La commission des affaires économiques a poursuivi l'examen du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture (n° 2436) (M. Éric Girardin, rapporteur général, Mme Nicole Le Peih et MM. Pascal Lavergne et Pascal Lecamp, rapporteurs).
Article 1er (suite) : Consécration de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture comme étant d'« intérêt général majeur » en vue de garantir la souveraineté alimentaire de la France
Amendements identiques CE1609 de Mme Aurélie Trouvé, CE1782 de Mme Marie Pochon et CE2365 de M. André Chassaigne.
Notre amendement vise à supprimer l'alinéa 3, aux termes duquel « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur ». Cette notion, nous l'avons déjà dit, fait peser des risques de régression sur le plan de l'environnement. Des juristes soulignent ainsi que des opérations de pompage dans des nappes phréatiques ou des cours d'eau, par des agriculteurs, pourraient être facilitées. Se pose, par ailleurs, la question du modèle agricole ainsi promu : c'est celui d'une agriculture qui n'est pas plus sobre en eau, ni plus résiliente en matière climatique, mais qui va droit dans le mur, qui s'engage, devant le réchauffement climatique, dans une fuite en avant et qui renforcera encore les tensions liées aux différents usages de l'eau, au détriment de la consommation des riverains et des écosystèmes.
Il existe en droit positif des notions de raison impérative d'intérêt public majeur, d'intérêt national majeur, d'intérêts fondamentaux de la nation et d'intérêt général, mais on ne trouve pas trace d'un « intérêt général majeur » : cela n'existe tout simplement pas. Vous inventez donc une nouvelle notion dont les contours ne sont pas définis et dont je ne vois pas en quoi elle garantirait quoi que ce soit à quiconque, ni ce qu'elle voudrait dire. Si cette nouvelle notion devait être comprise comme une façon de mettre au même niveau l'agriculture et la protection de l'environnement, on irait à l'encontre de l'objectif de valeur constitutionnelle qu'est la protection de l'environnement, laquelle est reconnue, depuis 1976, comme étant d'intérêt général. Or, je ne crois pas que qui que ce soit dans cette salle remettra en cause, en 2024, le fait que la protection de l'environnement est d'intérêt général. Le Conseil d'État a lui-même proposé de supprimer cette mention à l'article 1er du projet de loi, au motif que sa portée n'était pas claire et que son utilité apparaissait douteuse.
J'irai dans le même sens. Nous avons là un objet juridique non identifié. En effet, que peut signifier la notion d'intérêt général majeur ? Sera-t-elle opposable à des décisions, à caractère législatif ou réglementaire, qui auraient déjà été prises ? On pourrait faire une comparaison, même si certains n'aiment pas la corrida, avec la muleta : vous l'agitez et pendant ce temps-là vous ne prenez pas à bras-le-corps les questions qui se posent véritablement pour le devenir de l'agriculture de notre pays.
Mon avis est évidemment défavorable. Cet alinéa qui reconnaît l'agriculture comme étant d'intérêt général majeur et consacre la souveraineté alimentaire, laquelle est l'élément central de l'article 1er, dont découlent ensuite les trois piliers chers à notre rapporteur général que sont le renouvellement des générations, notamment par le biais de l'éducation, la transmission des exploitations et la simplification.
Je relève aussi, s'agissant de l'amendement CE1609, une petite contradiction dans l'exposé des motifs, selon lequel cet alinéa « n'a pas de signification juridique précise » mais qui suscite tout de même des inquiétudes.
Avis défavorable. Nous en avons déjà débattu tout à l'heure : cet alinéa est un aspect important de ce que nous voulons faire. La notion d'intérêt général majeur, et je répondrai ainsi en partie à ce que M. Potier disait, permettra par exemple de considérer, lorsqu'un maraîcher veut s'installer en bordure d'une commune et demande à avoir une petite retenue d'eau, que son accès à l'eau est d'intérêt général majeur. Il ne s'agit pas de remettre en cause la hiérarchie de normes mais d'assurer une pondération entre différents éléments législatifs. Le fait qu'on ne puisse pas tenir compte actuellement des objectifs de souveraineté pose un problème.
Monsieur le ministre, j'aimerais qu'on clarifie cette notion qui me paraît encore très floue. Vous évoquez le cas d'un petit maraîcher, mais qu'en sera-t-il des gros projets industriels de type ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) ou des mégabassines ? Votre cabinet a déclaré ce matin, selon l'AFP (Agence France-Presse), qu'il espérait que l'intérêt général majeur allait « nourrir la réflexion du juge administratif ». La loi sur l'eau de 2006 et la directive-cadre sur l'eau prévoient que l'usage premier de l'eau est la consommation humaine, qui vient donc avant les milieux et les activités économiques. L'intérêt général majeur reconnu à l'agriculture remet-il en question cette hiérarchie ? Si tel est le cas, c'est vraiment dangereux : cela revient à ouvrir la porte aux gros projets agro-industriels et à accroître encore les différences d'accès à l'eau, y compris s'agissant des paysans. Les petits maraîchers que vous évoquez sont aujourd'hui soumis à une concurrence liée au développement des mégabassines, qui crée des inégalités complètement déloyales dans les territoires.
Vous avez évoqué l'intérêt supérieur de l'eau pour l'homme : en effet, il faut boire pour vivre, mais aussi manger et ce sont les agriculteurs qui produisent l'alimentation. Même sans être, comme moi, agronome, vous savez que les plantes poussent avec de l'eau. On doit en avoir pour produire de l'alimentation. Il faut garder de l'eau pour boire mais aussi pour faire pousser les plantes que nous mangeons.
Comme l'a dit le Conseil d'État, la mention que vous proposez n'est pas claire et son utilité apparaît douteuse. Le fait que l'agriculture soit d'intérêt général ne souffre pas de discussion. L'entourloupe, c'est de vouloir faire croire à certains de vos interlocuteurs, et même à des lobbys, que ce sera désormais « open bar » en matière de droit de l'environnement. Ce que vous faites figurer dans le texte n'est pas la raison impérative d'intérêt public majeur au sens du code de l'environnement. C'est, au contraire, un objet juridique non identifié qui sera, par conséquent, inapplicable et n'aura, en tout cas je le souhaite, aucune conséquence en droit. Ce truc n'est, comme le disent chez moi les agriculteurs, qu'un miroir aux alouettes, destiné à faire croire que les choses vont changer, que les procédures vont être simplifiées, alors que leur simplification ne dépend pas du tout de ce type de dispositions, et encore moins du fait de s'asseoir sur le code de l'environnement, mais d'autres choses extrêmement concrètes. Tout cela n'a qu'un sens politique, idéologique : il s'agit de dire qu'il y aurait quelque chose de supérieur à l'intérêt général écologique de la nation. Nous sommes donc contre cette disposition.
Vous dites qu'une telle mention est inutile, mais je trouve que vous vous battez contre elle avec beaucoup de force : vous avez donc un doute. Il faudrait choisir.
Par ailleurs, je note que le Conseil d'État n'a pas proposé de supprimer cet alinéa. Il a demandé, en entrée de match, si je puis dire, d'y apporter des modifications.
Vous connaissez la règle mieux que moi : vous savez qu'il est courant que le Gouvernement suive l'avis du Conseil d'État, mais qu'il arrive aussi qu'il continue à suivre son chemin.
Je n'ai jamais dit que cette disposition accélérerait les procédures – c'est l'objet d'articles placés à la fin du texte – et jamais nous n'avons dit que cela créerait une hiérarchie des normes différente. Nous ferons en sorte que le juge, s'il est appelé à se prononcer sur un projet agricole, tienne compte des sujets environnementaux et des sujets de souveraineté, c'est-à-dire de tout ce qu'il y a sur la table, et cela ne remet pas en cause des lois précédentes – elles ne seront pas abrogées. Simplement, lorsqu'il y aura un projet, il faudra pondérer les intérêts.
La commission rejette les amendements.
Amendements CE2114 et CE2113 de M. Inaki Echaniz et CE2239 de M. Thierry Benoit (discussion commune)
Nos amendements visent à réécrire l'alinéa 3 en intégrant l'agriculture, le pastoralisme, la pêche et l'aquaculture dans le patrimoine commun de la nation. Nous nous référons à l'avis du Conseil d'État, qui considère que la portée de la mention actuelle n'est pas claire et que son utilité est douteuse : vous allez créer une machine à frustrations dangereuse, dans un contexte de forte mobilisation agricole. Les conseillers d'État auditionnés par les rapporteurs ont précisé que la notion d'intérêt général majeur ne produirait pas d'effet juridique caractérisé. Cette mention superfétatoire risque de conduire à des désillusions, alors que nous devons trouver des solutions concrètes pour répondre à la crise que traversent nos agriculteurs.
