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Intervention de Florent Boudié

Réunion du mardi 28 novembre 2023 à 22h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié, rapporteur général :

Le titre de séjour « étranger malade » n'a aucunement pour objet, contrairement à ce qu'a suggéré la directrice générale de Sidaction, d'accompagner sur le plan médical des personnes vivant hors du territoire national. Il s'agit d'accompagner des gens justifiant de leur résidence habituelle en France depuis au moins un an, donc bénéficiaires d'un visa ou demandeurs d'asile.

La directrice générale de Sidaction m'accuse d'accélérer la diffusion du VIH dans des pays tels que le Cameroun – 10 000 morts en 2021 –, le Nigeria – 50 000 morts – ou l'Afrique du Sud – 85 000 morts –, en oubliant au passage le Sénégal, que je connais particulièrement bien, et son millier de morts du VIH en 2021. Ces décès, hélas, sont indépendants de l'octroi de titres de séjour « étranger malade ». Je tiens à dissiper ce qui semble être une confusion. Tous les malades du VIH ne peuvent obtenir un titre de séjour « étranger malade », ni être systématiquement soignés dans un pays dont l'offre de soins est supérieure à celle du leur.

En 2021, le titre de séjour « étranger malade » a été octroyé à 3 750 personnes. Il s'agit donc d'un dispositif très étroit. En analysant cet article introduit par le Sénat, je ne m'attache pas au symbole, mais aux éventuelles possibilités d'amélioration du dispositif. De ce point de vue, plusieurs situations méritent d'être prises en considération, si marginales soient-elles.

Ce titre est inaccessible aux ressortissants d'un État membre de l'Union européenne (UE), ce qui n'a rien de surprenant, s'agissant de pays bénéficiant de systèmes de soins appropriés pour le traitement des pathologies concernées. Toutefois, un ressortissant d'un pays tiers vivant dans l'un de ces États, l'Allemagne par exemple, peut accéder au titre de séjour « étranger malade » en France – l'un des deux seuls pays de l'Union, avec la Belgique, à le proposer. Pourtant, le système de soins allemand est tout à fait performant, mais il n'y a pas de titre « étranger malade » en Allemagne. Il s'agit à mes yeux d'une incohérence, voire d'une injustice, à tout le moins d'une disposition que je ne m'explique pas.

Autre cas – il s'agit de situations marginales, je le répète : des personnes de nationalité américaine ou géorgienne – 3 000 Géorgiens sont dialysés en France – peuvent obtenir un titre de séjour « étranger malade », alors même que le système de soins de leur pays d'origine permet d'accéder aux soins concernés, gratuitement et dans le cadre d'un système d'assurance maladie s'agissant des Géorgiens. Cela pose problème. J'encourage chacun à demander au directeur général de l'AP-HP des précisions sur cette situation.

Le dernier cas que je livre à votre réflexion est celui du ressortissant d'un pays tiers obtenant le titre de séjour « étranger malade » pour réaliser une procréation médicalement assistée (PMA). Je crois sincèrement qu'il s'agit d'un dévoiement.

Le titre de séjour « étranger malade » a été créé en 1998 pour aider et accompagner les malades du VIH. Dans la plupart des pays du monde en effet, ils ne pouvaient pas bénéficier de trithérapies : la France a donc pris ses responsabilités. Depuis, aucune explosion du nombre de titres de séjour « étranger malade » n'a été constatée. Toutefois, certaines situations sont incompréhensibles, même pour le législateur.

Mais je tiens dès à présent à rassurer Clara Chassaniol : les malades du VIH éligibles à ce titre de séjour continueront à l'être. Nul n'imagine qu'une personne souffrant du VIH résidant habituellement en France soit obligée de rentrer dans son pays d'origine, où l'offre de soins adéquate n'est peut-être pas disponible.

Pour améliorer ce dispositif donc, je propose de conserver une partie des dispositions introduites par le Sénat dans cet article.

Le Sénat a rétabli la législation qui était en vigueur avant 2016 – ce qui montre qu'elle n'a rien d'inacceptable – consistant à prendre en considération non l'accès effectif à une offre de soins mais la simple existence de cette dernière, appréciée bien sûr en tenant compte de la situation nationale. Je propose de reprendre cette disposition en ajoutant une réserve d'interprétation, tenant à une circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par le préfet après avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).

Par ailleurs, le Sénat a exclu le remboursement par l'assurance maladie des soins prodigués aux bénéficiaires d'un titre de séjour « étranger malade ». Cela me semble non seulement inacceptable, mais contraire au dispositif de la Puma (protection universelle maladie) adopté par la représentation nationale il y a quelques années. Je propose donc de supprimer cette disposition.

Enfin, par l'article 1er F, le Sénat a modifié la définition des « conséquences d'une exceptionnelle gravité » qu'aurait un défaut de prise en charge médicale sur l'état de santé d'un étranger, qui sont une des conditions pour accéder au titre « étranger malade ». En reprenant les dispositions de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Ofii de leurs missions, il a durci cette définition. Je souhaite que la rédaction s'en tienne strictement aux dispositions prévues par l'arrêté, lesquelles sont cohérentes et permettent une souplesse offrant la possibilité de compléter la législation par des dispositions de nature réglementaire.

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