En juillet dernier, le Sénat a rendu public le rapport d'une commission d'enquête sur la pénurie de médicaments, lancée à l'initiative du groupe communiste, républicain citoyen et écologiste-Kanaky (CRCE). Ce rapport, riche en données objectives, nous apprend qu'en 2022 les ruptures ou risques de rupture de stock ont concerné quelque 3 700 médicaments, soit trois fois plus qu'en 2019.
Il nous indique aussi que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé use peu de son pouvoir de sanction : entre 2018 et 2022, elle n'a prononcé que huit pénalités financières, pour un montant total de 922 000 euros. En outre, aucune d'entre elles n'avait pour motif une violation des obligations d'élaboration d'un plan de gestion des pénuries ou de constitution d'un stock de sécurité – ce qui est pour le moins étonnant en ces temps de pénurie avérée.
Dans sa version initiale, la présente proposition de loi s'inscrivait donc, avec raison, dans la volonté, d'une part, d'allonger la durée minimale de couverture des besoins garantie par les stocks de sécurité et, d'autre part, de renforcer les sanctions financières. Nous regrettons que l'examen du texte en commission, par l'adoption d'un sous-amendement du groupe Renaissance, ait largement réduit ses ambitions. C'est pourquoi nous soutiendrons les amendements de la rapporteure qui visent notamment à relever les seuils de durée de couverture des besoins assurés par les stocks de sécurité. C'est aussi dans cet esprit que nous soutiendrons un renforcement des sanctions financières à la main de l'ANSM, en précisant toutefois – tel sera le sens de nos amendements – qu'il nous semble nécessaire de rendre ces sanctions obligatoires et de les assortir d'une somme plancher.
Cela étant, même si les mesures que nous nous apprêtons à examiner peuvent être utiles, elles seront malheureusement, nous le savons, insuffisantes. Le rapport issu du Sénat confirme en effet – c'est là son autre apport majeur – l'urgence d'un changement radical de la politique du médicament en France. Les pénuries trouvent leur origine dans le choix de ce gouvernement de favoriser une logique marchande au détriment de l'intérêt général. Le rapport pointe ainsi l'insuffisance des mesures prises pour responsabiliser les entreprises pharmaceutiques en matière de prévention, de déclaration et de gestion des pénuries dans un contexte de dépendance croissante aux importations. Il évoque un « chantage aux prix, encouragé par la financiarisation des laboratoires » et ajoute qu'à l'heure actuelle, « un laboratoire qui développe un médicament en monopole dispose, de fait, d'un droit de vie ou de mort sur les patientes et les patients ».
Pour les députés communistes et ultramarins du groupe GDR, il apparaît indispensable d'instaurer un rapport de forces différent, notamment à travers l'instauration d'un service public de fabrication du médicament. Il n'y va pas seulement d'une relocalisation des sites de production, mais aussi d'un assainissement de la production des médicaments, lesquels ne peuvent être assimilés à des marchandises dont les prix varient selon la saison, en fonction de l'offre et de la demande.
Outre les évidentes raisons de santé publique qui justifient sa création, un service public du médicament s'impose d'autant plus qu'il est aberrant que le secteur pharmaceutique, caractérisé par des modes de gestion et d'action très libéraux, fasse des bénéfices et prospère grâce à de l'argent public. Ce secteur, deuxième récipiendaire du crédit d'impôt recherche, a effet touché 710 millions d'euros à ce titre en 2020, sans aucune contrepartie. Sur ce point, le rapport du Sénat ne manque pas de propositions afin que les entreprises pharmaceutiques rendent des comptes à l'État et aux patients.
Bien que ce ne soit pas là l'objet de cette proposition de loi, nous tenions à rappeler ces éléments, parce qu'ils ne sont pas étrangers à la compréhension de l'intention de ses auteurs.