France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
La parole est à M. Sacha Houlié, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Cent ans : c'est l'âge du permis de conduire qui, après tout ce temps, reste toujours aussi précieux pour ceux qui l'obtiennent, qui le détiennent et – osons le dire – qui le conservent. Le permis de conduire est un sésame vers l'autonomie : malgré tous les dispositifs qui ont été déployés pour promouvoir les transports en commun – le bus, le train, les trains de nuit –, malgré les plans Vélo successifs, il reste pour beaucoup de jeunes des zones rurales, dont j'ai fait partie, un gage d'émancipation, qui permet de se rendre au travail, d'avoir des loisirs, de voir ses amis, bref : d'avoir tout simplement une vie sociale.
Mais le permis de conduire représente aussi un obstacle pour tous ceux qui, ne l'obtenant pas, ne peuvent accéder à ces activités et à ces loisirs. À l'heure actuelle, 20 % des Français en âge de travailler, soit 7 millions de personnes, se heurtent à cette difficulté, et 28 % des Français en insertion professionnelle disent même avoir refusé une formation ou un emploi parce qu'ils n'avaient pas les moyens de se déplacer.
Le permis est aussi un obstacle en ce qu'il faut du temps pour l'obtenir. Je ne fais pas référence ici au délai nécessaire avant de tenter l'examen une première fois, mais à celui qui s'écoule entre le premier et le deuxième passage. Ce délai, qui atteignait soixante-cinq jours en 2014, avant la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, et avait été ramené à quarante-deux jours en 2018, est malheureusement reparti à la hausse après la crise liée au covid, si bien que cinquante-trois jours sont désormais nécessaires entre un examen raté et une nouvelle tentative.
Par ailleurs, le permis de conduire coûte cher. En 2005, lorsque le dispositif du permis à 1 euro par jour a été créé, on considérait que le permis revenait en moyenne à 1 200 euros. D'après le sondage que j'ai effectué auprès des auto-écoles de la Vienne, avec lesquelles la proposition de loi a été construite – j'en profite d'ailleurs pour saluer madame Aurore Ferrand Rousseau, coauteure du texte –, le permis de conduire coûte entre 2 000 et 3 000 euros, ce qui représente un budget non négligeable. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu rendre l'obtention du permis de conduire plus rapide, plus simple et moins chère. Pour ce faire, nous formulons trois propositions.
La première consiste à tirer toutes les conséquences du plan « 1 jeune, 1 solution », qui a été très bien accueilli et a fonctionné remarquablement. Pourquoi ne pas créer une plateforme « 1 jeune, 1 permis », qui permettrait à chacun de connaître en quelques clics toutes les aides disponibles – aides de l'État, des établissements publics et des collectivités –, en renseignant simplement son code postal ? C'est la disposition proposée à l'article 1er . Cette plateforme aurait par ailleurs vocation à être coordonnée avec celle qui recense les auto-écoles labellisées, avec les différents sites déjà mis à disposition par le ministère de l'intérieur et des outre-mer, et avec le système RdvPermis, généralisé depuis le 1er mars, qui permet désormais de prendre rendez-vous pour passer le permis de conduire.
La deuxième disposition concerne le compte personnel de formation (CPF), qui rencontre lui aussi un succès remarquable : le permis de conduire représente ainsi le plus gros volume d'achats effectués sur la plateforme MonCompteFormation, avec 320 000 formations par an, soit 28 % des permis délivrés en 2021. Ce système ayant fait ses preuves, nous estimons qu'il pourrait être étendu à d'autres permis, notamment au permis de catégorie A2, dit « gros cube », pour ceux qui se déplacent en milieu urbain ; aux permis permettant de conduire une voiturette ou une petite moto, pour les plus jeunes ; voire aux permis permettant de tirer une remorque, pour les artisans. Le Gouvernement pourrait même aller plus loin en synchronisant les financements perçus grâce au CPF avec l'aide de 500 euros destinée aux apprentis. Il reprendrait ainsi à son compte une mesure que nous avions proposée mais qui a été déclarée irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution – dont le respect a été assuré avec une parfaite rigueur pour ce texte, ce que je tiens à saluer.
Dernière proposition, et non des moindres : comme je l'ai indiqué, les délais nécessaires au passage du permis de conduire constituent un obstacle. Les inspecteurs du permis de conduire, qui sont déjà 1 280 en France, seront plus nombreux encore après l'entrée en vigueur du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), qui prévoit le recrutement de cent inspecteurs supplémentaires en quatre ans. Le nombre d'examinateurs a également augmenté grâce à la convention passée avec La Poste après l'adoption de la loi Macron. Toutefois, ils pourraient être plus nombreux encore si nous adoptions l'article 3, qui prévoit de permettre le recrutement de nouveaux examinateurs ou inspecteurs du permis de conduire – formés respectivement pendant deux mois et six mois – parmi les agents publics contractuels ou titulaires de la fonction publique d'État ou de la fonction publique territoriale. Ces derniers renforceraient ainsi la cohorte des inspecteurs du permis de conduire, ce qui permettrait de proposer davantage de créneaux d'examen, donc de réduire d'autant le délai d'attente pour obtenir le permis de conduire.
Un permis de conduire plus simple, plus rapide et moins cher : tel est l'objectif de cette proposition de loi, que vous serez amenés à enrichir, puisque certaines de vos propositions ont vocation à y être intégrées, mais que vous serez surtout amenés à voter pour qu'elle bénéficie aux jeunes de ce pays. En pratique, en effet, 80 % des lauréats du permis de conduire ont moins de 25 ans et 86 % considèrent le permis comme l'une des clés de leur entrée dans la vie active. C'est dire à quel point les jeunes nous attendent sur cette question. Je vous demande donc de rééditer l'exploit que nous avons réussi en commission en adoptant cette proposition de loi à l'unanimité.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le permis de conduire est le premier examen de France. Il s'agit d'un document fondamental pour des millions de Français – pour ceux qui l'utilisent pour rester connectés physiquement avec leur famille et leurs proches, pour ceux qui entrent dans la vie active, pour beaucoup d'apprentis qui doivent se déplacer entre leur lieu de travail et leur lieu d'études ou de résidence et pour des actifs amenés à être toujours plus mobiles. Événement essentiel, au cœur des préoccupations des Français, l'obtention du permis de conduire est une liberté essentielle à la mobilité sociale et professionnelle, un véhicule des valeurs d'autonomie, de responsabilité et de liberté. Plus de 1,5 million de candidats se présentent chaque année à l'épreuve du permis de conduire : c'est dire le caractère central qu'il revêt pour les Français.
Pourtant, la préparation de cet examen s'avère parfois rude et reste trop souvent compromise par la persistance d'obstacles, de coûts et de délais. Un permis de conduire trop cher et trop long à obtenir constitue une entrave à la liberté individuelle et une barrière pour intégrer le marché de l'emploi, notamment pour les plus jeunes.
Afin de lever ces freins, le passage et l'obtention du permis de conduire ont fait l'objet de réformes volontaristes, initiées par le Président de la République. La loi du 6 août 2015, dite loi Macron, a contribué à réduire significativement les délais d'obtention grâce à l'externalisation de l'épreuve théorique du permis de conduire, qui a permis de recentrer les missions des inspecteurs sur le passage de l'épreuve pratique. Force est de constater, toutefois, que les délais d'attente demeurent un des principaux griefs faits au permis de conduire. Ils avaient fortement augmenté avec la crise sanitaire, durant laquelle 400 000 places d'examen avaient été supprimées, rallongeant d'autant l'attente, qui avait ainsi atteint soixante-trois jours.
C'est avec cette même volonté de lever les obstacles à l'obtention du permis de conduire que le Gouvernement a décidé, en 2019, de déployer un plan garantissant l'accès à un permis de conduire moins cher, notamment en autorisant le passage de l'épreuve pratique à 17 ans pour les jeunes ayant opté pour la conduite accompagnée, en favorisant la formation sur simulateur de conduite, en facilitant la conversion du permis pour boîtes de vitesses automatiques, mais aussi en permettant la conduite encadrée et supervisée pour les candidats.
Enfin, en 2021, la création de la plateforme RdvPermis a révolutionné la méthode d'attribution des places à l'examen du permis de conduire, en responsabilisant davantage les candidats.
La proposition de loi défendue par le président de la commission des lois, Sacha Houlié, et par la majorité présidentielle, vise à poursuivre le travail engagé, en facilitant le passage et l'obtention du permis de conduire. Elle est le fruit d'une réflexion de terrain, menée au plus près des besoins des territoires et des problèmes rencontrés par les jeunes. Je connais l'engagement du président Houlié en la matière et je souhaite lui faire part de notre plein soutien.
L'article 1er prévoit la création d'une nouvelle plateforme numérique, « 1 jeune, 1 permis », recensant l'intégralité des aides versées par l'État et par les collectivités territoriales et leurs groupements pour financer le passage du permis de conduire. Le coût moyen du permis en France s'élève à 1 592 euros. Pour alléger la charge que représente son financement, différentes aides publiques ont été créées. Si elles ont le mérite d'exister, leur visibilité reste parfois limitée en raison d'une information dispersée. Afin d'assurer une plus large connaissance de ces aides, un portail des aides à la mobilité, mes-aides.pole-emploi.fr, a été créé, en lien avec la délégation à la sécurité routière, et mis en ligne au début de l'année 2022 sur le site de Pôle emploi. Au-delà des initiatives existantes, la proposition de loi garantira – c'est important – la contribution de l'ensemble des financeurs du permis de conduire, qui alimenteront ainsi une plateforme unique gérée par l'État.
Pour faire face au frein que représente le coût du passage de l'examen du permis de conduire, l'article 2 prévoit également d'étendre les possibilités d'utilisation du compte personnel de formation à toutes les catégories de permis de conduire d'un véhicule terrestre à moteur. Le CPF ne peut, pour l'heure, être utilisé que pour préparer le passage des permis permettant de conduire des voitures, des poids lourds et des transports en commun. Après l'adoption de la proposition de loi, ce mode de financement sera étendu aux motos légères ou puissantes – catégories A1, A2 et A –, aux voiturettes sans permis – permis B1 – ou encore aux examens autorisant les titulaires d'un permis B à tracter des remorques plus lourdes – permis B96 et BE.
La prise en charge par le CPF de la préparation à l'examen de conduite présente un réel intérêt pour qui souhaite réaliser un projet professionnel ; elle favorise la sécurisation du parcours professionnel du titulaire du compte. L'une des grandes conquêtes de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (loi LCAP) est d'avoir fait en sorte, grâce au CPF, de réellement démocratiser l'accès à la formation professionnelle en l'étendant aux femmes, aux ouvriers et aux employés. Le CPF tient désormais une place de plus en plus centrale dans l'aide au financement du permis de conduire. Ainsi, en 2021, sur 1,12 million de permis de conduire délivrés en France, 322 000, soit près d'un tiers, ont été souscrits par l'intermédiaire du CPF.
Nous sommes convaincus que l'élargissement du financement du permis de conduire à d'autres catégories de véhicules, comme les motos légères, peut constituer un levier d'autonomie et d'insertion professionnelle, notamment pour les plus jeunes habitant en zone rurale. Il est toutefois nécessaire de préciser les modalités de mise en œuvre de cet élargissement, en prenant le temps de consulter les partenaires sociaux. Le Gouvernement présentera donc un amendement, n° 80 rectifié , prévoyant une date d'entrée en vigueur différée, qui permettra cette consultation et donnera le temps à la Caisse des dépôts (CDC) d'assurer les développements techniques nécessaires pour étendre le champ des permis de conduire finançables par le CPF. Un décret précisera en outre plusieurs points très importants, comme le fait que les personnes faisant l'objet d'une suspension ou d'un retrait de permis ne pourront pas accéder à ce financement.
Je tiens à saluer le travail de mes collègues Carole Grandjean et Olivier Dussopt, avec qui nous menons depuis un an une politique ambitieuse de régulation de l'offre proposée dans le cadre du CPF, pour garantir aux titulaires d'un compte des formations de meilleure qualité. La proposition de loi visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires, défendue par la majorité, a été adoptée à l'unanimité dans cet hémicycle le 6 octobre 2022. Ses effets sont tangibles : le démarchage abusif sur le CPF a sensiblement diminué. Dans ce contexte, alors que la fraude est désormais sous contrôle, nous devons, pour élargir le financement des permis par le CPF de façon responsable, créer au préalable les conditions d'un véritable contrôle de la fiabilité de ce financement. Les contrôles, reconnaissons-le, restent pour l'heure insuffisants. Pour cette raison, le Gouvernement proposera donc un amendement, n° 81 , visant à renforcer le transfert d'informations entre le ministère de l'intérieur et des outre-mer et la Caisse des dépôts. En ayant accès aux informations pertinentes du fichier national des permis de conduire (FNPC), la CDC pourra vérifier que les personnes qui mobilisent leur CPF remplissent bien les conditions qui seront fixées par le décret prévu à l'article 2 et qu'elles ne font pas l'objet d'une suspension, d'un retrait ou d'une interdiction d'obtenir la délivrance du permis de conduire.
Un des derniers obstacles à l'obtention du permis de conduire réside dans le manque d'examinateurs et dans le trop faible nombre de places à l'examen pratique qui en découle. Des efforts ont déjà été entamés dans le cadre de la Lopmi, qui prévoit – le président Houlié l'a rappelé – le recrutement exceptionnel de cent inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) supplémentaires en quatre ans pour accroître durablement l'offre d'examens. Des efforts ont également été réalisés avec le recrutement d'examinateurs mis à disposition par La Poste. En supprimant le critère limitant la possibilité de recourir à des agents publics ou contractuels comme examinateurs de l'épreuve pratique aux seuls départements où le délai médian entre deux présentations d'un même candidat est supérieur à quarante-cinq jours, nous contribuerons à réduire encore les délais d'attente.
Réduire le coût et les délais de passage du permis de conduire, c'est améliorer la mobilité de la jeunesse, favoriser le désenclavement des territoires ruraux et faciliter l'accès des actifs à un outil indispensable. C'est également garantir l'émancipation, aussi bien personnelle que professionnelle, de nos concitoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Avec près de 84 000 kilomètres carrés, une surface qui représente 15 % de celle de l'Hexagone et une densité de population d'à peine quatre habitants par kilomètre carré, je vous laisse deviner le mode de transport privilégié en Guyane, et plus largement en outre-mer, mais aussi dans nos territoires ruraux, bien moins dotés en infrastructures que les centres urbains.
Il y a à peine un an, l'Institut Montaigne publiait une étude qui pointait du doigt le coût du permis de conduire, principale difficulté identifiée par les jeunes qui souhaitent obtenir ce qui est considéré par beaucoup d'entre eux comme le Graal, un gage d'indépendance et d'émancipation, l'entrée véritable dans l'âge adulte.
Comment, dès lors, ne pas soutenir la création d'une plateforme qui offrira une meilleure lisibilité des dispositifs d'aide financière existants et une centralisation de l'information ? Pourquoi s'opposer à ce que davantage de personnes puissent se saisir de leur compte personnel de formation pour financer leur permis de conduire ? Comment refuser d'offrir une bouffée d'oxygène aux centres d'examen, confrontés à un nombre d'examinateurs inversement proportionnel à celui des candidats ?
Encore faut-il, pour que cette proposition de loi ne soit pas qu'un coup d'épée dans l'eau, que les dispositifs financiers soient connus, donc visibles, que le CPF soit effectivement accessible à ceux qui souhaiteraient le mobiliser, et que nos néo-examinateurs, qui seront en réalité des agents publics formés sur le tas, ne soient mobilisables que ponctuellement – car, rappelons-le, nos services publics sont dans en état de délabrement suffisamment avancé pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en rajouter une couche en déshabillant Jacques pour habiller Paul.
Le vote du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES sera donc favorable, mais nous resterons vigilants sur plusieurs points : la manière dont cette nouvelle plateforme sera rendue visible auprès du public ; l'accompagnement dont chacun pourra bénéficier ; la prise en considération par l'administration des difficultés provoquées par la création de l'identité numérique pour l'accès au CPF ; l'effort qui sera fourni par le Gouvernement pour rendre le métier d'inspecteur du permis de conduire plus attractif ; la priorité qui devra être donnée à l'embauche pérenne plutôt qu'au dépouillement ponctuel de services publics déjà exsangues. Je souhaite qu'une attention particulière soit portée au fait de privilégier le recrutement de contractuels ou de fonctionnaires.
Pour conclure, j'aimerais rappeler que, si la mobilité pour tous est un droit, nous devons accorder une attention accrue aux publics les plus précaires, car les populations modestes et celles vivant en milieu rural ou enclavé subissent une immobilité qui leur est imposée, avec tout ce que cela implique en matière d'accès à l'emploi, à la santé ou tout simplement à une vie sociale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions. – M. Philippe Naillet applaudit également.
Je tiens à saluer cette proposition de loi qui intervient alors que de nombreux efforts, depuis l'instauration du permis à 1 euro, ont déjà été entrepris en la matière. Cette question restant toujours d'actualité, une telle initiative me semble tout à fait opportune.
Je veux souligner combien l'accès au permis de conduire est crucial, d'abord pour des raisons géographiques – je pense évidemment aux zones rurales. Je citerai un premier exemple, que j'ai déjà donné en commission : l'arrondissement sud de ma circonscription, qui compte 123 communes, 22 000 habitants, mais plus aucun train. Faute de transport ferroviaire, le véhicule individuel est quasiment la seule solution. De même, dans les Ardennes, département frontalier dont je suis l'élu, le recours à sa propre voiture – ou au mieux au covoiturage – est presque indispensable si l'on veut aller travailler en Belgique ou au Luxembourg. Un seul transport collectif – un bus de l'usine Ferrero d'Arlon – circule à la frontière franco-belge.
Ensuite, l'accès au permis de conduire est très important pour des raisons liées au travail. En effet, sans voiture, l'accès à la formation est limité. Or la formation mène à l'emploi. Et quand bien même il existerait des services de bus, ceux-ci seraient peu opérationnels pour les personnes qui occupent des emplois postés, avec des horaires décalés.
Troisièmement, j'évoquerai le CPF, l'outil qui a fortement contribué à faire évoluer la situation et qui représente un enjeu majeur de ce débat. En effet – j'y reviendrai peut-être plus tard dans la discussion –, nous ne devons pas nous bercer d'illusions. Dans un territoire comme le mien, les aides des collectivités locales, des missions locales ou de Pôle emploi représentent une part infime de la somme nécessaire pour financer les 1,2 million de formations au permis que l'on comptabilise chaque année. Le seul dispositif qui ait permis de financer des centaines de milliers de permis de conduire est le CPF. Dans ma circonscription, les missions locales ont d'ailleurs supprimé une aide lancée il y a quelques années, car quelques dizaines de candidats par an seulement en avaient bénéficié.
Le quatrième sujet que je souhaite aborder, l'accès au permis des plus jeunes, constitue un angle mort – et même après l'adoption de cette proposition de loi, il en sera encore ainsi. Le CPF est alimenté à hauteur de 500 euros par an – une somme qui varie proportionnellement à la durée du travail effectué. Ainsi, si l'on n'a pas d'emploi pendant un, deux, trois ou quatre ans, on ne bénéficiera pas de ce moyen de financement. Il faut donc s'atteler au chantier que représente l'accès au permis de cette partie de la population. Dans mon département, la moitié des jeunes qui poussent la porte d'une mission locale n'ont pas de permis de conduire, lequel leur donnerait accès à une formation et à un premier emploi, ne serait-ce qu'en intérim. Nous devons donc continuer de travailler sur cette question.
Enfin, s'agissant des délais, je salue les incontestables avancées, par exemple les créations de postes d'inspecteur. Je profite d'ailleurs de cette intervention pour assurer les inspecteurs de tout notre soutien à l'heure où, comme d'autres représentants de l'autorité, ils sont parfois mis en cause ou agressés. Ce débat est l'occasion de leur faire part de toute notre confiance.
Vous avez proposé d'avancer s'agissant du recrutement des contractuels. Sur ce point, vous avez tout mon soutien. Pourrait-on aller au-delà ? Je me permettrai de suggérer quelques pistes même si je ne suis pas sûr qu'il soit possible de les mettre en œuvre au vu des textes de loi actuels. Par exemple, pourquoi ne pas faire appel à des retraités de la police municipale ou de la gendarmerie, des personnes dont le métier a consisté, entre autres, à faire appliquer le code de la route et qui seraient opérationnelles immédiatement ?
Dans l'amendement que j'ai déposé et qui vise à réduire le délai séparant l'inscription de la date de l'épreuve, je me suis permis de fixer comme objectif un délai moyen – car nous raisonnons bien sûr toujours à partir de moyennes – de quinze jours. Reconnaissons-le : une grande partie du coût du permis est en effet liée au fait que, en cas d'échec lors de la première tentative à l'épreuve pratique, le candidat doit attendre longtemps – plusieurs semaines –, ce qui nécessite, s'il souhaite rester opérationnel et avoir une chance d'obtenir le permis, de pratiquer de nombreuses heures de conduite.
En espérant que le débat sera le plus ouvert possible, je tiens à vous dire, monsieur le rapporteur et président, que le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutient la démarche que vous nous proposez d'engager.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous débattons aujourd'hui de la proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire défendue par notre collègue Sacha Houlié. L'objectif n'est autre que de faciliter le quotidien de nos concitoyens, particulièrement de nos jeunes, en rendant l'obtention du permis moins chère, plus simple et plus rapide.
Au diapason d'autres grandes lois adoptées depuis près de six ans, notre majorité travaille ardemment à une politique de transport ambitieuse. Parce que notre dépendance à la voiture n'est ni souhaitable ni durable, nous avons fait le choix d'investir massivement dans le transport ferroviaire. Dès 2020, nous avons pris l'engagement de refaire à neuf 9 000 kilomètres de petites lignes avant la fin de la décennie, mais aussi de faire circuler de nouveau des trains de nuit en rouvrant des lignes comme Paris-Nice en 2021. Surtout, grâce au plan annoncé par le Président de la République, nous nous sommes engagés à développer un réseau de RER dans les dix principales villes françaises.
À ces actes concrets pour nos concitoyens s'ajoute une autre solution alternative à la voiture, le plan Vélo, qui, après le succès rencontré par l'acte 1 défini en 2018, s'est vu confirmé avec un second fonds de 250 millions d'euros pour l'année 2023. En effet, notre objectif est toujours qu'en 2024 la part de l'usage du vélo dans les trajets des Français s'approche des 10 %.
Néanmoins, pour beaucoup d'entre nous, l'usage de la voiture reste indispensable, ne serait-ce que pour se rendre sur notre lieu de travail. Ainsi, nous avons mis en place le plan Covoiturage du quotidien, doté de 150 millions. Nous espérons que, grâce à celui-ci, le nombre de trajets journaliers passe de 900 000 à 3 millions à l'horizon 2027.
Vous l'avez compris, nous avons déjà beaucoup fait en la matière mais nous voulons aller encore plus loin pour nos compatriotes. Tel est l'objet de cette proposition de loi.
Le permis de conduire reste un sésame indispensable vers davantage d'autonomie et d'indépendance, mais représente aussi une voie d'accès à l'insertion professionnelle. C'est moins vrai dans les grandes métropoles, très bien équipées en transports en commun, que dans les territoires ruraux, où le permis est précieux voire indispensable.
Alors que nous venons de fêter les cent ans de ce certificat, près de 1 million et demi de Français passent l'examen chaque année et quelque 80 % des lauréats du permis B sont âgés de moins de 25 ans. Le coût de celui-ci reste le principal obstacle pour nombre de nos concitoyens. J'ai moi-même éprouvé ces difficultés en décrochant mon permis de conduire après trois tentatives infructueuses, de très nombreuses heures de conduite, des délais de présentation à n'en plus finir et un coût final très élevé. Vous le savez, la difficulté à obtenir des heures de formation ou des créneaux de présentation à l'examen pratique – surtout lors d'une seconde tentative – peut avoir un effet dissuasif.
De nombreuses réformes ont pourtant été menées pour tenter de simplifier et de moderniser le passage du permis mais aussi d'instaurer davantage d'équité, voire d'égalité, entre les candidats, comme la loi du 6 août 2015, dite loi Macron, ou la réforme prévoyant un permis pour tous, présentée en juin 2019. Aussi, monsieur le rapporteur, avec votre proposition de loi, vous vous inscrivez dans la droite ligne des initiatives précédemment adoptées.
Aujourd'hui, il existe plusieurs dizaines de dispositifs d'aide au financement de la formation, mais aucun recensement national n'est effectué, ce qui nuit aux personnes qui ignorent qu'elles pourraient y être éligibles. Ainsi notre proposition de loi est-elle d'abord un projet de simplification. Une nouvelle plateforme numérique unique, créée et gérée par l'État, recensera l'ensemble des aides à l'inscription ou au passage du permis de conduire – c'est l'objet de l'article 1er . Cette plateforme s'inspire du plan « 1 jeune, 1 solution », dont la réussite n'est plus à démontrer.
En outre, nous voulons que le compte personnel de formation, outil le plus souvent mobilisé pour financer le permis B, soit utilisable pour l'ensemble des treize permis de conduire. En 2021, près de 322 000 personnes ont fait usage du CPF pour financer leur permis B ou poids lourd. Il nous faut aller plus loin et ouvrir ce dispositif afin de lever ce qui constitue un frein à l'emploi dans certaines professions – un accès plus large au permis remorque, par exemple, serait utile. Telle est la conclusion des auditions que nous avons menées avec le rapporteur.
Enfin, en cette époque où sévit une inflation sans précédent, il est de notre responsabilité de circonscrire toute charge supplémentaire pour les Français. Bien qu'il existe des différences territoriales, le coût moyen d'un permis se situe autour de 2 000 euros. Or chaque retard entraîne pour le candidat un surcoût résultant de la nécessité de continuer à s'exercer pour maintenir son niveau en vue de l'examen pratique. Cet entraînement représente en moyenne dix heures supplémentaires par mois, pour un coût de 500 euros.
Le délai moyen de présentation à l'examen reste toujours trop long : de soixante-cinq jours en 2014, il est passé à quarante-deux jours en 2018, grâce à l'externalisation de l'épreuve théorique, pour atteindre aujourd'hui cinquante-huit jours, en raison notamment de l'engorgement lié au covid. Avec l'article 3, nous proposons d'étendre la possibilité de faire appel aux agents publics ou contractuels pour pallier le manque d'inspecteurs du permis de conduire, ce qui aura pour effet d'accélérer les passages et de réduire le coût de l'examen.
Cette mesure vient s'ajouter au recrutement de cent IPCSR pour 2025, prévu par la Lopmi. En effet, à quoi bon réduire le coût du permis si, dans le même temps, les délais pour le passer restent longs – trop longs –, particulièrement en cas d'échec ?
Pour conclure, je veux souligner, au nom du groupe Renaissance, que ce sujet doit nous réunir, sans clivage politicien, car il concerne nombre de nos concitoyens. Rendons le permis de conduire moins cher, plus simple et plus rapide !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention du permis de conduire soulève plusieurs enjeux essentiels relatifs aux difficultés d'accès à la mobilité pour les Français.
Cependant, permettez-moi tout d'abord de vous faire part de ma surprise quant au contenu de l'exposé des motifs qui tait – ou, pire, déforme – des réalités pourtant criantes pour nos compatriotes. En effet, pas un mot sur les dépenses que représentent les déplacements en voiture ; rien sur l'explosion du coût des taxes, qui se répercute sur les prix du carburant ; rien non plus sur l'augmentation du prix du cheval fiscal ou encore du contrôle technique ; rien sur la multiplication des radars ; rien, enfin, sur le scandale d'État relatif au racket fiscal organisé, avec votre complicité, par les sociétés d'autoroutes en matière d'augmentation du prix des péages, et sur lequel notre groupe vous a demandé de nous dire la vérité.
Dans un autre registre, vous prétendez que vous avez investi massivement dans les transports en commun. Il fallait oser ! Monsieur le rapporteur, étant, comme moi, un élu de Nouvelle-Aquitaine, vous n'êtes pas sans savoir qu'il aura fallu attendre des années pour que la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse fasse l'objet d'investissements publics. Toujours du côté des retards ou des reculades en matière d'investissement publics, je vous rappelle que le ministre délégué chargé des transports, M. Clément Beaune, a décidé d'abandonner le Limousin en enterrant le projet d'infrastructure routière entre Limoges et Poitiers, pourtant promis par Mme Geneviève Darrieussecq, alors tête de liste de La République en marche aux élections régionales en Nouvelle-Aquitaine et devenue depuis ministre déléguée.
Le bon sens, lorsque l'on souhaite défendre une loi facilitant l'accès à l'examen du permis de conduire, supposerait que les automobilistes puissent rouler en payant un prix acceptable et sur des routes qui – lorsqu'elles existent – sont dans un état décent.
Dans le même temps, vous évoquez la protection des usagers des transports en commun. Une fois encore, vous ne manquez pas d'air. Vous éclipsez totalement l'inquiétude des Français – et surtout des Françaises –, laquelle s'accroît au rythme de l'ensauvagement de notre société. L'insécurité n'est pas un sentiment – comme le dirait un ministre bien connu –, mais bien une réalité pour nos compatriotes qui la subissent. Ce n'est pas pour rien qu'une étude de deux sociologues de l'université de Bordeaux a démontré, en janvier 2022, que 55 % des femmes à Angoulême évitent les transports en commun parce qu'elles ne s'y sentent pas en sécurité. Ce n'est pas non plus pour rien que les députés du Rassemblement national avaient proposé, dans le cadre de la Lopmi, d'inscrire les harceleurs de rue ou dans les transports en commun au fichier des délinquants sexuels. Cette mesure aurait eu le mérite de rendre aux Françaises leur sécurité en dissuadant la plupart de ceux qui leur pourrissent la vie au quotidien de passer à l'acte.
Enfin, évoquer la prime à la conversion vers les véhicules électriques a tout d'une esbroufe. Ces primes ne sont pas suffisantes pour acquérir des véhicules dont le prix est inaccessible pour un grand nombre de Français, qui vont se voir empêchés d'accéder aux grandes villes avec leur propre voiture. En effet, les zones à faibles émissions (ZFE) que le Gouvernement s'obstine à promouvoir tout en cachant la réalité de leur déploiement, ont tout de zones à forte exclusion. Cette mesure liberticide et socialement injuste, sur laquelle les députés du groupe Rassemblement national lui ont demandé de revenir, va empêcher de nombreux Français de rouler à Paris, à Lyon, à Grenoble, à Bordeaux, à Nice et dans beaucoup d'autres villes.
Au-delà d'un exposé des motifs plus que contestable parce que très éloigné des réalités, votre proposition de loi peine à convaincre. Elle se contente de proposer quelques dispositifs mineurs et écarte toute avancée majeure.
Premièrement, le texte ne donne pas la possibilité aux parents de céder à leurs enfants leurs droits au compte personnel de formation, comme le réclamaient les députés du RN.
Deuxièmement, la proposition de loi ne va pas régler le problème de fond, à savoir le nombre insuffisant d'IPCSR. Vous ne nous proposez qu'une parade, monsieur le rapporteur, car missionner des contractuels est un subterfuge pour éviter de créer des emplois pérennes d'inspecteur. Le Gouvernement avait promis d'en recruter cent ; on les attend toujours. Et même si un jour nous les avons, il en manquera encore, tant le retard accumulé, malgré les alertes des professionnels du secteur, est important.
Malgré tout, parce que les députés du groupe Rassemblement national placent au-dessus de tout l'intérêt des Français, en l'occurrence celui des jeunes, qui ont besoin de leur permis de conduire pour s'émanciper, nous voterons cette loi aux avancées, je le répète, mineures.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Après quatre minutes trente-sept de dénigrement, vous reconnaissez que cette proposition de loi est donc bonne !
« Faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire » : le titre de cette proposition de loi est pour le moins attractif, tout comme l'exposé des motifs. Ainsi, d'après vous, monsieur le rapporteur, le texte vise-t-il à mettre fin aux freins à la mobilité : l'appréhension à prendre les transports en commun, la difficulté à acheter un billet de train, la méconnaissance des autres solutions de transport, le coût du permis de conduire et l'absence d'un véhicule permettant de suivre une formation ou de travailler. Les quatre articles de votre proposition de loi nous laissent, au groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, sur notre faim. Car seul le quatrième point de l'exposé des motifs figure lointainement dans le dispositif de la proposition de loi.
À l'article 1er , il aurait été intéressant d'élargir la nouvelle plateforme numérique à un véritable covoiturage de proximité. Décliner localement ce service répondrait aux besoins des personnes incapables d'obtenir le permis de conduire ou n'ayant pas les moyens de s'acheter un véhicule. Une telle plateforme numérique concrétiserait la fraternité de notre devise républicaine, ainsi déclinée en solidarité dans le quotidien des gens par le partage d'un véhicule.
L'article 2 omet le fait que les non-salariés n'ont pas de compte personnel de formation. Pourtant, vous avez reconnu que le coût du permis de conduire est un frein à la mobilité et donc à l'emploi, surtout en milieu rural et rurbain, comme dans le département de Charente. Un million de personnes passent le permis de conduire chaque année, pour un coût individuel d'environ 1 800 euros, soit 1,8 milliard d'euros par an. À titre de comparaison, le service national universel (SNU) a coûté 140 millions d'euros en 2022 pour 64 000 volontaires, soit 2 187 euros par personne. L'intention de Macron…
…est de le rendre obligatoire pour les mineurs, ce qui coûterait plus cher que de former au permis de conduire tous nos jeunes dès 16 ans. Si vous êtes capables de trouver l'argent pour le SNU, nous vous proposons, nous les Insoumis, de l'affecter à l'obtention du permis de conduire. Cette initiation, au cours de laquelle l'on apprendrait aux jeunes, dès l'âge de 16 ans, à travers le code de la route, ce qu'est l'espace public partagé et quel usage on peut y faire d'un véhicule, leur permettrait de pratiquer la règle et d'en comprendre la nécessité, ce qui contribuerait à leur citoyenneté. Le SNU, au contraire, est un formatage de l'esprit et du comportement des mineurs, soumis à des activités à connotations faussement militaires. Avec la LFI – NUPES, c'est l'émancipation ; avec le président Macron, c'est la soumission.
Par ailleurs, je rappelle qu'après l'initiation en conduite accompagnée, le taux de réussite est de 75 %, alors qu'il n'est que de 52 % en formation traditionnelle. Pourtant, seulement un quart des personnes passant le permis B s'y sont préparées en conduite accompagnée. En outre, l'accès gratuit au permis de conduire dès 16 ans, ce serait la manifestation de la solidarité intergénérationnelle, une sécurité améliorée sur nos routes, des primes d'assurance moins coûteuses et surtout une égalité de traitement pendant l'adolescence – une période de la vie où les injustices sociales sont particulièrement mal vécues.
Quant à l'article 3, il semble que disqualifier les métiers est une obsession du président Macron qui conduit la France à sa perte. Il n'est pas vrai que n'importe qui peut faire n'importe quoi. Ce qui fait la grandeur de notre pays et sa place dans le monde est bien le haut niveau de qualification de son peuple. Retrouvons l'excellence plutôt que d'organiser la baisse généralisée des exigences. Non au job dating, non aux contrats de projet, non à la précarisation dans les services publics par la contractualisation, non au modèle néolibéral ! La liberté de la France passe par sa souveraineté, et celle-ci par le haut niveau de formation et de qualification de son peuple. Acceptez de payer les salariés conformément aux concours et aux diplômes, et en adéquation avec les postes de travail.
S'agissant du financement, vous pourriez proposer de taxer les bénéfices des compagnies d'autoroutes, les superprofits ; bref, de mettre à contribution le capital – c'est d'actualité. Si votre fil rouge avait été Liberté, Égalité, Fraternité, vous auriez pu faire de cette proposition de loi un embryon d'aménagement du territoire en matière de mobilités, embryon qui aurait pu inspirer le haut-commissaire au plan qui, soit dit en passant entre nous, semble un peu à court d'idées.
En conséquence, nous ne voterons pas contre votre texte, qui va légèrement dans le bon sens, et en fonction des votes sur nos amendements, nous pourrions le voter ou nous abstenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – Mme Claudia Rouaux applaudit également.
Le groupe Les Républicains se réjouit que l'on examine en séance, après son passage en commission, cette proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire. Je vais vous dire tout de suite, monsieur le rapporteur, que nous voterons ce texte.
L'accès à l'examen du permis de conduire et plus généralement à la mobilité est un sujet majeur qui conditionne très souvent, cela a été rappelé, un parcours de vie. Vous avez très justement souligné dans l'exposé des motifs du texte que près de 7 millions de personnes connaissent des difficultés à se déplacer, soit environ 20 % de la population en âge de travailler, et surtout que 28 % des personnes en insertion professionnelle abandonnent leur emploi ou leur formation pour des raisons de mobilité. C'est pourquoi l'extension des possibilités d'utilisation du compte personnel de formation à toutes les catégories de permis de conduire nous semble une proposition pragmatique, qui va dans le bon sens, tout comme celle de créer une plateforme numérique nationale, gérée par l'État, qui centraliserait l'information sur l'ensemble des dispositifs de financement du permis proposés aux particuliers, y compris les aides des collectivités locales – j'espère que la plateforme sera lisible, madame la secrétaire d'État… J'ai moi-même fait cette démarche dans ma propre commune, à La Châtre, dans l'Indre. Enfin, le fait d'élargir la possibilité de faire passer les examens à des agents publics ou contractuels, en cas de problème ou de manque de personnel, est, là aussi, une mesure de bon sens.
L'an dernier – vous le savez, monsieur le rapporteur –, j'avais déposé une proposition de loi sur ces sujets. C'est entre autres en s'inspirant de ce texte que les membres de mon groupe ont déposé des amendements pour améliorer le texte qui nous est soumis et dont nous partageons, je le répète, pleinement la philosophie et les objectifs. Certains de nos amendements visaient à rendre possible la cession de tout ou partie du CPF au sein de la famille nucléaire afin de permettre aux parents d'utiliser les sommes créditées sur ce compte pour financer la formation de leurs enfants au permis de conduire. Ces amendements ont été déclarés irrecevables pour des raisons que nous connaissons, mais je voudrais à nouveau ouvrir ce débat parce que je crois que c'est un sujet essentiel. Il faudra bien qu'on arrive, après étude, à des solutions.
Actuellement, les parents ont une capacité inégale à fournir une aide à leurs enfants pour l'obtention du permis de conduire : 74 % des jeunes dont les parents font partie des 20 % des ménages les plus aisés détiennent un permis de conduire, tandis que ce n'est le cas que de 51 % des jeunes issus des 20 % des ménages les moins aisés. Ces chiffres parlent. Le montant moyen de l'aide parentale, lorsqu'elle existe, est de 1 402 euros, alors que, d'après l'étude menée par UFC-Que choisir, le coût moyen du permis de conduire est de 1 804 euros, voire 2 000 euros selon d'autres études, auxquels s'ajoutent évidemment de nombreuses autres dépenses nécessaires pour avoir effectivement accès à la conduite. Aussi, faute de moyens de transport adaptés, un quart des jeunes de 18 à 30 ans ont-ils déjà renoncé à un emploi, et plus d'un jeune sur deux a dû restreindre sa vie sociale ou ses activités de loisirs – et, je le dis à mon tour en tant qu'élu rural, c'est particulièrement vrai dans le monde rural et dans les zones périurbaines.
Il faut donc aller beaucoup plus loin dans l'aide à l'obtention du permis de conduire. L'accès au permis et donc à son financement est un levier puissant d'insertion sociale, mais aussi le sésame pour entrer dans la vie, pour construire son parcours personnel. C'est pourquoi il nous paraît essentiel de trouver un outil puissant qui ne reposerait pas pour l'essentiel sur les finances publiques de l'État.
Pour parvenir à cette solidarité intergénérationnelle et pour concentrer l'allocation des ressources sur les besoins de formation les plus urgents – car, au fond, quel est le rêve le plus important pour des parents, sinon celui de pouvoir aider leurs enfants à entrer dans la vie ? –, nous proposons deux amendements pragmatiques et réalistes : le premier demande au Gouvernement de poursuivre la réflexion en remettant un rapport sur la cessibilité de tout ou partie du compte personnel de formation ; le second ouvre une autre porte, que j'ai évoquée avec plusieurs membres des cabinets ministériels concernés, en demandant un rapport sur la possibilité de procéder à une avance sur le CPF des parents, avance qui serait ensuite compensée une fois que le jeune, au fur et à mesure de sa vie professionnelle, aura acquis lui-même des droits sur son propre CPF. Je précise que j'avais aussi prévu, dans ma proposition de loi, des solutions pour les enfants sans parent ou dont le schéma familial ne permet pas une telle démarche. Je crois vraiment que nous devons avancer sur ces questions car c'est un problème réel et majeur, particulièrement dans le monde rural et dans les zones périurbaines.
Il me semble, madame la secrétaire d'État, qu'on peut demander au Gouvernement des rapports l'invitant à une réflexion à laquelle, je suppose, il serait prêt à se joindre aux côtés du Parlement. De tels rapports représenteraient déjà une bonne réponse, dans un premier temps.
Le permis de conduire est le premier examen de France puisqu'il concerne un million et demi de candidats chaque année. C'est un rite de passage obligatoire avant l'entrée dans la vie active. En conséquence, sa bonne organisation et la maîtrise de son coût sont un impératif d'intérêt général, et c'est à lumière de ces considérations qu'il convient d'apprécier la proposition de loi de notre collègue Sacha Houlié.
Le permis de conduire est, dans les faits, un véritable diplôme, plus difficile à obtenir que le baccalauréat, comme l'atteste son taux de réussite qui baisse chaque année : 57 % en 2022. Ne pas en être titulaire, c'est vivre ce que le sociologue Éric Le Breton appelle « l'assignation territoriale » et qui concerne plus d'un cinquième de la population, essentiellement des jeunes en zones rurales ou périurbaines, mais aussi d'autres personnes à faibles revenus. Toutes ces réalités justifient que le législateur se préoccupe d'éliminer les obstacles qui empêchent l'accès au permis en permettant aux candidats de présenter l'examen dans des délais raisonnables et à un coût soutenable. Tels sont les objectifs de cette proposition de loi.
L'article 1er prévoit ainsi la création d'une nouvelle plateforme numérique nationale d'information, justifiée par la nécessité de donner une visibilité nationale aux aides disponibles, tout en répondant au profil géographique et personnel de chaque candidat. Nous savons que l'accès à la préparation au permis est directement conditionné à son coût, de l'ordre de 1 800 euros pour 35 heures de conduite. Ce coût empêche de nombreux jeunes de profiter de cette formation, pourtant utile pour obtenir un emploi. L'enjeu est bien l'égalité des chances : la plateforme, qui offre aux candidats un maximum de visibilité sur l'ensemble des aides de tous niveaux auxquelles ils peuvent prétendre, est conçue comme un outil de service public. Elle facilitera aussi la réduction du reste à charge, premier obstacle pour nombre de postulants. L'objectif de visibilité sera d'ailleurs renforcé par le lien établi entre cette plateforme et la plateforme auto-écoles, qui donne aux candidats une vue globale de l'offre d'enseignement et de sa qualité – j'en vois l'intérêt pour les administrés de ma circonscription.
L'article 2 est consacré à l'élargissement très opportun du compte personnel de formation, au nom des nouvelles mobilités. Les statistiques de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) indiquent que plus de la moitié des personnes ayant mobilisé leur CPF ont vu leur situation professionnelle s'améliorer, le CPF facilitant leur retour à l'emploi. Le compte personnel de formation constitue le premier levier de formation au permis de conduire. Encore faut-il pouvoir le mobiliser, ce qui n'est pas le cas pour trop de jeunes non actifs. Si l'utilisation du CPF peut être élargie, la question de la place du permis à 1 euro par jour, dont le montant est intégralement à la charge du candidat, se posera avec encore plus d'acuité.
J'en viens à l'article 3 et à l'objectif de réduction du délai de passage du permis. Lorsque je pense à la situation de mon département de la Loire, je me félicite de la suppression du délai médian actuel de 45 jours entre deux présentations d'un même candidat à l'épreuve pratique. Par ailleurs, nous saluons le recrutement complémentaire d'examinateurs.
D'autres leviers pourraient être renforcés pour réduire le taux d'échec à l'examen. Je pense aux formules qui permettent, dès 15 ou 18 ans, une plus grande expérience de conduite au moyen d'un apprentissage renforcé. Le taux de réussite de ceux qui les ont adoptées est bien au-dessus de la moyenne nationale – de l'ordre de 75 % pour la conduite accompagnée, alors qu'elle ne concerne que 20 % des jeunes. Quasi unique en Europe, elle bénéficie de peu d'aides : il conviendrait donc d'y remédier. Il en est de même de la conduite supervisée, qui s'adresse aux élèves dont les familles n'ont pas de voiture.
Enfin, le groupe Démocrate a déposé un amendement traduisant son souhait de renforcer, à l'épreuve théorique du permis, le thème de la conduite sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants. L'augmentation très inquiétante de ce type de comportements à risque nous paraît le justifier.
Notre groupe votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR ainsi que sur les bancs des commissions.
La proposition de loi en discussion vise à diminuer les délais d'attente pour passer le permis de conduire, examen qui sanctionne un niveau de connaissances et une aptitude à circuler. Le délai de passage du permis de conduire est un problème récurrent pour de nombreux candidats, qui persiste depuis de longues années.
Le présent texte comporte trois dispositions essentielles.
La première concerne la création d'une plateforme numérique nationale d'information et d'orientation, gérée par l'État, qui doit faciliter l'accès des candidats aux informations et aux aides financières disponibles – cette plus grande accessibilité est par nature positive.
La deuxième disposition est relative à l'utilisation du compte personnel de formation pour accéder au permis pour les motos légères, les voiturettes et les remorques plus lourdes. En l'état, le CPF est limité à certains types de permis, dont le permis B. Les autres permis qui seront désormais accessibles par le biais de ce financement sont souvent importants pour devenir artisan ou indépendant. Nous devrons néanmoins veiller à ce que le CPF finance des formations qui mènent à l'emploi, et non des permis dépourvus de tout lien avec celui-ci.
La troisième disposition a trait au recours par l'État à des agents publics ou contractuels en qualité d'examinateurs autorisés à faire passer l'épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger. Il y a quelques mois, le recours aux plateformes censées faciliter l'inscription à l'examen était perçu comme une solution aux problèmes de délai. Malheureusement, nous avons constaté que cela ne fonctionnait pas. Il faut évidemment s'attaquer aux vraies causes : le manque d'inspecteurs en fait partie, mais ce n'est pas le seul élément.
Dans certains lieux, il y a parfois trois ou quatre mois d'attente avant qu'un élève puisse obtenir une date. En l'état, les inspecteurs sont d'anciens moniteurs qui ont la connaissance et l'expérience des difficultés et des enjeux que pose l'apprentissage de la conduite. Leur jugement est nourri par leurs expériences pédagogiques, relationnelles et pratiques. L'enjeu est donc celui de la formation et de la qualification des agents venant en appui des inspecteurs en poste.
