La séance est ouverte à 22 heures 05.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration (n° 1855) (M. Florent Boudié, rapporteur général ; Mme Elodie Jacquier-Laforge, M. Ludovic Mendes, M. Philippe Pradal, M. Olivier Serva, rapporteurs)
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Article 1er EB (nouveau) (art. L. 432-1-1 [nouveau], 421-5-1 [nouveau] et 432-6-1 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Élargissement des conditions permettant, par décision motivée de l'autorité administrative, de refuser la délivrance ou le renouvellement de certains titres de séjour ou de les retirer
Amendements de suppression CL177 de M. Benjamin Lucas, CL560 de M. Andy Kerbrat, CL857 de M. Boris Vallaud et CL1148 de M. Davy Rimane
Nous demandons la suppression de cet article, car nous sommes contre la double peine. Il doit y avoir une égalité de droits sur le territoire français entre les personnes françaises et les personnes étrangères, quelle que soit leur situation administrative. Les étrangers sont des justiciables comme les autres ; aggraver leurs peines parce qu'ils sont étrangers est attentatoire au droit et au principe même de la justice.
Nous contestons la logique purement répressive de la politique d'asile et d'immigration que défend la majorité sénatoriale – et que semble faire sienne la majorité gouvernementale – avec cet article qui durcit les conditions de délivrance et de renouvellement des titres de séjour. Sont visées par ces restrictions les cartes de séjour temporelles et pluriannuelles, y compris lorsqu'elles ont été délivrées pour un motif familial. La délivrance ou le renouvellement d'une de ces cartes peuvent être refusés à tout étranger : n'ayant pas respecté une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ; ayant commis des faits de fraude documentaire ; ayant commis des faits pour lesquels le retrait de titre peut déjà être prononcé.
Je tiens à préciser que 80 % des délits commis par des étrangers en France sont liés au fait qu'ils sont étrangers : ils les commettent parce que leur survie est en jeu et pour obtenir leur titre de séjour.
Le ministre de l'intérieur a reconnu que certaines des dispositions prévues par cet article sont déjà inscrites dans le droit, mais en ajoutant qu'il était inutile d'ergoter. Il est dommage qu'il ne soit pas là ce soir, nous aurions aimé l'entendre sur ce point.
Cet article dispose que l'on pourra refuser une carte de séjour temporaire à une personne ayant commis une fraude documentaire. Or chacun sait que les personnes en situation irrégulière, pour produire les bulletins de salaire qu'on leur demande par ailleurs, ont souvent dû utiliser une fausse identité. Cet article va donc empêcher 95 % des travailleurs en situation irrégulière de s'inscrire dans un processus de régularisation. Parce qu'il est totalement absurde, nous demandons sa suppression.
Les personnes qui demandent la délivrance ou le renouvellement de leur titre de séjour peuvent déjà essuyer un refus pour de très nombreuses raisons, notamment pour « menace à l'ordre public ». Or cette notion peut être interprétée très diversement par les préfets. Dans un centre de rétention, j'ai rencontré à la fois des gens condamnés pour avoir conduit sans permis et d'autres qui avaient fait l'apologie du terrorisme. Non seulement cet article multiplie les motifs de refuser un titre de séjour, mais il va jusqu'à rétablir la double peine.
Je suis étonné que certains d'entre vous parlent de double peine, car il ne s'agit pas de cela. Madame Rousseau, il n'est pas non plus question de retirer son titre de séjour à quelqu'un, ni de renforcer les peines des étrangers parce qu'ils sont étrangers.
Ce que prévoit l'article, c'est que le préfet peut, sur décision motivée, refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle à une personne déjà condamnée pénalement. C'est une possibilité – certains voudraient en faire une obligation mais je n'y suis pas favorable – et cela ne constitue en rien une double peine.
Le problème que pose cet article n'est pas celui que vous pointez, madame Rousseau. Le problème, c'est qu'il recoupe des dispositions de l'article 13, ce qui crée des incohérences, et que certaines de ses dispositions existent déjà dans notre droit, comme l'a rappelé M. Delaporte, citant le ministre.
Je vais donc vous proposer, avec mon amendement CL1662, de nettoyer cet article pour le recentrer sur les seules atteintes aux élus, qu'il est légitime de mentionner. Sur ces amendements de suppression, j'émettrai un avis défavorable.
Je suis estomaqué que l'on considère que des personnes qui se sont maintenues illégalement sur le territoire français ou qui y ont commis des délits ou des crimes ont vocation à y demeurer. Je ne vois pas en quoi des personnes coupables de faux, d'usage de faux ou d'extorsion seraient de bons candidats à l'intégration. Certains collègues arrivent à trouver une excuse sociale à ces délits, parce qu'ils serviraient à « subsister », mais on parle aussi de trafic de stupéfiants, de réduction en esclavage, de proxénétisme et de traite d'êtres humains. Des personnes qui ne respectent pas les OQTF dont elles font l'objet et qui prospèrent par des trafics en tout genre n'ont pas vocation à rester dans notre pays : elles ne s'y intégreront pas. Quand on bénéficie de l'accueil et de la générosité de la France, la moindre des choses est d'en respecter les lois.
Il y a une logique derrière tout cela : c'est la logique sur-répressive de ce projet de loi, qui entend être « méchant avec les méchants ». En tout cas, ajouter une expulsion à une sanction pénale, par exemple une peine de prison, c'est bien appliquer une double peine, monsieur le rapporteur général.
Si, l'expulsion est une peine. En outre, cet article ne se contente pas de sanctionner les délits, il présuppose que les étrangers vont en commettre.
Je voudrais revenir sur l'argument de mon collègue Delaporte : en faisant ce millefeuille juridique, où les dispositions se répètent, mais avec de petites variations, on va créer des failles dans ce texte, qui risquent de le rendre inapplicable. Pourquoi réécrire ce qui est déjà prévu dans la loi ? Notre travail de législateur est de faire des textes compréhensibles, qui ne laissent aucune place à des mésinterprétations.
Au Rassemblement national, nous sommes médusés et horrifiés par ces amendements de nos collègues d'extrême gauche, qui font preuve d'une bienveillance inouïe à l'égard d'étrangers en situation d'infraction – qui se sont rendus coupables de fraude documentaire ou n'ont pas respecté une OQTF par exemple.
Je ne comprends pas votre mansuétude à l'égard de personnes qui violent nos lois et qui se maintiennent illégalement sur le territoire national. Que cherchez-vous ? Nous avons déjà un taux d'exécution des OQTF parmi les plus faibles en Europe ! Au Rassemblement national, on considère qu'un étranger qui a été généreusement accueilli sur le territoire national doit bien se comporter et respecter les lois. Au Rassemblement national, on ne légitimera jamais la fraude et on n'excusera jamais la violation de la loi.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL1662 de M. Florent Boudié
Monsieur Di Filippo, toutes les infractions pénales que vous avez évoquées – proxénétisme, fraude documentaire, trafic de stupéfiants – sont déjà des cas justifiant le refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour. Nous ne supprimons pas ces dispositions, nous clarifions un article qui les reprenait inutilement. Avec cet amendement, je propose de ne retenir de cet article que ce qu'il contient de nouveau, à savoir les atteintes aux élus, qui faisaient défaut dans le droit existant.
Le groupe Horizons et apparentés votera l'amendement du rapporteur général. J'aimerais toutefois dire un mot de nos amendements CL1236, CL1237, CL1238 et CL1239, qui vont tomber et qui visaient, pour des infractions particulièrement graves, à rendre obligatoire le rejet, par le préfet, de la demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour.
J'ai une question toute simple : combien d'étrangers se sont-ils rendus coupables de violences contre des élus ?
L'adoption de cet amendement va faire tomber tous les autres. Or nous étions favorables à ceux de nos collègues du groupe Horizons et j'avais, pour ma part, également déposé des amendements tendant à rendre le rejet obligatoire pour tout étranger condamné pour acte de terrorisme.
Il nous paraît tout à fait normal qu'un étranger coupable de fraude documentaire, de production ou fabrication illicite de stupéfiants ou de proxénétisme se voie retirer son titre de séjour. Pour nous, l'article ne va pas assez loin et il faudrait interdire automatiquement la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour dans ces cas-là.
L'attention que vous portez au statut de l'élu est tout à fait pertinente, quand on voit que de plus en plus de maires sont la cible d'insultes, d'incivilités, voire de violences physiques qui les poussent à la démission. Il faut protéger les élus : ils nous le demandent.
La commission adopte l'amendement et l'article 1er EB est ainsi rédigé.
En conséquence, les autres amendements sur l'article tombent.
