La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Ne pas pouvoir accéder aux médicaments dont on a besoin est une source d'angoisse indescriptible, pour les parents ou les patients. Ces situations, vous les connaissez toutes et tous, et, pour chacune et chacun d'entre nous, elles sont inacceptables.
La proposition de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui au nom du groupe Socialistes et apparentés vise à répondre à ces problèmes de pénurie auxquels les Français nous indiquent être chaque jour confrontés. Vous connaissez les chiffres : le nombre de médicaments en pénurie a été multiplié par dix en dix ans. Nous sommes passés de moins de 500 déclarations de rupture en 2013 à 4 925 à la fin de 2023.
Ces ruptures n'ont pas une cause unique – ce serait trop simple. Elles découlent au contraire de plusieurs facteurs : une demande mondiale en médicaments qui a crû sans que les capacités de production aient augmenté à due proportion, une chaîne de production fragilisée par sa fragmentation, des médicaments matures dont certains industriels jugent les prix trop bas pour poursuivre la production, et une connaissance des stocks insuffisante pour assurer un pilotage agile.
J'ai voulu privilégier les actions susceptibles d'avoir un effet positif à court et moyen terme. J'ai donc choisi de traiter la question des stocks pour sécuriser l'approvisionnement, même si j'ai parfaitement conscience que le cœur du sujet reste la production et la sécurisation de tous les maillons de la chaîne, ce qui nécessite une stratégie industrielle de moyen et long terme.
Cette proposition de loi prévoit trois mesures : disposer de stocks de médicaments essentiels suffisamment importants pour avoir le temps de se retourner en cas de difficultés de production ; faire de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) une vraie tour de contrôle pour la gestion et la fluidité des stocks ; rendre plus dissuasives les sanctions financières infligées aux industriels qui ne respectent pas leurs obligations en matière de stocks. La commission des affaires sociales a voté à l'unanimité cette dernière préconisation, qui me semble de nature à répondre à un problème observé maintes fois sur le terrain.
L'obligation faite aux industriels de constituer des stocks a quant à elle soulevé quelques réserves. Des amendements ont d'ailleurs été déposés en séance, certains pour augmenter la durée de couverture des besoins retenue par la commission, d'autres pour l'abaisser. Je vais même vous faire une petite confidence : quelques députés sont signataires des deux types d'amendements ! Des différences d'appréciation se sont donc exprimées.
Malgré ces divergences, nous partageons un objectif : sécuriser les stocks de médicaments.
L'équilibre est difficile à trouver, car nous devons répondre à l'impératif de sécurisation de l'accès de nos concitoyens aux médicaments – c'est la priorité –, tout en tenant compte des contraintes réelles de production auxquelles sont soumis les industriels.
Ce soir, nous devrons choisir entre deux versions. La première consiste à imposer une augmentation des stocks aux seuls médicaments considérés comme particulièrement essentiels – ce qui conduirait à créer une troisième catégorie de médicaments, plus ciblée que celle des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM). C'est le sens de l'amendement n° 96 de réécriture globale de l'article 1er, que je défendrai. Je précise que j'ai déposé plusieurs amendements de réécriture globale à l'aune des discussions et des débats qui ont eu lieu en commission des affaires sociales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
La deuxième version prévoit de donner des pouvoirs supplémentaires à l'ANSM pour qu'elle puisse augmenter les durées de stocks exigibles lorsqu'elle est informée de difficultés à venir. Cette démarche est industrielle, dans le sens où elle apporte une réponse au processus existant et ne s'appuie pas sur la nature du médicament concerné. C'est l'objet de l'amendement n° 102 que j'ai déposé et qui vise à faire en sorte que l'ANSM puisse demander des stocks représentant jusqu'à six mois de besoins pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur.
Chacune de ces deux démarches a sa logique propre : l'une concentre les efforts sur les médicaments les plus indispensables, la seconde sur les MITM les plus fragilisés par le processus de production. Quelle que soit l'option que nous retiendrons ce soir, elle représentera une avancée pour la sécurisation des stocks.
Enfin, dans un souci d'efficacité, nous devrons permettre à l'ANSM de devenir une véritable tour de contrôle, qui ait à tout instant connaissance de l'état des stocks en France. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, car l'ANSM doit mobiliser trop de ressources pour tenter de consolider les informations figurant dans toutes les bases de données existantes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Mes chers collègues, c'est la première fois qu'une proposition de loi consacrée aux pénuries de médicaments arrive en débat dans notre hémicycle, en dehors de l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Pour cette première, j'ai mené avec vous dix-huit auditions. Les comptes rendus en sont publiés, ce qui vous permettra d'apprécier les opinions des uns et des autres. Depuis le début de nos travaux, je me suis montrée soucieuse de prendre en considération le point de vue de chacun des acteurs ainsi que l'éclairage qu'ils pouvaient apporter sur les causes des pénuries. C'est à l'aune de ces échanges que j'ai déposé des amendements et tenté de calibrer au mieux cette proposition de loi.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Cette proposition de loi visant à lutter contre les pénuries de médicaments traite d'un thème qui fait l'objet d'une attention prioritaire du Gouvernement, et ce depuis la précédente législature. Je tiens à saluer l'engagement de la majorité, qui a été volontariste et a permis de grandes avancées pour nos concitoyens depuis 2017. La disponibilité des médicaments dans les pharmacies est un sujet de préoccupation majeur pour tous nos concitoyens et a des conséquences importantes sur leur vie quotidienne.
Le constat est là : les tensions d'approvisionnement de médicaments sont devenues courantes en France tout comme dans le reste du monde et ne cessent de s'aggraver depuis plusieurs années. Chacun ici a pu être confronté à des problèmes de pénurie et nous comprenons l'inquiétude de nos concitoyens. Les conséquences des ruptures de stock ne se limitent pas aux hôpitaux et aux officines, où les pharmaciens passent parfois des heures à trouver des solutions. Elles se font aussi, et surtout, ressentir pour chaque patient dont la santé dépend de traitements qui font l'objet de difficultés d'approvisionnement, ce qui nuit à l'accès équitable à des soins de qualité pour tous. Rien qu'en 2023, l'ANSM a enregistré une augmentation des signalements de ruptures de stock et de risques de rupture de plus de 30 % en un an. Ces chiffres ne sont pas anodins : ils témoignent des difficultés de nos concitoyens.
Toutes les classes de médicaments sont désormais concernées par les ruptures de stock ou les risques de rupture. Elles concernent en général les médicaments matures, c'est-à-dire les plus anciens, donc les moins rentables. Elles peuvent aussi toucher des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, comme des médicaments utilisés pour traiter des maladies cardiovasculaires ou des troubles du système nerveux, ou encore des anti-infectieux et anticancéreux, vitaux pour les patients qui les prennent chaque jour.
Nous le savons, les causes des tensions d'approvisionnement sont le résultat d'un faisceau de facteurs concordants. D'abord, elles sont la conséquence du croisement de plusieurs épidémies hivernales qui provoque une plus forte demande dans certaines spécialités, alors même qu'on constate déjà une augmentation globale du besoin en médicaments, dans un contexte de vieillissement de la population.
Ensuite, la configuration du marché du médicament, qui compte peu de producteurs mais beaucoup de consommateurs, renforce les risques de pénurie. Près de 40 % des médicaments génériques sont produits par deux laboratoires dans le monde et la France n'est qu'un pays demandeur parmi d'autres.
Enfin, les industriels font face à des tensions sur les matières premières, aggravées depuis la crise sanitaire, et ils n'ont pas la capacité d'accroître de manière illimitée et immédiate leur production. Lorsque s'y ajoutent différents problèmes dans les chaînes de fabrication ou de distribution, l'arrivée des molécules ou des produits peut être ralentie et augmenter la durée nécessaire à l'approvisionnement.
Face à ce constat et à la multiplication des pénuries, le Gouvernement n'est pas resté les bras croisés et a avancé avec méthode. Depuis 2019, nous nous sommes engagés pour préserver l'accès des Français aux médicaments dont ils ont besoin. La mise en œuvre de la feuille de route 2019-2022 a permis des avancées majeures, notamment la constitution de stocks de médicaments minimum pour les patients, l'interdiction des exportations par les grossistes ou encore des informations régulières aux prescripteurs. Des actions ont donc été lancées sur tous les maillons de la chaîne de production et de distribution des médicaments : les industriels, qui fabriquent les médicaments et alimentent le marché ; les grossistes répartiteurs, qui les distribuent aux pharmaciens ; les pharmaciens, qui sont le point de contact des patients ; enfin, les patients eux-mêmes, sensibilisés au bon usage du médicament.
Plus récemment, la France s'est dotée de nouveaux outils réalistes et efficaces, coconstruits avec les acteurs du secteur.
Je le disais, le premier facteur de pénurie est l'augmentation de la consommation, donc les épidémies croisées, ce qui rend la période hivernale particulièrement sensible. Pour prévenir une crise hivernale et agir sur les différentes causes des ruptures de long terme, nous avons pris de nombreuses mesures visant à garantir des stocks plus importants pour limiter les tensions d'approvisionnement.
Ainsi, en 2023, de nouvelles étapes ont été franchies. Grâce à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, notre cadre juridique, l'un des plus protecteurs à l'échelle européenne, a été complété afin d'accroître la capacité d'action des autorités sanitaires pour lutter contre les tensions d'approvisionnement. Je pense notamment au renforcement des pouvoirs de police sanitaire et de sanction de l'ANSM, mais également à la dispensation d'antibiotiques à l'unité, à la production de certaines spécialités par le service public ou encore à la possibilité pour l'ANSM de requalifier un médicament pour le considérer comme présentant un intérêt thérapeutique majeur. Rappelons par ailleurs que depuis les tensions connues l'an dernier, nous avons élaboré une liste de 450 médicaments essentiels pour la santé de nos concitoyens, sur la base de recommandations des représentants de prescripteurs. Ces médicaments font l'objet d'un suivi et d'actions renforcées.
Au-delà du cadre juridique, il faut également responsabiliser tous les acteurs de la chaîne du médicament. C'est pour cette raison qu'à la demande du Gouvernement, une charte d'engagement des acteurs de la chaîne du médicament a été signée en novembre 2023, à l'initiative du ministre Aurélien Rousseau. Elle comporte neuf engagements visant à mieux contrôler et réguler, favoriser la transparence de l'information, et responsabiliser chacun dans l'intérêt premier du patient. Cette charte a permis de fluidifier les relations entre les différents partenaires, en engageant dans un cercle vertueux les différents acteurs du secteur, pour pallier notamment le phénomène du surstockage. Elle a ainsi contribué à lutter contre la répartition très hétérogène des médicaments entre les territoires et entre les officines d'un même bassin de vie, en réinstaurant de la confiance entre les différents maillons de la chaîne.
Enfin, nous devons continuer à promouvoir cette ambition au niveau européen, pour réduire collectivement les tensions d'approvisionnement et renforcer notre capacité de production. En France, sous l'impulsion du Président de la République et dans le cadre du plan France 2030, la production de vingt-cinq médicaments stratégiques sera relocalisée pour les rendre plus facilement disponibles sur les marchés français et européen. J'en suis convaincu, la réponse passe par le renforcement de notre souveraineté industrielle.
À l'échelle européenne, notre engagement porte déjà ses fruits. Sous l'égide de la France et de la Belgique, la Commission européenne a annoncé la création d'une alliance pour les médicaments critiques, qui sera opérationnelle dès cette année. Elle sera complétée par un mécanisme européen de solidarité volontaire en matière de médicaments. Le plan européen prévoit aussi l'autorisation de dérogations réglementaires à compter de cette année, comme la prolongation de la durée de conservation de certaines molécules ou l'acquisition de stocks conjoints entre États membres.
Toutes ces réponses contribuent déjà à faire bouger les lignes, mais il convient d'aller plus loin et d'agir plus efficacement pour anticiper davantage les risques et mieux réagir en cas de tensions. À cette fin, les ministres Catherine Vautrin, Roland Lescure et moi-même avons lancé le 21 février dernier un plan d'action volontariste pour les trois prochaines années. Cette feuille de route, fruit de travaux concertés avec l'ensemble des acteurs, constitue une étape cruciale dans notre engagement collectif à améliorer l'accès des Français aux médicaments. Elle doit nous permettre de relever le défi des pénuries avec méthode, détermination et réalisme.
De nombreuses mesures ont déjà été annoncées. Elles visent en premier lieu à agir sur la répartition territoriale des stocks par la diminution de la vente directe et le recours aux grossistes répartiteurs, qui alimentent souvent les petites pharmacies. En second lieu, il s'agit de mieux faire coïncider les quantités prescrites avec les conditionnements dans les boîtes pour éviter le gaspillage et limiter la surconsommation de médicaments. Enfin, nous entendons améliorer la visibilité sur les stocks disponibles, de manière à anticiper les ruptures de stock dès les premiers signaux et à renforcer l'information des prescripteurs et des patients. Les grandes orientations proposées dans cette feuille de route, qui aura vocation à être actualisée régulièrement, constituent ainsi un éventail de solutions de nature à lutter contre les pénuries, combat qui nécessite la pleine mobilisation de tous les acteurs de la chaîne.
Si la conjonction de toutes ces mesures et initiatives volontaristes donne déjà des résultats encourageants, elle ne doit pas nous faire oublier les difficultés qui persistent. En 2023, seuls 40 % des signalements de rupture ont débouché sur des mesures spécifiques de contingentement ou de substitution pour garantir la couverture des besoins des patients. Une dizaine de laboratoires ont été sanctionnés par l'ANSM, à hauteur de 500 000 euros, pour avoir déclaré trop tardivement des risques de tensions ou pour n'avoir pas respecté leurs obligations.
J'ai conscience que la situation reste compliquée, notamment dans certains territoires ou pour certaines spécialités, et qu'il nous faut amplifier nos efforts. En ce sens, la proposition de loi inscrite à l'ordre du jour de la séance de ce soir par les députés du groupe Socialistes et apparentés a pour ambition de compléter les moyens d'ores et déjà déployés pour lutter contre les pénuries de médicaments. Si les intentions qui le sous-tendent sont louables, le texte ne permettra pas de répondre complètement à nos préoccupations. En effet, le problème des pénuries est protéiforme et ses causes sont multiples : en la matière, une solution simpliste et unique n'est pas la panacée.
L'article 1er de la proposition de loi introduit une notion de stock minimal de sécurité pour tous les médicaments. Pour mémoire, la constitution de stocks de sécurité, entrée en application en 2021, est une mesure récente et efficace, qu'il ne faut en aucun cas remettre en cause. L'amélioration de la situation observée pour certains médicaments montre que c'est en optant pour une position d'équilibre, proportionnée et négociée avec les parties prenantes, que nous pourrons avancer. Or la commission des affaires sociales a adopté un amendement de réécriture globale déposé par la rapporteure Valérie Rabault et sous-amendé par la rapporteure générale Stéphanie Rist, en vue d'inscrire dans la loi que le stock de sécurité minimal doit être compris entre deux et quatre mois.
Augmenter les stocks de médicaments, ou même les rendre obligatoires, ne sauraient pourtant constituer l'alpha et l'oméga de la gestion des pénuries. D'une part, il est inimaginable que chaque industriel ou exploitant conserve deux mois de stock pour chaque référence de médicament, en particulier pour les plus courants d'entre eux, dont les volumes de vente sont très importants. D'autre part, le ressenti de pénuries persistantes pour certaines molécules est en réalité le reflet de disparités territoriales entre pharmacies, parfois au sein même d'un bassin de vie, d'une ville ou d'un quartier. Comme le souligne la directrice de l'ANSM, l'enjeu réside dans la gestion et la visibilité des stocks tout au long de la chaîne de production et dans leur répartition sur le territoire national.
S'agissant de la remise d'un rapport sur l'opportunité de créer une catégorie plus restreinte de molécules indispensables aux patients, prévue à l'article 1er bis, je rappelle que des travaux sont en cours depuis un an pour établir une liste de médicaments essentiels et que cette initiative est reproduite au niveau européen, selon une méthodologie proche de celle déployée en France. Une telle demande semble donc prématurée.
L'article 2 de la proposition de loi vise à renforcer les contrôles ainsi que les sanctions encourues par les industriels en cas de non-respect d'un certain nombre d'obligations. Or le fait d'alourdir fortement les sanctions comporterait un risque de perte d'attractivité du marché français face à une concurrence mondiale aiguë et, à terme, de non-commercialisation, voire de dé-commercialisation de certains produits. Cet outil doit donc être manié avec précaution. L'ANSM doit exploiter davantage le pouvoir de sanction dont elle dispose – ce qu'elle a commencé à faire, d'après les données récentes – avant de le renforcer s'il se révélait insuffisant.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement, constatant que le phénomène prend de l'ampleur depuis quelques années et que beaucoup reste à faire, partage la volonté d'agir pour éviter les ruptures d'approvisionnement, qui constituent un enjeu majeur pour nos concitoyens. La stratégie récemment annoncée – qui s'inscrit dans la continuité des nombreuses mesures déjà prises – vise à atteindre des objectifs ambitieux pour répondre efficacement et définitivement aux difficultés constatées partout en France.
En revanche, malgré les bonnes intentions qui animent ses auteurs, le texte présenté ce soir ne répond pas complètement à l'enjeu. Si de nombreux leviers sont pertinents pour lutter contre les pénuries de médicaments, la constitution d'un stock minimum obligatoire et généralisé – indépendamment de la nature du médicament, de sa visée thérapeutique ou du volume de consommation – n'est pas une solution adaptée ou proportionnée.
D'autres mesures utiles existent pour compléter le plan que nous avons présenté la semaine dernière en vue de lutter contre les tensions d'approvisionnement persistantes. Je pense notamment à l'allongement de la durée de publication, sur le site de l'ANSM, du nom des entreprises sanctionnées pour manquement à leurs obligations en matière de lutte contre les pénuries ou à la limitation de la publicité pour certains médicaments en rupture, proposées par Mme la rapporteure. Je songe également, parmi les mesures défendues par les députés de la majorité – notamment par Stéphanie Rist, Cyrille Isaac-Sibille et Paul Christophe, dont je salue l'engagement –, aux amendements visant à imposer aux industriels de renseigner la cause d'une rupture lors de leur déclaration à l'ANSM ou encore à rendre obligatoire la déclaration des stocks par le pharmacien d'officine.
Le Gouvernement suivra donc les débats avec attention et examinera les mesures qui figureront in fine dans la proposition de loi. Je le répète, il continue et continuera de s'engager pour lutter contre les pénuries de médicaments. Nous porterons un soin tout particulier à l'application de la stratégie récemment présentée. J'y veillerai notamment en poursuivant le travail réalisé avec tous les acteurs impliqués, et, en premier lieu avec les industriels, les pharmaciens et les représentants des patients. Cette feuille de route doit trouver rapidement une traduction concrète sur le terrain pour assurer la disponibilité des médicaments pour tous et partout. Cette stratégie, qui s'inscrit dans le prolongement des mesures déjà adoptées, n'est pas une fin : elle doit être complétée par toutes les nouvelles mesures utiles que les acteurs identifieront.
Dans un monde en profonde mutation, l'adaptabilité est en effet plus que nécessaire. C'est un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu stratégique pour notre pays, car il fonde en grande partie la souveraineté sanitaire de la France et la confiance des Français vis-à-vis de notre système de santé. En continuant à travailler ensemble, nous pourrons élaborer des solutions pratiques pour assurer un approvisionnement stable en médicaments. Catherine Vautrin, Roland Lescure et moi-même y veillerons.
Applaudissements sur les bancs RE, SOC et HOR.
Comme le disait l'abbé Pierre, qui s'est exprimé en son temps à cette tribune, « on ne pleure pas devant les chiffres ».
Je ne me lancerai donc pas dans une longue énumération de tous les chiffres inquiétants concernant les pénuries de médicaments : je veux surtout me concentrer – dans l'esprit qui anime les députés socialistes depuis ce matin – sur les préoccupations de nos concitoyens, car c'est pour eux que nous proposons ce texte.
Je pense, ayant lu son histoire dans la presse, au petit Stanislas, âgé de 5 ans, en proie à une simple otite, dont le père a dû visiter pas moins de huit pharmacies de région parisienne avant de trouver un médicament pour soulager la douleur de son fils. Je pourrais également vous parler d'Alain, qui habite dans mon département, l'Essonne, et dont les malheurs ont également été relatés dans la presse. Depuis la greffe de rein qu'il a subie il y a quelques années, il doit prendre un traitement médicamenteux quotidien pour éviter le rejet de son rein greffé. L'un de ces comprimés, le Cellcept 500 milligrammes, était en rupture, ce qui mettait sa vie en danger. C'est finalement sa fille, domiciliée en Vendée, à plus de 400 kilomètres de chez lui, qui a pu lui en procurer. Vous pouvez imaginer à quel point les situations de ce type, qui concernent des millions de Français, constituent un motif de préoccupation important pour nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle nous devons éviter ces dommages collatéraux liés à la pénurie de médicaments, notamment de MITM. Tel est le sens de l'instauration dans la loi d'une obligation de constitution d'un stock plancher, destinée à responsabiliser l'industrie pharmaceutique, et de l'accroissement des pouvoirs de l'ANSM pour sanctionner les manquements des acteurs concernés. Vous l'avez vous-même rappelé, monsieur le ministre : alors que l'industrie pharmaceutique française a réalisé un chiffre d'affaires global de 31 milliards d'euros en 2020, l'ANSM n'a pris que huit décisions de sanctions financières entre 2018 et 2022, pour un montant total de 922 000 euros. Ce grand écart n'est plus possible. Nous devons donc renforcer le pouvoir de contrôle sur pièces et sur place de l'ANSM et développer la pratique du name and shame, c'est-à-dire le fait de nommer publiquement les acteurs qui ne respectent pas la loi.
Ce texte ouvre ces possibilités. Il est fidèle à l'esprit qui nous anime depuis ce matin, à savoir la volonté d'arracher des victoires concrètes pour les Français. La santé est le premier sujet de préoccupation de nos concitoyens. La pénurie de médicaments est insupportable. Ce texte, dont les députés socialistes peuvent être fiers, nous permettra d'avancer.
Applaudissements sur les bancs SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. Jean-Charles Larsonneur applaudit également.
Nous le savons tous, la santé et l'accès aux soins constituent l'une des préoccupations majeures des Français.
Nos concitoyens nous le disent : ils s'inquiètent des difficultés d'approvisionnement en médicaments de la France et attendent de nous des réponses concrètes. Les pénuries de médicaments ne sont pas nouvelles. Depuis de nombreuses années, nous avons renforcé les mesures visant à en limiter la survenance et nous avons agi sur les nombreux facteurs de leur déclenchement.
La première mesure, qui marque fortement la prise de conscience politique de ce phénomène, reste la création de l'ANSM par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, et l'adoption de l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012. Rappelons que ce dispositif a notamment permis d'imposer des obligations à l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, des industriels exploitants jusqu'aux pharmaciens.
Par la suite, dans le cadre de l'impulsion donnée par la feuille de route 2019-2022, de nombreuses mesures ont été prises pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. Je pense par exemple à l'élaboration de la liste de 450 médicaments essentiels et à leur suivi, ou encore à la stratégie de relocalisation en France de la production de vingt-cinq médicaments stratégiques. Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, la création d'une charte d'engagement de l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament pour un accès équitable des patients aux médicaments. Il convient d'y ajouter la rénovation du cadre relatif aux plans de gestion de pénuries ou encore l'obligation pour les industriels de constituer des stocks de sécurité de leurs produits pour le marché national.
Toutes ces réponses contribuent déjà à faire bouger les lignes, mais il reste beaucoup à faire. Malgré ces différents dispositifs, le constat est sans appel : les ruptures de stock connaissent une augmentation tendancielle. Conscient des risques qu'elles font peser sur nos concitoyens, le Gouvernement a décidé, dans la LFSS pour 2024, d'élargir le champ d'action des autorités sanitaires, sans attendre la publication de la nouvelle feuille de route. Il a notamment renforcé les pouvoirs de police sanitaire de l'ANSM ou encore sa capacité à requalifier un médicament comme présentant un intérêt thérapeutique majeur.
La directrice de l'ANSM a été très claire : depuis la création du dispositif de constitution de stocks de sécurité et son entrée en application en 2021, le principal frein à un bon approvisionnement ne réside plus dans la formation des stocks, sujet sur lequel se concentre pourtant votre proposition de loi. Au vu de l'analyse de l'ANSM, je considère que nous devons désormais améliorer la gestion des stocks et leur répartition sur le territoire tout en soutenant la réindustrialisation en France ou au sein de l'Union européenne. Trop de médicaments dits essentiels présentent encore des critères de vulnérabilité industrielle.
Sous l'impulsion de la France et de la Belgique, la Commission européenne a annoncé la création d'une alliance pour les médicaments critiques. Elle a dévoilé, en fin d'année 2023, son plan pour remédier aux pénuries, prévoyant notamment le lancement d'un mécanisme européen de solidarité volontaire en matière de médicaments. Parmi les mesures annoncées figure par exemple l'acquisition de stocks conjoints au sein de l'Union européenne pour l'hiver prochain.
Dans ce sillage, le Gouvernement vient d'annoncer sa feuille de route 2024-2027 visant à garantir la disponibilité des médicaments et, à plus long terme, à assurer une souveraineté en la matière. Ce travail conjoint entre le ministère de la santé et celui de l'industrie, conduit en concertation avec l'ensemble des acteurs, mérite d'être salué. Il se concentre sur quatre axes majeurs : la détection des signaux faibles et le lancement d'un plan d'action gradué face aux tensions d'approvisionnement et aux pénuries ; la conduite de nouvelles actions de santé publique pour améliorer l'accès aux médicaments ; le déploiement de nouvelles actions économiques pour améliorer la disponibilité des médicaments ; enfin la transparence de la chaîne d'approvisionnement pour garantir l'information jusqu'au patient. Je suis certain que le ministre de la santé – le cher Frédéric Valletoux – aura l'occasion d'y revenir au cours de nos discussions.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a fait l'objet de nombreuses modifications en commission et le travail doit se poursuivre maintenant en séance publique – je sais que vous y êtes attentive, madame la rapporteure – pour aboutir à un texte utile. Cette proposition de loi au titre séduisant doit trouver sa pertinence sans dissuader la mise sur le marché français ni freiner la politique de réindustrialisation du territoire national que nous soutenons tous. Nous savons pouvoir compter sur vous, madame la rapporteure, pour nous accompagner sur cette voie et je vous en remercie par avance.
M. Jean-Christophe Larsonneur applaudit.
Nous sommes au XXI
Comment en sommes-nous arrivés à subir des pénuries de médicaments qui nous empêchent de soigner correctement des angines ou de prévenir les bronchiolites, notamment celles qui touchent les nourrissons ? Certains chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2017, l'ANSM recensait 530 médicaments d'intérêt thérapeutique majeur en rupture de stock ou sur le point de l'être. En 2020, on comptait 2 500 signalements ; en 2023, on en dénombre près de 5 000.
Derrière ces chiffres, il y a l'épuisement de patients qui errent en vain de pharmacie en pharmacie, en quête de médicaments parfois vitaux – nous en rencontrons, les uns et les autres, dans nos circonscriptions. Il y a l'impuissance de parents qui ne parviennent pas à soigner leurs enfants alors que des traitements existent. Il y a le désespoir de personnes âgées réduites à prendre leur mal en patience. Il y a des soignants, souvent déjà en burn-out, qui se démènent pour pallier les pénuries avec les moyens du bord, y compris à l'hôpital.
Les médicaments cardiovasculaires, anti-infectieux et anticancéreux, dont dépend la vie de millions de citoyens, sont fortement touchés par ces ruptures d'approvisionnement. Trois quarts des médecins estiment que ces pénuries entraînent une perte de chance pour les patients. Vous le savez : soigner plus tard, c'est soigner trop tard. Plus on attend avant de recevoir un traitement, plus la guérison peut se révéler compliquée.
Je signale que ces pénuries de médicaments s'ajoutent à une pénurie de médecins – le nombre de médecins généralistes installés en France a baissé de 8 % entre 2010 et 2023 – et interviennent alors que le service public hospitalier est au bord de l'effondrement. Pour prendre un exemple dans ma circonscription, à Marseille, au début de l'année, on manquait de manipulateurs radio, une information qui n'a pas fait la une des journaux mais qui a eu des conséquences concrètes : des suppressions de scanners programmés et une restriction de l'activité d'urgence. Ainsi, lorsqu'on regarde la situation dans sa globalité, on constate avec effarement que le meilleur système de soins du monde a été saboté.
Comment en est-on arrivé là ? Les députés du groupe La France insoumise y voient le résultat de décennies de marchandisation de la santé et de cadeaux faits à des multinationales du médicament dont le seul objectif est de verser plus de dividendes à leurs actionnaires. C'est aussi le résultat – je suis désolé de le dire – d'un quinquennat d'inaction. Sept ministres de la santé se sont succédé sans jamais inverser la tendance : au gré de feuilles de route et de coups de communication, la situation n'a cessé d'empirer.
Faut-il réellement s'étonner de ces pénuries ? En vérité, et contrairement à ce que vous laissez croire, la pénurie n'est pas une défaillance du marché mais une arme des industriels. En effet, en diminuant leur production et en faisant du chantage à l'arrêt de la commercialisation de certains produits, ils cherchent à obtenir des prix plus élevés pour leurs médicaments, comme le montre le rapport de la commission d'enquête sénatoriale paru en juillet 2023.
La proposition de loi du groupe Socialistes va donc évidemment dans le bon sens. Résumons-la. Les laboratoires pharmaceutiques ont déjà l'obligation d'assurer un approvisionnement pérenne pour les médicaments qu'ils commercialisent. Au vu de l'explosion du nombre de pénuries, il est cependant évident que ces obligations sont insuffisantes. Le texte prévoit donc de fixer un seuil minimal de réserves que devront constituer les industriels pour anticiper les périodes de forte demande. Encore faudrait-il, pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, que ce seuil corresponde à quatre mois de consommation, et non à deux comme c'est le cas dans la version adoptée par la commission des affaires sociales.
Ce texte a aussi le mérite d'alourdir les sanctions encourues par les laboratoires qui ne respectent pas leurs obligations. Notre groupe proposera d'ailleurs d'instaurer une sanction plancher et d'accroître le montant de l'astreinte journalière infligée aux laboratoires qui persistent dans l'illégalité.
Il est louable, enfin, d'octroyer à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé une prérogative de contrôle sur pièces et sur place. Encore faudrait-il toutefois que cette agence dispose des moyens nécessaires pour mener à bien ses missions de contrôle – problème qui se pose d'ailleurs pour bien d'autres services publics. Depuis 2018, l'ANSM n'a prononcé que huit sanctions contre des laboratoires hors-la-loi, en exigeant des montants dérisoires au regard des profits de ces entreprises. En outre, sur ces huit sanctions, aucune ne concerne une obligation de constitution de stocks.
Vous l'aurez compris, nous voterons pour cette proposition de loi. Toutefois, elle n'est pas suffisante, car il n'est pas tolérable que des actionnaires spéculent sur la vie des gens. Il faut prendre le problème à la racine. Le manque de stocks n'est pas la seule raison des pénuries – le ministre l'a d'ailleurs reconnu tout à l'heure. Il faut lancer un grand plan d'urgence pour sécuriser l'approvisionnement en médicaments.
Cela passe tout d'abord par le conditionnement des aides aux multinationales du médicament, notamment du crédit d'impôt recherche (CIR) – c'est d'ailleurs l'objet d'un amendement que nous avons déposé. Comment l'entreprise Sanofi a-t-elle pu supprimer 400 postes en 2021 alors qu'elle a bénéficié en dix ans de plus de 1 milliard d'exonération d'impôt au titre du CIR ? C'est une vraie question, qu'il faudra poser. Cela passe aussi par la création d'un véritable service public du médicament, ayant vocation à assurer l'approvisionnement, notamment en médicaments stratégiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
En juillet dernier, le Sénat a rendu public le rapport d'une commission d'enquête sur la pénurie de médicaments, lancée à l'initiative du groupe communiste, républicain citoyen et écologiste-Kanaky (CRCE). Ce rapport, riche en données objectives, nous apprend qu'en 2022 les ruptures ou risques de rupture de stock ont concerné quelque 3 700 médicaments, soit trois fois plus qu'en 2019.
Il nous indique aussi que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé use peu de son pouvoir de sanction : entre 2018 et 2022, elle n'a prononcé que huit pénalités financières, pour un montant total de 922 000 euros. En outre, aucune d'entre elles n'avait pour motif une violation des obligations d'élaboration d'un plan de gestion des pénuries ou de constitution d'un stock de sécurité – ce qui est pour le moins étonnant en ces temps de pénurie avérée.
Dans sa version initiale, la présente proposition de loi s'inscrivait donc, avec raison, dans la volonté, d'une part, d'allonger la durée minimale de couverture des besoins garantie par les stocks de sécurité et, d'autre part, de renforcer les sanctions financières. Nous regrettons que l'examen du texte en commission, par l'adoption d'un sous-amendement du groupe Renaissance, ait largement réduit ses ambitions. C'est pourquoi nous soutiendrons les amendements de la rapporteure qui visent notamment à relever les seuils de durée de couverture des besoins assurés par les stocks de sécurité. C'est aussi dans cet esprit que nous soutiendrons un renforcement des sanctions financières à la main de l'ANSM, en précisant toutefois – tel sera le sens de nos amendements – qu'il nous semble nécessaire de rendre ces sanctions obligatoires et de les assortir d'une somme plancher.
Cela étant, même si les mesures que nous nous apprêtons à examiner peuvent être utiles, elles seront malheureusement, nous le savons, insuffisantes. Le rapport issu du Sénat confirme en effet – c'est là son autre apport majeur – l'urgence d'un changement radical de la politique du médicament en France. Les pénuries trouvent leur origine dans le choix de ce gouvernement de favoriser une logique marchande au détriment de l'intérêt général. Le rapport pointe ainsi l'insuffisance des mesures prises pour responsabiliser les entreprises pharmaceutiques en matière de prévention, de déclaration et de gestion des pénuries dans un contexte de dépendance croissante aux importations. Il évoque un « chantage aux prix, encouragé par la financiarisation des laboratoires » et ajoute qu'à l'heure actuelle, « un laboratoire qui développe un médicament en monopole dispose, de fait, d'un droit de vie ou de mort sur les patientes et les patients ».
Pour les députés communistes et ultramarins du groupe GDR, il apparaît indispensable d'instaurer un rapport de forces différent, notamment à travers l'instauration d'un service public de fabrication du médicament. Il n'y va pas seulement d'une relocalisation des sites de production, mais aussi d'un assainissement de la production des médicaments, lesquels ne peuvent être assimilés à des marchandises dont les prix varient selon la saison, en fonction de l'offre et de la demande.
Outre les évidentes raisons de santé publique qui justifient sa création, un service public du médicament s'impose d'autant plus qu'il est aberrant que le secteur pharmaceutique, caractérisé par des modes de gestion et d'action très libéraux, fasse des bénéfices et prospère grâce à de l'argent public. Ce secteur, deuxième récipiendaire du crédit d'impôt recherche, a effet touché 710 millions d'euros à ce titre en 2020, sans aucune contrepartie. Sur ce point, le rapport du Sénat ne manque pas de propositions afin que les entreprises pharmaceutiques rendent des comptes à l'État et aux patients.
Bien que ce ne soit pas là l'objet de cette proposition de loi, nous tenions à rappeler ces éléments, parce qu'ils ne sont pas étrangers à la compréhension de l'intention de ses auteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme la rapporteure applaudit également.
Sourires.
De plus en plus nombreuses, de plus en plus dangereuses, les pénuries de médicaments inquiètent, à juste titre, nos concitoyens. Ce phénomène qui s'est désormais durablement installé donne le sentiment que nous ne nous sommes pas correctement préparés. Si l'on a pu croire, dans un premier temps, que la situation reviendrait à la normale après la crise du covid, force est de constater que les pénuries de l'hiver 2022-2023 n'ont pas été anticipées par les industriels ni par les pouvoirs publics.
En conséquence, l'an passé, plus d'un tiers de la population nationale a été confronté à cette pénurie – et tous les médicaments ont été touchés. En effet, en 2023, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a enregistré une augmentation de 30 % des signalements de rupture de stock. Au total, 40 % de ces signalements ont nécessité que des mesures soient prises pour garantir la couverture des besoins des patients, qu'il s'agisse de contingentements quantitatifs ou qualitatifs ou encore de l'importation de médicaments similaires provenant d'autres pays. La même année, l'Agence a sanctionné une dizaine de laboratoires à hauteur de 500 000 euros pour des déclarations trop tardives sur les risques de tension et pour le non-respect des plans de gestion des pénuries et des stocks de sécurité.
En tout, quelque 3 000 molécules ont manqué pendant l'hiver 2022-2023. Parmi les cas les plus préoccupants, citons les versions pédiatriques de l'amoxicilline et du paracétamol, ou certains anti-infectieux et médicaments du système nerveux et du système cardiovasculaire. Cela pose un problème majeur en matière d'accès aux soins, non seulement parce qu'en l'absence de médicament, le risque de perte de chances augmente pour les malades, mais aussi parce que cette situation entraîne une surcharge de travail pour les médecins ou pour les pharmaciens qui cherchent des solutions alternatives pour leurs patients.
Notre responsabilité est d'abord de nous assurer que l'industriel s'acquitte de ses obligations – c'est la contrepartie à l'autorisation de mise sur le marché (AMM) : il doit s'engager à être capable de fournir les volumes nécessaires et attendus. Or le système industriel favorise les médicaments les plus rentables au détriment des plus anciens, pourtant souvent les plus efficaces.
Partant de ce constat, le groupe LIOT a soutenu en commission ce texte, qui recoupe des propositions que nous avions formulées lors de l'examen des précédents PLFSS.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Nous estimons nécessaire de renforcer les obligations de constitution de stocks minimaux et maximaux de sécurité applicables aux industriels. C'est pourquoi nous déplorons la réécriture par la commission de l'article 1er , qui amoindrit grandement l'objectif initial. Nous appelons donc à son rétablissement dans sa rédaction d'origine.
De même, nous souhaitons renforcer le pouvoir de sanction de l'ANSM, qui représente un bon levier pour inciter les industriels à faire leur part. Nous sommes également favorables à la mise à jour annuelle de la liste des MITM faisant l'objet d'obligations de constitution de stocks renforcées, parce qu'ils sont vitaux pour la santé des patients concernés.
Au-delà des mesures proposées dans ce texte, nous avons proposé des pistes de travail supplémentaires qui méritent d'être étudiées. Je pense par exemple à la question de la délocalisation de la production de matières premières, qui se pose avec acuité. À ce titre, nous saluons la présentation par le Gouvernement de sa feuille de route 2024-2027, qui contient plusieurs annonces allant dans le bon sens. C'est le cas notamment de la volonté de renforcer le plan de relocalisation en France à travers l'ouverture de nouvelles lignes de fabrication au printemps prochain – je pense à l'usine de production de paracétamol qui ouvrira à Toulouse au tout début de l'année 2025, projet que je me permets d'évoquer en quelques mots puisqu'il est soutenu par la région Occitanie dont je suis moi-même conseiller régional.
Pour autant, nous notons que cette nouvelle stratégie récapitule de nombreuses mesures déjà connues et inscrites dans le budget de la sécurité sociale pour 2024, et nous nous interrogeons sur sa mise en œuvre. Aussi, nous pensons qu'il appartient au législateur de répondre à la situation d'urgence que nous connaissons. C'est pourquoi nous réaffirmons notre soutien à ce texte.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Julien Bayou et Mme Soumya Bourouaha applaudissent également.
Qui n'a jamais été confronté, se rendant dans une pharmacie, à des difficultés d'accès à des médicaments, en raison de tensions d'approvisionnement ou de ruptures de stock ? Cette situation préoccupante et même insupportable pour nos concitoyens est la conséquence de plusieurs facteurs qui entraînent un déséquilibre entre l'offre et la demande. En effet, la hausse de la demande mondiale de consommation de médicaments s'inscrit dans un contexte de diminution du nombre de producteurs, associée à des délocalisations et à des manques de matières premières, ce qui entraîne cette pénurie.
Notre majorité s'est résolument engagée pour répondre à cet état de fait en prenant de nombreuses mesures depuis 2017. C'est elle qui a instauré, en 2021, l'obligation pour les entreprises pharmaceutiques de constituer un stock de sécurité pour tous les médicaments, représentant deux mois de couverture des besoins du marché pour tous les MITM – durée pouvant être portée à quatre mois pour un médicament ayant fait l'objet de risques de rupture. C'est aussi notre majorité qui s'est engagée à donner aux pharmaciens la capacité de délivrer un autre médicament, dans le respect des recommandations de l'ANSM, en cas de rupture de stock.
Dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, cela a été rappelé, figurent diverses mesures nouvelles qui sont autant de réponses susceptibles de nous permettre de lutter contre les situations de pénurie. Je me réjouis ainsi que nous ayons voté l'obligation de reprise des droits de production de médicaments dont la commercialisation est arrêtée, ou encore les mesures d'épargne des réserves en cas de rupture de stock – délivrance à l'unité, réalisation de tests rapides d'orientation diagnostique pour la délivrance de certains médicaments. Nous avons aussi prévu l'extension du pouvoir de police sanitaire de l'ANSM sur les ventes directes entre pharmacies et laboratoires pour limiter les éventuels surstocks. Un amendement déposé par notre majorité permet en outre une plus juste répartition des médicaments sur le territoire.
Je tiens à saluer le travail de coconstruction et les débats qui ont eu lieu en commission, et je vous confirme que la majorité sera pleinement mobilisée pour formuler des propositions dans l'hémicycle.
Je suis toutefois convaincue que le problème des pénuries de médicaments ne sera pas résolu efficacement sans solution européenne. J'ai d'ailleurs, en ce jour, une pensée pour Véronique Trillet-Lenoir, députée européenne qui nous a quittés le 9 août dernier, après s'être battue avec force et détermination pour impulser une nouvelle politique du médicament en Europe. Oui, nous avons besoin d'Europe et des solutions sont possibles grâce à la solidarité européenne. Dans cette optique, le plan de la Commission européenne adopté en octobre 2023 est ambitieux et constitue un grand pas vers la construction d'une souveraineté sanitaire européenne. Je pense notamment aux mesures visant à élaborer une liste de médicaments critiques à l'échelle européenne ou encore au renforcement de la surveillance des pénuries par l'Agence européenne des médicaments – autant de mesures appliquées en France que nous avons su promouvoir au niveau européen.
Il y a quelques jours, les ministres Catherine Vautrin, Frédéric Valletoux et Roland Lescure ont présenté la nouvelle feuille de route du médicament, qui réaffirme la nécessité de trouver des solutions à l'échelle européenne. Bâtie autour de quatre axes et résolument prometteuse, elle doit permettre d'avancer sur le sujet. J'en partage largement les objectifs, en vue notamment d'améliorer la surveillance des 450 médicaments dits essentiels, de renforcer l'information du patient ou encore de sécuriser la chaîne d'approvisionnement.
Comme je l'ai dit, sur cette question qui concerne de près nos concitoyens, le groupe Renaissance fera preuve d'un esprit constructif, au travers des amendements qu'il soutiendra et qui prévoient notamment la limitation de la publicité, l'obligation pour les industriels de préciser les causes des ruptures ou des risques de rupture lors de la déclaration des stocks à l'ANSM, ou encore l'obligation faite à tous les pharmaciens d'alimenter le logiciel DP-Ruptures – dossier pharmaceutique ruptures. Cela étant, augmenter la durée des stocks est à notre sens une fausse bonne idée, car il n'existe pas de stocks cachés. N'incitons pas les acteurs à focaliser leur effort sur l'approvisionnement des stocks pour éviter des sanctions plutôt que sur l'approvisionnement des pharmacies. C'est bien parce que la situation est difficile que nous devons agir efficacement.
C'est donc avec optimisme et dans un esprit de responsabilité que notre groupe aborde ce texte, en espérant une issue consensuelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La pénurie de médicaments empoisonne la vie des Français et les inquiète, surtout les plus fragiles d'entre eux. Vouloir légiférer pour instaurer des stocks minimaux de médicaments tombe sous le sens, tant au plan sanitaire qu'au plan économique. Nous allons donc devoir trouver un consensus acceptable qui pallie les multiples paramètres affectant le parcours des médicaments – car le dernier kilomètre, celui qui conduit les médicaments dans les pharmacies de ville ou d'hôpitaux, est précédé d'un long parcours ubuesque où se déclinent tous les travers des marchés économiques. Grande est la faute des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, qui, sous la pression des règles du marché européen, ont démantelé la chaîne de valeur qui nous plaçait en leaders mondiaux ! Des prix toujours à la baisse ou des dispositifs intéressants mais non évalués – comme les versions génériques des médicaments matures – ont conduit les producteurs à délocaliser tout ou partie de leurs activités.
Les matières premières utilisées pour la fabrication des principes actifs pharmaceutiques (API) sont produites à 84 % en Asie, parfois dans des pays monopolistiques. Se déroule ensuite la longue chaîne de fabrication, qui représente 55 % des causes de pénurie, chaque étape – pesée, respect de la pureté et de la teneur des mélanges, compression, séchage, encapsulation – exigeant une qualité parfaite. De nombreux produits, du valsartan à la ranitidine, ont ainsi disparu. Puis interviennent les conditionnements primaires et secondaires et les contrôles y afférant, le tout dans un contexte de réglementations lourdes et parfois contradictoires d'un pays à l'autre, et au sein d'un marché mondial ou européen toujours friand de contournements.
Associés aux octrois d'AMM, les appels d'offres, les retraits décidés pour absence de rentabilité et la baisse continue des marges représentent quant à eux 30 % des causes de pénurie mondiale et européenne. Bien sûr, le covid a joué un rôle d'accélérateur. Enfin, une fois livré en France, le médicament est l'objet d'un processus très opaque où chacun, essayant de dégager des marges et de trouver un peu de visibilité dans l'incertitude, travaille à flux tendu.
Au bout du compte – cela ressort bien des auditions –, la gestion sécurisée des stocks est désormais quasiment impossible parce que, malgré les textes européens auxquels nous avons largement contribué dans l'intérêt des Français et qui prévoient la désignation par chaque État d'un interlocuteur unique chargé de la gestion des stocks, la coordination à l'échelle européenne se révèle difficile. L'ANSM manque en outre cruellement de moyens.
Les producteurs connaissent l'état de leurs stocks, socle de notre richesse pharmaceutique, mais lorsqu'ils signalent une rupture, il est impossible de savoir si elle est temporaire ou définitive. De plus, pour des raisons de rentabilité, ils travaillent trop souvent à flux tendu, transformant facilement la pénurie en sur-pénurie. Chez les répartiteurs, qui exercent des fonctions indispensables, les stocks ne sont pas connus et le marché parallèle, c'est-à-dire la vente directe de médicaments hors de France ou même hors d'Europe représente plus de 6 milliards à l'échelle européenne, ce qui est un véritable problème. Quant aux officines, les stocks n'y sont connus qu'imparfaitement. Il semble que de grosses pharmacies aient pu stocker plus que de raison des produits très peu chers, comme l'amoxicilline, menaçant de pénurie les petites pharmacies. Enfin, les stocks accumulés chez les patients sont inconnus.
Dès lors, fixer un stock minimal global connu de l'ANSM est une nécessité. Cette obligation doit concerner avant tout les fameux MITM. Le seuil de quatre mois de réserve que nous avions déjà proposé il y a deux ans est fondé sur la durée moyenne des récentes pénuries. Mais les prérogatives de l'ANSM doivent aussi lui permettre de moduler tant les quantités que les délais de stockage de certains produits – ceux qui font l'objet de très fortes tensions, ceux pour lesquels aucune solution alternative n'existe, et ceux qui sont fabriqués en petite quantité, comme les médicaments pédiatriques.
Le groupe Rassemblement national soutiendra ce texte, tout en considérant qu'il est avant tout un appel à la sanctuarisation d'un organisme unique, centralisateur de données d'amont et d'aval, et doté de moyens à la hauteur des enjeux. Nous demandons la fin de l'opacité sur les marges et sur les déclarations de stocks ainsi que la fin du contournement des marchés. Il est nécessaire de reconstruire en urgence la totalité de la chaîne de valeur en Europe et si possible en France, de signaler les risques de pénurie le plus en amont possible, de stocker tous les produits de santé sur le territoire national, d'établir durablement des prix dignes afin d'éviter que le marché des produits matures ne ressemble bientôt aux marchés agricoles, et de responsabiliser tous les acteurs, y compris les consommateurs. La tâche est colossale. Il revient au plus haut niveau de l'État de définir une véritable politique sanitaire qui manque aujourd'hui cruellement.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
« Notre mission, en tant que pharmaciens, c'est de subvenir à la santé de la population et, aujourd'hui, on ne va pas y arriver. » « Le mot d'ordre, c'est la galère. » La galère : voilà ce que subissent les professionnels de santé et les patients. En 2023, près de 5 000 risques de pénurie ou ruptures d'approvisionnement ont été signalés auprès de l'ANSM. Ce chiffre a plus que doublé par rapport à 2021. Notre système de santé est actuellement touché par une explosion des ruptures, qui menacent directement l'accès aux soins de toutes et tous, en particulier des plus vulnérables.
Au-delà des lignes comptables, la réalité derrière les ruptures de stock, c'est André, forcé de solliciter cinq pharmacies par mois pour poursuivre son traitement contre les ulcères chroniques de l'œsophage ; c'est Françoise, atteinte d'une maladie auto-immune et qui, privée de son médicament, fait plusieurs malaises par semaine ; mais ce sont aussi des milliers de femmes qui peuvent se voir empêchées d'avorter – car oui, la France a connu l'an passé des tensions sérieuses d'approvisionnement en pilules abortives. Et si l'adoption par le Sénat, hier, de la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est historique, ce droit est bel et bien menacé en pratique dès lors que des industries pharmaceutiques en restreignent l'accès.
Ces ruptures de stock sont le fruit d'années de politiques qui, en favorisant l'hyperfinanciarisation de l'industrie pharmaceutique, ont déroulé le tapis rouge aux intérêts privés, les faisant passer devant l'intérêt général.
La proposition de loi du groupe socialiste qui nous est soumise aujourd'hui est une première réponse à la vague de pénuries de médicaments que nous traversons année après année. S'il salue cette initiative, le groupe Écologiste insiste sur la nécessité d'aborder les causes structurelles ayant mené à la perte de souveraineté de notre pays en matière de médicaments. La dérégulation du secteur a en effet laissé le champ libre aux industriels, non seulement pour délocaliser massivement en Asie, mais aussi pour faire la pluie et le beau temps sur le marché des médicaments en imposant leurs prix et en décidant des médicaments auxquels les Français auraient droit, quitte à ce que nos compatriotes doivent abandonner les traitements les moins rentables. Nous ne pouvons débattre de la régulation de ce secteur sans rappeler que la prédation fiscale et financière à laquelle se livrent les industriels pharmaceutiques ne sera jamais compatible avec la planification sociale et écologique dont notre système de santé a terriblement besoin.
Conscient que les lobbies pharmaceutiques ont pignon sur rue, le groupe Écologiste appelle à inverser radicalement le rapport de force en mettant la lumière sur les pratiques de dumping fiscal, social et écologique qui ne servent en rien les intérêts de notre système de santé. Un outil existe : celui du crédit d'impôt recherche. Or le CIR est aujourd'hui allègrement reversé à des groupes comme Sanofi qui, non contents d'avoir supprimé des centaines d'emplois de chercheurs ces dernières années, ont délibérément abandonné la production de médicaments essentiels à la population. Disons-le clairement : le crédit d'impôt recherche, pour ces géants du médicament, c'est un chèque en blanc. L'État français ne leur impose même pas d'être redevables de quelconques garanties solides d'approvisionnement, d'embauche ou de préservation de l'environnement – voilà un bon plan !
L'État doit cesser d'être complice des pratiques agressives de l'industrie pharmaceutique. Pour cela, nous devons assortir l'octroi du crédit d'impôt recherche de conditions fermes, qui doivent inclure le respect de critères sociaux et environnementaux, et la relocalisation des chaînes de production en France. La puissance publique doit également reprendre le contrôle sur la fixation des prix. L'opacité qui entoure le coût de production des industries leur donne les pleins pouvoirs pour fixer des prix astronomiques et totalement injustifiés. Le groupe Écologiste fera donc des propositions pour renforcer la transparence des prix des médicaments.
Plus urgent encore, nous devons dès maintenant envisager la création d'un pôle public du médicament, seule structure à même de nous permettre de retrouver notre souveraineté sanitaire. Pendant que notre système de soins révélait son extrême vulnérabilité lors de la crise du covid-19, les industriels pharmaceutiques, eux, n'avaient jamais fait autant de bénéfices. Alors que des pénuries encore plus massives sont à venir, protégeons plus que jamais la santé plutôt que les profits ! Il y va de la résilience et de la pérennité de notre système de soins face aux crises futures.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
Les pénuries de médicaments sont la conséquence d'une série de phénomènes cumulatifs, qui renvoient à des problèmes de production, de prix, de bureaucratie et de paupérisation.
Il y a vingt ans, la France était le premier producteur de médicaments en Europe ; aujourd'hui, nous sommes sixièmes. On nous promet de créer des usines en France ; le 13 juin 2023, le Président de la République a parlé de relocaliser en France la production de cinquante médicaments essentiels. Non seulement nous n'y sommes pas encore mais, surtout, demandons-nous si ce sont les bons médicaments qu'on fabrique en France. Est-il normal de choisir d'y produire de vieux médicaments plutôt que des médicaments innovants ?
Le deuxième problème c'est le prix, dont la limitation engendre la pénurie. En ce sens, le PLFSS menace l'accès aux médicaments en faisant de ceux-ci la variable d'ajustement du budget. Avec des prix de vente faibles et une fiscalité élevée, on est certain de créer un manque. Il faut donner aux producteurs une visibilité sur plusieurs années et leur garantir des commandes ; sans cela, les pénuries sont assurées.
La bureaucratie est le troisième sujet. En France, les délais d'accès au marché des médicaments sont très longs : 500 jours, à comparer aux 120 jours observés en Allemagne. C'est un des problèmes que nous devons résoudre si nous voulons juguler la pénurie.
Enfin, la paupérisation empêche la France d'avoir accès à certains nouveaux médicaments. Un chiffre fait froid dans le dos : en 2018, 92 % des anticancéreux autorisés en Europe étaient disponibles en France ; l'année dernière, seulement 53 % d'entre eux l'étaient. C'est une difficulté majeure qui ne fera que s'amplifier avec l'arrivée de nouveaux médicaments innovants, qui coûtent très cher. Prenez l'exemple du traitement de l'hémophilie sévère, qui touche 2 000 malades en France : une seule injection, pour un seul patient, coûte 2 millions d'euros. Si nous ne réfléchissons pas aux modes de financement, la pénurie de ces médicaments de pointe perdurera.
L'une des réponses aux pénuries de médicaments consiste à imposer aux industriels des stocks de sécurité. Mme Rist a raison de souligner que l'augmentation des stocks n'est pas un remède miracle, mais c'est une solution partielle et je remercie la rapporteure d'avoir inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour, d'autant plus que cette question ne fait pas partie de la stratégie gouvernementale de lutte contre la pénurie, présentée opportunément la semaine dernière.
Le travail de coconstruction que nous avons entamé en commission va dans le bon sens. Ainsi, augmenter les pouvoirs d'investigation de l'ANSM est une bonne chose car le contrôle est essentiel. Dans ce domaine, il n'y a pas de quoi être fiers : nous souffrons tous des pénuries de médicaments, la question est sans cesse soulevée, mais, comme l'a souligné notre collègue du groupe Socialistes, l'ANSM n'a pris que huit décisions de sanctions financières entre 2018 et 2022 – huit décisions dans un océan de pénuries qui inondent le monde de la santé !
Par ailleurs, nous ne sommes pas allés assez loin dans le ciblage des médicaments essentiels à la souveraineté de la France. Avec 6 000 items, la catégorie des MITM est trop vaste : quand on a 6 000 priorités, on n'en a aucune ! Il faut imaginer des listes plus courtes. En juin 2023, le Gouvernement a promis de publier une liste de 500 médicaments indispensables, mais la qualité de cette liste, qui a été très critiquée par les professionnels, laisse à désirer : y figurait par exemple le Previscan, un anticoagulant qu'on prescrivait du temps où je faisais les études de médecine, c'est-à-dire il y a très longtemps, et qu'on ne délivre désormais plus qu'en renouvellement.
La liste contenait également cinq anti-RGO (reflux gastro-œsophagien), mais ne mentionnait ni la Ventoline ni les corticoïdes injectables. La question de la qualité des listes est fondamentale et nous devons nous la poser. Je défendrai donc tout à l'heure un amendement visant à créer une sous-catégorie qui contiendrait un à deux médicaments par classe thérapeutique majeure. Je répète, quand 6 000 médicaments sont prioritaires, aucun ne l'est vraiment.
Vous l'aurez compris, même si le problème principal responsable des pénuries – la délocalisation des usines – ne peut pas être résolu dans le cadre d'une niche parlementaire, ce texte va dans le bon sens et je suis heureux de participer à cette discussion qui, j'en suis convaincu, contribuera à l'améliorer.
J'ai l'honneur de clore la discussion générale sur la proposition de loi relative aux pénuries de médicaments auxquelles nos concitoyens sont quotidiennement confrontés. Madame la rapporteure, merci de nous permettre de débattre aujourd'hui d'un sujet ô combien important pour les Français !
Cela fait près de dix ans que les alertes de rupture de stock de MITM en pharmacies se multiplient. L'ANSM en enregistrait 436 en 2014 ; en dix ans, ce nombre a été multiplié par dix. Les causes sont multiples : un marché tendu, avec une forte demande mais peu de producteurs ; le déclin de la souveraineté européenne au profit d'une production asiatique, qui crée des tensions sur les chaînes d'approvisionnement ; la très faible rentabilité, pour l'industrie pharmaceutique, des médicaments génériques et matures, liée aux prix particulièrement faibles de ces produits en France.
Je rappelle que nous votons chaque année, dans le cadre du PLFSS, une clause de sauvegarde, qui définit le montant que les industriels doivent rembourser à l'assurance maladie si le volume des médicaments remboursables que les Français ont consommés dépasse un certain plafond. Cette année, la clause de sauvegarde prévue s'élève à 1 milliard d'euros, et cette somme pèsera en partie sur l'industrie des médicaments génériques et matures, dont les marges sont faibles. Madame la rapporteure, vous savez que les solutions que vous proposez peuvent constituer une double peine pour les industriels, qui devront assumer des coûts logistiques et d'immobilisation sur des médicaments matures, tout en voyant leurs marges rabotées par la clause de sauvegarde.
La proposition de loi s'attaque principalement au problème de la production et des stocks. Or l'enjeu n'est pas seulement le stock, mais aussi sa gestion. Aujourd'hui, des stocks et des surstocks sont constitués par tous les maillons de la chaîne : les industriels, les grossistes répartiteurs, les pharmacies et les Français eux-mêmes qui, par peur de ne pas trouver le médicament dont ils ont besoin, peuvent légitimement en accumuler en prévision. Il faut assurer une juste répartition de ces stocks sur le territoire et la possibilité de les libérer et de les mobiliser au bon moment, car garder et regarder des stocks de deux ou quatre mois sans pouvoir en disposer ne sert à rien.
Nous vous rejoignons néanmoins sur la nécessité d'agir face au fléau des pénuries de médicaments. Le groupe Démocrate proposera plusieurs amendements, que nous espérons vous voir adopter. Alors qu'actuellement, chaque acteur gère son stock de manière autonome et indépendante, nous souhaitons que les acteurs de la chaîne du médicament créent un système d'information unique relatif à l'état des stocks, mais également une plateforme sur laquelle ils déclarent les ruptures ainsi que les risques de rupture. Afin de favoriser le partage d'information dans la lutte contre les pénuries, on peut d'ailleurs rendre obligatoire la déclaration de la nature et de l'origine des risques de rupture de stock.
Ce soir, nous nous devons de trouver ensemble un consensus sur ce texte pour répondre aux inquiétudes de nos concitoyens vis-à-vis des pénuries de médicaments, sans pour autant imposer aux industriels de nouvelles contraintes qui, au bout du compte, pénaliseraient les patients.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Le micro de la présidente est coupé.
Le micro ne fonctionne pas, mais si vous faites silence, tout le monde pourra m'entendre.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
« On n'entend rien ! » sur divers bancs.
Vous m'excuserez, monsieur Guedj, mais je n'ai pas une voix de stentor.
Sourires.
On l'a dit, un amendement adopté en commission des affaires sociales a fixé le stock de sécurité minimal, pour tous les médicaments – les MITM comme les médicaments du quotidien –, à deux mois de couverture des besoins. Le présent amendement vise à réécrire l'article 1er pour tenir compte de certaines observations faites en commission, notamment du fait que le nombre des MITM est actuellement très élevé – 6 000 – et qu'il faudrait donc prévoir une liste plus restrictive.
Dans la rédaction proposée, le niveau du stock serait compris entre un et quatre mois pour les médicaments du quotidien, entre deux et quatre mois pour les MITM, et entre quatre et six mois pour les médicaments totalement indispensables, dont la liste serait établie par le Gouvernement.
Je répète, il s'agit d'une réécriture globale de l'article, qui s'efforce de tenir compte des éléments qui ont été mentionnés en commission mais qui n'avaient pas été repris dans l'amendement qui y a été adopté.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir le sous-amendement n° 145 .
Il vise à faire correspondre le dispositif proposé par l'article 1er avec les dispositions du décret de mars 2021 relatif au stock de sécurité destiné au marché national. Celui-ci prévoit l'obligation pour tout titulaire d'autorisation de mise sur le marché et toute entreprise pharmaceutique exploitant un médicament en France de constituer un stock de sécurité minimal, dont le volume varie en fonction de la spécialité. Dans le même cadre de réécriture d'articles, la majorité est favorable à l'amendement n° 102 rectifié de la rapporteure, qui permettra à l'ANSM de demander des stocks de sécurité couvrant une durée plus longue pour certains médicaments.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Je suis favorable aux deux, car ils sont le fruit de discussions qui ont permis de créer des points de convergence à l'issue du passage en commission et qui traduisent la volonté, partagée par plusieurs groupes de l'hémicycle, de trouver un consensus sur un sujet majeur pour nos concitoyens. Notre volonté, en s'appuyant sur les dispositifs actuels, est de renforcer leur efficacité. L'amendement, tel qu'il est sous-amendé, s'inscrit dans cette voie.
Faute de micro, nous n'avons pas entendu l'avis de Mme la rapporteure sur le sous-amendement alors qu'il est intéressant d'avoir ses explications. Pour notre part, nous sommes favorables à la réécriture qu'elle propose, car celle-ci fait progresser la loi vers plus de stocks. En revanche, nous voterons contre le sous-amendement que nous trouvons insuffisant.
Je vais faire plaisir à notre collègue Isaac-Sibille qui va encore pouvoir dire que nous faisons des parallèles avec l'extrême gauche de l'hémicycle, car nous partageons l'avis de M. Davi.
Nous préférions la version initiale de l'article 1er , dont la réécriture est peu satisfaisante et que le sous-amendement vient encore édulcorer. On ne peut pas continuer à démanteler l'industrie pharmaceutique française. On ne peut pas continuer de ne pas la protéger et de ne pas constituer des stocks de sécurité tangibles. Je vous ai prouvé tout à l'heure que, pour un produit délocalisé, les causes de pénurie sont multiples avant même sa livraison en France. À cause de ce parcours du combattant, on joue avec le feu. Il faut sécuriser des stocks même si, nous le savons, cette notion peut avoir des effets contraires ou aléatoires, qu'il faudra savoir maîtriser. L'ANSM aura les moyens de moduler, mais il faut se donner un socle de sécurité plus élevé qu'aujourd'hui.
J'ai donné un avis favorable au sous-amendement parce que j'ai aussi déposé l'amendement n° 102 – que nous examinerons tout à l'heure – à la demande de l'ANSM. Actuellement, cette agence ne peut pas exiger d'un industriel de passer de deux à quatre mois de stock. Elle ne peut le faire que pour des produits qui ont été en pénurie au cours des deux années précédentes. Elle n'a pas la possibilité de demander plus d'importations si une usine brûle. L'amendement n° 102 lui permettra de passer à six mois de stock. Il s'agit d'une vraie sécurité, sur laquelle l'ANSM aura la main et qui répond à la demande d'agilité formulée par l'agence lors des auditions.
« Bravo ! » sur les bancs du groupe SOC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 82
Contre 13
Le sous-amendement n° 145 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 87
Contre 0
L'amendement n° 96 , sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et les amendements suivants tombent.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je suis saisie de trois amendements, n° 138 , 136 et 141 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 136 et 141 sont identiques et font l'objet de trois sous-amendements.
L'amendement n° 138 de M. Cyrille Isaac-Sibille est défendu.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir l'amendement n° 136 .
Cet amendement de la majorité vise à favoriser le partage d'informations dans la lutte contre les pénuries de médicaments.
Il pointe l'un des défauts évoqués plus tôt du partage d'informations, indispensable pour améliorer la répartition des médicaments.
L'amendement n° 138 est retiré.
Le premier propose que l'ANSM publie chaque année une liste des MITM comprenant, pour chacun des médicaments, les obligations de constitution de stock de sécurité associées. L'amendement n° 25 , de repli, ne prévoit que la publication de la liste.
Ces deux amendements sont déjà satisfaits, puisque la publication de la liste des MITM a été prévue par l'article 77 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et codifiée à l'article L. 5121-31 du code de la santé publique. Par ailleurs, la liste des MITM devant faire l'objet d'un stock minimal de sécurité de quatre mois est déjà disponible sur le site de l'agence. Il est prévu de renouveler la démarche tous les deux ans. Je demande le retrait des amendements ou, à défaut, leur rejet.
Nous avons une liste de 6 000 MITM. Or, avoir 6 000 priorités, c'est n'en avoir aucune… Il y a eu une liste plus restreinte de 500 médicaments, mais elle a été très critiquée par les professionnels de santé, qui ont parlé de choix faits en dépit du bon sens. L'idée est désormais de créer une liste très limitée de médicaments dits de souveraineté, avec un ou deux produits par classe thérapeutique majeure, pour que toutes les voies d'administration soient couvertes.
L'avis de la commission est favorable. À titre personnel, j'émets un avis défavorable, dans la mesure où mon amendement n° 102 rectifié , s'il est adopté, permettra à l'ANSM de relever plus facilement le niveau du stock de sécurité pour les MITM. Je comprends l'intérêt de donner la priorité à certaines molécules, mais il vaut mieux ne pas multiplier les listes.
Vous l'avez rappelé vous-même, monsieur Juvin, une liste de médicaments essentiels a été établie en juin 2023. J'estime qu'il ne faut pas multiplier les listes. Mon avis est donc défavorable.
Si nous avions géré les médicaments sur notre sol, en collaboration avec les autres pays européens, nous aurions pu éviter les pénuries et nous ne serions pas dans la situation actuelle, tout à fait effrayante. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que nous soyons obligés de recourir à des solutions toutes plus compliquées les unes que les autres. On aura beau s'y atteler, il est quasi impossible d'établir une liste de médicaments au niveau européen – la question s'est très vite posée lorsque l'on a renforcé le rôle de l'Agence européenne des médicaments et celui du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). En attendant, une liste restreinte, dite de souveraineté, nous convient. C'est pourquoi nous voterons pour cet amendement.
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 102 rectifié .
Je viens de l'évoquer, il vise à donner à l'ANSM le pouvoir de demander la constitution d'un stock de sécurité d'un niveau supérieur pour les MITM lorsqu'elle dispose d'informations faisant état de difficultés de production. Il donnerait à l'ANSM l'agilité dont elle souhaite disposer. Il est le pendant de l'amendement n° 96 , sous-amendé, qui a récrit l'article 1er .
Pour les mêmes raisons que précédemment, mon avis est défavorable.
Nous l'avons dit, nous sommes tout à fait d'accord sur le principe. La nécessité de confier à l'ANSM la centralisation des données et, surtout, la possibilité de moduler le niveau des stocks s'impose à nous. Néanmoins, il faudra se demander à un moment donné si l'ANSM est l'organisme adapté à cette mission et si elle dispose vraiment des moyens nécessaires. Il conviendra donc de réaliser une évaluation du dispositif dans les plus brefs délais.
L'amendement n° 102 rectifié est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Pour chaque MITM, les entreprises pharmaceutiques sont soumises à des obligations en matière de prévention, de déclaration et de gestion des pénuries, notamment à celle d'établir un plan de gestion des pénuries (PGP). Ces PGP sont adressés exclusivement à l'ANSM. Or celle-ci déclare elle-même – je ne vous apprends rien – avoir des difficultés à contrôler ces PGP, dont les données sont de qualité très inégale. Elle n'a d'ailleurs jamais prononcé de sanctions à l'encontre d'entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations.
L'amendement vise à rendre les PGP accessibles à tous les Français sur le site internet de l'ANSM. Cette transparence renforcerait l'information relative aux pénuries et concourrait à leur résorption.
L'amendement n° 76 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
À cause des problèmes de micro, nous perdons du temps à chaque intervention ! Il faut prolonger la séance jusqu'à minuit et demi !
L'industriel qui exploite un MITM doit informer l'ANSM de toute rupture de stock ou de tout risque de rupture de stock pour ce médicament. Aux termes de l'amendement, l'industriel devrait en outre préciser obligatoirement la cause de la rupture ou du risque de rupture. L'ANSM serait ainsi mieux renseignée.
Pour suivre les stocks de MITM, il existe actuellement trois systèmes d'information, gérés respectivement par les industriels, par les grossistes-répartiteurs et par les pharmaciens. Les amendements visent à ce que les acteurs créent un système d'information unique, ce qui permettrait à l'ANSM de disposer d'une vision globale sur les stocks des uns et des autres. C'est l'un des moyens de résoudre le problème des ruptures de stock. Je l'ai dit précédemment, les difficultés d'accès aux médicaments pour les patients tiennent moins au niveau des stocks qu'à la gestion de ces stocks.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 7 est adopté.
L'amendement n° 135 est retiré.
En 2023, 37 % des Français ont déclaré avoir été confrontés à une pénurie de médicament. Si ces tensions affectent les patients, elles ont aussi un impact sur les conditions d'exercice des médecins, des pharmaciens et des autres professionnels de santé. Tous ces acteurs demandent un partage des données harmonisé, normalisé, standardisé et actualisé en temps réel. En effet, le suivi de la disponibilité des médicaments est effectué au moyen d'une multitude de plateformes et de systèmes d'information hétérogènes et alimentés par des données de qualité médiocre. Il en résulte une maîtrise très aléatoire des flux et des stocks de médicaments dans notre pays. Nous proposons de rendre obligatoire l'inscription au dispositif DP-ruptures pour l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament. Selon nous, ce serait une première solution sérieuse au problème.
Il prévoit un cadre moins radical que le n° 85 : nous proposons d'expérimenter pendant trois ans l'inscription obligatoire au dispositif DP-ruptures pour l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament. J'insiste une nouvelle fois sur la nécessité de fluidifier la transmission des informations entre les acteurs du circuit du médicament, afin d'améliorer enfin l'information des patients. Cette mesure s'inscrirait parfaitement dans le deuxième objectif de l'axe 4 de la feuille de route pour les années 2024 à 2027 que le Gouvernement vient de publier à ce sujet. Il y exprime sa volonté que tous les exploitants aient l'obligation de renseigner le DP-ruptures et que tous les distributeurs aient l'obligation de prendre connaissance de l'information renseignée.
Il tient compte des commentaires formulés en commission par Mme la rapporteure, qui préconisait l'inscription obligatoire à une plateforme unique, mais pas nécessairement au DP-ruptures. Il s'agirait là aussi d'une expérimentation.
L'amendement n° 125 de Mme Stéphanie Rist est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 125 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements, n° 126 et 103 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 126 de Mme Stéphanie Rist est défendu.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 103 rectifié et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 126 .
L'amendement n° 103 rectifié est un amendement de coordination, qui emploie des termes plus adaptés. J'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 126 .
Sur ces deux amendements, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 126 n'est pas adopté.
L'amendement n° 103 rectifié est adopté.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Nous sommes évidemment favorables à la demande de rapport prévue à l'article 1er bis . Je propose néanmoins de clarifier la rédaction en remplaçant le mot « crise » par des termes plus explicites : il serait opportun de rappeler que l'objectif est de garantir aux patients une sécurité en cas de « tension d'approvisionnement ou de rupture de stock ».
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 59
Contre 47
L'article 1er bis, amendé, est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Il vise à clarifier la demande de rapport en y ajoutant une information nécessaire, celle des acteurs à qui s'adresserait la plateforme. La demande de rapport découle du constat que la multiplicité, l'hétérogénéité et l'absence d'articulation entre les plateformes ne permettent pas un suivi correct de la disponibilité des médicaments. Oublier d'intégrer un acteur de la chaîne du médicament reviendrait à ne pas faire un seul pas en avant.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Il vise à préciser que cette interconnexion doit être accessible à tous les professionnels de santé. L'Académie nationale de médecine qualifie l'information des médecins en ville et à l'hôpital d'« insuffisante, tardive, partielle » et va jusqu'à recommander l'informatisation obligatoire de tous les cabinets médicaux afin qu'une information automatisée et actualisée émanant de l'ANSM arrive en continu sur le bureau du médecin, dès le stade de la prescription. L'interconnexion permettrait de minimiser les problèmes de substitution approximative qui existent aujourd'hui. Le Conseil national de l'Ordre des médecins a indiqué qu'à sa connaissance, aucun logiciel d'aide à la prescription n'était armé d'une fonctionnalité d'alerte en temps réel relative à la disponibilité des médicaments, et il est courant de voir les pharmaciens appeler quatre ou cinq pharmacies avant d'en trouver une où le patient pourra se procurer son médicament. Il serait donc utile de préciser que la plateforme doit être accessible aux différents praticiens, prescripteurs et dispensateurs, pour éviter des allers-retours chronophages.
Le sous-amendement n° 144 de Mme la rapporteure est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'examen du texte progresse bien, et je remercie Mme la rapporteure pour son travail. Toutefois, je tiens à rappeler la position constante du groupe Renaissance concernant les demandes de rapport au Gouvernement dans les propositions de loi : nous y sommes défavorables, car c'est à nous, parlementaires, de nous en saisir.
Si ma position est la même, l'explication en est différente. Le rapport demandé vise à évaluer l'opportunité de créer une plateforme unique. Or l'un de mes amendements, qui a été adopté, vise justement à créer cette plateforme. Puisque le principe en est acté, à quoi servirait un rapport ? Le groupe Modem votera donc contre les amendements.
L'amendement n° 83 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 144 est adopté.
L'amendement n° 27 , sous-amendé, est adopté.
L'article 1er ter, amendé, est adopté.
L'amendement n° 111 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Nous soutenons le relèvement de la sanction financière, de 30 % à 50 % du chiffre d'affaires, prévue par l'article. Toutefois, selon la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments conduite par le Sénat, à la demande du groupe CRCE, les sanctions prononcées par l'Agence du médicament ces cinq dernières années sont particulièrement faibles, aussi bien du point de vue de leur montant que de leur nombre. En effet, l'Agence n'a pris que huit décisions de sanction financière en quatre ans, entre 2018 et 2022. Il me paraît nécessaire que ces sanctions deviennent obligatoires afin de les rendre réellement dissuasives.
Je suis tout à fait d'accord avec ma collègue. L'article 2 ne sera efficace que si les sanctions financières sont obligatoires. Entre 2018 et 2022, seules huit sanctions ont été prononcées. Il est temps de les rendre enfin dissuasives afin que des stocks soient constitués.
Il vise à augmenter l'astreinte journalière prévue en cas de manquement d'un laboratoire, en la faisant passer de 2 500 euros à 12 000 euros.
L'amendement n° 18 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 5 .
En cohérence avec la proposition de l'article, il vise à appliquer aux astreintes journalières le relèvement du plafond des sanctions pour chaque jour de rupture d'approvisionnement constaté.
L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Partant du même principe, il vise à fixer un plancher d'amende en cas de non-respect des stocks de sécurité par l'industriel. L'amende devra ainsi être comprise entre 10 % et 50 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.
Avis défavorable.
Vous proposez de pénaliser des industriels qui, parfois, sont seulement deux ou trois à proposer la fabrication de certains médicaments génériques, car ceux-ci ne sont pas rentables. Pour certains médicaments génériques et matures, il n'y a plus qu'un seul fabricant. Si vous pénalisez les industriels, il n'y aura plus personne pour les fabriquer. Les patients seront-ils gagnants ? Non. Avant de proposer de tels amendements, pensez aux conséquences !
Nous pensons bien aux conséquences. Certains industriels – ce ne sont pas toujours les mêmes, je l'entends – font énormément de profits sur une autre partie de leurs médicaments et jouent sur les pénuries pour faire augmenter les prix. Les sanctions peuvent les faire réfléchir.
Par ailleurs, nous avions déposé une proposition de loi visant à créer un pôle public du médicament…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Si les industriels ne veulent pas faire le travail, nous y sommes prêts, car il faudra bien le faire à un moment ou un autre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 113 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Angélique Ranc, pour soutenir l'amendement n° 61 rectifié .
Il vise à porter à deux ans la durée pendant laquelle les décisions de condamnation doivent demeurer sur le site internet de l'ANSM.
L'amendement n° 61 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à prévoir la possibilité d'étendre par voie réglementaire la période d'un an pendant laquelle la décision demeure disponible sur le site internet de l'ANSM.
L'amendement n° 60 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 114 .
L'amendement n° 114 est retiré.
Les amendements n° 64 de Mme Laurence Robert-Dehault et 59 de Mme Hélène Laporte sont défendus.
L'article 2, amendé, est adopté.
L'amendement n° 116 de Mme la rapporteure est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Défavorable.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 46
Contre 50
L'amendement n° 116 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour soutenir l'amendement n° 137 .
L'amendement vise à doter l'ANSM de la possibilité d'interdire la publicité de certains médicaments lorsqu'ils se trouvent en tension ou en rupture de stock.
L'article 3, amendé, est adopté.
L'amendement n° 57 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'idée est simple : si une entreprise est responsable d'une difficulté d'approvisionnement d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur, elle doit être contrainte de rembourser les aides perçues au titre du crédit d'impôt recherche. Il est scandaleux que des entreprises n'accomplissant pas leur mission en matière de stock de médicaments puissent continuer à bénéficier d'aides. Sanofi a, je vous le rappelle, touché au titre du CIR plus d'un milliard d'euros sur dix ans.
Défavorable. La proposition de loi traite des stocks, et nous pourrons avoir à une autre occasion un débat sur le crédit d'impôt recherche, sur lequel j'ai déposé par le passé suffisamment d'amendements.
L'amendement n° 14 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement relaie la demande de davantage de transparence exprimée par les associations – en particulier l'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament –, notamment quant au prix des médicaments. Il s'agit, au moment où les entreprises négocient avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), de garantir que ce dernier dispose de toutes les informations, en particulier sur les financements publics dont a bénéficié l'entreprise. Ainsi, au moment de la négociation, le CEPS constatant de nombreux financements publics pourra contester un prix de vente trop élevé. Cela constituerait un véritable outil pour faire baisser les prix lors des négociations.
M. Hendrik Davi applaudit.
L'amendement n° 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je regrette que l'amendement n° 13 ait été rejeté. Il offrait une avancée, en matière de transparence, que nous avons rarement l'occasion de défendre ; c'est donc regrettable.
L'amendement n° 15 demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport annuel sur les ruptures de médicaments et leurs raisons. À chaque fois, le Gouvernement sera obligé de présenter des pistes pour contrecarrer ces ruptures. Ce serait un outil intéressant pour les associations et pour les députés, afin de déterminer comment rectifier le tir.
M. Hendrik Davi applaudit.
Défavorable.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 107
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 57
Contre 50
L'amendement n° 15 est adopté.
Nous allons enchaîner, je le sens ! L'amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport sur l'opportunité de faciliter le droit de préemption de l'État. À titre d'exemple, l'usine de Carelide, dans le département du Nord, était la dernière entreprise française à fabriquer des poches de perfusion de paracétamol. Une fermeture était à craindre, que la mobilisation des salariés a heureusement permis d'éviter. Mais si jamais la fermeture n'avait pu être empêchée, il aurait fallu que l'État puisse préempter, afin que l'on continue de disposer de poches de perfusion de paracétamol fabriquées en France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous souhaiterions que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant la capacité de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à vérifier la faisabilité des stocks de sécurité, médicalement par médicament. Compte tenu des moyens techniques et humains de l'ANSM, nous ne sommes pas tout à fait sûrs qu'elle ait la possibilité de remplir sa mission jusqu'au bout. Par conséquent, il faudrait qu'elle puisse approfondir cette étude de faisabilité.
Défavorable.
La mesure proposée est déjà prévue entre les pouvoirs publics et l'ANSM. En audition, cette dernière a indiqué qu'elle disposait d'équivalents temps plein (ETP) supplémentaires pour réaliser cette mission. Je rejoins donc l'avis défavorable de Mme la rapporteure.
L'amendement n° 92 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 32 de M. Philippe Juvin et 91 de Mme Joëlle Mélin sont défendus.
Les principaux problèmes de l'ANSM ont été passés en revue. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat, présenté en juillet 2023, établit qu'ils résultent en grande partie d'un manque de moyens humains et matériels. Cependant, avant d'engager les actions et les financements nécessaires, et compte tenu du montant des ressources allouées à l'agence, il convient de déterminer ces besoins une bonne fois pour toutes. Nous demandons donc au Gouvernement un rapport unique et urgent qui fasse état des facteurs responsables de la rareté des sanctions prononcées ainsi que des moyens nécessaires à l'application correcte des pouvoirs de l'ANSM.
Comme nous l'avons vu au cours de cette discussion, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est centrale. En tant qu'ancien fonctionnaire, je connais l'habitude qu'on a de confier des missions supplémentaires à des agences et à des services publics sans leur attribuer les moyens de les assumer. D'où la demande au Gouvernement d'un rapport pour étudier la façon dont il conviendrait de faire évoluer les besoins humains et financiers de l'ANSM afin de mener à bien les politiques publiques concernées et de disposer enfin de médicaments.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 58 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous tenons à recentrer le débat. Bien souvent, les prises de position ne se font que sur le titre, et non sur le contenu du texte. Il convient donc d'avoir un titre adapté au contenu du texte, et qu'il ne soit pas « lutter contre les pénuries de médicaments » – même si la constitution de stocks fait partie de la lutte contre les pénuries de médicaments –, mais « augmenter les stocks de sécurité des industriels du médicament ».
L'amendement n° 90 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et SOC
Après près de quarante ans de délocalisations, la part des médicaments produits sur le territoire français ne dépasse plus le tiers de la consommation nationale. Le renforcement et l'accélération de l'approvisionnement auprès de producteurs étrangers accroissent notre dépendance pour la production de médicaments matures ou génériques essentiels, et piétinent notre souveraineté sanitaire. La production de nouveaux médicaments est particulièrement touchée : entre 2016 et 2021, seuls 9 % des nouveaux médicaments autorisés en Europe ont été produits en France. La production de génériques, qui faisait historiquement notre force, connaît la même évolution.
Les pénuries ne viennent pas de nulle part. De premier producteur européen, la France se retrouve aujourd'hui à la cinquième position, et elle en paye le prix. Tandis que nous sommes fortement affectés par cette dépendance pour la production de médicaments, personne ne juge opportun de relocaliser en France le peu de stocks de médicaments dont nous disposons.
Protestations sur quelques bancs du groupe RE.
Pourquoi les stocks de médicaments à destination du marché français sont-ils situés dans plus de trente pays différents ? Cela n'est ni logique, ni écologique, ni pratique ; en revanche, c'est dangereux.
Corrélé à ces délocalisations, un problème d'approvisionnement s'accentue depuis dix ans – notamment sous les mandats d'Emmanuel Macron –, et suscite légitimement l'inquiétude et la colère des professionnels de santé, ainsi que des Français : 37 % d'entre eux déclarent avoir été confrontés à une pénurie de médicaments en 2023. Ce bilan est désastreux. Il y a six fois plus de signalements pour risque de pénurie – et de pénuries avérées – en 2022 qu'il n'y en avait en 2017.
Il semble décidément que la majorité ne soit pas guidée par l'intérêt général.
Preuve en est l'ensemble des amendements que nous avons déposés en commission, et qui ont été rejetés par les macronistes, évitant soigneusement tout débat. Pourtant, nombre d'entre eux ont été repris, sept jours plus tard, par le Gouvernement dans sa feuille de route 2024-2027. Nous avons l'habitude du court-circuitage et de la mauvaise foi.
Cependant, préférer les jeux politiques sournois aux intérêts des Français est tout à fait méprisable. J'invite nos concitoyens à observer les votes de ce soir des députés de la majorité et de la gauche sur nos amendements, qui font pourtant l'objet d'un large consensus, et à se poser les bonnes questions. Le Rassemblement national restera fidèle à sa ligne de conduite, celle de voter pour l'intérêt des Français, même si cela signifie voter l'amendement de la majorité ou le texte de la gauche.
Jamais nous n'éprouverons la moindre frustration à le faire, tant que nous participerons à faire grandir la France.
Vous l'aurez donc compris, après avoir soutenu la plupart des articles qui la composent, nous voterons cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Contrairement à ce qui vient d'être dit, j'estime, pour ma part, qu'un consensus a pu être trouvé…
…et que nous avons fait reculer le problème de l'accès aux médicaments. Nous avons fait progresser les choses intelligemment, grâce à la bonne volonté sinon de tous les groupes, du moins d'une grande majorité d'entre eux. Je vous remercie, madame la rapporteure.
M. Dominique Potier applaudit.
Je retiens plusieurs éléments de satisfaction à l'issue de ce débat constructif au service de nos concitoyens. Le principal est qu'une augmentation systématique de la durée du stock de médicaments n'a pas été approuvée, l'ANSM ayant néanmoins la possibilité de décider d'un allongement en cas de besoin. Nous avons en effet besoin de mesures efficaces et aucun autre dispositif ne réglerait le problème. Nous avons adopté toutes les mesures qui étaient nécessaires et complémentaires à la feuille de route du Gouvernement, et il convient de poursuivre la construction de la souveraineté sanitaire européenne.
En définitive, je me réjouis du consensus que nous avons obtenu.
Mmes Caroline Abadie et Eléonore Caroit et M. Cyrille Isaac-Sibille applaudissent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 110
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 110
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Je remercie l'ensemble des groupes et salue les discussions constructives que nous avons eues. Sans plus attendre, je cède le micro pour l'examen du texte suivant.
Je souhaite associer mes mots à ceux prononcés par Cyrille Isaac-Sibille et Stéphanie Rist et, à mon tour, remercier Mme la rapporteure pour son état d'esprit constructif et pour nous avoir permis d'ouvrir le débat relatif aux pénuries de médicaments et aux mécanismes de stocks. Nos discussions se sont appuyées sur la stratégie du Gouvernement dans ce domaine et permettront de l'amplifier et de lui donner un nouvel élan. C'est ainsi que l'ensemble des groupes ont convergé vers l'adoption de la proposition de loi, ce dont je me félicite.
Je remercie chaleureusement la rapporteure et tous les députés, à commencer par Stéphanie Rist, qui ont travaillé sur ce texte de sorte que nous puissions collectivement et positivement avancer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. Olivier Faure, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Je suis très heureux de commencer mon propos devant un hémicycle presque plein !
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Avant tout, je tenais à vous faire part de ma satisfaction à la fin d'une journée au cours de laquelle cinq propositions de loi ont été adoptées. Cela montre, s'il fallait s'en convaincre, que le parlementarisme, que nous appelons de nos vœux depuis dix-huit mois, fonctionne.
M. Inaki Echaniz applaudit.
Il suffit d'en avoir la volonté, de toujours chercher ce qui peut constituer le ciment entre nos différents groupes et de répondre à des questions que se posent vraiment les Françaises et les Français.
Puisque notre carrosse va se transformer en citrouille dans quelques instants – il est bientôt minuit –, nous ne pourrons réellement aborder cette sixième proposition de loi dont nous voulions débattre. Elle a été rejetée en commission par l'ensemble des droites, ce que je déplore. M. le ministre délégué Valletoux, qui continue de représenter le Gouvernement, comprendra très bien de quoi il retourne puisqu'il est francilien.
Il nous avait été dit que les Jeux olympiques devaient payer les Jeux olympiques. Il eût donc été logique que les 200 millions d'euros de surcoût induits par leur organisation ne soient pas assumés par les Franciliens ni par les Français qui viendront passer quelques jours à Paris pendant les compétitions, mais qu'ils soient exclusivement à la charge de ceux qui auront la chance d'y assister et qui seront hébergés à l'hôtel.
À la lumière des débats que nous avons eus sur cette question – ils ont été très intéressants et j'en remercie les collègues qui y ont participé ainsi que les administrateurs qui m'ont accompagné dans ce travail –, nous avons abouti à l'idée d'une taxe progressive, complémentaire à la taxe de séjour.
Plus précisément, dans le cas d'une nuitée dans un cinq-étoiles, dont le prix dépasse les 2 000 euros, nous ferions payer le client 13 euros de plus.
Hélas, Mme Pécresse n'a pas accepté d'aller en ce sens, si bien que nous ferons payer l'aller-retour 12 euros à un jeune qui, par exemple, se déplacera de Melun ou de Fontainebleau pour se rendre dans une fanzone à Paris.
« Honteux ! Scandaleux ! » sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Il aura d'ailleurs ainsi la tentation de frauder pour réaliser le trajet, ce qui n'est certainement pas la meilleure expérience des transports publics qui soit.
Voilà pourquoi je regrette que n'ayons pas le temps de débattre de ce sujet. Je ferai seulement remarquer que, à ma grande surprise, le groupe Renaissance a déposé un amendement de dernière minute visant à étendre aux autres régions accueillant des compétitions olympiques la taxe additionnelle sur les nuitées d'hôtel que nous proposons en remplacement du doublement des frais de transport. En creux, cela signifie que nos collègues avaient fini par comprendre le dispositif et qu'ils étaient prêts à en accepter le principe. Je regrette donc d'autant plus qu'ils aient quitté l'hémicycle et que nous n'ayons plus le temps de débattre : c'est une occasion manquée.
Mme Pécresse aurait dû soutenir notre proposition,…
…qui aurait contribué à ce que les Jeux restent véritablement des Jeux populaires ; des Jeux auxquels tout le monde puisse, à sa manière, participer, en se rendant sur un lieu de compétition, dans une fanzone, ou encore dans un lieu de fête. Je constate avec regret que, semaine après semaine, ce sont aux Franciliens que nous demandons de télétravailler, de rester chez eux, de ne pas prendre les transports – en tout cas, nous cherchons à les en dissuader en doublant les tarifs, non seulement pendant les compétitions olympiques et paralympiques, mais également dans l'intervalle séparant les deux événements. Comment mieux dire aux Français, notamment les plus modestes, que ce sont eux qui, en réalité, auront à payer ce surcoût de 200 millions d'euros ?
Je répète qu'il s'agit pour moi d'un immense regret et, d'ailleurs, d'une décision que je peine à comprendre. J'aurais aimé que la discussion générale puisse commencer,…
…afin que les députés qui, jusqu'ici, ont repoussé ce texte s'en justifient auprès des Françaises et des Français.
Voilà, chers collègues, ce que, en quelques mots, je souhaitais vous dire. Il est bientôt minuit : cette niche parlementaire va donc s'achever. J'ai été particulièrement heureux d'y participer et que le Gouvernement n'ait pas cédé à la facilité en rejetant tout ce que nous avions à proposer. Je remercie l'ensemble des collègues de l'opposition de gauche, notamment les écologistes, qui ont soutenu nos textes. Nous leur rendrons la pareille dans quelques semaines.
Nous sommes tout à fait prêts à continuer de démontrer que le Parlement fonctionne, agit, et qu'il a compris que les Françaises et les Français voulaient que nous travaillions en cherchant le compromis chaque fois qu'il est possible de l'atteindre. Mes chers collègues, bonne nuit !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES. – « Bravo ! » sur quelques bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Vous n'alliez pas demander une suspension de séance à trois minutes de la fin de la journée !
En un mot, sachez que je suis très étonné qu'une telle proposition de loi soit défendue par un parti qui, historiquement, a toujours soutenu les lois de décentralisation.
Ce texte reviendrait en effet à entraver ce principe. Je rappelle que l'organisation des transports publics en Île-de-France a été confiée à une autorité publique indépendante.
Ainsi, indépendamment des modalités financières que vous avez évoquées, adopter une telle proposition…
…représenterait un sérieux coup de canif au principe de décentralisation, raison pour laquelle le Gouvernement est contre le texte.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Jusqu'au bout de la nuit, les socialistes défendront leurs convictions, comme ils l'ont fait depuis ce matin !
Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe SOC, dont certains députés se sont levés.
Jusqu'au bout de la nuit, nous agirons au service de nos concitoyens. Cinq textes ont déjà été adoptés au cours de la journée.
Applaudissements continus sur les bancs du groupe SOC.
Monsieur le ministre délégué, nous regrettons votre fermeture sur ce texte, car nous voulons des Jeux olympiques populaires. À nos yeux, nul principe n'est plus important que celui de justice sociale. Nous aurions pu y parvenir avec cette proposition de loi, mais vous la refusez.
Fort heureusement, c'est ce à quoi nous avons abouti avec les cinq textes précédents, que Philippe Brun, Claudia Rouaux, Elie Califer, Christine Pires Beaune et Valérie Rabault ont réussi à faire adopter. Rendez-vous l'année prochaine pour d'autres victoires !
Applaudissements prolongés et exclamations sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Prochaine séance, mardi 5 mars, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra