer, est notre devoir collectif. C'est donc à nous de les aider en agissant. 400 000 enfants vivent dans un foyer au sein duquel s'exercent des violences conjugales. 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles en France. Dans 90 % des cas, l'agresseur est un homme, et dans la moitié des cas, il est un membre de la famille. Votre proposition, madame la rapporteure, renforce les dispositifs juridiques existants en suspendant de plein droit l'exercice de l'autorité parentale du parent poursuivi pour agression, et en le lui retirant de manière systématique en cas de condamnation. Ces mesures sont nécessaires et nous y apporterons notre plein soutien. En commission des lois, des amendements adoptés ont permis la suspension de plein droit dès les premières poursuites pour agression sexuelle incestueuse et crimes commis contre l'enfant ou contre l'autre parent. L'article 378 du code civil sera ainsi réécrit efficacement.
Mais ne devrions-nous pas aller au bout, vraiment au bout, sans hésiter ? L'auteur de violences conjugales n'est jamais un bon père – jamais. Aucune circonstance atténuante ne saurait justifier qu'un homme ayant commis le pire à l'encontre de sa compagne puisse être considéré comme un bon père. Nuancer ce propos, ne serait-ce pas déjà un peu excuser ? Sur un tel sujet, le « en même temps » n'est pas acceptable. Nous avons déposé plusieurs amendements qui, je l'espère, permettront à une majorité d'entre nous d'aller un peu plus loin encore en permettant de retirer non seulement l'exercice de l'autorité parentale, mais aussi l'autorité elle-même. C'est l'autorité parentale qui doit s'effacer quand le pire a été commis. Les principes constitutionnels ont été respectés et le seront par les dispositions que vous avez proposées, madame la rapporteure. Je pense que nous aurons sur ce sujet un débat ; il sera nécessaire et sûrement utile.
Il n'est pas envisageable qu'en cas de condamnation pour un crime commis sur son enfant ou sur l'autre parent, un parent puisse conserver l'autorité parentale. La repentance des bourreaux ne se règle pas sur le dos d'un enfant. Voilà ce que nous vous proposons, madame la rapporteure, chers collègues : accompagner et soutenir ardemment votre démarche, et peut-être aller un peu plus loin.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
C'est avec une certaine émotion que je monte à la tribune : une émotion due à la gravité du sujet, évidemment, mais aussi à la gravité du moment. J'avoue que dans mon cœur résonnent le beau discours d'Hervé Saulignac tout à l'heure et le témoignage de Maxime, le puissant témoignage de Karine Lebon et la détermination de la rapporteure Isabelle Santiago. Mais dans mon corps résonne et sonne aussi la fureur de cette journée. Mes chers collègues, nous sommes parfois capables de travailler ensemble ; nous sommes parfois capables de parvenir à des consensus. Je vous le demande aujourd'hui : dans nos différences, essayons de respecter la démocratie et de nous respecter.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Je le dis pour le milliard d'enfants qui, chaque année, subissent des violences physiques, sexuelles, émotionnelles ou des négligences dans leur vie de tous les jours. Ces enfants, dans notre monde, n'ont pas toujours la chance de vivre en démocratie comme c'est notre cas. Même en France, dans notre belle démocratie, tout n'est pas parfait. C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui.
Le constat est sans appel : selon le dernier rapport de l'Unicef, en 2022, un enfant a été tué par l'un de ses parents tous les cinq jours en France. Les années se suivent et se ressemblent : les violences intrafamiliales sont en constante augmentation dans notre pays. Il est du devoir de la représentation nationale de donner à la loi les moyens de sanctionner ces actes à la hauteur de leur gravité, mais aussi de prévenir leur réitération afin de mieux protéger les enfants et de les extraire d'un environnement nocif. Pour leur bien-être, il peut s'avérer nécessaire de couper, en tout ou partie, les liens avec le ou les parents auteurs de violences. C'est ce qui leur permettra de grandir dans un environnement sain et épanouissant ; c'est ce qui leur permettra de devenir les adultes de demain.
Le groupe Démocrate salue donc la volonté qui est la vôtre, madame la rapporteure, de donner un nouveau cadre à l'autorité parentale et à son exercice. Les législateurs que nous sommes ne peuvent toutefois pas faire l'économie des principes fondamentaux de notre droit, raison pour laquelle notre groupe s'était d'abord montré réservé quant au caractère automatique du retrait. Nous avons cependant été rassurés par les travaux que nous avons menés collectivement, je le redis, et par le consensus trouvé en commission.
Ce travail transpartisan – je remercie la rapporteure et tous les députés qui y ont participé – débouche sur un texte équilibré entre la nécessaire protection de l'enfant et la préservation des relations familiales et des liens d'attachement.
Désormais, l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement seront suspendus de plein droit dès le déclenchement des poursuites par le ministère public dans les cas les plus graves, notamment en cas d'agression sexuelle incestueuse ou de crime commis par un parent sur son enfant.
L'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement seront également suspendus de plein droit lorsqu'un parent sera condamné, même non définitivement, pour violences sur l'autre parent. Le groupe Démocrate défendra un amendement visant à préciser que cette disposition ne s'applique pas dans le cas de violences involontaires, le parent conservant alors toute sa capacité d'exercer correctement son autorité parentale.
Enfin, la condamnation d'un parent pour crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant ou sur la personne de l'autre parent entraînera le retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Le juge pourra donc statuer in concreto et devra motiver sa décision de maintenir un lien entre le parent condamné et l'enfant. L'appréciation des faits par le juge est primordiale pour assurer la meilleure justice qui soit.
Reprenant les mots de la déclaration des droits de l'enfant de 1959, je dirai, pour conclure, que « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être [notre] guide ». Il doit être la considération déterminante de nos réflexions et de nos choix. Soyez assurés que si l'équilibre est maintenu, le groupe Démocrate votera avec enthousiasme en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Christine Pires Beaune applaudit aussi.
« Aie dans les veines le doux lait de ta mère, et le généreux esprit de ton père ; sois bon, sois fort, sois honnête, sois juste ! Et reçois, dans le baiser de ta grand-mère, la bénédiction de ton grand-père. » Ces mots qui ont coulé de la plume de Victor Hugo, comme un testament, nous invitent à méditer sur la beauté des liens familiaux. Liens parfois saccagés par des violences inouïes, où certains vivent un martyre et subissent l'insoutenable. Qu'ils soient adultes ou enfants, tous sont des victimes.
Certains chiffres sont tristement éclairants. En France, près de 400 000 enfants vivent au sein d'une famille où des violences intrafamiliales sévissent. Dans 21,5 % des cas, ils en sont des victimes directes ; dans tous les cas, ils en sont les témoins traumatisés.
Chaque année, 50 000 enfants et adolescents sont victimes de maltraitances, qu'elles soient physiques ou psychologiques, qu'il s'agisse de négligences envers les besoins essentiels, d'abus ou de sollicitations à connotation sexuelle. Pire encore : tous les cinq jours, un enfant meurt victime de violences intrafamiliales.
Les bourreaux sont habituellement des membres de la famille. Dans plus de 95 % des cas, la famille proche est directement impliquée. Certaines études révèlent que les auteurs présumés de maltraitance sur les enfants sont dans 49,9 % des cas les mères, dans 36,4 % des cas les pères et dans 9,1 % des cas les beaux-parents.
Ces chiffres choquent parce qu'ils touchent les plus fragiles, les innocents. Et malheureusement, ces mains levées, ces coups portés, ces agressions sexuelles sont des stigmates pour nos enfants : repli, isolement, agressivité, retards d'apprentissage, échec scolaire, troubles du sommeil et de l'alimentation, tendances suicidaires.
Face à ce constat, il nous faut adapter notre droit, lacunaire ; tout l'enjeu est de le renforcer, grâce au travail de notre collègue Isabelle Santiago.
L'article 1
L'article 2, dans sa version initiale, visait à rendre automatique le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation du parent pour certains crimes et délits. La loi, jusqu'ici, ne prévoyait pas cette mesure de bon sens.
Le travail en commission a permis de renforcer ces dispositifs, avec une nouvelle rédaction des articles, encadrés par quelques garde-fous. Désormais, l'article 1er prévoit que l'autorité parentale, ainsi que les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi, sont suspendus dès lors que celui-ci est poursuivi pour un crime commis sur l'autre parent ou pour une agression sexuelle ou un crime commis sur son enfant. Afin d'éviter tout abus, le parent poursuivi peut saisir le juge aux affaires familiales. La même logique est appliquée au parent qui, par ses violences, a entraîné une ITT de plus de 8 jours du conjoint – une mesure de bon sens, tant on sait que les violences commises sur l'un des parents sont souvent le triste pendant de violences infligées à l'enfant.
La nouvelle rédaction de l'article 2 permet de protéger l'enfant contre un parent complice de violences. Il convient, là aussi, de saluer cette avancée.
Si ce texte va dans le bon sens, nous pourrions encore l'améliorer en prévoyant que le parent dont le conjoint est poursuivi ou condamné pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de l'enfant mineur peut refuser de présenter ce dernier, sans se rendre coupable d'un quelconque délit. Nous sommes nombreux à recueillir les témoignages de parents mortifiés à l'idée de devoir, en cas de garde alternée, confier leur enfant à un ex-conjoint suspecté de violences. Nous ne pouvons ni les ignorer ni les laisser avec leurs craintes. Si cette mesure nécessite d'être encadrée – il n'est pas question ici d'une interdiction à vie –, il me semble important de l'évoquer dans nos travaux.
