Nos concitoyens nous le disent : ils s'inquiètent des difficultés d'approvisionnement en médicaments de la France et attendent de nous des réponses concrètes. Les pénuries de médicaments ne sont pas nouvelles. Depuis de nombreuses années, nous avons renforcé les mesures visant à en limiter la survenance et nous avons agi sur les nombreux facteurs de leur déclenchement.
La première mesure, qui marque fortement la prise de conscience politique de ce phénomène, reste la création de l'ANSM par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, et l'adoption de l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012. Rappelons que ce dispositif a notamment permis d'imposer des obligations à l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, des industriels exploitants jusqu'aux pharmaciens.
Par la suite, dans le cadre de l'impulsion donnée par la feuille de route 2019-2022, de nombreuses mesures ont été prises pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. Je pense par exemple à l'élaboration de la liste de 450 médicaments essentiels et à leur suivi, ou encore à la stratégie de relocalisation en France de la production de vingt-cinq médicaments stratégiques. Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, la création d'une charte d'engagement de l'ensemble des acteurs de la chaîne du médicament pour un accès équitable des patients aux médicaments. Il convient d'y ajouter la rénovation du cadre relatif aux plans de gestion de pénuries ou encore l'obligation pour les industriels de constituer des stocks de sécurité de leurs produits pour le marché national.
Toutes ces réponses contribuent déjà à faire bouger les lignes, mais il reste beaucoup à faire. Malgré ces différents dispositifs, le constat est sans appel : les ruptures de stock connaissent une augmentation tendancielle. Conscient des risques qu'elles font peser sur nos concitoyens, le Gouvernement a décidé, dans la LFSS pour 2024, d'élargir le champ d'action des autorités sanitaires, sans attendre la publication de la nouvelle feuille de route. Il a notamment renforcé les pouvoirs de police sanitaire de l'ANSM ou encore sa capacité à requalifier un médicament comme présentant un intérêt thérapeutique majeur.
La directrice de l'ANSM a été très claire : depuis la création du dispositif de constitution de stocks de sécurité et son entrée en application en 2021, le principal frein à un bon approvisionnement ne réside plus dans la formation des stocks, sujet sur lequel se concentre pourtant votre proposition de loi. Au vu de l'analyse de l'ANSM, je considère que nous devons désormais améliorer la gestion des stocks et leur répartition sur le territoire tout en soutenant la réindustrialisation en France ou au sein de l'Union européenne. Trop de médicaments dits essentiels présentent encore des critères de vulnérabilité industrielle.
Sous l'impulsion de la France et de la Belgique, la Commission européenne a annoncé la création d'une alliance pour les médicaments critiques. Elle a dévoilé, en fin d'année 2023, son plan pour remédier aux pénuries, prévoyant notamment le lancement d'un mécanisme européen de solidarité volontaire en matière de médicaments. Parmi les mesures annoncées figure par exemple l'acquisition de stocks conjoints au sein de l'Union européenne pour l'hiver prochain.
Dans ce sillage, le Gouvernement vient d'annoncer sa feuille de route 2024-2027 visant à garantir la disponibilité des médicaments et, à plus long terme, à assurer une souveraineté en la matière. Ce travail conjoint entre le ministère de la santé et celui de l'industrie, conduit en concertation avec l'ensemble des acteurs, mérite d'être salué. Il se concentre sur quatre axes majeurs : la détection des signaux faibles et le lancement d'un plan d'action gradué face aux tensions d'approvisionnement et aux pénuries ; la conduite de nouvelles actions de santé publique pour améliorer l'accès aux médicaments ; le déploiement de nouvelles actions économiques pour améliorer la disponibilité des médicaments ; enfin la transparence de la chaîne d'approvisionnement pour garantir l'information jusqu'au patient. Je suis certain que le ministre de la santé – le cher Frédéric Valletoux – aura l'occasion d'y revenir au cours de nos discussions.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a fait l'objet de nombreuses modifications en commission et le travail doit se poursuivre maintenant en séance publique – je sais que vous y êtes attentive, madame la rapporteure – pour aboutir à un texte utile. Cette proposition de loi au titre séduisant doit trouver sa pertinence sans dissuader la mise sur le marché français ni freiner la politique de réindustrialisation du territoire national que nous soutenons tous. Nous savons pouvoir compter sur vous, madame la rapporteure, pour nous accompagner sur cette voie et je vous en remercie par avance.