Je propose de revenir aux fondamentaux historiques de l'agriculture en adoptant la rédaction suivante : les fonctions premières de l'agriculture sont : la fonction nourricière – l'agriculture a vocation, avant tout, à produire de la nourriture à partir de la terre –, la production d'énergie – historiquement, c'était grâce au bois, mais aussi par l'énergie hydraulique et l'alimentation des chevaux de trait –, la préservation de l'environnement et de la biodiversité – il est bon, en 2024, de le rappeler en pensant, par exemple, aux prairies et aux haies –, et l'aménagement du territoire et de la ruralité – à l'heure du zéro artificialisation nette, qui ne permettra plus d'industrialiser n'importe où, il faut insister sur les actifs agricoles et la ruralité. Vous savez que la question de valeur de la ruralité et de l'agriculture m'importe beaucoup.
Avis défavorable sur ces amendements. La notion de pastoralisme est déjà incluse dans l'agriculture. Par ailleurs, si l'on adoptait vos amendements de réécriture, on perdrait la référence tant à la notion d'intérêt général majeur qu'à celle de souveraineté alimentaire.
Avis défavorable aux deux premiers amendements.
Monsieur Benoit, la définition que vous proposez met dans le même paquet la fonction nourricière, la fonction énergétique, etc., comme s'il n'y avait pas une hiérarchie. Par ailleurs, votre rédaction supprimerait la notion d'intérêt général majeur. Je vous invite donc à retirer votre amendement, étant entendu que certains éléments pourraient être repris dans le cadre d'une réécriture globale.
Je ne suis pas sûr qu'affirmer, comme le fait l'amendement CE2113, que l'agriculture constitue le patrimoine commun de la nation soit compatible avec le droit de propriété, et soit donc constitutionnel. On peut dire que l'eau est un patrimoine commun, puisqu'elle n'est pas appropriée, pas plus que l'air. L'agriculture, en revanche, entre dans le cadre de la propriété privée, en ce qui concerne le foncier, les exploitations et que sais-je encore ? Il serait prudent de ne pas adopter cet amendement, même si – et ce n'est pas moi qui le dis, mais le Conseil d'État – l'alinéa 3 n'a pas de portée juridique.
L'amendement CE2239 est retiré.
La commission rejette les amendements CE2114 et CE2113.
Amendements identiques CE625 de M. Jean-Pierre Vigier et CE3331 de Mme Juliette Vilgrain
L'amendement CE625 précise que ce n'est pas l'agriculture qui est d'intérêt général majeur, mais la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture, car ils concourent à répondre aux enjeux de la souveraineté alimentaire.
Vous proposez une rédaction différente pour le début de l'alinéa 3, mais la formulation actuelle me semble beaucoup plus claire. Par conséquent, demande de retrait.
Avis favorable. Ces amendements permettront de mieux définir ce qui active un intérêt général majeur.
La commission adopte les amendements.
Amendement CE3188 de M. Jean-François Rousset, amendements identiques CE376 de Mme Annie Genevard, CE962 de M. Francis Dubois, CE2967 de M. Romain Daubié et CE3174 de M. Lionel Vuibert, amendement CE3292 de M. Antoine Armand (discussion commune)
Mon amendement vise à inclure explicitement dans les enjeux de souveraineté alimentaire l'élevage et le pastoralisme. Ce dernier n'est pas seulement une composante essentielle de l'agriculture, mais un modèle agricole spécifique, regroupant une multitude d'éleveurs, allant du berger sans terre au berger propriétaire, au sein de la communauté pastorale. Je rappelle quelques chiffres : le pastoralisme, qui concerne 60 000 exploitations, représente 18 % de l'élevage en France et une surface d'exploitation de 5,4 millions d'hectares, dont 2,2 millions constitués d'estives, d'alpages et de parcours de montagne. Les produits issus du pastoralisme, souvent commercialisés en circuits courts, sont valorisés dans notre gastronomie et contribuent à la préservation et à la promotion du patrimoine culinaire et culturel français. Par ailleurs, c'est un système d'élevage et de production qui présente des atouts face au défi climatique actuel et participe à l'élaboration d'un système alimentaire plus robuste, notamment dans l'Aveyron.
Mon amendement vise à intégrer l'élevage dans l'énumération faite à l'alinéa 3. Soit on considère que l'agriculture est un terme générique qui désigne toutes les activités agricoles, ce qui est conforme à la définition figurant dans le code rural, soit on commence à détailler et dès lors, s'il est question de la pêche et de l'aquaculture, très importantes à nos yeux, il faut aussi mentionner l'élevage. Il ne vous aura pas échappé que beaucoup d'observateurs jugent qu'il n'est pas suffisamment reconnu dans le projet de loi. L'élevage aurait toute sa place dans cet alinéa un peu principiel, qui affirme l'intérêt général majeur des activités agricoles.
J'aimerais apporter quelques précisions au sujet du Limousin : nous avons connu une baisse de 14 % du cheptel bovin viande dans le département de la Corrèze et de 18 % dans la Haute-Vienne, tandis que la capitalisation de bovins a baissé de 20 % dans la Creuse. Il est extrêmement important de prendre en considération l'élevage, notamment dans les zones protégées au plan environnemental, comme c'est par exemple le cas en Corrèze.
Monsieur le ministre, je voudrais vous assurer, à titre liminaire, de mon soutien entier et total à ce projet de loi.
Mon amendement vise, comme les précédents, à introduire la notion d'élevage à l'article 1er. Ne pas le faire reviendrait à ignorer 37 % des exploitations agricoles en France, dans l'Ain mais aussi dans d'autres départements. J'imagine que Mme la rapporteure va nous répondre que l'élevage est déjà inclus dans la référence à l'agriculture. Or, une telle réponse serait, pour paraphraser Edmond Rostand, un peu courte, puisque le texte vise la pisciculture qui pourrait être englobée dans la mention de l'aquaculture. Toute une filière attend un message fort.
Mon amendement est presque d'appel. Il est en tout cas modeste : il vise à ouvrir la discussion sur le pastoralisme et sa reconnaissance pleine et entière, au-delà de la loi pastorale. Nous sommes d'ailleurs en train de mener, Jean-Yves Bony, Marie Pochon et moi, une mission d'information visant à établir tous les apports du pastoralisme, à mesurer les services écosystémiques qu'il permet de rendre et de voir si ce modèle peut servir d'inspiration pour d'autres pratiques.
La question de l'intérêt général majeur de la nation est évidemment complexe. Je ne prétends pas la régler par mon amendement, ni même être persuadé que ce soit le bon endroit pour le faire. Je crois néanmoins, et je ne pense pas être le seul, qu'il est important que le pastoralisme puisse trouver une place et une reconnaissance dans le texte d'ici à la fin de son examen en séance publique.
Vous souhaitez inclure dans les activités d'intérêt général majeur l'élevage et le pastoralisme. J'en profiterai pour répondre globalement à de nombreux amendements qui tendent à insérer dans cet alinéa telle ou telle activité, comme la viticulture, la brassiculture, l'apiculture et la conchyliculture – mais je pourrais aussi vous parler de la lombriculture, que je connais pour l'avoir pratiquée.
Je ne souhaite pas que l'on établisse une liste à la Prévert qui aurait pour conséquence de diluer le message envoyé par l'alinéa 3. Il consacre l'agriculture, la pêche et l'aquaculture comme étant d'intérêt général majeur et met ainsi en exergue trois grands secteurs d'activité fondamentaux, qui sont à la base de notre souveraineté alimentaire, et qui couvrent toutes les activités auxquelles vous avez fait référence et auxquelles nous sommes tous attachés. J'émets donc un avis défavorable aux amendements en discussion, comme je le ferai plus tard au sujet de l'amendement CE3214 du groupe écologiste, qui vise à supprimer la référence à l'aquaculture.
N'entrons pas trop dans le détail. Les activités mentionnées en recouvrent de nombreuses autres, comme la viticulture, la sylviculture ou l'arboriculture, qu'il n'est pas nécessaire de préciser même si on peut y être sensible. Ce qui compte, c'est le fait que certaines activités doivent faire l'objet d'une attention spécifique parce qu'elles permettent de garantir notre souveraineté alimentaire.
Je comprends l'intention de départ, qui est de souligner l'importance de l'élevage, en particulier dans les départements dont vous êtes issus. Mais dès lors qu'on veut ouvrir davantage cet alinéa en précisant que l'agriculture comprend l'élevage, on en vient à dresser la liste de l'ensemble des activités.
L'aquaculture n'est pas l'agriculture. « Agri » se rapporte à la terre et « aqua » à l'eau : cela ne désigne pas les mêmes métiers. De même, la pêche n'est pas la même chose que l'agriculture.
Si l'on introduisait ici l'élevage, on établirait une forme de hiérarchie à l'intérieur de l'agriculture et on pourrait se demander, pour le coup, ce qu'il en est du maraîchage, par exemple.