Quoi qu'il en soit, je voterai bien évidemment le texte en l'état, car les enfants ont le droit – et nous devons le leur garantir – d'être à l'abri de la violence, de l'exploitation ou de la maltraitance.
Applaudissements sur les bancs des groupes RN et LIOT.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Nous démontrons ce soir, et je m'en félicite, que nous pouvons travailler ensemble. Dans une belle démocratie, le débat, c'est toujours mieux que le combat. Nous ne serons pas d'accord sur tout et nous en débattrons. Mais la nécessaire lutte contre les violences faites aux enfants et la volonté de préserver ces derniers font que nos débats sont transpartisans. Nous assistons ce soir à ce que la démocratie peut faire de mieux, un débat dans le respect mutuel.
Mais qu'il me soit permis avec gravité, en ma qualité de garde des sceaux, ministre de la justice, de dire que poser fièrement devant les photographes, ceint de son écharpe tricolore de député, le pied posé sur un ballon à l'effigie macabre du Président de la République et d'Olivier Dussopt, est contraire à la démocratie…
C'est honteux d'en parler maintenant ! Irrespectueux pour les enfants !
…, c'est une ignominie !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Rappels au règlement
Sur le fondement de l'article 70, alinéa 2, madame la présidente. Chers collègues, depuis quelques heures, certains d'entre vous utilisent le mot de délation à mon encontre pour avoir rendu vos votes publics. Je pense que vous confondez délation et transparence, une transparence pourtant garantie par le scrutin public.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RE.
Un paroxysme a été atteint avec la publication ce soir d'un tweet du député Vojetta, où il insinue que mon arrière-grand-père aurait collaboré pendant la seconde guerre mondiale. Je tiens à rétablir ici l'honneur de mon aïeul, résistant, qui, lui, a connu la délation, puisqu'il a été dénoncé, torturé et déporté dans un camp de concentration.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Vives protestations sur les bancs du groupe RE ; plusieurs députés brandissent le règlement.
Je vous demande de mesurer le poids des mots et de leur histoire. Cessez d'utiliser le mot de délation ! Nos débats sont houleux, mais doivent être prudents.
La voix de l'orateur est couverte par les protestations. – Claquements de pupitres sur les bancs du groupe RE.
Cela a été précisé par M. Boyard – il s'agit de l'article 70, alinéa 2. Remettez-vous en cause ma présidence, monsieur le député ? Monsieur Boyard, vous avez la parole.
Exclamations continues sur les bancs du groupe RE.
Un député traite un ancien résistant de collabo, et vous vous indignez quand il s'agit de vos petites personnes ! Vous n'avez aucun respect !
Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sur la tenue des débats, madame la présidente. Monsieur Boyard, nous débattons ce soir d'un sujet très important, les violences intrafamiliales.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Puis-je poursuivre, chers collègues ? Nous devons donner l'exemple, même s'il nous arrive d'être pris de colère, comme cela m'est arrivé récemment en vous voyant créer une fan zone autour d'un homme condamné pour violences conjugales.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Vous nous bassinez ! Asseyez-vous, vous ferez de la psychologie plus tard !
Il ne s'agit pas de vous, monsieur Boyard, il ne s'agit pas de nous, mais de ces enfants à qui nous devons apporter une réponse. Cet hémicycle a montré que nous étions capables de le faire. Par ailleurs, assumez qu'on ne joue pas au football avec la tête d'un ministre !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Sur le fondement de l'article 52, madame la présidente. Je rejoins certains des propos de Mme Thevenot, mais je veux aussi rappeler que le scrutin était public et que ce n'est pas de la délation que d'en communiquer les résultats.
Vives protestations sur les bancs du groupe RE.
La majorité et le ministre n'ont pas à créer une polémique. Je propose que nous reprenions notre calme et que nous en revenions à la proposition de loi de Mme Santiago sur une juste cause, la protection des enfants.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – Vives exclamations sur les bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures dix-huit.
Rappel au règlement
La parole est à M. Stéphane Vojetta – pour répondre aux rappels au règlement, j'imagine.
Je prends la parole dans un esprit d'apaisement. Je reconnais avoir écrit les mots qui me sont reprochés ; ils ont dépassé ma pensée et j'ai retiré le tweet qui concernait nos grands-parents respectifs. C'était un mauvais trait d'humour.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
J'ai expliqué à M. Boyard le fond de ma pensée : « délation » n'était sans doute pas le mot juste, il aurait plutôt fallu parler d'incitation et d'usage d'un instrument d'incitation au harcèlement en ligne et à la violence en ligne.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.– Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
M. Boyard a été maladroit dans sa démarche tout comme je l'ai été. J'espère que nous pourrons en rester là et reprendre le cours de nos débats sur ce texte important.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er . La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
La proposition de loi dont nous discutons est importante. Elle vise à envoyer un message clair aux enfants victimes de violences intrafamiliales : la société les protégera contre les adultes violents et les écoutera en leur témoignant du respect.
Il y a aussi une bataille culturelle à mener en ce domaine. Elle consiste déjà à ne pas applaudir des personnes condamnées pour violences intrafamiliales.
Mme Karine Lebon applaudit.
L'adoption de cette proposition de loi serait une grande avancée, car elle apporterait une protection indispensable à ces êtres vulnérables que sont les enfants ; mais il importe aussi que l'institution judiciaire évolue et reconnaisse mieux les violences intrafamiliales. Les non-lieux et les classements sans suite sont encore trop nombreux.
Ce texte constitue une première étape. Elle ne suffira pas. Et je vous regarde, monsieur le garde des sceaux : vous avez aussi du travail à faire pour protéger les plus vulnérables de ces violences.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Ah oui, j'ai besoin de vous !
Toute violence intrafamiliale est une violence faite aux enfants ; ils en sont donc les victimes. La déclaration de Genève sur les droits de l'enfant de 1924 dit clairement que l'humanité doit donner à l'enfance ce qu'elle a de meilleur.
En matière de lutte contre les violences familiales, nous avons obtenu lors de la précédente législature des avancées notables, qui ont notamment facilité la suspension de l'autorité parentale en cas de poursuites. La présente proposition de loi nous permet d'aller encore plus loin. L'une des grandes difficultés est d'évaluer l'impact qu'ont ces violences sur l'enfant, qu'il ait assisté directement aux faits, qu'il ait entendu ou qu'il ait vu des séquelles sur le parent victime. Combien d'enfants sont traumatisés par leurs cicatrices ? Laisser l'enfant sous l'emprise de l'auteur de ces actes de violence ne peut qu'amplifier son traumatisme. L'amendement que notre collègue Béatrice Descamps défendra à l'article 1er tend à améliorer la protection de ces petites victimes. Comme le disait Nelson Mandela : « nous devons à nos enfants une vie sans violence et sans peur ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
La protection de l'enfance est un enjeu d'importance, qui tient particulièrement à cœur aux députés du Rassemblement national. Marine Le Pen lui avait d'ailleurs consacré un livret spécifique lors de la campagne présidentielle. Nous saluons la volonté des signataires de cette proposition de loi de remédier aux insuffisances de notre droit en matière de suspension de l'autorité parentale, sanction plus que nécessaire pour protéger les enfants ayant un parent violent.
Le droit existant est défaillant. Tout d'abord, il exclut la suspension de l'autorité parentale en raison de violences contre l'autre parent, puisqu'à ce jour, il concerne uniquement les crimes et non les délits. Par ailleurs, rien n'est prévu pour les viols ou agressions sexuelles contre l'enfant. La suspension ne peut être prononcée qu'en cas de crimes commis contre l'autre parent, et non pas de crimes commis contre l'enfant. C'est pourquoi nous sommes favorables au premier alinéa de la nouvelle rédaction proposée pour l'article 378-2 du code civil, qui élargit la suspension aux cas d'agressions sexuelles incestueuses et de crimes commis sur la personne de l'enfant.
Toutefois, nous sommes défavorables à la rédaction proposée pour l'alinéa 2 de ce même article. Nous considérons bien sûr que la sanction de suspension de l'autorité parentale doit pouvoir être prononcée dans le cas de violences commises sur l'autre parent, mais nous estimons que la condition posée, à savoir que l'enfant ait assisté aux faits, est trop limitative. Cela exclurait les cas où l'enfant est dans une pièce contiguë, ce qui ne l'empêche pas de subir les conséquences d'une scène de violence. En outre, nous craignons que les preuves ne soient difficiles à produire pour le cas de jeunes enfants, dans l'incapacité de témoigner.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Faites attention avec votre cravate, vous allez être mal vu par votre groupe !
Les violences intrafamiliales dont les enfants sont victimes ou covictimes revêtent un caractère massif et systémique. Notre société peine malheureusement à la fois à reconnaître leur gravité et plus encore à protéger les enfants. Cela se reflète dans l'état actuel de notre droit : un parent auteur de violences, poursuivi, mis en examen, condamné, peut conserver l'autorité parentale et la mettre à profit pour continuer à exercer des violences contre son enfant et contre l'autre parent. C'est ce problème que ce texte entend prendre en compte en proposant des solutions qui permettront, au moins partiellement, de le régler, ce qui est une bonne chose.
L'article 1er , en élargissant les conditions de suspension ou de retrait de l'autorité parentale, permettra de protéger davantage d'enfants et de femmes victimes de violences. Nous saluons le compromis trouvé en commission pour sa rédaction, qui respecte les principes de l'État de droit tout en mettant en avant l'intérêt supérieur de l'enfant, qui doit évidemment nous guider dans ce genre de discussion.
Nous sommes tous sincères, je n'en doute pas, dans notre volonté de combattre les violences dont les enfants sont victimes. Il nous faut toutefois bien mesurer l'ambition attachée à cet engagement : c'est une véritable révolution anthropologique qu'elle appelle en vue d'éradiquer ces violences.
Cela nécessite de consacrer des moyens supplémentaires, notamment aux tribunaux, à l'aide sociale à l'enfance, à la police judiciaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.
En 2021, près de 400 000 enfants en France étaient exposés au sein de leur foyer à des violences intrafamiliales, et dans plus de 21 % des cas, ils en ont été directement les victimes. Cette situation nous oblige, et c'est d'ailleurs pourquoi notre groupe Les Républicains a agi à travers les textes défendus par notre collègue Aurélien Pradié.
Les avancées sont donc réelles, et si elles sont possibles, c'est aussi grâce au soutien de la représentation nationale. Nous le voyons à chaque fois que nous traitons de ce sujet, il est possible de travailler ensemble pour le bien commun. Nous avons même dû faire face au Gouvernement l'année dernière quand il a fallu voter en faveur de la création d'une juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales.
La proposition de loi que nous examinons constitue une avancée supplémentaire, notamment à travers son article 1er . En reconnaissant l'extension du mécanisme de suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement au viol incestueux, aux agressions sexuelles incestueuses et à tous les crimes commis sur l'enfant, nous faisons un grand pas en avant.
Protéger l'enfant de ce qu'il voit est aussi primordial. C'est pourquoi la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement lorsque le parent est condamné, même non définitivement, pour des faits de violences commis sur l'autre parent, en présence de l'enfant, ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, est nécessaire.
La sécurité des enfants et des familles est une priorité pour chacun d'entre nous. Nous ne saurions nous contenter de constater les faits et de nous en alarmer. En tant que législateurs, nous avons le pouvoir et le devoir d'agir ensemble. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous en venons aux amendements à l'article.
La parole est à Mme la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 45 .
Il vise à préciser qu'en cas de décision de non-lieu prononcée par le juge d'instruction, la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement ne s'applique plus. Cette précision ne figurait pas dans la rédaction initiale du texte.
L'amendement n° 45 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui supprime, à l'alinéa 2 de l'article 1er , la mention « expresse », qui apportait une confusion et n'avait plus lieu d'être.
L'amendement n° 43 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 37 .
Le crime commis sur l'autre parent, le crime ou les faits d'inceste par viol ou agression sexuelle commis sur l'enfant, sont des actes d'une gravité telle qu'ils justifient la suspension de plein droit, c'est-à-dire hors office du juge, de l'exercice de l'autorité parentale et des droits afférents du parent poursuivi ou condamné.
En revanche, les faits de violences provoquant une ITT de plus de huit jours, y compris lorsque l'enfant a assisté aux faits, exercés contre l'autre parent, ne peuvent être placés sur le même plan. Dès lors, la suspension de l'exercice de l'autorité parentale et des droits afférents doit être laissée à l'appréciation du juge.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
La suspension provisoire de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement pour le parent condamné pour violences conjugales est une avancée réelle dans la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales. Nous nous opposons donc à votre amendement, qui vise à supprimer l'alinéa 3.
Je rappelle d'ailleurs qu'il y a une différence entre la suspension provisoire pour violences conjugales, qui s'applique après la condamnation, et la suspension pour crime commis sur l'enfant ou l'autre parent, qui s'applique dès les poursuites. Avis défavorable.
Je suis défavorable à votre amendement : un compromis équilibré a été trouvé, puisque le texte exige une ITT supérieure à huit jours et des faits commis devant les enfants.
Par ailleurs, vous avez indiqué tout à l'heure, madame Lorho, qu'il n'était pas possible que nous recrutions 1 500 magistrats. Sachez que ce chiffre ne résulte pas d'un caprice ministériel, mais de la réflexion menée lors des états généraux de la justice, au cours desquels tous les professionnels de la justice ont été entendus. Depuis, je me rends dans les juridictions – j'en ai déjà visité cinq – afin d'expliciter le plus précisément possible les conclusions de ces états généraux.
Ensuite, je voudrais rappeler que Mme Le Pen proposait de porter le nombre de magistrats à 9 000, alors que nous avions déjà dépassé ce chiffre depuis belle lurette ! Puis, prise par je ne sais quel mouvement inflationniste, elle a proposé 18 000 magistrats. Il est donc curieux d'entendre votre scepticisme quant au recrutement de 1 500 magistrats, chiffre résultant des états généraux, alors que vous-mêmes en proposez toujours 18 000, que l'on ne saurait d'ailleurs même pas où loger. Je tenais à apporter cette précision. Il faut être précis lorsque l'on parle de justice. Les annonces, c'est bien gentil, mais la faisabilité, c'est autre chose !
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Je souhaiterais exprimer quelques réserves sur ce texte, même si ses intentions sont bonnes et que j'y adhère. Parler de suspension de plein droit de l'autorité parentale m'apparaît quelque peu dangereux et sujet à dérive. En effet, imaginons qu'un parent se serve de son enfant, dans le cadre d'une séparation, comme d'une arme de destruction massive et qu'il dépose plainte contre l'autre parent, devenant ainsi un parent accusateur. Le parquet engagera alors quasiment automatiquement des poursuites, et durant le temps de l'enquête, le parent accusé de violences se verra retirer de plein droit son autorité parentale. Imaginons un instant que les accusations portées ne soient pas conformes à la réalité. Durant le temps de la procédure jusqu'au rendu de la décision judiciaire, l'enfant aura été privé de son autre parent et se sera trouvé « à la merci » du parent accusateur ; on se sera ainsi servi de lui comme d'un instrument de chantage, et l'on aura renforcé le conflit de loyauté, qui est très destructeur et conduit à ce que l'enfant soit déchiré entre ses parents. Pratiquant le droit de la famille depuis plus de trente ans, j'ai eu amplement l'occasion de rencontrer ce type de situations, sur lesquelles je voulais vous alerter.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je souhaite réagir aux propos qui viennent d'être tenus. Certes, les fausses accusations existent, mais elles sont très marginales. Et au nom de cette infime partie, nous refuserions de protéger des enfants ? Il nous faut choisir le moindre mal ; le moindre mal, c'est de protéger le plus grand nombre d'enfants possible. Ne nous cherchons pas d'excuses, trouvons plutôt des moyens !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Étant donné que vous avez été très succincte, madame Lebon, je donne la parole à M. Éric Poulliat, qui s'est engagé à l'être également.
Les réserves qui viennent d'être émises par notre collègue Caroline Yadan ont en réalité été levées, notamment grâce à l'amendement déposé précédemment par la rapporteure, qui vise à restaurer l'autorité parentale en cas de non-lieu. Le travail mené en commission des lois à ce sujet a permis de border précisément le texte et il n'y a donc pas de réserves à avoir. Il vaut mieux, en effet, protéger d'abord les enfants. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 37 n'est pas adopté.
Cet amendement rédactionnel vise à préciser que ce sont uniquement les violences volontaires qui sont visées. En effet, il est nécessaire d'exclure de ce dispositif les violences involontaires, qui ne préjugent en rien de la capacité – ou non – d'un auteur à s'occuper de son enfant et à exercer correctement son autorité parentale. Certes, la référence à une incapacité de travail de plus de huit jours fixe le seuil permettant de qualifier les violences volontaires de délit, mais il est préférable d'apporter cette précision dans le texte afin d'éviter toute mauvaise interprétation.
L'amendement n° 17 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Il nous semble important de ne pas mélanger toutes les formes de violences, même si aucune n'est acceptable en soi. Toutefois, nous ne pouvons comparer un acte de violence isolé et des actes de violence habituels sur l'autre conjoint. La suspension de l'exercice de l'autorité parentale, sans décision du juge, à la suite d'un fait de violence isolé nous paraît contraire aux grands principes du droit français, compte tenu des conséquences qu'elle entraîne. En effet, elle est aussi grave pour le parent que pour l'enfant. Il convient par conséquent d'en mesurer la portée.
En revanche, les actes de violence sur l'autre conjoint, lorsqu'ils sont habituels et réguliers, créent un environnement conflictuel et dangereux qui nuit à l'équilibre et au développement de l'enfant. De tels actes doivent être considérés comme contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant ; les conséquences sont pour lui tellement graves qu'elles justifient une suspension automatique, sans appréciation judiciaire, de l'exercice de l'autorité parentale du parent poursuivi.
Enfin, la condition selon laquelle l'enfant doit avoir assisté aux faits ne nous semble pas opportune. En effet, l'enfant n'a pas besoin d'être témoin oculaire ou auditif des scènes de violence entre ses parents pour en être atteint d'un point de vue psychique. En outre, cette condition se heurterait à des difficultés probatoires : comment établir la présence de l'enfant lors des violences lorsqu'il n'a pas encore atteint l'âge de s'exprimer clairement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Vous abordez plusieurs points auxquels nous avons déjà longuement réfléchi. Comme je l'ai rappelé dans mon intervention, la rédaction de ce texte résulte d'un subtil équilibre. Nous estimons par ailleurs qu'il est nécessaire de faire vivre cette mesure – si elle est adoptée – et de l'évaluer avant de l'élargir. Je rappelle également que le droit permet déjà au juge de suspendre ou de retirer l'exercice de l'autorité parentale en cas de violences conjugales, avant la condamnation s'il est saisi par un parent ou par le procureur de la République, si une ordonnance de protection a été délivrée – actuellement, presque 92 % d'entre elles concernent des femmes et des enfants – et si le parent est placé sous contrôle judiciaire, et après la condamnation. Pour toutes ces raisons, ce sera une demande de retrait ou un avis défavorable.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Je veux saluer le travail de la rapporteure, Mme Isabelle Santiago ; son engagement sur ces sujets est constant. J'aimerais aussi revenir sur les propos de notre collègue Caroline Yadan et sur la réponse de Karine Lebon. Contrairement à ce qu'a dit cette dernière, les hypothèses évoquées par Mme Yadan ne sont pas rares. De nombreuses procédures aboutissent à un non-lieu ou à une relaxe par le tribunal correctionnel, voire à un acquittement prononcé par une cour d'assises. Gardons à l'esprit que dans certaines situations, des pères – ce sont le plus souvent eux qui sont concernés – seront éloignés de leur enfant par des décisions de suspension de l'autorité parentale désormais automatiques, avec un droit de visite et d'hébergement réservé, et cela pendant de longues périodes, puisqu'une instruction judiciaire peut durer plusieurs années. Pendant ce temps, l'enfant sera privé de tout contact avec son père. Si une décision de relaxe, de non-lieu ou d'acquittement est finalement prononcée, il faudra également beaucoup de temps, parfois plusieurs mois ou plusieurs années, pour renouer des liens entre l'enfant et le père.
Nous souscrivons bien sûr à la volonté d'aller plus loin et de protéger plus avant les enfants, mais soyons conscients que certaines situations pourront conduire à écarter un père de famille pendant de longues années et qu'il sera très difficile ensuite de rétablir le lien entre le père et son enfant. Je salue, pour ma part, les avancées de cette proposition de loi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
La décision de suspension de l'exercice de l'autorité parentale – il ne s'agit pas de retrait – ne se fera pas de manière automatique, n'ayons pas d'illusion à ce propos : le magistrat prendra la décision après avoir évalué la situation. L'automaticité que la rapporteure a souhaité instaurer dans la proposition de loi n'est pas mécanique – ce ne serait naturellement pas constitutionnel. Ne faisons pas croire à qui que ce soit qu'en cas de poursuites, il y aurait nécessairement une suspension de l'exercice de l'autorité parentale.
J'ajouterai une remarque : si l'idée même de suspendre, voire de retirer l'exercice de l'autorité parentale aux hommes ayant commis des actes très graves, y compris un crime, à l'encontre des femmes ou des mères de famille a mis tant de temps à émerger, c'est précisément parce que des discours de ce type ont prospéré. Disons-le clairement : il y avait, en définitive, trop d'erreurs ou trop de situations où nous nous cherchions des excuses pour éviter d'avancer.
De la même manière, il me paraît absolument insupportable d'entendre qu'il existerait une différence entre des violences habituelles et répétées, et des violences inhabituelles. De nombreuses femmes sont mortes sous les coups de premières violences : il n'a pas été besoin que les actes se répètent. La première violence suffit souvent à faire le plus grand mal, voire à tuer.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN et LIOT.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je retire de nos discussions qu'un consensus se dégage pour adopter cette proposition de loi ; or il nous reste une heure et dix minutes de débat avant que la séance ne lève à minuit. Sachant que le texte est inscrit à l'ordre du jour du Sénat le 21 mars, nous avons intérêt à avancer plus vite si nous voulons examiner les quarante amendements qui nous séparent du vote. J'invite chacun à la modération, puisqu'un accord semble désormais acquis.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, HOR et LIOT.
L'amendement n° 38 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 5 .
Il vise à supprimer la condition liée à la présence de l'enfant au moment des violences conjugales, pour justifier la suspension de l'autorité parentale en cas de condamnation pour violences ayant entraîné plus de huit jours d'ITT. Cette condition de présence ne nous paraît pas justifiée : un enfant peut être traumatisé de voir sa mère gravement blessée, même sans avoir assisté aux faits.
Par ailleurs, cette rédaction est susceptible de poser des difficultés d'appréciation : comment interpréter la condition selon laquelle « l'enfant a assisté aux faits » ? Doit-il avoir directement vu les violences ? La condition est-elle tout de même remplie lorsque l'enfant a simplement entendu les violences derrière une porte ? Le sens de notre action doit nous conduire à supprimer une telle condition : nous visons avant tout la protection des enfants victimes de violences intrafamiliales. N'oublions pas l'intérêt suprême de tous les enfants. Notre collègue Hervé Saulignac l'a souligné tout à l'heure : un enfant peut être traumatisé à jamais par des cris et par la vision des blessures d'un parent. Sa peur peut rester gravée en lui à jamais.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.
Défavorable.
Les députés du groupe La France insoumise – NUPES sont favorables à cet amendement et le voteront. En effet, comme l'a expliqué Mme Descamps, un enfant placé au sein d'un foyer violent est une covictime de la violence conjugale.
L'amendement n° 5 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Peut-être aurez-vous une écoute bienveillante pour cet amendement, qui propose une voie de repli par rapport à celui de Mme Descamps. L'alinéa 3 de l'article 1er évoque la suspension de plein droit de l'autorité parentale en cas de violence sur l'autre parent, lorsque l'enfant a assisté aux faits. Mme Descamps vient de proposer que nous supprimions cette dernière condition.
Je vous soumets pour ma part une rédaction légèrement différente, dans laquelle l'enfant aurait vu ou entendu les faits. Nous devons appréhender le traumatisme d'un enfant qui n'a pas nécessairement assisté à la scène de violence, mais qui n'en est pas moins traumatisé – parfois même, il est davantage traumatisé quand il n'assiste pas à la scène, car le fait d'entendre sans voir peut nourrir un imaginaire de façon plus cruelle encore que la seule vision des faits.
Les enfants ne sont jamais passifs face à la violence conjugale. De nombreuses études montrent qu'ils cherchent souvent à évaluer le rôle qu'ils s'imaginent avoir pu jouer dans la violence, comme si la responsabilité leur en incombait. Je le répète : le fait d'entendre sans voir peut exacerber leur perception de la violence. C'est pourquoi je propose une rédaction différente de l'alinéa 3 de l'article 1er .
Défavorable.
Il faut se lever quand on répond à la représentation nationale, monsieur le ministre !
Vous n'êtes pas l'article des élégances, cela se saurait !
Il est de ma responsabilité de femme politique d'intervenir sur l'article 1er et de répondre à M. Pradié.
Votre intervention porte-t-elle sur l'amendement n° 26 , amendement qui modifie l'alinéa 3 de l'article 1er ?
Oui, mais je souhaite faire la distinction entre la suspension de plein droit…
Le débat ne porte pas sur ce sujet. Nous examinons un texte dans le cadre d'une niche, madame la députée, et je me dois de suivre le règlement pour ne pas perdre de temps. Voulez-vous parler de l'alinéa 3 ?
Je veux parler de l'alinéa 3 si vous me laissez m'expliquer, madame la présidente. Je le répète : quand il est question de suspension de l'autorité parentale de plein droit – c'est-à-dire quasiment automatique –, on ne parle pas de condamnation judiciaire, on fait fi…
Merci, madame la députée. Votre intervention ne porte pas sur la modification de l'alinéa 3 proposée par l'amendement.
L'amendement n° 26 n'est pas adopté.
L'article 1er , amendé, est adopté.
Le fait qu'un parent qui est condamné pour viol ou pour agression sexuelle sur son enfant ne se voie pas retirer automatiquement l'autorité parentale ou le droit d'exercice de celle-ci apparaît comme un véritable manque de protection juridique des mineurs. Nous pouvons légitimement nous demander pourquoi aucune mesure n'a été proposée jusqu'à présent pour y remédier.
Il en va de même pour les crimes commis sur un autre parent au sein du foyer : une personne qui a commis un acte criminel envers son conjoint ou sa conjointe est dangereuse, et présente un risque tant physique que psychologique pour l'enfant. L'article 2, tel qu'il a été modifié lors des débats en commission, permet de créer un réel outil de protection des mineurs. Les députés du groupe Rassemblement national y sont donc favorables.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je suis saisie de trois amendements, n° 28 , 6 et 30 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 6 et 30 sont identiques.
Les amendements n° 28 de M. Aurélien Pradié et 6 de Mme Béatrice Descamps sont défendus.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir l'amendement n° 30 .
Je défendrai également les amendements n° 29 et 20 . Il s'agit de savoir si le parent condamné pour violence doit se voir retirer totalement l'autorité parentale et/ou l'exercice de l'autorité parentale – car ce sont des notions différentes. Je sais que la commission a longuement débattu de ce sujet, mais je crains que la solution du « ou », qui a été retenue, ne soit pas suffisante. La solution du « et » est préférable, tandis que celle du « à défaut », que Mme la rapporteure proposera dans un amendement ultérieur, ne me semble guère changer les choses.
M. le garde des sceaux a évoqué la distinction entre l'exercice de l'autorité parentale et sa détention pleine. Prenons l'exemple d'un homme emprisonné pour avoir assassiné sa femme. Si son enfant doit subir une opération chirurgicale ou effectuer un choix d'orientation scolaire – ou franchir toute autre grande étape de sa vie –, ce mari, qui a assassiné sa femme, devra en être informé en tant que détenteur de l'autorité parentale. Dans certains cas, cela peut mettre en danger la sécurité de l'enfant – ou de sa mère, si elle est toujours en vie : je pense notamment à l'inscription de l'enfant dans un établissement scolaire, au sujet de laquelle le père – qui a été bourreau – serait en droit de réclamer des informations. Nous avons déjà débattu de ce sujet à l'occasion de l'examen d'autres textes ; il soulève des questions de principe, mais renvoie également à la sécurité des femmes qui survivent, car les informations délivrées à leur conjoint peuvent les mettre en danger.
Dans ces cas graves, les députés du groupe Les Républicains sont favorables au retrait de l'exercice de l'autorité parentale, mais aussi de sa détention, car celle-ci permet à l'auteur des violences d'accéder à des informations capitales. Le sujet est certes compliqué, mais il me semble indispensable d'aller jusqu'au bout : en d'autres termes, nous proposons de passer du « ou » au « et ».
Nous avons beaucoup travaillé sur la question du retrait de l'autorité parentale et de son exercice. Pour des raisons de constitutionnalité, nous sommes obligés de prévoir que le juge se prononce en priorité sur le retrait de l'autorité parentale, ou à défaut sur le retrait de l'exercice de cette autorité – je soutiendrai un amendement en ce sens. Nous devons laisser au juge la capacité de prendre une décision motivée, dont il devra s'expliquer. La rédaction que nous proposons nous paraît équilibrée : plus qu'un premier pas, elle constitue une grande avancée. Avis défavorable.
J'apprécie que vous vous leviez, monsieur le garde des sceaux, mais évitez de tourner le dos à la représentation nationale !
Sourires.
Il me manque un conseiller parlementaire, monsieur Pradié ; si vous avez un peu de temps à perdre, venez donc me prodiguer vos conseils d'élégance – cette élégance dont vous êtes l'arbitre !
Sourires.
Dans l'exemple que vous citez, le juge peut prononcer un retrait : tout est question d'équilibre. Il faut laisser au juge le soin d'apprécier la situation. Faisons confiance aux juges – c'est un excellent conseil que je me permets de vous adresser, si vous en acceptez l'augure. Avis défavorable.
L'amendement n° 28 n'est pas adopté.
Dans la lignée des amendements de M. Pradié, il reprend l'une des recommandations de la Ciivise.
Nous souhaitons supprimer la possibilité de choisir entre le retrait de l'autorité parentale ou celui de l'exercice de l'autorité parentale, d'autant que certaines garanties existent que M. le ministre a évoquées : le juge peut déroger au retrait en prenant une décision spécialement motivée, et le droit prévoit une procédure de restitution de l'autorité parentale qui peut être sollicitée un an après la condamnation. Mauruuru – merci !
L'amendement n° 29 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous en parlais. Afin de sécuriser l'alternative prévue à l'alinéa 2, dont nous débattons depuis quelques instants, il s'agit d'insérer les mots « à défaut » après la première occurrence du mot « ou ».
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 48 est adopté.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 de la proposition de loi pourrait conduire à ce qu'un parent condamné au pénal pour avoir commis une agression sexuelle incestueuse envers l'enfant se voie seulement retirer l'exercice de l'autorité parentale, sans cesser d'en être titulaire. Ce n'est pas une solution acceptable. Cet amendement vise à pallier cette faille, tout en maintenant la possibilité, prévue dans la rédaction actuelle, d'un choix entre retrait de l'autorité ou retrait de son exercice en cas de crime contre l'autre parent.
L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est de nouveau à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l'amendement n° 7 .
Cet amendement d'appel vise à obtenir des éclaircissements quant à la mise en œuvre actuelle de l'article 378 du code civil, relatif au retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation pénale.
Un titre de la circulaire du 28 janvier 2020, relative à la présentation des dispositions de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, est consacré aux dispositions relatives à l'autorité pénale. La circulaire indique notamment que dans certains dossiers, le juge pénal, bien qu'amené à se prononcer sur un crime commis par un parent contre l'autre, a la faculté, mais non l'obligation, de statuer sur le retrait de l'autorité parentale. Il est par ailleurs précisé : « Il existe en effet des hypothèses, peu fréquentes, de crimes commis sur l'autre parent, non visés dans la liste du point 1, pour lesquels la cour d'assises n'aura qu'une faculté de se prononcer sur le retrait de l'exercice de l'autorité parentale (ex : séquestration criminelle). » Cette interprétation du droit semble contra legem : le législateur n'a aucunement entendu exclure la séquestration criminelle des crimes visés à l'article 378 du code civil pour lesquels le juge pénal est dans l'obligation de se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale.
Je souhaite obtenir des éclaircissements, tant sur le droit actuel que sur la nouvelle rédaction promue par la proposition de loi. Concrètement, le cas de séquestration d'un parent par l'autre est-il inclus dans le dispositif ? Par ailleurs, pouvez-vous vous engager, monsieur le garde des sceaux, à ce que la prochaine circulaire précise que tous les crimes contre l'autre parent ou l'enfant, y compris la séquestration, emportent obligation pour le juge pénal de se prononcer sur l'autorité parentale ?
Chers collègues, je vous signale que vos discussions en aparté commencent à couvrir la voix des orateurs, ce qui complique le suivi des débats.
Quel est l'avis de la commission ?
Demande de retrait. La navette parlementaire pourra conduire à une coordination du code pénal sur ce point.
Je vous propose de retirer votre amendement et de travailler ensemble à cette proposition. Vous avez raison : il faut continuer à s'améliorer, et le travail de coconstruction ne s'arrêtera pas ce soir.
Je le retire d'autant plus volontiers qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Je vous remercie pour votre réponse et pour votre invitation à un travail commun.
L'amendement n° 7 est retiré.
Sur les amendements n° 35 et identiques, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'article 2, amendé, est adopté.
Parce qu'il s'agit d'un amendement collectif issu notamment du travail de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des enfants, je laisse Mme Dubré-Chirat, auteur du rapport d'information rédigé au nom de cette délégation sur la proposition de loi, présenter son amendement identique.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Il introduit à l'alinéa 2 de l'article 377 du code civil un nouveau cas de délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale : le cas où un parent, seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale, est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d'instruction ou condamné pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis envers son enfant.
Il s'agit, lorsque l'autre parent s'est vu retirer l'autorité parentale, est décédé, ou que le lien de filiation n'est pas établi à son égard, de permettre au tiers délégataire qui accueille l'enfant de prendre toutes les décisions nécessaires à l'organisation de la vie de ce dernier, sans obtenir l'autorisation du parent poursuivi ou condamné.
Ce dispositif vise tous les crimes commis sur l'enfant, car il n'y a pas lieu d'établir une hiérarchie des crimes dont un enfant peut être victime. Il est précisé que les poursuites doivent émaner du procureur de la République ou du juge d'instruction, afin d'exclure la constitution de partie civile ou la citation directe abusive par l'autre parent dans un contexte de différend familial.
Nous proposons en outre de modifier la présentation de alinéa 2 de l'article 377 du code civil, afin de le rendre plus aisément compréhensible.
L'amendement n° 47 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback est défendu.
Les sous-amendements rédactionnels n° 57 et 58 de Mme la rapporteure sont défendus.
Chers collègues, vous êtes tous d'accord : le scrutin public a été annoncé il y a cinq minutes ?
Approbations sur tous les bancs.
Le sous-amendement n° 57 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
D'après l'écran d'affichage, il devait être voté par scrutin public !
Vous comprenez maintenant l'importance d'écouter mes annonces sans faire de bruit : le scrutin public concerne les amendements, pas les sous-amendements. Ne suivez pas l'écran, suivez la présidente !
Sourires et applaudissements sur divers bancs.
Le sous-amendement n° 58 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 216
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 216
Contre 0
Applaudissements sur de nombreux bancs.
L'amendement n° 39 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 41 .
L'alinéa 6 de l'article 3 donne à la juridiction de jugement la faculté de statuer sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice sur l'ensemble des enfants mineurs d'un parent condamné pour un crime commis contre son enfant ou contre l'autre parent. Par cet amendement, nous proposons de lui accorder, dans les mêmes circonstances, la faculté de statuer sur le retrait de l'autorité parentale – ou de son exercice – dont dispose sur d'autres enfants que les siens un tiers délégataire.
Ce sujet n'entre pas dans le champ du texte, même s'il est intéressant. Demande de retrait.
L'amendement n° 41 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 40 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 42 .
L'alinéa 14 donne à la juridiction de jugement la faculté de statuer sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice sur l'ensemble des enfants mineurs d'un parent condamné pour un crime commis contre son enfant ou contre l'autre parent. Par cet amendement, nous proposons de lui accorder également la faculté de statuer sur le retrait de l'autorité parentale – ou de son exercice – dont dispose sur d'autres enfants que les siens un tiers délégataire, dans le cas où ce tiers délégataire est condamné pour un crime commis sur son enfant ou sur l'autre parent.
L'amendement n° 42 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, n° 51 et 3 , portant article additionnel après l'article 3, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l'amendement n° 51 .
Comme les autres amendements que je défendrai, il vise à consolider les outils de protection des enfants. En effet, les prérogatives du procureur de la République en la matière doivent être renforcées pour lui permettre de jouer un rôle de coordination permettant de prévenir au mieux et au plus tôt la réitération des faits.
L'amendement tend donc à traiter dès que possible les risques de violences en systématisant la procédure. Pour ce faire, nous proposons de modifier le code de procédure pénale de sorte que le procureur de la République, lors du dépôt d'une plainte relative à des violences intrafamiliales, convoque sans délai une audience devant le juge aux affaires familiales (JAF), afin de déterminer s'il y a matière à suspendre, le temps de la procédure pénale, l'autorité parentale ainsi que les droits de visite et d'hébergement du parent mis en cause.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement n° 3 .
Cet amendement, dont M. Christophe Naegelen est le premier signataire, va le même sens que celui qui vient d'être défendu. Il précise que le JAF se trouve dans l'obligation de statuer dans un délai de six jours, afin de s'assurer que, si des mesures de protection s'imposent, elles soient ordonnées le plus rapidement possible.
Défavorable. Je rappelle qu'en la matière, l'ordonnance de protection obtient d'excellents résultats : elle conduit dans 80 % des cas à l'attribution de l'exercice exclusif de l'autorité parentale au parent qui le demande – généralement la mère.
Alors que nous tâchons d'accorder davantage de moyens à la justice et de simplifier les procédures, espérant ainsi alléger la tâche des magistrats, des greffiers ou encore des agents administratifs, les dispositions proposées provoqueraient une embolie complète des juridictions. Je ne peux donc qu'y être défavorable. J'approuve par ailleurs le rappel opportun que vient de faire Mme la rapporteure.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l'amendement n° 50 .
Dès lors que les deux parents ou un parent sont mis en cause, il est primordial qu'un enfant exposé à des violences intrafamiliales soit en sécurité tout au long de la procédure pénale. Si la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales permet la suspension du droit de visite et d'hébergement, elle ne prend en considération ni la double suspension, ni le souhait et la parole de l'enfant. Or nous considérons que la parole et la volonté de l'enfant doivent être recueillies tout au long de la procédure pénale : lorsqu'un ou les deux parents sont susceptibles d'être reconnus coupables, le code civil doit permettre à l'enfant capable de discernement d'indiquer dans quelles conditions il souhaite vivre pendant l'instruction.
Nous proposons donc de modifier à cet effet l'article 375-3 du code civil et de faire en sorte que l'enfant mineur soit hébergé en priorité dans un cadre familial ou de confiance, si les conditions le permettent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
L'amendement est satisfait puisque l'enfant peut déjà demander un placement au juge. Avis défavorable.
Même avis : les articles 375-2 et 375-3 du code civil règlent déjà cette question importante.
L'amendement n° 50 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 46 .
La condamnation comme auteur, coauteur ou complice d'une agression sexuelle, d'un crime ou d'un délit commis sur son enfant, ou d'un crime ou d'un délit commis par son enfant, est susceptible de justifier le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou de son exercice. Il doit en aller de même lorsque la personne condamnée est un tiers délégataire de l'autorité parentale ou de son exercice.
Applaudissements sur les bancs du RN.
L'amendement n° 46 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 44 .
Lorsque des infractions ou des crimes commis sur son enfant lui sont reprochés, le parent condamné doit également se voir retirer totalement l'autorité parentale ou celle qui est exercée sur d'autres enfants en tant que tiers délégataire. En effet, la personne mise en cause est tout aussi inapte à exercer l'autorité parentale sur ses propres enfants que sur ceux qui ont pu lui être confiés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'amendement n° 44 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à étendre le champ de l'ordonnance de protection lorsque les violences d'un parent contre un ou plusieurs enfants ne sont pas commises au sein du couple.
En l'état, l'ordonnance de protection ne concerne que les violences commises au sein du couple.
Je m'explique rapidement : les enfants qui sont victimes de violences à l'occasion de l'exercice du droit et d'hébergement ne sont pas couverts par l'ordonnance de protection qui permet aujourd'hui d'agir rapidement puisqu'on peut obtenir une décision en six jours. En dehors de ce dispositif, il faut recourir au référé, mais, vu l'engorgement des juridictions, il n'est pas possible d'obtenir une décision avant au moins deux mois, même dans les juridictions où les choses se passent le mieux. Il faut donc étendre le champ d'application de l'ordonnance de protection. Cet amendement vise ainsi à protéger les enfants autant que l'on protège les femmes.
Je veux préciser que j'ai déposé des amendements similaires dans le cadre de la proposition de loi visant à renforcer l'ordonnance de protection, que nous devons examiner tout à l'heure. Par crainte, qu'elle ne soit pas examinée ce soir, j'ai aussi déposé un amendement sur le texte dont nous discutons, d'autant qu'il me semblait tout à fait adapté. Je n'ai donc pas copié le Rassemblement national !
Cet amendement, nous allons le voter. Il n'empêche que c'est le nôtre !
Défavorable.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l'amendement n° 54 .
Actuellement, les ordonnances de protection peuvent être délivrées au parent présumé victime ainsi qu'aux enfants du couple. Néanmoins, en pratique, les enfants ne bénéficient que très peu des ordonnances de protection simultanément aux parents. Il est donc impératif d'inscrire dans la loi que l'ordonnance de protection doit obligatoirement être délivrée à la fois au parent présumé victime et à l'enfant présumé covictime.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Même avis.
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
La parole est de nouveau à M. Alexandre Portier, pour soutenir l'amendement n° 55 .
Le juge peut inscrire dans une ordonnance de protection une demande d'accès à des soins médicaux ou psychologiques. Toutefois, cette demande reste suspendue à l'accord préalable d'un ou des deux parents ; le plus souvent, elle n'est pas mise en œuvre. En effet, les parents présumés auteurs peuvent s'opposer à accorder ce suivi médical ou psychologique dont l'enfant victime aurait pourtant grand besoin. Afin que la loi agisse dans l'intérêt de l'enfant, le présent amendement vise à ce que, si le juge l'estime nécessaire, l'accord préalable ne soit pas requis pour décider de soins médicaux ou psychologiques pendant la durée de l'ordonnance de protection.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Défavorable.
L'amendement n° 55 n'est pas adopté.
L'amendement n° 53 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l'amendement n° 52 .
Dans le cadre des violences intrafamiliales, il est judicieux de créer une infraction autonome afin de reconnaître le statut de covictime des enfants exposés aux violences conjugales. En l'état actuel du code pénal, le sujet mérite un effort de clarification. Si la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes permet à l'enfant de se constituer partie civile afin d'être reconnu comme victime, la circonstance aggravante demeure inefficace puisqu'elle n'est retenue que dans moins de 2 % des affaires. Pour y remédier, nous proposons que les mêmes faits puissent constituer à la fois une infraction commise contre l'un des parents et une infraction commise contre l'enfant lui-même, afin d'octroyer à l'enfant témoin le statut de covictime des violences.
Tel qu'il est rédigé, cet amendement entraînerait un recul de la protection de l'enfance. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Votre amendement, s'il était adopté, serait totalement contre-productif. Aujourd'hui, le fait d'exercer des violences en présence d'un mineur est une circonstance aggravante.
Murmures sur les bancs du groupe LR
Si l'on en fait un délit,…
Écoutez-moi deux secondes, à moins que ma réponse ne vous intéresse pas. Défavorable !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'amendement n° 52 n'est pas adopté.
Je suis saie de trois amendements, n° 18 , 4 et 27 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir les amendements n° 18 et 4 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Ces amendements tendent à suspendre les poursuites pénales contre un parent pour non-représentation d'enfant lorsqu'une enquête est en cours contre l'autre parent pour violences sexuelles incestueuses ou que celui-ci a été condamné à ce titre. Il s'agit d'une mesure de bon sens visant à mieux protéger les enfants et les parents qui ont le courage de déposer plainte.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 27 rectifié .
Il va dans le même sens que celui qui vient d'être présenté par Mme Bassire. Il vise à donner la faculté au parent dont le conjoint est poursuivi de refuser de présenter l'enfant sans se rendre coupable du délit défini à l'article 227-8 du code pénal, qu'on appelle couramment « délit de non-représentation d'enfant ».
L'objectif de cet amendement est de renforcer la protection d'un enfant victime de violences intrafamiliales, notamment en cas de garde alternée ou partagée. Beaucoup d'entre nous ont reçu dans leur permanence des parents, souvent des mères, qui après une séparation se trouvaient forcés de confier leur enfant à leur conjoint violent pour le week-end, pour un mercredi ou pour des vacances. Certaines mères s'y refusent, et on les comprend : elles sont évidemment terrorisées à l'idée que, en leur absence, le parent violent s'en prenne à l'enfant qui lui a été confié. On a encore en tête des cas assez récents qui se sont terminés de façon absolument dramatique. Ces parents se mettent, du même coup, dans l'illégalité. Je suis d'accord avec les amendements n° 18 et 4 , défendus par Mme Bassire : dans de telles circonstances, le parent qui s'inquiète pour son enfant ne doit pas faire l'objet de poursuites pour non-représentation d'enfant si l'autre parent est poursuivi ou a été condamné.
Même avis.
Ces amendements sont particulièrement pertinents. Je vais vous raconter une petite histoire qui se déroule dans beaucoup de nos départements. Cela peut sans doute vous embêter à cette heure, mais je vous parle de ce que vivent beaucoup d'éducateurs spécialisés qui doivent appliquer le droit dans l'exercice de leur fonction et sont parfois amenés à médiatiser les rencontres entre un enfant et un détenu, parce que la loi les y oblige, sans être assurés que le rendez-vous se passera bien. Cela peut mettre en difficulté l'éducateur, mais aussi l'enfant forcé d'aller à ce rendez-vous, qui a la boule au ventre depuis une quinzaine de jours. Pour ce dernier, c'est un traumatisme psychologique, et ce sont les fonctionnaires territoriaux qui doivent assumer cela. Voilà la réalité quotidienne de bon nombre d'agents dans les cent départements que compte notre pays.
Je reviens sur les explications que j'ai apportées. Ces situations, nous les vivons ; nous rencontrons ces parents isolés qui se sont séparés de leur conjoint violent à leur égard ou à l'égard des enfants. Un fait divers absolument dramatique s'est produit très récemment…
Et allez, le pathos !
La mort dans l'âme, une mère a dû confier ses trois enfants en bas âge à leur père violent ; lorsqu'elle est allée les récupérer, il les avait tous tués.
Murmures.
Vous imaginez bien la détresse terrible de ces parents contraints de confier leurs enfants au conjoint violent poursuivi ou condamné, dont ils ont dû se séparer.
Je ne sais pas si cela vous est arrivé.
Murmures persistants.
Pour ma part, j'ai reçu des parents qui m'ont expliqué qu'ils allaient se mettre dans l'illégalité car ils ne pouvaient pas, en tant que père ou mère de famille – ce sont le plus souvent des mères de famille, malheureusement –, confier leur enfant à leur ex-conjoint violent. Nous proposons, par cet amendement…
Pardonnez-moi, mais j'aimerais ne pas avoir à forcer ma voix pour me faire entendre. Nous proposons donc que le parent concerné ne soit pas poursuivi pour non-représentation d'enfant dès lors que des poursuites ont été engagées contre le conjoint ou que celui-ci a été condamné.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mmes Nathalie Bassire et Béatrice Descamps applaudissent également.
Mea maxima culpa : j'aurais dû dire pourquoi je demandais le retrait de ces amendements. Madame Ménard, vous citez l'article 227-8 du code pénal, ce qui montre que vous confondez le délit de soustraction de mineurs et celui de non-représentation d'enfant qui relève de l'article 227-5 – ce ne sont pas les mêmes textes !
Je comprends parfaitement le sens de votre amendement, mais on peut en améliorer la rédaction. Je le dis de façon euphémique mais ferme. Voilà pourquoi j'ai formulé une demande de retrait. Nous pouvons travailler sur la rédaction des amendements concernés. La navette, ce n'est pas fait pour les chiens ; c'est aussi fait pour améliorer les textes. J'aurais dû être plus précis, plus pédagogue et peut-être aussi plus bienveillant.
La navette, dit-il… Ne parlez plus des sénateurs, monsieur le ministre !
Sourires.
J'adore les sénateurs.
Sourires.
Les amendements n° 18 , 4 et 27 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, pour soutenir l'amendement n° 33 .
Monsieur le ministre, je connais votre grand intérêt pour les rapports.
Sourires.
Néanmoins, je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental, afin de disposer d'un état des lieux permettant de mettre en œuvre une politique publique efficace et adaptée. Nous avons grandement besoin de ces éléments.
Madame Dubré-Chirat, la réponse est déjà dans votre intervention, mais c'est très beau, car vous persistez, avec une forme d'optimisme forcené.
Sourires.
Plus sérieusement, je l'avoue : je n'aime guère les rapports. Surtout, si nous rédigeons des rapports sur tous les sujets, nous n'aurons plus rien à nous dire lors des questions au Gouvernement !
Sourires.
Je concède néanmoins qu'il s'agit d'un sujet sensible et m'en remets à la sagesse de l'Assemblée nationale.
Applaudissements.
L'amendement n° 33 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 233
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue 117
Pour l'adoption 232
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je tiens à remercier tous les collègues députés qui ont contribué, de manière transpartisane, à l'élaboration de cette proposition de loi. Je remercie vivement Marine Manzano, administratrice de la commission des lois, qui m'a accompagnée étroitement, ainsi que le cabinet de M. le garde des sceaux, avec lequel nous avons beaucoup travaillé à partir des nombreuses auditions que nous avons réalisées. Ce texte servira les intérêts des enfants.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
La parole est à M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Je ne suis pas ici pour vous faire aimer les Mauvais Garçons ou un autre groupe d'instagrameurs ! J'ai d'abord une pensée pour les victimes des influenceurs et de l'influence mal utilisée. Il s'agit ce soir de montrer que l'Assemblée nationale se saisit, dans un esprit de consensus transpartisan, de la question des dérives de l'influence sur les réseaux sociaux.
M. Dominique Potier applaudit.
Loin du mépris que certains peuvent parfois afficher, ici ou ailleurs, à l'égard des réseaux sociaux, nous estimons que notre assemblée doit d'abord mettre en place des logiques de régulation contre ces dérives.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et RE.
Je tiens à dire à toutes les victimes que nous les avons écoutées et entendues. Nous sommes là aujourd'hui et serons là demain pour elles et pour eux. En commission des affaires économiques, nous avons adopté à l'unanimité la présente proposition de loi, après des discussions fructueuses, passionnantes et convergentes. Nos débats s'inscrivent dans le cadre d'un foisonnement législatif. Je salue les travaux menés par mes collègues Aurélien Taché, Nadège Abomangoli et François Piquemal, et j'espère qu'ils travailleront avec nous demain.
Nous n'aurons malheureusement pas le temps d'examiner ce soir les amendements déposés sur le texte. Le travail que nous engageons sera donc amené à se poursuivre : la commission des affaires économiques discutera, en mars prochain, la proposition de loi que j'ai déposée avec Stéphane Vojetta, que je salue pour son esprit de rassemblement. Nous allons mener un travail transpartisan à l'échelle de l'Assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Je remercie le Gouvernement de s'être associé à nos travaux, Bercy ayant lancé des consultations à ce sujet. Je vous annonce qu'après une éventuelle intervention du Gouvernement, je retirerai la présente proposition de loi, en vue d'insérer les fruits du travail de la commission dans le texte commun que je viens d'évoquer. Je tiens vraiment à vous remercier, chers collègues, pour notre union républicaine et notre consensus. Les victimes des dérives de l'influence ont besoin de nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, LFI – NUPES, Dem, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je me fais à cet instant le porte-voix de ma collègue Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme : « J'aurais aimé prendre le temps d'évoquer la grande consultation que Bercy a entamée le 9 décembre dernier avec l'ensemble des parties prenantes sur le sujet des influenceurs, la nécessaire protection de ce métier en naissance et, surtout, l'essentielle protection des consommateurs. Nous aurons l'occasion, dans les semaines qui viennent, d'approfondir votre proposition de loi, qui, en proposant la création du statut d'influenceur…
…via l'encadrement juridique de la vente issue de contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux, constitue une première pierre à l'édifice que nous allons bâtir ensemble, dans l'intérêt des influenceurs et, surtout, des consommateurs. Je conclus donc cette intervention en vous donnant rendez-vous dans quelques semaines. Soyez assuré, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, que le Gouvernement ne manquera pas à cet appel. »
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, LFI – NUPES, LR, Dem, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il est pris acte du retrait de la proposition de loi par son auteur en application de l'article 84, alinéa 2, du règlement. En conséquence, il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion sur ce texte.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Cécile Untermaier et plusieurs de ses collègues visant à renforcer l'ordonnance de protection (n° 661, 801).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l'article 107-3 du règlement, nous entendrons d'abord l'intervention de la rapporteure de la commission et celle du Gouvernement, puis les explications de vote des groupes. Nous passerons ensuite directement au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je tiens tout d'abord à saluer mes collègues Ludovic Mendes et Guillaume Gouffier Valente, avec qui j'ai beaucoup travaillé. Nous examinons ce texte selon une procédure particulière, dite de législation en commission. Autrement dit, nous avons beaucoup travaillé en amont et fait en sorte de trouver un accord au sein de la commission, qui a adopté à l'unanimité la proposition de loi et les deux articles qu'elle comporte. Je me limiterai à quelques observations.
Nous constatons, la presse s'en fait l'écho, que le nombre de violences intrafamiliales est toujours aussi important : les féminicides perdurent ; les agressions sexuelles et les tentatives de féminicides sont en forte augmentation. Face à cela, nous ne sommes pas inactifs. Reconnaissons à cet égard le rôle prépondérant du législateur : c'est une proposition de loi adoptée en 2010 qui a créé l'ordonnance de protection ; ce dispositif a été largement amélioré en 2019 grâce à un texte d'Aurélien Pradié ; nous avons franchi un nouveau pas en 2020 grâce à la proposition de loi de Guillaume Gouffier Valente. En définitive, les textes d'initiative parlementaire sont les outils privilégiés pour traiter des violences faites aux femmes, de la manière de les éviter et de la protection des victimes.
Mme Valérie Rabault applaudit.
Le constat que je viens de rappeler est dramatique : il s'agit d'un fléau pour la société. Nous ne devons pas faiblir ; nous devons, bien au contraire, amplifier nos efforts. Loin de considérer que l'essentiel a été fait, faisons taire ceux et celles qui pourraient penser que la cause des femmes est entendue et que le problème est réglé ; ce n'est nullement le cas.
Le Comité national de l'ordonnance de protection (Cnop), créé par la Chancellerie en 2020 à la suite de l'adoption de la proposition de loi très innovante de 2019, a mis en évidence, dans une étude réalisée par des magistrats, que l'ordonnance de protection n'était pas délivrée aussi facilement qu'elle devrait l'être. Cela tient au fait que cette délivrance est encadrée par deux critères : la vraisemblance de violences et la vraisemblance d'un danger, établies à l'issue d'un débat contradictoire. C'est parce qu'ils achoppent sur la notion de danger que les magistrats hésitent à délivrer l'ordonnance de protection.
Dès lors, il importe de modifier l'article 515-11 du code civil pour aider le juge dans sa décision, en considérant que le danger accompagne nécessairement les violences. C'est l'objet de l'article 1er . Comment peut-on imaginer qu'une femme fasse valoir devant le juge qu'elle a été victime de violences, que ces violences alléguées paraissent vraisemblables à l'issue d'un débat contradictoire et que le juge se détourne en refusant de délivrer l'ordonnance de protection, alors même que la requérante réclame cette protection ? Il y a là, nous le voyons bien, une fragilité.
