Pour les députés Insoumis, la prédation sociale n'est pas plus acceptable en mer qu'elle ne l'est à terre. C'est pourquoi nous soutenons à la fois ceux qui s'opposent à votre réforme des retraites à 64 ans, et ceux qui combattent le dumping social dans le transport maritime. Je salue d'ailleurs les marins qui sont engagés dans les deux batailles.
La situation du transport maritime de passagers dans la Manche est insupportable. Près de 800 marins britanniques ont pu être licenciés en trois minutes à peine par la société P&O, pour être remplacés par des marins qui travaillent dix-sept semaines d'affilée en mer, sept jours sur sept, à raison de douze heures par jour.
Ce phénomène de dumping, de concurrence déloyale, menace bien évidemment l'emploi des 2 500 marins français. La santé des marins exploités dans ces conditions, ainsi que la sécurité maritime, sont elles aussi en danger. Santé, emploi, sécurité maritime, tout est lié et tout dépend des conditions de travail des équipages. C'est évidemment encore plus vrai dans cette zone de la Manche, particulièrement dense en trafic maritime et particulièrement fréquentée par les navires de pêche, de plaisance, de transport de marchandises ou de passagers – on en compte 14 millions par an.
Il y a donc urgence. La loi de police dont nous discutons est, de ce point de vue, indispensable – c'est bien la moindre des choses. Mais encore faut-il qu'elle soit à la hauteur. La seule protection du salaire minimum horaire, proposée dans la version initiale du texte, ne saurait suffire, alors que la proposition de loi prétend lutter contre le dumping social.
Après que plusieurs collègues, dont les députés Insoumis, ont lancé l'alerte, nous nous félicitons que la commission ait inscrit le principe d'un contrôle et d'une limitation du temps de travail dans le texte. Mais il faut aller plus loin : la loi doit fixer des durées précises, et ne pas simplement énoncer des principes.
De même, nous nous réjouissons de l'annonce du secrétaire d'État sur l'interdiction d'immatriculation au RIF pour le trafic transmanche. Mais n'auriez-vous pu le faire depuis longtemps, monsieur le secrétaire d'État, puisque c'est un décret ? Peut-être la proximité du débat vous a-t-elle aidé à franchir le pas ? Tant mieux, nous nous en félicitons et le considérons comme la victoire de ceux qui défendent le droit social. C'est la preuve qu'il faut savoir légiférer, ou réglementer, et ne pas toujours s'en remettre aux chartes d'engagement volontaire comme vous semblez encore trop souvent vous en contenter.