« Aie dans les veines le doux lait de ta mère, et le généreux esprit de ton père ; sois bon, sois fort, sois honnête, sois juste ! Et reçois, dans le baiser de ta grand-mère, la bénédiction de ton grand-père. » Ces mots qui ont coulé de la plume de Victor Hugo, comme un testament, nous invitent à méditer sur la beauté des liens familiaux. Liens parfois saccagés par des violences inouïes, où certains vivent un martyre et subissent l'insoutenable. Qu'ils soient adultes ou enfants, tous sont des victimes.
Certains chiffres sont tristement éclairants. En France, près de 400 000 enfants vivent au sein d'une famille où des violences intrafamiliales sévissent. Dans 21,5 % des cas, ils en sont des victimes directes ; dans tous les cas, ils en sont les témoins traumatisés.
Chaque année, 50 000 enfants et adolescents sont victimes de maltraitances, qu'elles soient physiques ou psychologiques, qu'il s'agisse de négligences envers les besoins essentiels, d'abus ou de sollicitations à connotation sexuelle. Pire encore : tous les cinq jours, un enfant meurt victime de violences intrafamiliales.
Les bourreaux sont habituellement des membres de la famille. Dans plus de 95 % des cas, la famille proche est directement impliquée. Certaines études révèlent que les auteurs présumés de maltraitance sur les enfants sont dans 49,9 % des cas les mères, dans 36,4 % des cas les pères et dans 9,1 % des cas les beaux-parents.
Ces chiffres choquent parce qu'ils touchent les plus fragiles, les innocents. Et malheureusement, ces mains levées, ces coups portés, ces agressions sexuelles sont des stigmates pour nos enfants : repli, isolement, agressivité, retards d'apprentissage, échec scolaire, troubles du sommeil et de l'alimentation, tendances suicidaires.
Face à ce constat, il nous faut adapter notre droit, lacunaire ; tout l'enjeu est de le renforcer, grâce au travail de notre collègue Isabelle Santiago.
L'article 1
L'article 2, dans sa version initiale, visait à rendre automatique le retrait de l'autorité parentale en cas de condamnation du parent pour certains crimes et délits. La loi, jusqu'ici, ne prévoyait pas cette mesure de bon sens.
Le travail en commission a permis de renforcer ces dispositifs, avec une nouvelle rédaction des articles, encadrés par quelques garde-fous. Désormais, l'article 1er prévoit que l'autorité parentale, ainsi que les droits de visite et d'hébergement du parent poursuivi, sont suspendus dès lors que celui-ci est poursuivi pour un crime commis sur l'autre parent ou pour une agression sexuelle ou un crime commis sur son enfant. Afin d'éviter tout abus, le parent poursuivi peut saisir le juge aux affaires familiales. La même logique est appliquée au parent qui, par ses violences, a entraîné une ITT de plus de 8 jours du conjoint – une mesure de bon sens, tant on sait que les violences commises sur l'un des parents sont souvent le triste pendant de violences infligées à l'enfant.
La nouvelle rédaction de l'article 2 permet de protéger l'enfant contre un parent complice de violences. Il convient, là aussi, de saluer cette avancée.
Si ce texte va dans le bon sens, nous pourrions encore l'améliorer en prévoyant que le parent dont le conjoint est poursuivi ou condamné pour une agression sexuelle incestueuse ou pour un crime commis sur la personne de l'enfant mineur peut refuser de présenter ce dernier, sans se rendre coupable d'un quelconque délit. Nous sommes nombreux à recueillir les témoignages de parents mortifiés à l'idée de devoir, en cas de garde alternée, confier leur enfant à un ex-conjoint suspecté de violences. Nous ne pouvons ni les ignorer ni les laisser avec leurs craintes. Si cette mesure nécessite d'être encadrée – il n'est pas question ici d'une interdiction à vie –, il me semble important de l'évoquer dans nos travaux.
Quoi qu'il en soit, je voterai bien évidemment le texte en l'état, car les enfants ont le droit – et nous devons le leur garantir – d'être à l'abri de la violence, de l'exploitation ou de la maltraitance.