Je suis donc défavorable à ces amendements, s'ils ne sont pas retirés. En revanche, je suis enclin à donner un avis favorable à l'amendement CE1504, du groupe LR, que nous examinerons après l'alinéa 6, parce que la lutte contre la décapitalisation fait partie des objectifs que nous nous fixons, dans le cadre d'un plan élevage, et que cet amendement n'introduit pas de hiérarchie entre les productions – entre l'élevage et le reste. La production de protéines est d'intérêt général majeur, mais il n'y a pas lieu de faire une distinction entre le maraîchage ou l'élevage. Sinon, on entamera une liste qui ne sera jamais complète : il ne faut pas ouvrir une telle boîte.
J'entends les explications étymologiques – la latiniste que je suis y est sensible. Néanmoins, nous faisons du droit. Dans le code rural, l'agriculture ne comprend-elle pas aussi la pêche et l'aquaculture ? Je suis heurtée par le fait que vous détaillez une partie seulement des activités. Les Jeunes agriculteurs (JA) avaient fait une proposition qui avait le mérite d'être cohérente : elle était de s'en tenir au terme générique, englobant, « agriculture ».
L'élevage fait partie de l'agriculture. Il n'est donc pas nécessaire de le mentionner. J'ai néanmoins une question, Monsieur le ministre : est-ce aussi le cas de la forêt ? La plupart de vos prédécesseurs étaient ministres de l'agriculture et de la forêt. Il faudrait peut-être rédiger un amendement permettant d'ajouter la forêt plutôt que l'élevage. En revanche, l'aquaculture fait partie de l'agriculture.
Je ne sais pas si M. de Courson souhaite inscrire dans la loi que le ministre de l'agriculture est aussi le ministre des forêts, mais j'en accepte volontiers l'augure. En tout état de cause, je suis bien ministre des forêts.
Un tel débat n'est pas vain. De fait, l'amendement proposant d'ajouter la sylviculture à la liste des activités d'intérêt général majeur, que nous examinerons ultérieurement, me semble une bonne idée. Cette activité n'est pas de même nature que les trois autres ; en outre, elle est liée à l'agriculture, notamment par les haies.
Je retire mon amendement. Toutefois, j'insiste sur le fait que le pastoralisme est une culture, une philosophie et un art de vivre qu'il convient de protéger. Certaines montagnes sont pâturées depuis plusieurs siècles.
Voilà à quoi nous mène l'absurdité de l'intérêt général majeur : on en vient à se demander si, oui ou non, l'élevage est compris dans l'agriculture ! Pourtant, le sujet est sérieux : nous sommes importateurs nets de viande et nous serons demain importateurs nets de produits laitiers. Il faut relocaliser l'élevage. Or, tandis que nous palabrons autour d'un article qui n'a ni queue ni tête, vous signez des accords de libre-échange. Toutes les organisations d'éleveurs vous diront que c'est cette mise en concurrence internationale qui est le véritable ennemi de l'élevage.
La commission rejette les amendements identiques CE376, CE962, CE2967 et CE3174 et adopte l'amendement CE3292, l'amendement CE3188 ayant été retiré.
Amendements CE1100 de M. Hubert Brigand et CE7 de M. Fabrice Brun (discussion commune)
Nous venons d'ajouter le pastoralisme à l'énumération de l'alinéa 3. Cela n'a aucun sens. Je viens de vérifier l'article L. 311-1 du code rural et Mme Genevard a raison : toutes les productions végétales et animales, y compris les cultures marines, sont comprises dans l'agriculture. J'en ai assez de cet inventaire à la Prévert qui rend le texte illisible et nous fait perdre notre temps. Bien que viticulteur, je voterai contre ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE2975 de Mme Marie Pochon
Cet amendement vise à ajouter les terres agricoles à la liste des objets reconnus comme étant d'intérêt général majeur. De nombreuses terres agricoles sont en effet soumises à la menace de l'artificialisation des sols ou de l'accaparement par des firmes financières. Il est indispensable de protéger nos terres.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE3408 de la commission du développement durable et CE3173 de M. Lionel Vuibert (discussion commune)
L'amendement de mon collègue Vuibert vise à ajouter l'apiculture à la liste. J'ai compris que ce n'était pas à l'ordre du jour. Toutefois, puisqu'il n'est pas de moi, je le maintiens.
Même avis que la rapporteure. Je rappelle cependant que l'apiculture a fait l'objet d'un plan gouvernemental et d'une proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique, récemment adoptée au Sénat. En outre, les règles européennes concernant l'étiquetage sont en cours d'amélioration.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE3214 de Mme Sandrine Rousseau
Cet amendement d'appel propose de retirer l'aquaculture de la liste. Certes, il existe un élevage local, dans des proportions limitées, mais considérer que l'aquaculture est un enjeu de souveraineté alimentaire, c'est prendre le risque d'accroître la pression sur la ressource. En effet, pour nourrir les poissons d'élevage, on utilise des farines issues de poissons sauvages : le thon d'élevage, par exemple, absorbe quinze fois son poids en poisson sauvage.
L'amendement vise à supprimer l'aquaculture de la liste des activités reconnues d'intérêt général majeur. Alors que nous possédons le deuxième espace maritime mondial, avec plus de 10,7 millions de kilomètres carrés, le quota de la pêche hexagonale reste limité, et plusieurs espèces très populaires en France, comme le saumon, le lieu noir ou le thon, ne sont pas produites localement. En conséquence, nous importons plus de 70 % de notre consommation de poisson. Avis défavorable.
Avis défavorable. Tous les poissons ne mangent pas d'autres poissons ; la majorité de l'aquaculture ne nécessite aucun intrant. En outre, une partie de la pisciculture a lieu dans des étangs, qui ne sont pas dénués d'intérêt écosystémique.
Même si la dénonciation de la pêche industrielle est à la mode, notre dépendance à 90 % d'importations pour les produits de la mer et de l'eau douce pose un problème de souveraineté. En refusant le débat sur la souveraineté de l'aquaculture française, vous acceptez d'importer du poisson élevé dans des conditions que nous n'acceptons pas. Je rappelle que l'essentiel des exploitations pratiquant l'aquaculture sont de très petites entreprises (TPE), et non des grands groupes.
Par ailleurs, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) travaille à réduire l'impact de l'aquaculture, en réduisant l'apport en protéines animales au profit d'éco-aliments.
Pourrait-on expliquer à la commission la différence entre la pisciculture et l'aquaculture et la raison pour laquelle le Gouvernement n'a retenu que la seconde ? L'un de mes frères était pisciculteur et aquaculteur : il avait des étangs et des bassins artificiels. Pour moi, ces deux activités relèvent de l'agriculture.
La différence tient partiellement à la distinction entre la culture en eau salée et la culture en eau douce.
Je viens de consulter la définition : la pisciculture se concentre spécifiquement sur l'élevage de poissons, tandis que l'aquaculture englobe un éventail plus large d'organismes aquatiques, y compris les crustacés et les mollusques.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE3215 de Mme Sandrine Rousseau
Cet amendement de repli vise à remplacer l'aquaculture par la conchyliculture et l'algoculture, qui contribuent à notre souveraineté dans de bonnes conditions.
Avis défavorable, même s'il est vrai que certains agriculteurs travaillent sur la spiruline.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE1789 de Mme Marie Pochon
Cet amendement de repli vise à préciser que l'alinéa concerne les pratiques durables d'agriculture, de pêche et d'aquaculture, lesquelles concourent réellement à la souveraineté alimentaire, tandis que les pratiques d'agriculture industrielle et la surpêche nuisent gravement aux écosystèmes et aux ressources naturelles et, de ce fait, à la résilience des activités agricoles et halieutiques.
Vous souhaitez préciser que l'agriculture, l'aquaculture et la pêche doivent être durables. Cette dimension est prise en compte de manière suffisamment claire à l'alinéa 9, qui fait référence à la résilience et au potentiel des facteurs de production agricole, aquacole et halieutique. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE1750 de Mme Hélène Laporte
Cet amendement d'appel vise à demander pourquoi le Gouvernement a préféré la notion d'intérêt général majeur, qui n'est nulle part définie dans le droit, à celle d'intérêt public majeur, qui figure à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
L'expression figurant à l'alinéa 3 de l'article 1er fait référence à l'« intérêt général », véritable boussole de l'action publique, consacrée notamment par notre droit constitutionnel. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement sont une application de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « directive Habitats ». La raison impérative d'intérêt public majeur s'applique donc strictement au champ couvert par la directive, ce qui rend votre proposition inopérante. À l'inverse, la notion d'intérêt général majeur s'appliquera à toutes les productions. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE75 de M. Sébastien Jumel, CE913 de M. Francis Dubois et CE2124 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)
Dans la continuité de notre analyse, nous proposons de supprimer à l'alinéa 3 les mots « sont d'intérêt majeur en tant qu'elles » ainsi que les mots «, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ».
Si l'on souhaite ériger notre agriculture en cause nationale au sein de l'Union européenne, il faut faire preuve de courage politique et considérer qu'elle répond à une raison impérative d'intérêt public majeur.
L'intérêt général majeur place l'agriculture en équilibre avec l'environnement ; cependant, la protection de l'environnement a une valeur constitutionnelle, tandis que, même majeur, l'intérêt général agricole n'a qu'une valeur législative. Par contraste, le caractère majeur de l'intérêt public d'un projet justifierait que celui-ci soit mis en balance avec les autres motifs d'intérêt public concurrents, tels que la protection de l'environnement.
Comme celui du président Chassaigne, mon amendement vise à retirer du texte une notion vague aux conséquences juridiques imprévisibles, en supprimant la référence aux intérêts fondamentaux.
Lors des auditions, nous avons entendu plusieurs avis. Certains estiment qu'il ne s'agit que d'une déclaration sans effet, auquel cas il faut éviter une loi bavarde. En commission du développement durable, la seule raison avancée pour justifier son maintien était l'aspect symbolique de la notion ; on ne fait pas des lois pour le symbole, mais pour changer la vie des gens. D'autres ont estimé qu'il s'agissait d'un moyen de criminaliser la contestation de certains projets agricoles. En effet, la notion d'intérêts fondamentaux a une signification spécifique dans notre droit : il s'agit des intérêts relatifs à la défense nationale. Une personne qui trahirait en fournissant des documents secret-défense à un pays étranger s'en prendrait ainsi aux intérêts fondamentaux de la nation. Or, quoi que l'on puisse penser d'un projet agricole, le contester ou même l'entraver n'est pas un acte de même nature que celui de menacer l'intégrité de son pays.
Que le dispositif soit excessif ou inutile, il convient de le supprimer.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE2531 de M. Julien Dive
Je le retire, afin de ne pas mettre une pièce supplémentaire dans le juke-box, mais il me semble important d'évoquer le cas de la filière horticole, qu'on peut difficilement accuser de lobbyisme. Cette filière est en totale perte de souveraineté – 80 % des fleurs coupées vendues chez les fleuristes sont importées –, alors qu'elle concourt à la protection des sols.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CE3409 de la commission du développement durable et CE1783 de Mme Marie Pochon
Il serait fâcheux d'employer des notions et des définitions non conformes à leur sens communément admis. L'amendement vise à rendre la loi compatible avec le droit international, en ajoutant une référence à la déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, adoptée en 2018, laquelle définit la souveraineté alimentaire.
Avis défavorable.
Pour répondre à M. Dive, la filière horticole fait partie de celles pour lesquelles nous avons un grand intérêt à retrouver notre souveraineté, d'autant que cette perte de souveraineté représente aussi une perte au niveau environnemental. La défense de cette filière est comprise dans le texte.
Un amendement qui a été adopté par la commission du développement durable, qui fait référence à la définition de la souveraineté alimentaire des Nations unies, qui est soutenue par cinquante-quatre organisations rassemblées dans le collectif Nourrir, mérite mieux qu'un simple avis défavorable, d'autant que sa rédaction est différente des précédentes.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CE3410 de la commission du développement durable, CE3 de M. Fabrice Brun et CE46 de M. Julien Dive
Il ne s'agit pas de mettre l'agriculture au-dessus de tout, mais de la placer au même niveau que l'environnement. Pour ce faire, il me semble essentiel de lier la notion d'intérêt général majeur à l'article 410-1 du code pénal, afin de renforcer la protection juridique et le statut prioritaire de l'agriculture dans l'ordre public, en permettant au juge de s'y référer. Que l'on ne m'oppose pas la référence à l'environnement qui figure dans le code pénal ; elle ne concerne pas l'agriculture.
Les amendements visent à préciser que l'agriculture, l'aquaculture et la pêche contribuent à la défense des intérêts fondamentaux de la nation au sens de l'article 410-1 du code pénal, qui consacre les intérêts fondamentaux de la nation. Outre qu'il aurait mieux valu compléter directement l'énumération faite à l'article 410-1 du code pénal, et bien que la précision apportée ne soit pas fausse, je préfère en rester à la rédaction actuelle. Demande de retrait.
Nous consacrons à cet article l'intérêt général majeur.
Qualifier la souveraineté alimentaire d'intérêt fondamental de la nation se heurterait vraisemblablement à l'obstacle constitutionnel de la définition de ces intérêts. L'article 410-1 procède à une énumération limitative d'intérêts regardés comme fondamentaux pour la nation, laquelle ne comporte pas la souveraineté alimentaire ; un renvoi à cette énumération à la portée incertaine serait difficilement intelligible. En outre, cette énumération a pour seul but de délimiter le champ de la répression pénale, qui est très sévère en matière d'actes de trahison et de sabotage. Y faire référence pourrait être interprété comme renvoyant de manière inconsidérée à ce champ d'application. Il faut reconnaître que la souveraineté agricole et alimentaire n'est pas du même ordre que les actes de haute trahison et de sabotage. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
En revanche, plus loin dans le texte, j'émettrai un avis favorable aux amendements CE311 et identiques, qui abordent le sujet pénal sous un autre angle.
Je remarque que chaque intervenant qui appuie la position que nous contestons fait référence au juge. C'est se projeter dans une situation de conflit, où l'on enlise partout le développement de l'agriculture dans un contentieux à n'en plus finir.
Cher collègue, étant députée des Deux-Sèvres, je sais de quoi je parle. Vous emmenez le monde agricole dans le mur et, de surcroît, vous dites aux agriculteurs qu'ils devront aller en justice en écrivant un texte que même les juges ne sauront pas interpréter ! Si l'on ajoute à cela la référence à l'article 410-1 du code pénal, je ne sais plus où l'on est.
La réalité, c'est que, pour la plupart des projets d'élevage et la totalité des projets ayant trait à l'eau, il y a du contentieux. Ce ne sont pas les agriculteurs qui le créent, mais il faut en prendre acte. La stratégie de certains consiste justement à décourager les projets par un embourbement juridique qui leur font perdre deux ans, cinq ans ou dix ans. Vous connaissez bien le sujet, dans les Deux-Sèvres.
Vous nous reprochez de faire comme si le moindre projet allait au contentieux, mais c'est la réalité des agriculteurs. C'est pourquoi la loi doit raccourcir les délais du contentieux – c'est l'objet des articles suivants – et proposer des éléments clairs permettant au juge de juger à bon droit.
Je prendrai l'exemple de la ferme aquacole Pure Salmon, en Gironde, qui est soutenue par certains de nos collègues. Elle s'est vu refuser l'autorisation ICPE – installation classée pour la protection de l'environnement – pour de bonnes raisons, car elle n'est pas conforme au schéma des eaux. La vérité, c'est que les mauvais projets seront toujours contestés. Le texte n'y changera rien, car cela relève du droit européen.
La commission rejette les amendements.
Amendement CE1220 de Mme Anne-Laure Blin
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Je reconnais l'importance des agriculteurs dans la gestion de l'environnement et les pratiques agroécologiques, mais les qualifier de « premiers défenseurs de l'environnement » me semble tout de même un peu excessif.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE1705 de M. André Chassaigne
La rédaction actuelle, suivant laquelle les politiques publiques, notamment celles mentionnées aux articles L. 1 à L.3, « concourent à la protection de la souveraineté alimentaire et agricole », sous-entend que cette souveraineté est acquise. L'amendement vise à remplacer le mot « protection » par le mot « assurer », qui a un sens plus offensif. Ce n'est pas qu'une question de vocabulaire.
Vous avez raison, les mots ont un sens et ces deux termes n'ont pas la même portée. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CE1818 de M. Guillaume Garot
Censée déterminer les orientations de la politique de l'alimentation durable, la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) n'a toujours pas été présentée par le Gouvernement. Le présent amendement vise à alerter sur l'urgence de concevoir une SNANC ambitieuse et à mettre en cohérence le projet de loi avec les politiques publiques en matière de souveraineté alimentaire.
Cette stratégie nous paraît utile non seulement pour définir une planification alimentaire pour les années 2030 à 2050, mais aussi pour répondre aux enjeux liés à l'amélioration de la santé et à la lutte contre le changement climatique.
L'article 265 de la loi « climat et résilience » (loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) définit la SNANC comme devant déterminer « les orientations de la politique de l'alimentation durable » et précise que le programme national pour l'alimentation « prend en compte notamment la souveraineté alimentaire ». Votre amendement étant satisfait par les textes en vigueur, je souhaite qu'il soit retiré.
Même avis. Outre les textes en vigueur, l'alinéa 10 de l'article 1er prévoit que les politiques publiques mettent en œuvre les actions nécessaires pour « orienter les politiques alimentaires dans le respect de la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat ». Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendement CE2238 de M. Thierry Benoit
L'alinéa 4 prévoit que les politiques publiques « concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France ». Je propose d'y ajouter la souveraineté des agriculteurs, qui sont soumis à de nombreuses contraintes – relations avec les industriels et la grande distribution, réglementations française et européenne, aléas climatiques et politiques –, alors que ces entrepreneurs devraient être souverains dans leurs décisions.
La souveraineté se rapporte forcément à un État. Je ne vois pas ce que cette notion pourrait recouvrir ici, même si nous partageons tous le souhait de valoriser le travail des exploitants agricoles. Demande de retrait, car cet amendement n'est pas opérationnel ; à défaut, avis défavorable.
Juridiquement, je ne sais pas ce que recouvre le concept de souveraineté de l'agriculteur. Je vous propose de retravailler votre amendement, afin de faire apparaître comme l'un des objectifs de la souveraineté alimentaire la capacité de l'agriculteur à exercer librement son activité dans le cadre défini par les normes nationales, européennes et internationales. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CE3411 de la commission du développement durable, CE1786 de Mme Marie Pochon et CE1913 de M. Loïc Prud'homme, amendement CE2027 de M. David Taupiac (discussion commune)
Nous souhaitons mettre en cohérence les dispositions de l'article 1er avec les engagements internationaux de la France, qui consacrent à juste titre le respect de la souveraineté alimentaire des pays tiers.
Nous proposons d'insérer à l'alinéa 4 la définition de la souveraineté alimentaire établie par l'ONU.
Mon amendement vise à insérer à l'alinéa 4 la définition de la souveraineté alimentaire de l'ONU et à compléter, à l'alinéa 5, la notion d'approvisionnement par celle de production alimentaire, qui nous semble déterminante pour notre production nationale. Il vise également à préciser que les accords internationaux garantissent une réciprocité des normes sanitaires et environnementales, ces clauses miroirs étant essentielles dans les échanges internationaux. Enfin, il est proposé d'ajouter, à l'alinéa 7, une référence à la production animale durable, l'élevage constituant un enjeu important.
Je comprends parfaitement la préoccupation exprimée dans ces amendements, qui visent à préciser que la souveraineté alimentaire doit être assurée dans le respect des engagements internationaux de la France, notamment dans le domaine de l'entraide internationale et des politiques de développement existantes. En faisant référence à ces engagements internationaux, l'alinéa 5 est de nature à garantir le respect de nos engagements vis-à-vis des pays les plus pauvres en matière d'approvisionnement, d'aide et de développement. Demande de retrait ou avis défavorable.
Concernant l'élevage, je rappelle ma proposition de traiter ce sujet un peu plus loin, dans le cadre de la reconquête de notre souveraineté, plutôt qu'en le déclinant dans les différents items : cela me semble plus opérant.
Par ailleurs, si nous partageons l'objectif de respect de la souveraineté alimentaire des autres pays, une telle disposition n'a pas sa place dans ce texte de loi, qui consacre la souveraineté alimentaire de la France dans le cadre européen.
Enfin, concernant les normes de production, la France s'est beaucoup battue pour l'instauration de mesures miroirs. Le débat sur cette question n'en est qu'à ses débuts au niveau européen. Reconnaissons que les accords de commerce ont, jusque-là, très peu pris en compte ces éléments. C'est ce qui justifie l'opposition du Président de la République à l'accord du Mercosur, qui ne respecte pas les engagements de l'accord de Paris. Si nous avons la volonté de poursuivre ce combat, il ne serait toutefois pas opérant de l'inscrire dans le présent texte, car la plupart des accords internationaux sont négociés au niveau européen. Demande de retrait ou avis défavorable.
Ce texte contient tellement de passages inutiles ou redondants que nous pourrions au moins affirmer que notre souveraineté alimentaire ne sera pas solitaire, mais solidaire d'autres souverainetés. L'inscription de ce principe universaliste honorerait la France et revêtirait une importance politique forte – dans une période de progression du nationalisme, ce ne serait pas un luxe.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE1785 de Mme Marie Pochon
L'objectif premier de ce texte étant de favoriser l'installation pour garantir le renouvellement des générations et faire face à l'effondrement du nombre d'actifs agricoles, il nous semble impératif d'y fixer un objectif général de maintien a minima du nombre d'agriculteurs en activité.
Votre amendement est satisfait par l'alinéa 13, qui consacre la politique d'installation et de transmission des exploitations comme contribuant à la souveraineté agricole de la France. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Si je ne suis pas contre le fait de se fixer des objectifs, j'aurais plutôt abordé cette question sous l'angle du nombre de jeunes agriculteurs que l'on doit installer pour renouveler les générations. Nous examinerons un peu plus loin un amendement proposant un objectif de 30 000 installations, qui me semble préférable à celui du maintien de 400 000 agriculteurs. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Je suis frappée par tant de mauvaise foi. La souveraineté agricole consisterait à maintenir le nombre d'exploitations agricoles : c'est vraiment n'importe quoi ! Je note que, pour l'instant, vous ne voulez pas inscrire l'objectif d'augmenter le nombre de ces exploitations : il est donc clair que ce n'est pas un projet de renouvellement des générations agricoles. Lors d'une audition dans le cadre du groupe de suivi relatif à la préparation de loi d'orientation agricole, vous nous aviez pourtant dit que vous étiez pour du « un pour un » : pour un agriculteur qui s'arrête, au moins un agriculteur s'installe. Confirmez-vous cet objectif et êtes-vous prêt à l'inscrire dans le projet de loi ?
Je ne comprends pas la justification du ministre. Il prend oralement l'engagement de nous présenter des objectifs chiffrés, ce qui n'est en rien contradictoire avec cet amendement. Celui-ci se contente en effet d'afficher une intention politique – accroître le nombre d'exploitations agricoles en activité – sans fixer d'objectif chiffré. Cette intention étant partagée, pourquoi refuser cet amendement ? C'est incompréhensible.
Vous pouvez fixer tous les objectifs que vous voulez : tant que vous ne parviendrez pas à rendre cette profession attractive, cela ne servira à rien. En Corrèze, d'ici à cinq ans, plus de 60 % des agriculteurs auront plus de 65 ans. Il faut défiscaliser la transmission de la succession ; il faut donner la possibilité à des jeunes et à des personnes hors de l'agriculture de s'installer ; il faut mettre en place des prêts à taux zéro et rétablir le prêt à taux bonifié. Sans incitation, sans revenu pour les agriculteurs, notamment dans les zones d'élevage qui sont protégées sur le plan environnemental, vous ne parviendrez pas à rendre cette profession attractive.
Concernant les départs à la retraite d'agriculteurs, chacun annonce des chiffres – j'ai entendu, lors d'une réunion d'un groupe de travail sur le foncier à laquelle j'ai participé la semaine dernière, que sur les 10 millions d'hectares qui seront en mouvement dans les quinze prochaines années, 4 millions, soit 40 %, le seront dans les deux ans à venir – mais vous êtes le seul à détenir la vérité. Pourriez-vous nous indiquer combien d'agriculteurs auront le droit de partir à la retraite d'ici à 2030 et combien d'hectares cela représente ? Disposer de ces chiffres avant l'examen du texte en séance nous permettrait de mener un débat politique éclairé. L'objectif du remplacement a minima constitue pour le groupe Socialistes la condition sine qua non de la crédibilité de ce projet de loi.
Depuis ma première élection comme député, il y a dix-sept ans, j'entends parler de la chute inexorable du nombre d'exploitations agricoles et d'exploitants. Le ZAN (zéro artificialisation nette) empêchera pratiquement toute installation d'industries dans les territoires ruraux. Ce sont donc l'activité agricole, les actifs agricoles et l'agroalimentaire qui feront vivre ces derniers. Il serait nécessaire de trouver, d'ici à la séance, une formule permettant sinon de fixer un objectif, du moins d'aborder la question des actifs – les notions d'exploitations agricoles et d'exploitants agricoles ne sont en effet pas identiques.
Le projet de loi aurait dû définir le modèle agricole avant toute chose. Affirmer une intention politique est certes important, mais définir un modèle est une condition de réussite de la souveraineté telle que nous la concevons. Si nous n'avons pas un nombre suffisant d'exploitations à taille humaine, nous nous dirigerons vers des exploitations atteignant 2 000, 3 000 ou 5 000 hectares – mais peut-être est-ce votre but ?
Pour rassurer le président Chassaigne, je présenterai un amendement à l'article 8 fixant un objectif minimal de 400 000 exploitations ; j'espère qu'il sera voté.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CE810 de M. Vincent Descoeur et CE5 de M. Fabrice Brun (discussion commune)
L'amendement CE810 vise à tenir compte du revenu des agriculteurs et des actifs agricoles, tandis que l'amendement CE5 tend à préciser que les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur métier. La principale revendication des mouvements agricoles porte en effet sur le revenu. Tant qu'on n'assurera pas l'attractivité de l'agriculture, on n'installera personne ; tant qu'ils n'auront pas un revenu décent, les agriculteurs ne pourront pas vivre dignement de leur métier et personne ne souhaitera s'engager dans cette voie.
Avis favorable à l'amendement CE810, qui vise à préserver et à améliorer le revenu des agriculteurs dans le cadre de la politique de souveraineté alimentaire. Inscrire ce principe dans la loi serait un signe fort envoyé aux agriculteurs par la représentation nationale.
Avis favorable à l'amendement CE810, qui s'inscrit dans l'orientation que nous voulons donner à la souveraineté.
Monsieur Potier, les indicateurs que vous demandez figurent dans le pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture ; nous allons les ressortir et vous les communiquer.
Madame Pochon, nous allons retravailler sur l'objectif d'installation d'ici à l'examen du texte en séance.
Nous soutenons cet amendement. Ce texte, censé avoir pour objectif le renouvellement des générations agricoles, n'aborde jamais les questions du revenu agricole, de l'accès au foncier et des débouchés, c'est-à-dire les trois principales raisons pour lesquelles un jeune s'installe en agriculture. Le moins que l'on puisse faire est donc de l'inscrire dans la loi. Il est important qu'une politique publique fixe des objectifs à atteindre : un législateur devrait savoir cela !
Nous soutenons également cet amendement, même s'il risque de n'être qu'incantatoire. Pour ma part, je pense qu'il faut à la fois déterminer un objectif et se donner la possibilité d'atteindre un nombre d'exploitants agricoles pouvant vivre dignement de leur activité. Je préfère d'ailleurs le terme d'exploitants à celui d'actifs, car nous voulons éviter une approche financiarisée de l'agriculture, qui compterait beaucoup de salariés et très peu de chefs d'exploitation.
S'il est utile de soutenir cet amendement, je rappelle que nous avons également fait adopter, dans le cadre de notre niche parlementaire, un texte sur les prix planchers – beaucoup d'entre vous étaient d'ailleurs absents au moment de son adoption.
Je suis tout à fait d'accord avec l'amendement mais son positionnement après l'alinéa 6, qui définit la souveraineté alimentaire, me pose un problème. Il me semblerait plus pertinent de l'ajouter après l'alinéa 8 relatif aux actions nécessaires à mettre en œuvre.
C'est presque pire ! L'alinéa 4 dispose que « les politiques publiques concourent à la protection de la souveraineté alimentaire de la France en veillant à préserver et améliorer […] » divers points qui semblent constituer votre définition de la souveraineté alimentaire. Il me semble plus cohérent de placer la protection du revenu agricole dans les actions nécessaires à mener pour garantir la souveraineté alimentaire.
Successivement, la commission adopte l'amendement CE810 et rejette l'amendement CE5.
Amendement CE1402 de M. Grégoire de Fournas
Il s'agit d'ajouter, à l'alinéa 4, la préservation des capacités de production agricole du pays. Cette notion, pourtant élémentaire, n'apparaît pas dans votre définition, qui ne traite que de l'approvisionnement. Il me paraît important de rappeler que la souveraineté alimentaire passe d'abord par la production nationale. On ne peut se contenter de s'en remettre à l'Union européenne ou aux pays tiers.
Votre amendement me semble déjà satisfait par l'alinéa 9, qui fait référence aux actions menées par la France pour préserver et développer la résilience et le potentiel des facteurs de production agricole. Demande de retrait ou avis défavorable.
Monsieur le ministre, on ne peut pas passer aussi rapidement sur un sujet aussi important.
Madame la rapporteure, vous confondez deux choses : il s'agit de maintenir non pas des outils de production pour les agriculteurs, mais la production agricole française. L'objectif est que la souveraineté alimentaire soit alimentée d'abord et en priorité par la production nationale : ce n'est pas ce que dit l'alinéa 9, lequel ne veut d'ailleurs absolument rien dire tant sa rédaction est alambiquée.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE914 de M. Francis Dubois
Il s'agit de préciser que les politiques publiques doivent veiller à mettre en avant la production nationale agricole, sans laquelle nous ne pourrons pas accéder à la souveraineté alimentaire et en aucun cas atteindre la résilience en matière agricole.
Alors que tous les syndicats disent que la souveraineté alimentaire ne peut être définie sans référence à la production nationale, il est problématique que le ministre et la rapporteure ne soient pas en mesure d'expliquer pourquoi ils ont fait ce choix troublant et dangereux. Quand on inscrit la souveraineté alimentaire sur le fronton de son ministère, il est scandaleux de ne pas être capable d'en donner une définition claire, garantissant que c'est d'abord l'agriculture française qui contribue à la souveraineté alimentaire.
J'ai un problème de compréhension. Selon moi, la souveraineté alimentaire de la France signifie que notre pays est indépendant dans son approvisionnement, sans avoir besoin de recourir à une production extérieure. De votre côté, vous évoquez l'approvisionnement du pays – et non la production – « dans le cadre du marché intérieur de l'Union européenne ». Or ces deux notions ne coïncident pas. Ce n'est pas cohérent.
Il y a un amendement que nous n'avons pas adopté en contrepartie de l'engagement du ministre à s'en servir comme base pour réécrire intégralement l'article 1er. Cet amendement proposait une vision de l'agriculture tenant compte de la réalité des échanges et du marché, notamment du fait que nous sommes exportateurs et qu'il serait illusoire de concevoir la souveraineté à une échelle strictement hexagonale. Je regrette qu'il n'ait pas été adopté, car nous sommes en train de discuter de tout ce qu'il contenait. Puisque le ministre s'est engagé à réécrire l'article, ne passons pas autant de temps à discuter de tous ces éléments, si importants soient-ils !
Je ne suis pas la responsable du texte pour le groupe Écologiste, mais je constate que nous sommes en train de passer des heures à discuter d'amendements portant sur des alinéas qui seront entièrement réécrits. Certains de ces amendements proposent à juste titre de remplacer le mot « approvisionnement » par celui de « production » et nous avons déjà défendu à plusieurs reprises la nécessité de définir dans le texte la notion de souveraineté alimentaire, mais la question est de savoir s'il est utile d'en discuter alors que tout sera refait lors de l'examen du texte en séance.
Ne passons pas outre au droit d'amendement et au droit de parole des parlementaires, ou alors remballons et laissons tout au décret. Il est important que chacun puisse intervenir, quelle que soit son obédience. Certains ont pris position sur l'amendement de notre collègue Alfandari. Je m'inscris quant à moi, dans la lignée des amendements défendus par nos collègues de Fournas, Dubois et Genevard.
Je profite de ma prise de parole pour défendre l'amendement CE47. J'ai été interpellé à la lecture de l'article 1er et je pense ne pas être le seul : d'autres parlementaires, ainsi que les agriculteurs, les syndicats et les interprofessions l'ont aussi sans doute été. Son alinéa 5 n'aborde en effet la question de la souveraineté que par la perspective de l'approvisionnement, qui se rapporte à la notion de mise à disposition. En tant que défenseur de l'agriculture française, le terme « production » me semble avoir plus de sens.
Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur l'approche retenue par la commission, mais je partage un peu les propos de M. Dive. Si l'amendement avait été adopté, il aurait fait tomber d'un coup 380 amendements, et mis un terme au débat. On ne peut pas à la fois reprocher une chose et son contraire. Il est donc important, comme l'a dit M. Dive, de pouvoir pointer les éléments qui nous paraissent importants dans la perspective d'une réécriture globale de plusieurs alinéas.
Je suis par ailleurs assez d'accord avec l'idée que la souveraineté n'est pas qu'une question d'approvisionnement, mais également de production.
Enfin, sur l'articulation des échelles nationale, européenne et internationale, nous ne pouvons pas nous contenter d'un objectif d'approvisionnement du marché national : il faut tenir compte des risques liés notamment au changement climatique. Si tout le monde partageait la politique défendue par M. de Fournas, nous risquerions d'aboutir à une catastrophe alimentaire. L'interaction est donc nécessaire et elle doit être non pas subie, mais choisie. La France, grande puissance agricole, ne doit pas être privée de sa capacité à exporter.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE47 de M. Julien Dive, CE375 de Mme Annie Genevard et CE739 de Mme Isabelle Périgault, amendement CE4 de M. Fabrice Brun (discussion commune)
Bien que nous n'ayons déposé aucun amendement sur ce point, après avoir réfléchi au concept, je dirais que la souveraineté alimentaire désigne à mon sens la capacité pour un État à pouvoir assurer par lui-même un approvisionnement en produits agricoles destinés en priorité à l'alimentation de l'ensemble de sa population, métropolitaine et ultramarine, capacité qui ne doit pas pouvoir être remise en cause par d'éventuelles crises. Or, cet approvisionnement peut être constitué par la production nationale, mais aussi par le recours à des stocks et à des importations, dans le cadre d'échanges avec le reste du monde. La notion d'approvisionnement est plus large et correspond véritablement à ce qu'est la souveraineté alimentaire. De ce point de vue, souveraineté alimentaire n'est pas synonyme d'autarcie. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Avis défavorable à ces amendements qui proposent de remplacer l'approvisionnement par la production, car il faut conjuguer les deux notions.
Monsieur le ministre, vos propos manquent de logique car, contrairement à ce que vous avez dit, la souveraineté alimentaire n'est pas incompatible avec la capacité d'exporter. Nous soutenons simplement que les besoins de consommation doivent d'abord être assurés par la production nationale, mais celle-ci peut être excédentaire.
Madame la rapporteure, de grâce : personne ici ne souhaite l'autarcie et personne ne nie la nécessité du commerce. Cette pratique existait bien avant vos traités de libre-échange et la mondialisation. Le secteur dans lequel je vis a vu ses ports se développer au Moyen Âge grâce au commerce du vin. Arrêtez donc avec ces simplifications, car elles nuisent à la construction intelligente de la rédaction d'un article qui, pour l'instant, ne veut rien dire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE1403 de M. Grégoire de Fournas
Il vise à rédiger l'alinéa 5 de façon à définir la souveraineté alimentaire comme la capacité à assurer l'approvisionnement « si nécessaire » dans le cadre des échanges au sein du marché unique ou avec des pays tiers. Une telle rédaction garantit qu'une hiérarchie soit respectée entre la production nationale et les importations.
L'alinéa 5 ne signifie pas que nous devons privilégier les produits importés au détriment des produits nationaux : il signifie que nous devons nous approvisionner en tenant compte du cadre international dans lequel la France évolue et que si notre production nationale est insuffisante – c'est le cas pour les protéines végétales, les volailles et une bonne partie des fruits –, nous pouvons importer.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Monsieur de Fournas, les mots « si nécessaire » se rapportent à une temporalité, mais ce n'est pas en ces termes qu'il faut poser la question, car la France est certes déficitaire pour certaines productions, mais notre balance commerciale est globalement excédentaire. Avis défavorable.
Les mots « si nécessaire » signifient : si nous n'avons pas la capacité de produire.
Pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous donner votre définition de la souveraineté alimentaire ?
Madame la rapporteure, avec votre réponse, je ne comprends plus l'orientation de ce texte. L'alinéa 4 prévoit de « préserver et améliorer » notre capacité d'approvisionnement : s'agit-il d'être plus souverain ou de l'être moins et de rester dépendant dans certains domaines ? Vous justifiez le maintien de la rédaction de l'alinéa 5 par notre dépendance pour certaines productions, ce qui me semble manifester un manque d'ambition pour renforcer notre souveraineté alimentaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CE1965 de M. Max Mathiasin
Il vise à poser le principe que la souveraineté alimentaire doit être assurée de façon prioritaire à partir de l'approvisionnement sur le territoire national, avant de recourir aux sources d'approvisionnement sur le marché de l'Union européenne ou au niveau international. Il s'agit ainsi d'instaurer une priorité pour nos agriculteurs.
Une loi prévoyant la priorité nationale serait immédiatement invalidée par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Avis défavorable.
La politique est l'art de rendre les choses possibles. Il importe donc de mener un combat au sein de l'Union européenne pour préserver la priorité nationale dans l'alimentation qui, encore une fois, n'est pas incompatible avec les exportations. Si l'on retire les vins et les spiritueux, notre balance commerciale est largement déficitaire et elle l'est à cause de positions comme la vôtre.
Votre gouvernement a fait le choix d'ajouter la souveraineté alimentaire à l'intitulé de votre ministère, mais vous semblez avoir un mal fou à la définir. Je réitère donc ma demande : pouvez-vous nous donner votre définition de la souveraineté alimentaire ?
Nous arrivons au nœud du problème. Selon les Nations Unies, la souveraineté alimentaire comporte une dimension nationale, que vous semblez vouloir nier. Nous considérons qu'il faut instaurer un rapport de force au niveau européen pour que la souveraineté alimentaire s'applique d'abord au niveau national par la relocalisation de l'agriculture. Deux visions du modèle agricole s'affrontent ici. Voulez-vous favoriser l'approvisionnement alimentaire grâce aux agriculteurs français, notamment locaux ?
Je souhaite souligner que la priorité que souhaite donner l'amendement au marché national met également en relief les enjeux agricoles de l'outre-mer.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CE74 de M. Sébastien Jumel et CE1572 de M. Antoine Villedieu, amendement CE1404 de M. Grégoire de Fournas, et amendements identiques CE612 de M. Vincent Descoeur et CE1405 de M. Grégoire de Fournas (discussion commune)
Je ne suis pas intervenu dans le débat précédent car l'amendement CE74 va dans le sens du consensus. Il vise en effet à supprimer la référence dans l'alinéa 5 au marché intérieur de l'Union européenne et aux engagements internationaux. Pourquoi avoir ajouté cette référence ? Vous me faites penser à ceux qui sautaient comme des cabris en disant : « L'Europe, l'Europe, l'Europe ! ». Nous savons ce qu'est l'Europe et sa logique libérale de concurrence. Il est superfétatoire de le préciser.
Notre but est simple : clarifier et renforcer le concept de souveraineté alimentaire dans la loi. La souveraineté implique une indépendance et une autonomie sacrées, ce qui n'est pas compatible avec l'idée de se conformer strictement aux règles du marché intérieur européen, ou à des accords multilatéraux de libre-échange. Votre gouvernement veut imposer l'idée que c'est en partageant nos souverainetés alimentaires que nous pourrons mieux défendre nos intérêts communs, mais, comme le disait le juriste Cardin Le Bret, la souveraineté n'est pas plus divisible qu'un point géométrique.
Monsieur le ministre, quelle est votre définition de la souveraineté alimentaire : souhaitez-vous renationaliser et privilégier les agriculteurs français, ou comptez-vous persister dans votre folie des accords de libre-échange ? Vous étiez beaucoup moins discret au Parlement européen lorsque vous avez signé les accords de libre-échange avec le Chili.
Monsieur le ministre, je trouve surprenant – je vous le dis de façon très cordiale – que vous ne vouliez pas répondre à une question simple, mais peut-être vous gêne-t-elle : quelle est votre vision de la souveraineté alimentaire ? En tant que ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en poste depuis plusieurs mois, il me semble pourtant que vous avez eu le temps d'y réfléchir.
L'amendement propose de supprimer la référence aux engagements internationaux. En effet, s'il devient possible d'importer sans limite des produits aux normes différentes, on ne peut plus vraiment parler de souveraineté alimentaire. Il convient de défendre une définition plus ambitieuse de la souveraineté alimentaire à l'échelle de l'Europe.
Ces amendements visent à supprimer la référence aux engagements internationaux et à l'Union européenne. Or, la France est un État souverain qui a librement consenti de participer à l'Union européenne et de souscrire à des engagements internationaux. Notre action en faveur de la souveraineté alimentaire s'inscrit donc dans ce cadre. La référence à l'Union européenne et aux engagements internationaux est également importante, car elle est liée à la capacité exportatrice de notre agriculture, l'une des plus fortes au monde.
Monsieur de Fournas, vos propos sont tellement cordiaux que j'ai envie de satisfaire votre curiosité. La souveraineté est la capacité à pouvoir assurer des besoins essentiels, en l'occurrence des besoins alimentaires, et à choisir les interdépendances plutôt que les subir, comme celles concernant les engrais de synthèse, qu'il faut essayer de produire sur notre territoire.
Dans le contexte du dérèglement climatique et de crise géopolitique, les partenariats sont nécessaires. Les Espagnols et les Italiens assurent leur souveraineté alimentaire en maîtrisant leurs interdépendances. Je vous le dis de façon vraiment cordiale : c'est une erreur de penser que nous pourrons nous abstraire complètement de l'interdépendance. Nous devons nous préparer à être occasionnellement déficitaires sur certaines productions en raison du dérèglement climatique, comme cela a été le cas en 2016 lorsque 30 % de la production de céréales a été perdue. Pour y faire face, les interdépendances sont nécessaires et elles doivent être plutôt choisies au niveau européen. Le dérèglement climatique pénalisera ainsi une année les Italiens, avant de nous frapper l'année suivante.
Il faut donc réfléchir à nos interdépendances, y compris sur la question énergétique, qui est liée à la souveraineté alimentaire, car la production d'engrais, par exemple, demande de l'énergie. La dépendance aux engrais construite depuis une quarantaine d'années est toxique. Nous devons retrouver notre capacité à produire.
S'il faut retrouver notre capacité de production, elle ne doit pas être destinée au seul marché national, car cela nous mettrait dans une situation de risque.
Je n'ai pas voté pour les amendements sur la priorité nationale et je soutiens les propos du ministre. L'Union européenne – fruit d'un choix courageux et visionnaire – est notre assurance vie dans la mondialisation. La souveraineté n'est pas l'autonomie nationale, ni même européenne : elle est notre capacité à fixer des normes dans la mondialisation, à dire ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas, et à le contractualiser de façon souveraine avec nos partenaires. La démocratie et le pouvoir économique sont les composantes de la souveraineté.
Enrico Letta nous a rappelé, lorsque nous l'avions invité à l'Assemblée, que, en 1950, année de la déclaration Schuman, les Européens représentaient un cinquième de l'humanité et qu'ils n'en constitueront plus que 5 % en 2050. Face au dérèglement climatique et à l'insécurité alimentaire, source de guerres, il faut jouer la carte de l'Union européenne et d'une mondialisation façonnée par les valeurs de l'Europe. Privilégier le niveau national est une folie.
Monsieur le ministre, nous sommes d'accord. Nous n'avons jamais dit que donner la priorité à la production nationale devait exclure les interdépendances. Certains produits, comme le café, ne peuvent être cultivés en France. Nous avons donc des dépendances et nous devons pouvoir exporter. Tout cela doit être sécurisé.
Vous avez parlé de production nationale et nous approuvons votre définition de la souveraineté alimentaire, mais vous avez émis un avis défavorable à tous les amendements proposant de faire figurer la production nationale dans le texte.
Notre balance commerciale agricole se dégrade depuis dix ans, principalement vis-à-vis des autres pays européens. Cette augmentation des importations est directement liée à la concurrence européenne sur des productions que nous sommes capables d'assurer. Je pense aux protéines végétales, aux légumes, aux pommes, à la volaille ou la viande bovine.
Dans ce contexte, la question est de savoir si nous voulons développer la production alimentaire de proximité. Nous le souhaitons, quant à nous, d'une part parce que cette proximité permet au consommateur de mieux connaître les conditions de production de son alimentation et, d'autre part, parce que tous les pays européens ne respectent pas les mêmes normes de salaires, d'environnement ou de santé.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CE1328 de M. Lionel Tivoli, CE2884 de M. Julien Dive, CE1706 de M. André Chassaigne, CE915 de M. Francis Dubois, CE1175 de Mme Anne-Laure Blin, amendements identiques CE3413 de la commission du développement durable, CE48 de M. Julien Dive et CE811 de M. Vincent Descoeur, amendements identiques CE746 de Mme Annie Genevard et CE757 de Mme Isabelle Périgault, amendement CE1574 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)
De très nombreux agriculteurs français subissent de plein fouet une concurrence déloyale des pays étrangers. Les normes françaises sont très strictes, mais, dans les rayons des supermarchés, les consommateurs peuvent acheter bien moins cher des aliments qui ne respectent pas les mêmes règles environnementales et sociétales. Afin de protéger notre agriculture, il est impératif de faire figurer dans la loi que notre agriculture ne doit pas subir de concurrence déloyale au niveau européen ou international. Le but n'est pas de pénaliser les importations des produits agricoles, mais de s'assurer que celles-ci sont soumises aux mêmes normes que les nôtres.
Mme Trouvé a vanté les mérites de la production nationale, notamment de pommes, et a regretté que nous soyons assujettis à des dispositions internationales. Or, la filière pommes-poires souffre avant tout des surtranspositions que vous avez soutenues, Madame. Elles ont affaibli dramatiquement la filière, et aujourd'hui nous consommons des pommes traitées avec des produits interdits en France.
Nous devons être en mesure de développer notre propre appareil de production sur le territoire national pour réduire la dépendance vis-à-vis des pays tiers. L'amendement vise à corréler la capacité à assurer l'approvisionnement alimentaire au développement de la production nationale. L'État doit agir pour développer la production nationale afin d'assurer une continuité dans les approvisionnements, y compris en cas de crise majeure.
La souveraineté alimentaire ne peut se construire et se renforcer qu'en tenant compte de notre environnement. Avis défavorable.
Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements, pour les mêmes motifs que ceux que j'ai évoqués.
L'article 1er est un article qui pose les principes que nous souhaitons donner à notre agriculture. Les articles suivants assurent leur traduction par des dispositions sur la formation, l'installation, la simplification visant à renforcer notre souveraineté par le développement de la production sur le sol national.
Pour une fois, je suis d'accord avec Mme Trouvé : une grande part de la concurrence s'exerce à l'intérieur même de l'espace européen – il ne sert donc à rien de s'énerver contre les accords internationaux. Toutefois, je ne vais pas jusqu'au bout de sa logique car, Mme Genevard a raison, nous avons souvent rajouté des normes en surtransposant. De même, des interdictions, qui créent une situation d'incapacité à produire, ont été décidées sans que les recherches nécessaires pour trouver des produits de substitution n'aient été faites. On reproche aux autres des choses dont nous sommes parfois à l'origine. Or, on ne peut pas se contenter de fermer les frontières pour régler le problème, car nous vivons dans un monde ouvert.
Nous avons fait le choix de l'Europe, et les traités de l'Union européenne nous engagent. Plutôt que de partir seul et de se plaindre de nos voisins, nous devons pousser l'ensemble des pays européens vers le haut par des normes convergentes. Nos voisins se préoccupent autant de leur santé que nous, et je n'ai aucune leçon à leur donner.
Nous devons donc d'abord nous poser des questions au niveau national et c'est pourquoi nous procédons à des simplifications. Il faut chercher des alternatives pour éviter toute situation d'impasse.
Je comprends que nous sommes liés à l'Europe et à des pays tiers par des engagements, mais les territoires ultramarins ne se trouvent pas géographiquement en Europe. L'amendement CE915 parle directement aux petits agriculteurs antillais ou réunionnais, car ils sont entourés de pays qui ont le droit d'utiliser des produits phytosanitaires interdits en France ou en Europe. Ils souffrent donc d'une concurrence déloyale.
La concurrence est le fait avant tout des pays européens, mais il existe également une concurrence de plus en plus féroce de la part de pays extra-européens. Nous devons donc nous en protéger et nous prônons la fin des négociations des accords de libre-échange.
Selon vous, nous aurions demandé trop de normes environnementales et sociales, mais je vous rappelle que certains pays en Europe n'ont pas de Smic et qu'on y trouve des exploitations capitalistes de plusieurs dizaines de milliers d'hectares ou des abattoirs géants. On peut aller très loin dans le moins-disant social, environnemental et sanitaire. Ce petit jeu de la concurrence et du dumping social peut tuer l'agriculture familiale. La solution pour la sauvegarder est de la protéger par des clauses de sauvegarde sanitaires et environnementales, et de fermer nos frontières à tous les produits qui ne respectent pas nos normes.
Mme Genevard a accusé la gauche d'être responsable des surtranspositions. À ceux de nos collègues de la majorité qui ont acquiescé à ces propos, je rappelle que vous êtes au pouvoir depuis sept ans et que vous avez donc eu tout le loisir de revenir sur ces transpositions qui, aujourd'hui, nous plombent.
Monsieur le ministre, quand vous nous dites que tous les pays d'Europe devraient adopter les mêmes standards, vous nous dites en réalité que vous attendez que l'Union européenne interdise l'acétamipride pour pouvoir régler le problème. Bon courage ! Vous voulez que les normes soient tirées vers le haut mais, dans une sorte de « en même temps », vous vous refusez à donner des leçons sur la préservation de la santé à nos voisins. Vous restez au milieu du gué et attendez que les autres pays de l'Union européenne adoptent les standards français. Pourquoi devraient-ils suivre les surtranspositions imposées par la gauche ? En attendant, vous laissez les filières exposées à une concurrence déloyale, sans compter les questions sociales, qui ont très justement été évoquées. Où allons-nous ?
Sur ces sujets, il y a beaucoup de fantasmes et de préjugés, et il y a une vérité scientifique que certains essayent de cerner, comme nous l'avons fait dans le cadre de la commission d'enquête dont j'ai été le rapporteur. Nous nous sommes penchés sur la question de la maîtrise des pesticides dans le cadre des plans Écophyto, ainsi que sur celle des régimes d'autorisation et donc sur les surtranspositions. La vérité est qu'il existe très peu d'écart au sein de l'Union européenne pour la filière des fruits et légumes en ce qui concerne les normes environnementales. Il en existe en revanche d'importants pour les questions sociales, avec l'Espagne pour les fruits et légumes, avec des pays d'Europe orientale pour les filières animales.
Les normes environnementales devraient faire l'objet d'un processus permanent d'ajustement des autorisations entre les différents pays. Il existe également des solutions internationales. Les propositions de la commission d'enquête sont à la disposition du Gouvernement.
L'amendement CE1706 ayant été retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 30 avril 2024 à 21 h 30
Présents. – Mme Ségolène Amiot, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, Mme Delphine Batho, M. Thierry Benoit, M. Éric Bothorel, Mme Danielle Brulebois, Mme Françoise Buffet, M. Sylvain Carrière, M. André Chassaigne, Mme Sophia Chikirou, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, M. Francis Dubois, M. Grégoire de Fournas, M. Charles Fournier, M. Éric Girardin, Mme Mathilde Hignet, Mme Chantal Jourdan, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Pascal Lecamp, M. Bastien Marchive, M. Éric Martineau, Mme Louise Morel, M. Nicolas Pacquot, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Marie Pochon, M. Dominique Potier, M. Jean-François Rousset, M. David Taupiac, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé
Excusés. – M. Perceval Gaillard, Mme Hélène Laporte, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Jiovanny William
Assistaient également à la réunion. – Mme Nathalie Bassire, Mme Lisa Belluco, M. Charles de Courson, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Annie Genevard, Mme Sandrine Le Feur, Mme Manon Meunier, M. Antoine Villedieu