Article 1er EC (nouveau) (art. L. 423-6, L. 423-10 et L. 423-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Allongement de plusieurs délais conditionnant l'octroi de la carte de résident d'une durée de dix ans pour certains motifs familiaux
Amendements de suppression CL1663 de M. Florent Boudié, CL1644 de M. Sacha Houlié, CL178 de M. Benjamin Lucas, CL563 de Mme Andrée Taurinya, CL858 de M. Boris Vallaud, CL1149 de Mme Emeline K/Bidi, CL1277 de M. Erwan Balanant et CL1545 de M. Guillaume Gouffier Valente
L'article 1er EC concerne trois articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ouvrent le bénéfice d'une carte de résident pour une durée de dix ans, par exemple aux personnes mariées à un résident français ou qui ont des enfants français depuis plus de trois ans. Il porte les durées minimales requises dans ces trois articles de trois à cinq ans, ce qui ne me paraît pas justifié.
Cet article réussit l'exploit de s'en prendre à la fois aux étrangers en situation régulière ou irrégulière et aux Françaises et Français qui ont un conjoint ou une conjointe venue d'un autre pays. La Défenseure des droits a estimé qu'il s'agit d'« une restriction inédite portée au droit des Français de mener une vie familiale normale ». Aucune raison valable ne justifie de porter cette durée de trois à cinq ans. Cet article va par ailleurs créer une insécurité juridique considérable. C'est une horreur de plus dans ce texte.
Je ne vois effectivement pas l'intérêt de cet allongement. Par ailleurs, je note qu'après huit ou neuf heures de débat, nous n'avons toujours pas commencé à examiner le texte en tant que tel : nous sommes toujours en train de discuter des articles qui ont été ajoutés par le Sénat, où il n'est question que de répression et de limitation du droit des étrangers. Les députés du Rassemblement national nous parlent des étrangers qui sont « généreusement accueillis ». en France, mais il n'a pas encore été question d'accueil !
Cet article va encore aggraver la précarité administrative des couples et des conjoints étrangers. Je n'ai pas de mots pour qualifier cette mesure. Je regrette que le ministre, lors de l'examen du texte au Sénat, n'ait pas réagi et ait laissé faire. Je suis moi-même mariée à un Français et j'ai obtenu la nationalité française par mariage. À l'époque, il n'y avait même aucune condition de durée. Cette disposition n'a aucun sens et n'a pas sa place dans ce texte.
La question du regroupement familial et des conjoints étrangers semble vous obséder et nous y consacrons beaucoup de temps, alors qu'elle ne représente que 12 000 à 14 000 titres de séjour par an. Cet article vise clairement à entraver l'accès au séjour et à précariser les familles franco-étrangères. J'ajoute qu'il risque d'aggraver l'engorgement des services préfectoraux. Au-delà de l'impact financier de cette mesure, qui imposera aux personnes concernées de payer des taxes à chaque renouvellement de leur titre, la Défenseure des droits estime qu'elle « concourt à maintenir les étrangers régulièrement établis sur le territoire dans une forme d'insécurité administrative permanente ».
Ce qui doit nous préoccuper, c'est le parcours d'intégration. Or cette disposition introduite par le Sénat va y ajouter un nouvel obstacle.
Vous voudriez supprimer les mesures propres à limiter la délivrance des titres de séjour, dont vous vous demandez pourquoi elles figurent dans ce texte.
Mais tout de même, 80 % des Français réclament que l'on prenne des décisions fermes en matière d'immigration ; 63 % estiment qu'il y a trop d'immigrés en France ; 73 % considèrent que la politique migratoire française est trop laxiste ; 83 % sont favorables à l'organisation d'un référendum sur le sujet. Tout cela devrait vous parler !
Nous sommes les représentants du peuple français. Alors pourquoi, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les élus de gauche, voulez-vous gauchiser ce texte, alors même que les Français réclament de la fermeté en matière d'immigration ?
Ces chiffres n'ont aucun sens. Pour ma part, je voudrais évoquer des témoignages de couples binationaux, à qui l'association Les amoureux au ban public apporte son soutien. Ces couples disent que tout est fait pour les décourager, qu'ils subissent des moqueries de la part des représentants des institutions françaises, qu'aimer un étranger est interdit en France et qu'ils sont contraints d'oublier le rêve de fonder une famille et de devenir parents. Je vous invite à aller à la rencontre de cette association et de ces couples binationaux qui font la force de notre pays. Étant moi-même un enfant binational, je trouve profondément dégueulasse tout ce que vous dites depuis deux jours.
Pour répondre à la question d'Élisa Martin tout à l'heure, je voudrais témoigner des violences que nous subissons en tant qu'élus, à Mayotte, de la part d'étrangers, parce que nous clamons notre attachement à la France. Ces deux dernières années, trois bâtiments publics de l'intercommunalité de Petite-Terre et l'hôtel de ville de Koungou ont été incendiés. Ce deuxième incident a eu lieu après l'opération de destruction du bidonville de Wuambushu, où se trouvaient des habitations clandestines occupées majoritairement par des étrangers, sur des propriétés privées ou publiques.
Nombre de mes collègues élus à Mayotte ont été attaqués physiquement. Certains ont été blessés à l'arme blanche et, pour ma part, j'ai terminé ma campagne sous protection militaire, parce que je défends Mayotte française. Offrir une protection spéciale aux élus n'est pas superfétatoire.
Certains de nos collègues brossent un tableau absolument idyllique de la situation, mais nul ne peut ignorer qu'il y a des mariages de complaisance et que certaines unions servent à régulariser des immigrés en situation irrégulière. Cet article a l'intérêt de déjouer des manœuvres qui visent tout autre chose que la réalisation d'une union fondée sur des sentiments et le désir d'une vie commune.
En tant que maire, j'ai dû prononcer le mariage d'un étranger en situation irrégulière, parce que la loi ne me permettait pas de l'empêcher. Cela m'a profondément dérangée, car je m'interrogeais sur la fiabilité de cette union.
Heureusement, madame Genevard, que vous respectez la loi et que vous ne pouvez pas décider de qui peut ou non se marier ! Un Français ou une Française a le droit d'aimer un étranger et de l'épouser.
Le Rassemblement national vit dans un monde où il y a, d'un côté, les étrangers, et de l'autre les Français. Mais cet article ne va pas compliquer uniquement la vie des personnes dont la seule faute est de n'être pas nées en France : il va compliquer aussi celle des Françaises et des Français qui sont nés ici et qui ont fait le choix de s'unir et de fonder une famille avec quelqu'un qui n'est pas né en France. Nous vivons dans un pays mélangé et multiculturel et nous en sommes fiers.
Madame Genevard, dans la loi « séparatisme », dont j'ai également eu l'honneur d'être rapporteur général, nous avons déjà renforcé la capacité du maire de s'opposer aux mariages qu'il jugerait frauduleux. Dans le présent texte, l'article 7 bis, introduit par le Sénat, permet en outre au procureur de la République d'intervenir. Je partage votre souci de lutter contre les mariages frauduleux, mais porter un délai de trois à cinq ans n'y contribuera nullement. En revanche, cela va multiplier les obstacles à l'intégration des gens mariés à un Français, ou parents d'enfants français.
La commission adopte les amendements et l'article 1er EC est supprimé.
En conséquence, l'amendement CL568 de M. Thomas Portes tombe.
Article 1er E (nouveau) (art. L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Restriction des conditions d'obtention du titre de séjour « étranger malade »
Amendements de suppression CL198 de M. Benjamin Lucas, CL573 de Mme Élisa Martin, CL859 de M. Boris Vallaud, CL1150 de Mme Elsa Faucillon, CL1253 de Mme Clara Chassaniol, CL1423 de Mme Stella Dupont et CL1605 de M. Sacha Houlié
Les restrictions introduites par le Sénat dans cet article rendraient le droit au séjour pour raisons médicales inopérant.
Aujourd'hui, une personne étrangère gravement malade résidant en France peut solliciter un droit au séjour pour raisons de santé si elle ne peut pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cette notion d'effectivité est essentielle : elle permet de prendre en compte les éventuelles difficultés d'accès aux soins, qu'elles soient de nature économique – coût du traitement, absence de couverture maladie… – ou géographique, ou encore liées à des situations de discrimination.
Cet article remplace le critère d'effectivité par celui de disponibilité : il suffirait que le traitement soit formellement disponible dans le pays d'origine, même s'il n'est pas accessible à l'ensemble de la population, pour priver la personne concernée d'un titre de séjour en France et l'expulser, malgré le risque d'aggravation de sa maladie.
Cet article mettrait en danger la vie de plusieurs milliers de personnes : c'est une horreur de plus, qu'il faut absolument supprimer.
. Nous continuons, brique après brique, à rendre impossible la vie ou la venue des étrangers chez nous. Cette affaire ne repose pas sur la raison mais sur l'idéologie, dans la mesure où les situations visées sont rares et en diminution. Il serait plus simple et plus efficace de se dire les choses comme elles sont : nous avons décidé que la France n'est plus le pays des droits de l'homme. Cela a d'ailleurs été dit : « Il faut sortir de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) » : je n'ai jamais rien entendu de si incroyable, du point de vue du droit et de ce que la France représente.
L'article 1er E remet en question, de façon inconsidérée, ni justifiée ni souhaitée, le droit au séjour des étrangers malades, qui est un acquis des grandes luttes des années 1990, au moment de l'épidémie de sida. Il opère un retour à une disposition adoptée par la droite en 2011 dans le cadre de la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, dite loi Besson, et abrogée par notre majorité en 2016, qui permet de ne plus se préoccuper de l'effectivité de l'accès aux traitements et aux médicaments dans le pays d'origine mais de se contenter de leur existence.
Conservons à l'esprit que le titre de séjour « étranger malade » est accordé à des gens qui sont d'ores et déjà présents en France. Il ne doit pas être confondu avec le visa délivré pour motif médical.
Je rappelle à mon tour que le titre de séjour « étranger malade » n'est pas un visa délivré pour motif de soins. Il est accordé à des personnes d'ores et déjà présentes en France. J'ai suivi les débats du Sénat : honnêtement, je n'ai entendu aucun argument un tant soit peu solide justifiant sa remise en cause, sinon la volonté générale de limiter la délivrance de titres de séjour.
La notion d'effectivité de l'accès aux soins est essentielle. Elle permet de tenir compte des éventuelles difficultés d'accès aux soins de nature économique ou géographique, ou liées à des situations de discrimination. Supprimée par la loi Besson, elle a été réintroduite dans la législation en mars 2016. Elle est un élément fondamental d'appréciation du besoin de prise en charge en France d'une personne gravement malade.
L'article 1er E restreint l'accès au titre de séjour « étranger malade », dont je rappelle à mon tour qu'il est accordé à des étrangers résidant en France et ayant besoin d'un traitement dont le défaut pourrait avoir des conséquences graves. Les sénateurs ont rétabli le critère restrictif, qui prévalait jusqu'en 2016, de l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Or un traitement peut être disponible mais non accessible, pour des raisons de coût, de distance ou de conditions matérielles.
Cette restriction priverait de soins des personnes gravement malades sous prétexte qu'un traitement existe dans leur pays d'origine, même si elles n'y ont pas accès. La proportion de titres octroyés pour ce motif, au sein des titres délivrés pour motif humanitaire, est faible. Près d'un tiers des bénéficiaires y ont recours pour soigner des maladies infectieuses telles que le VIH ou l'hépatite B ou C. Mettre un terme à la solidarité nuirait donc bien sûr à leur santé, mais aussi à notre système de soins et à la santé mondiale.
Cette nouvelle attaque contre les étrangers est plus symbolique qu'effective, dès lors que 3 000 malades étrangers seulement sont concernés chaque année. Cet article relève de l'agitation symbolique. Nous en demandons la suppression.
J'ai déposé le même amendement de suppression, pour plusieurs raisons : la faiblesse du stock, évoquée par Mme Chassaniol ; le risque de rupture d'accès au droit, évoqué par la Défenseure des droits lors de son audition ; la diminution du nombre de bénéficiaires, qui étaient plus de 5 000 en 2019 et 3 900 en 2021. Il n'est pas nécessaire de restreindre davantage l'accès à ce titre de séjour.
Le titre de séjour « étranger malade » n'a aucunement pour objet, contrairement à ce qu'a suggéré la directrice générale de Sidaction, d'accompagner sur le plan médical des personnes vivant hors du territoire national. Il s'agit d'accompagner des gens justifiant de leur résidence habituelle en France depuis au moins un an, donc bénéficiaires d'un visa ou demandeurs d'asile.
La directrice générale de Sidaction m'accuse d'accélérer la diffusion du VIH dans des pays tels que le Cameroun – 10 000 morts en 2021 –, le Nigeria – 50 000 morts – ou l'Afrique du Sud – 85 000 morts –, en oubliant au passage le Sénégal, que je connais particulièrement bien, et son millier de morts du VIH en 2021. Ces décès, hélas, sont indépendants de l'octroi de titres de séjour « étranger malade ». Je tiens à dissiper ce qui semble être une confusion. Tous les malades du VIH ne peuvent obtenir un titre de séjour « étranger malade », ni être systématiquement soignés dans un pays dont l'offre de soins est supérieure à celle du leur.
En 2021, le titre de séjour « étranger malade » a été octroyé à 3 750 personnes. Il s'agit donc d'un dispositif très étroit. En analysant cet article introduit par le Sénat, je ne m'attache pas au symbole, mais aux éventuelles possibilités d'amélioration du dispositif. De ce point de vue, plusieurs situations méritent d'être prises en considération, si marginales soient-elles.
Ce titre est inaccessible aux ressortissants d'un État membre de l'Union européenne (UE), ce qui n'a rien de surprenant, s'agissant de pays bénéficiant de systèmes de soins appropriés pour le traitement des pathologies concernées. Toutefois, un ressortissant d'un pays tiers vivant dans l'un de ces États, l'Allemagne par exemple, peut accéder au titre de séjour « étranger malade » en France – l'un des deux seuls pays de l'Union, avec la Belgique, à le proposer. Pourtant, le système de soins allemand est tout à fait performant, mais il n'y a pas de titre « étranger malade » en Allemagne. Il s'agit à mes yeux d'une incohérence, voire d'une injustice, à tout le moins d'une disposition que je ne m'explique pas.
Autre cas – il s'agit de situations marginales, je le répète : des personnes de nationalité américaine ou géorgienne – 3 000 Géorgiens sont dialysés en France – peuvent obtenir un titre de séjour « étranger malade », alors même que le système de soins de leur pays d'origine permet d'accéder aux soins concernés, gratuitement et dans le cadre d'un système d'assurance maladie s'agissant des Géorgiens. Cela pose problème. J'encourage chacun à demander au directeur général de l'AP-HP des précisions sur cette situation.
Le dernier cas que je livre à votre réflexion est celui du ressortissant d'un pays tiers obtenant le titre de séjour « étranger malade » pour réaliser une procréation médicalement assistée (PMA). Je crois sincèrement qu'il s'agit d'un dévoiement.
Le titre de séjour « étranger malade » a été créé en 1998 pour aider et accompagner les malades du VIH. Dans la plupart des pays du monde en effet, ils ne pouvaient pas bénéficier de trithérapies : la France a donc pris ses responsabilités. Depuis, aucune explosion du nombre de titres de séjour « étranger malade » n'a été constatée. Toutefois, certaines situations sont incompréhensibles, même pour le législateur.
Mais je tiens dès à présent à rassurer Clara Chassaniol : les malades du VIH éligibles à ce titre de séjour continueront à l'être. Nul n'imagine qu'une personne souffrant du VIH résidant habituellement en France soit obligée de rentrer dans son pays d'origine, où l'offre de soins adéquate n'est peut-être pas disponible.
Pour améliorer ce dispositif donc, je propose de conserver une partie des dispositions introduites par le Sénat dans cet article.
Le Sénat a rétabli la législation qui était en vigueur avant 2016 – ce qui montre qu'elle n'a rien d'inacceptable – consistant à prendre en considération non l'accès effectif à une offre de soins mais la simple existence de cette dernière, appréciée bien sûr en tenant compte de la situation nationale. Je propose de reprendre cette disposition en ajoutant une réserve d'interprétation, tenant à une circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par le préfet après avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).
Par ailleurs, le Sénat a exclu le remboursement par l'assurance maladie des soins prodigués aux bénéficiaires d'un titre de séjour « étranger malade ». Cela me semble non seulement inacceptable, mais contraire au dispositif de la Puma (protection universelle maladie) adopté par la représentation nationale il y a quelques années. Je propose donc de supprimer cette disposition.
Enfin, par l'article 1er F, le Sénat a modifié la définition des « conséquences d'une exceptionnelle gravité » qu'aurait un défaut de prise en charge médicale sur l'état de santé d'un étranger, qui sont une des conditions pour accéder au titre « étranger malade ». En reprenant les dispositions de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Ofii de leurs missions, il a durci cette définition. Je souhaite que la rédaction s'en tienne strictement aux dispositions prévues par l'arrêté, lesquelles sont cohérentes et permettent une souplesse offrant la possibilité de compléter la législation par des dispositions de nature réglementaire.
Pour nourrir le débat, j'évoquerai la situation de Mayotte. Dans notre désert médical, un patient sur deux que reçoit notre hôpital est étranger. Or je rappelle à la représentation nationale que le texte que nous adopterons ne s'appliquera pas à Mayotte, où, nous dit-on, il vaut mieux ne pas développer les services de santé pour éviter tout appel d'air, compte tenu du fait que nous sommes cernés de pays très pauvres. Oui, on prive nos compatriotes de santé parce qu'il y a trop de pauvreté autour.
Monsieur le rapporteur général, les principes que vous énoncez trouvent leur limite dans la réalité, notamment celle de la dépense publique. Lorsque vous dépensez 1 euro pour la santé à Mayotte, dans le cadre d'un système dérogatoire à enveloppe unique dont la sécurité sociale est absente pour ne pas encourager davantage l'immigration clandestine, 50 centimes sont dépensés pour des étrangers.
En qualité de rapporteure spéciale de la mission Santé, dont les crédits sont essentiellement dédiés au financement de l'aide médicale de l'État (AME), je me suis penchée sur le titre de séjour pour soins. Lors de sa création, dans les années 1990, il ciblait les étrangers en situation irrégulière atteints du sida, qui étaient pour la plupart africains ou haïtiens.
Vingt-cinq ans plus tard, ce titre est devenu, d'après les réponses que m'a faites l'Ofii, soit un moyen de migration médicale avec une prise en charge assurée par la France, comme le souligne le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur l'AME, soit une opportunité pour obtenir un titre de séjour régulier.
En restreindre l'accès, comme l'a prévu le Sénat, va dans le bon sens, d'autant que ce dispositif est une exception en Europe et dans le monde.
Sur un tel sujet, il faut rester calme. Je déduis de l'exposé long et un peu fumeux du rapporteur général qu'il conserve la suppression par le Sénat du critère d'effectivité des soins pour accéder au titre de séjour « étranger malade ». Il ne sera donc plus tenu compte de l'inaccessibilité socio-économique des soins ni des circonstances exceptionnelles liées à la situation personnelle du demandeur.
Par ailleurs, je suis représentant de l'Assemblée nationale au Conseil national du sida et des hépatites virales. Monsieur le rapporteur général, vous avez tenu des propos assez déplaisants au sujet d'une personne intervenant dans ce domaine. La nationalité des porteurs de titres de séjour « étranger malade », je ne la connais pas et vous non plus, l'Ofii n'ayant pas publié son rapport annuel obligatoire sur l'accès aux soins depuis 2021. En outre, le transfert de la gestion des demandes à l'Ofii a eu pour effet de diviser par deux le nombre de titres de séjour pour soins délivrés. Il s'agit d'un véritable problème, qu'il faudra résoudre.
Nous voterons contre ces amendements. Le titre de séjour « étranger malade » est sans équivalent dans le monde, hormis en Belgique. D'après plusieurs études, les bénéficiaires viennent essentiellement de pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dont la qualité des systèmes de soins n'est pas à démontrer. Il nous semble pertinent de réserver ce titre aux ressortissants de pays où le traitement concerné n'existe tout simplement pas. Nous défendrons un amendement à cet effet.
L'exposé du rapporteur général ne modifie pas notre position : nous demandons toujours la suppression de l'article.
Par ailleurs, j'appelle l'attention de la représentation nationale sur le traitement inacceptable et inadmissible dont Mayotte fait l'objet. En tant que Français, les raisons pour lesquelles le département de Mayotte n'est pas logé à la même enseigne que les autres m'échappent.
Monsieur le rapporteur général, les dispositions législatives dont nous débattons posent un problème de fond. Cette situation n'est pas normale. J'attends de vous que vous révisiez votre position. En tant que Français ultramarin, je n'accepte pas que Mayotte soit laissé de côté en matière de dispositifs sociaux.
Plusieurs points mis à la suite forment une ligne. La vôtre, monsieur le rapporteur général, est plus hypocrite qu'Hippocrate. Elle présente des aspects qui ne peuvent que nous effarer, de l'avis de sagesse du Gouvernement donné au Sénat sur la suppression de l'AME à votre remise en cause du critère de l'effectivité des soins, dont nous sommes plusieurs, sur la plupart des bancs, à avoir démontré qu'elle provoquerait d'énormes difficultés sanitaires.
L'alerte lancée par de nombreuses associations, dont Médecins du monde, qui a rédigé un plaidoyer que j'ai sous les yeux, ne vous émeut pas. Comment pouvez-vous envisager de nous endormir par un exposé fumeux ? Vous ne proposez pas un compromis, vous vous alignez sur la droite radicalisée et l'extrême droite s'agissant d'un sujet aussi essentiel, celui de la santé publique.
L'exposé du rapporteur général n'a rien de fumeux. Au contraire, il présente clairement l'histoire du dispositif, qui existait avant 2016 et qui n'était pas élaboré par l'extrême droite, et aussi ses incohérences et les dévoiements dont il fait l'objet. Rien ne nous interdit d'y travailler, comme le propose M. le rapporteur général, afin d'en rétablir l'efficacité. Le groupe Renaissance votera contre les amendements visant à supprimer l'article.
En Guinée, le traitement du VIH par trithérapie existe, mais il n'est pas accessible financièrement aux personnes atteintes. Il en est de même à Haïti. L'article 1er E affaiblit le principe de solidarité qui, en tant que sixième puissance économique mondiale, devrait nous guider, d'autant que nous avons pris, dans le cadre de l'Onusida (Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida), l'engagement de lutter contre l'épidémie de VIH jusqu'à son éradication. Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué le durcissement opéré par le Sénat sur la base du décret du 5 janvier 2017, mais la France renvoie d'ores et déjà dans leur pays des gens atteints du VIH et qui ne peuvent pas y être traités !
Monsieur Kerbrat, le titre de séjour « étranger malade » ne peut ni ne pourra remédier aux situations que vous évoquez, et il ne l'a jamais pu. Un ressortissant souffrant, dans son pays d'origine, d'une pathologie particulière nécessitant un accompagnement, telle que le VIH, ne peut pas prétendre au titre de séjour « étranger malade », qui n'est accessible qu'à un ressortissant de nationalité étrangère présent sur le territoire national depuis au moins un an. L'idée est de ne pas l'obliger à rentrer dans son pays pour être soigné, compte tenu du système de soins de ce dernier, et de prendre en charge le coût de son traitement. Il s'inscrit dans l'approche humanitaire des migrations dont la France fait preuve. Si tel n'était pas le cas, nous devrions en délivrer des dizaines de milliers chaque année.
Les ressortissants étrangers ont trois voies d'accès à notre système de soins : l'AME ; la prise en charge au titre des soins urgents, utilisée notamment à Mayotte, où les hôpitaux prennent en charge les soins puis bénéficient de transferts de charges du budget de l'État ; et le titre de séjour « étranger malade ».
En tant que législateur, nous devons identifier les cas dans lesquels ce titre est octroyé alors qu'il ne devrait pas l'être, si marginaux soient-ils – les ressortissants américains que j'évoquais tout à l'heure sont vingt-huit. De même, un ressortissant d'un pays tiers vivant en Allemagne, dès lors qu'il a accès à un système de soins tout à fait acceptable, ne devrait pas avoir accès au titre de séjour « étranger malade ». Ce que je n'accepte pas, dans le texte du Sénat, c'est l'imputation du coût des soins au demandeur, donc à une assurance privée, et non à l'assurance maladie. Cela me semble particulièrement injuste. Il n'y a rien de fumeux dans tout cela.
Quant à ma proposition de tenir compte de circonstances humanitaires exceptionnelles, elle ne mérite pas d'excès d'injures. Elle était applicable jusqu'en 2016 et depuis, le nombre de titres « étranger malade » délivré chaque année est stable – environ 4 000. Et je rappelle que nous avons vécu pendant cinq ans de présidence Hollande avec ce dispositif, qui ne posait aucune difficulté.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL860 de M. Boris Vallaud et CL1526 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune)
Il s'agit d'élargir le droit au titre de séjour « étranger malade » en tenant compte des traumatismes physiques et psychologiques liés au parcours migratoire. La revue The Lancet a publié en septembre dernier une grande enquête, menée à Marseille sur 273 demandeuses d'asile. Le tableau qu'elle dépeint, dont Le Monde s'est fait l'écho, est apocalyptique.
Ces femmes garderont de leur parcours migratoire des cicatrices physiques et psychologiques indélébiles. Nous proposons de leur attribuer le bénéfice du titre de séjour « étranger malade » dans l'attente de la décision sur leur demande d'asile. Souvent, le viol a commandé leur départ. Il a accompagné leur parcours migratoire. Et malheureusement, il épouse souvent leur arrivée sur notre territoire.
Si le nombre de primo-accédants au titre de séjour « étranger malade » est d'environ 4 000 par an, le stock s'élève à 30 000 titres. Ce titre a été détourné de son objectif initial. L'amendement CL1526 vise à y remédier sur trois points.
D'abord, le critère de résidence habituelle en France est trop souple : certains étrangers bénéficient d'un titre de séjour pour soins alors même qu'ils viennent d'arriver sur le sol français.
Par ailleurs, le critère des conséquences d'une exceptionnelle gravité n'a plus la portée qu'il devrait avoir. D'après le dernier rapport d'activité de l'Ofii, certains étrangers obtiennent un titre de séjour pour soins alors même que leur pathologie n'est pas d'une exceptionnelle gravité
Enfin, il faut rendre le critère de l'existence de soins dans le pays d'origine plus opérant. D'après l'Ofii, des Suisses, des Américains et des Canadiens bénéficient chaque année d'un titre de séjour pour soins.
Je rappelle que certaines personnes bénéficient de traitements coûteux, parfois de l'ordre de 1 million d'euros par an et par personne.
Avis défavorable. Madame Louwagie, l'augmentation du temps de résidence à deux ans aurait pour effet de casser le dispositif. Tel est peut-être votre souhait ; tel n'est pas le nôtre. Monsieur Vallaud, l'Ofii se penche d'ores et déjà, évidemment, sur le passé des demandeurs et les traumatismes qu'ils ont subis lors de leur parcours migratoire.
Peut-être l'Ofii se penche-t-il sur ces traumatismes à l'heure actuelle, mais ce ne sera plus le cas quand vos modifications auront été introduites dans la loi.
Cet après-midi, lors de la séance de questions au Gouvernement, la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations s'est livrée à une vibrante dénonciation de l'utilisation du viol comme arme de guerre et de la façon dont le corps des femmes est toujours utilisé pour les faire souffrir un peu plus que les autres êtres humains. Elle répondait à une question poignante posée par une députée Renaissance. Dès lors, la moindre des choses pour la majorité, si tant est qu'elle soit un peu cohérente et qu'elle ne joue pas avec les sentiments, est de voter l'amendement CL860.
Cet amendement CL860 est faussement humaniste. On nous propose de tenir compte des traumatismes physiques et psychologiques causés par le parcours migratoire dans l'obtention du titre de séjour « étranger malade ». Mais la question est de savoir pourquoi ces traumatismes psychologiques ont été infligés.
Une partie de la réponse réside peut-être dans le fait que nos collègues d'extrême gauche et les associations immigrationnistes vendent du rêve à des populations désœuvrées et contribuent à les inciter à traverser la Méditerranée dans des conditions absolument déplorables. Chers collègues de gauche, vous essayez de vous donner bonne conscience et d'éteindre le drame que vous avez contribué à allumer. La seule politique humaniste est celle du Rassemblement national. Elle consiste à tenir un discours de vérité et à dire à ces gens que nous n'avons rien à leur offrir.
Le rapport budgétaire de Mme Louwagie est très éclairant. De quoi parlons-nous ? D'étrangers malades ne disposant pas dans leur pays de certains traitements, par exemple basés sur des molécules très innovantes, qui viennent se faire soigner en France à un coût considérable. Certains traitements avoisinent le million d'euros par an et par personne. Le dispositif coûte près de 100 millions par an. Le stock de titres de séjour « étranger malade » est de 30 000. Monsieur le rapporteur général plaide en faveur de la prise en charge de ce coût par l'assurance maladie. Songeons à nos compatriotes qui n'ont pas les moyens de se soigner !
Je viens de me livrer à un rapide calcul : le coût moyen des soins prodigués est de 3 000 euros par bénéficiaire et par an, soit deux fois moins que les dépenses moyennes de santé d'un Français malade. Il faut arrêter de dire que les étrangers coûtent plus cher que les Français en matière de santé. Ils coûtent même moins cher, comme le prouvent les études sur l'AME.
S'agissant de la prise en compte des traumatismes psychologiques des demandeurs, on observe que depuis le transfert à l'Ofii de l'évaluation des demandes, elle est passée de la première à la quatrième position. Pourtant, les demandeurs sont toujours autant traumatisés par ce qu'ils ont vécu lors du parcours migratoire et dans leur pays d'origine. Ce facteur est donc de moins en moins pris en compte, et l'amendement de Boris Vallaud a le mérite de rendre à ce sujet son importance.
S'agissant de la proportion de personnes ayant contracté le VIH en France parmi les demandeurs, elle oscille entre 30 % et 50 %.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL116 de M. Éric Pauget
La France est le seul pays au monde à délivrer des cartes de séjour pour soins à des étrangers avec si peu de conditions. Ce dispositif généreux, financé par la solidarité nationale alors même que de nombreux Français ont de plus en plus de mal à se soigner, s'est progressivement transformé en un simulacre de titre de séjour pour tourisme médical. Mon amendement reprend l'une des préconisations du rapport établi par Véronique Louwagie, en posant comme condition à l'obtention de ce titre une période de résidence de deux années sur le territoire national.
Outre le fait que le système n'est pas si généreux que cela, êtes-vous vraiment certains que les Français aient des difficultés d'accès aux soins à cause de la présence d'étrangers sur notre territoire ? Ne croyez-vous pas plutôt que cela soit dû à la logique d'austérité, à la diminution des moyens donnés à l'hôpital et à la recherche, à la façon terrible dont sont traités nos étudiants en médecine, dont un se suicide tous les dix-huit jours ? Le problème vient plutôt de là que des étrangers, et vous y avez une responsabilité très particulière.
J'ai un peu l'impression que l'on tourne en rond. Les chiffres sont très clairs : 3 200 personnes ont bénéficié l'année dernière de ces titres de séjour. Et à écouter nos collègues, on a l'impression qu'on ferait le tour du monde pour les distribuer !
Madame Diaz, vos propos sont une affabulation scandaleuse. Ils témoignent d'une insensibilité totale face au calvaire que vivent ces femmes dans leur parcours migratoire et d'une méconnaissance complète des raisons pour lesquelles elles migreraient. Ce n'est pas parce qu'on leur fait croire qu'elles seront bien accueillies ! Le professeur François Héran expose les deux premières causes de migration : la première, c'est la mondialisation des études supérieures ; la deuxième, ce sont les conflits, les guerres civiles, les interventions militaires, les persécutions. Les femmes fuient ces violences. Un peu de respect dans vos propos s'il vous plaît.
Le titre de séjour pour soins est bien une exception en Europe et dans le monde. En Belgique et au Luxembourg, il existe un dispositif apparenté, dont la procédure d'instruction est beaucoup plus restrictive. Le critère de l'existence du soin dans le pays d'origine n'est pas opérant : l'Ofii fait état que des Suisses, des Américains et des Canadiens bénéficient chaque année de ce titre. Le bénéficiaire n'est soumis à aucune condition de ressources. Quand bien même ces cas restent marginaux, ils témoignent d'une défaillance du système. Entre 2017 et 2022, 5 598 ressortissants des pays du G20 ont déposé une demande de titre de séjour pour soins ! Le dispositif ne répond plus du tout à son objectif initial.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL574 de Mme Danièle Obono
Nous souhaitons que la gestion de la procédure « étranger malade » revienne aux agences régionales de santé, comme c'était le cas avant 2016. Avant d'être des étrangers, ce sont des personnes malades. Mettre cette procédure sous la tutelle du ministère de l'intérieur en dit long sur le Gouvernement. Vous voyez ces personnes comme des problèmes, alors que ce sont avant tout des êtres humains.
Quant aux députés du Rassemblement national, ils devraient dire merci aux étrangers, car ce sont les très nombreux médecins étrangers qui tiennent l'hôpital debout pour assurer la santé publique dans notre pays !
Madame Louwagie, je n'ai pas les mêmes chiffres que vous. J'ai trouvé trois Canadiens en 2021, ce qui représente moins de 2 % des demandeurs. Le débat est donc purement idéologique. La dépense au titre du séjour pour soins est de 1 000 euros inférieure à la dépense moyenne par habitant en France. Il faut arrêter de nous raconter des fadaises, qui conduisent aux affabulations racistes du Rassemblement national.
Monsieur Portes, vos attaques contre les agents du ministère de l'intérieur ne sont pas dignes. Les policiers, les gendarmes sauvent tous les jours la vie de personnes, quel que soit leur statut, par exemple en plongeant dans les eaux à 5 degrés de la Manche pour sauver des bébés. Les agents de l'Ofii, qui font un travail essentiel, sont des agents du ministère de l'intérieur, comme ceux de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Vous insultez quotidiennement les agents du ministère de l'intérieur, expliquant qu'ils auraient beaucoup moins d'humanité que ceux des autres ministères. Il faudrait peut-être changer d'antienne, car ce sont des gens qui sauvent plus de vies que ce que vous pensez. Vous devriez les rencontrer et les en remercier.
On atteint le sommet du racisme et de l'ignominie ! Si les gens viennent en France se faire soigner, pourriez-vous m'expliquer pourquoi 27 000 personnes en neuf ans ont pris le risque de traverser la Méditerranée et y sont morts ? Pensez-vous qu'ils étaient venus se faire soigner ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL1649 de M. Florian Boudié
C'est l'amendement dont je parlais qui ajoute un critère relevant des circonstances humanitaires exceptionnelles pour couvrir certaines situations.
Vous avez bien compris que nous nous opposions de façon générale à cet article. Mais, monsieur le ministre, vous pouvez faire de la communication pour plaire à je ne sais qui – vu que le groupe LR a déjà annoncé qu'il n'allait pas voter votre texte – il n'empêche que demain, l'Ofpra sera en grève contre votre projet de loi. Les agents eux-mêmes disent que ce que vous faites, c'est mal, et vous ne les écoutez pas ! Revoyez votre copie.
Monsieur le ministre, pourquoi, depuis deux ans, l'Ofii n'a-t-il toujours pas remis son rapport sur la procédure d'admission au séjour pour soins ? Cela nous aurait permis d'avoir un débat plus éclairé et moins démagogique.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL1240 de M. Laurent Marcangeli
Il s'agit des pathologies justifiant la délivrance du titre de séjour pour soins. Alors que le Sénat s'est borné à inscrire dans la loi l'appréciation actuellement faite par les tribunaux administratifs, l'amendement vise à restreindre la délivrance aux seuls cas dans lesquels le défaut de prise en charge pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité « de par leur caractère vital et immédiat ».
Je souhaiterais que l'on conserve toute la cohérence de l'article 1er F, où le Sénat a introduit une définition précise des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Or votre amendement utilise cette notion dès l'article 1er E, en y ajoutant un critère d'immédiateté. Je vous propose de le retirer pour que nous puissions y retravailler d'ici à la séance.
L'amendement est retiré.
Amendement CL199 de M. Benjamin Lucas
Monsieur le rapporteur général, vous avez refusé de supprimer un article entièrement fondé sur un fantasme idéologique qui vient nourrir l'idée que l'hôpital français serait fragilisé à cause des étrangers, et non d'un manque de moyens. Écoutez la sagesse du président de la commission, qui avait déposé un amendement de suppression ! Il vous reste quelques jours pour vous dire qu'aider 4 000 personnes qui résident habituellement sur notre territoire à avoir des soins, c'est juste le minimum d'humanité.
Je soutiens cet amendement, qui tente une dernière fois de vous rappeler à la raison avant la bataille dans l'hémicycle contre ce texte scandaleux.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ce ne sont évidemment pas les agents de l'Ofii que je visais, mais celui qui donne les ordres ! Quel manque de courage de vous cacher derrière vos agents pour ne pas assumer vos responsabilités !
L'amendement vise à rétablir un beau principe, reconnu par le Conseil constitutionnel : le secret médical, que le Sénat propose de pas appliquer aux étrangers malades. Le Conseil constitutionnel, qui a rappelé ce principe dans une décision du 11 juin 2021 en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, ne pourra que censurer une telle disposition.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 1er E modifié.
Article 1er F (nouveau) (art. L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Restriction des conditions d'obtention du titre de séjour étranger malade
Amendements de suppression CL577 de M. Andy Kerbrat, CL861 de M. Boris Vallaud, CL986 de Mme Sandrine Rousseau, CL1004 de M. Benjamin Lucas, CL1151 de M. Davy Rimane et CL1424 de Mme Stella Dupont
Nous souhaitons supprimer cet article introduit par la droite sénatoriale, qui vise à restreindre les possibilités d'octroi d'un titre de séjour aux personnes gravement malades.
Je souhaite éclairer le débat sur ce qu'est le soin des autres. Un étudiant avait demandé à la chercheuse Margaret Mead ce qu'était la première trace de civilisation : pour elle, ce n'était pas un outil, ni l'échange de monnaie, ni l'agriculture, mais le premier fémur ressoudé trouvé dans une tombe, révélant que la personne avait reçu un soin de la part de sa communauté. Voilà : cet article est tout simplement anticivilisationnel.
Cet article est en effet terrifiant : seuls ceux qui sont vraiment sur le point de mourir ou qui verraient leur pronostic vital engagé à défaut de soins seraient soignés. C'est un recul considérable et un signal terrible. L'image de la France s'en trouverait abîmée. Il y a, dans l'esprit de cet article, une renonciation totale à toute considération humanitaire.
Cet article inhumain déroge à tous nos principes humanitaires : il dit tout simplement à des personnes qu'elles ne sont pas suffisamment mourantes et qu'elles peuvent repartir. Mais il est également dangereux et inefficace puisque nous savons, surtout après l'épidémie de covid, que les virus ne respectent pas les frontières. Si vous ne soignez pas les gens d'un côté de la frontière, le problème finira pas passer de l'autre côté. Même ceux qui admettent votre logique de murs et de barbelés savent qu'elle n'a pas d'efficacité.
La peine de mort a été abolie en 1981, mais certains cherchent des moyens détournés de la réhabiliter dans les faits. Car, oui, c'est bien de vie et de mort qu'il s'agit et certains collègues de la majorité ont, contrairement au rapporteur général, déposé des amendements de suppression. Je nous exhorte collectivement, parce que nous sommes en France, en 2023, à entendre les chercheurs et les médecins, à prendre connaissance des chiffres, à être un peu fidèles à nos valeurs. Il ne s'agit pas de savoir ou déplacer le curseur à définir pour entrer ou non sur notre territoire, mais d'un débat qui touche à ce que nous avons de plus essentiel. Nous n'avons même pas le droit, en tant que parlementaires, de prendre une telle décision.
Les mesures actuelles sont déjà très restrictives. Il y a quelques années, j'avais dans ma circonscription une maman dont les deux enfants souffraient d'une maladie dégénérative. Pour l'un, c'était la fin. Deux semaines avant qu'il ne meure, elle a donc reçu une OQTF : les médecins ayant dit qu'il était condamné, le motif d'extrême gravité n'était plus valide, puisqu'il n'y avait plus de soins possibles ! Il a fallu que j'intervienne pour que cette maman reste en France voir son premier enfant mourir et faire soigner le deuxième. Je ne cite pas cet exemple pour faire pleurer dans les chaumières, mais pour illustrer le principe d'humanité : un enfant qui va peut-être mourir, et qui peut être soigné en France, j'espère que cela parle à quelques-uns !
Le titre de séjour « étranger malade » permet à un étranger n'ayant pas d'accès effectif aux soins dont il a besoin dans son pays d'origine d'être soigné en France. L'article en restreint les conditions d'accès : « Les conséquences d'une exceptionnelle gravité, au sens du premier alinéa du présent article, s'apprécient compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l'étranger ou l'altération significative de l'une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences. » Autrement dit, cette modification limiterait l'accès aux soins aux seuls malades dont la maladie est suffisamment avancée pour engager le pronostic vital. Ce n'est pas compatible avec la pratique de la France en matière de santé.
L'article 1er F reprend un arrêté de 2017, qui définit ce que sont les conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il n'y a donc rien de nouveau dans ce que le Sénat propose. Il souhaite seulement faire remonter au niveau législatif des éléments de définition qui appartiennent à un arrêté. Enfin, ce serait le cas à une nuance près : l'un des mots a été changé pour durcir la disposition. Le Sénat a parlé de « l'altération significative » de l'une des fonctions vitales du malade étranger, quand l'arrêté mentionne une « détérioration », ce qui permet une interprétation beaucoup plus souple. Je souhaite donc en revenir à la définition originelle, ce qui fait l'objet de mon amendement CL1650. Avis défavorable aux amendements de suppression.
Nous sommes favorables à l'article amendé par le rapporteur général. En faisant passer l'arrêté au niveau législatif, il lui offre une protection supplémentaire, afin d'éviter qu'une majorité malintentionnée ne puisse le modifier par un simple règlement plus tard.
Nous avons un peu l'impression que vous vous moquez de nous, monsieur le rapporteur général. Assumez ! Tous les articles que nous sommes en train d'examiner ont un seul objectif : restreindre l'accès aux droits des personnes étrangères. Vous voulez remplacer une altération significative par une détérioration. Pensez-vous à toutes ces personnes qui verront les portes d'un hôpital se fermer devant elles parce que vous vous serez joué de mots ?
Monsieur le ministre, lors des débats au Sénat, vous vous étiez engagé à nous donner davantage d'informations sur la compatibilité de cette rédaction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Nous serions très intéressés de les avoir avant de voter.
À l'occasion d'un amendement de suppression de nos collègues communistes au Sénat, le ministre s'était engagé à apporter des réponses sur les conséquences de l'introduction de l'article 1er F. Nous les attendons. Soit il s'agit de redire le droit existant, comme l'avance le rapporteur général, et c'est inutile ; soit il s'agit de modifier le droit et d'envoyer un message, et c'est une tartufferie.
Chaque fois que l'on pense que le pire est atteint surgit quelque chose d'encore plus horrible.
On parle de santé ! Va-t-on encore réduire l'accès aux soins pour que des gens qui sont dans une extrême difficulté ne puissent pas être soignés ? Combien vont mourir du fait des décisions politiques votées aujourd'hui ? Revenez à la raison ! Il n'y pas a d'étrangers ou de non-étrangers, il y a des malades et la responsabilité et l'honneur de la France est de les soigner.
L'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité est très difficile. Elle se fait aujourd'hui selon trois critères : leur degré de gravité, leur probabilité et leur délai de survenue. Dans son dernier rapport, l'Ofii évoque la banalisation de ce critère. La rédaction du Sénat permet d'y répondre. La vôtre, monsieur le rapporteur général, qui substitue « la détérioration » à « l'altération significative », n'apporte pas de réponse : la définition de l'exceptionnelle gravité reste floue. Une demandeuse peut obtenir gain de cause au motif que la PMA par micro-injection intracytoplasmique n'est pas réalisable dans son pays d'origine. Voyez à quelles aberrations nous sommes arrivés !
Comme je l'ai dit au Sénat, ce dispositif est compatible avec la jurisprudence de la CEDH puisque nous sommes le seul pays avec la Belgique à l'avoir instauré et qu'il serait étonnant que la Cour censure un dispositif déjà existant. Il a d'ailleurs été défini sous François Hollande, avec des socialistes et des Verts au gouvernement : il ne doit donc pas être totalement inhumain.
Vous devriez vous réjouir que des sujets réglementaires soient fixés au niveau législatif. D'habitude, c'est plutôt l'inverse qui se produit : on demande au Gouvernement de légiférer sur des mesures qui relèvent de son pouvoir… Cette garantie permettra peut-être également d'éviter les dérives qu'évoque Mme Louwagie : ce sont des cas très particuliers et peu nombreux, mais il n'était effectivement pas prévu que le titre de séjour « étranger malade » soit utilisé pour des PMA, sauf cas médical vraiment exceptionnel. L'inscrire dans la loi permettra d'éviter les interprétations aussi extensives – les tribunaux ont produit deux jurisprudences à la suite, en s'appuyant sur le fait qu'il n'y ait pas de disposition législative mais seulement réglementaire.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL1650 de M. Florent Boudié
Si certains me traitent de criminel et les autres de laxiste, la vérité doit être au milieu du chemin. Madame Louwagie, j'ai souhaité prendre le Sénat au mot près, puisque les rapporteurs voulaient mettre au niveau législatif la définition contenue dans l'arrêté. Il se trouve que ce sont eux qui n'ont pas mis la bonne, au mot près.
Comme le dit M. Latombe, c'est une protection supplémentaire, puisque nous hissons au niveau législatif des éléments qui seront l'objet d'une appréciation quotidienne dans l'évaluation de l'accès au titre de séjour pour les étrangers malades.
Monsieur le rapporteur général, vous me faites penser au coyote de Tex Avery, qui court après une petite bête avant de tomber de la falaise. À force de courir après la droite radicalisée et l'extrême droite, manifestement sans aucun succès puisque ni vous, ni le ministre de l'intérieur n'obtenez de majorité sur ce texte, vous emmenez votre groupe, qui vous suit presque aveuglément, au bord du précipice, pour peu que certaines dispositions ne vous y aient pas déjà fait tomber. Il est temps d'arrêter les frais ! Quant au passé socialiste, vous avez visiblement bien compris ce qu'étaient les synthèses molles et l'art d'écrire des textes qui ne servent pas à grand-chose sinon à vous aligner sur la droite dure. Vous êtes vraiment un digne héritier de Manuel Valls.
Je ne sais si M. Darmanin est un digne héritier de M. Sarkozy ou de M. Besson, mais il avait dit au Sénat : « J'écrirai également aux présidents de groupe de la Haute Assemblée afin de leur présenter les conséquences, selon le Gouvernement et l'Ofii, de ce qui est décidé ici. » Monsieur le ministre, quel est le contenu de ce courrier ?
Notre rapporteur général propose de substituer aux mots « altération significative » le mot « détérioration ». Cela ne me semble pas du tout convenir à l'« exceptionnelle gravité » de la pathologie. La détérioration est un terme plus faible, qui va élargir le dispositif alors même qu'il mérite d'être recentré pour lutter contre les excès dont a témoigné Mme Louwagie. Cette extension n'est pas du tout souhaitable.
Madame Genevard, je ne partage pas votre analyse. J'ai plutôt l'impression que l'amendement du rapporteur général sécurise ce qui existe et évite les jurisprudences. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans l'hémicycle.
Monsieur Delaporte, puisque la transmission des informations avec M. Kanner n'est pas très au point, je vais vous lire le courrier que je lui ai adressé, comme je m'y étais engagé, ainsi qu'à l'ensemble des présidents de groupe du Sénat.
« Le Sénat a adopté, lors de la séance publique consacrée à l'examen du projet de loi “ Contrôler l'immigration, améliorer l'intégration ”, des dispositions nouvelles relatives au titre de séjour étranger délivré à l'étranger qui se prévaut de son état de santé.
En l'état actuel du droit, tout étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, se voit délivrer un titre de séjour pour soins. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est chargé de rendre un avis sur ces trois critères.
Les modalités d'appréciation du critère de gravité de la pathologie ne sont actuellement pas définies dans la loi, mais par un arrêté du 5 janvier 2017 qui fixe les orientations générales destinées aux médecins de l'OFII. Selon cet arrêté, la gravité se mesure par la mise en cause du pronostic vital de l'étranger ou la détérioration de l'une de ses fonctions importantes.
L'absence, dans le domaine législatif, empêche les tribunaux de juger favorablement les décisions prises par les médecins de l'OFII.
Le Sénat a adopté l'article 1er F qui vise à consacrer, au niveau législatif, la définition de ces modalités d'appréciation afin de sécuriser le travail des agents de l'OFII.
Comme suite à mon engagement pris au banc de faire part aux groupes politiques des deux assemblées de mon analyse sur ces dispositions, celles-ci apparaissent conformes à nos obligations constitutionnelles et conventionnelles. La Cour européenne des droits de l'homme, en particulier, limite très souvent l'application de l'article 3 de sa propre convention, interdisant les traitements et peines inhumains et dégradants, aux cas d'éloignements d'étrangers malades dont le pronostic vital est engagé fortement ou qui justifient de “ considérations humanitaires impérieuses ” dans des “ cas très exceptionnels ”.
Si la Cour ne limite plus sa protection aux étrangers qui font face au risque imminent de mourir, elle exige a minima que soit prouvé un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de l'état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de l'espérance de vie.
Conférer une valeur juridique plus importante à ces modalités d'appréciation permettra à l'administration de disposer d'outils juridiques renforcés pour limiter les abus constatés sur les demandes de bénéfice à ce titre de séjour. À titre d'illustration de ces demandes abusives, le dernier rapport de l'OFII s'agissant des données de 2021, indique que depuis 2017, ce sont 234 demandes qui ont été présentées par des étrangers qui souhaitaient entrer, en France, dans un parcours de procréation médicalement assistée. Dans le même sens, ce sont, en 2022, 45 demandes déposées, pour des cas d'obésité non morbide, 218 pour des motifs liés à l'apnée du sommeil et 39 pour des cas de varices. »
La lettre fait également mention du fait que le Sénat a adopté l'article 1er E concernant les étrangers pouvant bénéficier d'un traitement adapté à leur pathologie dans leur pays d'origine. Elle se poursuit ainsi : « Si la mise en œuvre adaptée au cas d'espèce de ces dispositions par les préfets, s'exercera sous le contrôle du juge administratif, conformément à la jurisprudence constante du Conseil d'État et de la CEDH, selon le principe d'une appréciation in concreto de la situation des intéressés, il importera dès lors dans les décisions prises, de porter une attention particulière au caractère adéquat et suffisant […] des soins disponibles dans le pays d'origine de l'étranger. »
Les dispositions ainsi votées par le Sénat, si elles étaient validées par l'Assemblée nationale et promulguées par le Président de la République, permettraient, avec la même réglementation élevée au niveau de la loi, de lutter contre des jurisprudences qui vont à l'encontre de l'esprit voulu par le législateur dès 2017.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 1er F modifié.
Article 1er GA (nouveau) (Art. L. 412-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Dépôt d'une caution pour l'obtention d'une carte de séjour temporaire « étudiant »
Amendements de suppression CL1651 de M. Florent Boudié, CL1607 de M. Sacha Houlié, CL227 de Mme Cyrielle Chatelain, CL575 de Mme Andrée Taurinya, CL606 de M. Michel Castellani, CL863 de M. Boris Vallaud, CL1037 de M. Benjamin Lucas, CL1152 de Mme Elsa Faucillon, CL1282 de M. Erwan Balanant, CL1459 de M. Aurélien Taché et CL1546 de M. Guillaume Gouffier Valente
Nous estimons qu'il n'est pas utile d'imposer le versement d'une caution aux étrangers qui souhaitent venir étudier en France. La stratégie de notre pays est même exactement inverse : elle est fondée, conformément à l'esprit de la République, sur le mérite. Le nombre de visas que nous délivrons aux étudiants a connu une croissance significative, pour atteindre 108 000 l'année dernière. Les études constituent la première cause de migration en France. Il serait néfaste de privilégier, comme le Sénat semble le souhaiter, les jeunes en situation aisée.
Je souhaite également supprimer cette caution estudiantine qui ne se justifie pas et qui est contraire à l'objectif d'attractivité de l'université française.
Cette caution ne se justifie pas et va à l'encontre de la mission de l'université, qui est d'accueillir tous les étudiants qui souhaitent apprendre, d'où qu'ils viennent. Certains, originaires de pays au niveau de vie élevé, auraient les moyens de payer la caution. D'autres, en revanche, viennent de pays plus pauvres, de familles qui ont économisé pendant des années pour les envoyer en France. Ceux-là effectuent leurs études dans des conditions difficiles ; ils n'ont pas toujours de logement, sont hébergés chez les uns et les autres. Ils arrivent à s'en sortir par leurs efforts académiques et le travail qu'ils accomplissent en dehors des études. C'est une fierté que de les accueillir.
Je pensais qu'à l'occasion de l'examen de cette disposition, on allait enfin parler d'accueil. Lors du lancement de la stratégie Bienvenue en France, Édouard Philippe, alors Premier ministre, n'avait-il pas affirmé que, face à une concurrence internationale de plus en plus vive, la France devait rester l'un des acteurs majeurs de la mondialisation des études supérieures ?
Mais non : il est toujours question d'être suspicieux à l'égard des étrangers. À vous entendre, ils viennent soit parce qu'ils veulent se faire soigner – seule raison pour subir un parcours migratoire terrible, tragique, mortel – soit parce qu'ils entendent rester en France à l'issue de leurs études.
Il faut absolument supprimer cet article. La France doit retrouver l'attractivité intellectuelle qu'elle a exercée des siècles durant.
Imposer le paiement d'une caution préalablement à la délivrance d'un titre de séjour aux étudiants étrangers n'a pas de sens. Cette mesure est contraire au principe de la méritocratie française. Notre pays souhaite que son système universitaire soit accessible aux étudiants, y compris étrangers, qui le méritent et qui souhaitent réussir.
Les étudiants étrangers sont toujours une richesse pour notre pays. N'oublions pas qu'ils deviendront des ambassadeurs de la francophonie. On parle souvent de cette dernière en termes généraux mais, lorsqu'il s'agit d'engager des moyens, les actes ne suivent pas. En accueillant les étudiants étrangers, on contribuerait de manière très concrète à l'attractivité de notre pays.
Même ceux qui ont un problème pathologique avec les étrangers et la migration devraient aimer les étudiants internationaux. Premièrement, parce que l'essentiel d'entre eux aspirent à repartir dans leur pays d'origine à l'issue de leurs études. Deuxièmement, parce qu'ils rapportent 1,35 milliard net par an à l'économie française. ! Troisièmement, parce que, comme les chiffres le montrent, ils réussissent mieux que les étudiants français. Quatrièmement, parce qu'ils rayonnent, forment des ambassadeurs de la France, de ses cultures, de son patrimoine, de son économie, à travers le monde. Nous devrions donc être unanimes à souhaiter la bienvenue en France aux étudiants internationaux.
Nous sommes toujours dans une logique de suspicion à l'égard des étudiants extracommunautaires. Le programme Bienvenue en France a ouvert la voie à ce type de propositions. Je me félicite que le rapporteur général comme le président de la commission souhaitent supprimer cette disposition qui aurait été préjudiciable aux étudiants étrangers. Je pense en particulier aux mineurs non accompagnés qui, quand ils ne relèvent plus de l'aide sociale à l'enfance, se voient parfois remettre un titre de séjour étudiant : ils connaissent souvent, à ce moment-là, une grande précarité et le fait de devoir payer une caution réduirait leurs chances de réussite et d'émancipation.
Cette caution estudiantine va sans doute être supprimée et c'est très bien, mais n'oublions pas que les étudiants étrangers continueront à devoir payer 7 000 euros pour une année d'études en France.
Qui les paye ? Par exemple un étudiant venant de Mauritanie – pays classé à la cent cinquante-neuvième place de l'indice du développement humain, qui préside le G5 Sahel –, du Sénégal ou encore du Maroc – pays avec lequel nous entretenons tant de liens et où les gens disent avoir plus de facilité à envoyer leurs enfants étudier aux États-Unis qu'en France. Peut-être devrions-nous nous demander si ces 7 000 euros par an, pour tous ces étudiants issus de pays francophones si proches, sont encore justifiés.
L'institution d'un cautionnement pour la première délivrance d'une carte de séjour temporaire étudiant, introduite en séance publique au Sénat, ne paraît pas du tout opportune. D'abord, elle entraînerait une rupture d'égalité entre les étudiants. Ensuite, elle risque de fragiliser encore plus les étudiants internationaux, qui subissent, eux aussi, le phénomène de la précarité étudiante. Enfin, ce dispositif fortement désincitatif s'inscrit à rebours des objectifs d'attractivité de la France, en particulier de la stratégie Bienvenue en France à destination des étudiants internationaux, et compliquerait l'instruction des dossiers de demande de titres par nos postes diplomatiques. Pour ces raisons, notre groupe souhaite la suppression de l'article.
J'ajoute simplement que la France est le quatrième pays le plus attractif au monde pour les étudiants, et le premier non anglophone. Elle doit le rester. Nous aurons d'ailleurs le même débat sur les droits universitaires.
Les Républicains s'opposeront aux amendements de suppression. En effet, cette caution nous paraît nécessaire. Le premier motif de délivrance d'un titre de séjour chaque année, à hauteur d'un tiers d'entre eux, est la réalisation d'études en France. Les titres de séjour étudiant ont connu une augmentation de 20 % entre 2019 et 2022, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement d'accroître leur nombre. Or il faut savoir que la première source d'immigration illégale en France est l'immigration légale. Il est donc impératif de savoir si l'étudiant venu en France a quitté le pays à l'issue de ses études. Le seul moyen de s'en assurer est malheureusement d'instituer ce cautionnement.
En outre, la France prenant en charge les trois quarts du coût de la scolarité d'un étudiant étranger, il nous faut être certain que les demandeurs viennent bien en France pour étudier. Peut-être faudrait-il suspendre le titre de séjour d'un étudiant multiredoublant ou bloqueur de fac, par exemple.
On a eu droit aux familles, aux malades, maintenant c'est le tour des étudiants. Sans répéter les arguments liés à l'accès au savoir et à l'émancipation, je rappellerai que l'accueil d'étudiants étrangers en France est un des facteurs de développement de la francophonie et du rayonnement de la France. Il serait intéressant de savoir combien de prix Nobel et de médailles Fields ont étudié dans notre pays : en effet, c'est un critère pris en compte par le classement de Shanghai. Or vous ne cessez de regretter que les universités françaises ne figurent pas dans les dix premières de ce classement. Réfléchissez-y !
Ce texte organise de bout en bout le rétrécissement, le rabougrissement de la France. Toutes les universités du monde essaient d'attirer les étudiants étrangers, sauf nous. Par l'institution d'une caution, qui s'ajouterait aux frais d'inscription de Bienvenue en France, vous incitez à la souscription d'emprunts étudiants. Vous allez paupériser cette population, ce qui est franchement scandaleux !
L'attribution d'une carte de séjour temporaire étudiant constitue le premier motif de primodélivrance, devant le regroupement familial, avec 87 000 titres en 2021. Au sein du groupe Rassemblement national, nous sommes favorables à l'instauration de cette caution, qui, je vous rassure, sera restituée à l'étudiant lorsqu'il quittera le territoire national. Nous devons nous prémunir contre le dévoiement de cette filière particulièrement avantageuse que nous proposons aux Français.
Vous évoquez, dans vos amendements, la précarité étudiante, mais c'est vous qui l'organisez ! Si, aujourd'hui, 56 % des étudiants ne mangent pas à leur faim, c'est peut-être parce qu'il y a quelques mois, les députés de la Macronie mais aussi de l'extrême gauche, qui n'étaient pas présents dans l'hémicycle, ont refusé de généraliser le repas à 1 euro. Au Rassemblement national, nous voulons lutter contre la précarité étudiante, en commençant par soutenir les étudiants français. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons leur accorder la priorité de l'accès au logement étudiant.
Je voudrais rassurer Mme Rousseau. Non seulement nous appelons à supprimer l'article, mais nous ne l'avons pas attendue pour le faire : nous l'avons déclaré immédiatement. C'est la position claire de la majorité.
La commission adopte les amendements et l'article 1er GA est supprimé.
En conséquence, les autres amendements sur l'article tombent.
La séance est levée à minuit.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, Mme Pascale Bordes, M. Florent Boudié, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Elsa Faucillon, Mme Annie Genevard, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, M. Laurent Marcangeli, M. Louis Margueritte, Mme Élisa Martin, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, Mme Laure Miller, Mme Naïma Moutchou, M. Christophe Naegelen, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Emmanuel Pellerin, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, M. Xavier Roseren, Mme Béatrice Roullaud, Mme Sandrine Rousseau, M. Hervé Saulignac, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Boris Vallaud, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Éric Ciotti, Mme Emeline K/Bidi, M. Rémy Rebeyrotte
Assistaient également à la réunion. - M. Karim Ben Cheikh, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Cyrielle Chatelain, M. Arthur Delaporte, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, Mme Julie Lechanteux, Mme Véronique Louwagie, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Dominique Potier, M. Aurélien Taché, M. Roger Vicot, Mme Estelle Youssouffa