Intervention de Sébastien Peytavie

Séance en hémicycle du jeudi 29 février 2024 à 21h30
Lutte contre les pénuries de médicaments — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Peytavie :

« Notre mission, en tant que pharmaciens, c'est de subvenir à la santé de la population et, aujourd'hui, on ne va pas y arriver. » « Le mot d'ordre, c'est la galère. » La galère : voilà ce que subissent les professionnels de santé et les patients. En 2023, près de 5 000 risques de pénurie ou ruptures d'approvisionnement ont été signalés auprès de l'ANSM. Ce chiffre a plus que doublé par rapport à 2021. Notre système de santé est actuellement touché par une explosion des ruptures, qui menacent directement l'accès aux soins de toutes et tous, en particulier des plus vulnérables.

Au-delà des lignes comptables, la réalité derrière les ruptures de stock, c'est André, forcé de solliciter cinq pharmacies par mois pour poursuivre son traitement contre les ulcères chroniques de l'œsophage ; c'est Françoise, atteinte d'une maladie auto-immune et qui, privée de son médicament, fait plusieurs malaises par semaine ; mais ce sont aussi des milliers de femmes qui peuvent se voir empêchées d'avorter – car oui, la France a connu l'an passé des tensions sérieuses d'approvisionnement en pilules abortives. Et si l'adoption par le Sénat, hier, de la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est historique, ce droit est bel et bien menacé en pratique dès lors que des industries pharmaceutiques en restreignent l'accès.

Ces ruptures de stock sont le fruit d'années de politiques qui, en favorisant l'hyperfinanciarisation de l'industrie pharmaceutique, ont déroulé le tapis rouge aux intérêts privés, les faisant passer devant l'intérêt général.

La proposition de loi du groupe socialiste qui nous est soumise aujourd'hui est une première réponse à la vague de pénuries de médicaments que nous traversons année après année. S'il salue cette initiative, le groupe Écologiste insiste sur la nécessité d'aborder les causes structurelles ayant mené à la perte de souveraineté de notre pays en matière de médicaments. La dérégulation du secteur a en effet laissé le champ libre aux industriels, non seulement pour délocaliser massivement en Asie, mais aussi pour faire la pluie et le beau temps sur le marché des médicaments en imposant leurs prix et en décidant des médicaments auxquels les Français auraient droit, quitte à ce que nos compatriotes doivent abandonner les traitements les moins rentables. Nous ne pouvons débattre de la régulation de ce secteur sans rappeler que la prédation fiscale et financière à laquelle se livrent les industriels pharmaceutiques ne sera jamais compatible avec la planification sociale et écologique dont notre système de santé a terriblement besoin.

Conscient que les lobbies pharmaceutiques ont pignon sur rue, le groupe Écologiste appelle à inverser radicalement le rapport de force en mettant la lumière sur les pratiques de dumping fiscal, social et écologique qui ne servent en rien les intérêts de notre système de santé. Un outil existe : celui du crédit d'impôt recherche. Or le CIR est aujourd'hui allègrement reversé à des groupes comme Sanofi qui, non contents d'avoir supprimé des centaines d'emplois de chercheurs ces dernières années, ont délibérément abandonné la production de médicaments essentiels à la population. Disons-le clairement : le crédit d'impôt recherche, pour ces géants du médicament, c'est un chèque en blanc. L'État français ne leur impose même pas d'être redevables de quelconques garanties solides d'approvisionnement, d'embauche ou de préservation de l'environnement – voilà un bon plan !

L'État doit cesser d'être complice des pratiques agressives de l'industrie pharmaceutique. Pour cela, nous devons assortir l'octroi du crédit d'impôt recherche de conditions fermes, qui doivent inclure le respect de critères sociaux et environnementaux, et la relocalisation des chaînes de production en France. La puissance publique doit également reprendre le contrôle sur la fixation des prix. L'opacité qui entoure le coût de production des industries leur donne les pleins pouvoirs pour fixer des prix astronomiques et totalement injustifiés. Le groupe Écologiste fera donc des propositions pour renforcer la transparence des prix des médicaments.

Plus urgent encore, nous devons dès maintenant envisager la création d'un pôle public du médicament, seule structure à même de nous permettre de retrouver notre souveraineté sanitaire. Pendant que notre système de soins révélait son extrême vulnérabilité lors de la crise du covid-19, les industriels pharmaceutiques, eux, n'avaient jamais fait autant de bénéfices. Alors que des pénuries encore plus massives sont à venir, protégeons plus que jamais la santé plutôt que les profits ! Il y va de la résilience et de la pérennité de notre système de soins face aux crises futures.

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