Le nombre de 400 000, mes chers collègues, devient glaçant et vertigineux lorsque nous réalisons qu'il est celui des enfants exposés à des violences intrafamiliales. Cette partie visible de l'iceberg nous rappelle la nécessité de perfectionner la législation pour que soit empêché, détecté, sanctionné ce fléau dramatique. C'est pourquoi je vous remercie sincèrement, madame la rapporteure, de nous donner l'occasion de réfléchir, d'avancer ensemble, avec une prudence à la mesure du caractère sensible du sujet, sans jamais perdre de vue l'intérêt supérieur de l'enfant, ni l'impératif de protéger les victimes de tels drames.
Suspendre ou retirer l'autorité parentale constitue pour la justice une décision grave, difficile, loin d'être anodine, tant pour le parent qui en fait l'objet que pour l'autre parent et pour l'enfant ; nombreuses sont d'ailleurs les victimes qui peinent à entamer des démarches et doivent être accompagnées. En raison de ces enjeux, il est essentiel que les modifications que nous proposons d'apporter à la loi suscitent l'adhésion de tous. Notre assemblée a dernièrement adopté à l'unanimité la proposition de loi sénatoriale créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, dont j'étais corapporteure : cette union sacrée adresse aux victimes un signal fort et j'espère, ou plus exactement je suis sûre, qu'elle se produira de nouveau ce soir.
En 2019 et en 2020, deux lois avaient déjà permis d'enrichir l'arsenal législatif en matière de suspension de l'autorité parentale. La lenteur du système judiciaire ne devant pas pénaliser les victimes, il était nécessaire de pouvoir soustraire les enfants à l'emprise d'un parent violent. En l'état du droit, ce n'est possible qu'en cas de crime au sein du couple. Tout en comprenant qu'il est nécessaire de restreindre l'application d'une telle mesure aux affaires les plus graves, notre groupe estime indispensable d'en étendre le champ ; c'est pourquoi nous avons pleinement soutenu les réécritures successives de la proposition de loi présentées par la rapporteure, afin de concilier renforcement de la législation et équilibre juridique. La nouvelle rédaction permettra en particulier la suspension de plein droit de l'autorité parentale en cas de violences sexuelles incestueuses, comme le réclamaient les associations de lutte contre les violences intrafamiliales. Notre groupe demeure cependant réservé concernant le choix, en cas de condamnation pour violences conjugales ayant entraîné plus de huit jours d'incapacité totale de travail (ITT), de ne suspendre de plein droit l'autorité parentale que si « l'enfant a assisté aux faits ».