Tel était l'enjeu, et nous avons eu une discussion très nourrie à ce sujet en amont. La Chancellerie a appelé notre attention sur un arrêt de la Cour de cassation qui laissait penser que la notion de danger était essentielle à la constitutionnalité de l'article 1er . Pour ma part, je considère que le critère des violences est le plus important. Les magistrats doivent être confortés dans l'idée qu'ils peuvent délivrer une ordonnance de protection dès lors que les violences alléguées lui paraissent vraisemblables à l'issue d'un débat contradictoire, car cela implique que le danger existe. Il n'y a pas de violence anodine, et il n'y a pas lieu de distinguer entre une violence plus grave qui commanderait la délivrance d'une ordonnance de protection et une autre forme de violence qui ne la commanderait pas.
L'article 2 vise à faciliter le travail du magistrat en lui donnant la possibilité de délivrer une ordonnance de protection pour une durée maximale de douze mois, contre six mois actuellement. Cela laissera au juge une plus grande latitude d'appréciation.
De manière générale, nous nous inscrivons dans un mouvement qui consiste à faire confiance au juge et à lui permettre de délivrer l'ordonnance de protection librement, sans excès de procédure, en prenant les mesures qui lui paraissent adaptées à la situation. Nous remercions bien évidemment les juges pour leur engagement et leur travail. L'important est désormais d'adopter le texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Dem, HOR et Écolo – NUPES. – M. Aurélien Pradié applaudit aussi.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Socialistes et apparentés et Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Je veux commencer par rappeler ici quelque chose de tout simple, quelque chose de basique : chaque violence, quelle qu'elle soit, est évidemment inacceptable. La lutte contre les violences faites aux femmes est un combat de tous les instants qui nous concerne tous et qui nous oblige tous, du voisin au collègue de bureau, du policier au magistrat, du gendarme à l'avocat, du parlementaire au ministre. Ce combat ne peut être gagné que si, tous ensemble, nous nous mobilisons pleinement. Nous devons terrasser ce fléau ; il y va de la vie des femmes. La fatalité n'est pas permise.
Depuis 2017, sous l'impulsion du Président de la République, nous menons ensemble, Parlement et Gouvernement, majorité et opposition, ce combat pour améliorer sans cesse la réponse des pouvoirs publics en lien avec les associations, qui effectuent un travail absolument formidable et que je veux ici saluer.
Oui, la lutte contre les violences faites aux femmes est au cœur de l'action du Gouvernement, de celle du ministère de la justice et, je le sais aussi, au cœur de cette XVI
Ce soir, nous débattons de l'ordonnance de protection qui a fait son apparition en droit français il y a plus de dix ans. Outil ambitieux et désormais salué de tous, l'ordonnance de protection offre aux victimes de violences conjugales l'assurance de pouvoir compter sur la protection de la justice civile dans les situations les plus urgentes. En 2019, le Grenelle contre les violences conjugales a permis de sensibiliser le grand public à l'existence de cette mesure jusqu'alors peu utilisée, et l'ordonnance de protection est désormais un outil bien identifié par les praticiens et par les justiciables. Qu'il me soit permis de dresser aujourd'hui devant vous, une douzaine d'années après sa mise en place, un bilan du dispositif.
Les chiffres récents parlent d'eux-mêmes. En 2021, 3 531 ordonnances ont été délivrées, contre seulement 1 400 ordonnances en 2017. Les juridictions ont également su s'adapter aux délais très ambitieux fixés par le législateur en 2019 grâce à la mise au point de circuits d'urgence au sein des juridictions et à l'appui de la Chancellerie. Le délai de délivrance d'une ordonnance de protection est ainsi passé de plus de quarante-deux jours à près de six jours, en moyenne, entre 2016 et aujourd'hui. Ce bilan doit nous encourager à apporter des améliorations permettant de garantir une action judiciaire réactive et coordonnée sur l'ensemble du territoire national.
C'est pourquoi je tiens à saluer l'initiative de Mme Cécile Untermaier
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Écolo – NUPES
et le travail transpartisan de la commission des lois
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC
qui a voté à l'unanimité ce texte visant à renforcer l'ordonnance de protection. Ce travail conjoint prouve que la lutte contre les violences conjugales est un combat qui nous rassemble tous, par-delà les clivages politiques et les distinctions partisanes.
Le texte adopté par la commission opère deux changements aux articles 515-11 et 515-12 du code civil. D'abord, il allonge la durée possible de l'ordonnance de protection de six à douze mois maximum. Cette extension laisse à la victime le temps de s'organiser pour un nouveau départ et facilite l'organisation des juridictions. Je soutiens la volonté de protéger les victimes le plus tôt et le plus longtemps possible. Mesdames et messieurs les députés, je suis favorable à l'extension de ce délai de six à douze mois.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, SOC et HOR.
Ensuite, le texte de la commission précise la notion de danger en qualifiant celui-ci de « potentiel », et non plus de « vraisemblable ». L'intention qui a présidé à cette précision est louable et je la partage car, comme je l'ai dit, il nous faut saisir toutes les opportunités d'améliorer un dispositif si utile dans la prévention des violences faites aux femmes. Toutefois, nous devons nous montrer prudents eu égard au risque majeur d'inconstitutionnalité qui pèse sur une mesure civile permettant au juge aux affaires familiales de limiter l'exercice de libertés individuelles hors du cadre procédural sécurisé du droit pénal. Le Conseil constitutionnel opère un contrôle rigoureux et la Cour de cassation a eu l'occasion de souligner que l'existence d'un danger constaté par le juge était l'une des conditions de la constitutionnalité du dispositif. Je vous alerte donc : en matière civile, toute atteinte excessive à ces équilibres présente le risque de faire tomber purement et simplement le dispositif de l'ordonnance de protection. La rédaction retenue par la commission pour laquelle je remercie le député Mendes et les députées Poussier-Winsback et Desjonquères, est plus équilibrée que la rédaction initiale. Cette rédaction demeure toutefois perfectible puisqu'elle subordonne la mise en place de l'ordonnance à un danger potentiel ; il est donc important que la navette parlementaire vienne l'affiner.
Mesdames et messieurs les députés, l'objectif est clair et notre volonté commune est sans faille. Aujourd'hui est une nouvelle étape que je veux saluer. Je vous appelle collectivement à poursuivre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Chers collègues, les règles de l'Assemblée sont claires : les explications de vote sont de droit. Néanmoins, les règles sont également claires sur le fait que la séance doit être levée à minuit les jours de niche parlementaire. Les explications de vote sont-elles maintenues ?
Les demandes d'explication de vote sont retirées. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 145
Majorité absolue 73
Pour l'adoption 145
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur tous les bancs.
Dans la volonté qui était la mienne de ne pas dépasser minuit pour vous permettre de voter ce texte si important, j'ai dévoré une page de mon discours ; maintenant que j'ai le temps de le faire, je voudrais présenter mes excuses à la députée Émilie Chandler et à la sénatrice Dominique Vérien, qui travaillent sur le sujet et que je n'ai pas citées. Je remercie également, naturellement, Cécile Untermaier.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous me permettrez, monsieur le garde des sceaux, de vous remercier à mon tour : par votre enthousiasme, vous nous avez permis de manifester un accord unanime. Je veux également remercier chaleureusement les députés de tous les bancs. La procédure de législation en commission exige beaucoup de discipline car elle peut être interrompue à tout moment – ce que vous ne l'avez pas fait. Je vous remercie de la confiance que vous avez témoignée à la rapporteure et à mes amis socialistes et apparentés, qui sont formidables et qui ont permis qu'ait lieu aujourd'hui une belle journée à l'Assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Écolo – NUPES.
La parole est à M. Gérard Leseul, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Chers collègues, puisqu'il nous reste quatre minutes, je veux rappeler que les dispositions de cette proposition de loi constitutionnelle ont déjà été discutées en commission, bien sûr, mais aussi dans de nombreux cénacles, notamment par la Convention citoyenne pour le climat, dans de nombreuses universités, et au sein même de cette assemblée. Au mois de janvier 2021, le gouvernement d'alors avait même confié à Mme Cécile Muschotti qui siégeait parmi nous une mission de six mois sur « la création d'un dispositif de médiation pour les questions ayant trait à l'environnement et sa protection ». Cette mission avait conclu à la nécessité de mieux formaliser la défense et la protection de l'environnement grâce à la création d'un Défenseur de l'environnement ou par l'extension des pouvoirs du Défenseur des droits.
Depuis, nous avons eu l'occasion de discuter de ces réflexions, notamment dans le cadre du projet de réforme constitutionnelle sur lequel j'ai moi-même déposé des amendements visant à créer un Défenseur de l'environnement afin de pouvoir appliquer correctement les lois que nous votons ici. Voter une loi et ne pas l'appliquer, c'est autoriser tous les débordements.
Nous avons pensé, avec mes collègues socialistes, d'abord, puis au sein de la commission des lois, qu'il était absolument nécessaire de créer le Défenseur de l'environnement, autorité indépendante qui permettrait de rapprocher l'ensemble des autorités déjà existantes et constituerait une entité visible, lisible, pour l'ensemble de nos concitoyens. Il y a aujourd'hui un problème de confiance dans les lois que nous votons, notamment dans les lois protectrices de l'environnement. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il n'y a pas d'autorité indépendante chargée de leur exécution et de leur application.
M. Philippe Brun applaudit.
C'est pourquoi cette proposition de loi constitutionnelle, que je n'aurai malheureusement pas l'occasion de vous présenter dans le détail, mérite la plus grande attention et méritera demain d'être votée.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, RE, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra