Le titre du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire sonne comme un aveu et fait écho aux amendements du rapporteur pour avis. Le texte ne repose sur aucun état des lieux, attestant que le système actuel ne fonctionne pas. Souvent cité, le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) établi par notre collègue Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir, n'est qu'un « alibi » pour les trois anciens présidents que nous avons auditionnés. Et vous vous obstinez, malgré l'opposition de la grande majorité des personnels des trois organismes concernés – l'ASN, l'IRSN et le CEA –, malgré les manifestations et les démissions.
Le Gouvernement avance l'argument qu'il faudra faire face au volume vertigineux de la relance du nucléaire. C'est précisément pour cette raison qu'il ne faut pas désorganiser la gouvernance de la sûreté nucléaire car vous ajouterez une tâche complexe aux tâches complexes qui figurent déjà sur les paillasses de l'IRSN et de l'ASN, notamment les dossiers d'options de sûreté pour la prolongation des réacteurs existants, les EPR 2, les SMR. Les anciens présidents de l'Opecst nous l'ont dit, il faudrait choisir entre l'énorme chantier de la rénovation de la gouvernance et celui de la relance du nucléaire. Vous avez choisi la relance l'année dernière, renoncez à la gouvernance.
Il s'agit aussi selon vous de « rassembler les compétences rares ». On a plutôt affaire à une fusion façon puzzle, puisque deux des principales activités de l'IRSN seront éclatées dans d'autres services. Faire partir la dosimétrie externe au CEA est une catastrophe : vous éclatez les compétences alors qu'aujourd'hui, le fait que les personnels travaillent également sur la dosimétrie interne permet une certaine flexibilité. De plus, vous renvoyez au ministère des armées la direction d'expertise nucléaire de défense, qui s'occupe de la sûreté des installations militaires et de la sécurité des installations civiles : une autre catastrophe.
On nous parle de « doublons », en mettant en avant le centre commun de crise. Un des groupes de travail a pourtant montré qu'il était possible de faire mieux sans avoir besoin de fusionner les deux organismes. L'exposé des motifs le dit, le projet de loi a pour véritable objectif d'aligner les priorités. Selon les opérateurs auditionnés, notamment Framatome, l'important est que les choses puissent se faire. Là, on tremble, on se dit que la vraie intention est de dissoudre l'IRSN dans l'ASN c'est-à-dire de faire disparaître les expertises car, souvent, elles ne plaisent pas aux opérateurs. On sait pourtant qu'il est important de maintenir le dialogue.
Pour conclure, je veux m'adresser à ceux qui sont sincèrement pro-nucléaires : ne dégradez pas l'expertise et le contrôle ; ne revenez pas en arrière ; ne cassez pas ce qui fonctionne. Entendez Roland Lescure, selon lequel les risques liés à l'activité nucléaire sont peu probables mais incommensurables.