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que les agents publics recrutés pour assurer des missions d'inspecteur devront suivre une formation de six mois. Ils seront d'ailleurs chargés d'autres missions, telles que des actions de sécurité routière, de suivi des établissements d'enseignement de la conduite et de la sécurité routière, et de contrôle de centres de stages de sensibilisation à la sécurité routière. Les agents contractuels qui seront recrutés pour faire passer les examens seront quant à eux soumis à une formation de deux mois.
Il s'agit de dispositions qui relèvent pour partie du pouvoir réglementaire – j'espère que le Gouvernement entendra notre demande –, mais rien ne nous empêchait de réexposer explicitement le principe d'un recrutement conditionné à une formation.
J'en viens aux autres causes d'un délai d'attente anormal pour passer l'examen du permis de conduire. Le présent texte actera bel et bien une avancée, mais, pour un grand nombre de candidats, celle-ci pourrait n'être qu'un trompe-l'œil. Il semblerait que ce délai d'attente n'est pas uniquement le fait d'un manque d'inspecteurs : le taux de réussite à l'examen et le nombre moyen de passages posent aussi problème. Depuis 2016, l'administration peut embaucher des agents publics et contractuels quand le délai d'attente médian est supérieur à 45 jours. Très peu de départements seraient en fait concernés. La proposition de loi supprime ce délai médian préexistant qui limitait la possibilité de recourir à des agents publics ou contractuels. En pratique, ceux qui connaissent des délais d'attente sont les 40 % de candidats qui ont échoué au moins une première fois à l'examen. Et je ne compte pas ici ceux qui renoncent d'eux-mêmes à repasser l'examen en raison du prix à payer, soit 2 000 euros pour la formation théorique, et des vingt heures de conduite pratique en véhicule à vitesses manuelles.
Je pense à ce nombre non négligeable de candidats inscrits dans des auto-écoles dont les taux de réussite à l'examen sont faibles. Ces taux pourraient s'expliquer, d'une part, par le fait que certains publics ont moins de facilités face aux épreuves et, d'autre part, par le niveau même de formation dispensée par quelques établissements.
C'est pour ces candidats en attente de réussite que les délais sont trop longs. Le présent texte est intéressant dans le principe, mais il ne traite ni des zones grises de la formation ni du prix élevé et de la qualité de celle-ci. Il ne promeut pas non plus de dispositif de financement qui ouvrirait largement le permis à tous les jeunes, tout en garantissant partout la qualité de l'apprentissage. L'enjeu est pourtant d'éviter que l'augmentation du nombre d'inspecteurs élève le nombre de candidats reçus sans forcément améliorer leur niveau – ce sont bien les meilleurs candidats qui sont gage d'une sécurité plus grande au volant !
Notre groupe, bien entendu, soutient ce texte. Toutefois, nous appelons l'attention de nos collègues et du Gouvernement sur l'importance de la vie quotidienne – un sujet qui nous tient à cœur. Ce texte apporte peut-être une éclaircie, mais pas forcément le printemps d'une meilleure réussite à l'examen du permis.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Dem.
Le permis de conduire est un outil essentiel de l'insertion sociale et professionnelle pour tous ; il a été et continue d'être un passeport indispensable pour l'emploi, ainsi qu'un outil incontournable de liberté, en particulier dans les communes rurales – je le mesure dans les 124 communes de ma circonscription.
Si vous me permettez l'expression, nous devons lever les freins au passage du permis de conduire, et cela doit s'accompagner de mesures visant à réduire l'usage de la voiture thermique individuelle. Nous devons être attentifs à l'accompagnement individuel dans la transition. Personne ne peut être laissé pour compte, d'autant qu'en milieu rural, la voiture représente la liberté ; elle reste le mode de transport utilisé dans plus de 80 % des déplacements du quotidien. En province, dans les villes moyennes et les petites communes, les solutions alternatives en matière de mobilité ne sont pas légion.
Vous l'avez rappelé, le Gouvernement s'est engagé à faciliter l'accès au permis de conduire. L'examen est désormais finançable par le compte personnel de formation. Le ministère de l'intérieur a récemment annoncé le recrutement de cent inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière supplémentaires entre 2023 et 2025 – nous l'applaudissons des deux mains.
Le passage du permis B demeure le premier examen de France, avec plus de 1,5 million de candidats. Si de nombreuses solutions sont mises en place pour faciliter la mobilité de nos concitoyens, grâce à des investissements massifs dans les transports en commun ou au soutien à l'achat de nouveaux véhicules moins polluants, certains freins demeurent. Je pense au financement du permis de conduire, à l'accès à l'information et à l'indisponibilité systémique des IPCSR.
Cette proposition de loi très attendue, qui a été adoptée à l'unanimité en commission, vise à répondre à ces trois problématiques. Elle facilite l'accès à l'information grâce à la création d'une plateforme numérique « 1 jeune, 1 permis », recensant l'ensemble des aides financières auxquelles les jeunes peuvent prétendre pour la préparation aux examens du code de la route et du permis de conduire. Le texte prévoit aussi l'extension des possibilités d'utilisation du CPF à toutes les catégories de permis de conduire et la levée de la condition du délai médian supérieur à 45 jours pour recourir à des agents publics ou contractuels comme examinateurs.
Il est crucial d'informer les futurs bénéficiaires. Je l'ai mesuré à Fécamp avec le dispositif « bourse au permis », mis en place pour les habitants qui ne pouvaient se payer un permis B alors qu'il était nécessaire pour décrocher un emploi. Nous nous sommes battus pour faire connaître ce dispositif, désormais utilisé dans d'autres villes de France dans des modalités souvent proches. Mais nous avons souvent été surpris de constater que certains ignoraient toujours son existence. La création de la plateforme « 1 jeune, 1 permis » est inspirée de la plateforme « 1 jeune, 1 solution » qui, entre la mi-2020 et la mi-2021, a permis à plus de 1,8 million d'individus de bénéficier des principaux dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes – une hausse de 41 %.
L'accès à l'information constitue la pierre angulaire du succès des dispositifs d'accompagnement, en particulier des jeunes. Vous l'aurez compris, nous sommes convaincus de la nécessité de nous doter de tous les moyens possibles pour améliorer l'insertion des jeunes, comme des moins jeunes, en matière de mobilité. Ce sont parfois des petits riens, des coups de pouce qui changent le quotidien des territoires, notamment ruraux – j'y serai toujours attachée.
En conclusion, et sans surprise, le groupe Horizons et apparentés votera la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.
La mobilité n'est pas un choix. C'est une liberté, mais aussi souvent une contrainte. Et lorsqu'elle est contrainte, la mobilité devrait, en un sens, être un droit : celui de ne pas être assigné à résidence, de ne pas être relégué dans sa vie sociale et professionnelle. On sait pourtant que l'égalité d'accès à la mobilité n'est pas garantie. Aujourd'hui, 60 % des jeunes vivent dans des zones éloignées des grands centres urbains, qui ne sont pas desservies par les transports collectifs ; pire, des zones dans lesquelles, un peu partout en France, les petites lignes ferroviaires ferment les unes après les autres depuis plusieurs décennies. La voiture individuelle y devient alors la seule option et le permis de conduire, un passage obligé. Cette dépendance à la voiture individuelle n'est pas seulement un problème pour l'environnement : elle rend des millions de ménages vulnérables, parce que le budget contraint dédié à la voiture pèse trop lourd.
Ce n'est pas le fruit du hasard : les choix que nous avons faits en matière d'urbanisme ont conduit à l'éloignement entre le domicile et le travail ; en matière de transports, nous avons privilégié les solutions individuelles plutôt que les transports en commun. C'est pourquoi nous nous retrouvons à discuter de petites mesures destinées à aider la jeunesse à accéder au permis de conduire, sans remettre en question le coût exorbitant de ce dernier ni notre modèle de développement. Nous examinons en fin de compte un texte assez peu ambitieux, parce que l'on refuse de s'attaquer aux problèmes à la racine.
Les mesures qui figurent dans les deux premiers articles vont dans le bon sens. Nous n'allons pas nous opposer à un dispositif qui permet d'informer le public sur les aides existantes pour le financement du permis, même si, de toute évidence, nous n'avons pas besoin d'une loi pour le créer. Nous n'avons pas non plus besoin d'obliger les collectivités à transmettre leurs actes réglementaires aux préfectures ; elles le font déjà, à longueur de journée. Nous n'allons pas nous opposer à l'extension des possibilités d'utilisation du CPF, même si, en définitive, la mesure manque sa cible : elle ne concerne pas les plus jeunes, ceux qui souhaitent accéder à leur premier emploi, puisqu'ils n'ont pas encore de CPF.
Si nous, écologistes, vous suivons sans difficulté pour ce qui est des deux premiers articles, nous sommes en désaccord sur l'article 3. Naturellement, nous partageons l'objectif de réduction des délais : il est fondamental que tous les candidats, à n'importe quel endroit du territoire, puissent accéder, dans des délais raisonnables, à l'examen du permis. Toutefois, cet objectif ne doit pas servir de prétexte à la disparition du corps des inspecteurs. Votre solution consiste non pas à en recruter davantage, mais à les remplacer par d'autres agents publics, dont ce n'est pas le métier, ou par des agents contractuels. En réalité, vous cherchez à banaliser un dispositif existant mais dérogatoire. J'ajoute que vous ne prévoyez rien pour aligner leurs conditions de formation.
Vous empruntez une fois de plus la voie du démantèlement de la fonction publique – certes, je vous l'accorde, vous n'êtes pas le premier à le faire. Nous pensons que ce n'est pas la bonne direction. Nous ne pourrions donc pas voter en faveur de votre texte si cette mesure devait être maintenue à l'issue de l'examen des amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Tout d'abord, je remercie le Gouvernement pour ses propos et pour son soutien, ainsi que tous les collègues qui se sont exprimés. Je crois que nous pouvons parvenir à l'unanimité. J'espère convaincre M. Iordanoff grâce aux arguments que je vais développer dans quelques instants.
M. Rimane a eu des mots exacts pour décrire ce que traversent les ultramarins, notamment en ce qui concerne le permis de conduire. C'est plus vrai encore en Guyane, étant donné la superficie de ce territoire.
Sur le contingent actuel de 1 280 inspecteurs, on compte 1 226 agents titulaires et 46 contractuels. Compte tenu de ces proportions, la disposition prévue à l'article 3 ne présente pas de risque, quand bien même on en viendrait à augmenter le nombre d'inspecteurs contractuels. Je réponds ainsi aux griefs exprimés par M. Iordanoff, qui a indiqué que les préventions de son groupe à l'égard de l'article 3 pourraient justifier un vote contre le texte.
Je m'en félicite, car une opposition de votre groupe compromettrait l'unanimité que nous recherchons.
Monsieur Warsmann, vous avez utilisé à juste titre le terme « crucial ». C'est le registre adapté lorsqu'il est question de permis de conduire et de déplacement. Le permis voiture, en particulier, est un sésame, comme l'a dit également M. Forissier.
S'agissant de l'accès initial au permis, vous avez évoqué l'idée d'un rapprochement entre l'aide de 500 euros destinée aux apprentis et le CPF. Toutefois, nous ne disposons pas, à ce stade, de voie légale pour le faire. Nous avons alerté à plusieurs reprises le Gouvernement à ce sujet et nous attendons des réponses. L'idée d'une avance, évoquée par M. Forissier, est intéressante. Voyons ce qu'en disent les ministères. Les jeunes de 16 à 18 ans qui ne travaillent pas n'acquièrent pas de droits à formation et sont effectivement un peu démunis, si l'on met à part les aides proposées par les collectivités. Celles-ci, en particulier les départements ruraux, ont développé de nombreuses aides, et c'est tout à leur honneur – vous avez rappelé l'action des collectivités de votre circonscription, monsieur Warsmann.
Quant aux retraités, nous faisons déjà appel à eux pour exercer les fonctions d'inspecteur – non pas celles d'examinateur. Les retraités seront concernés par le plan de recrutement de cent inspecteurs supplémentaires prévu par la Lopmi. Le déploiement de ce plan, qui doit durer quatre ans, a commencé cette année.
Je remercie Mme Lebec, avec qui j'ai beaucoup travaillé et construit les dispositions de la proposition de loi que nous soumettons aujourd'hui à vos suffrages.
Mes remerciements à Mme Diaz seront moins appuyés, car nous ne sommes pas dans l'hémicycle du conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine ! La campagne des élections régionales aura lieu en 2028. Vous vous êtes beaucoup référée à des éléments qui ne relèvent pas de cette assemblée.
Par ailleurs, vos propos, notamment ceux que vous avez tenus sur le contrôle technique moto, trahissent une méconnaissance totale de mon engagement. Je vous invite à relire toutes mes prises de position et déclarations militantes à ce sujet. Du reste, je n'ai pas vu de propositions du Rassemblement national sur la question du carburant, ni sur le contrôle technique, ni sur les chevaux fiscaux, ni sur les radars.
En tout cas, vous n'avez pas déposé de textes à ce sujet, qui auraient pu être examinés pendant la niche de votre groupe.
J'ai eu peur, madame Diaz, que vous parliez de tout sauf du permis. Néanmoins, vous avez évoqué la cessibilité du CPF. Nous avons étudié cette hypothèse. Or elle présente des difficultés du point de vue de la fraude ainsi que du caractère personnel du CPF. Surtout, elle serait source d'inégalités entre les personnes qui acquièrent beaucoup de droits à formation – ce sont souvent les plus qualifiées – et celles qui en acquièrent moins et pourraient donc en céder moins aux membres de leur famille.
Je vous trouve aussi quelque peu audacieuse, car vous avez repris cette proposition à M. Forissier, qui la défend depuis très longtemps. Comme il l'a indiqué, il avait déposé une proposition de loi à cette fin.
Non, monsieur Odoul, il l'avait déjà déposée au cours de la législature précédente.
Vous estimez, monsieur Pilato, que nous ne faisons pas grand-chose de convenable, mais vous avez précisé que vous ne vous opposeriez pas au texte. Nous avons eu de nombreux échanges lors de la préparation du texte, y compris sur la question de la gratuité, idée à laquelle nous n'avons pas voulu souscrire. Néanmoins, le but est bel et bien de diminuer le reste à charge pour les familles.
Je vous rejoins sur un autre point : l'importance de la conduite accompagnée. Pour beaucoup de familles modestes, il est effectivement exclu d'y recourir, non seulement en raison de son prix, mais aussi, vous l'aviez mentionné précédemment, parce que les parents ne sont pas ceux qui peuvent le plus facilement accompagner leurs enfants. Vous aviez formulé certaines propositions, mais nous ne pouvons pas – c'est dommage – légiférer à ce sujet. Cela ne remet pas en cause votre soutien au texte. En tout cas, l'ouvrage reste sur le métier.
Monsieur Forissier, j'ai déjà évoqué votre engagement et votre militantisme, ainsi que nos désaccords au sujet de la cessibilité, que vous proposez avec conviction. Cela dit, je pense que vous soulevez une bonne question, celle du manque de financements proposés aux primo-accédants au permis. Nous allons réfléchir sur ce point.
MM. Mandon et Warsmann ont mentionné l'importante question du permis à 1 euro. Nous voulions initialement la traiter dans cette proposition de loi, mais nous n'avons pas pu le faire, car elle ne relève pas du domaine de la loi. Le recours à ce dispositif est rendu compliqué par les procédures bancaires. Il est d'un intérêt relatif, car le plafond applicable est de 1 200 euros, alors que le prix moyen d'un permis est de 1 804 euros en cas de primo-obtention, sachant que de nombreux candidats ne l'obtiennent pas du premier coup – tel a été mon cas.
J'ai été meilleur à moto.
C'est notamment en raison des limites du permis à 1 euro – qui expliquent sans doute le succès du CPF – que nous avons besoin des dispositions du présent texte.
J'ajoute que les délais qui sont calculés sont ceux qui séparent le premier et le deuxième passage de l'examen du permis de conduire. Nous ne connaissons pas le délai qui précède le premier passage, étant donné que de nombreux élèves d'auto-école ne vont pas jusqu'à l'examen.
Madame Karamanli, vous avez évoqué l'enjeu de la formation des agents. Je l'ai précisé, les inspecteurs doivent suivre une formation de six mois, et les examinateurs, une formation de deux mois. Cette différence est logique dans la mesure où les examinateurs n'exercent pas toutes les fonctions des inspecteurs, notamment le contrôle de la fraude, que vous avez évoqué, la sensibilisation des élèves, notamment au collège lors du passage de l'attestation scolaire de sécurité routière (ASSR) ou du brevet de sécurité routière (BSR), et l'accompagnement des moniteurs. Les obligations en la matière sont bien établies. Vous proposez d'instaurer des obligations déontologiques supplémentaires ; nous y sommes a priori favorables.
Il est exact, monsieur Iordanoff, qu'il existe une dépendance à la voiture individuelle ; il n'est pas question ici d'affirmer le contraire. Cela correspond au modèle de société qui s'est développée. Si la voiture individuelle demeure un des principaux moyens de déplacement, la France est, à l'échelle de l'Union européenne, un pays précurseur en matière de décarbonation des véhicules, en tout cas d'électrification. Telle n'est d'ailleurs pas la volonté de tous nos voisins. À cet égard, la France est un modèle : nous protégeons notre industrie, qui a pris ce virage, et nous croyons en nos engagements environnementaux.
Dans l'attente des mesures prévues – RER métropolitains, soutien au développement des bus, des petites lignes ferroviaires et des trains de nuit –, nous avons besoin de faciliter le passage du permis de conduire pour les jeunes. C'est la raison pour laquelle je vous invite, dans la mesure du possible, à ne pas vous opposer à notre proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Grâce à l'adoption de la Lopmi, madame Diaz, les effectifs dédiés à la sécurité dans les transports seront doublés : 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires seront affectés dans soixante-dix-sept brigades créées notamment dans le cadre de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Faciliter le passage du permis de conduire est un objectif de bon sens, et nous le soutiendrons. Dans mon département de l'Eure, comme ailleurs dans la ruralité, la voiture est indispensable, notamment pour les jeunes qui doivent accéder à des études ou à l'emploi. C'est aussi un facteur d'insertion indéniable. Malheureusement, le coût du permis – de l'ordre de 2 000 euros – reste prohibitif pour certaines familles, qui ne peuvent pas l'offrir à leurs enfants. C'est un cercle vicieux : sans argent, pas de permis, donc pas de mobilité permettant de trouver un emploi, donc pas d'argent. L'État aurait dû trouver des solutions nationales à ce problème depuis des années, mais il ne l'a pas fait.
Heureusement, certaines collectivités locales ont créé des dispositifs d'aide, qui sont utiles. Cependant, nous le savons, les personnes qui y sont éligibles n'y recourent pas toujours, notamment parce qu'ils ne les connaissent pas. C'est pourquoi nous voterons en faveur de l'article 1er , qui vise à faciliter l'accès à ces dispositifs publics en les référençant sur une plateforme numérique nationale.
Il n'en reste pas moins que ces dispositifs locaux créent des inégalités territoriales, entre ceux qui habitent une commune ayant institué une aide et ceux qui vivent dans un village où ils ne sont pas éligibles aux aides. En fin de compte, ce sont les territoires les moins favorisés qui ne disposent pas de dispositifs dédiés. Je le répète, vous ne remédiez pas à ces inégalités. Pourtant, en votre qualité de président de la commission des lois et de macroniste, vous auriez pu faire adopter ici des solutions nationales. Qui plus est, vous avez refusé d'autoriser le financement du permis par le compte de formation des parents, mesure dont auraient pu bénéficier les enfants de travailleurs modestes qui ne sont pas éligibles aux aides locales.
Nous voterons pour la création de la plateforme, qui aidera certains jeunes à obtenir le permis, mais nous regrettons que votre proposition de loi en laisse d'autres sur le bord de la route.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Le premier obstacle à l'accès au permis de conduire est son coût – environ 2 000 euros –, qui pèse sur le budget des jeunes et des familles. C'est d'ailleurs un bon thermomètre des inégalités sociales : plus on est modeste, plus on peine à y accéder et plus on a de risques d'avoir un boulet au pied avant même d'avoir commencé dans la vie active. Nous pourrons donc tomber d'accord sur ce sujet. Nous ne pouvons qu'approuver toutes les mesures de simplification en faveur des familles, qui rendront le permis moins lourd pour les classes populaires et les classes moyennes.
Vous l'avez rappelé, il existe une myriade d'aides, qui sont plus ou moins lisibles. L'idée d'une plateforme rassemblant toutes ces aides et offrant un cheminement simplifié est évidemment une avancée, bonne à prendre pour les jeunes et pour leurs familles.
Malheureusement, vous restez sourd à l'une de nos propositions de loi, celle qu'avait déposée notre collègue Nicolas Forissier en novembre dernier et qui lui tient à cœur depuis longtemps. Cette proposition visait à permettre aux parents d'utiliser leur compte personnel de formation, pour aider les jeunes à passer cette première étape fondatrice de l'installation dans la vie qu'est le permis de conduire. Il nous semblait que c'était important ; c'est un geste de solidarité entre les générations, un beau geste au moment où l'on conduit sa vie. Nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement et la majorité restent obtus sur ce point, alors que cette solution ne coûterait pas un euro de plus à l'État.
Je le répète : le premier obstacle à l'accès au permis, c'est son coût. La proposition de loi ne répond pas totalement au problème. Nous la voterons, mais elle touche à côté de la cible.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous approuvons l'article 1er . Toutefois, je voudrais saisir l'occasion pour rappeler l'importance de la sensibilisation aux bonnes pratiques de conduite après le passage du permis, qui n'est que le début de l'histoire du conducteur.
Je salue tout particulièrement l'action de la prévention routière, qui a su, depuis près de soixante-quinze ans, agir pour réduire le nombre et la fréquence des accidents de la route. Ses interventions auprès des jeunes se concentrent sur les écoles et les campus. Récemment, elle a créé un réseau de communautés d'étudiants qui diffusent dans les universités le message de la prévention des risques routiers. Cette action originale devrait amplifier l'efficacité de la lutte contre la mortalité routière, qui est, hélas, la première cause de décès des jeunes de 18 à 24 ans. Elle complète les opérations utiles comme celle des capitaines de soirée. En 2022, deux opérations de ce type ont été menées dans mon département, la Loire, avec 1 800 participants, ce qui montre une fois de plus le dynamisme du comité départemental ; la même année, 603 actions ont été menées auprès de 16 000 usagers.
En moyenne, il faut débourser près de 2 000 euros pour décrocher un permis. Ce montant, qui dépasse largement un Smic mensuel, représente un investissement très important, mais obligatoire, pour la majorité des Françaises et des Français. Cette inégalité dans l'accès au permis de conduire pénalise d'autant plus les femmes et les hommes des territoires ruraux.
Il est probablement illusoire de penser que la création d'une plateforme numérique visant à répertorier les aides suffira, à elle seule, à réduire ces inégalités. Les plateformes déjà existantes, telles que RdvPermis, gérée par la sécurité routière, auraient pu être améliorées en ce sens.
De la même manière, nous ne saurions nous satisfaire de la création d'une page informative, quand on sait que la majorité des coûts liés à l'obtention du permis de conduire surviennent, en réalité, à partir du moment où les usagers obtiennent un véhicule, qu'ils l'assurent et qu'ils l'entretiennent. Ces coûts ont augmenté très fortement avec l'inflation, ces derniers temps.
Nous aurions souhaité que l'effort de l'État et des collectivités en matière de financement du permis de conduire fasse l'objet d'une évaluation préalablement à la création de cette plateforme afin de rationaliser les aides existantes, dans un objectif de lutte contre les inégalités, faute de quoi il y a un risque que la nouvelle plateforme, aussi utile soit-elle, ne fasse qu'ajouter à la confusion sans amener d'amélioration concrète. Elle ne peut pas faire de mal, mais est-elle suffisante ?
Nous voterons néanmoins pour l'article 1er .
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement n° 33 , qui tend à supprimer l'article 1er .
