Commission des affaires économiques

Réunion du lundi 4 mars 2024 à 21h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ASN
  • IRSN
  • commande publique
  • expertise
  • fusion
  • relance
  • réacteur
  • sûreté
  • sûreté nucléaire

La réunion

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La commission a examiné, pour avis, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2197) (M. Antoine Armand, rapporteur pour avis).

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Notre commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, sur le rapport pour avis de M. Antoine Armand. Si nous sommes contraints de nous réunir un lundi, en soirée, c'est bien sûr en raison de l'organisation d'un Congrès à Versailles cet après-midi, mais c'est surtout parce que notre commission n'est saisie que pour avis : le projet de loi a en effet été renvoyé à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire (CDDAT), qui débutera son examen demain à seize heures trente.

Le renvoi du texte à cette commission se situe dans la lignée du choix opéré par le Sénat, où le texte a été déposé. Nos collègues de la commission des affaires économiques du Sénat ont revendiqué avec force leur compétence au fond mais n'ont pas été entendus. Je regrette également que le texte n'ait pas été renvoyé à notre commission : la sûreté nucléaire ayant un rôle déterminant sur nos capacités de production de l'électricité, elle participe pleinement de notre compétence exclusive et intégrale en matière d'énergie. Nous avons pu le constater avec l'arrêt d'un grand nombre de nos réacteurs nucléaires du fait de problèmes de corrosion sous contrainte.

Sur le plan juridique, notre compétence dans ce domaine a été consacrée par la loi du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, qui attribue à la commission compétente en matière d'énergie le pouvoir d'émettre un avis sur la nomination du président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Je reviens sur la question du renvoi du projet de loi essentiellement car notre compétence pour donner un avis sur la personnalité pressentie pour la présidence de l'ASN est remise en cause par le texte. Je compte sur votre soutien pour maintenir le cadre juridique actuel en la matière.

Notre commission s'est saisie pour avis de l'ensemble du projet de loi, lequel, après son adoption par le Sénat, comporte vingt-cinq articles. Cependant, par un courrier du 4 février, M. Jean-Marc Zulesi, président de la CDDAT, a sollicité l'avis de la commission des affaires économiques sur sept de ces articles – les articles 2 ter, 12, 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18. Cette procédure prévue à l'article 87, alinéa 2 du règlement équivaut à nous attribuer une délégation au fond sur ces articles, ainsi que sur les articles additionnels qui auraient un lien avec lesdits articles.

Nous avons ainsi pleinement compétence sur les cinq articles constituant le titre II relatif à l'adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires. Il nous revient aussi de donner notre avis sur le titre Ier, qui constitue la question politique majeure de ce texte, à savoir la création d'une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, résultant de l'intégration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire.

Cette proposition de réforme avait surgi dans le débat public en mars 2023 à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dites « loi sur le nouveau nucléaire ». Le Gouvernement avait alors fait adopter en commission deux amendements portant articles additionnels : l'un élargissant les compétences de l'ASN à l'expertise et à la recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; l'autre prévoyant le transfert des contrats de travail des salariés de l'IRSN. En séance, le premier avait été totalement réécrit et le second, supprimé. La commission mixte paritaire ne les avait pas retenus.

Depuis lors, le Gouvernement s'est efforcé de convaincre les parlementaires et les personnels de l'ASN et de l'IRSN de l'importance de cette réforme de notre sûreté nucléaire dans une période où de nouveaux réacteurs vont être mis en chantier et où la prolongation du fonctionnement de centrales plus anciennes sera étudiée et mise en œuvre. Une majorité de sénateurs ont été convaincus, puisque le texte a été adopté assez largement au Sénat, par 228 voix pour et 98 contre.

Nous aurons 94 amendements à examiner. Un amendement, le CE61 de M. Gérard Leseul, a été jugé irrecevable en vertu de l'article 40 de la Constitution. J'ai également considéré deux amendements comme des cavaliers législatifs. Je rappelle à cet égard que l'appréciation du lien direct ou indirect d'un amendement ne peut être effectuée eu égard au titre du projet de loi, mais uniquement en s'appuyant sur le contenu des articles. En l'occurrence, ceux-ci ne portaient nullement sur les modes d'exploitation des installations nucléaires de base produisant de l'électricité. Je n'ai donc pu retenir ni l'amendement CE8 de Mme Delphine Batho concernant la nature de l'exploitant, ni le CE56 de Mme Marie-Noëlle Battistel prévoyant une loi quinquennale sur les objectifs et les priorités d'action de la politique d'approvisionnement et de gestion des matières et déchets radioactifs. Ils ne se rattachaient manifestement ni aux articles du titre Ier du projet de loi concernant l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, ni à ceux du titre II sur la commande publique.

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Nous sommes réunis afin d'examiner, pour avis et, en partie, au fond, un projet de loi qui a déjà fait parler de lui. Quelles que soient nos convictions écologiques et énergétiques, nous partageons l'idée de l'urgence écologique, donc énergétique. Le mur énergétique devant lequel nous nous trouvons nous oblige d'ici à 2050 et, plus encore, à 2030, à produire beaucoup plus d'énergie en émettant beaucoup moins de gaz à effet de serre. Pour cela, la France possède un atout majeur : son parc nucléaire. Pour un kilowattheure produit, une centrale nucléaire émet 57 fois moins de gaz à effet de serre qu'une centrale à gaz et 157 fois moins qu'une centrale à charbon – c'est même deux à trois fois moins que pour produire certaines énergies renouvelables.

Nous avons donc besoin du nucléaire pour la transition énergétique. En conséquence, il nous faut préserver notre parc en préparant, facilitant et accélérant son développement, tout en maintenant les exigences de sûreté les plus élevées, une des grandes forces de la filière française. Ces exigences ont toujours été, et seront toujours, une priorité collective et consensuelle. Le dispositif de sûreté français a permis de prévenir les risques spécifiques et potentiellement immenses d'un incident ou d'un accident nucléaire. Toujours doté des moyens adaptés, il a toujours fait l'objet d'une grande rigueur – dans la doctrine de sûreté et de sécurité appliquée, comme dans son organisation. En soixante-neuf ans d'existence, soit en milliers d'années cumulées d'exploitation de notre parc, ce que nous appelons les « années réacteurs », aucun accident grave n'a eu lieu en France. Les deux incidents de niveau 4 selon l'échelle internationale des événements nucléaires n'ont pas eu de conséquences radiologiques sur les populations environnantes ; ils ont de plus concerné des réacteurs qui ne sont plus en activité et dont le modèle n'existe plus.

C'est précisément cette exigence d'excellence et d'adaptation qui a conduit aux évolutions permanentes et progressives que nous avons connues : de l'adaptation aux évolutions technologiques aux leçons tirées des incidents et accidents internationaux comme Fukushima.

Ces évolutions ont aussi été organisationnelles, par la fusion en 2001 dans l'IRSN de l'IPSN, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, créé en 1976 et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), établissement public créé en 1994 à partir d'un service de l'État, au nom d'une plus grande indépendance. Ce n'est qu'ensuite, par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, alors que la totalité du parc nucléaire issu du plan Messmer était construite et en fonctionnement que fut créée, également à partir d'un service sous tutelle de l'État, notre Autorité de sûreté nucléaire, érigée en autorité administrative indépendante.

Notre dispositif de sûreté fait face à une nouvelle étape : dans les prochains mois et années, la maintenance courante et la prolongation de la durée de vie des réacteurs constitueront le quotidien des services en charge, de l'exploitant à l'autorité de sûreté, et exigeront un volume de travail et une quantité d'heures considérables.

Dans le même temps, la relance nucléaire inédite, annoncée par le Président de la République dans son discours de Belfort, qui devait se traduire par une loi de programmation énergétique, implique, elle aussi, par les expertises, les instructions et les décisions techniques à prendre, une importante charge supplémentaire et une efficacité maximale de ces étapes.

Enfin, la multiplication d'innovations majeures dans le secteur, apportées par de petites entreprises qui conçoivent de petits réacteurs de troisième ou quatrième génération, avec un cycle partiellement ou totalement fermé et une variété de combustibles, appelle les responsables de l'expertise, de la recherche et de la sûreté nucléaires à une grande adaptabilité, pour ne pas freiner la France dans la course mondiale à l'innovation technologique et écologique.

Pour toutes ces raisons et dans la continuité de son histoire, la sûreté nucléaire est donc amenée à poursuivre son évolution organisationnelle. C'est tout le sens de la réforme que propose le Gouvernement dans ce projet de loi : constituer rapidement un nouveau cadre, pour un dispositif plus fort et plus indépendant. Il s'agit bien d'un cadre car le texte ne vise pas à définir précisément l'ensemble de l'organisation des activités, des pratiques, et encore moins, du référentiel de sûreté nucléaire. : il reviendra aux spécialistes, aux techniciens, aux partenaires sociaux, aux dirigeants de l'ASN et de l'IRSN qui fusionneront dans un nouvel institut de déterminer celui-ci.

L'humilité commande de faire la différence entre ce qui relève de la loi et de l'organisation de structures spécialistes d'un domaine très sensible. Ce nouveau cadre est celui d'une autorité indépendante, qui regrouperait la quasi-totalité des activités de l'ASN et de l'IRSN et qui devrait permettre une réduction des procédures administratives au profit de la qualité de l'analyse, de l'expertise et de la décision ; une unification de la gestion de crise et une mutualisation des compétences et des savoir-faire dans un contexte où ils sont rares et convoités. Le fait que les missions de l'IRSN, aujourd'hui établissement public industriel et commercial, sous tutelle de plusieurs ministères, soient demain exercées dans le cadre d'une autorité administrative indépendante n'est pas neutre. Cela marque un nouveau temps dans notre dispositif de sûreté nucléaire, qui poursuit son chemin vers davantage d'autonomie vis-à-vis des ministères.

Par le biais du règlement intérieur de cette future autorité, le texte consacre dans la loi plusieurs principes d'ordre budgétaires, organisationnels, structurels, déontologiques : cette disposition, rare pour une autorité administrative indépendante, montre l'importance que nous y accordons collectivement et les garanties associées à la future structure. Le fait que la réforme préserve experts comme décideurs de toutes pressions, même internes au système, et qu'elle réaffirme l'obligation de veiller à prévenir tout conflit d'intérêts, à tous les niveaux, est aussi une garantie essentielle pour la qualité de l'avis final, qui importe pour l'exploitant, pour la sûreté du système nucléaire et pour nos concitoyens.

Le projet de loi prévoit en complément de la loi relative à l'accélération des procédures nucléaires, que nous avons votée l'an dernier, plusieurs dispositions de sécurisation juridique de la commande publique, pour permettre le plein déploiement des chantiers de la relance nucléaire. Je note le lien faible entre ces dispositions et le texte, le besoin qu'elles s'intègrent bientôt dans un texte stratégique et programmatique, dont notre Assemblée doit être saisie, ainsi que l'urgence et le besoin de donner de la visibilité aux industriels. Je ne vois pas qui, ici, pourrait soutenir l'urgence de la relance nucléaire tout en ne voulant pas sécuriser le chantier de Penly, par exemple.

Après avoir dit ce qu'est la réforme, permettez-moi, avant que nous n'examinions plusieurs amendements et exposés des motifs au mieux imprécis, d'insister sur ce qu'elle n'est pas.

La réforme n'impliquera en rien un affaiblissement de notre doctrine de sûreté : le référentiel de sûreté comme les critères de la décision prise par le collège de l'ASN ne seront pas modifiés d'un mot.

La réforme n'est pas non plus une absorption d'un organisme par l'autre. Certes, l'IRSN n'était pas une autorité indépendante jusqu'ici, et le sera dans la nouvelle structure ; certes, les règles de déontologie pourront être revues et renforcées, mais n'est-ce pas souhaitable pour quiconque prétend défendre et renforcer notre dispositif de sûreté nucléaire ?

Enfin, j'appelle l'attention sur deux points de vigilance majeurs. Le premier est la qualité de la transition pour les personnels de l'ASN et de l'IRSN. Leur travail ne doit en rien être remis en cause : cette réforme n'est pas la résultante d'un travail qui serait insatisfaisant de la part de personnels ou de structures. Ces personnels doivent être, non les objets, mais les acteurs de la réforme. En particulier, l'attractivité de la future autorité sera une problématique de premier plan car la concurrence est rude. La faculté donnée à la future autorité de recruter sous trois statuts différents – fonctionnaire, agent de droit public, salarié de droit privé – va dans ce sens. Les enjeux de rémunération sont naturellement importants : au-delà des dispositions de l'article 11, ces discussions pourront se faire dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Mais la fusion doit également se faire sans obliger les fonctionnaires, en poste ou intéressés, à renoncer à leurs droits statutaires – c'est une des raisons principales du choix du statut d'autorité administrative indépendante.

Le second point de vigilance réside dans la clarté et le bon niveau de précision de la loi. Il ne faudrait pas que les bonnes intentions du législateur se retournent contre l'efficacité souhaitée du dispositif. Comment installer une autorité vraiment indépendante, tout en inscrivant dans la loi, avec une précision toute relative, des principes et des critères, parfois organisationnels, parfois même techniques, que seuls des responsables de la sûreté nucléaire peuvent maîtriser ? Qui peut vouloir une loi plus simple et plus intelligible, comme nous le répétons régulièrement, et y ajouter des dispositions superfétatoires, déjà prévues par la loi, d'ailleurs souvent plusieurs fois, mais non appliquées ? Il est de notre responsabilité de parlementaires de faire une loi économe en mots, qui ne se répète pas, mais utilise l'entière responsabilité et liberté des parlementaires pour renforcer un dispositif de sûreté nucléaire que nous voulons plus fort et plus indépendant. Tel est le sens de ce texte et des amendements que je défendrai.

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Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

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Merci de m'accueillir dans votre commission afin de débattre avec vous de ce texte structurant pour le contrôle de notre filière nucléaire civile. Le plan de relance de la filière, lancé il y a deux ans par le Président de la République lors du discours de Belfort, a mis en avant des enjeux de fluidité, de cohérence, d'expertise et d'attractivité. Bien que la commission des affaires économiques ne soit saisie au fond que pour sept articles et pour avis sur le reste du projet de loi, ces premiers échanges permettront de débattre du cœur du texte c'est-à-dire de l'organisation de la gouvernance, des personnels et des missions de la future autorité. Celle-ci devra préserver l'indépendance, la transparence et la qualité de la recherche, qui sont reconnues à l'IRSN et à l'ASN. Notre groupe ainsi que notre rapporteur pour avis veilleront à ces trois points essentiels, dont nous débattrons demain en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, notamment lors de l'examen des articles 2, 3 et 4.

Dans les articles dont nous sommes saisis au fond, je m'attarderai d'abord sur les dispositions relatives au rôle du haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA), qui constituent une des pierres angulaires de ce texte tant celui-ci sera essentiel dans un contexte d'accélération du déploiement du nucléaire. Le haut-commissaire sera en effet chargé de suivre non seulement le développement des réacteurs à eau pressurisée EPR 2 – réacteurs pressurisés européens de deuxième génération – et des SMR (petits réacteurs modulaires) mais aussi la fin de vie des centrales qui fonctionnent actuellement. Nos collègues sénateurs ont utilement précisé les missions du HCEA, notamment ses attributions scientifiques et techniques. Notre rapporteur pour avis et notre groupe s'attacheront à conserver la définition de ses missions et son placement auprès du Premier ministre, tout en supprimant certains ajouts d'ordre réglementaire déjà satisfaits par le droit ou présentant des risques d'inconstitutionnalité.

Pour ce qui est de la commande publique, les simplifications opérées aux articles 16 à 18 doivent permettre aux acteurs de la filière nucléaire de déroger à certaines règles applicables aux marchés publics, de manière circonscrite et circonstanciée. Ces dérogations ne sont pas un blanc-seing accordé à EDF, au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). La sensibilité de ces opérations et nos besoins urgents compte tenu du vieillissement de notre parc nucléaire plaident en faveur de ces dérogations, somme toute mesurées, eu égard à la protection des intérêts essentiels de la Nation. Nous pouvons entendre que certains groupes aient déposé des amendements à leur encontre, mais à l'heure où EDF a été entièrement repris en main par l'État, nous pouvons faire confiance à notre fleuron national pour les utiliser au mieux. Le rapporteur pour avis s'est beaucoup impliqué sur ce texte : son avis permettra d'éclairer nos débats sur la restructuration de notre gouvernance de la sûreté nucléaire à l'aube de la relance de la filière.

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La relance du nucléaire est cruciale pour garantir à la France une souveraineté énergétique ainsi qu'une croissance respectueuse de l'environnement. Le groupe Rassemblement national se félicite donc qu'après sept ans d'égarement, le Gouvernement adhère enfin à la position que nous défendons depuis des années, celle d'une relance massive du nucléaire. Toutefois, malgré l'adoption de la loi d'accélération de la construction de nouvelles centrales nucléaires, cette majorité n'a fait qu'une chose : fermer Fessenheim. Notre commission est chargée d'étudier au fond les articles relatifs au rôle du haut-commissaire à l'énergie atomique et à la commande publique. Nous pouvons nous féliciter qu'ils aillent dans le bon sens. L'article 16 permet de limiter les risques dans les appels d'offres, notamment en évitant l'allotissement dans les secteurs tendus. Nous sommes en revanche réservés sur l'article 17 bis, qui introduit une notion de crédibilité de l'offre autre que la crédibilité financière. Cela pourrait entraîner un risque pour les entreprises, et une perte de temps dans le processus d'attribution des marchés. Nous avons donc déposé un amendement visant à supprimer l'article.

Pour ce qui est du HCEA, nous proposons d'ajouter à ses fonctions les énergies alternatives.

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Votre groupe a en effet prêté une attention importante à la sûreté nucléaire : il y a quelques années, Marine Le Pen qualifiait l'énergie nucléaire d'« énormément dangereuse » et appelait à en sortir. Je salue votre évolution car l'ensemble du pays a besoin de l'énergie nucléaire, qui renforce la souveraineté industrielle et permet d'accélérer la transition écologique. S'agissant du haut-commissaire, nous pourrons débattre du titre, bien que la question ne soit pas centrale. Le risque juridique que vous pointez en matière de commande publique est également à discuter. Les éléments du Sénat ont pour but de sécuriser le dispositif, non d'ajouter des dispositions supplémentaires à la jurisprudence ou aux pratiques des acteurs des marchés.

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Le titre du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire sonne comme un aveu et fait écho aux amendements du rapporteur pour avis. Le texte ne repose sur aucun état des lieux, attestant que le système actuel ne fonctionne pas. Souvent cité, le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) établi par notre collègue Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir, n'est qu'un « alibi » pour les trois anciens présidents que nous avons auditionnés. Et vous vous obstinez, malgré l'opposition de la grande majorité des personnels des trois organismes concernés – l'ASN, l'IRSN et le CEA –, malgré les manifestations et les démissions.

Le Gouvernement avance l'argument qu'il faudra faire face au volume vertigineux de la relance du nucléaire. C'est précisément pour cette raison qu'il ne faut pas désorganiser la gouvernance de la sûreté nucléaire car vous ajouterez une tâche complexe aux tâches complexes qui figurent déjà sur les paillasses de l'IRSN et de l'ASN, notamment les dossiers d'options de sûreté pour la prolongation des réacteurs existants, les EPR 2, les SMR. Les anciens présidents de l'Opecst nous l'ont dit, il faudrait choisir entre l'énorme chantier de la rénovation de la gouvernance et celui de la relance du nucléaire. Vous avez choisi la relance l'année dernière, renoncez à la gouvernance.

Il s'agit aussi selon vous de « rassembler les compétences rares ». On a plutôt affaire à une fusion façon puzzle, puisque deux des principales activités de l'IRSN seront éclatées dans d'autres services. Faire partir la dosimétrie externe au CEA est une catastrophe : vous éclatez les compétences alors qu'aujourd'hui, le fait que les personnels travaillent également sur la dosimétrie interne permet une certaine flexibilité. De plus, vous renvoyez au ministère des armées la direction d'expertise nucléaire de défense, qui s'occupe de la sûreté des installations militaires et de la sécurité des installations civiles : une autre catastrophe.

On nous parle de « doublons », en mettant en avant le centre commun de crise. Un des groupes de travail a pourtant montré qu'il était possible de faire mieux sans avoir besoin de fusionner les deux organismes. L'exposé des motifs le dit, le projet de loi a pour véritable objectif d'aligner les priorités. Selon les opérateurs auditionnés, notamment Framatome, l'important est que les choses puissent se faire. Là, on tremble, on se dit que la vraie intention est de dissoudre l'IRSN dans l'ASN c'est-à-dire de faire disparaître les expertises car, souvent, elles ne plaisent pas aux opérateurs. On sait pourtant qu'il est important de maintenir le dialogue.

Pour conclure, je veux m'adresser à ceux qui sont sincèrement pro-nucléaires : ne dégradez pas l'expertise et le contrôle ; ne revenez pas en arrière ; ne cassez pas ce qui fonctionne. Entendez Roland Lescure, selon lequel les risques liés à l'activité nucléaire sont peu probables mais incommensurables.

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Plutôt que de faire référence aux anciens présidents de l'Opecst, je préfère me référer au rapport approuvé par ses membres actuels. Il démonte un poncif souvent véhiculé selon lequel l'expertise serait à l'IRSN et le contrôle et la décision, à l'ASN. Or le président de l'ASN m'a fourni un document qui explicite bien la manière dont les instructions sont données et les décisions prises. Vous verrez, comme les salariés et les représentants l'ont attesté, que l'expertise est aussi à l'ASN. La logique de séparation entre l'expertise et la décision existe mais elle prévaut entre le collège de l'ASN d'une part et les experts d'autre part, de l'ASN comme de l'IRSN.

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Notre groupe partage l'objectif de ce texte amélioré par la majorité sénatoriale. En effet, contrairement à d'autres, notre groupe n'a jamais cessé de défendre l'énergie nucléaire y compris dans la législature précédente et celle d'avant, lorsqu'il était de bon ton de promouvoir la position inverse. Cette prise de conscience tardive a porté un vrai coup à la souveraineté énergétique de notre pays, un constat souligné dans le rapport de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, dont Les Républicains ont pris l'initiative.

Ces errements idéologiques nous conduisent aujourd'hui à tout faire pour accélérer la relance de l'atome et soutenir la filière nucléaire. Encore faut-il que les objectifs affichés puissent être atteints. La fusion entre l'ASN et l'IRSN afin de créer une nouvelle autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection au 1er janvier 2025 ne doit pas conduire à un énième mastodonte manquant d'agilité. La France doit retrouver de l'efficacité publique dans la fourniture d'énergie aux Français et aux entreprises nationales. L'immobilisme énergétique peut devenir mortifère tant les besoins en électricité vont s'accroître dans les prochaines années.

Les apports du Sénat sont essentiels, notamment au titre II sur la simplification des règles de la commande publique et concernant la distinction entre expertise et décision ou la transparence vis-à-vis du public. Notre groupe n'ignore pas les préoccupations soulevées par le texte : la solidité, l'efficacité et la crédibilité de notre système de contrôle sont des piliers non négociables pour l'utilisation responsable de l'énergie nucléaire. La crédibilité doit par ailleurs rester un critère d'attribution des marchés publics. Oui, l'énergie nucléaire ne doit pas être à la portée de tout le monde. Le rapporteur pour avis du Sénat, Patrick Chaize, a défendu cette vision, qui permet de sélectionner les offres selon leur faisabilité et leur maturité technologique ainsi que selon l'adéquation des délais, des moyens et des méthodes. Pour toutes ces raisons, notre groupe appelle tous les acteurs à rester vigilants, afin de mener une réforme des autorités nucléaires efficace. Ce travail de mutualisation est crucial pour garantir notre souveraineté, notre sécurité et l'avenir du secteur nucléaire. Nous soutiendrons donc la version votée par nos collègues de la majorité sénatoriale.

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Ayant eu l'honneur d'être le rapporteur de la commission d'enquête que présidait votre collègue Raphaël Schellenberger, je ne peux que vous rejoindre sur les errements collectifs et la responsabilité que chacun doit prendre dans la question nucléaire. Je partage votre vision de la solidité du dispositif de sûreté : nos débats et nos désaccords ne doivent pas conduire à miner la confiance dans le système nucléaire, qui est de longue date la force du système français et qui doit être maintenu, quoi qu'il arrive. Nous reviendrons sur la question de la commande publique, notamment sur celle de la crédibilité. Je vous rejoins sur le besoin d'accélérer et de sécuriser juridiquement les choses. On peut cependant se demander si un exploitant souhaiterait passer un marché public qu'il jugerait non crédible. Ce point méritera d'être discuté lors de l'examen des amendements.

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Je me réjouis que nous puissions nous retrouver ce soir car cela signifie que l'Assemblée nationale a accompli son travail lorsqu'elle a rejeté la réforme bancale qui lui était présentée par voie d'amendements – non soumis au Sénat. La densité des sujets abordés dans ces amendements, qui contenaient possiblement vingt-cinq articles, a justifié que nous les rejetions. Cela a conduit à confier une mission à l'Opecst (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques), qui a défini clairement quelles étaient les conditions de réussite de cette fusion, et nous permet aujourd'hui d'en débattre.

Le groupe Démocrate est particulièrement attentif à plusieurs sujets principaux. Le premier est celui de l'indépendance de l'expertise et de la décision, les deux jambes sur lesquelles doit s'appuyer notre doctrine de sûreté nucléaire ; il est absolument indispensable de les préserver toutes les deux. Cette indépendance se joue autant en interne qu'en externe, avec les pouvoirs politiques que sont le Gouvernement et le Parlement.

Le deuxième sujet concerne les activités commerciales de l'IRSN, qui ne doivent absolument pas être perdues dans ce transfert. Il convient d'être particulièrement vigilant parce que la reprise d'une activité commerciale ne se décrète pas : elle se construit au travers des relations entre les clients et les fournisseurs, les contrats en cours, la fidélisation des clients, et surtout les savoir-faire et le lien avec les salariés de l'IRSN actuel, qui pourraient ne pas suivre le mouvement vers le CEA. C'est un point très important.

Face à tous ces enjeux clairement identifiés – durée de vie du parc actuel à prolonger, nouveaux EPR, nouveaux acteurs avec les SMR, gestion des déchets –, il convient sans doute de créer une nouvelle structure mais il faut absolument qu'elle soit agile et que notre doctrine de sûreté nucléaire soit conservée.

Le groupe Démocrate se montrera vigilant concernant toutes ces évolutions avant de donner sa position finale sur le vote du projet de loi.

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Risque-t-on de perdre des compétences ou des capacités d'expertise pointue si certaines d'entre elles sont transférées au CEA, qui est l'un des meilleurs organismes de recherche au monde ? Pas nécessairement mais c'est un point que nous devons en effet examiner.

Deuxième point, soulevé également par l'intersyndicale de l'IRSN, qui dépasse la seule question de la rémunération des prestations de l'institut : dissocier certaines prestations de l'expertise peut-il amener à perdre au quotidien le contact avec ces prestations ? Certains d'entre nous ont déposé des amendements visant précisément à faire le distinguo entre ce qui relève de prestations méritant d'être poursuivies dans un des meilleurs organismes de recherche du monde et ce qui nécessite de rester accolé à l'expertise, notamment en matière de radioprotection.

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Vous nous proposez d'examiner le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre aux défis de la relance de la filière nucléaire : ce titre trompeur cache la réalité de l'objectif poursuivi depuis maintenant plusieurs mois par le Gouvernement, sur demande expresse du Président de la République, de fusionner l'IRSN et l'ASN dans le cadre d'une absorption.

Il y a près d'un an, le Gouvernement cherchait à imposer ce projet de fusion par le biais de deux amendements introduits dans le cadre du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants. Vous conviendrez que la méthode était brutale sur la forme et nous considérons que la réforme était injustifiée sur le fond. La représentation nationale a confirmé le maintien du principe d'une sûreté nucléaire reposant sur deux organismes distincts, l'ASN et l'IRSN.

Quels paramètres ont donc changé depuis le rejet du processus de fusion ? Le rapport de l'Opecst sur les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifique et technologique ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection propose, dès les premières recommandations, de fusionner ces deux organismes alors même que la lettre de mission de la commission des affaires économiques du Sénat visait strictement à évaluer les conséquences d'une possible fusion. C'est ce que nous avions demandé dans les débats du précédent projet de loi. Le rapport n'apporte pas d'élément de réponse sur la question principale des forces et des faiblesses du système dual actuel qui serait de nature à éclairer un projet de rapprochement ou du moins à apporter des réponses aux multiples questions que nous nous posons.

Le Gouvernement souhaite faire de cette fusion en une autorité unique la pierre angulaire du démarrage de son programme de nouveaux réacteurs nucléaires. Pourtant, il ne parvient pas à justifier cette réforme, expliquant même que l'organisation duale actuelle a été globalement au rendez-vous ces vingt dernières années. Pourquoi donc en sommes-nous là ?

Pourtant, la Cour des comptes, dans son rapport du 25 juin 2021 concernant l'IRSN et portant sur les exercices 2013 à 2019, est assez claire : elle constate que la gouvernance et l'organisation de l'institut, bien que complexes, ont trouvé un équilibre, que l'IRSN remplit les missions qui lui sont confiées par le code de l'environnement et qu'il a atteint les objectifs de son contrat d'objectifs et de performance. Le constat est le même dans le rapport précédent datant de 2014.

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous justifier cette réforme autrement que par le champ lexical de la simplification puisque, à ce jour, nous n'avons pas eu de réponse à nos différentes questions sur ce sujet ?

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Votre intervention me donne l'occasion de souligner un point très important : cette réforme ne se fait pas parce que l'IRSN et l'ASN auraient mal travaillé – personne ne l'a prétendu, en tout cas sûrement pas moi : j'assume avec force de dire que l'IRSN et l'ASN, ensemble et séparément, ont très bien travaillé.

Toutefois, les missions et le contexte changent. Lorsque la Cour des comptes rend son travail en 2014, les réacteurs ont en moyenne moins d'une trentaine d'années ; il n'y a pas de petits réacteurs, ni de réacteurs de quatrième génération, ni de diversité de combustibles, et il n'y a pas l'ensemble des réexamens décennaux à mener. À mission nouvelle, organisation nouvelle : ce n'est pas strictement lié à la sûreté nucléaire.

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Le dispositif français de réglementation, de contrôle, d'expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection est structuré autour de l'IRSN, qui relève du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), sous la tutelle de pas moins de cinq ministères, et de l'ASN, autorité administrative indépendante du Gouvernement. Le statut de l'ASN garantit le meilleur niveau d'indépendance ; il exclut toute interrogation sur l'interaction entre les préoccupations de sûreté nucléaire et de radioprotection et d'autres objectifs que le Gouvernement doit aussi assumer, comme veiller à l'approvisionnement énergétique ou jouer son rôle d'actionnaire principal de grands opérateurs du secteur nucléaire. Les mises à l'arrêt de précaution des réacteurs nucléaires, dans un contexte où la France traversait l'une des pires crises énergétiques de son histoire, en sont la démonstration.

Le projet de fusion vise à accompagner la mise en place du programme nucléaire que nous appelons de nos vœux et le renforcement d'une exigence de sûreté répondant aux meilleurs standards internationaux. C'est dans cet esprit que l'ASN doit voir ses moyens renforcés et intégrer en son sein les compétences techniques de l'IRSN, afin de fluidifier le processus de décision et de gagner en coordination. L'ASNR concentrera les talents de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui sont des métiers rares et en tension, et facilitera leur travail collectif. C'est pourquoi les députés du groupe Horizons et apparentés voteront ce texte.

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Un an après votre tentative de passage en force par voie d'amendement dans un texte qui avait déjà entamé sa navette, et alors même que l'Assemblée s'y est démocratiquement opposée, vous continuez de vous acharner pour tenter de bouleverser tout notre système de sûreté nucléaire sans apporter une once de preuve crédible de la pertinence d'un tel projet.

Vous répétez qu'une entité unique sera plus efficace pour accélérer le processus mais sans nous expliquer comment et en balayant de manière désinvolte toutes les recherches en management des organisations qui montrent qu'une telle réforme serait un échec technique et humain. Est-ce que ce texte accélérera la relance du nucléaire ? Rien n'est moins sûr. Est-ce qu'il dégradera la robustesse de nos modèles de sûreté et de sécurité ? On peut avoir quelques certitudes.

Vous vous appuyez sur le rapport de l'Opecst, qui certes pose de bonnes questions mais ne donne pas le début d'une démonstration que le système dual actuel dysfonctionne, ni de preuve qu'une réforme aboutirait à une organisation plus efficace. Ce choix de tout bousculer, décidé en petit comité à l'Élysée sur la base d'un rapport tenu secret, est irresponsable. Nous parlons ici de sûreté nucléaire. Nous ne pouvons pas faire des paris précipités sur un tel sujet, qui engage la sécurité de la population. Si le Parlement fonctionnait de manière déterministe et pas probabiliste, vous devriez supporter la charge de la preuve et non délivrer des incantations à une prétendue amélioration continue.

Notre modèle fonctionne et est reconnu partout à l'international et, de l'avis majoritaire des acteurs de la sûreté, votre réforme est inutile et dangereuse. Vouloir remettre en cause notre système alors même que vous vous apprêtez à relancer la filière du nucléaire, alors même que l'ASN et l'IRSN travaillent à la pénible ouverture de Flamanville et au moment où les effectifs sont mobilisés pour la prolongation du parc existant, c'est tout simplement une folie.

Cette réforme n'accélérera rien et n'améliorera rien. Au contraire, elle dégradera fortement l'autonomie, l'impartialité, la qualité d'expertise et la recherche transverse, mais aussi la fluidité du dialogue et des processus de décision et surtout la transparence et l'interaction avec la société civile, pourtant indispensables dans une période de relance de l'industrie du nucléaire. Au moment du plan Messmer, il existait déjà une dualité entre l'expertise de l'IPSN (Institut de protection et de sûreté des installations nucléaires) et le décideur, le SCSIN (Service central de sûreté des installations nucléaires). Un tel recul en matière d'expertise et de transparence du système de gouvernance des risques nucléaires et radiologiques serait tout simplement une catastrophe. Les démissions en cascade des salariés de l'expertise nucléaire depuis l'annonce de cette réforme devraient vous amener à réfléchir.

Nous sommes le seul pays où l'on va séparer la sécurité et la sûreté. Au lieu de simplifier, on complexifie. Comme le dit si bien Jean-Claude Delalonde, président de l'Anccli (Association nationale des comités et commissions locales d'information), ce qui doit nous animer collectivement, pro comme antinucléaires, c'est bien le maintien d'un haut niveau de sûreté et du lien de confiance avec les citoyens. Je vous enjoins donc à faire collectivement bloc contre cette réforme et à limiter ses effets absolument dévastateurs.

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Votre but politique avoué est de sortir du nucléaire et, de manière assez compréhensible, vous tentez de miner le dispositif de confiance existant. Vous le faites en disant des choses fausses. Je vais vous en donner deux exemples. Premier exemple, vous vous référez au modèle des années 1970 pour vanter la dualité et l'indépendance. Or le SCSIN était un service de l'État : expliquez-moi donc comment un service de l'État peut être plus indépendant qu'une autorité indépendante.

Deuxième exemple, vous dites que la sécurité, c'est-à-dire la sécurité des bâtiments, sera disjointe de la sûreté. C'est déjà le cas : l'ASN ne s'occupe pas de sécurité. Je pointe ces deux exemples parmi les nombreuses contre-vérités que vous avez assénées pour établir que votre projet est bien antinucléaire.

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Notre modèle dual de sûreté nucléaire est le fruit d'un compromis construit depuis le lancement du plan Messmer ; il a fait ses preuves. Il repose sur la séparation des activités de contrôle de la sûreté nucléaire et des missions d'expertise et de recherche, séparation qui permet la conjugaison des compétences, un dialogue, une capacité de diagnostic particulièrement efficace pour assurer la sûreté des sites existants, ainsi que la protection des populations. Il en résulte un haut niveau de confiance de nos concitoyens puisque plus d'un Français sur deux – 56 % – jugent le contrôle de la sûreté des centrales nucléaires efficace, niveau qui n'avait pas été atteint depuis 2014.

Pourquoi venir bousculer une organisation qui fonctionne et que ses acteurs souhaitent préserver ? Pourquoi prendre le risque d'entamer la confiance de nos concitoyens dans la sûreté nucléaire à l'heure de la relance de la filière ? Avec la fusion, nous portons le risque de voir se réduire le champ de l'expertise, dans un contexte de réduction continue des moyens de l'IRSN depuis dix ans, ainsi que le risque de faire fuir de nombreux salariés de l'IRSN dont les conditions et les perspectives d'emploi seront dégradées. Les organisations syndicales sont unanimes : elles pointent toutes le risque de désorganisation. Elles estiment en effet que si la relance de la filière nucléaire est une impérieuse nécessité, elle doit être assortie du maintien de la séparation entre les activités de contrôle et d'expertise.

Chacun conviendra que nous ne pourrons réussir la relance du nucléaire sans des moyens financiers et humains renouvelés. Or les moyens humains présents à ce jour ne sont pas adaptés à cette perspective, qu'il s'agisse de formation, de spécialité, d'école des métiers, dans la formation initiale au sein d'éducation nationale, dans le domaine de la recherche au CEA, au CNRS, dans les universités. Ils manquent également à l'ASN et à l'IRSN, ainsi que chez les exploitants. En matière de sûreté, ces moyens sont aussi ceux de l'indépendance. Quelle réponse, dans cette réforme ? Quels moyens nouveaux ? Quel est au contraire son coût au regard des pertes d'activité et de partenariat ?

Compte tenu des orientations budgétaires récentes et des lourdes incertitudes sur le devenir de la nouvelle entité que vous appelez de vos vœux, nous sommes plus que circonspects sur l'adéquation entre votre projet et les attentes des salariés comme de nos concitoyens. Vous l'aurez compris : nous continuerons à nous opposer fermement à cette fusion.

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Je souligne à nouveau que la séparation entre l'expertise et la décision existe entre les experts membres du collège de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui prennent des décisions, et ceux qui rendent de l'expertise, qu'ils travaillent à ASN, à l'IRSN ou parfois même en dehors des deux. Considérer que séparer l'expertise et la décision implique forcément d'avoir une ASN et un IRSN n'est pas conforme à la réalité technique et au quotidien que nous connaissons en matière de séquences d'expertise et de décision.

Je vous rejoins sur un point : cette réforme ne peut pas se faire à moyens constants. Comme dans toute réorganisation, il y aura des coûts induits par la transformation. On ne peut pas imaginer que cette réforme se fasse sur le dos des personnels, de l'attractivité, de la formation et des compétences. Je serai donc extrêmement vigilant à ce que les moyens de la sûreté nucléaire soient constants ou augmentés dans le projet de loi de finances à venir.

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Nous examinons à nouveau le projet de fusion après la tentative, l'année dernière, de faire adopter au forceps un amendement présenté après la première lecture de la « loi sur le nouveau nucléaire » au Sénat. Je me dis donc que cela signifie que des faits nouveaux vous ont amenés à considérer qu'il fallait revenir sur cette question. De quels faits nouveaux s'agit-il ? Le rapport de l'Opecst ! Il faut vraiment arrêter de justifier cette réorganisation par le rapport de l'Opecst. Celui-ci s'intitule : « Les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN […] », posant ainsi le préalable qu'il y aura peut-être un rapprochement et qu'il faut donc réfléchir à ses conséquences.

Or il y a une question simple : faut-il changer le modèle actuel, et pourquoi ? Je n'ai pas de réponse. Il paraît qu'un rapport classifié serait l'élément déclencheur de l'hystérie gouvernementale. Je suis très embêté parce qu'étant pronucléaire, je suis d'accord avec l'accélération du nucléaire. Mais comment allez-vous procéder pour remettre en cause l'ensemble de la gouvernance de la sûreté nucléaire, alors que les personnels – ceux qui sont au front : les exécutants et les experts, les ingénieurs qui travaillent au quotidien pour l'IRSN, l'ASN et le CEA – n'en veulent pas ? Leur position n'a rien de dogmatique : ils disent simplement que si vous changez maintenant la gouvernance, vous n'arriverez pas à mettre en œuvre l'accélération. Que des positions politiques différentes s'expriment dans cette commission, ce n'est pas nouveau, mais que je me retrouve à dire la même chose que des collègues qui, par leur engagement philosophique, sont plutôt opposés à l'énergie nucléaire, cela devrait à tout le moins interpeller. Il y a un problème de méthode, qui nécessite une clarification.

Je ne comprends pas la justification initiale qui vous engage dans ce processus mal maîtrisé, qui n'a pas fait l'objet d'une vraie concertation ni même d'un diagnostic simple sur ce qui ne fonctionne pas et qu'il faudrait changer. Les rapports publiés sur le sujet, même s'ils commencent à dater, concluent sur le fait que la fusion ne marchera pas. En tant que législateur, j'ai besoin que l'on m'éclaire.

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Les missions d'hier ne sont pas celles de demain et un changement d'organisation ne signifie pas une condamnation du précédent système. Dans toute organisation de contrôle, d'expertise et de décision, il y a des évolutions, surtout quand les missions changent. La concomitance de la prolongation du parc et de l'instruction des nouveaux dossiers dans le cadre de l'accélération du nucléaire soulève la question de la réorganisation.

Vous avez raison sur un point : le diagnostic et les solutions ne sont pas intégralement définis dans ce projet de loi parce que ni vous ni moi ne sommes compétents pour définir l'organigramme des services de la future autorité. Nous posons un cadre et des principes.

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Le principe d'humilité en matière de sûreté nucléaire implique que l'on doit en permanence réinterroger notre organisation en ce domaine. Il est donc possible de discuter de tout schéma.

En revanche, on n'a pas le droit de casser le système avec une légèreté et une irresponsabilité aussi incroyables. L'exposé des motifs du projet de loi indique en effet que cette réorganisation « n'emporte aucune modification sur le cadre de sûreté nucléaire existant ». C'est faux, pour trois raisons. Premièrement, le principal pilier de la sûreté nucléaire, c'est la responsabilité de l'exploitant. Désormais, en France, il n'y aura plus un exploitant, EDF, mais des exploitants de réacteurs nucléaires. Où, quand et comment la Nation française a-t-elle décidé qu'il y aurait sur notre sol des réacteurs nucléaires exploités par d'autres entités qu'EDF ? C'était l'objet de mon amendement CE8, qui a été déclaré irrecevable et ce n'est pas un petit sujet.

Deuxième point, le pilier de la sûreté nucléaire en France, dans le monde et dans les normes de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), c'est le traitement conjoint de la sûreté nucléaire civile et militaire – cela concerne aussi la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Le démantèlement de l'IRSN y met fin ; là encore, ce n'est pas un petit sujet.

Enfin, troisième point, le facteur humain : vous faites croire que l'IRSN et l'ASN seront fusionnés. Or l'ASN n'intégrera que 25 % de l'activité de l'IRSN, le reste étant explosé « façon puzzle ». C'est totalement irresponsable.

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La responsabilité de l'exploitant n'est absolument pas remise en cause par le nouveau cadre de sûreté. Il n'est pas question, à l'heure actuelle, d'avoir un autre exploitant nucléaire en France parce que, entre le moment où on fait de la recherche nucléaire et celui où on exploite un réacteur, il se passe en général un certain temps.

Concernant le traitement conjoint de la sûreté nucléaire civile et militaire, c'est notamment le travail du haut-commissaire à l'énergie atomique, conseil du Gouvernement. Il est assez logique que cette question demeure confidentielle, pour des raisons évidentes.

Enfin, je ne sais pas ce que vous entendez par le facteur humain : l'envisagez-vous sous l'angle de la combinaison d'approches déterministe et probabiliste, ou bien cela signifie-t-il qu'il faut compter avec l'erreur humaine ? Je ne vois pas à quoi vous faites référence, qui changerait avec le nouveau cadre de sûreté. L'idée que demain, avec cette réorganisation, nos experts décideront autrement et utiliseront d'autres critères pour la sûreté nucléaire est très inexacte.

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Les problèmes d' « insécurité » et d' « insûreté » nucléaires viennent d'erreurs humaines. Par conséquent, l'adhésion des ressources humaines à leur organisation est une question capitale. La démotivation des personnels, le fait qu'ils partent dans d'autres métiers, qu'ils n'aient plus envie de travailler dans la sûreté nucléaire, n'est pas une question secondaire. Quand un projet de réforme est dénoncé unanimement par les organisations syndicales de l'IRSN, c'est qu'il y a un problème : il faut le remettre sur le tapis.

Titre IER L'autoritÉ de sûretÉ nucléaire et de radioprotection

Chapitre Ier Missions et fonctionnement de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Section 1 Dispositions modifiant le code de l'environnement

Avant l'article 1er

Amendement CE14 de M. Benjamin Saint-Huile

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Mon amendement vise à figer le principe d'un dispositif dual de notre modèle de sûreté, afin que le poids de la décision ne pèse pas sur l'institut en charge de l'expertise et de la recherche. Ne me faites pas la réponse habituelle consistant à dire que ce n'est pas aussi simple que cela – on a compris ! Mon objectif est d'assurer le maintien d'une organisation duale ; c'est une manière de dire que la fusion proposée ne nous convient pas.

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Cet amendement a pour but de mettre à mal le projet de loi du Gouvernement. En outre, il commence par la sécurité nucléaire et non par la sûreté nucléaire : il ne concerne donc que le dispositif de sécurité des bâtiments à l'extérieur, et pas le dispositif de sûreté nucléaire. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

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Nous soutiendrons cet amendement puisqu'il correspond à ce que nous avions voté dans l'hémicycle, lors de l'examen de la « loi sur le nouveau nucléaire ».

Nous ne prétendons pas qu'il n'y a pas d'expertise au sein de l'ASN mais nous affirmons que l'expertise de l'IRSN est indépendante du décideur. Or, avec votre réforme, toute l'expertise se retrouvera sous la coupe du décideur, le risque étant que les experts intègrent la volonté de ce dernier, autrement dit fassent passer des intérêts industriels et économiques avant ceux de la sûreté. Le président de l'IRSN, en audition, nous avait d'ailleurs fait part de cette crainte. Une erreur en matière de sécurité et de sûreté nucléaires – la sûreté est en effet incluse dans la sécurité – peut avoir des conséquences absolument dévastatrices et je ne comprends pas que l'on traite cela avec tant de légèreté.

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Selon le code de l'environnement, « la sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident. » Cet amendement est donc particulièrement pertinent.

La commission rejette l'amendement.

Article 1er : Création de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui rassemblera les compétences de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Amendements de suppression CE7 de Mme Delphine Batho, CE15 de M. Benjamin Saint-Huile, CE36 de Mme Julie Laernoes et CE46 de M. Gérard Leseul.

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Comme l'ont souligné trois anciens présidents de l'Opecst, cette réforme aura pour effet de paralyser la sûreté. Beaucoup de collègues ont vécu des fusions de services en entreprise ou dans des communautés de communes : ils savent quelles incertitudes il en résulte pendant un certain temps. Peut-on se permettre, en matière de sûreté nucléaire, de ne pas savoir s'il faut choisir tel ou tel logiciel, si le service machin fusionne avec le service bidule, qui sera le chef de service, etc. ?

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que le principe de la responsabilité première de l'exploitant n'était pas remis en cause. Ce que vous remettez en cause, c'est le fait qu'en France, il n'y ait qu'un seul exploitant de production d'électricité par des réacteurs nucléaires, EDF. Ce qui justifie la réforme, c'est que l'on va ouvrir au secteur privé les réacteurs nucléaires et qu'il y aura désormais une multitude d'opérateurs développant des SMR. Nous sommes totalement opposés à cette logique. Telle est la raison d'être de cet amendement de suppression, parmi les très nombreuses autres raisons qui renvoient, notamment, aux principes de transparence et d'indépendance de l'expertise par rapport à la décision.

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Si l'on veut réussir la relance du nucléaire, il ne faut pas altérer la confiance. Celles et ceux qui portent la volonté de réarmer la France sur le plan du nucléaire savent que la condition sine qua non, c'est la confiance de l'opinion publique. Celle-ci a pu varier en fonction des situations qu'ont eu à connaître le pays et parfois le monde sur les questions énergétiques mais la confiance des Français dans la sûreté nucléaire est aujourd'hui plutôt au rendez-vous. Je crains sincèrement qu'avec cette réorganisation, vous l'altériez, alors même que l'accélération est déjà là. Discutez avec les personnels, notamment de l'IRSN : ils sont déjà en train de travailler sur les EPR 2.

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Nous nous opposons à la fin du modèle de sûreté dual français, dont chacun loue les principes, le fonctionnement et les mérites, y compris l'opinion publique. Rappelons la perte de confiance dans notre système de sûreté qui avait résulté de la catastrophe de Tchernobyl.

La grande majorité des organismes et des personnalités consultés ont exprimé de fortes inquiétudes, pour ne pas dire plus, quant à ce projet. Celui-ci dégradera la qualité de l'expertise, la recherche transverse, la sécurité civile comme militaire ainsi que le soutien technique de l'IRSN dans le domaine des risques radiologiques. Rien ne dit que la réforme accélérera la fluidité des processus et la prise de décision, le dialogue technique entre les trois acteurs – l'exploitant, l'IRSN et l'ASN – ou encore la transparence, la régulation et le dialogue avec la société civile. Rien ne justifie de réformer le système. Il n'est pas évident de savoir ce qui ne fonctionne pas, ont d'ailleurs affirmé les personnels de l'ASN lors de leur audition.

Le Gouvernement utilise des comparaisons internationales. Certes, il existe des modèles de sûreté intégrés. Mais le système américain n'a aucunement démontré qu'il était plus efficace et, au Japon, le facteur humain a joué un rôle majeur dans la survenance de l'accident de Fukushima. Bien d'autres pays dotés d'un système dual, comme la Belgique, ont renoncé à le simplifier, considérant que ce serait une très grosse erreur pour leur sûreté et leur sécurité.

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Jusqu'à présent, l'organisation n'a pas fait défaut. Après une première lecture du texte au Sénat et après l'audition de l'ensemble des acteurs impliqués dans le processus de fusion voulu par le Gouvernement, nous ne percevons toujours pas l'intérêt d'une telle réforme, faute d'éléments tangibles qui nous permettraient de la comprendre. Quelles sont les missions nouvelles que vous évoquez, monsieur le rapporteur pour avis, qui ne seraient pas déjà assurées depuis plus de dix ans par l'une des deux entités ? Qu'est-ce qui dysfonctionnerait dans ce système dual ? En quoi celui-ci ne serait-il pas pertinent dans un processus de relance du nucléaire – que, d'ailleurs, nous n'avons ni discuté ni voté au Parlement ? Il est légitime et sain de s'interroger régulièrement sur la gouvernance d'un système de sûreté et de sécurité nucléaire, mais sur quel rapport scientifique le Gouvernement se fonde-t-il pour affirmer depuis plus d'un an qu'une fusion est nécessaire ? La publication du rapport de l'Opecst, que vous avez évoqué à plusieurs reprises, est postérieure à la décision de l'Élysée.

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J'émets un avis défavorable à ces quatre amendements de suppression. L'article 1er se contente de poser un cadre dont les caractéristiques sont précisées dans les articles suivants. Il semblerait, chers collègues, que vous disposiez, contrairement à moi, de déterminants scientifiques vous permettant de savoir lequel des systèmes est le meilleur !

La future autorité sera bien confrontée à de nouvelles missions. Certaines seront liées à la prolongation du parc : le grand carénage décidé en 2008 n'a été lancé par EDF qu'en 2014, Madame Batho, et c'est l'ensemble du parc qui va être soumis à des réexamens décennaux. D'autres sont liées à la construction de nouveaux EPR et à la relance du nucléaire, que notre majorité soutient. L'apparition de ces nouvelles missions nécessite que nous engagions une réflexion sur le cadre du système de sûreté. Pourtant, vous refusez de discuter des missions et de l'organisation de la nouvelle structure, et vous lui déniez même la possibilité d'exister.

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Lundi prochain, le 11 mars, nous commémorerons le funeste anniversaire du début de la catastrophe de Fukushima – je dis bien le début car, depuis treize ans, elle n'est toujours pas terminée. Certes, elle résulte d'un tsunami mais les experts ayant travaillé sur l'analyse de l'accident expliquent que la responsabilité réside principalement dans trois facteurs : la négligence de l'opérateur, l'absence d'indépendance de l'organe de réglementation et sa complaisance à l'égard de l'opérateur. Or les personnels des trois instances françaises concernées par la réforme sont, dans leur grande majorité, opposés à la fusion. La direction du CEA, quant à elle, nous a dit qu'elle n'avait pas demandé à récupérer les deux services qu'elle va intégrer. Le directeur de l'IRSN, enfin, est évidemment opposé à la dissolution de son Institut. Le seul à être satisfait est M. Doroszczuk, le président de l'ASN !

Vous nous répondrez que l'AISNR sera une autorité administrative indépendante. Nous sommes pourtant particulièrement inquiets car, à plusieurs reprises, la direction de l'ASN a contredit les avis de ses propres experts au sujet de problèmes touchant l'EPR de Flamanville. Je vous renvoie, sur ce sujet, à un article de Mediapart paru en 2016.

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La fusion de l'ASN et de l'IRSN peut sembler une bonne idée mais elle ne l'est pas. N'oublions pas que l'IRSN ne travaille qu'à hauteur de 25 % environ pour l'ASN. En outre, son expertise et sa compétence sont liées au caractère intégré de la recherche sur le nucléaire civil, sur le nucléaire militaire et sur la dosimétrie. Or la réforme va remettre en cause cette intégration et casser les fondements qui permettent de prendre de bonnes décisions.

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Quel rapport avons-nous à notre disposition démontrant que le système actuel ne permettrait pas d'atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la loi d'accélération du nucléaire ? Je veux bien discuter avec vous, monsieur le rapporteur pour avis, mais je ne dispose d'aucun élément objectif !

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Le système permettait jusqu'à maintenant à l'ensemble de nos concitoyens d'avoir confiance en la sûreté de nos installations et en l'opérateur EDF. On nous annonce maintenant six, huit voire dix nouveaux réacteurs dont on nous a dit au départ qu'ils seront conçus par des start-up, et désormais qu'ils seront exploités par elles. Voulons-nous vraiment que notre nucléaire soit privatisé et confié à des opérateurs que nous ne connaissons pas réellement ? Qui détiendra le capital de ces start-up, une fois qu'elles l'auront cédé ? En quoi l'organisation que vous mettez en place va-t-elle renforcer la confiance de nos concitoyens ?

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La plupart des activités de recherche de l'IRSN sont transférées dans la nouvelle autorité, madame Batho ; toutes n'iront pas au CEA. Je rappelle par ailleurs que les différents rapports, y compris celui de Opcest que vous aimez citer, ont montré qu'une fusion rendrait l'organisation plus fluide, qu'elle permettrait une mutualisation des moyens et des centres de crise, et qu'elle rendrait possible une meilleure appréhension des nouvelles technologies.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE47 de Mme Marie-Noëlle Battistel

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La démonstration de la sûreté des réacteurs nucléaires français repose pour l'essentiel sur une approche déterministe : les dispositions de conception retenues par l'exploitant sont justifiées par l'étude d'une série d'accidents de dimensionnement et par l'application de règles et critères incluant des marges et des conservatismes. Si la France se distingue en la matière des autres puissances internationales, le Gouvernement semble avoir l'intention de se rapprocher du modèle probabiliste américain et anglo-saxon. L'étude d'impact souligne ainsi la « mise en place d'une autorité indépendante de sûreté nucléaire civile et de radioprotection, comparable à celle qui existe dans les grands pays nucléaires occidentaux (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne) ». Le présent amendement vise à garantir le maintien de l'approche déterministe en matière de sûreté nucléaire, qui est reconnue à l'international et qui témoigne de l'excellence française.

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Il n'est question, dans la réforme, que de structure et d'organisation et en aucune manière d'approche scientifique et méthodologique : ce n'est pas au législateur de définir les critères de sûreté d'un réacteur nucléaire. J'ajoute que le présent amendement serait dangereux : il conduirait à nous priver de l'approche probabiliste qui, combinée à l'approche déterministe, permet de compléter l'analyse. À défaut du retrait de l'amendement, avis défavorable.

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En dehors de celui de l'Opecst, à quel rapport faites-vous allusion lorsque vous évoquez plusieurs rapports qui seraient au fondement de la réforme, monsieur le rapporteur pour avis ? Faites-vous référence au rapport de M. Verwaerde, qui est classé secret défense et dont nous n'avons pas pu prendre connaissance ?

Lorsque nous avons auditionné les représentants des start-up du nucléaire, ils n'ont absolument pas évoqué la nécessité de réformer la gouvernance. Ils souhaitent en revanche pouvoir attaquer l'autorité en justice si elle n'allait pas assez vite, et veulent mettre à mal l'ensemble des règles de sécurité et de sûreté. Dans la mesure où vous faites référence aux modèles de sûreté américain et japonais, dans lesquels les autorités n'ont pas les mêmes prérogatives qu'en France, nous nous demandons si vous ne cherchez pas à modifier la gouvernance pour affaiblir ensuite les règles de sûreté et de sécurité.

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Votre propos concerne les amendements précédents, madame Laernoes.

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Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, j'ai bien indiqué que l'analyse de la sûreté des réacteurs nucléaires repose essentiellement – et non totalement – sur l'approche déterministe.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE80 de M. Antoine Armand

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Nos collègues sénateurs ont souhaité ajouter l'adjectif « indépendante » dans le nom de la nouvelle autorité. Or cet adjectif ne figure dans aucun des noms des vingt-quatre autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes. Il paraît donc plus sage de le supprimer pour corriger cette anomalie.

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L'ajout de ce qualificatif par le Sénat peut sembler superfétatoire, mais le souhait du Gouvernement de le supprimer serait révélateur d'une mauvaise volonté de sa part ! L'indépendance, c'est justement une caractéristique que nous souhaitons tous conserver à cette autorité. De nouveau, monsieur le rapporteur pour avis, vous envoyez un très mauvais signal.

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Je ne comprends pas cet amendement moi non plus. Le qualificatif « indépendante » contribuerait à rassurer nos compatriotes et à leur donner confiance en cette autorité. Pourquoi devrions-nous remettre en cause cet ajout du Sénat ?

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Notre débat est passionnant, et nous l'aurons à l'avenir sur d'autres sujets. Pour ma part, je ne crois pas qu'une gestion dans l'intérêt de la nation puisse être intégralement décidée par un organisme rigoureusement indépendant qui ne rende compte de son action à personne. La question de la politique énergétique publique, qui est au cœur de nos débats, relève du Parlement et du Gouvernement responsable devant lui.

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Justement, la sûreté nucléaire ne doit pas être assujettie à des choix de politique énergétique. Si un réacteur n'est pas sûr, l'autorité ne doit pas l'autoriser à fonctionner, quand bien même il serait absolument nécessaire. C'est la raison pour laquelle s'opposent à cette réforme des personnes qui militent pour les EPR2 et d'autres qui n'en veulent pas : ce n'est pas de politique énergétique qu'il est question ici mais de sûreté nucléaire – laquelle faisait l'objet, jusqu'à présent en France, d'un relatif consensus.

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Quoi qu'il arrive, l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection restera indépendante. L'ASN actuelle a d'ailleurs déjà démontré à l'occasion de plusieurs décisions, concernant par exemple la digue de Tricastin, qu'elle savait prendre des décisions contraignant l'exploitant – parfois très fermement –, indépendamment des enjeux de production.

À Frédéric Descrozaille, qui estime que les décisions de sûreté ne devraient pas être prises exclusivement par l'autorité responsable, je voudrais par ailleurs rappeler que l'Inspecteur général pour la sûreté nucléaire et la radioprotection (IGSNR), au niveau international, et les ingénieurs sûreté gérés par EDF site par site ont largement démontré leurs capacités.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, les amendements CE16 et CE17 de M. Benjamin Saint-Huile tombent, ainsi que les amendements CE48 et CE49 de M. Gérard Leseul.

Amendement CE50 de Mme Marie-Noëlle Battistel

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Le groupe Socialistes et apparentés souhaite que la future autorité s'appuie sur l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli) pour garantir l'information du public et la mise en œuvre de la transparence en matière de sûreté nucléaire. La France dispose en effet du seul dispositif au monde d'organisation, de représentation et d'expression de la société civile sur les questions nucléaires. L'Anccli constitue l'un des maillons essentiels de ce dispositif garantissant la transparence de notre système de sûreté et la participation du public, indispensable à la confiance des populations – laquelle risque d'être affaiblie par la fusion des deux instances. Elle contribue depuis plusieurs décennies à la démocratisation des enjeux nucléaires et à un dialogue paisible et constructif autour des enjeux de sûreté, de radioprotection et environnementaux. Pour toutes ces raisons, nous proposons que la future autorité communique à l'Anccli la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu'elle mène dans ses domaines de compétence.

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Je suis très attaché aux commissions locales d'information (CLI), dont chacun connaît l'intérêt démocratique dans les territoires. Mais votre amendement est déjà satisfait par l'article L. 125-24 du code de l'environnement, qui prévoit que l'ASN leur transmette tous les documents et informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 : Fonctionnement, déontologie, indépendance et transparence de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)

Amendements de suppression CE18 de M. Benjamin Saint-Huile et CE37 de Mme Julie Laernoes

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Dans la mesure où vous n'avez apporté aucun nouvel élément justifiant la fusion des deux instances, monsieur le rapporteur pour avis, nous considérons qu'il n'y a aucun intérêt à fixer des règles de fonctionnement de la future autorité.

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Vous aurez aussi loisir de poser vos questions au ministre compétent en séance ou en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.

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L'article 2, dont mon groupe propose également la suppression, révèle l'impréparation de cette réforme bancale. Il n'est pas sérieux de renvoyer les grands principes déontologiques de l'organisme de sûreté et de sécurité nucléaire à un règlement intérieur, y compris l'obligation de publicité des avis d'expertise de l'ASNR prescrite par la loi : cela menace gravement la confiance et la transparence dans le domaine de la sûreté nucléaire. L'article 2 démontre l'enfumage derrière ce projet de loi. Le Parlement ne maîtrisera désormais plus rien : nous pinaillons sur les détails du règlement intérieur, alors que ce n'est pas notre rôle. Il faut impérativement inscrire dans la loi la dualité et la séparation entre expertise et décision, sans quoi l'on prend une pente dangeureuse.

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Avis défavorable. Les amendements de suppression des différents articles ont pour but d'effacer progressivement l'ensemble du projet de loi. Je souhaite au contraire que nous puissions discuter des missions nouvelles du dispositif de sûreté nucléaire et de l'évolution du cadre.

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Notre groupe soutiendra ces amendements. D'abord, nous ne sommes pas rassurés par les nombreux amendements du rapporteur pour avis visant à supprimer la moitié des modestes avancées votées par le Sénat : ils témoignent de sa volonté de déposséder le Parlement de son rôle dans la définition de la nouvelle gouvernance de la sûreté nucléaire en France. Ce qui nous inquiète également, ce sont les propos tenus par les principaux défenseurs de cette réforme lors des auditions : selon eux, il ne s'agit pas de reproduire à l'intérieur de la nouvelle autorité la séparation actuelle entre expertise et décision. Nous ne sommes pas d'accord pour que le choix en la matière soit renvoyé au règlement intérieur, lequel sera à la main du nouveau président de l'autorité.

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On peut dire que la charge de travail de l'Autorité de sûreté nucléaire s'accroît, mais pas que ses missions changent. Celles-ci sont définies par les standards de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).

La commission rejette les amendements.

Amendements CE104, CE82 et CE81 de M. Antoine Armand, et amendement CE51 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

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Je suis plutôt d'accord avec notre collègue Julie Laernoes : le règlement intérieur d'une autorité de sûreté n'a rien à faire dans la loi. Il me semble préférable que ce soit les dirigeants de l'ASN et de l'IRSN, dont je mesure les compétences organisationnelles et scientifiques, qui décident de leur fonctionnement quotidien, plutôt que nous. Ce que vous voudriez inscrire dans la loi, chère collègue, ne l'a jamais été. Pourtant, la France n'a jamais subi d'accident nucléaire.

C'est pourquoi je fais plusieurs propositions. L'amendement CE104 vise à laisser la nouvelle autorité définir l'organisation de ses travaux, comme le prévoit la loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, plutôt que de fixer dans la loi une séparation fictive entre personnes, personnels, services ou activités d'expertise, de contrôle et décision.

Les autres amendements sont des amendements de repli qui seraient moins opérants mais qui permettraient au moins d'éviter que le texte n'aboutisse à un fonctionnement trop rigide et ne soit en décalage avec la pratique.

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Vous dites vouloir discuter, monsieur le rapporteur pour avis, et nous accusez de ne pas vouloir le faire. Je rappelle que vous ne nous avez toujours pas présenté les fondements de la réforme. Par ailleurs, je ne comprends pas que vous proposiez systématiquement de renvoyer au règlement intérieur ce que nous voulons au contraire fixer dans la loi : ce faisant, vous dépossédez le Parlement de son rôle dans la définition du fonctionnement de l'autorité de demain. Contrairement à ce que l'on nous a dit en audition, nous souhaitons quant à nous qu'une distinction très claire soit faite entre l'expertise et la décision – une muraille de Chine étanche, en quelque sorte !

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Selon vous, cette muraille de Chine devrait-elle s'élever entre les différents services d'expertise ou entre le collège de décideurs de l'ASNR et les experts de la future autorité issue de l'IRSN et de l'ASN ? Devrait-elle traverser une même personne affectée successivement au service des expertises puis dans un service de contrôle ou de décision ? Devrait-elle être une séparation dans le temps ? Nous ne résoudrons pas ces questions, si légitimes soient-elles, en les inscrivant dans la loi avec un principe aussi général, qui risquerait de rigidifier le règlement intérieur de l'autorité et de l'empêcher de déterminer ce qui est le plus efficace pour ses missions. Avis défavorable.

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On voit ici l'ineptie et l'impréparation de cette réforme, dont de nombreux aspects ne sont pas réglés et qui renvoie, pour rassurer, à un règlement intérieur sur lequel il ne serait pas besoin de délibérer. Les raisons mêmes de cette réforme devraient être expliquées dans la loi.

Monsieur le rapporteur, vous devriez savoir que les personnes que nous avons auditionnées ont très bien expliqué que les personnels de l'ASN et de l'IRSN ne font pas le même métier, car l'ASN fait de la conformité et l'IRSN de la sûreté. En rapprochant ces deux activités dans une autorité unique, nous risquons ne plus avoir d'experts en sûreté et de ne plus faire que de la conformité.

La commission adopte l'amendement CE104.

En conséquence, les amendements CE82, CE81 et CE51 tombent.

Amendement CE83 de M. Antoine Armand

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Madame Laernoes, vous avez raison de dire qu'il ne faut pas que la loi édicte un règlement intérieur ou veuille tout renvoyer à ce dernier. Laisser au législateur, comme l'a fait le Sénat, le soin de fixer les manières, les modalités, la forme et la structure de la commission d'éthique et de déontologie de la nouvelle autorité, tout en mettant l'accent sur certaines missions, empiète sur la capacité de cette autorité future à déterminer la bonne méthode et les bonnes instances, y compris avec les partenaires sociaux, a fortiori à propos de l'équilibrage des règles déontologiques applicables respectivement à l'ASN et à l'IRSN, une question dont les auditions ont montré l'importance. En l'état, l'alinéa 10 est donc plutôt dangereux, car il rigidifie le dispositif alors que celui-ci pourrait être remplacé, le cas échéant, par un référent déontologue ou une commission investie de missions supplémentaires.

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Il serait sage de cesser de supprimer les ajouts que le Sénat a patiemment introduits pour offrir à nos concitoyens des gages susceptibles de leur donner confiance dans l'autorité que vous proposez de créer, en précisant le fonctionnement et la répartition des compétences internes entre la sûreté, l'expertise et la décision. Si vous continuez le détricotage, bon courage pour la commission mixte paritaire (CMP) !

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La question centrale est celle de l'indépendance et de la publicité de l'expertise en amont de la décision. Nous voulons que le schéma actuel, qui sépare l'expertise et la décision, soit inscrit dans la loi, et non pas seulement dans un règlement intérieur : l'IRSN procède à une expertise, qui est publiée, puis l'ASN prend une décision. C'est précisément ce que le Sénat a voulu réintroduire dans votre texte, mais en s'arrêtant à mi-chemin, avec un règlement intérieur qui figure déjà dans la loi relative au statut général des autorités administratives indépendantes, de telle sorte que l'alinéa 7 était inutile et aurait pu être supprimé.

La commission adopte l'amendement.

Amendements CE84 et CE85 de M. Antoine Armand et CE63 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)

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Il porte sur la publicité et la publication des expertises, faisant en cela écho aux propos de Mme Batho. Dans la pratique actuelle, certains avis d'expertise – mais pas tous – sont publiés, après quoi l'ASN rend ses décisions. Certaines difficultés ont toutefois été relevées. Le haut-commissaire à l'énergie atomique, auditionné par la commission d'enquête dont j'étais rapporteur, a ainsi fait état, sur la base de sa riche expérience, de pressions internes que cette situation pouvait causer. En effet, dans une matière aussi délicate et complexe, lorsqu'un rapport d'expertise a été publié avant même que l'autorité indépendante ait pu rendre son avis, cette autorité peut se trouver soumise à des pressions de la part de l'exploitant ou de l'État.

Plusieurs options sont possibles. L'une consiste à graver dans le marbre l'obligation de publier les décisions, en précisant à quel moment elles doivent l'être. Mais toutes les décisions et tous les avis d'expertise doivent-ils être publiés, et selon quel schéma et quel dispositif ? Mon amendement vise, à l'inverse, à ce que le choix des modalités de publication de ces décisions revienne à l'autorité, car cette dernière est indépendante. Contrairement à ce que disent certains orateurs opposés à ce projet, recourant à un argument assez fallacieux, votre opposition à son existence ne rendra pas la future autorité moins indépendante. Demain, ses agents seront issus de l'IRSN et de l'ASN. Proposer d'inscrire dans la loi des principes qui n'y figuraient pas revient à exprimer une certaine défiance envers ce que seront demain les instances représentatives du personnel, les dirigeants et les préfigurateurs de la réforme.

Mon amendement CE84, de portée générale, renvoie donc l'ensemble de la question au règlement intérieur et l'amendement CE85 fait de même, mais en conservant le cas des groupes permanents d'experts.

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Lors de son audition par la commission d'enquête à laquelle nous avons tous participé, M. Doroszczuk, président de l'ASN, nous disait craindre de devoir choisir un jour entre la sécurité d'approvisionnement électrique et la sécurité et la sûreté des installations. Or, si nous n'inscrivons pas dans la loi que l'expertise doit être publiée d'une manière transparente et en amont, l'autorité, aussi indépendante soit-elle, n'aura pas le choix. Son indépendance exige une expertise publiée en amont et lisible pour expliquer sa décision. Je vous laisse imaginer quelle serait la pression exercée par l'opinion publique et le Gouvernement si nous venions à manquer d'électricité pour les climatiseurs d'un Ehpad pendant une canicule. Voilà la situation dans laquelle vous allez placer cette autorité indépendante car, aussi indépendante soit-elle, nous sommes en France.

Mon amendement vise donc à ce que ce soit la loi, et non pas un règlement intérieur susceptible de changer, qui exige la publication des résultats d'expertise en amont. Il propose aussi de viser les positions scientifiques et techniques qui formalisent les résultats d'expertise sur lesquels l'autorité indépendante aura le choix de s'appuyer ou non. C'est crucial, notamment pour conserver la confiance de nos concitoyens.

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La transparence et la publicité des résultats d'expertise ne sont pas une contrainte, mais un pilier de la sûreté nucléaire. En effet, le fait que l'analyse de l'expert soit rendue publique induit un débat démocratique. L'autorité n'en prend pas moins souverainement sa décision en tant qu'autorité indépendante et le fait que des parties prenantes, des citoyens, des élus, l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (Anccli) ou la représentation nationale prennent connaissance d'un risque ou d'une analyse de risque la conforte dans son indépendance. Or vos amendements et votre projet de loi lui-même ne parlent jamais de transparence. Avec cet amendement, vous renvoyez au collège, dans une sorte de conflits d'intérêts, le choix des modalités de la transparence. Ce n'est pas possible !

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L'amendement ne renvoie pas au collège la décision de publier ou non les avis, mais au règlement intérieur, lequel est défini par l'ensemble des parties prenantes.

Par ailleurs, la question n'est pas de savoir qui décide quand et comment les avis sont publiés. Selon moi, ce sont les futures parties prenantes qui écriront le règlement intérieur de l'ASN et de l'IRSN fusionnés, car elles sont les plus à même de prendre les bonnes dispositions pratiques, avec un principe de publication qui figure déjà dans la loi et que je ne remettrai jamais en cause. C'est une question de pertinence légistique et de bonne administration, et il ne s'agit pas de nous prendre collectivement pour les auteurs du séquencement de la publication des expertises de sûreté nucléaire.

La commission adopte l'amendement CE84.

En conséquence, les amendements CE85 et CE63 tombent, ainsi que les amendements CE86 de M. Antoine Armand et CE19 de M. Benjamin Saint-Huile

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 modifié.

Article 2 bis : Règles de parité applicables à la composition du collège de l'ASNR

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 bis non modifié.

Article 2 ter (article L. 592-31 du code de l'environnement) : Précisions sur l'activité de la commission des sanctions dans le rapport d'activité de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Amendement de suppression CE97 de M. Antoine Armand

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Dans une perspective de clarté, le projet de loi prévoit que l'autorité fasse, dans son rapport annuel d'activité, le bilan de l'activité de sa commission des sanctions. Or, l'ASN le fait depuis sa création, et c'est heureux. En outre, il est évident que cette action relève d'une disposition du règlement intérieur de l'autorité indépendante, comme c'est le cas pour toutes les autres autorités administratives indépendantes. Qui pourrait croire, sans facticité démagogique, que le fait d'écrire ce que doit contenir le rapport d'activité de l'ASN renforcerait si peu que ce soit le dispositif de sûreté nucléaire ?

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Mon amendement CE52, qui risque de tomber si l'amendement de suppression du rapporteur est adopté, tend à préciser que le rapport annuel d'activité de l'autorité précise clairement son plan de charge et ses moyens humains et financiers.

Monsieur le rapporteur, vous bousculez le modèle sur lequel a été construite la confiance entre l'industrie nucléaire et les Français. Alors que nous avions un opérateur principal et un système dual, vous introduisez le report des calendriers initiaux d'arrêt des centrales existantes, l'idée de faire intervenir des start-up au niveau de la conception et de nouveaux opérateurs, dans des lieux encore inconnus, et vous renvoyez tout ce qui fonctionne dans le système actuel d'expertise et de décision à un règlement intérieur auquel vous nous interdisez d'apporter la moindre précision par la loi. C'est très peu responsable et, au bout du compte, la confiance en sera dégradée.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 2 ter est supprimé et l'amendement CE52 de M. Gérard Leseul tombe.

Article 3 : Activités pouvant être exercées par l'ASNR, notamment en matière de recherche

Amendement de suppression CE53 de M. Gérard Leseul

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Il faut conserver notre système dual de sûreté nucléaire reconnu dans le monde entier. Vous souhaitez faire évoluer ce système vers un système à l'anglo-saxonne, reposant davantage sur la conformité que sur la sécurité ou la sûreté. L'article 3 mérite donc d'être supprimé.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE54 de Mme Marie-Noëlle Battistel, faisant l'objet d'un sous-amendement CE105 de M. Antoine Armand

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Mon amendement vise à maintenir la possibilité de réaliser des prestations sous forme d'interventions afin de maintenir les compétences des personnels dans l'éventualité de leurs mises en application en situation de crise.

Il vise également à maintenir la possibilité de réaliser des expertises et des recherches pour des organismes français ou étrangers.

Il est également à noter que l'IRSN dispose de matériels uniques en France à ce jour, permettant de réaliser certaines mesures ou caractérisations techniques de matériels, comme des mesures d'efficacité des systèmes de filtration et d'épuration des circuits de ventilation des installations industrielles ou nucléaires. L'interruption de cette activité pourrait être préjudiciable non seulement en termes de sûreté, mais aussi pour le tissu industriel national.

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Le fait que la nouvelle autorité puisse réaliser certaines prestations qui continueront à intégrer son expertise lui permettra de conserver son savoir-faire. Afin d'éviter de mauvaises surprises, et sachant que Mme Battistel, dont je soutiens l'amendement, est attachée à la fois à la prévention des conflits d'intérêts et à la souveraineté nationale, je propose de préciser avec ce sous-amendement que ces prestations ne peuvent se faire qu'en cohérence avec la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui vise à éviter les conflits d'intérêts, et, bien sûr, dans le respect des intérêts nationaux.

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Nous soutiendrons le sous-amendement du rapporteur.

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Je souhaiterais être éclairée sur les implications du sous-amendement du rapporteur en termes de défense nationale.

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Il s'agit d'une précaution. Si l'autorité indépendante choisissait d'exercer auprès de certains pays des prestations qui risqueraient de mettre en danger les intérêts de la défense nationale, il est utile que la loi prévienne directement de telles situations. Puisque certains n'ont pas de pudeur pour inscrire dans la loi certaines dispositions, je me permets de le faire moi aussi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 : Dispositions relatives à la transparence, l'information et l'association du public

Amendement de suppression CE87 de M. Antoine Armand

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L'article 4 du projet de loi prévoit de nouvelles mesures visant à renforcer l'information du public, ainsi que les échanges de la future autorité avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst). Le Sénat a, en outre, introduit un dispositif organisant la présentation des projets de décision d'adoption ou de modification du règlement intérieur à différentes entités : l'Opecst, mais aussi le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et l'Association nationale des commissions locales d'information auprès des installations nucléaires de base, ou Anccli, qui peuvent formuler des observations.

Ces dispositions posent plusieurs problèmes de fond.

En premier lieu, il serait paradoxal de faire juger le règlement intérieur d'une structure par des entités financées par l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ou comptant parmi ses membres des exploitants qu'elle sera amenée à contrôler. Deuxièmement, soumettre à différents acteurs extérieurs le règlement intérieur, loi interne de la future autorité, paraît contradictoire avec l'exigence d'indépendance de cette autorité. Enfin, certaines des dispositions de l'article sont déjà satisfaites par plusieurs articles du code de l'environnement, dont l'article L. 592‑29, qui prévoit que l'ASN formule des avis ou réalise des études à la demande du Gouvernement, des commissions parlementaires compétentes ou de l'Opecst.

La loi nous donne donc déjà tous les moyens de nous saisir de l'ensemble des informations et documents de l'ASN qui seraient utiles à notre travail parlementaire et il n'est nullement utile d'y ajouter de telles dispositions.

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Mon amendement CE55, qui risque de tomber si celui-ci est adopté, vise, à l'inverse, à ce que l'Association nationale des comités et commissions locales d'information soit également informée et saisie du règlement intérieur, au même titre que l'Opecst et le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire. Un mot très important qui figure dans le cahier des charges de ce comité est celui de « transparence ». Or, jusqu'à présent, monsieur le rapporteur, toutes les mesures que vous faites adopter par cette commission visent à réduire toute transparence.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l'article 4 et les amendements CE55 de M. Gérard Leseul et CE88 de M. Antoine Armand tombent.

Article 4 bis : Missions et composition de la Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs

Amendement de suppression CE89 de M. Antoine Armand

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Le Sénat prévoit que l'Opecst pourra solliciter l'expertise de la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CN2E) en dehors du cadre de son évaluation annuelle. C'est déjà possible sans qu'il soit nécessaire de l'inscrire dans la loi.

Par ailleurs, je suis étonné que certains de nos collègues évoquent une perte de transparence. Monsieur Leseul, puisque vous siégez à l'Opecst, il ne tient qu'à vous de solliciter ses avis. Il serait superfétatoire d'ajouter dans la loi une mesure qui y figure déjà. Il serait plus utile de convoquer ces structures et d'étudier ensemble ces documents.

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En matière de transparence, plusieurs collègues ont demandé à plusieurs reprises quels étaient les fondements de la réforme proposée et nous n'avons toujours pas de réponse. Un rapport secret est évoqué, et nous souhaiterions en avoir connaissance. Quant aux dispositions adoptées par le Sénat, elles sont superfétatoires par rapport à ce que l'Opecst peut faire aujourd'hui. Il suffirait d'introduire un alinéa prescrivant la transparence des avis d'expertise, qui doivent être rendus publics avant la décision. Ensuite, savoir à quel moment précis est un point qui relève du règlement intérieur – du reste, l'ASN en a déjà un et il est donc inutile d'introduire de nouvelles dispositions législatives à cette fin. Ce que nous demandons est très simple et très clair.

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Si tant est qu'il existe un rapport secret, il faudra demander au ministre Lescure de lever le secret.

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Il semblerait que cela a déjà été demandé.

La commission adopte l'amendement CE89.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l'article 4 bis et l'amendement CL 57 de M. Gérard Leseul tombe.

Article 4 ter : Correction d'une erreur rédactionnelle

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 ter non modifié.

Article 4 quater : Transmission à l'Opecst du rapport annuel d'activité de l'ASNR

Amendement de suppression CE90 de M. Antoine Armand

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Cet article introduit une disposition selon laquelle le rapport annuel d'activité de la future autorité est systématiquement remis à l'Opecst avant sa publication officielle. C'est, d'une part, déjà possible, dans la pratique et, d'autre part, qui le fera ? Nous pouvons certes voter des dispositions visant à introduire une forme de diversité dans la loi, mais qui s'engagera à le faire chaque année au cours des prochaines décennies avec son groupe ? Puisque c'est déjà possible, saisissons-nous de cette possibilité. Nous passons notre temps à expliquer à nos concitoyens que la loi est trop riche et trop bavarde : nous avons ici une occasion d'y remédier.

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Je suis heureux d'apprendre, monsieur le président, que vous allez appuyer auprès du ministre Lescure notre demande de faire sauter le secret confidentiel défense qui entoure ce rapport, certes un peu fantôme, que personne n'a lu et auquel personne n'a participé, mais à propos duquel nous savons deux ou trois choses grâce à un article du Canard enchaîné indiquant qu'il a été demandé par le Président de la République, lequel y aurait lui-même ajouté ce projet de fusion. C'est ce rapport à la main du président qui aurait permis la décision prise dans le cadre du Conseil de politique nucléaire, le 3 février dernier.

Nous ne sommes donc pas très rassurés pour ce qui concerne la transparence et, pour ce qui est de l'indépendance, vous êtes en train de tout concentrer dans les mains de l'exécutif, notamment en rattachant le haut-commissaire à l'énergie atomiques au Premier ministre. Qu'il s'agisse, donc, de transparence ou d'indépendance, c'est jusqu'à présent du pipeau complet.

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Nous faisons assurément des lois trop riches et trop bavardes, mais celle-ci est une loi muette, car vous refusez systématiquement la transparence de l'organisation. Ce n'est pas possible ! Acceptez de laisser, même si c'est parfois un peu superfétatoire, des clauses et des conditions de transparence qui permettent d'avoir confiance. Vous concentrez tout au sein d'un tout petit comité qui décidera du règlement intérieur. Ce n'est pas raisonnable.

L'amendement CE90 est adopté.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l'article 4 quater.

Section 2 Dispositions transitoires

Article 5 : Transfert des biens, droits et obligations de l'IRSN et continuité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Amendement de suppression CE58 de M. Gérard Leseul

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Il vise à supprimer l'article 5 et à réaffirmer la nécessité de préserver un système dual de sûreté nucléaire qui a fait ses preuves et qui est reconnu à l'échelle internationale, certains pays faisant précisément appel à l'expertise française en raison de sa dualité et de sa qualité. Nous avons, à de nombreuses reprises, présenté nos arguments et demandé sur quoi se fondait la décision présidentielle, mais nous n'avons toujours pas de réponse.

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Avis défavorable à cette suppression, comme à celle des autres articles structurants de ce projet de loi.

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Pourquoi parlez-vous d'une loi trop bavarde, alors que vous êtes en train de supprimer tous les ajouts apportés par le Sénat ? Refuseriez-vous que nous débattions et fassions notre travail de parlementaires, qui est d'écrire la loi ?

Nous sommes inquiets de voir que, sur des questions aussi fondamentales que la transparence et la dualité entre l'expertise et la prise de décision, les dispositifs sont bricolés, comme le renvoi au règlement intérieur. Il est de fait que je suis antinucléaire, mais je vis en France, qui est un pays très nucléarisé, et je suis donc attachée, comme chacun ici devrait l'être, à la sûreté et la sécurité. Bousculer le système, sans explication valide, au moment où nous nous trouvons est irresponsable. Il faut inscrire de vrais articles, avec de vrais principes qui sauvegardent notre sûreté et notre sécurité.

La commission rejette l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 non modifié.

Chapitre II Ressources humaines

Section 1 Dispositions modifiant le code de l'environnement

Article 6 : Statut des personnels de la future autorité, instances et règles du dialogue social et harmonisation des indemnités accessoires et remboursements de frais de toute nature

Amendement de suppression CE59 de Mme Marie-Noëlle Battistel

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Nous avons été nombreux à expliquer quelles étaient nos craintes sur cette fusion et, surtout, nous n'avons pas reçu de réponse à nos différentes questions portant sur la raison d'une telle opération. Qu'apportera-t-elle ? Le système actuel fonctionne très bien. Mais qu'en sera-t-il lorsque vous l'aurez dévasté ?

Cet amendement de suppression vise donc à conserver notre système dual de sûreté nucléaire, qui est reconnu dans le monde entier.

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Cet amendement participe d'une opposition globale au texte. Avis défavorable.

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L'article 6 concerne le personnel de la future autorité et son comité social d'administration.

Les représentants du personnel se sont opposés fermement et unanimement à cette réforme. Les salariés de l'IRSN et le personnel de l'ASN n'ont pas les mêmes statuts ni la même culture du travail. Nombreux sont ceux qui nous ont alertés sur l'ineptie qui consiste à rapprocher ces deux entités, lesquelles travaillent de manière complémentaire depuis des décennies.

On essaie de trouver des subterfuges pour fusionner ces organisations – ce qui revient à en démanteler une – sans prendre garde aux statuts des différentes catégories de personnel. Cela témoigne du bricolage opéré par ce projet de loi.

La commission rejette l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 6 non modifié.

Section 2 Dispositions transitoires

Article 7 : Transfert des salariés de l'IRSN à l'ASNR et au CEA

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 7 non modifié.

Article 8 : Dispositions transitoires en matière de conventions et d'accord collectifs

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 non modifié.

Article 9 : Possibilité pour les agents contractuels et les salariés privés de la future autorité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d'accéder à un corps de fonctionnaire

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 non modifié.

Article 10 : Dispositions transitoires tendant à garantir la continuité de la représentation sociale au sein de la future autorité

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 non modifié.

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Je confesse ne pas avoir compris à qui seront transférées les compétences de l'IRSN en matière de sécurité intérieure et de lutte contre les actes de malveillance. Le rapporteur pour avis peut-il nous éclairer sur ce point ?

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En la matière, l'IRSN travaille déjà avec le haut fonctionnaire de défense et de sécurité. Le texte ne prévoit pas de changement. Les salariés mis à la disposition du ministère des armées continueront à travailler directement avec ce haut fonctionnaire.

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Je ne parle pas de la défense nationale mais de sécurité intérieure.

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Cela relève également de la compétence de ce haut fonctionnaire.

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Notre pays fait face à des risques d'attentats terroristes et d'actes de malveillance contre les centrales nucléaires, sur lesquels je ne m'étendrai pas. Une partie des activités de l'IRSN relèvent de la sécurité intérieure et n'ont rien à voir avec la surveillance des installations nucléaires militaires, qui dépend du ministère de la défense. Lors de son audition, le directeur de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) a indiqué que ce point devrait être éclairci dans le cadre du débat parlementaire. Personne n'a compris comment aller fonctionner le nouveau système, d'où ma question.

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Actuellement, le haut fonctionnaire de défense et de sécurité a la main, avec l'expertise de l'IRSN, y compris en matière de sécurité intérieure. Cette situation n'a pas vocation à changer. Ce haut fonctionnaire de défense et de sécurité s'appuiera désormais sur l'expertise des personnels de la nouvelle autorité.

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Et si, le cas échéant, d'autres personnels était nécessaires pour remplir cette mission d'expertise, ceux du ministère des armées ou du CEA pourraient être mis à contribution. Je ne vois pas où est le problème.

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Vous aurez l'occasion de poser cette question au ministre lors de l'examen du texte au fond par la commission du développement durable, madame Batho.

Article 11 : Augmentation des rémunérations versées au sein de l'IRSN et de l'ASN ; élaboration d'un rapport du Gouvernement et d'évaluations par l'ASNR sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 non modifié.

Après l'article 11

Amendement CE91 de M. Antoine Armand

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Deux décisions sont indispensables au bon fonctionnement de la nouvelle autorité : son règlement intérieur et la décision d'organisation et de fonctionnement de ses services.

Cet amendement vise à prévenir une difficulté en permettant de consulter de manière anticipée les instances représentatives actuelles du personnel de l'IRSN et de l'ASN sur ces deux documents. Cela permettra de travailler dans les meilleurs délais une fois la loi adoptée.

Afin d'éviter un risque de vide juridique, l'amendement prévoit aussi que le règlement intérieur de l'ASN s'applique jusqu'à l'adoption du règlement intérieur de la future ASNR.

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L'alinéa 4 de cet amendement est totalement contraire aux principes généraux du droit du travail, puisqu'il prévoit que « Les consultations mentionnées au premier alinéa dispensent de toute autre obligation de consultation d'organisations au sein desquelles s'exerce la participation des personnels […] ». Il existe certes un problème de tuilage, mais vous dérogez à toutes les règles d'ordre public social pour les salariés de l'IRSN.

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Cet alinéa indique que les instances représentatives ne devront pas être de nouveau consultées une fois la nouvelle organisation mise en place. Il s'agit d'éviter une redondance mais pas de dispenser des obligations en matière de consultation.

La commission adopte l'amendement.

Chapitre III Le haut-commissaire à l'énergie atomique

Article 12 (articles L. 141-13 [nouveau] du code de l'énergie et L. 332-4 du code de la recherche) : Rattachement du haut-commissaire à l'énergie atomique au Premier ministre

Amendements CE66 et CE93 de M. Antoine Armand (discussion commune)

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Le haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA) est en pratique le conseiller scientifique du Gouvernement, notamment en matière d'énergie nucléaire. Il est en partie rattaché au CEA, ce qui crée une forme de dualité dénoncée tant par ce haut-commissaire que par les administrateurs généraux du CEA lors des auditions de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France.

L'amendement CE66 conserve la définition législative du rôle du HCEA, placé sous l'autorité directe du Premier ministre. Il précise ses principales missions – comme par exemple celle d'évaluer chaque année l'état des activités nucléaires civiles –, sans pour autant les détailler autant que l'avait fait le Sénat.

L'amendement CE93 est un amendement de repli, qui mentionne en outre que le HCEA peut saisir le comité de l'énergie atomique et toute autorité administrative compétente de ses propositions dans ses domaines de compétence, mais aussi que le Gouvernement peut lui demander un avis sur un projet de texte législatif ou réglementaire. L'amendement prévoit également que le HCEA peut être entendu par les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'énergie ainsi que par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Toutes ces choses prévues par le Sénat sont cependant déjà possibles en pratique et ne nécessitent pas une disposition législative.

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À travers les dispositions qui concernent le HCEA, on voit encore une fois que la main de l'exécutif se resserre sur tout ce qui concerne le nucléaire.

On ne voit pas bien en quoi le HCEA a quelque chose à voir avec la gouvernance de la sûreté. En revanche, il est certain qu'il va contribuer à la relance du nucléaire.

Mon amendement CE13, qui vient plus loin et qui risque de tomber, prévoit de mentionner que sa saisine pour avis sur la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) et sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ne lui demanderait pas beaucoup de travail. Nous n'en avons nous-même pour l'instant aucun sur ce projet de loi, qui aurait dû être discuté en juillet de l'année dernière et ne figure toujours pas à l'agenda de notre assemblée.

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L'amendement CE66 du rapporteur pour avis risque de faire tomber mon amendement CE62, qui vise à permettre à l'Opecst de demander un avis au HCEA. Je voterai donc contre cet amendement du rapporteur pour avis qui va à l'encontre d'une bonne idée.

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Je me demande si de Gaulle ne se retourne pas dans sa tombe.

En quoi l'existence du CEA avec en son sein un HCEA a-t-elle empêché la France de construire un parc nucléaire ? Je ne comprends vraiment pas quel est le problème que vous essayez de régler en précisant que le HCEA dépend désormais du Premier ministre.

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Je souligne que, lors de son audition, le HCEA a conseillé de supprimer un certain nombre d'alinéas de l'article 12, afin d'éviter tout chevauchement avec les missions du Haut Conseil pour le climat, qui fait très bien son travail.

Le HCEA a par ailleurs précisé qu'il disposait de seulement quatre équivalents temps plein (ETP), qui n'ont pas l'ensemble des compétences nécessaires pour faire face aux missions supplémentaires qui lui seront confiées.

La commission adopte l'amendement CE66 et l'article 12 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements portant sur l'article tombent.

Chapitre IV Dispositions de coordination et finales

Article 13 : Soumission de la recherche de l'ASNR à l'évaluation du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) et coordination

La commission adopte l'amendement de coordination CE68 de M. Antoine Armand.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 modifié.

Article 14 : Conditions de nomination du président de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et actualisation de références législatives

Amendement CE98 de M. Antoine Armand

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Cet amendement rétablit la compétence de la commission des affaires économiques pour rendre un avis sur la nomination du président de la future ASNR. Cette compétence était initialement prévue dans le projet de loi du Gouvernement. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat l'a attribuée à la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques.

Jusqu'à présent, la commission des affaires économiques était compétente pour l'avis sur la nomination du président de l'ASN et celle du développement durable pour l'avis sur celle du directeur général de l'IRSN.

Aux termes de l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission des affaires économiques est pleinement compétente en matière d'énergie, mais aussi sur les industries, la recherche appliquée et l'innovation. Il est donc légitime de lui confier de nouveau le soin de donner un avis sur la nomination du président de la future ASNR.

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L'amendement du rapporteur pour avis contribue au glissement opéré par le Gouvernement, la compétence relative à l'énergie étant transférée exclusivement à Bercy. On s'éloigne du rêve d'une planification écologique faisant une place égale aux questions énergétiques et à celles relatives à la protection de la biodiversité et aux transitions écologiques. C'est donc un recul, avec le risque évident de soumettre les choix en matière d'énergie à des logiques économiques de court terme, liées à l'industrie et au pouvoir d'achat des ménages. Ce sont certes de nobles causes, mais elles ne doivent pas faire abandonner le temps long, c'est-à-dire la planification écologique.

Votre amendement s'inscrit dans la même logique : en confiant une compétence exclusive à la commission des affaires économiques, vous empêchez celle du développement durable d'apporter son expertise extrêmement précieuse.

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Je répète qu'il s'agit bien de préciser la compétence d'une commission permanente – et en l'occurrence de rendre à la nôtre le pouvoir de confirmer la nomination du président de la future autorité de sûreté.

Cher collègue Potier, vous ne me donnez pas l'impression d'être l'incarnation d'une logique de marché abominable qui s'en prend au pouvoir d'achat des Français. Je suis certain que vous, comme les futurs membres de cette commission, saurez prendre en compte tous les éléments nécessaires lors de l'examen de la candidature du futur président de l'autorité.

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Le débat n'est pas là, monsieur le rapporteur pour avis.

Auparavant, deux commissions intervenaient. L'une donnait un avis sur la nomination du président de l'ASN et l'autre sur celle du directeur général de l'IRSN.

Et par ailleurs, jusqu'à une période très récente, la sûreté nucléaire a toujours dépendu du ministère de l'écologie, précisément pour s'assurer que les tâches effectuées par la DGPR soient distinctes de celles de la direction générale de l'énergie.

Je ne remets pas en cause les prérogatives de la commission des affaires économiques, ni celles de la commission du développement durable. Mais, comme Dominique Potier, je constate que les évolutions proposées traduisent un glissement.

La commission adopte l'amendement.

Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 modifié.

Article 15 : Entrée en vigueur

Amendements CE64 et CE22 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

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Il s'agit d'amendements de repli, car nous ne sommes toujours pas favorables à la réforme – malgré l'argumentaire solide qui nous a été présenté ce soir…

L'amendement CE64 propose donc de décaler d'une année la mise en œuvre de la réforme, tandis que l'amendement CE22 propose un report de six mois.

Tout d'abord, nous considérons qu'un travail difficile devra être mené avec les personnels et qu'il faut prendre le temps de le faire.

Ensuite, si la réécriture proposée par le rapporteur pour avis a évacué les aspects relatifs à la structure juridique de la future autorité, il reste que ce que vous proposez correspond à une autorité administrative indépendante (AAI), alors que certains collègues envisageaient une autorité publique indépendante (API). Avec l'amendement CE16, qui est tombé, nous souhaitions que le Gouvernement remette au préalable et dans un délai de six mois un rapport sur l'opportunité de donner à la future autorité un statut d'AAI. Cela semblait indispensable pour être éclairés sur la méthode choisie.

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La question du délai d'application de la réforme est évidemment légitime, mais il faut prendre en considération deux contraintes.

Il faut bien entendu éviter de bousculer les systèmes, les organisations et les personnels.

Mais, que l'on soit pour ou contre la relance du nucléaire, il faut aussi agir vite, car les plans de charge de l'ASN et de l'IRSN ainsi que celui de la future autorité vont continuer à s'alourdir. Au vu de ces plans, on constate que le 1er janvier 2025 correspond à un moment opportun pour mettre en œuvre la réforme. D'où le choix qui a été effectué.

Avis défavorable.

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Lors des auditions, aucune des organisations représentatives du personnel n'a estimé qu'il serait possible de disposer d'un organisme fonctionnel début janvier 2025.

Beaucoup de choses restent à éclaircir, qu'il s'agisse des contrats de travail des personnels ou des logiciels qu'ils vont utiliser. Or tout cela met en danger notre système de sûreté et de sécurité. On le sait, le programme de travail de l'année 2024 est extrêmement chargé, avec la prolongation des centrales existantes, la mise en service de celle de Flamanville, la question des déchets et la relance du nucléaire, sans parler des petits réacteurs modulaires.

Les délais prévus inquiètent au plus haut point. Pourquoi une telle précipitation, alors que tout le monde dit que la date du 1er janvier 2025 n'est pas tenable ?

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Plus vous précipitez la mise en œuvre, plus vous prenez le risque d'un dysfonctionnement, et donc d'un échec collectif.

Je veux bien qu'on nous dise qu'en vertu d'un principe fixé au sommet, il faut que la réforme soit effectuée le 1er janvier 2025 ; mais personne n'y croit. Ce n'est pas parce que la structure juridique sera prête à cette date que l'organisme sera en état de fonctionner. Le plan de charge pour 2024 est déjà très copieux. Si vous vous obstinez à retenir cette date, vous allez au-devant de grandes déconvenues tant en ce qui concerne le respect du calendrier que la capacité de la nouvelle autorité à faire face à son plan de charge.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte les amendements de coordination CE96 et CE92 de M. Antoine Armand.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 15 modifié.

Titre II Adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires

Chapitre Ier Sécurisation des procédures relatives à la commande publique pour les porteurs de projets nucléaires

Avant l'article 16

La commission adopte l'amendement rédactionnel CE79 de M. Antoine Armand, portant sur l'intitulé du chapitre.

Article 16 (article L. 2173-1 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de déroger à l'obligation d'allotissement des marchés publics pour certains projets dans le domaine nucléaire

Amendements de suppression CE23 de M. Benjamin Saint-Huile et CE39 de Mme Julie Laernoes

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L'amendement propose de supprimer l'article parce que nous regrettons que les éléments concernant la commande publique figurent dans ce texte.

J'ai entendu le Gouvernement évoquer un nouveau projet de loi « industrie verte 2 – le retour ». Les dispositions de cet article auraient pu y prendre place, mais il est difficile de trouver une justification à leur présence dans le texte que nous examinons.

C'est la raison pour laquelle nous proposerons de supprimer l'ensemble des articles de ce titre consacré à la commande publique.

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L'article 16 n'a pas sa place dans un projet qui vise à déterminer la gouvernance du système de sécurité et de sûreté nucléaire. C'est sans doute une sorte de rattrapage après l'examen du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

De deux choses l'une : soit on estime que mettre à mal la sûreté et la sécurité nucléaire permettra d'accélérer le processus, et dans ce cas-là de telles dispositions ont toute leur place dans ce texte ; soit on prend au sérieux la sûreté et la sécurité, et dans ce cas-là, on présente un vrai projet de gouvernance qui s'appuie sur des principes fondamentaux et s'abstient de proposer des mesures de rattrapage.

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La loi « Climat et résilience » de 2021 prévoyait, dans des secteurs où la France dispose d'une certaine compétitivité, d'adopter des critères de sélection plus exigeants en matière sociale ou environnementale. Cinq années étaient prévues pour les mettre en œuvre. Pas un seul secteur n'en a bénéficié. Il a fallu insister lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables pour ouvrir de nouveau quelques perspectives d'achats publics orientés vers la production locale grâce à des critères environnementaux et sociaux – ce qui ne constitue pas du protectionnisme.

Alors que le Gouvernement et la majorité n'ont rempli les promesses de la loi « Climat et résilience » – dont la mise en œuvre était renvoyée à des décrets – dans aucun secteur de l'économie française, vous nous proposez aujourd'hui de manière étonnante ces dispositions qui concernent le nucléaire.

Je partage totalement l'avis de nos collègues : il faut traiter cette question de manière cohérente dans un projet de loi relatif à l'industrie verte et ne pas faire une exception pour le nucléaire qui nuirait à notre objectif commun.

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Monsieur Saint-Huile, je partage votre préoccupation légistique et votre position de principe, mais je souhaite aussi faire preuve de pragmatisme.

Quand on est attaché à la relance du nucléaire et quand on connaît ce secteur – et tel est votre cas –, on sait que les gains de temps associés à la dérogation à l'obligation d'allotir se comptent en mois et en années. Cela représente aussi des gains financiers, qui pourront être investis plus utilement et plus rapidement dans l'ensemble de la transition écologique.

En l'occurrence, cette possibilité de dérogation est un réel progrès pour les marchés publics. Je fais donc appel à votre pragmatisme et à votre soutien à la relance du nucléaire, qui ne peut pas attendre.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE78 de M. Antoine Armand

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Cet amendement a pour objet de supprimer la codification des dispositions de l'article 16 dans le code de la commande publique, ce dernier n'ayant pas vocation à accueillir des dispositions sectorielles. Ce principe bien établi assure la lisibilité et la cohérence juridique de ce code.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CE77 de M. Antoine Armand

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Pour l'exception à l'obligation d'allotir un marché concernant la réalisation d'installations permettant d'assurer des activités de recherche en matière nucléaire, le Sénat a précisé que sont également concernées les installations « directement nécessaires » à ces activités. Or cette précision n'est pas utile, notamment compte tenu d'une autre précision apportée par le Sénat à l'alinéa 12.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CE102 de M. Antoine Armand

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Cet amendement permet d'étendre la dérogation à l'obligation d'allotissement des marchés publics aux installations de fabrication ou de maintenance d'emballages de transport de substances radioactives, qui constituent un maillon important de la chaîne et jouent un rôle en matière de sûreté nucléaire.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CE101 de M. Antoine Armand

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Il s'agit d'étendre la dérogation d'allotissement aux marchés relatifs à la réalisation de travaux de surface pour les laboratoires souterrains de recherche sur le stockage ou l'entreposage de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

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Je n'arrive pas à comprendre pourquoi a été déclaré irrecevable un amendement contre l'allotissement des opérateurs eux-mêmes alors que ce texte comprend des dispositions dérogatoires à l'allotissement des marchés publics passés par les opérateurs.

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C'est lié à la manière dont le périmètre du projet de loi a été défini par le Gouvernement.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CE76 et CE75 de M. Antoine Armand.

Amendement CE9 de M. Maxime Laisney

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Tout d'abord, je suis d'accord avec les collègues qui considèrent que cet article n'a pas sa place dans ce projet de loi. Mais, comme d'habitude, le Gouvernement fait tout dans le désordre en matière d'énergie. Il s'est rendu compte qu'il manquait des choses dans ce qu'il avait bricolé l'année dernière et essaie à présent de les introduire dans ce texte– en étant cette fois plus malin pour éviter les cavaliers législatifs.

En tout état de cause, l'article 16 sonne comme un aveu d'échec de l'EPR en général, de celui de Flamanville en particulier et de l'EPR 2 – dont on vient d'apprendre que l'achèvement des plans de conception a encore été repoussé de neuf mois. Quitte à relancer le nucléaire, autant que la centrale fonctionne – et si possible pas avec treize ans de retard et un couvercle de cuve dont on sait déjà qu'il faudra le changer au bout de dix-huit mois… Si j'étais pronucléaire, je serais sans doute favorable aux dérogations à l'obligation d'allotissement.

Cet amendement propose de conditionner les dispositions dérogatoires au code de la commande publique à des engagements en matière de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Un amendement similaire avait déjà été déposé lors de l'examen du projet de loi relatif à l'industrie verte. Peut-être qu'un réacteur, enfin en état de fonctionner, permet de produire de l'électricité décarbonnée, mais pour l'instant le chantier de Flamanville a émis beaucoup de gaz à effet de serre sans alimenter le réseau électrique avec le moindre électron.

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Vous proposez de conditionner le bénéfice des dispositions de l'article 16 à la publication, pour les entreprises soumises à la déclaration de performance extrafinancière, d'engagements annuels en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Votre amendement ne concerne en réalité que le cas d'EDF, puisque l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ont le statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) et ne sont donc pas soumis à une telle déclaration. EDF publie déjà un bilan carbone au scope 3 et un bilan de ses émissions de GES. Enfin, et loin de moi l'idée de défendre ici EDF car tel n'est pas le propos, mais l'entreprise peut mettre à son actif des centaines de milliers de tonnes de CO₂ économisées grâce aux milliers d'années réacteur.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE10 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

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Cet amendement de repli propose de conditionner les dispositions dérogatoires au code de la commande publique prévues au chapitre Ier du présent titre à la mise en place d'une stratégie ambitieuse de réduction de l'impact sur la biodiversité. Le réchauffement climatique et l'effondrement de la biodiversité sont en effet liés, ainsi que l'atteste le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

Or le nucléaire a un impact sur la biodiversité et celui-ci sera de plus en plus préoccupant. Je rappelle que, durant l'été 2022, vingt-quatre jours de dérogation ont été accordés aux centrales nucléaires pour leur permettre de rejeter dans les cours d'eau de l'eau plus chaude que la température autorisée. Il existe encore peu d'études sur le sujet, mais l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAe) et l'ASN attestent l'impact de telles dérogations sur la biodiversité aquatique alors que ce type de situation risque malheureusement de se multiplier. Elles provoquent un phénomène d'eutrophisation des milieux, c'est-à-dire une prolifération de végétaux et d'algues entraînant une baisse de l'oxygénation et une mortalité plus élevée de certains invertébrés.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 16 modifié.

Article 17 (article L. 2173-2 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de déroger à la durée maximale des accords-cadres des marchés publics pour certains projets nucléaires

Amendements de suppression CE24 de M. Benjamin Saint-Huile et CE40 de Mme Julie Laernoes

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Vous voulez une loi moins bavarde : par cet amendement, je vous propose d'y contribuer en supprimant cet article, qui n'a rien à faire dans ce projet de loi. Il vise en effet à étendre la durée maximale des accords-cadres pour certains projets – ce que l'on peut comprendre au vu des retards pris par différents chantiers. Mais ce texte porte sur la gouvernance et non sur le fonctionnement de la filière nucléaire.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.

Amendement CE74 de M. Antoine Armand

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Comme pour l'article 16 et pour les articles suivants, cet amendement propose de décodifier l'article 17 afin de ne pas inscrire de dispositions sectorielles dans le code de la commande publique.

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Je ne suis pas sûr de bien comprendre les implications de cet article s'il devait être adopté et la loi promulguée : les dérapages incontrôlés sur les chantiers de l'EPR et du nucléaire en général, à la fois en temps et en coût, ne risquent-ils pas de peser sur l'opérateur – EDF, Orano pour les piscines ou l'Andra pour les centres industriels de stockage géologique (Cigéo) –, ce qui reviendrait à faire payer le contribuable ou le client pour ces dérapages budgétaires ? Une association nous a posé la question, mais je n'ai pas su y répondre.

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La possibilité de prolonger les accords-cadres jusqu'à la fin du projet est un facteur d'économie, car, jusqu'à présent, la nécessité de devoir passer un nouvel accord-cadre crée une latence et aggrave les coûts.

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Lors de l'audition de M. Proglio sur le chantier de Flamanville dans le cadre de la commission d'enquête, celui-ci nous avait expliqué, dans des termes familiers, qu'il avait pris une marge de sécurité par rapport à la date fixée et que, après le seizième ou le dix-septième avenant, il était allé voir son « copain Martin » qui lui avait répondu que s'il n'allongeait pas, il arrêtait le chantier. Les nombreux avenants ne semblaient pas être à l'origine des retards. Dans ces conditions, qu'est-ce que cet article changerait ?

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Je vous propose de discuter plus en détail sur la question des avenants à l'occasion de l'examen de l'article 17 ter, dont c'est l'objet.

Si l'exploitant ou le constructeur ne tient pas ses délais, un rapport de force difficile s'instaure, mais ce n'est pas l'objet du dispositif de cet article, qui prévoit la possibilité de prolonger la durée de l'accord-cadre pour éviter des factures supplémentaires.

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Nos tentatives de modifier les règles de la commande publique se sont heurtées aux réponses du Gouvernement sur la conformité au droit européen. Qu'en est-il de ce texte ?

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Le droit européen permet déjà de déroger à la durée maximale d'un accord-cadre lorsque l'objet du marché le justifie.

La commission adopte l'amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE73 et CE72 de M. Antoine Armand.

Elle adopte l'article 17 modifié.

Article 17 bis (article L. 2173-3 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de prendre en compte la crédibilité des offres dans les critères d'attribution d'un marché public pour certains projets nucléaires

Amendements de suppression CE26 de M. Benjamin Saint-Huile et CE41 de Mme Julie Laernoes

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Le critère de crédibilité des offres est déjà pris en considération dans un appel d'offres. Quel est donc l'intérêt de l'article 17 bis ?

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Cette disposition, qui n'existe pas dans la loi, permettra de sécuriser une pratique courante.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.

Amendement CE71 de M. Antoine Armand

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Cet amendement propose de décodifier les dispositions de l'article, car le code de la commande publique ne peut comprendre de dispositions sectorielles.

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Si vous voulez une loi moins bavarde, pourquoi ne pas avoir voté pour les amendements de suppression, puisque le critère de crédibilité est déjà pris en considération ?

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Les exploitants que j'ai auditionnés m'ont assuré que, selon leurs services juridiques, cette disposition apporterait une sécurité supplémentaire. Il y a une divergence d'opinions, mais, dans le doute, je préfère sécuriser les marchés publics au service de la relance du nucléaire et de la transition écologique.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CE31 de M. Gérard Leseul

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Cet amendement vise à faire de la prise en compte de la crédibilité des offres des soumissionnaires un critère obligatoire et non facultatif des marchés publics relatifs aux installations nucléaires visées par l'article 16.

Le rapport remis par Jean-Martin Folz en 2019 sur la conduite du projet de Flamanville 3 a mis en lumière l'insuffisance des compétences à tous les niveaux d'organisation du projet. Le rapport évoquait même parfois une perte de conscience professionnelle chez certains acteurs de la filière, notamment chez Framatome. Antinucléaire ou pronucléaire, on ne peut être que favorable à cette exigence de sécurité du choix des soumissionnaires.

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Je suis extrêmement favorable à cette exigence de crédibilité, mais je suis défavorable à cet amendement.

L'article R. 2152-7 du code de la commande publique, qui transpose le droit européen, dispose que, parmi les critères utilisés par l'acheteur public – quels qu'ils soient : faisabilité technique, crédibilité, mieux-disant –, aucun ne peut être obligatoire. Nous pouvons être en revanche assurés que l'acheteur, qui engage ses fonds, tient effectivement compte de la crédibilité comme critère d'attribution du marché public.

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Vous faites des exceptions sur tous les principes, sauf pour les marchés publics. Le principe du caractère facultatif des critères d'attribution devient alors un principe sacré du droit européen auquel on ne peut pas toucher, même pour le nucléaire où les engagements se font sur un demi-siècle, voire sur un siècle. Je vous invite à trouver une formulation qui respecte le droit européen tout en étant plus musclée que ce qui existe.

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Le droit européen permet de rendre un critère spécifique obligatoire. Les expressions « peuvent comprendre » et « la crédibilité peut notamment », que l'on trouve dans la rédaction actuelle de l'article, ne sont pas contraignantes et font craindre une disposition juridiquement inutile. Ce point pourrait à nouveau être examiné avant la séance.

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Certes. Mais qu'apporterait cette modification ? Si les acheteurs ne tiennent pas déjà compte de la crédibilité du fournisseur, c'est inquiétant. En outre, ce n'est pas parce que la loi dispose que ce critère doit être pris en compte que l'appréciation de la crédibilité des opérateurs avec lesquels EDF engage des milliards d'euros changera.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CE32 de M. Gérard Leseul

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Cet amendement vise, en complément à l'amendement CE31, à ce que la crédibilité des offres des soumissionnaires s'apprécie en fonction de leur expérience en matière de marchés publics de même nature.

Comme l'a souligné le rapport Folz de 2019, les déboires du projet de Flamanville 3 étaient notamment liés à une perte de compétences sur l'ensemble de la chaîne d'acteurs de la filière, avec des intensités variables. Il est donc essentiel de tenir compte de l'expérience des acteurs dans l'évaluation de la crédibilité des offres. De plus, alors que le Gouvernement laisse planer un doute inquiétant sur la possibilité de confier la réalisation, voire l'exploitation, de certains réacteurs futurs, notamment les SMR, à des sociétés sans expérience en la matière, il est essentiel d'introduire une prise en compte obligatoire de cette expérience au sein de la procédure.

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Je suis favorable au principe de cette exigence, mais je ne vois pas en quoi l'adoption de cet amendement changerait concrètement la pratique.

Dans le cadre d'un marché public de construction d'un réacteur nucléaire, le critère de la crédibilité est un critère de choix et l'expérience y joue un rôle très important, mais cette décision économique et financière a sa propre rationalité. Je ne vois pas comment l'amendement permettrait d'atteindre une meilleure rentabilité socio-économique.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article 17 bis modifié.

Article 17 ter (article L. 2173-4 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de recourir à des avenants pour modifier un marché public sans remise en concurrence pour certains projets nucléaires

Amendements de suppression CE27 de M. Benjamin Saint-Huile et CE42 de Mme Julie Laernoes

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Monsieur le rapporteur, j'aimerais entendre votre réponse à ma question précédente sur les explications de M. Proglio concernant les avenants au contrat de Flamanville.

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L'article 17 ter permet d'expliciter les cas dans lesquels il est possible de conclure un avenant au marché public sans passer par une nouvelle procédure de mise en concurrence, lorsque des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires. Cette nécessité peut alors s'apprécier en fonction de l'évolution de la conception du projet à condition que le changement de titulaire soit impossible pour des raisons économiques ou techniques, qui peuvent notamment tenir à des raisons d'interchangeabilité ou d'interopérabilité des équipements.

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J'ignore combien d'avenants ont été passés par M. Proglio avec son « copain Martin » –autrement dit Martin Bouygues –, mais je sais qu'ils ont été nombreux. Qu'est-ce que cet article aurait changé dans le cas de Flamanville ?

Je suis opposée aux premiers articles de ce projet de loi car ils ne concernent pas la gouvernance, mais, s'agissant des articles dont nous discutons désormais, j'aimerais comprendre leur utilité.

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Cet article, introduit par le Sénat, prévoit que « le caractère nécessaire des travaux, fournitures ou services supplémentaires, […] peut notamment s'apprécier en fonction de l'évolution de la conception du projet ». Cette possibilité est déjà prévue dans le règlement ; son inscription dans la loi permet de la sécuriser.

Votre question ne porte toutefois pas seulement sur le cadre juridique, mais également sur les rapports de force économiques. Si celui-ci tourne en faveur de « Martin » en raison des importants retards et du dérapage des coûts, une règle de la commande publique ne permettra malheureusement pas de changer les choses.

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C'est préoccupant car cet article consacre le droit d'engager la construction d'un réacteur dont le modèle n'est pas complètement abouti et qui peut évoluer en cours de route. Cet article ne concerne donc pas seulement de simples aspects opérationnels de la commande publique.

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Je n'ai pas construit beaucoup de réacteurs nucléaires, mais je pense ne pas me tromper en disant que, avant tout marché de construction d'un réacteur nucléaire, le basic design et le design détaillé sont arrêtés et l'architecture du réacteur n'est pas remise en cause au stade de l'exécution du marché. Le chantier de Flamanville a connu des changements, mais ils n'ont pas concerné le design détaillé de l'EPR.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE70 de M. Antoine Armand

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Cet amendement propose de décodifier les dispositions de l'article.

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Monsieur le rapporteur pour avis, vous affirmez que, dans l'ensemble, les marchés publics sont passés avec des prestataires reconnus et que le design n'évoluant pas beaucoup, les éventuelles dérives ne sont pas énormes. Pouvez-vous affirmer la même chose pour des technologies innovantes comme celle des petits réacteurs modulaires (SMR), dont on ne connaît pas encore précisément le design ?

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L'article ne s'applique qu'aux opérateurs publics, pas aux exploitants.

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Je partage la crainte de mes collègues. J'ai eu la chance d'assister à plusieurs auditions de l'excellente commission d'enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France, dont M. Armand était précisément le rapporteur. Au cours de l'une de ces auditions, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a expliqué que la construction de l'EPR avait été décidée pour profiter d'une fenêtre dans l'opinion publique pour relancer le nucléaire et pour entretenir les compétences des salariés du nucléaire alors que le réacteur n'était encore qu'un prototype. C'est exactement la même chose avec l'EPR 2 puisque EDF a annoncé que le design détaillé de l'EPR 2 allait être livré avec neuf mois de retard. C'est préoccupant.

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Je suis d'accord avec vous, mais je ne vois pas le rapport avec l'amendement.

La commission adopte l'amendement.

La commission adopte les amendements rédactionnels CE100 et CE99 de M. Antoine Armand.

La commission adopte l'article 17 ter modifié.

Chapitre II

Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux de la nation en matière nucléaire

Article 18 (articles L. 2516-1 et L. 2516-2 [nouveaux] du code de la commande publique) : Dérogation aux obligations de publicité et de mise en concurrence pour les marchés concernant les domaines nucléaires les plus sensibles

Amendements de suppression CE28 de M. Benjamin Saint-Huile et CE43 de Mme Julie Laernoes

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Vous avez mélangé dans un même texte des dispositions nécessaires sur la commande publique avec d'autres sur la fusion de l'ASN et de l'IRSN, sur laquelle vous êtes très fragile. Il s'agit sans doute d'une stratégie – très moyenne – pour inciter les pronucléaires réservés sur votre projet de fusion à voter le texte. Je le regrette amèrement, car, pour réussir l'accélération, il faut éviter de brouiller le message.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements de suppression.

Amendement CE69 de M. Antoine Armand

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Cet amendement de rédaction globale conserve les principaux apports du Sénat à l'article 18, permettant ainsi d'en préciser et d'en sécuriser l'application. Il apporte également certaines améliorations rédactionnelles.

Il supprime cependant la codification de l'article au sein du code de la commande publique, l'obligation faite aux acheteurs concernés d'informer l'État de l'emploi des dispositions prévues par cet article, ainsi que l'obligation pour le Gouvernement de remettre annuellement un rapport au Parlement sur un tel emploi. Ces dispositions sont à rebours de la volonté de simplification des articles du projet de loi ayant trait à la commande publique.

La commission adopte l'amendement et l'article 18 est ainsi rédigé.

En conséquence, l'amendement CE33 de M. Gérard Leseul tombe.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi modifié.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du lundi 4 mars 2024 à 21 heures

Présents. – M. Xavier Albertini, M. Antoine Armand, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Maud Bregeon, M. Anthony Brosse, M. Stéphane Buchou, Mme Françoise Buffet, M. Sylvain Carrière, M. André Chassaigne, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, M. Éric Girardin, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, Mme Annaïg Le Meur, M. Gérard Leseul, M. Jérôme Nury, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Stéphane Travert, M. Stéphane Vojetta

Excusés. – M. Perceval Gaillard, M. Guillaume Kasbarian, Mme Hélène Laporte, M. William Martinet, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. – M. Nicolas Dragon, Mme Chantal Jourdan, M. Nicolas Pacquot