Cet amendement est l'occasion d'une remarque et d'une question.
Ma remarque est la suivante : l'amendement vise les aides de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements. Ces aides sont relativement peu nombreuses par rapport à la cohorte des gens qui, chaque année, passent le permis ; elles sont aussi très incomplètes. Monsieur le rapporteur, vous avez dit avec beaucoup de justesse qu'un certain nombre de jeunes commençaient à préparer le permis, sans aller jusqu'à l'épreuve pratique, tout simplement parce que, quand on a 200, 300 ou 400 euros, on commence quelques leçons, puis on s'arrête quand on n'a plus d'argent pour continuer. Cela ajoute au nombre des personnes qui ne passent pas le permis. C'est une grande inégalité, car ce ne sont pas à proprement parler les collectivités rurales qui versent des aides, mais les collectivités rurales qui ont de l'argent ; quand on sait que la différence de richesse entre les départements est un véritable scandale en raison de l'absence de péréquation, notamment pour les droits de mutation, on se dit que tout cela n'est pas à mettre en avant, ni sur la quantité, ni sur la qualité.
Cela n'épuise pas le sujet, car les missions locales proposent parfois des aides au financement, directement ou indirectement. C'est le cas, par exemple, de la garantie jeunes. C'est d'ailleurs le discours que leur tiennent les missions : « Vous allez toucher un pécule pendant quatre à cinq mois ; consacrez-le à financer une partie du permis de conduire. » De même, Pôle emploi a une ligne destinée au financement du permis de conduire ; là encore, cette aide n'est pas énorme et elle dépend du projet et du bassin d'emploi, mais elle existe. Je ne suis donc que partiellement convaincu.
Quant à ma question, elle concerne le caractère législatif de l'article.
À ce stade, nous avons identifié près de trente-cinq dispositifs d'aide au permis de conduire proposés par les collectivités – un sacré nombre. Une telle vue d'ensemble permet au jeune d'établir son plan de financement dès le départ en recensant les aides disponibles pour calculer son reste à charge.
La différence de moyens entre les départements est réelle ; toutefois, les inégalités territoriales ont toujours existé. On a même construit la décentralisation sur ces inégalités, notamment en confiant aux départements des compétences qui, de mon point de vue, devraient relever de l'État, par exemple en matière sociale, puisque, quand une difficulté se présente en matière de handicap ou d'accompagnement des travailleurs dépourvus d'emploi, c'est souvent vers l'État que l'on se tourne, alors que cette compétence relève formellement des départements. Mais c'est un autre débat, qui pourrait être très long.
Vous avez raison de dire que l'article est à la frontière entre la loi et le règlement, mais nous n'avons pas le temps d'attendre. Nous voulons inscrire la création de la plateforme « 1 jeune, 1 permis » dans la loi et garantir la collecte des informations nécessaires auprès des collectivités. Que se passerait-il si l'État créait cette plateforme et que les collectivités refusaient de transmettre ces informations parce qu'aucune disposition légale ne les y oblige ? Elles le feraient, naturellement, dans le cadre du contrôle de légalité effectué par le préfet, mais nous serions contraints d'en demander les détails auprès des services de la collectivité, ce qui retarderait d'autant la mise en service de la plateforme. C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer l'amendement de suppression.
Monsieur le rapporteur, je ne vous entraînerai par dans un débat où je crois que nous tomberions relativement vite d'accord. Néanmoins, je le répète, le permis de conduire est un permis national et il crée des inégalités territoriales selon que l'on vit dans une intercommunalité ou un département qui a des moyens, ou dans le département d'à côté, qui est plus rural et n'a pas de moyens. Ce n'est pas satisfaisant.
Sur le reste, vous ne seriez pas le premier auteur d'un texte aux limites du réglementaire ; pour favoriser l'avancée que vous proposez, je retire mon amendement.
L'amendement n° 33 est retiré.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 84 .
Il a pour objet de mettre la gestion de cette plateforme numérique à la charge exclusive de l'État, en cohérence avec ce que prévoit le dispositif. Les collectivités transmettent d'ores et déjà leurs délibérations – et donc les dispositifs de financement du passage du permis – au représentant de l'État dans le département ; il n'est pas nécessaire de créer une nouvelle obligation de diffusion, qui plus est à leur charge.
Votre amendement aurait pour effet de supprimer la transmission d'informations par les collectivités. Or le contrôle de légalité pose une difficulté : c'est que, sur 6 millions d'actes adoptés chaque année, seuls 20 % sont contrôlés, même si certains préfets sont plus performants que d'autres – c'est le cas du préfet de la Vienne. De ce fait, certaines aides pourraient échapper à la vigilance des préfets. C'est la raison pour laquelle je préfère que l'obligation d'indiquer les aides créées s'impose à toutes les collectivités territoriales. Avis défavorable.
Même avis. J'ajoute que l'on ne peut pas détourner de son objet la transmission pour le contrôle de légalité aux fins de communiquer cette information sur la plateforme.
L'amendement n° 84 n'est pas adopté.
Je rebondis sur l'excellente intervention de mon collègue Emmanuel Mandon – la Loire est aujourd'hui bien représentée dans l'hémicycle ! – car le financement de la plateforme ne doit pas reposer sur les collectivités territoriales. Il convient donc de préciser à l'alinéa 2 que la plateforme est créée, gérée, mais aussi financée par l'État.
L'amendement n° 7 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement n° 64 .
C'est une assemblée ; tous les avis y sont acceptables.
Je suis conseiller régional, mais pas influencé par une volonté de faire des économies de la part de la collectivité où je suis élu ; je pense que l'intérêt général concerne tout le monde. Les régions étant compétentes en matière de formation professionnelle, cela ne me choquerait pas de les embarquer comme coanimatrices du sujet. La plateforme sera d'autant plus réussie que l'implication sera reprise dans tout le territoire.
Cette fois, je donnerai un avis défavorable. Je vous soupçonne d'avoir été influencé par le président Rousset, qui veut récupérer toutes les compétences en matière de formation.
Sourires.
Il me semble audacieux de mettre deux pilotes dans l'avion : chacun sait que, quand deux personnes sont en charge, plus personne n'est en charge. Je préfère que l'État demeure le maître d'ouvrage de la plateforme.
L'amendement n° 64 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 1er , je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, n° 75 et 5 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l'amendement n° 75 .
Nous connaissons, depuis le covid-19, un goulot d'étranglement, avec une augmentation des demandes de présentation à l'examen du permis de conduire, qui allonge les délais d'attente. Celle-ci est expliquée par le manque d'inspecteurs, particulièrement important dans certaines régions.
Nous devons la clarté aux candidats sur la question des délais. À cette fin, nous demandons que la plateforme numérique nationale indique les délais médians pour obtenir une date de présentation aux épreuves théoriques et pratiques du permis de conduire dans chaque département.
La parole est à M. Jean-Pierre Taite, pour soutenir l'amendement n° 5 .
Il est essentiel, par souci de transparence, que les délais d'obtention d'une date de passage de l'examen soient indiqués pour chaque département sur la plateforme numérique nationale d'information prévue à l'alinéa 2. Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit, en commission, que la plateforme proposerait un renvoi vers un site précisant ces informations. Je pense qu'il est préférable que tout figure sur le même site pour une meilleure information de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'information que vous sollicitez, c'est-à-dire le délai de passage par département, est déjà indiquée publiquement sur le site permisdeconduire.gouv.fr. Ces amendements sont satisfaits par celui que nous avons adopté en commission, qui est désormais l'alinéa 3 de l'article 1er .
Une série d'amendements concernant les délais a été déposée. Nous ne disposons pas d'une mesure fiable des délais de passage de l'épreuve pratique pour la première fois, lesquels dépendent à la fois de l'auto-école et du candidat lui-même. La seule information dont nous disposions est le délai médian entre le premier passage – donc le premier échec – et le second ; c'est plutôt un outil de gestion qu'un outil réellement informatif pour les candidats. Au contraire, il aurait plutôt pour effet de les embrouiller, car ce délai ne correspond absolument pas à la réalité. Depuis la mise en service de la plateforme RdvPermis, on constate que 25 % des rendez-vous ne sont toujours pas attribués quarante-huit heures après leur ouverture. En réalité, le délai est généralement assez court pour les personnes qui effectuent leur première inscription aux épreuves du permis de conduire. Le délai communiqué concerne donc, je le répète, le moment qui s'écoule entre le premier échec à l'examen et la seconde inscription.
Le groupe Écologiste – NUPES soutiendra ces amendements. Il y a une légère contradiction entre ce que dit M. le rapporteur et ce que dit Mme la secrétaire d'État : si l'information est disponible, autant la rendre publique sur la plateforme ; si elle ne l'est pas, alors les amendements ne sont pas satisfaits. À mon sens, même un délai moyen constituerait une information utile à diffuser. L'intérêt de la plateforme est précisément de réunir toutes les données existantes sur un sujet, et non de renvoyer les utilisateurs à d'autres sites.
Pardonnez-moi d'avoir été imprécis. Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, l'information sur le délai d'obtention d'une date pour une première présentation à l'examen du permis de conduire n'est pas disponible : son calcul est parasité par le nombre de candidats qui commencent une formation dans une auto-école et qui ne passent jamais l'examen ; il aboutirait donc à un délai extrêmement long, qui ne refléterait pas la réalité.
Le délai dont nous disposons pour les départements, défini par rapport au délai médian de quarante-cinq jours, est celui entre le premier échec à l'examen et le second passage. C'est ce délai qui figure sur le site permisdeconduire.gouv.fr, auquel renverra le troisième alinéa de l'article 1er et la plateforme numérique nationale créée par la proposition de loi. Voilà pourquoi je considère que les deux amendements sont satisfaits.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l'amendement n° 63 .
Il vise à accorder les aides financières présentées sur la plateforme numérique nationale créée pour faciliter le passage et l'obtention du permis de conduire prioritairement aux candidats dont les demandes sont justifiées par un emploi ou un handicap.
Votre idée est bonne, mais nous ne savons pas comment faire remonter les demandes prioritaires pour qu'elles soient traitées au niveau adéquat. En outre, votre proposition comporte un risque de discrimination puisque les personnes handicapées devraient justifier leur handicap afin de bénéficier d'une information labellisée. Je vous invite à retirer l'amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement n° 63 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement n° 54 .
Je l'ai dit, le deuxième alinéa ne vise que les aides de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements. Pour donner à l'article 1er toute son ampleur, je vous propose d'y ajouter un dernier alinéa précisant que les aides peuvent provenir de « toute collectivité ou structure », ce qui inclut les missions locales, Pôle emploi et les aides pour les personnes en situation de handicap.
L'article prévoit la création d'une plateforme numérique nationale informant sur les dispositifs de financement de la formation à la conduite. Outre ce dispositif, je propose que chaque structure publie à la fin de l'année le montant des aides qu'elle aura accordées. Sur la plateforme, tel conseil départemental pourra ainsi rendre publique l'aide qu'il propose et publier, au début de l'année suivante, le nombre précis de demandes qui auront été satisfaites. Pour le législateur et les candidats, cette information constituerait une aide précieuse en matière de décision et de compréhension, et ne pourrait que renforcer la portée de la proposition de loi.
L'amendement n° 54 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 77
Contre 0
L'article 1er , amendé, est adopté.
Depuis la loi Macron, l'épreuve théorique du permis de conduire peut être organisée dans les lycées en dehors du temps scolaire. Face à la lourdeur de la procédure de contractualisation, les établissements peinent à se saisir de cette opportunité. Aussi proposons-nous de la simplifier en prévoyant une contractualisation directe entre le proviseur du lycée et l'organisme de formation, ce qui permettrait de généraliser la préparation et le passage de l'examen théorique du permis de conduire dans les établissements.
Cet amendement de bon sens s'inscrit pleinement dans la démarche développée par la proposition de loi. La mesure que nous proposons augmentera – du moins nous l'espérons – le taux de réussite de l'examen théorique, renforcera l'accès au permis de conduire, en particulier en milieu rural, et permettra aux élèves de bénéficier d'une formation moins coûteuse grâce au nombre élevé des inscriptions. Elle aura par ailleurs un fort attrait pour les établissements, qui bénéficieront de moyens supplémentaires grâce aux recettes provenant de la mise à disposition de leurs locaux.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement n° 20 .
Avec cet amendement déposé à l'initiative de mon collègue Jean-Louis Bricout, qui ne pouvait pas être présent parmi nous cet après-midi, il s'agit de prolonger au lycée l'éducation à la sécurité routière proposée au collège avec les attestations scolaires de sécurité routière de premier et deuxième niveau. Depuis la rentrée 2018, la réforme du lycée permet de nouvelles intégrations en classe de seconde. Jean-Louis Bricout m'a demandé de mentionner l'expérimentation menée dans le cadre du Pacte pour la réussite du territoire de la Sambre-Avesnois-Thiérache, une expérimentation concluante. La période du lycée est placée sous le double sceau de la préparation du baccalauréat et de la construction d'un parcours professionnel. Le présent amendement propose que l'apprentissage du code de la route soit intégré aux parcours pédagogiques.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Ils ont le même objectif : favoriser l'apprentissage du code de la route pendant la période scolaire. L'amendement n° 23 de M. Henriet a l'intérêt de prévoir une contractualisation entre les établissements scolaires et les professionnels de l'enseignement de la conduite, ce qui améliore l'efficacité du dispositif. Rappelons toutefois que M. Bricout était à l'origine de cette idée, qu'il avait défendue dans le cadre de sa proposition de loi relative au passage de l'épreuve théorique du code de la route dans les lycées.
Pour une question rédactionnelle, je formule un avis favorable sur l'amendement n° 23 , dont l'adoption ferait tomber l'amendement n° 20 de M. Bricout.
L'amendement n° 23 prévoit la possibilité d'organiser la préparation à l'épreuve théorique du permis de conduire de manière optionnelle dans les établissements scolaires, alors que l'amendement n° 20 prévoit cette préparation de manière systématique pendant le temps scolaire. Comme M. le rapporteur, je suis favorable au premier et défavorable au second.
Avec cet amendement de repli, notre collègue Jean-Louis Bricout propose que la préparation de l'épreuve théorique du permis de conduire soit autorisée à titre expérimental dans les établissements pendant le temps scolaire, pour une durée de trois ans, en Corse, dans les collectivités d'outre-mer – régies par l'article 73 de la Constitution – et dans dix territoires ruraux métropolitains. Avant une éventuelle généralisation du dispositif, les élus et le Gouvernement pourraient tirer les enseignements de cette expérimentation.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 96 .
Il s'agit d'un sous-amendement de précision. L'examen théorique doit non seulement avoir lieu pendant le temps scolaire, mais il doit se dérouler au sein des établissements scolaires.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Parce que nous venons d'adopter l'amendement n° 23 de M. Henriet, mon avis est défavorable sur cet amendement et ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 96 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 22 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 85 rectifié .
Je l'ai dit lors de la discussion générale, la voiture individuelle est encore trop souvent la seule option pour se déplacer et notre priorité doit être de favoriser la mobilité alternative tournée vers des solutions respectueuses de l'environnement, conformément à l'article L. 1111-3 du code des transports. Selon un récent rapport sénatorial sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2040, des solutions existent, mais elles ne sont pas suffisamment connues. Ce rapport préconise de recenser les offres existantes afin d'encourager la diversification des modes de déplacement. Avec cet amendement, je vous propose de confier à l'État la création et la gestion d'une seconde plateforme numérique nationale destinée à recenser les offres alternatives à la voiture individuelle proposées dans les territoires.
En commission, je vous avais proposé de diffuser ces informations sur la plateforme numérique nationale destinée à présenter les dispositifs de financement de la formation à la conduite. Cette proposition ayant été rejetée, je vous propose donc de créer une seconde plateforme.
Votre amendement porte sur un sujet qui n'est pas directement au cœur de la proposition de loi, laquelle vise à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire.
J'ajoute que certains territoires, l'Ardèche notamment, ne disposent pas de gares ferroviaires et qu'il est difficile de s'y déplacer à vélo : les solutions alternatives à la voiture sont inexistantes, ce qui rendrait votre dispositif inefficace – les jeunes qui rentreraient le numéro de leur département sur cette plateforme le constateraient immédiatement.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à votre amendement.
Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, sans vouloir faire de la publicité pour cette plateforme payante, ce qui vous est proposé ici, c'est la possibilité d'organiser un BlaBlaCar local. Un tel dispositif ne pourrait-il pas être intégré à la plateforme numérique dont vous proposez la création ou alors faire l'objet d'une seconde plateforme ? L'objectif est de mutualiser les véhicules et de permettre à ceux qui n'ont pas les moyens d'en avoir un de partager leurs déplacements dans les territoires qui manquent de transports en commun. Pourquoi ne pas profiter de la plateforme numérique que vous allez créer pour lancer un tel dispositif ?
Nous pourrions en effet le faire, mais nous souhaitons que cette plateforme ait une finalité claire pour les Français qui passent leur permis : elle leur permettra de connaître les aides auxquelles ils ont droit. Si la plateforme multiplie les dispositifs, elle risque de perdre en lisibilité et la proposition de loi, de manquer son objectif. Les utilisateurs seraient noyés sous un trop grand nombre d'informations – l'État est malheureusement coutumier des sites internet aux multiples onglets… Je comprends votre intention, mais je maintiens mon avis défavorable sur l'amendement.
L'amendement n° 85 rectifié n'est pas adopté.
Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
Je l'ai dit lors de la discussion générale, la mobilisation du CPF et son renforcement grâce à la proposition de loi constituent des avancées majeures. Le CPF est alimenté à hauteur de 500 euros par an pour un emploi à temps plein, ce qui, de toute évidence, pose la question des droits à la formation des jeunes de 18 ans qui entrent tout juste dans le monde du travail et de la formation professionnelle. La proposition que j'avais formulée à leur sujet a été déclarée irrecevable, mais je veux toutefois en dire un mot.
Je proposais que tout apprenant âgé de plus de 18 ans ait le droit d'effectuer un ou deux stages d'une durée de huit semaines ; je suggérais également de modifier l'article L. 124-6 du code de l'éducation selon lequel tout stage donne droit à une gratification horaire. Cette gratification pourrait être relevée à 5 euros et exonérée d'impôts et de charges ; en contrepartie, le stagiaire s'engagerait à consacrer la somme ainsi gagnée – 1 400 euros pour huit semaines – à la préparation du permis de conduire dans une auto-école.
Un tel dispositif permettrait aux jeunes d'acquérir une ou deux expériences dans le monde du travail, que ce soit dans une collectivité publique ou dans une entreprise privée. On peut imaginer un entrepreneur demander à l'agent de maîtrise de sa société de prendre son fils en stage pour lui permettre de financer son permis de conduire. Ce dispositif ne créerait pas d'effet d'aubaine et permettrait aux jeunes de gagner une somme d'argent importante sans subir l'effet négatif de quelconques prélèvements. Surtout, il ne serait pas soumis aux contraintes budgétaires des structures et des collectivités, n'aurait aucun coût administratif et ne prendrait pas de temps aux services publics.
Je serais très reconnaissant au Gouvernement s'il voulait bien reconsidérer cette mesure, qui aurait des effets positifs très puissants. Je précise qu'elle a été élaborée avec les sept cents participants des groupes de travail du Pacte Ardennes, signé en mars 2019. Leur réflexion est partie du constat que la moitié des jeunes ardennais qui s'adressent aux missions locales n'ont pas le permis de conduire.
Nous sommes bien loin du temps de Georges Pompidou qui disait : « Les Français aiment la bagnole. »
En effet, sous Emmanuel Macron, c'est un enfer d'être automobiliste ! Compte tenu des prix, des charges, des taxes, du prix de l'essence, du harcèlement des radars fixes ou mobiles – il y aura bientôt des drones au-dessus de chaque voiture –, c'est un enfer. Et c'est aussi un enfer, pour les jeunes de la ruralité, que d'obtenir leur permis de conduire. Car voyez-vous, chers collègues de la majorité, la ruralité, ce n'est pas la note 52 de McKinsey.
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
La ruralité, ce sont des Français, des citoyens français qui aimeraient avoir les mêmes droits et les mêmes chances que tous les autres, et notamment le droit à la mobilité. À Paris, on a le passe Navigo ; mais en milieu rural, ce qui tient lieu de passe ruralité, c'est le permis de conduire ! Le permis de conduire, c'est l'émancipation ; c'est le permis de travailler, de se déplacer, d'aller faire des courses. Je veux bien que l'on développe un plan Vélo, mais allez charger un caddie sur un vélo par temps de pluie, madame la ministre déléguée : il faudrait essayer, ce serait cocasse !
Par conséquent, oui, il faut lutter contre l'exclusion territoriale et permettre notamment aux jeunes de la ruralité d'obtenir plus facilement leur permis, en allant au-delà des déclarations d'intention. Voilà trente voire quarante ans que l'on parle de faciliter le financement et l'obtention du permis de conduire, et qu'avez-vous fait ? À coups de décentralisation, vous avez aggravé l'exclusion territoriale. Alors certes, il y a du bon dans cet article 2 – on ne va pas s'en cacher, il y a un petit peu de bon. Mais nous regrettons qu'il ne comprenne pas, hélas, un dispositif adapté permettant d'aller plus loin, à l'image de celui que nous avions proposé pour permettre l'utilisation du compte personnel de formation des parents, qui pourraient ainsi financer le permis de leurs enfants. C'est un manque que vous avez d'ailleurs évoqué, monsieur le rapporteur. Au-delà des mots et des incantations, nous aimerions disposer une fois pour toutes d'un plan un peu plus volontariste !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
L'article 2 va dans le bon sens – c'est un tout petit pas –, mais il est très insuffisant.
Mme Marie Lebec s'exclame.
En effet, comme l'ont rappelé mes collègues avant moi, passer son permis de conduire n'est pas à la portée de tous, et ne pas en avoir les moyens est un handicap considérable. Quantité de nos jeunes ne peuvent pas le faire ! Dans ma commune, à Yerres dans l'Essonne, nous avions instauré un système de stages qui existe toujours et qui fait écho à ce dont parlait M. Warsmann : quinze jours de travail au sein de la collectivité permettent à un jeune de financer la moitié de son permis de conduire. Nous avons de surcroît établi un partenariat avec toutes les auto-écoles de la commune : elles pratiquent un prix favorable pour ces jeunes qui, en contrepartie d'un travail effectué pour la collectivité, se voient financer la moitié de leur permis. Sur les 400 jeunes que compte à peu près la commune, 120 bénéficient de ce dispositif, et c'est le cas chaque année.
Nous avons donc réussi à organiser un système de stages. Et ce que nous faisons dans notre ville, dans une modeste mesure, nous devrions le généraliser au niveau national : comme l'a très bien dit M. Warsmann, il faudrait que nous puissions organiser et rémunérer de tels stages de manière à constituer une sorte de cagnotte pour chaque jeune – cela pourrait très facilement se faire par voie numérique ; ainsi, leur permis de conduire serait financé. Ce ne serait pas une mesure d'assistanat mais la contrepartie d'un effort fourni par chaque jeune. C'est tout à fait faisable et ce serait bien évidemment beaucoup plus utile que cette micro-loi, qui est peut-être sympathique mais qui ne changera pas grand-chose, malheureusement, pour nos jeunes.
MM. Laurent Jacobelli et Julien Odoul applaudissent.
Je voudrais moi aussi m'exprimer très rapidement sur ce sujet. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Nicolas Dupont-Aignan, même si je le rejoins – ainsi que Jean-Luc Warsmann – sur la nécessité de favoriser et de développer les stages ou la participation des jeunes. Dans ma commune, nous avons instauré un système dans lequel on obtient 700 euros contre un certain nombre d'heures passées à s'investir dans des associations comme les Restos du cœur ou à servir une mission d'intérêt public au nom de la ville. Mais il faut que cela reste une liberté des collectivités locales : je ne pense pas du tout qu'il faille le généraliser dans le cadre d'un fonds national. Sinon, nous n'aurons qu'un nouveau machin de plus, qui sera très complexe à gérer.
Ce n'est pas parce qu'une commune, par exemple la mienne, n'a pas beaucoup de moyens, qu'elle ne peut pas le faire ! C'est un choix politique. Laissons aux acteurs des territoires la possibilité de le faire et peut-être est-ce d'ailleurs l'un des grands intérêts de la plateforme « 1 jeune, 1 permis », monsieur le rapporteur : faisons la promotion de ce type d'initiatives ! Le fait qu'elles puissent se retrouver sur la plateforme…
…permettra de faire passer le message un peu partout et de favoriser leur développement sur le terrain, dans d'autres collectivités qui n'en proposaient pas auparavant. Restons-en à ce principe de bon sens.
Je suis saisi de deux amendements, n° 80 rectifié et 91 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 80 rectifié fait l'objet de deux sous-amendements, n° 95 rectifié et 97 rectifié .
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels, pour soutenir l'amendement n° 80 rectifié .
Il vise à appuyer l'objectif du rapporteur, qui est de favoriser l'insertion professionnelle des actifs, et en particulier des jeunes, en élargissant le financement du CPF à l'ensemble des catégories de permis de conduire ; les dispositions prévues par la proposition de loi permettront ainsi aux jeunes, notamment, d'accéder plus facilement au permis moto.
L'objectif, c'est évidemment d'accompagner l'insertion dans l'emploi ; or on sait à quel point les questions de mobilité, et en l'espèce le fait de ne pas avoir de permis de conduire, quel que soit d'ailleurs le type de véhicule concerné, peuvent constituer un frein à l'insertion professionnelle. Le permis de conduire est donc un levier d'insertion dans l'emploi. Il tient une place plus que centrale dans le compte personnel de formation : c'est la formation la plus mobilisée dans le cadre du CPF, qui finance près du tiers des permis délivrés en France. Selon une étude récente de la Dares, 41 % des usagers du CPF l'ayant mobilisé à cet effet reconnaissent que le permis de conduire les a aidés à trouver un emploi.
Comme vous le savez, l'ensemble des questions relatives au champ de la formation professionnelle nécessitent une consultation des partenaires sociaux, et le CPF, bien entendu, en fait partie. Le présent amendement propose donc que les dispositions prévues à l'article 2 soient précisées par décret, ce qui permettra de mettre en œuvre une telle consultation. Ce décret précisera également les conditions d'éligibilité au dispositif ; par exemple, il faudra s'assurer que les personnes qui font l'objet d'une suspension ou d'un retrait de permis de conduire ne pourront pas mobiliser le CPF en ce sens. Afin de rendre possible ces vérifications sur la situation du titulaire, le Gouvernement présentera un peu plus tard dans la discussion un second amendement qui permettra à la Caisse des dépôts d'accéder au fichier national des permis de conduire.
L'amendement vise donc surtout à permettre et à accompagner le dialogue social, afin de préciser ensuite les conditions d'éligibilité s'appliquant au dispositif.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 95 rectifié .
C'est un sous-amendement de précision. J'en profite pour donner mes avis : favorable à l'amendement du Gouvernement sous-amendé par mes soins, mais défavorable au sous-amendement à venir de M. Cinieri et à l'amendement de M. Da Silva – que je n'aperçois pas dans l'hémicycle.
Je me permets par ailleurs de répondre aux remarques qui ont été faites sur l'article 2. D'abord, je remercie M. Dupont-Aignan pour son hommage : reconnaître un petit pas, sachant d'où vous venez et d'où je viens, je considère que c'est une grande avancée et je le prends comme un compliment.
Ensuite, j'ai entendu l'ode de M. Odoul – si je peux le dire ainsi – à la ruralité : je me dis que de la part d'un Parisien, c'est plutôt bien ! Vous êtes né à Paris, moi à Bressuire ;…
…j'habitais à des dizaines de kilomètres d'une grande ville et j'ai passé un permis A1 à 16 ans pour pouvoir me déplacer. J'aurais bien aimé bénéficier d'aides publiques pour cela, parce que j'ai supporté ce coût tout seul, grâce aux travaux d'été que j'ai effectués.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je me dis aussi que de la part d'un ancien membre du Nouveau Centre puis de l'UDI – Union des démocrates et indépendants –, c'est une injure faite à Jacques Chirac, qui a développé les radars automatiques sous son gouvernement, que de déplorer aujourd'hui leur existence ; ils participent au renforcement de la sécurité routière et à la protection des usagers en réduisant la vitesse sur nos routes, responsable de tant de morts. Cette proposition de loi touche juste, par de nombreux aspects ,
« Il a raison ! » sur les bancs du groupe RE
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 97 rectifié .
Il y a urgence à aider nos concitoyens qui ont besoin du permis de conduire pour trouver un emploi ou pour suivre une formation – cela a déjà été dit. Le présent sous-amendement vise donc à faire entrer en vigueur les dispositions prévues à l'article 2 au plus tard le 1er juillet 2023.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement n° 91 .
J'ai la chance de pouvoir présenter l'amendement de notre collègue Dominique Da Silva, que nous sommes plusieurs à avoir cosigné. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. le rapporteur ainsi que ceux de Mme la ministre déléguée, mais notre amendement vise à prévoir une entrée en vigueur différée des dispositions de l'article 2, « au plus tard le 1er janvier 2024 », et à préciser par décret la nature de ces dispositions. Comme cela a déjà été dit, il nous semble essentiel de nous assurer que l'extension du CPF à toutes les catégories de permis de conduire se fasse au mieux ; et pour cela, il faut donner un petit peu de temps au temps. Il faut laisser du temps d'une part au dialogue social et à la consultation des partenaires sociaux – organisations syndicales et patronales –, et d'autre part à la Caisse des dépôts pour élaborer les développements techniques permettant d'intégrer toutes les catégories de permis de conduire. C'est la raison d'être de cet amendement de bon sens.
M. le rapporteur a déjà donné ses avis sur les différents amendements et sous-amendements.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements à son propre amendement et à l'amendement n° 91 ?
Je suis favorable au sous-amendement n° 95 rectifié , mais défavorable au sous-amendement n° 97 rectifié ainsi qu'à l'amendement n° 91 .
Le sous-amendement n° 95 rectifié est adopté ; en conséquence, le sous-amendement n° 97 rectifié tombe.
L'amendement n° 80 rectifié , sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l'amendement n° 91 tombe.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 83
Contre 0
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l'amendement n° 81 portant article additionnel après l'article 2.
Il vise à permettre l'échange de données entre la Caisse des dépôts, opérateur qui gère le compte personnel de formation, et le fichier national des permis de conduire, encore une fois pour permettre de vérifier la capacité des individus à passer un permis de conduire, en évitant qu'une personne engage une formation en ce sens alors qu'elle a fait l'objet d'une suspension ou d'un retrait de permis.
L'amendement n° 81 , accepté par la commission, est adopté.
Je voudrais simplement que vous m'apportiez une précision, madame la ministre déléguée, car si j'ai échangé avec le rapporteur à ce propos, je ne connais pas la position du Gouvernement. J'aurais tendance à proposer de rendre possible toute prise d'initiative visant à recruter les examinateurs autorisés à faire passer l'épreuve pratique du permis de conduire dans un vivier encore plus large, en puisant parmi les fonctionnaires volontaires retraités de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie. Est-ce déjà possible dans le droit actuel, ou pas ? Je me permets de vous poser la question car j'avoue qu'à ce stade du débat, je n'ai pas encore les idées claires sur ce point. Quoi qu'il en soit, je vous remercie par avance de la réponse que vous m'apporterez.
Le présent article a pour objectif de recruter davantage d'agents publics ou de contractuels pour remplacer les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière, afin de pallier l'actuelle carence en la matière. J'aurai le plaisir de défendre un amendement portant article additionnel après l'article 3, l'amendement n° 30 , qui vise à prévoir un décret permettant de préciser les conditions exactes dans lesquelles l'ASSR sera exigée pour les personnes de moins de 21 ans. Mais à l'inverse, je déplore de ne pas pouvoir défendre deux amendements qui portaient également article additionnel après l'article 3 et qui me semblaient pourtant essentiels.
Le premier visait à introduire l'objectif de lutte contre la fraude parmi les prérogatives du contrôle de l'administration, en réponse à l'augmentation des cas de fraude à l'examen théorique du permis de conduire au sein des organismes agréés.
Le deuxième proposait aux examinateurs des centres organisant l'épreuve théorique du permis de conduire, régulièrement agressés physiquement ou verbalement par des candidats, de bénéficier d'une protection identique à celle applicable aux IPCSR, afin de prévenir ces agressions.
Ces deux amendements ont été considérés comme n'ayant pas de rapport avec le texte, alors qu'ils concernaient pourtant les opérations de fraude et le passage de l'examen théorique.
L'article 3 vise à augmenter le nombre de personnes aptes à faire passer le permis de conduire, car nombre de nos concitoyens, en particulier dans les zones rurales, ont du mal à obtenir une date pour passer cet examen. Ces difficultés s'expliquent par les grèves récurrentes des IPCSR, mais aussi par la faiblesse des effectifs de ces inspecteurs, dont le nombre ne va pas augmenter suffisamment : l'arrêté du 27 septembre 2022 prévoit 67 postes à pourvoir, par concours ou en postes réservés, étant précisé qu'il y a actuellement un peu plus de 1 300 inspecteurs en activité.
En 2021, 1,4 million de candidats se sont présentés à l'examen du permis B, soit 15 % de plus que l'année précédente, et leur taux de réussite a été de 58,4 %. Face à cette augmentation de 15 % des demandes pour le seul permis B, l'État propose d'ouvrir seulement 4 % de postes supplémentaires. Selon les données du ministère de l'intérieur et des outre-mer et de la sécurité routière, la charge moyenne annuelle d'un examinateur et de 1 378 candidats.
Le groupe Rassemblement national – à l'instar des candidats qui attendent parfois plusieurs mois pour se présenter à l'épreuve – est bien sûr favorable à l'arrivée de contractuels. Toutefois, la rédaction de cet article n'est pas satisfaisante en l'état et mériterait des précisions sur la formation et l'exemplarité des agents auxquels il pourrait être faire appel.
Les agents publics ou contractuels recrutés ne doivent pas ouvrir la route à des individus dont le danger aurait été relevé par des inspecteurs mieux formés et plus expérimentés. Puisqu'il y aura plus d'examinateurs, ne conviendrait-il d'ailleurs pas de procéder aussi, au cours de l'examen, à une vérification de la parfaite lecture et compréhension de la langue française – cette maîtrise n'étant pas toujours avérée actuellement ? La langue française est en effet utilisée pour la rédaction des indications des panneaux de signalisation et de direction.
Le nombre de demandes de passage du permis ne doit pas réduire la qualité de cet examen. L'objectif est l'amélioration de la sécurité routière. L'augmentation nécessaire du nombre d'examinateurs…
…ne doit pas provoquer une baisse des compétences des nouveaux conducteurs. Il y va de la sécurité de tous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Les députés du groupe Les Républicains voteront évidemment pour cet article, car si le coût du permis de conduire est le premier obstacle à son obtention, les délais d'inscription sont le deuxième, qui se dresse dès le moment de l'inscription aux cours. Si j'insiste sur ce point à ce stade de nos débats, c'est parce qu'il est le grand impensé de cette proposition de loi.
Pour passer le permis de conduire, il faut des examinateurs, mais aussi des enseignants de la conduite. Il faut donc raccourcir les délais pour passer et repasser l'examen du permis de conduire. À titre d'exemple, dans mon département du Rhône, il faut attendre plus de quatre-vingts jours pour pouvoir se présenter une nouvelle fois en cas d'échec – c'est beaucoup trop, nous en sommes sûrement tous convaincus.
En réalité, le parcours du combattant de nos jeunes commence bien avant l'examen, dès l'inscription. Dans le Rhône, par exemple, les apprenants doivent attendre deux à trois mois avant de pouvoir démarrer leur période d'apprentissage. Ils se heurtent ainsi à un double délai. C'est pourquoi il faut développer massivement l'offre de formation à la conduite et soutenir le métier d'enseignant de la conduite lui-même. Je le répète, c'est vraiment le grand impensé de ce texte : la France compterait 12 000 postes à pourvoir pour 25 000 enseignants actifs, ce qui représente un déficit immense.
La France doit se doter d'un plan d'accélération à marche rapide de la formation des enseignants de la conduite en engageant 10 millions d'euros par an sur cinq ans sous forme d'appels à projets. C'est la proposition que nous faisons au Gouvernement et à la majorité pour confier aux régions les moyens de soutenir directement nos jeunes sur les territoires.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 86 , tendant à la suppression de l'article.
Le principe même du recrutement d'agents à la place des inspecteurs était déjà discutable en 2015, mais il restait au moins conditionné à l'impératif de réduction des délais de passage du permis de conduire – objectif que nous partageons.
En supprimant ce critère, l'article 3 fait disparaître la seule justification valable de l'existence de ce dispositif de remplacement. C'est une logique déjà pratiquée dans d'autres secteurs essentiels tels que la santé, la recherche ou l'éducation ; nous n'y adhérons pas, à moins qu'elle ne soit circonscrite et limitée dans le temps.
Vous avez cité la proportion existante de contractuels et de fonctionnaires, ce qui ne présume en rien des chiffres à venir. Nous proposons donc la suppression de l'article, et nous serons favorables à tout ce qui viendra limiter la portée de ce recours aux contractuels.
C'est un avis défavorable. Les candidats – agents publics ou contractuels – qui veulent devenir inspecteurs ou examinateurs – d'ailleurs principalement examinateurs – doivent répondre à des conditions classiques déjà établies par le décret du 29 octobre 2015 sur la formation dans un organisme agréé pour les enseignements relatifs au permis B. C'est déjà le cas pour toute une partie des IPCSR que nous allons recruter au titre de la Lopmi.
Comme je l'ai assuré aux représentants des inspecteurs, que j'ai reçus dans le cadre des auditions préparatoires à cette proposition de loi, nous n'avons aucune volonté d'externaliser ce service. Ce n'est pas souhaitable et ce n'est pas notre intention. Il s'agit de pouvoir recruter un nombre d'inspecteurs supplémentaires durant le temps nécessaire pour surmonter les difficultés résultant de l'absence de places à l'examen du permis de conduire.
Voilà l'argumentaire que je peux vous donner à l'appui de mon avis défavorable, sans trop d'espoir de vous convaincre.
Même avis. Même si l'on ne compte que 46 contractuels pour 1 226 fonctionnaires, comme l'a rappelé le rapporteur, leur présence a permis de fluidifier le passage du permis. Rappelons que les contractuels ne font passer que le permis B, alors que les inspecteurs font passer tous les permis et contrôlent aussi les organismes agréés. Et en ce qui concerne le permis B, les contractuels et les inspecteurs ont la même formation.
Le Gouvernement veut cependant limiter le recours à des contractuels, raison pour laquelle vous avez voté, dans le cadre de la Lopmi, une mesure permettant le recrutement de 100 nouveaux inspecteurs sur quatre ans, dont trente vont commencer leur formation en octobre ou en novembre et entrer en fonction dans la foulée.
Nous voulons privilégier les fonctionnaires sans toutefois nous priver de recourir à des contractuels quand la réduction des délais de passage du permis de conduire, qui est une question essentielle, le nécessite. La proportion de 46 contractuels pour 1 220 inspecteurs montre qu'il est possible d'atteindre l'objectif recherché sans mettre le système en danger.
On pourrait comprendre le recours à des contractuels en période de tension, cette main-d'œuvre venant suppléer le manque de personnel. Admettons aussi que les contractuels aient reçu la même formation que les titulaires effectuant cette tâche. Mais qu'en est-il des rémunérations ?
L'exemple de l'éducation nationale n'est pas pour nous rassurer. Les contractuels qui effectuent des remplacements ont bien souvent le même niveau de qualification et les mêmes diplômes que les titulaires, mais leurs rémunérations sont bien inférieures.
Voilà ce qui nous dérange. Nous souhaitons donc que l'appel à contractuels disparaisse à moins que ceux-ci ne soient rémunérés comme les personnels qu'ils suppléent.
L'amendement n° 86 n'est pas adopté.
Nous souhaitons supprimer la possibilité de recourir à des agents contractuels pour les raisons que vient d'exposer mon collègue. Cet article soulève aussi de nombreuses questions. Quels départements sont considérés comme n'étant pas en tension ? Dispose-t-on de chiffres nous permettant de justifier une telle mesure ?
Dans un autre ordre de gravité, on peut aussi s'interroger sur les compétences et la formation de ces agents contractuels qui remplaceraient les inspecteurs. Quelle formation reçoivent-ils ? Comme dans de nombreux autres cas, ce genre de disposition met à mal des métiers remplissant une fonction de service public – en l'espèce, celui des inspecteurs se trouve dégradé du fait que l'on rend possible son accès à des contractuels précarisés et insuffisamment formés. Nous tenons beaucoup à ce que le passage du permis reste encadré par des agents publics spécialisés.
Tout d'abord, je signale que ce genre de disposition existe déjà : l'application de l'article L. 221-5 du code de la route a permis de recruter des agents contractuels issus de La Poste. Sur 100 examinateurs, 38 ont intégré le corps des inspecteurs. En ce qui concerne la formation, je vous ai déjà indiqué qu'ils recevaient la même que les IPCSR, raison pour laquelle je pense que ces agents sont tout à fait capables de remplir leur mission.
Vous avez fait référence aux professeurs contractuels, mais je vous signale que les recrutements effectués dans la justice afin de faire face au surcroît de travail ont produit l'effet qu'on en attendait et sont salués régulièrement dans les tribunaux. Sans être optimale, c'est une solution parmi d'autres pour faire face au surcroît de travail. Avis défavorable.
L'amendement n° 43 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 3, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l'amendement n° 17 .
Mesdames et messieurs les députés, lorsque votre robinet fuit, appelez-vous un chirurgien-dentiste ? Lorsque votre voiture est en panne, allez-vous la faire réparer chez un boulanger ? Lorsque vous avez besoin de vous faire opérer, allez-vous voir un expert-comptable ?
Mes propos sont absurdes, me direz-vous.
« Oui ! sur quelques bancs du groupe RN.
Eh bien, je vous répondrai que cet article 3, en l'état, l'est tout autant. En effet, afin de réduire le temps d'obtention d'une date pour le passage de l'examen du permis de conduire – mesure réellement nécessaire, j'en conviens –, cette proposition de loi autorise l'autorité administrative à recourir à des agents publics ou contractuels comme examinateurs. Ce dispositif permet d'élargir le vivier des personnes susceptibles de faire passer l'examen du permis de conduire, tout en raccourcissant les délais de passage, bien souvent trop longs.
L'idée est bonne, mais nous avons un problème. Qui sont ces agents publics ou contractuels ?
Ont-ils des compétences particulières leur permettant de juger de la capacité des élèves au permis de conduire ?
Cet article ne le précise pas alors que, nous en sommes tous d'accord, une attention particulière doit être portée à la compétence de ces agents : il est fondamental de maintenir un certain niveau d'exigence, de compétences et de rigueur pour l'obtention du permis de conduire.
C'est pourquoi cet amendement vise à introduire la mention d'une formation spéciale de ces agents, afin qu'ils soient en mesure d'apprécier de façon adaptée le niveau de conduite des candidats.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Lors de nos travaux en commission, j'ai répondu que votre amendement était satisfait par au moins deux dispositions : l'article L. 221-5 du code de la route, portant sur les conditions de formation, d'impartialité et d'incompatibilité des fonctions que remplissent les agents, ainsi que sur la durée pour laquelle l'habilitation est délivrée ; l'article 3 du décret du 29 octobre 2015, qui prévoit aussi des obligations en matière de formation initiale et continue des agents affectés à ce corps. Avis défavorable.
L'amendement n° 17 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 87 .
C'est un amendement de repli. Le choix de remplacer les inspecteurs par des agents ne peut se faire sans qu'il y ait, à tout le moins, un alignement de leurs conditions de formation – et de rémunération, comme l'a dit mon collègue Jean-François Coulomme – sur celles dispensées à ces inspecteurs.
Je rappelle que les inspecteurs sont des agents de catégorie B, recrutés par concours. À la suite de leur admission, ils bénéficient d'un apprentissage de qualité au sein de l'Institut national de sécurité routière et de recherches (INSERR). Ils doivent également suivre des périodes de mise en situation. Cette formation est bien plus exigeante que celle dispensée aux agents, organisée par le décret du 29 octobre 2015, l'un des décrets d'application de la loi dite Macron. Aucune période d'alternance n'est prévue, alors même qu'elle est indispensable à l'exercice de leurs futures missions d'examinateurs. En cas d'échec aux épreuves de qualification, le recrutement a tout de même lieu, après une formation complémentaire d'une durée maximale de deux semaines.
S'il s'agit bien d'une formation, celle-ci n'est pas du même niveau que celle dispensée aux inspecteurs. Aligner les conditions de formation des agents sur celles des inspecteurs serait la moindre des choses.
L'amendement n° 87 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 81
Contre 5
L'article 3 est adopté.
Le premier alinéa de l'article L. 211-2 du code de la route prévoit que les modalités de l'examen pratique et théorique du permis de conduire seront fixées par décret. Compte tenu de l'augmentation exponentielle du nombre d'accidents dont les jeunes conducteurs sont victimes du fait de la consommation d'alcool et de stupéfiants, il est indispensable d'inscrire dans la loi le principe d'un enseignement dédié aux risques qu'ils courent. En effet, le cocktail drogue et alcool multiplie par vingt-neuf le risque d'avoir un accident mortel. Aussi, n'est-il pas nécessaire de rééquilibrer le contenu de l'épreuve théorique pour tenir compte de cette lutte prioritaire ?
Tout à l'heure, je suggérais de valoriser l'action de la prévention routière. Il pourrait être utile de faire apparaître, sur la plateforme numérique nationale d'information, un lien dirigeant vers le site de la prévention routière.
Pour ce qui est des risques liés à la consommation d'alcool et de stupéfiants, l'examen du code comporte de nombreux modules dédiés à cette problématique, qui ont d'ailleurs été renforcés depuis plusieurs années. Votre amendement étant satisfait, je vous invite par conséquent à le retirer.
Même avis. Un travail est mené par les services du ministère de l'intérieur et des outre-mer, afin d'améliorer les modules de la formation relatifs à la consommation d'alcool et de stupéfiants.
L'amendement n° 41 est retiré.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement n° 72 .
Il vise à prévoir que le collège de déontologie institué auprès du ministère de l'intérieur et des outre-mer en application de la Lopmi assure le respect des exigences déontologiques mentionnées à l'article L. 221-8 du code de la route, à savoir les garanties d'honorabilité, de compétence, d'impartialité et d'indépendance à l'égard des personnes délivrant ou commercialisant des prestations d'enseignement de la conduite.
Le collège pourrait ainsi aider les intéressés dans l'exercice de leurs missions et assurer le respect de ces garanties déontologiques. Il est essentiel de renforcer le sens et l'importance des règles d'éthique qui s'appliquent à la profession d'examinateur.
Le collège de déontologie n'a pas encore été créé. Votre amendement relève davantage des mesures réglementaires qui s'appliqueraient à tous les agents du ministère de l'intérieur et des outre-mer. Je vous invite à solliciter l'avis de la secrétaire d'État. Si elle vous indique que tel est le cas, je vous inviterai à retirer votre amendement.
Je vous confirme que des travaux sont en cours pour élaborer un dispositif réglementaire, visant notamment à instaurer le collège de déontologie.
L'amendement n° 72 est retiré.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à prévoir l'élaboration d'une charte de déontologie, destinée à garantir que les examinateurs du permis de conduire respectent les garanties d'honorabilité, de compétence, d'impartialité et d'indépendance mentionnées à l'article L. 221-8 du code de la route.
Ces exigences ne doivent pas seulement être mentionnées, mais aussi être détaillées dans un texte adapté précisant toutes les conditions garantissant leur respect.
Cet amendement a été déposé à l'initiative de notre collègue Cécile Untermaier, qui est très attachée aux questions de déontologie et au travail effectué par les déontologues dans toutes les branches du droit et dans nos institutions. Le groupe Socialistes et apparentés estime intéressant que la déontologie irrigue toutes les branches de notre droit, y compris le code de la route.
La parole est à M. Roger Chudeau, pour soutenir le sous-amendement n° 98 .
Nous sommes parfaitement d'accord avec l'amendement n° 31 , déposé par nos collègues socialistes, qui vise à prévoir l'élaboration d'une charte de déontologie assurant le respect des garanties d'honorabilité, de compétence, d'impartialité et l'atteinte à l'indépendance. Nous souhaitons simplement ajouter les mots « de laïcité » après le mot « impartialité ».
J'avais promis à ma collègue Cécile Untermaier de regarder avec attention son amendement. J'ai donc vérifié : il existe deux articles du code de la route. Le premier, l'article L. 221-5, prévoit que « les conditions de formation, d'impartialité et d'incompatibilité de fonctions que remplissent ces agents, ainsi que la durée pour laquelle cette habilitation est délivrée, sont définies par décret. » En vertu du second article, le L. 221-8, « les épreuves du permis de conduire sont supervisées par un examinateur présentant des garanties d'honorabilité, de compétence, d'impartialité et d'indépendance à l'égard des personnes délivrant ou commercialisant des prestations d'enseignement de la conduite. » Le but est vraiment de distinguer les personnes qui commercialisent la formation de celles qui vérifient ou attestent de la compétence.
D'autres mesures réglementaires prévoient notamment l'incompatibilité des missions des agents publics habilités à faire passer les épreuves du permis de conduire avec l'enseignement, ou encore l'inscription dans un registre national des mesures affectant la validité des agréments des contrôleurs – en clair, la personne ne doit pas avoir été arrêtée pour excès de vitesse ou avoir fait l'objet d'un contrôle révélant un taux d'alcool dans le sang supérieur au seuil réglementaire.
L'amendement est donc satisfait, tout comme l'est également le sous-amendement. En effet, le principe de laïcité s'appliquant à tous les agents publics, aucun ne devrait pouvoir y déroger. Ce principe a d'ailleurs été renforcé par la loi confortant le respect des principes de la République – loi CRPR. Nous débattrons du bilan de cette loi lors de la semaine de contrôle, qui aura lieu à partir du 3 avril prochain.
Même avis. En complément des propos du rapporteur sur l'amendement de Mme Diaz et de M. Chudeau, dans le cadre de l'application de la loi CRPR, je précise que nous avons engagé la formation des 5 millions de fonctionnaires – qui comprennent notamment les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière –, avec un objectif de 100 % de fonctionnaires formés d'ici à 2025. Par ailleurs, 2 000 référents laïcité ont été déployés.
Le sous-amendement n° 98 n'est pas adopté.
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
Il vise à redéfinir le cadre d'exigence de l'ASR (attestation de sécurité routière), exigée pour les jeunes adultes de moins de 21 ans qui n'ont pas obtenu leur ASSR2 (attestation scolaire de sécurité routière de deuxième niveau) à 15 ans ou 16 ans. Les enfants non scolarisés en France à cet âge sont notamment concernés. En effet, en vertu de l'article R. 221-5 du code de la route, ils doivent passer un examen pour obtenir cette attestation.
Comme ils sont très peu nombreux à devoir le passer, très peu de sessions sont organisées, et ils doivent parfois attendre de longs mois – parfois une année – pour obtenir une date d'examen, alors qu'ils ont parfois déjà obtenu leur code de la route et réussi l'épreuve pratique.
Ils peuvent conduire avec le certificat provisoire d'examen pendant quatre mois, puis ne peuvent plus conduire en attendant d'obtenir une date pour passer un examen théorique de sécurité routière, moins compliqué que le code qu'ils ont déjà obtenu.
Madame la secrétaire d'État, je vous encourage à modifier le décret qui précise ces conditions, afin de maintenir la sensibilisation à la sécurité routière organisée dans les établissements scolaires pour les jeunes de 15 ans ou 16 ans, grâce à l'organisation des épreuves de l'ASSR2, mais sans bloquer ceux qui ne sont pas scolarisés.
L'amendement n° 30 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement n° 55 .
D'abord, je remercie Mme la secrétaire d'État pour la réponse qu'elle m'a transmise. Monsieur le rapporteur, j'espère que vous ne réclamerez pas de droits d'auteur si je reprends la phrase que vous avez prononcée tout à l'heure. En effet, vous avez dit que la rédaction pouvait être considérée à la frontière entre le niveau législatif et le niveau réglementaire.
D'une part, cet amendement vise à inscrire dans la loi que l'objectif dans chaque territoire est d'atteindre le délai moyen de quinze jours entre l'inscription à la préparation à l'examen du permis de conduire et la date de l'épreuve. Sans vouloir m'étendre sur mon activité professionnelle précédente, je dirai qu'il n'est pas très compliqué de gérer un stock. Il suffit de s'en donner les moyens, par exemple en employant des contractuels afin de réduire le délai à quinze jours, et ensuite de s'y tenir. Il serait heureux que le législateur inscrive cet objectif dans la loi. En effet, chacun a bien conscience du coût du nombre d'heures de conduite que les personnes qui attendent trois, quatre ou cinq semaines, doivent payer pour rester à niveau.
D'autre part, cet amendement vise à donner la possibilité aux candidats, lorsque ce délai est dépassé, de passer l'examen pratique du permis de conduire dans un territoire voisin dans lequel le délai est inférieur. Il s'agit de mutualiser l'effort et de réduire les inégalités entre les territoires où les candidats sont inscrits à l'épreuve.
Cet amendement est en partie satisfait, car vous pouvez vous connecter à la plateforme RdvPermis et faire votre marché parmi les rendez-vous proposés dans les différents départements. Par ailleurs, je ne sais pas si votre amendement précise que l'objectif de quinze jours s'applique à la première présentation de l'examen ou à la deuxième, mais en tout état de cause, seul le délai entre deux présentations est pris en considération. Compte tenu de ces deux éléments, je vous invite à retirer votre amendement.
Je suis très content que le principe de présenter l'examen dans un autre département soit acté, car c'est un mode de régulation. Je visais bien le délai entre les deux présentations. Je le répète : l'objectif est d'atteindre le délai quinze jours. Mais dans une démarche constructive, je retire cet amendement.
L'amendement n° 55 est retiré.
L'amendement n° 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 42 .
Cet amendement vise à faire de l'enseignement théorique et pratique du permis de conduire un service public gratuit. En effet, de nombreux jeunes se trouvent dans l'impossibilité d'accepter certains emplois, qui nécessitent de se déplacer sur de grandes distances ou dans des territoires qui ne sont pas couverts par le service public de transport de voyageurs. Il serait cohérent que le Gouvernement fasse un geste en leur faveur, afin de faciliter l'obtention d'un diplôme et d'un savoir-faire dont le coût s'élève à quasiment deux fois le Smic – il y a vingt ans, le coût du permis de conduire était de 1 200 euros, alors qu'il s'élève aujourd'hui à 2 000 euros.
Nous avons évalué le nombre de jeunes – et de moins jeunes – ayant vocation à passer le permis de conduire à environ 1 million de personnes par an. Or c'est également le nombre escompté de jeunes qui participeraient au SNU, dont le budget de 2 milliards est, rappelons-le, équivalent au coût de la présentation du permis par tous ces jeunes. Or ce fameux SNU, qui dure quinze jours, ne sert guère qu'à apprendre aux jeunes hommes à sauter comme des kangourous, d'après les vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
Dès lors, nous proposons tout simplement de faire preuve du même engagement à l'égard de ces jeunes qui ont besoin de passer le permis de conduire, lequel leur sera beaucoup plus utile que les quelques apprentissages qui leur seront dispensés pendant les quinze jours de SNU, pour le même budget.
Je reconnais là votre ambition, monsieur Coulomme : il faudrait nationaliser 12 700 auto-écoles ! Outre qu'elle est ambitieuse, cette mesure serait très coûteuse. Nous avons préféré en rabattre un peu en proposant une disposition directement applicable, sous la forme d'un reste à charge le moins élevé possible pour les familles, à défaut d'être nul. Avis défavorable.
Même avis que le rapporteur.
Pour rappel, la proposition est ancienne puisqu'elle a déjà été faite en 1990 par un certain Jean-Luc Mélenchon. Hélas, le constat reste le même. Mais peut-être serez-vous plus sensibles aux arguments suivants.
Il se trouve que près d'un tiers des personnes détenues dans nos maisons d'arrêt le sont pour des délits routiers, dont un tiers pour défaut de permis de conduire. La mesure que nous proposons permettrait donc de résoudre simultanément le problème de la surpopulation carcérale et, dans une moindre mesure, celui de la délinquance, tout en permettant à tous nos jeunes d'obtenir un diplôme supplémentaire.
Les chiffres que vous citez me paraissent d'autant plus fantaisistes que les peines prévues pour les délinquants routiers sont, en raison de l'application du « bloc peines », souvent inférieures à un an, et donc presque toutes aménagées – au grand dam, du reste, d'une partie de notre assemblée. Quoi qu'il en soit, nous allons vérifier ces chiffres, qui m'étonnent beaucoup.
L'amendement n° 42 n'est pas adopté.
En 2019, selon le dernier bilan du ministère de l'intérieur, 726 000 jeunes de moins de 30 ans ont pu obtenir leur permis de conduire, contre 766 000 en 2017. Cette baisse est signalée depuis 2015 par le secteur des écoles de conduite. De fait, faute de moyens suffisants, de nombreux jeunes doivent choisir entre le financement de leurs études et celui de leur permis de conduire. Cette réalité est loin d'être isolée, puisque 13 % des jeunes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre beau pays.
Il convient surtout de prendre en compte la fracture qui existe entre les jeunes qui habitent une grande ville et ceux qui vivent à la campagne. Si la voiture peut apparaître aux premiers comme inutile dans une ville qui compte des réseaux de métros et de bus, voire des vélos en libre-service, les seconds n'ont pas d'autre choix que d'être motorisés pour aller travailler.
Aussi cet amendement vise-t-il à dresser un bilan des disparités qui existent entre milieu urbain et milieu rural concernant le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire.
Sur ce point, trois documents peuvent nous éclairer : le rapport que notre ancienne collègue Françoise Dumas a consacré à la question du permis de conduire en 2019, les rapports annuels sur le permis de conduire de la délégation à la sécurité routière et une note de l'Institut Montaigne – dont beaucoup d'entre vous se sont inspirés pour rédiger leurs amendements –, intitulée « Du permis à l'emploi : roulez jeunesse » et publiée en mai 2022.
Compte tenu de l'importante littérature, en partie très récente, dont nous disposons sur le sujet, je considère que l'amendement est satisfait. Défavorable.
L'amendement n° 12 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
En 2021, selon les chiffres du ministère de l'intérieur, un différentiel de 8,1 points subsiste entre le taux de réussite à l'examen pratique du permis de conduire des femmes et celui des hommes. Cet écart, s'il semble se réduire chaque année, demeure important.
Or les données dont nous disposons sont trop imprécises. Qu'en est-il, par exemple, du respect de la parité dans les effectifs d'examinatrices et d'examinateurs ? Qu'en est-il de l'effet qu'a sur la réussite le fait d'être jugé par un examinateur ou une examinatrice selon qu'on est un homme ou une femme ? Un rapport annuel permettrait de dresser un état des lieux en la matière et de lutter contre les préjugés sexistes.
Le permis de conduire reste en effet un outil indispensable pour assurer l'égalité entre les femmes et les hommes, car il permet d'accéder à la mobilité, donc à la liberté, puis au travail ; il est essentiel à l'émancipation des femmes, notamment.
Un état des lieux annuel de la situation offrirait une grille de lecture pertinente pour lutter efficacement contre l'écart de réussite entre les femmes et les hommes à cet examen. Ce rapport devra explorer les moyens de lutter contre les inégalités de salaires entre examinatrices et examinateurs et établir le taux d'emploi féminin du secteur afin de combattre les préjugés de genre.
Le Gouvernement est particulièrement attentif à cette question. Le taux de réussite à l'examen du permis de conduire est, vous l'avez dit, de 60 % pour les hommes et de 52 % pour les femmes. On constate, par ailleurs, une surmortalité des hommes sur la route : 90 % des 18-24 ans et 80 % des personnes, tous âges confondus, qui meurent dans un accident de la route sont des hommes. La question doit donc clairement être étudiée.
Quant au respect de la parité dans les effectifs d'examinateurs, peut-être sous-entendez-vous que, si les inspectrices étaient plus nombreuses, la réussite des femmes à l'examen serait différente.
En tout cas, les chiffres ne montrent aucune influence du genre de l'examinateur sur la réussite au permis de conduire ou sur la surmortalité routière. Je ne crois donc pas qu'il faille explorer cette piste.
Toutefois, le Gouvernement mène une réflexion sur l'écart important qui existe entre les hommes et les femmes dans ces domaines. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 32 est adopté.
Cet amendement vise à hâter la création, en France, sur le modèle du permis de conduire belge, d'un permis probatoire qui permettrait aux apprentis conducteurs de prendre le volant seuls, sans accompagnateur ni moniteur d'auto-école, avant d'avoir décroché le permis de conduire définitif. Il s'agit de répondre ainsi en partie aux problèmes récurrents des délais de passage de l'examen du permis de conduire.
Certes, cette innovation, annoncée par le ministre de l'intérieur, M. Gérald Darmanin, n'est encore qu'à l'état de piste de réflexion. Mais on pourrait, par exemple, être autorisé à conduire en semaine, en journée, et pas le week-end, si l'on a prouvé avoir un niveau de maîtrise suffisant de la conduite, à l'instar de ce qui existe déjà chez nos voisins belges.
C'est une question importante qui, à ma connaissance, fait actuellement l'objet de travaux au ministère de l'intérieur. Une telle mesure doit, par ailleurs, être précédée d'une concertation. Je laisse donc Mme la secrétaire d'État vous répondre. Quant à la commission, son avis est défavorable.
Le Gouvernement travaille en effet sur cette question. Demande de retrait.
L'amendement n° 65 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, pour soutenir l'amendement n° 24 .
Si l'on peut se féliciter de cette excellente proposition de loi présentée par Sacha Houlié, j'ai l'intime conviction qu'il nous faudra aller plus loin, notamment en abaissant l'âge d'obtention du permis de conduire. Aussi proposons-nous que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité de prendre une telle mesure.
C'est un enjeu essentiel pour les apprentis ainsi que pour les jeunes qui vivent en zone rurale. Je compte donc sur vous, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d'État, pour donner un avis favorable à cet amendement de bon sens qui nous permettrait de préparer des mesures législatives.
Les conditions d'accès au permis de conduire sont définies par la directive européenne de 2006 relative au permis de conduire, qui offre la possibilité, pour la catégorie B, d'obtenir un permis de conduire dès l'âge de 17 ans, mais uniquement sur le territoire national. Si cette possibilité était mise en œuvre par la France, les jeunes titulaires de ce permis n'auraient donc pas la possibilité de conduire dans les autres États membres de l'Union européenne.
Par ailleurs, les conditions d'âge pour accéder à chaque catégorie du permis de conduire sont en cours de discussion dans le cadre de la révision de la circulaire. Une réflexion est donc ouverte sur le sujet ; il faut à la fois apprécier finement les risques liés à un abaissement de l'âge de la conduite et tenir compte des avantages que vous mentionnez pour l'accès à l'emploi.
C'est pourquoi le ministre de l'intérieur a annoncé son intention de travailler à une autorisation de conduite en autonomie limitée au cadre professionnel. Ce projet très ambitieux doit faire l'objet d'une concertation. Nous nous en remettons donc à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement n° 24 est adopté.
Par cet amendement, les députés du groupe LFI – NUPES demandent au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le financement de vingt heures de conduite pour les jeunes de 16 à 18 ans souhaitant suivre un apprentissage pratique du permis B en conduite accompagnée.
Les auditions menées par le rapporteur confirment le bien-fondé de ce mode d'apprentissage de la conduite, qui améliore grandement les statistiques en matière d'accidents de la route et permet de bénéficier de primes d'assurance moins onéreuses. Or, seulement 20 % des jeunes de plus de 16 ans y ont accès. La faiblesse de ce taux s'explique, là encore, par des raisons financières.
Il est donc urgent de remédier à cette situation en donnant accès à ce mode d'apprentissage de la conduite aux jeunes qui ne peuvent pas bénéficier, par exemple, des avantages du CPF, à la différence des apprentis. On introduirait ainsi une forme de gratuité qui nous semble indispensable pour démocratiser l'accès au permis B dès le plus jeune âge et favoriser l'insertion professionnelle et la mobilité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette mesure serait un peu moins chère que celle proposée par M. Coulomme tout à l'heure, mais son coût annuel s'élèverait tout de même à 800 millions d'euros, ce qui n'est pas rien.
La question de la conduite accompagnée revêt une dimension économique, que vous avez soulignée, mais aussi une dimension sociale. En effet, ce mode d'apprentissage est privilégié par les parents les plus disponibles et les plus impliqués, dont les enfants sont souvent les mieux insérés socialement. Par conséquent, même si l'on améliorait le volet financier du dispositif, tous les problèmes ne seraient pas réglés.
Je vous demande donc de retirer l'amendement, tout en acceptant que nous continuions à réfléchir à la question de la conduite accompagnée, qui demeure une solution au problème du financement et à celui de l'éducation routière.
Même avis que le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, vous nous opposez l'argument du coût : 800 millions, dites-vous. Mais les sociétés d'autoroutes ont engrangé, en 2021, 4 milliards de profits !
À peine 20 % de ces profits suffiraient à financer la mesure que nous proposons. Il est temps de mettre à contribution ceux qui se sont gavés sur le dos des Français et ont réalisé des profits parfaitement indignes depuis la privatisation des autoroutes.
On parle de 30 à 35 milliards d'euros de profits d'ici à la fin des concessions ! Même le ministre Le Maire a reconnu qu'on s'était trompé dans les calculs. Mais, lorsqu'on se trompe dans de telles proportions, la moindre des choses est de présenter des excuses.
Vous ne pouvez pas venir nous dire que le permis gratuit ou les vingt heures de conduite gratuites sont hors de portée financière.
On s'éloigne un peu de l'amendement, monsieur Tavel. Je vous demande donc de conclure.
C'est directement lié à l'amendement, monsieur le président, car la mesure que nous proposons pourrait parfaitement être financée si l'on voulait bien prendre un peu aux sociétés d'autoroutes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 45 n'est pas adopté.
Dans de nombreux territoires ruraux, l'obtention du permis de conduire est gage d'autonomie et représente un passeport pour l'insertion sociale et professionnelle, en particulier pour les jeunes, sachant que 80 % des lauréats de l'examen du permis de conduire ont moins de 25 ans.
Le coût de la formation est une question majeure pour les jeunes générations, qui renoncent trop souvent à passer le permis de conduire faute de financement. Si différentes aides financières leur sont proposées, il est particulièrement difficile de s'y retrouver dans les dispositifs mis en place par l'État, les collectivités territoriales ou d'autres organismes.
Nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport qui analyserait, dans un objectif de simplification, les dispositifs à mettre en œuvre pour faciliter le financement des épreuves du permis de conduire, notamment pour les jeunes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Tel qu'il est rédigé, votre amendement concernerait uniquement les épreuves du permis de conduire. Or la présentation à l'épreuve est, en règle générale, facturée une trentaine d'euros par les auto-écoles, ce qui est très modeste. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
J'en profite pour répondre à Mme Amiot au sujet des chiffres qu'elle a cités : il y a aujourd'hui, en France, selon l'Observatoire international des prisons (OIP), 6,7 % de détenus qui le sont pour des délits routiers, et 5 % selon Infostat Justice.
Vous ne faites pas la différence entre les maisons d'arrêt et les centres de détention !
Non, les statistiques concernent les maisons d'arrêt et les centres de détention.
L'amendement n° 21 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement n° 53 .
Nous ouvrons avec cette proposition de loi la possibilité de financer par le CPF différentes catégories de permis de conduire. Je me pose la question de savoir si le nombre de CPF utilisés chaque année pour financer un permis de conduire nous sera donné globalement – puisque vous avez déjà mentionné qu'il y en avait eu 320 000 en 2021 – ou si ces chiffres seront détaillés par catégories. Si c'était le cas, je retirerais mon amendement ; dans le cas contraire, il permettrait de garantir que nous aurons des chiffres précis pour évaluer l'impact réel des dispositions que nous votons.
Vous devriez être satisfait par le rapport annuel de la Dares et France Compétences. Celui qui concerne le CPF et le permis de conduire a été publié en février 2023 et devrait répondre à vos attentes.
L'amendement n° 53 est retiré.
L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
À défaut de nous donner gain de cause sur la possibilité pour un parent d'utiliser son compte personnel de formation pour financer le permis de conduire de son enfant, nous vous demandons de bien vouloir accepter le principe d'un rapport qui permettra d'évaluer clairement la faisabilité, mais aussi l'opportunité d'une telle disposition.
Il est actuellement impossible pour les parents de céder à leurs enfants les droits inscrits sur leur compte personnel de formation pour leur permettre de financer le permis de conduire. Cet amendement invite donc le Gouvernement à réaliser un rapport afin d'évaluer les effets de la cession des droits des parents au profit de leurs enfants.
Cette cession, même partielle, des droits du CPF permettrait de renforcer l'objectif de la présente proposition de loi, en aidant les jeunes à financer leur permis. Nous faciliterions ainsi, notamment dans les zones rurales, l'accès à la formation et à l'emploi de ceux qui ne peuvent pas se le payer.
J'ai évoqué, dans la discussion générale, cette question de la cession par un parent à son enfant, au sein d'une famille nucléaire, de tout ou partie du compte personnel de formation afin de financer un permis de conduire. Nous voulons tous ici faciliter l'obtention du permis de conduire, notamment pour les jeunes puisque, pour les moins jeunes, le CPF le permet déjà. Un jeune, lorsqu'il habite dans une zone rurale ou périurbaine non dotée en transports collectifs, se trouve dans une situation très compliquée, qui le conduit parfois à renoncer à une formation ou à un emploi, trop éloignés. Ce renoncement forcé à l'entrée dans la vie et aux relations sociales qui l'accompagnent est un vrai sujet.
J'entends, certes, les préventions de l'administration, qui argue que le CPF est un compte personnel et qu'il n'a pas vocation à être cédé ; je vous propose néanmoins, avec ces deux amendements, que nous continuions à réfléchir à la question, avec les ministres et tous les parlementaires qui le souhaitent, pour étudier différentes solutions.
Le rapporteur a parlé tout à l'heure d'une mesure inégalitaire qui favoriserait les familles ayant les meilleurs revenus, mais on peut fort bien imaginer de fixer un plafond qui exclurait les plus hauts revenus pour ne concerner que les classes moyennes au sens large, et en deçà. On a également évoqué les cas de rupture du schéma familial ou les enfants orphelins : là encore, j'avais suggéré dans ma proposition de loi un certain nombre de solutions, notamment la création d'un fonds, abondé d'une manière ou d'une autre et qui servirait à répondre à ce type de situation.
Quoi qu'il en soit, il faut mener cette réflexion jusqu'à son terme, car je ne veux plus voir, dans mon Berry, de jeunes qui renoncent à entrer dans la vie professionnelle.
Nous n'avons jamais éludé le débat sur la cessibilité du CPF et son caractère personnel. Déjà, en commission, nous n'étions pas d'accord sur ce point, ce qui m'avait conduit à émettre un avis défavorable sur vos amendements.
En ce qui concerne la question des inégalités entre les familles, j'ai également déjà développé mes arguments. En revanche, il y a un dernier point que je n'ai jamais encore mentionné devant vous, bien qu'il figure dans le rapport. Le financement du permis de conduire par le CPF a déjà trouvé son public, en particulier chez les jeunes, puisque les moins de 30 ans représentent 51 % des personnes ayant suivi une telle formation, alors qu'ils représentent 24 % de l'ensemble des personnes ayant suivi une formation avec leur CPF ; 51 % des personnes ayant suivi cette formation sont peu qualifiées, contre 37 % de l'ensemble des personnes ayant suivi une formation CPF ; enfin, les ouvriers et les employés représentent 37 % des bénéficiaires de cette formation, contre 30 % pour l'ensemble des formations CPF. Ces chiffres montrent que le dispositif a donc déjà trouvé sa cible.
Reste un sujet que vous avez évoqué et qui demeure entier, celui des apprentis. J'ai demandé au Gouvernement de travailler sur le versement de l'aide de 500 euros directement sur le CPF, afin de ne plus avoir qu'un seul compte.
La commission est donc défavorable à l'ensemble des amendements.
La cessibilité des droits à formation contrevient à la philosophie même du compte personnel de formation. Tout en rendant hommage à votre engagement en faveur des jeunes, monsieur Forissier, il me paraît important d'insister sur cette philosophie qui non seulement rattache les droits à la personne, mais les définit en fonction de l'activité professionnelle et de la situation personnelle du bénéficiaire – je pense notamment aux personnes en situation de handicap.
Il faut aussi penser aux moins qualifiés, qui bénéficient de davantage de droits afin de préserver leur employabilité. On a tous envie que nos enfants réussissent, voire réussissent mieux que nous, et nous faisons tout pour cela, parfois à notre propre détriment. Il ne s'agirait donc pas que la cessibilité du CPF se fasse au détriment de l'employabilité, qui est un véritable enjeu : il est essentiel à nos yeux que les droits à formation restent attachés au salarié, pour l'accompagner dans l'évolution des métiers, sans même parler de l'emploi des seniors, dont nous avons déjà largement débattu ici et dont on sait combien il est important de les accompagner pour les maintenir en activité.
Je tiens à dire que le CPF a tenu ses promesses en bénéficiant aux plus fragiles, aux ouvriers et aux employés. Aujourd'hui, ils sont sept sur dix ouvriers ou employés à mobiliser leur compte personnel de formation.
Engin, j'aurai un mot pour insister sur l'aide apportée par le Gouvernement aux apprentis pour le permis de conduire. Entrée en vigueur le 1er janvier 2019, pour tous les apprentis majeurs inscrits dans une école de conduite, cette aide de 500 euros se cumule avec les autres dispositifs forfaitaires existants : à ce jour, ce sont 177 702 apprentis qui ont bénéficié d'une aide au permis de conduire, pour un montant global de 88,85 millions d'euros.
C'est donc un avis défavorable.
Je voulais réagir à cet argument de la Macronie selon lequel la cession du CPF des parents aux enfants pour payer le permis créerait des inégalités. D'une part, ce ne serait pas le cas si on conditionnait ce droit de cession à un niveau de revenu maximal, d'autre part, cela bénéficierait à un très grand nombre de familles modestes. Pour un travailleur au Smic, payer le permis de conduire de l'un de ses enfants va revenir à environ 2 000 euros – auxquels vont s'ajouter les frais d'acquisition d'un véhicule –, ce qui représente un coût faramineux.
Enfin, à vous entendre, une telle disposition favoriserait les enfants dont les parents travaillent et bénéficient d'un compte personnel de formation, au détriment des autres. Elle permettrait cependant de dégager des crédits communaux. Nous avons évoqué, à l'article 1er , les aides consenties par les collectivités locales ; dans ma circonscription, l'une d'entre elles aide chaque année vingt jeunes à financer leur permis de conduire, dont certains ont des parents qui travaillent : s'ils pouvaient financer leur permis grâce au CPF, ce serait autant de jeunes, qui ne peuvent en bénéficier, que la collectivité pourrait aider à leur place, et tout le monde serait gagnant.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je tiens d'abord à indiquer que mon collègue Dino Cinieri tenait à intervenir sur cet amendement pour le soutenir, car il a toujours été extrêmement attentif à ce sujet.
Ensuite, je ne vois pas où est le problème avec nos amendements, puisque nous demandons simplement un rapport. Il ne s'agit pas d'adopter des mesures, mais simplement de réfléchir. Vous pourriez donc faire un geste en ce sens, car un rapport ne nous engage qu'à travailler ensemble et à creuser toutes les pistes, y compris en ce qui concerne les apprentis. J'insiste sur le fait que c'est vraiment une question essentielle pour les habitants des zones rurales et suburbaines.
Enfin, pourquoi ce rapport ne s'appuierait-il pas sur l'amendement n° 71 , puisque vous avez insisté sur le fait que le CPF était personnel et donc non cessible : étudions donc la possibilité pour un parent de faire une avance sur CPF à son enfant, lequel pourrait la rembourser une fois qu'installé dans la vie professionnelle il a pu constituer son propre CPF. Dans ces conditions, le CPF resterait personnel, mais nous permettrions aux entreprises, qui financent largement le CPF, de faire un geste pas uniquement en faveur des milieux les plus modestes, vous l'avez bien compris, mais également des familles de la classe moyenne qui ont plusieurs enfants et n'ont pas toujours des revenus suffisants.
M. Dino Cinieri applaudit.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement de suppression n° 61.
Nous proposons de lever le gage.
L'amendement n° 10 est retiré.
Nous savons tous l'enjeu que représente l'obtention du permis pour les jeunes et l'ensemble de nos concitoyens. Nos débats ont révélé un intérêt unanime pour un texte qui vise à rendre le passage du permis moins cher, plus simple et plus rapide. Le groupe Renaissance votera en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Faciliter le passage du permis est, certes, une bonne intention, mais nous sommes tout de même un peu déçus. L'examen de ce texte aurait dû être l'occasion de faire un geste en direction des jeunes, les principaux concernés – même si des récidivistes peuvent repasser le permis sur le tard.
Il n'y a pas eu beaucoup de coconstruction. Vous n'avez pas retenu notre demande de rapport sur la conduite accompagnée, qui ne coûtait rien. Vous avez rejeté aussi notre proposition de convertir cet enseignement en un service public, ce qui aurait été très utile – à coût égal, 2 milliards d'euros, cette étrange construction qu'est le SNU ne sert vraiment à rien, sauf à satisfaire les caprices de quelques hauts fonctionnaires. Rémunérer des contractuels était une demande légitime, dans un contexte où, comme à l'éducation nationale, il faut lutter contre le dumping social.
Le Gouvernement a jugé utile de lever la taxe sur les tabacs sans passer par une taxe spéciale sur les profits autoroutiers.
Ceux-ci sont, rappelons-le, d'une obscénité rare alors que les Français sont des millions à être touchés par l'inflation.
M. Antoine Léaument applaudit.
Oui, c'est rare ! Nous n'appellerons ni à la grève ni au blocage du pays…
… pour combattre une disposition somme toute insipide, voire d'une innocuité totale. Le groupe La France insoumise – NUPES s'abstiendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte. Nous avons essayé d'apporter notre contribution et vous avez dit, madame la ministre, que vous souhaitiez que nous poursuivions la réflexion. Mais je serai clair : je regrette que la principale proposition que j'ai défendue avec mes collègues, Dino Cinieri et Alexandre Portier entre autres, n'ait pas été retenue. Réfléchir à la possibilité pour un parent de céder tout ou partie de son compte personnel de formation, au moins sous forme d'avances, à son enfant pour qu'il finance son permis était un geste qui avait un sens politique, pour l'avenir de notre République. C'était aussi une forme de réponse au mal-être réel de beaucoup de jeunes, notamment dans les territoires ruraux.
Si nous défendons la philosophie qui sous-tend le texte de Sacha Houlié, nous serons toutefois attentifs à ce que la plateforme numérique, qui peut être un outil très utile et propre à mettre en valeur les initiatives des collectivités locales, soit accessible à tous. N'oublions pas qu'il reste des territoires où tout le monde n'a pas accès à internet, que ce soit dû à la fracture numérique – encore que les jeunes générations ne soient pas vraiment concernées – ou à l'absence de la fibre.
La réussite du dispositif dépendra de son accessibilité, de sa lisibilité et de sa simplicité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte. J'insiste auprès du rapporteur et du Gouvernement pour que les propositions que nous avons formulées soient prises en compte. Il faut faire en sorte que l'accès au permis, qui reste cher pour les familles et les jeunes, soit facilité. Le CPF doit financer des formations qui ouvrent à l'emploi, pas uniquement pour obtenir un permis. Le recrutement des inspecteurs et des contrôleurs doit permettre de raccourcir les délais.
Nous regrettons que ce texte ne traite pas les zones grises : formation, prix élevé, dispositifs de financement insuffisamment ouverts aux jeunes. Mais nous considérons qu'il représente une éclaircie annonciatrice, comme le printemps, d'un taux plus élevé de réussite à l'examen. Il est important que le Parlement et le Gouvernement demeurent attentifs à cette question qui concerne la vie quotidienne.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 109
Nombre de suffrages exprimés 99
Majorité absolue 50
Pour l'adoption 99
Contre 0
Le projet de loi est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.
La parole est à M. Didier Le Gac, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Je voudrais d'abord vous dire combien je suis heureux que nous soyons ici aujourd'hui pour légiférer sur un sujet maritime aussi sensible et combien je mesure pleinement la responsabilité qui est la nôtre d'adopter un texte contre le dumping social dans la marine marchande.
C'est un texte attendu. Ce matin encore, j'ai reçu un message d'un habitant de ma circonscription, un commandant qui travaille depuis vingt ans sur les ferries de la liaison Douvres-Calais de la compagnie DFDS. Il se souvient du licenciement, il y a un an, de ses collègues marins de P&O Ferries et du traumatisme que cela a représenté dans toute la communauté maritime. Il voit la situation se dégrader au quotidien du fait du dumping social et il craint beaucoup pour l'avenir de la marine marchande. Il termine son message par des encouragements amicaux que je ne peux que partager avec vous : « Votre loi montre que le Gouvernement, en même temps que nos amis britanniques, agit dans le bon sens. C'est un vrai message positif. J'espère que votre projet aboutira et que vous pourrez rallier de nombreux autres pays européens ». Je souhaite aujourd'hui que nous soyons collectivement à la hauteur des attentes de ces marins. Au-delà de nos divergences, nous le leur devons.
Venons-en maintenant à la genèse de ce texte. Il y a un an, le 17 mars 2022, la compagnie P&O Ferries, acteur historique des liaisons maritimes transmanche, licenciait ses 786 marins sans aucun préavis. Quelques jours plus tard, cette même compagnie, par l'intermédiaire d'une société prestataire de main-d'œuvre, réembauchait des marins, souvent extérieurs à l'Union européenne, avec des conditions de travail dégradées et un salaire minimum équivalant à la moitié du salaire minimum britannique. Ces méthodes brutales ont choqué les opinions publiques de part et d'autre de la Manche.
Cet événement n'a fait que dévoiler un peu plus la mise en œuvre progressive du dumping social sur les liaisons maritimes. En visant à tirer toujours davantage vers le bas les salaires et les conditions de travail des marins, le dumping social menace très directement notre marine marchande et la viabilité de notre système, protecteur des marins et des passagers.
C'est bien la sécurité des navires, des marins et des passagers qui est ainsi mise en danger. Rappelons que la Manche, du rail d'Ouessant à Calais, est l'une des zones où le trafic maritime est le plus dense au monde. La Manche, c'est un camion qui la traverse par bateau toutes les cinq secondes, c'est un navire qui entre ou sort toutes les trois minutes et ce sont 91 000 personnes qui la traversent quotidiennement. Ce sont aussi des cargos, des porte-conteneurs, des pétroliers et des chimiquiers qui empruntent ses voies montantes et descendantes, coupées par le trafic intense des ferries, les sorties des flottes de pêche et la navigation de plaisance. C'est dire l'importance cruciale de la sécurité sur cette zone, véritable carrefour maritime.
Comment garantir cette sécurité des liaisons si nos marins ne bénéficient pas de suffisamment de temps de repos ? La compagnie P&O, dont les navires battent pavillon chypriote depuis le Brexit, comme Irish Ferries, ne veut entendre parler d'aucune harmonisation des règles sociales.
Face à ces méthodes, les armateurs français ont eu raison de tirer la sonnette d'alarme. J'étais avec eux à Saint-Malo le 5 novembre 2022, quand ils ont lancé leur appel en direction des pouvoirs publics. « On ne peut pas continuer dans cette spirale », avertissait ainsi Jean-Marc Roué, président du conseil de surveillance de Brittany Ferries, compagnie créée par des agriculteurs bretons il y a tout juste cinquante ans et premier employeur de marins français. Ses organisations syndicales se sont également demandé comment leur entreprise pourrait résister à une concurrence aussi brutale que déloyale.
En réponse à cet appel, monsieur le secrétaire d'État chargé de la mer, vous avez déclaré le 8 novembre 2022, à l'occasion des Assises de la mer de Lille : « Je n'accepterai jamais de voir de telles pratiques se développer. » Vous vous êtes engagé à mettre la pression sur les armateurs et à sanctionner les ferries ne respectant pas les dispositifs sociaux de l'État d'accueil. C'est à ce moment-là que nous avons commencé à échanger pour savoir comment rédiger et porter un texte de loi efficace devant la représentation nationale. Nous y sommes.
Ce texte, que j'ai l'honneur aujourd'hui de rapporter, vient donc traduire dans la loi la volonté d'affirmer que la juste rémunération des marins est un fondement de notre modèle social et constitue un principe dont le respect est crucial pour la sauvegarde de nos intérêts publics. Lors de son examen en commission, en plus du salaire minimum, nous avons adopté un amendement, que je défendais, comme beaucoup de mes collègues ici, visant à imposer la parité du temps d'embarquement et du temps de repos.
La difficulté de légiférer sur ce sujet tient au fait que le dumping social s'inscrit dans un phénomène mondial régi par des textes issus de conventions signées sous l'égide d'organisations comme l'OMI (Organisation maritime internationale) ou l'OIT (Organisation internationale du travail) ainsi que par de nombreux textes de l'Union européenne. Rappelons ainsi que le libre pavillonnement permet à des armateurs d'immatriculer leurs navires dans des États appliquant des normes minimales en matière de droit du travail maritime. Ce contournement des règles permet à ces armateurs de réaliser des économies de plus de 35 % sur leur prix final par rapport à leurs concurrents français – une situation qui n'est pas tenable pour l'économie du secteur.
C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de proposer une loi de police pour légiférer de la manière la plus efficace sur ce sujet. En effet, une loi de police s'impose lorsque le respect d'une disposition impérative est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics. Cette loi de police se conforme à la fois à un critère de proportionnalité de la mesure, mais aussi à un critère concernant le lien entre l'application de la mesure et le territoire national. C'est pourquoi j'ai souhaité que cette loi, aussi ambitieuse qu'efficace, puisse se mettre en place rapidement sans être remise en cause à peine entrée en vigueur, ce qui serait catastrophique pour les acteurs de notre filière.
Je sais que, pour certains juristes, ce texte pourrait être considéré comme allant potentiellement au-delà de ce que nous pouvons faire. Je sais également que, pour certains de mes collègues, ce texte pourrait être considéré, politiquement, comme se situant en deçà de ce que nous pourrions faire. Je leur répondrai qu'avec ce texte, j'essaye de tenir les deux bouts de la chaîne et que j'entends que cette loi ne soit pas bavarde, mais sûre juridiquement, pérenne et applicable.
C'est un texte que nous avons enrichi en commission. Aujourd'hui, nous allons l'améliorer en demandant, par exemple, un durcissement proportionné des sanctions à l'égard des contrevenants. Nous souhaitons aussi que le Gouvernement nous explique comment il entend renforcer les inspections et les moyens dédiés à celles-ci.
Sur la question méditerranéenne, qui a animé certains échanges, comme sur la question du pavillon des navires, c'est-à-dire leur nationalité, qui détermine le droit applicable, beaucoup d'entre nous souhaiteraient inscrire dans le marbre de la loi l'interdiction de recourir au RIF (registre international français) pour les navires à passagers.
Je laisserai au Gouvernement le soin de s'exprimer sur ces sujets pour nous dire quel est, selon lui, le véhicule le plus efficace pour s'assurer que nos navires restent sous pavillon français de premier registre.
Enfin, il faut se féliciter que les Britanniques eux-mêmes aient décidé de légiférer sur ce sujet et que, la semaine dernière, le parlement britannique ait voté en première délibération une loi instaurant également un salaire minimum.
Je conclurai en disant que notre proposition de loi est une chance unique pour sauver notre marine marchande. Le compte à rebours est enclenché et il faut faire vite, très vite. C'est pourquoi, tous ensemble, nous devons prendre nos responsabilités et agir. Au-delà de notre pays, c'est aussi un appel à l'Union européenne que nous lançons afin qu'elle prenne ses responsabilités et propose une législation aussi ambitieuse que celle que nous portons pour nos marins. C'est, enfin, encore un signe de profond soutien à nos armateurs et à nos marins que j'adresse aujourd'hui afin qu'ils puissent continuer d'exercer dignement leur métier.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.
Dix-neuf semaines, c'est le temps qu'il nous a fallu entre les Assises de l'économie de la mer du 8 novembre dernier, lors desquelles j'ai annoncé la loi de police, et son aboutissement au Parlement. Rarement un travail aussi conséquent et aussi important pour notre modèle social a pu être mené aussi rapidement. Nous sommes allés vite, car l'urgence était réelle.
Les pratiques peu scrupuleuses et scandaleuses de certains armateurs comme P&O font peser un énorme risque sur la sécurité maritime et notre modèle européen. Remplacer des marins formés, expérimentés et avertis par des marins à bas coût et moins reposés a nécessairement des conséquences sur la maîtrise des navires, donc sur les accidents, donc sur la pollution en mer.
Cet enjeu de sécurité est d'autant plus important que nous parlons du détroit du pas de Calais, où circulent et se croisent plus de 400 navires par jour, sans compter les navires de pêche et de plaisance. C'est l'un des détroits les plus dangereux au monde, avec des eaux couvertes par une météo qui ne pardonne pas. Nous ne pouvions pas prendre le risque de ne pas agir. Je remercie M. le rapporteur Didier Le Gac d'avoir pris ce sujet à bras-le-corps pour en faire une priorité de son groupe.
Cette proposition de loi a un objectif simple et clair : la préservation du modèle social français. C'est un texte de justice sociale, car il renforce les conditions sociales partout, dans le transmanche comme en Méditerranée. Ce texte répond aussi à l'engagement du Président de la République, qui avait fait de la lutte contre le dumping social une priorité de la présidence française de l'Union européenne.
Il s'inscrit dans la continuité du travail que nous avons engagé depuis plusieurs mois avec les organisations syndicales – CGT, CFDT et CFE-CGC – et les armateurs. Je les remercie et je vois d'ailleurs, dans les tribunes du public, certains des armateurs avec lesquels nous avons travaillé d'arrache-pied depuis l'été. Je tiens à souligner que nous avons formé – en peu de temps, je crois pouvoir le dire – une alliance inédite et que nous avons cheminé pour le bien-être des gens de mer. Je voudrais remercier tout particulièrement Armateurs de France, ainsi que Jean-Marc Roué pour son investissement dans ce combat.
Ce travail a débuté dès le mois de juillet avec le renforcement des contrôles des navires dans le transmanche pour montrer notre exigence sur le niveau de protection sociale des marins. Nous avons ensuite mis en place très rapidement un groupe de travail chargé du contrôle des navires. Nous avons construit, avec toutes les compagnies maritimes opérant dans le transmanche, une charte d'engagement volontaire, qui engage tous ses signataires à respecter des standards sociaux élevés et conformes à nos attentes. Nous travaillons également, depuis novembre, avec les élus locaux des ports français concernés, dans les Hauts-de-France, en Normandie, en Bretagne, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), en Occitanie et en Corse. En parallèle, je poursuis le travail avec mes homologues britanniques pour que les chartes soient alignées, opérationnelles et efficaces.
Avec cette proposition de loi, le signal que nous envoyons aujourd'hui, c'est que la France refuse ces pratiques concurrentielles inacceptables, déloyales et mortifères.
Cette lutte contre le dumping social réunit la France et le Royaume-Uni et transcende les divergences entre tous les groupes parlementaires. C'est un sujet qui rassemble ; tous les députés des territoires maritimes concernés ont travaillé, agi, pour construire cette proposition de loi. Je souhaite remercier tout particulièrement Sébastien Jumel qui, après avoir déposé sa propre proposition de loi sur ce sujet, s'est mobilisé très fortement pour faire converger les différentes propositions.
Le texte examiné en commission comporte deux articles, qui sont fondamentaux. Le premier garantit un salaire minimum à tous les marins naviguant depuis ou vers un port français ou britannique. Le second sanctionne pénalement le recours à des marins ne disposant pas d'un certificat médical du même niveau que ceux établis en France, parce que la santé est aussi un enjeu de dumping et que, là encore, la sécurité en mer en dépend. Votre travail en commission a permis d'aller encore plus loin, grâce à l'adoption d'amendements sur le rythme de travail des marins – une avancée cruciale, saluée par tous les groupes, qui permettra d'instaurer une durée de repos équivalente à la durée d'embarquement. L'objectif est de permettre aux marins de bien récupérer, avec de vraies périodes de repos à terre. C'est un progrès significatif, qui permettra de protéger la santé et la sécurité des salariés.
Cette proposition de loi nous permettra également de redonner de la cohérence à l'utilisation de nos registres. Vous le savez, le premier registre est dédié aux liaisons de proximité et de voisinage comme le transmanche, mais aussi aux liaisons en mer Méditerranée. Quant au registre international français, comme son nom l'indique, il est consacré à la navigation internationale au long cours. Nous en avons donc exclu les navires opérant la liaison avec le Maghreb ; dans le même esprit de clarté, de lisibilité et de cohérence, je vous annonce que j'ai transmis cet après-midi aux membres au Conseil supérieur de la marine marchande (CSMM) le projet de décret excluant les liaisons transmanche du RIF.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, LR, Dem, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT.
Une fois cette consultation réalisée – je salue au passage le travail formidable des membres du Conseil supérieur de la marine marchande –, je signerai le décret. Ce sera, là aussi, une avancée majeure.
Le présent texte, qui a été amélioré en commission – et le sera aussi, je l'espère, dans cet hémicycle – revêt une triple importance pour le Gouvernement. Premièrement, il valorise le modèle social français en faisant en sorte que tous les marins français ou étrangers touchant nos côtes bénéficient du même niveau de protection sociale. Deuxièmement, il envoie un signal clair à tous les armateurs européens, à la Commission européenne et aux autres États membres qui voudraient continuer d'affaiblir la protection sociale des marins : nous leur disons que la France le refuse, dans la droite ligne de ce qu'elle a toujours défendu pour tous les marins du monde depuis la sortie de la crise du covid auprès de l'Organisation internationale du travail. Troisièmement, ce texte aura des incidences positives pour toutes nos façades maritimes en renforçant un peu plus nos moyens de lutte et d'action contre tous ceux qui faussent le jeu de la concurrence sur le dos des marins.
Comme l'a indiqué M. le rapporteur, cette proposition de loi fera évoluer notre droit dans le respect des traités et des règlements européens. Je m'engage à continuer de travailler au niveau européen, avec vos collègues parlementaires européens et nos alliés au sein du Conseil européen pour faire évoluer les règles en matière de temps de travail, de rémunération, de formation. Tous ensemble, nous nous battons chaque jour pour préserver le pavillon français qui respecte les plus hauts standards sociaux et salariaux, et qui est un gage de qualité des navires. Les armateurs présents ici et les marins qui travaillent sur leurs navires et nous regardent en sont les porte-drapeaux ; je les salue.
Si ce texte est adopté, nous aurons réussi à bâtir un texte ambitieux, responsable et surtout protecteur du bien-être des gens de mer, en parfaite complémentarité avec le travail que nous menons depuis des mois en faveur de la puissance et de l'exemplarité de l'économie maritime française. En effet, avec le plan France Mer 2030, nous défendons une ambition et une stratégie maritimes à la fois sociales, environnementales et économiques, afin d'atteindre trois objectifs prioritaires : la protection des océans ; la modernisation de l'économie maritime et le soutien à nos modèles de pêche ; la planification en mer et sur le littoral. Ce texte, qui constitue une avancée majeure dans la lutte contre le dumping social, nous permet de poursuivre cette ambition et de hisser haut le pavillon français et tout ce qu'il représente pour nos marins, pour nos concitoyens et pour la sécurité maritime.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, LR, Dem, HOR, Écolo – NUPES, GDR – NUPES et LIOT.
Il y a un an, nous avons tous été choqués par le licenciement massif de 800 marins britanniques par l'armateur P&O Ferries, un événement d'une violence sociale et d'une brutalité immenses. Déjà en 2021, la compagnie Irish Ferries avait choisi d'introduire pour la première fois, pour la liaison entre Calais et Douvres, un autre pavillon que le premier registre français ou son équivalent britannique, en optant pour le pavillon chypriote. Face à la situation actuelle, les craintes sont fortes que d'autres compagnies affaiblissent leurs normes sociales. Nous devons repenser la législation en vigueur.
Les méthodes agressives employées par certaines compagnies induisent de nombreux risques, tant pour les équipages que pour les passagers : premièrement, une baisse de la rémunération perçue par les gens de mer travaillant à bord des navires assurant la liaison transmanche ; deuxièmement, une concurrence déloyale, au détriment des entreprises vertueuses rémunérant équitablement leurs salariés ; troisièmement, de potentiels accidents, du fait de la rotation rapide des personnels sur un même poste, particulièrement sur la liaison transmanche, connue pour la densité de son trafic.
Aussi, nous pensons qu'il est opportun de proposer une législation plus protectrice et nous partageons le point de vue du rapporteur sur la nécessité de nous mettre en cohérence avec le projet de loi britannique, pour plus d'efficacité. Nous devons évidemment nous prémunir contre les méthodes agressives de dumping social, qui nivellent les salaires et les conditions de travail par le bas. La concurrence déloyale risque d'entraîner une course au moins-disant social. Certains évoquent un écart de 60 % de masse salariale entre un navire immatriculé au premier registre du pavillon français et un navire battant pavillon chypriote. Cet avantage comparatif permet de réduire les tarifs de ces opérateurs d'environ 35 %, pour une marge identique. Comment rivaliser ? Aussi, nous soutenons la proposition d'instaurer un salaire minimum pour les salariés travaillant à bord des navires effectuant les liaisons transmanche.
L'autre levier de réduction de la masse salariale est la moindre rotation des équipages, grâce à un temps d'embarquement allongé. Si les navires battant pavillon français prévoient une rotation de leur équipage selon un principe de parité entre le temps d'embarquement et le temps de repos, principe qui constitue une garantie de sécurité essentielle, ce n'est évidemment pas le cas pour Irish Ferries, qui a modulé ses règles pour faire baisser la rotation de 4,7 équipages par navire à 2. Nous saluons à ce titre l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur tendant à instaurer une durée de repos équivalente à la durée d'embarquement. Néanmoins, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoire proposera d'aller plus loin, afin de mieux prendre en compte les rythmes de travail, à l'instar de ce qu'avait proposé Sébastien Jumel. Il s'agit là d'une mesure importante et se cantonner au contrôle du taux horaire de salaire minimum pratiqué à bord des navires serait insuffisant, puisqu'il est inopérant sur les liaisons entre la Corse et le continent, pourtant soumises à un cadre beaucoup plus complet et exigeant.
Par ailleurs, il importe à ce stade de soulever la question du champ d'application du décret auquel renvoie l'article 1er – je relaie ainsi les inquiétudes des syndicats de marins. En effet, si, aux termes de son titre, cette proposition de loi « vise à lutter contre le dumping social sur le transmanche », il n'est pas à exclure, en l'état de sa rédaction prêtant à interprétation, que ses dispositions concernent également les lignes régulières sur la mer Méditerranée. Celles-ci sont exclues du registre international français, si bien que les navires battant pavillon français exploités entre le continent et la Corse sont immatriculés au premier registre, qui offre un cadre social plus protecteur pour les marins. Il semble primordial de sécuriser le statut des marins opérant sur ces lignes et de renforcer l'application du dispositif dit de l'État d'accueil. Nous demandons donc une clarification sur ce point et un engagement clair et précis du secrétaire d'État.
Au-delà de cette question, notre groupe soutient évidemment l'objectif de cette proposition de loi. Les débats qui suivront doivent nous permettre de la renforcer pour garantir une concurrence saine et loyale entre les opérateurs, au travers notamment de normes sociales et environnementales fortes ; de règles claires et identiques pour tous ; de contrôles rigoureux et exhaustifs. Nous y reviendrons.
Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et GDR – NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.
Il y a un peu plus d'un an, le 17 mars 2022, l'émoi fut fort face au licenciement massif d'employés français et britanniques de la compagnie P&O Ferries, connue pour effectuer des rotations entre Calais et Douvres. En une journée, l'entreprise britannique a ainsi mis à quai près de 800 marins pour les remplacer par des travailleurs étrangers aux conditions de rémunération nettement inférieures. Le scandale politique causé par cette mesure au Royaume-Uni a récemment amené les autorités britanniques à déposer un projet de loi prévoyant l'application d'un salaire minimum.
Face au constat d'une dégradation des conditions de travail de nos marins, les acteurs français du secteur maritime se sont également mobilisés, notamment en novembre dernier, en réunissant élus locaux et nationaux lors de l'appel de Saint-Malo. Ce temps fort avait pour objectif de sensibiliser le monde politique aux enjeux auxquels font face les armateurs français, afin de promouvoir la régulation des conditions de travail sur le transmanche. Cet appel a bien été entendu, tout d'abord par vous, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez créé quelques semaines plus tard une charte volontaire garantissant le respect des salaires et minima sociaux du standard français, puis par les parlementaires de tous bords, au sein de cet hémicycle. Dès lors, ce ne sont pas moins de trois propositions de loi qui ont été déposées à l'Assemblée nationale, pour lutter contre le dumping social dans le transport maritime transmanche : la présente proposition de loi du groupe Renaissance, celle de Sébastien Jumel et celle de Pierrick Berteloot.
Le présent texte, dont le premier signataire est Didier Le Gac, a été rédigé en concertation avec toutes les parties prenantes et prévoit des mesures qui tiennent pleinement compte des enjeux pour la filière, mais restent pragmatiques et pourront être appliquées dès l'année prochaine. Monsieur le rapporteur, je tiens donc à saluer votre travail pour lutter contre le dumping social en instaurant un salaire minimum horaire, tout en prévoyant des sanctions pénales qui permettront d'harmoniser les conditions de validité du certificat médical d'aptitude à la navigation maritime.
Comme je l'évoquais précédemment, nous nous sommes toutes et tous émus de la situation vécue par nos marins il y a peu de temps et je salue l'implication des parlementaires sur le sujet. Toutefois, j'appelle à la plus grande vigilance. La tentation est toujours grande de faire d'une telle proposition de loi le véhicule de multiples mesures concernant le secteur maritime. Or, non seulement cela n'aurait pas de sens et nous éloignerait du but initial du texte, à savoir lutter efficacement contre le dumping social transmanche, mais, plus grave, cela pourrait le rendre inopérant, l'inclusion de mesures ne respectant pas les règles européennes risquant de compliquer la suite de son examen. Désormais, nous nous devons de voter une loi forte, responsable et véritablement opérante au 1er janvier 2024.
Oui, nous avons encore beaucoup à faire et d'ailleurs ce texte n'a jamais eu pour vocation de résoudre tous les problèmes que rencontre la filière. Il nous faudra sûrement défendre des évolutions au niveau européen et je sais pouvoir compter sur votre engagement, monsieur le secrétaire d'État, pour travailler de concert avec les représentants français au Parlement européen.
Dès lors, mes chers collègues, j'appelle de mes vœux un travail de coconstruction au sein de cet hémicycle, comme celui mené par chacun des groupes politiques en commission des affaires sociales. Ensemble, nous y avons ainsi adopté des amendements visant à protéger la santé et la sécurité des salariés, en prévenant la fatigue excessive consécutive à des périodes de travail importantes grâce à un temps de repos garanti. Ensemble, nous aurons encore de belles mesures à voter parmi les quatre-vingts amendements que nous avons à examiner. Ensemble, nous aurons par exemple à débattre du montant des sanctions en cas de non-respect du salaire minimum et des règles en matière de repos ; la majorité défendra des amendements sur ces points.
Nous le savons, les marins comptent sur nous pour les accompagner face aux crises et aux difficultés que leur profession rencontre. Je sais donc pouvoir compter sur toutes les voix de notre hémicycle pour adopter la proposition de loi de Didier Le Gac. Il est essentiel, indispensable même, que notre travail collectif aboutisse à un texte de qualité, en plaçant au centre de nos considérations la préservation des droits des salariés et de leurs acquis sociaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Le 29 juin 2021, la compagnie maritime Irish Ferries débarque dans le port de Calais. Dans la foulée de l'inauguration du nouveau port de commerce, elle démarre une nouvelle liaison entre Calais et Douvres. Un an plus tard, le 17 mars 2022, la compagnie maritime P&O, subissant de plein fouet la crise financière liée à la pandémie de covid-19, est financièrement à genoux. Face à la concurrence déloyale imposée par Irish Ferries, qui emploie une main-d'œuvre issue de pays à faible coût social qui lui coûte 70 % moins cher, P&O licencie 800 marins britanniques – 800 marins – par un simple appel téléphonique. Ils sont débarqués par des agents de sécurité, prêts à les évacuer de force.
Si cet acte honteux a provoqué un émoi justifié au Royaume-Uni, déclenchant la mise en place d'une loi pour protéger les marins britanniques, elle a également permis, en France, de prendre la pleine mesure du risque que fait peser le dumping social sur nos compagnies maritimes.
Je n'ai cependant pas attendu ce scandale pour me préoccuper du sort des marins sur le transmanche. En effet, j'ai été salarié d'une compagnie maritime française pratiquant le cabotage entre la France et l'Angleterre, et j'étais présent lorsque les compagnies comme Irish Ferries ou P&O ont commencé à détruire l'équilibre concurrentiel en pratiquant un dumping social honteux, leur permettant de proposer des tarifs face auxquels nos compagnies françaises ne peuvent s'aligner.
Après avoir assisté de près à cette concurrence déloyale, qui menace nos compagnies maritimes, en tant que conseiller régional des Hauts-de-France, j'ai alerté à plusieurs reprises la région sur les risques liés à la présence d'une deuxième compagnie maritime adepte du dumping social et employant une main-d'œuvre bon marché.
Dans la foulée de cette affaire, trois parlementaires, dont je fais partie, ont déposé une proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche. Il est encourageant de voir que cette question est abordée dans l'hémicycle. En effet, il y a urgence ! Nos compagnies maritimes ne peuvent attendre plus longtemps sans qu'on légifère pour les protéger. Sans protection suffisante, d'ici un ou deux ans, elles seront contraintes aux mêmes pratiques.
C'est pourquoi cette proposition de loi est la bienvenue. Mon groupe y est favorable, car il va dans le sens de l'intérêt des marins et de nos compagnies maritimes employant des marins français sous pavillon français de premier registre. Néanmoins, elle ne va pas assez loin et devrait être cohérente avec les projets britanniques de législation, l'exposé des motifs le rappelle – la « cohérence avec le projet de loi britannique est essentielle à la lisibilité de la mesure et à une mise en œuvre efficace. »
Heureusement, en commission, le texte a été amendé afin d'évoquer – mais de manière floue – la durée d'embarquement et le temps de repos, ce qui, avec le salaire, est un minimum. Cependant, de nombreux points, très importants dans la lutte contre le dumping social, ne sont pas évoqués. C'est pourquoi nous allons nous efforcer de vous proposer des amendements de bon sens, qui visent à rendre cette proposition de loi véritablement efficace et que, j'espère, vous voterez.
Car le sujet est d'une importance capitale, aussi bien pour notre souveraineté nationale que pour l'emploi de nos marins. Que dirons-nous lorsqu'il n'y aura plus que des compagnies peu scrupuleuses, n'engageant que des personnes issues de pays à faible coût social, qui feront du cabotage entre nos ports et ceux d'Angleterre ou d'Irlande ? Que dirons-nous lorsqu'un accident surviendra sur le transmanche à cause des rythmes de travail insoutenables imposés à des marins exploités par des compagnies maritimes faisant des bénéfices considérables en économisant sur les frais sociaux de leurs employés ? Ainsi, la compagnie Irish Ferries a déjà subi deux incendies à bord en moins d'un an.
La question du dumping social sur le transmanche est transpartisane. Elle devrait donc – je dis bien « devrait » – dépasser les clivages politiques. La lutte contre ce dumping social demande des décisions fortes, efficaces et de bon sens, et exige que l'on dépasse les étiquettes politiques. Nous devons légiférer pour nos marins et protéger le transmanche de pratiques sociales scandaleuses qui vont conduire inévitablement à une catastrophe.
Nous sommes face à nos responsabilités. C'est pourquoi j'espère que nous arriverons à faire de cette proposition de loi une arme véritablement efficace pour sauver la filière du transport maritime de passagers sur le transmanche et lutter contre ces armements voyous qui ont clairement manifesté leur opposition à la proposition de loi.
Mes chers collègues, il est donc de notre devoir de travailler ensemble pour nos armateurs, nos marins, notre souveraineté. J'aimerais avoir une pensée pour mes anciens collègues, qui nous écoutent attentivement et qui attendent que l'État légifère de la façon la plus stricte possible contre ces armements véreux. Cette proposition de loi, elle est pour Amandine, Alexandre, Gilles, Ternix, Sabine, Vitelia, Romain, mes boscos, mes commissaires de bord et mes collègues, que je ne pourrai tous citer, et pour tous nos marins travaillant en Manche. Aujourd'hui est un grand jour pour les marins sur le transmanche : tâchons d'en être dignes et votons les amendements de tous bords, quels qu'ils soient, afin d'améliorer ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Pour les députés Insoumis, la prédation sociale n'est pas plus acceptable en mer qu'elle ne l'est à terre. C'est pourquoi nous soutenons à la fois ceux qui s'opposent à votre réforme des retraites à 64 ans, et ceux qui combattent le dumping social dans le transport maritime. Je salue d'ailleurs les marins qui sont engagés dans les deux batailles.
La situation du transport maritime de passagers dans la Manche est insupportable. Près de 800 marins britanniques ont pu être licenciés en trois minutes à peine par la société P&O, pour être remplacés par des marins qui travaillent dix-sept semaines d'affilée en mer, sept jours sur sept, à raison de douze heures par jour.
Ce phénomène de dumping, de concurrence déloyale, menace bien évidemment l'emploi des 2 500 marins français. La santé des marins exploités dans ces conditions, ainsi que la sécurité maritime, sont elles aussi en danger. Santé, emploi, sécurité maritime, tout est lié et tout dépend des conditions de travail des équipages. C'est évidemment encore plus vrai dans cette zone de la Manche, particulièrement dense en trafic maritime et particulièrement fréquentée par les navires de pêche, de plaisance, de transport de marchandises ou de passagers – on en compte 14 millions par an.
Il y a donc urgence. La loi de police dont nous discutons est, de ce point de vue, indispensable – c'est bien la moindre des choses. Mais encore faut-il qu'elle soit à la hauteur. La seule protection du salaire minimum horaire, proposée dans la version initiale du texte, ne saurait suffire, alors que la proposition de loi prétend lutter contre le dumping social.
Après que plusieurs collègues, dont les députés Insoumis, ont lancé l'alerte, nous nous félicitons que la commission ait inscrit le principe d'un contrôle et d'une limitation du temps de travail dans le texte. Mais il faut aller plus loin : la loi doit fixer des durées précises, et ne pas simplement énoncer des principes.
De même, nous nous réjouissons de l'annonce du secrétaire d'État sur l'interdiction d'immatriculation au RIF pour le trafic transmanche. Mais n'auriez-vous pu le faire depuis longtemps, monsieur le secrétaire d'État, puisque c'est un décret ? Peut-être la proximité du débat vous a-t-elle aidé à franchir le pas ? Tant mieux, nous nous en félicitons et le considérons comme la victoire de ceux qui défendent le droit social. C'est la preuve qu'il faut savoir légiférer, ou réglementer, et ne pas toujours s'en remettre aux chartes d'engagement volontaire comme vous semblez encore trop souvent vous en contenter.
C'est fromage et dessert !
Face à des compagnies qui disposent d'énormes moyens financiers, les contrôles et les sanctions doivent également être au cœur de nos débats. Avec la nomination de M. Lallement au secrétariat général de la mer, nous espérions la fin de la répression des manifestants – c'est raté.
M. Sébastien Jumel sourit.
Peut-on au moins espérer que la matraque frappe désormais les patrons voyous du maritime ? À quand la brigade de répression de l'action violente (BRAV) anti-dumping social ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Oui, avec des Zodiac par exemple. Mais surtout, à quand une loi globale, car la question ne se limite pas au transport transmanche ? Nous avons besoin d'une loi qui garantisse notre souveraineté maritime et l'ensemble des droits sociaux. Les marins de la Méditerranée le réclament, eux aussi, depuis longtemps face à une concurrence déloyale à l'intérieur de l'Union européenne.
En effet, la question ne date pas du Brexit – ce dernier n'en est qu'un révélateur, un accélérateur, un aggravateur par certains aspects. Dans le règne de la concurrence libre et soi-disant non faussée de l'Union européenne, les îlots de droits sociaux sont toujours menacés par un océan de déréglementation. Comment les protéger quand le droit communautaire européen favorise ce dumping social, avec la liberté de pavillon consacrée par les traités, avec l'existence de pavillons de complaisance au sein même de l'Union européenne, comme l'illustre le cas chypriote ?
Il faudra donc, tôt ou tard, avoir le courage d'affronter la Commission européenne sur ces questions et de désobéir, si besoin, aux traités. En France, la création du RIF, pavillon de dumping social à domicile, comme plus récemment l'extension des sociétés de manning par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, vont dans la mauvaise direction. Il faudra revenir dessus.
Dans cette course au moins-disant social, nous voilà réduits à débattre d'une loi de police à l'application incertaine, à chercher à limiter les conséquences sans vraiment nous attaquer aux causes. Vous le savez, nous avons, nous, l'ambition d'une politique maritime facteur de progrès humain, social et écologique, nous l'avons affirmé au cours de plusieurs de nos campagnes avec Jean-Luc Mélenchon.
Nous vous proposerons à tout le moins de repousser les limites de cette proposition de loi, et vous savez que vous pourrez compter sur nous pour vous appeler à faire davantage, chaque fois qu'il le faudra.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit également.
Nous sommes réunis pour débattre de la proposition de la loi visant à lutter contre le dumping social sur les navires effectuant les liaisons transmanche. En août 2022, les armateurs et le président du syndicat CGT des Marins du Grand Ouest tiraient la sonnette d'alarme sur les agissements de la société P&O Ferries, entreprise britannique qui, en mars 2022, avait brutalement licencié près de 800 travailleurs, sans préavis et au moyen d'un appel vidéo enregistré, pour les remplacer dans la foulée par des marins de pays tiers dont les conditions de travail sont déplorables. Dans la foulée, la compagnie danoise DFDS, qui emploie des marins français sur les lignes de Calais et Dieppe, déclarait qu'en cas de désaccord entre la France et l'Angleterre, elle alignerait ses conditions sociales sur celles de P&O Ferries.
Le 25 octobre dernier, en commission des affaires économiques, lors de l'audition du secrétaire d'État chargé de la mer, M. Berville, j'avais dénoncé ces méthodes et évoqué l'urgence d'un accord bilatéral pour remédier à la faiblesse des lois en matière de dumping social, afin d'éviter que des milliers de marins français et britanniques ne perdent leur emploi. Lors de l'appel de Saint-Malo du 5 novembre 2022, avec la compagnie Brittany Ferries et son président, M. Roué, nous avons confirmé la nécessité de lutter contre ces pratiques déloyales, afin de préserver notre modèle social.
Agir, stopper, dénoncer ces pratiques concurrentielles et faire valoir le droit au travail des marins nationaux et européens dans des conditions dignes de nos pays respectifs en matière de temps de travail, tel est notre credo ! Combattre fermement les pratiques déloyales de dumping social et prévenir leur apparition dans les eaux françaises et communautaires, telle est l'ambition des propositions de loi déposées par mes collègues parlementaires de tous rangs.
Il est temps que la Commission européenne s'empare de cette question vitale pour le secteur du transport maritime. Il est temps aussi d'établir une charte de bonne conduite avec tous les acteurs du transport maritime, l'État et les régions pour lutter contre ces pratiques déloyales.
Si ce dumping social est rendu possible, c'est grâce à deux pavillons européens dits de complaisance, ceux de Chypre et de Malte, qui permettent à un armateur d'employer un capitaine, des officiers et des marins extraeuropéens, sans protection sociale, sans possibilité de récupération et à des salaires très bas, ce qui permet aux compagnies de commercer et de circuler en toute liberté dans l'espace communautaire et les ports de l'Union européenne.
C'est pourquoi il est urgent d'agir sur les salaires et le temps de travail de nos marins et d'imposer notre modèle social ! Une loi de police insérée dans le code des transports et interdisant l'accès de ces navires à nos littoraux permettra de lutter contre tous ces excès et cette concurrence déloyale. Force est de constater que l'affaire P&O a conduit à employer sur ces dessertes des marins à des conditions sociales dignes de pays extracommunautaires à bas coût de main-d'œuvre.
Les compagnies maritimes qui exploitent des navires affectés au transport régulier de passagers entre la France et le Royaume-Uni, sous pavillon français et immatriculés au premier registre, ne peuvent demeurer les otages de telles pratiques.
Les membres du groupe Les Républicains – notamment Pierre-Henri Dumont et moi-même – partagent pleinement les objectifs de cette proposition de loi, qui contient des mesures très utiles, à même de lutter contre le dumping social. Les enjeux sont majeurs pour l'avenir de la marine marchande, pour les lycées maritimes et pour l'École nationale supérieure maritime (ENSM). Il s'agit de contribuer à améliorer la protection sociale des travailleurs et la sécurité, ainsi qu'à rendre plus équitable la concurrence entre les entreprises. Si nous savons déjà que des recours seront déposés, nous espérons tout de même que la loi verra le jour, dans l'intérêt des marins français, des compagnies de transport par bateau dans la Manche et des passagers. La cohérence avec le projet de loi britannique est essentielle à la lisibilité de la mesure et à son application. Notre groupe votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et GDR – NUPES.
Je regrette monsieur Léaument, mais il ne peut y avoir de rappel au règlement pendant la discussion générale.
Il est fondé sur l'article 48, qui s'applique aussi pendant la discussion générale et qui interrompt la discussion en cours !
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra