La séance est ouverte à 21 heures 35.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La Commission examine la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (n° 1494) (M. Marc Ferracci, rapporteur).
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Nous poursuivons l'examen des propositions de loi inscrites à l'ordre du jour de la semaine du 4 décembre en séance publique. Celle-ci, dont le rapporteur est M. Marc Ferracci, est le fruit d'une longue réflexion.
Je n'ai pas l'habitude d'utiliser des témoignages personnels dans mon travail parlementaire, mais je vais faire une exception. Je voudrais vous parler de mon beau-père, Jean.
Jean a obtenu, il y a des années, une thèse de doctorat en physique, option mécanique des fluides. Il a par la suite publié de nombreux articles dans des revues scientifiques de niveau international. Il intervient aujourd'hui comme expert pour auditer l'efficacité des circuits de refroidissement de nos centrales nucléaires. Pour le dire simplement, Jean a très bien réussi sa vie professionnelle.
Le problème, c'est que Jean ne s'est pas toujours appelé Jean. Son prénom de naissance est Saïd. Après l'obtention de sa thèse, Saïd a cherché pendant plusieurs années un poste d'ingénieur en lien avec ses compétences. Pour pouvoir vivre, il a été serveur et a travaillé sur des chantiers. En désespoir de cause, Saïd a décidé de demander à modifier son état civil pour devenir Jean et a supprimé devant son nom de famille le préfixe Ben, qui signifie « fils de » en arabe. Il a obtenu en moins de quinze jours un entretien d'embauche, qui a débouché sur un recrutement. Ce n'est qu'après de longues années de vie professionnelle qu'il a repris son prénom de naissance.
Le cas de Saïd n'est pas isolé. Nombreux sont nos concitoyens qui, à force de se voir refuser l'accès à un emploi ou à un logement, décident de changer de nom, de mentir sur leur âge ou sur leur adresse. Nombreux sont ceux qui sont contraints de se dépouiller d'une partie de leur identité pour pouvoir vivre dignement, en raison des discriminations qu'ils subissent. Nombreux aussi sont ceux qui se résignent et poursuivent leur chemin sans que leur soit apportée une réponse à la hauteur de ce qu'ils vivent. Une telle violence symbolique n'est pas acceptable en République. C'est l'objet de cette proposition de loi.
Discriminer, c'est traiter de manière différente deux personnes dont la situation est comparable et qui ne se distinguent que par un critère : par exemple l'origine, l'âge ou l'adresse. Les discriminations remettent en question le principe d'égalité au fondement de notre pacte républicain. Elles sont source de ressentiment chez les personnes qui les subissent et favorisent le repli communautaire autant que les tensions sociales. Les discriminations sur le marché du travail ont par ailleurs un coût économique important, comme le montre France Stratégie, qui estimait, dans un rapport de 2016, que la suppression des discriminations en matière d'emploi augmenterait le PIB à long terme entre 4 % et 14 %.
En 2020, selon l'Insee, 18 % des personnes de 18 à 49 ans déclaraient avoir subi des discriminations, contre 14 % en 2009. S'agissant de l'emploi, plus d'un quart de la population active considère que les individus sont souvent ou très souvent discriminés au cours de leur vie professionnelle, quel que soit le critère envisagé. Par ailleurs, 42 % des personnes actives ont déclaré avoir été témoins de discrimination dans le cadre de leurs activités professionnelles. Ces chiffres montrent que les discriminations ressenties restent intenses, ce que confirme une note du Conseil d'analyse économique publiée en juin 2020 synthétisant les études réalisées depuis vingt ans.
Ces résultats peuvent surprendre, car la France dispose d'un arsenal juridique très étoffé contre les discriminations, mais son application est particulièrement complexe. Dans son rapport de 2020 consacré spécifiquement aux discriminations liées aux origines, le Défenseur des droits notait que « si le droit des discriminations s'est considérablement développé, le recours contentieux est une démarche lourde pour les victimes et son impact reste limité comme outil de dissuasion et de lutte contre les discriminations ».
Démontrer l'existence des discriminations et lutter efficacement contre ces comportements requièrent des actions spécifiques. L'enjeu est moins d'ajouter un nouveau critère de discrimination aux vingt-cinq que mentionne déjà le code pénal que d'améliorer l'efficacité des outils permettant de changer les pratiques. Parmi eux figurent les tests de discrimination, qui ont fait l'objet depuis plusieurs décennies de nombreux travaux académiques et d'expériences de terrain, lesquels ont validé leur efficacité. Deux types de tests méritent d'être distingués
Le test statistique tout d'abord, généralement pratiqué par des chercheurs indépendants, qui consiste à adresser un nombre important de candidatures similaires, ne différant que par un critère de discrimination choisi, afin d'observer d'éventuelles différences de réponses. Parce qu'ils reposent sur des candidatures fictives, ces tests ne sauraient être admis comme preuve dans le cadre d'un recours juridictionnel. En revanche, la publicité des résultats, aussi connue sous l'anglicisme name and shame, peut conduire à changer les comportements des acteurs, mais cela suppose certaines conditions qui ne sont pas réunies.
Il est en particulier nécessaire d'organiser un dialogue entre les parties prenantes que sont les représentants des entreprises et de leurs salariés, les associations et les chercheurs, afin de partager en amont la méthode des tests et de définir les conditions de publication des résultats.
Il s'agit aussi d'accompagner les organisations dans leurs changements de pratiques. Ainsi, des tests statistiques ont récemment conduit à la publication des noms d'entreprises identifiées comme discriminantes, sans qu'une discussion n'ait pu avoir lieu en amont sur la méthodologie des tests. Ces entreprises ont donc contesté les résultats et envisagé des recours juridiques plutôt que de modifier leurs processus de recrutement.
Pour remédier à ce type de problème, ce texte propose un cadre permettant de discuter la robustesse des tests statistiques avant de les réaliser, afin que leurs résultats soient plus acceptables pour les différents acteurs. Les auditions ont montré que les partenaires sociaux souhaitent être pleinement associés à ce cadre.
Un autre enjeu est le développement de certains algorithmes qui, en exploitant l'intelligence artificielle (IA), conduisent à discriminer certains profils, sans que cela soit nécessairement voulu. Ce type d'algorithme se développe très rapidement dans les services de ressources humaines, et les auditions de chercheurs ou de directeurs des ressources humaines (DRH) ont souligné l'intérêt des testings statistiques pour repérer les biais qu'ils induisent.
Le test individuel à portée judiciaire consiste, quant à lui, à mettre en évidence une discrimination subie par une personne réelle, en adressant une candidature similaire à la sienne mais dépourvue du critère de discrimination. Parce qu'ils permettent d'établir un préjudice, ces tests sont admis par le code pénal comme une preuve de discrimination ouvrant droit à réparation.
Les tests de discrimination, statistiques ou individuels, se distinguent de la démarche des statistiques liées à l'origine, ou « statistiques ethniques », puisqu'ils ne reposent nullement sur la collecte systématique de données individuelles. Cette proposition de loi vise donc à étendre et sécuriser la pratique de ces deux types de tests et, ainsi, à renforcer l'arsenal de lutte contre les discriminations. Elle vise aussi à améliorer la connaissance des phénomènes de discrimination.
Son article 1er prévoit la création d'un service placé sous l'autorité du Premier ministre visant à lutter contre toutes les formes de discriminations. Il s'agirait de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), dont les missions seraient donc étendues. La proposition de loi confie à ce service la mission d'aider les citoyens qui en feraient la demande à réaliser des tests individuels pour vérifier s'ils sont victimes de discrimination. Il serait également chargé de réaliser des tests statistiques sur des entreprises et des organismes publics selon un programme de travail défini par le Gouvernement. Afin de garantir que des moyens suffisants seront dévolus à la Dilcrah pour assumer ses nouvelles fonctions, un amendement au projet de loi de finances pour 2024 augmentant son budget de 3 millions d'euros a été déposé par le groupe Renaissance et adopté en première lecture.
L'article 2 prévoit la création, au sein de ce service, d'un comité des parties prenantes, chargé d'élaborer et de valider la méthodologie des tests, de proposer la publication de leurs résultats et de formuler des recommandations à destination des personnes morales testées, afin de faire partager à l'ensemble des acteurs les mêmes pratiques et de consolider les connaissances en matière de lutte contre les discriminations pour faire progresser effectivement les pratiques.
L'article 3 donne une base législative à la diffusion des résultats des tests statistiques et donc à la publication des noms des organisations dont le comportement discriminatoire a été établi. Afin d'améliorer les pratiques des acteurs, cet article prévoit que, pour éviter la publication des résultats des tests, les personnes morales concernées aient la possibilité de définir par le dialogue social un plan de lutte contre les discriminations. À défaut, des sanctions pécuniaires s'appliqueraient.
Les tests ne sont pas une réponse miracle aux problèmes de discrimination. Tout d'abord, parce qu'ils reposent sur le principe de la candidature et ne sauraient identifier, par exemple, des discriminations qui ont cours dans le déroulement de la carrière professionnelle. Ensuite, parce que les tests doivent s'insérer dans une stratégie globale, qui inclut notamment des actions de sensibilisation, de formation, mais aussi des sanctions. S'il existe des sanctions pénales et civiles suite à un test de discrimination individuel, ce n'est pas le cas suite à un test de discrimination statistique. Ce texte vise à inscrire dans la loi de telles sanctions. Il sécurise ainsi juridiquement la publication des résultats des tests statistiques.
Tout n'a pas été tenté pour faire reculer les discriminations. Systématiser la pratique des tests est une voie prometteuse qui mérite d'être empruntée. Suite aux auditions et aux échanges avec un certain nombre d'entre vous, des amendements ont été déposés qui permettront, je l'espère, d'améliorer ce texte.
Une enquête de l'Insee publiée en juillet 2022 révèle que de 2009 à 2019, le nombre de personnes déclarant avoir subi une discrimination est passé de 14 % à 18 %. Selon un rapport de 2020 du Défenseur des droits sur les discriminations et les origines, l'origine réelle ou supposée constitue le deuxième critère de discrimination après le genre et concerne 11 % de la population.
Ces discriminations sont des barrières invisibles empêchant certains de nos concitoyens de jouir pleinement de leurs droits. Les témoignages, les plaintes, les enquêtes illustrent combien ces inégalités sont flagrantes. Celles-ci s'expliquent par l'essentialisation des individus, dès lors qu'ils sont assignés à une identité supposée par un employeur, un bailleur ou toute autre personne leur refusant d'accéder à un service.
Le sentiment d'injustice engendre des blessures, des inquiétudes, une perte de confiance. Une violence sourde s'impose. Ces discriminations peuvent toucher chacun d'entre nous. Fort heureusement, la loi les condamne mais le non-recours au dépôt de plainte n'en demeure pas moins massif, si bien que nous sommes incapables d'identifier précisément le nombre de personnes concernées et, donc, de faire en sorte que la société apporte aux victimes une réparation.
Pour réparer, il faut prouver la discrimination. Les tests individuels permettent de le faire par le biais d'une candidature fictive similaire mais cette pratique est très limitée, bien que les associations, les avocats ou la Défenseure des droits puissent en réaliser. Nous soutenons donc la création d'un service public pour les intensifier afin d'apporter aux victimes un soutien rapide.
Cette proposition ajoute un cadre ambitieux aux tests statistiques, qui reposent sur l'envoi de nombreuses candidatures fictives dans le cadre d'une méthodologie élaborée par des chercheurs. Une précédente campagne massive de testing, organisée sous l'impulsion du Président de la République, a révélé les pratiques discriminatoires de plusieurs entreprises, les chances d'être recontacté après une candidature spontanée avec un patronyme maghrébin étant de 20 % à 30 % inférieures.
Un tel constat, toutefois, n'emportait pas de sanction ou une modification effective des choses. La question s'est alors posée de la légitimité de la publication des résultats compte tenu de l'utilisation d'une méthode alors controversée. Grâce au travail du rapporteur, ce texte permettra de réaliser des testing statistiques selon une méthodologie préalablement validée par un comité des parties prenantes, au sein duquel nous souhaitons ajouter des représentants des partenaires sociaux.
Des résultats de tests positifs aux discriminations pourront entraîner une amende administrative et une publication. Un tel encadrement permet de sécuriser le Name and Shame, bien que l'objectif ne soit pas de jeter l'opprobre mais d'engager un dialogue sur la base de recommandations. Ce texte permettra d'exercer une pression sur ceux qui discriminent, qui sont souvent victimes de stéréotypes inconscients. Il contraindra également les employeurs à repenser leurs processus de recrutement. En conséquence, l'ensemble de la société sera mieux préparé pour lutter contre les discriminations. Elles ne seront plus tolérées et il sera possible de les démontrer. Les pratiques devront donc évoluer et, avec elles, les mentalités.
Nous soutenons donc cette proposition de loi, qui propose des solutions concrètes, encadrées et concertées afin que l'État soit un acteur engagé dans l'aide aux victimes et l'accompagnement des recruteurs. Nous le voterons avec fierté.
« Inefficace et coûteux, le testing divisera encore plus les Français ». Ainsi s'exprime Jean-François Amadieu, sociologue et directeur de l'Observatoire des discriminations.
Pourtant, les députés Renaissance veulent créer un service auprès du Premier ministre chargé d'organiser et de financer ces testing. Sur la forme, nous nous étonnons que ce texte ait passé le cap de la recevabilité financière car il crée une charge, comme celui visant à abroger la réforme des retraites, lequel a, lui, été jugé irrecevable. La discrimination ne semble pas vous déranger quand il s'agit de discriminer les textes de vos opposants politiques en usant d'appréciation à géométrie variable de l'article 40 de la Constitution. Peut-être faudrait-il songer à un testing des propositions de loi pour confirmer votre sectarisme et vos discriminations politiques !
Alors que la dette publique et le taux des prélèvements obligatoires atteignent des records, vous nous demandez donc d'adopter la création d'un service qui engendre une dépense supplémentaire. Il est vrai que l'aile gauche de la Macronie ronge son frein face à une loi sur l'immigration difficile à avaler. Houlié, Khattabi, Gouffier Valente, Ferracci : les premiers signataires de ce texte ressemblent à une reconstitution du Parti socialiste au sein de Renaissance. En somme, nous assistons au retour du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), avec quelques années de plus ! Voilà une contrepartie qui arrive à point nommé et qui rajoute une énième contrainte aux entreprises françaises, déjà accablées par la bureaucratie, les obligations, les cotisations, les taxes et les impôts.
Nous voyons fort bien le piège grossier que tend cette proposition de loi, dont le titre est équivoque. Ce n'est pas le contenant qui compte mais le contenu. Certes, tous les partis politiques représentés au Parlement sont d'accord pour lutter contre les discriminations. Notre Constitution consacre l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Que l'on vive à la campagne ou en ville, que l'on soit d'origine étrangère ou non, que l'on soit en situation de handicap ou non, hétérosexuel ou homosexuel, jeune ou senior, toutes les discriminations doivent être condamnées.
La noble cause de la lutte contre les discriminations mérite mieux que ce texte mal ficelé, qui ne répond pas aux graves enjeux que nous connaissons. Il me rappelle l'expérimentation des CV anonymes, parfait exemple de la fausse bonne idée, qui s'est révélée catastrophique. Les candidats issus de l'immigration ou résidant en zones urbaines sensibles sont passés d'une chance sur dix pour obtenir un entretien à une chance sur vingt-deux, selon une étude de chercheurs du Centre de recherche en économie et statistique (Crest) et de l'École d'économie de Paris.
Plutôt que de s'assurer de l'efficacité de la politique pénale pour condamner réellement les discriminations, vous créez une usine à gaz en usant de la politique de l'empilement : à défaut d'agir vraiment, vous empilez de nouveaux gadgets. Cette politique ruineuse a malheureusement amené l'État à créer plus de mille agences, pour un coût estimé à 80 milliards.
Vous proposez de créer un nouveau comité Théodule, dont nous ne savons rien, et surtout pas son coût ni le nombre d'équivalents temps plein (ETP) qui y seront affectés. Pire : le texte crée un dispositif coercitif sans proposer les garanties minimales qui s'imposent dans un État de droit, même si le rapporteur n'a pas manqué de copier les amendements du Rassemblement national apportant un minimum de garanties quant au respect du contradictoire ou à l'indépendance du comité des parties prenantes, plagiat dont je me félicite dans l'intérêt de nos entreprises.
Avec ce texte, c'est l'administration qui, dans toute sa splendeur, infligera ou non des amendes à nos entreprises et à nos collectivités. La lutte contre les discriminations mérite la mobilisation de tous les acteurs et doit être pensée globalement. Les personnes qui se rendent coupables de discriminations doivent être sévèrement sanctionnées. Les tests sont déjà admis à titre de preuve. Demandons donc au juge d'être intransigeant à l'endroit de ceux qui opèrent des distinctions illégales entre les Français ! Notre groupe soutiendra un amendement – dont nous ne sommes pas à l'origine – visant à renforcer les sanctions en cas de discrimination.
Pour lutter contre ces dernières, les textes existent déjà. Leur application relève de la responsabilité du Gouvernement. C'est cela que nous demandons.
Selon le Rassemblement national, les Français sont français en fonction de leur couleur de peau. Vous constatez des discriminations flagrantes, mais vous ne voulez pas les pénaliser.
Mme Bergé sera ravie d'apprendre qu'elle est membre du Parti socialiste, mais vous avez en revanche oublié M. Benjamin Lucas. Quant à l'aile gauche de la Macronie, elle va bien, je vous remercie. Quelle est la cohérence du Rassemblement national, lorsque Mme Diaz, cet après-midi, nous disait que les divergences avec le ministre de l'intérieur étaient insurmontables et que vous affirmez maintenant que nous serions tous d'accord pour lutter contre les discriminations ?
Enfin, à propos de l'article 40 de la Constitution, le Rassemblement national ne nous a pas habitués à une critique aussi ferme et résolue de la jurisprudence du président Coquerel. Je le lui dirai, ce qui fera de vous un opposant politique aussi déterminé que je le suis.
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Tel est le premier alinéa de l'article 1er de la Constitution, auquel il est vrai vous vous référez moins souvent qu'à l'article 49, alinéa 3, que vous avez utilisé dix-sept fois.
Le racisme structurel existe bel et bien et votre proposition de loi y répond d'une manière hélas insuffisante. Vous créez un comité placé sous l'autorité de la Première ministre mais que se passera-t-il si quelqu'un comme Marine Le Pen arrive au pouvoir et qu'Éric Zemmour devient Premier ministre ? Nous avons besoin d'une structure indépendante et c'est précisément ce que nous vous proposerons de créer par voie d'amendement.
Par ailleurs, vous incluez dans ce comité les représentants des entreprises mais pas ceux des salariés, ce qui est un peu dommage puisqu'ils sont les mieux à même de proposer des solutions pour lutter contre le racisme.
La discrimination emporte des conséquences matérielles sur la vie des gens : ne pas avoir de logement si l'on est perçu comme une personne noire, ne pas avoir d'emploi parce que l'on est perçu comme une personne arabe, avoir un salaire plus bas parce que l'on est une femme ou ne pas avoir accès à un certain nombre de loisirs – boîtes de nuit, restaurants – faute d'avoir la couleur de peau qui convient. Elle emporte aussi des conséquences psychologiques profondes en favorisant l'idée qu'il existerait une différence entre vous et les autres.
La discrimination et le racisme sont la négation de l'idéal républicain et humaniste, selon lequel les êtres humains sont responsables de leurs actes et égaux en droits. S'il faut les juger, ils doivent l'être non sur ce qu'ils sont mais sur ce qu'ils font. Selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droits et, selon la Constitution de 1793, ils sont égaux par la nature et devant la loi. Notre drapeau, de surcroît, a été adopté à la suite d'une grève antiraciste, lorsque les marins de Brest ont refusé de partir mater les révoltés contre l'esclavage en Haïti. Le Préambule de la Constitution de 1946, enfin, rappelle face aux régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine que tout être humain, sans distinction de race, de religion ou de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.
Lutter contre les discriminations et le racisme, cela revient à fortifier notre idéal républicain et à entendre résonner en nous le plus intensément possible ces mots de Robespierre : liberté, égalité, fraternité. Aimé Césaire écrivait : « Si toi tu es un homme avec des droits, avec tout le respect que l'on te doit, eh bien moi aussi, je suis un homme, moi aussi, j'ai des droits. Respecte-moi ! À ce moment-là, nous sommes frères. Embrassons-nous ! Voici la fraternité ».
Je salue la création de ce service chargé de lutter contre les discriminations. Même si nous disposons d'un arsenal législatif et réglementaire solide, nous savons que celles-ci persistent. Les victimes renoncent trop souvent à engager une procédure judiciaire, car il est difficile de prouver qu'elles subissent des discriminations. Finalement, le droit ne constitue pas un outil de lutte suffisamment efficace et ne permet pas de dissuader les auteurs de discriminations.
Alors que les tests contre les discriminations sont utilisés depuis longtemps dans d'autres pays et que leur efficacité a été largement prouvée, ce service constitue un nouvel outil intéressant. En intégrant des personnalités qualifiées, des représentants des entreprises et des administrations susceptibles d'être testées, des parlementaires et des représentants syndicaux – comme nous proposerons de le faire –, ce service ne vise pas seulement à réprimer les discriminations ; il a vocation à accompagner les victimes pour défendre leurs droits mais, aussi, les entreprises et les administrations dans la correction de ces discriminations. La publication de ces tests révélant au public la pratique de discriminations par une personne morale ou privée sera désormais possible et permettra de les prévenir voire, le cas échéant, de les corriger.
Notre groupe souhaite apporter quelques modifications au texte afin de l'adapter au développement de l'intelligence artificielle, dont nous ne pouvons pas nous priver pour réaliser ces tests. Cet outil nous permettra d'accélérer considérablement les délais de traitement mais nous devrons faire preuve de vigilance s'agissant des biais de ces algorithmes, que ce soit en apprentissage initial, avec les modèles dits de fondation, ou en spécialisation – fine-tuning – et, demain, en autoapprentissage.
Nous proposerons également un amendement visant à ce que ce nouveau service puisse informer des biais détectés la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et l'éditeur afin de les corriger et d'éviter les discriminations qui en découlent.
Ces amendements visent à ouvrir le débat afin qu'en séance publique, grâce à tous, nous disposions d'une proposition rédactionnelle adéquate et efficace.
Ce texte est doublement intéressant, et par son objet, et par son objectif.
Il s'agit d'instaurer un dispositif spécifique pour dépister et objectiver l'existence de discriminations afin d'y mettre un terme. Il s'agit donc de lutter contre les discriminations et en faveur d'une politique publique globale d'égalité réelle.
Nous sommes cependant perplexes quant à ses modalités, car le champ des discriminations retenues est étroit. De plus, les tests ne sont qu'une voie parmi d'autres, dont les audits, pour mettre en évidence les discriminations. Le champ des discriminations, en l'occurrence, se limite au monde du travail et les tests, individuels ou statistiques, se concentrent sur l'embauche, c'est-à-dire à un seul moment du parcours salarial.
Nous regrettons donc que les discriminations dans le domaine du logement ou de la santé ne soient pas incluses dans les prérogatives du futur service de l'État. De plus, le suivi des résultats débouche sur une invitation à mener des négociations au sein de l'entreprise, l'élaboration d'un plan par cette dernière, puis sa transmission à l'autorité administrative, et possiblement, la publication des résultats des tests en cas d'insuffisance des objectifs et des moyens. À quelles conditions une telle publication sera-t-elle effective ?
Le texte prévoit la création d'un comité des parties prenantes mais reste assez vague sur sa composition et sa finalité. Il sera chargé d'élaborer la méthodologie des tests et d'émettre des avis mais rien n'est dit de leur qualité et de leur devenir ? Il désigne également des catégories de participants mais sans préciser les équilibres.
La Défenseure des droits se félicite du sens de cette proposition de loi mais s'est montrée défavorable à l'idée de donner à un service de l'État des compétences définies, au motif qu'il ne présente aucune garantie d'indépendance. Une cinquantaine d'autorités administratives indépendantes ont été créées avec une double préoccupation : assurer la protection des libertés en soustrayant le contrôle de certaines activités à une administration soumise au pouvoir politique, notamment ministériel, et développer la réglementation et la surveillance d'activités dans de nouveaux secteurs sensibles sur un plan économique et social. Leur statut leur garantit leur indépendance et leurs membres ne sont pas révocables.
Cette question doit être centrale pour la création de cette nouvelle entité. Pourquoi créer une instance alors que des autorités administratives indépendantes peuvent déjà exercer de telles compétences ? Pourquoi faire compliqué quand il est possible de faire simple ? Notre groupe, en l'état, est réservé sur ce texte et n'entend pas le voter.
« Dans ma civilisation, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m'enrichit », écrivait Saint-Exupéry dans Terre des hommes.
Manquement à l'égalité, les discriminations de toute nature entaillent le pacte républicain. Elles suscitent du ressentiment chez leurs victimes et favorisent replis communautaires et tensions sociales. Discriminer, c'est se priver de la diversité qui fait toujours la richesse d'un collectif.
Depuis 2017, la lutte contre les discriminations est une priorité de cette majorité : plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme annoncé par Édouard Philippe en 2018, plateforme Antidiscriminations.fr voulue par le Président de la République en 2021 et confiée au Défenseur des droits, plan contre la haine et les discriminations 2023-2026 dévoilé par la Première ministre en janvier dernier.
Pour autant, les plans se succèdent et les chiffres montrent combien certains états de fait demeurent. Les Français subissent des discriminations de multiples natures et en augmentation. Si cette proposition de loi ne prétend pas régler le problème à la racine, elle se propose de démontrer plus explicitement leur existence afin de mieux les combattre.
Le testing, qui est un outil puissant, demeure néanmoins trop méconnu ou mal utilisé. Il garantit des résultats fiables, ce qui est un prérequis plus que nécessaire à l'accompagnement des victimes et des entreprises. Il permet d'identifier des a priori qui pèsent lourd dans les décisions de recrutement et d'avancement. Entre autocensure et stéréotypes, il est de notre devoir de répondre à la promesse d'égalité des chances inhérente au pacte républicain.
En donnant un fondement législatif au principe de « mise au pilori », comme disent nos amis québécois, ce texte crédibilise la menace qui pèse sur les personnes morales ayant été testées positive à la discrimination. À ceux qui verraient là une volonté de contraindre les entreprises et les administrations, nous répondons qu'il s'agit d'un raccourci simplificateur. Loin de les handicaper, ce dispositif facilitera la vie des entreprises. Dans une démarche d'accompagnement, le comité créé au sein de la Dilcrah prévoit d'assister les mis en cause afin de corriger les situations de discrimination, notamment en leur fournissant des outils et des conseils pratiques d'amélioration de leurs procédures internes.
Comme le service public se doit d'être exemplaire, l'extension de l'application de ce texte aux administrations mais, également, une réflexion sur la possibilité d'une telle extension aux candidats aux marchés publics en cas de manquement réitéré à leur obligation de ne pas être testés positifs pourraient constituer une évolution significative afin d'ancrer dans la législation, y compris au sein de la commande publique, la nécessaire lutte contre les discriminations en tant qu'objectif prioritaire.
Soucieux d'organiser un outil de politique publique au service d'une stratégie efficace, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.
Coprésident, avec Mme Ségolène Amiot, du groupe d'études discriminations et LGBTQI-phobies, je suis très heureux que l'Assemblée nationale examine enfin une proposition de loi consacrée à ce sujet. Très peu a été fait depuis des années pour améliorer les politiques publiques de lutte contre les discriminations, toutes majorités confondues. Dans mon souvenir, le dernier texte en date est la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite loi Lamy, qui n'avait pas donné beaucoup de résultats, non plus que le CV anonyme, par exemple.
La présente proposition de loi est centrée sur le testing. Il existe déjà des statistiques avérant les discriminations. L'association SOS racisme, par exemple, a testé 136 agences immobilières et révélé que 66 d'entre elles, près de 50 %, acceptaient de discriminer des candidats au profil dit arabe ou noir ; un quart se montraient complices en laissant au propriétaire la possibilité de procéder lui-même à un tri discriminatoire des candidatures. S'agissant de l'emploi, au cœur du texte, 45 % des agences d'intérim acceptent de discriminer les candidats, à la demande du client. Quant au rapport entre la police et la population, c'est un domaine où les chiffres explosent : quelqu'un qui est perçu comme noir ou arabe sera contrôlé cinq, dix, vingt fois dans la même journée. Il est certes important de mesurer ce phénomène, mais il est déjà documenté.
Je m'intéresse surtout à ce qui se passerait après l'adoption du texte. Si nous généralisons les tests, que ferons-nous lorsque nous aurons constaté qu'il existe des discriminations dans les entreprises et les agences immobilières, mais aussi peut-être dans les établissements de santé et à l'école ? L'emploi est important, mais il ne faut pas oublier les autres domaines. Pour une entreprise convaincue de discrimination, le dispositif prévoit une amende pouvant se monter à 0,5 % de la masse salariale. Je suis favorable à une sanction efficace, applicable à plusieurs secteurs. Selon moi, il faut créer un ministère dédié à la lutte contre les discriminations et lui octroyer un budget significatif – 1 milliard d'euros, si l'on est ambitieux. Nous n'en sommes pas là. Vous proposez de confier à une délégation interministérielle des moyens et des capacités de sanction – c'est un début.
Votre proposition de loi soulève de nombreuses questions sur le rôle de plusieurs acteurs, comme le Défenseur des droits. Spontanément, c'est à lui que j'aurais confié cette action, mais je viens aussi de souhaiter la création d'un ministère. Il faut étudier toute mesure volontariste. Nous verrons au cours du débat quels sujets seront abordés et jusqu'où nous pourrons aller, en particulier en matière de sanctions.
Il est ironique, sinon cocasse, d'examiner un texte de la majorité visant à redorer le blason d'un prétendu principe d'égalité au fondement du pacte républicain, au moment où l'actualité est consacrée à un projet de loi qui tend à institutionnaliser la suspicion à l'égard des personnes immigrées et à normaliser la traque des étrangers. On ne peut, d'une main, passer la corde au cou de ceux qui sont nés au mauvais endroit, au mauvais moment, avec la mauvaise couleur de peau, et, de l'autre, caresser dans le sens du poil la France multiculturelle. En 2022, plus de 48 % des immigrés vivant en France étaient nés en Afrique ; selon une enquête du Conseil représentatif des associations noires (Cran) menée en France hexagonale, 91 % des personnes s'identifiant comme noires disent être victimes de discrimination raciale dans leur vie quotidienne. En 2019-2020, près de 20 % de la population hexagonale déclarait avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années ; on monte à 24 % chez les immigrés et à 29 % chez les natifs d'outre-mer – cherchez l'erreur. Tocqueville écrivait que l'esclavage aboli, le préjugé de couleur demeurait : rien n'est plus vrai. Or la présentation à la queue leu leu de projets de lois relatifs à une immigration qui n'est ni massive, ni opportuniste, ni même souhaitée par ceux qui n'ont d'autre choix que de fuir contribue puissamment à la prolifération des stéréotypes raciaux.
Beaucoup estiment qu'il ne reste rien des anciennes structures coloniales et qu'il ne peut y avoir de racisme institutionnel, puisque les lois de la République sont les mêmes pour tous. Cette proposition de loi a au moins le mérite de soulever les cache-misère d'une France qui se dit daltonienne, mais qui ne trompe plus personne sur la hiérarchisation systématique des relations humaines, fondée sur des critères tout sauf universalistes. Oui, il faut reconnaître que le passé esclavagiste et colonial persiste dans nos structures contemporaines. Non, ce texte, même s'il va dans le bon sens, ne permettra pas de limiter l'influence des stéréotypes négatifs, que ce soit sur l'employeur, le bailleur, les forces de l'ordre ou le citoyen lambda.
Les limites des testings ont déjà été démontrées. Tout d'abord, ils ne permettent pas d'identifier les causes des comportements discriminatoires. Comment concevoir des dispositifs appropriés pour lutter contre les discriminations, si l'on en ignore les fondements ? De même, le name and shame, ou mise au pilori, peut se révéler efficace à court terme, mais non pour obtenir des changements structurels, ni pour lutter contre le renoncement. Dans l'Hexagone, moins d'un tiers des personnes qui se disent victimes de discrimination raciale portent plainte, moins de 10 % dans les territoires ultramarins. En 2020, le taux de relaxe des affaires à caractère raciste était deux fois supérieur à la moyenne des affaires d'atteinte à la personne. En 2023, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a insisté sur la nécessité d'approfondir la formation des magistrats et des services d'enquêtes aux infractions à caractère raciste, afin d'améliorer le taux de réponse pénale du contentieux afférent.
Sur cette proposition de loi, je partage l'avis de la Défenseure des droits : des objectifs louables mais un manque d'ambition patent. En l'état actuel du texte, nous nous abstiendrons.
Les fractures qui traversent notre société contribuent à accroître les discriminations. Celles-ci constituent autant d'atteintes à nos principes républicains d'égalité et de fraternité ; elles n'ont pas leur place dans notre société. Je remercie le rapporteur pour ce texte qui nous permet non seulement de débattre de sujets sensibles, mais aussi de nous donner les moyens de changer pas à pas le quotidien de nos concitoyens.
Beaucoup de chiffres ont déjà été versés au débat, mais notre groupe tient à alerter sur deux progressions inquiétantes. Premièrement, le sexisme est devenu la principale source de discrimination, devant les origines : 47 % des femmes indiquent avoir été discriminées en raison de leur sexe. Secondement, les citoyens ultramarins sont durement touchés également : 32 % sont victimes de traitements inégalitaires. Au-delà des propos haineux, ces discriminations tenaces pèsent sur la vie quotidienne des Français – car, oui, nous parlons de Français –, avec le risque de voir augmenter les poursuites judiciaires, mais aussi de les priver de logement, d'emploi, d'occasions diverses.
Ainsi, le groupe LIOT accueille favorablement cette proposition de loi qui vise à accroître le recours aux tests de discrimination et au name and shame, par publication des résultats d'enquête. Les peines prévues par le code pénal ne suffisent plus ; l'État doit recueillir des données, diffuser des bonnes pratiques et accompagner les victimes.
En l'état, le recours aux tests souffre d'un cadre législatif trop restreint. Notre groupe estime que les tests individuels et statistiques sont essentiels pour identifier les entreprises qui pratiquent la discrimination. Si nous voulons que les services de l'État déploient efficacement ces tests, il faudra leur octroyer des moyens. En revanche, je m'inquiète de la capacité de l'État à accompagner les victimes pour réaliser des tests individuels. Ces derniers revêtent une importance particulière : ils concernent des victimes bien réelles, et l'article 225-3-1 du code pénal les admet comme preuves de discrimination.
Le texte prévoit d'instituer un service centralisé. Dès lors, comment accompagner les victimes sur le terrain, dans les territoires ? Un réseau d'accompagnement local est-il prévu ?
Lorsqu'une entreprise discrimine des citoyens et refuse de prendre des mesures correctrices, il est nécessaire de publier son nom et ses pratiques – cela fait mal. S'attaquer à son image constitue la meilleure manière de la faire réagir : la sanction doit la conduire à prendre des mesures sans délai. La tolérance zéro doit être la règle. J'espère donc que l'examen en séance permettra de renforcer les sanctions, car la fermeté est nécessaire. Nous défendrons des amendements relatifs à la récidive. Les pratiques discriminantes violent le pacte républicain, créent des fractures entre les citoyens et ont un effet néfaste sur l'économie.
Si notre groupe attend le renforcement du volet répressif sur lequel nous attendons des réponses, il votera le texte.
Je remercie Clara Chassaniol pour ses propos et pour l'émotion qu'elle y a mis : notre sujet est profondément humain.
Monsieur Ménagé, certains points de votre intervention me semblent inexacts. Vous n'étiez pas présent lorsque nous avons auditionné M. Jean-François Amadieu, mais il a clairement soutenu le testing, que lui-même pratique dans le cadre de l'Observatoire des discriminations. Il nous a enseigné les conditions d'utilisation des tests les mieux à même de changer les comportements. Il ne faut pas toujours prendre au pied de la lettre des phrases tirées de leur contexte ; parfois, venir aux auditions n'est pas inutile.
Le CV anonyme soulève des questions. Vous avez mentionné l'expérience du Crest. Pur hasard, je partageais alors le bureau des chercheurs qui l'ont menée. Paradoxalement, les personnes portant un patronyme maghrébin étaient davantage discriminées lorsque le CV était anonyme. Selon les chercheurs, les entreprises, volontaires pour participer à l'expérience, donc sans doute plus inclusives que d'autres, avaient l'habitude de trouver des circonstances atténuantes aux failles des CV – comme des discontinuités dans le parcours de formation ou d'emploi – lorsque le candidat était issu de l'immigration, par exemple. En supprimant le patronyme, on perdait la bienveillance. Gardons-nous des analyses trop rapides, en particulier concernant les recherches d'outils de lutte contre les discriminations.
À propos de la Dilcrah, vous dénoncez la création d'un nouveau « comité Théodule ». Or la Dilcrah existe déjà.
Le texte prévoit notamment de sanctionner les entreprises convaincues de discrimination par un test statistique. Il s'agit d'un progrès. On ne peut argumenter sur les sanctions sans mentionner celles que le texte instaure.
Monsieur Léaument, vous vous inquiétez de ce que deviendraient la Dilcrah et le comité des parties prenantes si Marine Le Pen et Éric Zemmour parvenaient au pouvoir. Je crains que, si cela arrive, des problèmes plus graves ne se posent.
Nous examinerons tout à l'heure plusieurs amendements identiques visant à adjoindre au comité des parties prenantes des représentants d'organisations syndicales représentatives au niveau national interprofessionnel. J'expliquerai pourquoi ce n'était pas prévu dans le texte initial.
La proposition de loi va évoluer. Je défendrai un amendement de réécriture de l'article 3 qui prévoit le processus de publication des tests, visant à expliciter la dimension contradictoire de cette procédure.
Monsieur Latombe, la question des algorithmes de recrutement est primordiale. Nous avons auditionné des DRH et des développeurs : les algorithmes de filtrage des CV peuvent conduire à des discriminations. Ils reposent sur l'exploitation de données individuelles par des mécanismes d'IA générative susceptibles de créer des biais. Les tests statistiques ont l'intérêt d'identifier les biais, donc d'inciter les entreprises à se pencher sur la conception des algorithmes de recrutement qu'elles utilisent. Nous aurons grand intérêt à articuler les deux champs.
Madame Karamanli, vous dénoncez les limites des tests : je les reconnais. Comme je l'ai souligné dans ma présentation, leur utilisation doit s'inscrire dans une stratégie globale. En revanche, le texte ne se limite pas à l'embauche ; les tests pourront concerner tous les domaines prévus à l'article 225-2 du code pénal, comme la fourniture d'un bien ou d'un service, ce qui inclut le logement et les prêts bancaires.
La proposition de loi prévoit que les avis du comité des parties prenantes viendront nourrir les délibérations relatives aux sanctions. Parmi ces dernières figure la publication des résultats des tests, très préjudiciable aux entreprises. J'ai participé au testing de 2019 qui a abouti à pointer la discrimination à l'embauche, sur des critères d'origines, de sept entreprises du SBF120, l'indice de la société des bourses françaises : elles ont réagi vivement. L'avis du comité aura donc du poids, aussi devons-nous veiller à sa composition.
J'en viens au rôle de la Défenseure des droits. On ne peut m'accuser de vouloir, en tant que rapporteur, la contourner : une première version du texte, une proposition de loi organique, lui accordait une place centrale, avec en particulier l'organisation des tests individuels et statistiques. Nous avons longuement discuté avec Mme Claire Hédon et ses équipes, et nous sommes parvenus à un constat que je crois partagé : on ne saurait assigner au Défenseur des droits, autorité indépendante, des objectifs à atteindre, ni des priorités à respecter. Il s'agit de choix politiques, qui reviennent au Gouvernement. Aussi avons-nous choisi d'attribuer cette fonction à la Dilcrah.
Je ne veux pas parler à la place de la Défenseure, mais l'avis rendu est plutôt positif concernant le recours aux tests statistiques. Nous donnerons suite aux pistes d'amélioration qu'elle suggère. En revanche, elle est critique avec les tests individuels. Cependant, je souligne que l'on compte zéro condamnation pénale pour discrimination en 2020. Évidemment, la difficulté pour recourir aux tests n'est pas la seule explication. Toutefois, je constate qu'elle existe, et que la Défenseure n'est pas seule à pouvoir en organiser. L'avis dénonce leur manque de lisibilité. Pourtant, beaucoup d'acteurs les pratiquent : les associations, les avocats, des personnes physiques. Il s'agit seulement de renforcer la capacité de tester, aucunement de dessaisir le Défenseur des droits de ses prérogatives. Au contraire, les personnes qui auront prouvé l'existence d'une discrimination grâce à un test pourront ensuite recourir à son accompagnement juridique, dont on connaît la qualité.
Monsieur Pradal, je vous remercie de poser la question de l'évolution des sanctions. Celle des marchés publics est complexe, je vous propose de continuer à y réfléchir pour préparer l'examen en séance.
Monsieur Taché, Monsieur Serva, vous avez soulevé le problème de la récidive. Que se passe-t-il lorsqu'une entreprise élabore un plan d'action mais ne l'applique pas et ne change rien à ses pratiques ? En l'état, le texte ne répond pas suffisamment à la question. Aucun amendement n'y pourvoit, mais je suis ouvert aux réflexions ambitieuses sur ce point en vue de la séance, notamment s'agissant des entreprises convaincues deux fois de discrimination.
Je le répète, les tests pourront concerner le logement. Je ne suis pas hostile à donner plus de place au secteur ; cette préoccupation est en partie déjà satisfaite, mais en partie seulement. Là encore, nous pourrons en discuter pendant nos débats et en amont de la séance.
Monsieur Rimane, vous affirmez que le texte tend à « caresser dans le sens du poil la France multiculturelle ». Je ne me reconnais pas du tout dans cette formulation. À l'opposé d'une telle démarche, notre objectif est de faire prévaloir les principes républicains, au premier chef l'universalisme. Les discriminations ouvrent une brèche dans le pacte républicain – c'est la raison d'être du texte.
Beaucoup renoncent, mais cela ne signifie pas que nous devions renoncer. Donner massivement accès à des tests individuels, encore trop peu nombreux, mais qui constituent une preuve de discrimination, aidera de nombreuses personnes à ne plus se résigner.
Monsieur Serva, il s'agit de construire non pas un service centralisé, mais un service public qui mette des outils à la disposition d'acteurs multiples – associations, individus, avocats. Cela contribuera à l'autonomie des acteurs ; j'y suis très attaché.
Article 1er : Désignation d'un service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques
Amendement de suppression CL9 de M. Thomas Ménagé
Il vise à supprimer l'article, pour les raisons que j'ai évoquées dans mon intervention.
En écoutant M. Léaument, j'avais l'impression qu'il ne concevait la discrimination que fondée sur la couleur de peau et le racisme. Oui, cela existe ; il faut le condamner avec intransigeance, et nous soutiendrons le renforcement des sanctions en cas de discrimination. Toutefois, d'autres formes de discrimination existent, politique notamment. Le lendemain de mon élection, j'ai reçu un courrier de ma banque. Mes comptes étaient dans le vert, mais ils m'indiquaient ne pas vouloir maintenir de relations contractuelles. Nous sommes plusieurs députés du groupe Rassemblement national à avoir subi des discriminations de cette nature.
Monsieur le rapporteur, j'ose espérer que votre beau-père, qui n'appartient sans doute pas à la même génération que moi, ne rencontrerait pas aujourd'hui les problèmes qui furent les siens. Nous devons collectivement agir pour que les nouvelles générations ne connaissent pas les mêmes difficultés que les précédentes. Heureusement, la France évolue, le monde évolue, les politiques font leur possible pour que les mentalités changent.
Malheureusement, je dois démentir votre optimisme. Les demandes de changement d'état civil motivées par des discriminations restent un phénomène très préoccupant en France.
Les discriminations liées aux opinions politiques entrent dans le champ du texte : l'article 225-1 du code pénal énumère vingt-cinq critères de discrimination, au nombre desquels les opinions politiques. Il sera donc possible d'effectuer des tests sur ce critère.
S'agissant de votre amendement de suppression, j'aurais aimé vous demander quelles solutions vous proposez. Je pense qu'elles sont inexistantes.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL17 de M. Carlos Martens Bilongo et CL31 de M. Aurélien Taché (discussion commune)
Afin de mieux encadrer le texte, l'amendement CL17 vise à confier la tutelle du service créé à la fois au ministre en charge de la lutte contre les discriminations et à la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT. Il s'agit de recourir aux tests pour lutter contre la discrimination. Selon nous, la tutelle directe de la Première ministre risquerait de discréditer les tests réalisés dans l'administration, faute d'une indépendance suffisante.
Je comprends que, pour ériger la lutte contre la discrimination au rang de priorité politique, on confie la charge à une délégation interministérielle de lutte contre les discriminations – à défaut d'un ministère de plein droit. Néanmoins, cela ne peut advenir au détriment des missions d'une autorité administrative indépendante aussi reconnue et importante que la Défenseure des droits. L'amendement CL31 vise donc à articuler le travail des deux instances. Vous avez insisté sur le fait que le texte n'enlevait rien aux prérogatives de la Défenseure, mais nous serions tous plus à l'aise si la coordination des services était explicite.
La dimension interministérielle du service créé justifie de le placer sous la tutelle de la Première ministre. La discrimination touche de nombreux domaines : logement, transports, économie. Il faudra donc mobiliser les compétences de plusieurs ministères pour élaborer la stratégie de test. Matériellement, la Dilcrah est déjà en lien étroit avec la ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, qui sera au banc pour représenter le Gouvernement lors de l'examen du texte en séance.
Monsieur Taché, je le répète, je suis très ouvert à toutes les formes de coopération avec la Défenseure des droits, qui sera représentée dans le comité des parties prenantes. Plusieurs amendements visent à renforcer son rôle ; je donnerai un avis favorable sur certains. De manière générale, il faut privilégier la coopération de tous les acteurs à la logique des prés carrés.
Avis défavorable sur les deux amendements.
Il faut se référer à l'avis de la Défenseure des droits. Elle critique une partie du texte, notamment la possibilité de réaliser des tests individuels à visée contentieuse. En l'état, les réclamations de cette nature relèvent de son institution, qui propose une plateforme antidiscriminations et un numéro d'appel pour les victimes. Elle estime qu'elle ne doit pas être concurrencée dans ce domaine. Ainsi, le texte prévoit de créer un doublon technocratique, ce qui fera perdre en lisibilité.
J'entends que vous êtes ouvert aux propositions et je comprends l'argument selon lequel il est nécessaire de créer un service placé sous l'autorité du Premier ministre afin d'assurer la coordination des différents ministères concernés.
Néanmoins, vous ne répondez pas à la question que nous posons : que se passera-t-il si des pratiques discriminatoires ont lieu dans des services qui relèvent directement du Premier ministre ? D'autant que lorsque de telles pratiques sont révélées par les tests, la publication des résultats reste facultative. Il n'y a pas d'obligation en la matière – nous avons d'ailleurs déposé un amendement qui prévoit de rendre cette publication obligatoire. On peut penser que l'autorité concernée par de telles révélations sur ses services aurait tendance à s'autoprotéger. On a notamment évoqué la question du racisme au sein des forces de l'ordre. Il peut y avoir une volonté de protéger un corps d'État dans lequel on sait que les pratiques discriminatoires sont extrêmement fortes, ce qui a d'ailleurs été dénoncé par l'ONU.
J'aimerais entendre votre réponse sur ce point, car je comprends que vous voulez bien faire – et nous aussi.
J'ai évidemment lu avec beaucoup d'attention l'avis de la défenseure des droits, monsieur Di Filippo. Encore une fois, elle n'est pas la seule sur le créneau des tests individuels. Toute association dont l'objet social comprend la lutte contre les discriminations ou toute personne physique qui s'estime discriminée, évidemment assistée par un conseil juridique, peut faire des tels tests. La concurrence – pour reprendre le terme qui figure dans l'avis – existe déjà.
En revanche, il manque la capacité à réaliser des tests. Nous avons eu beaucoup de mal à obtenir le nombre de tests individuels réalisés par la Défenseure de droits, qui a indiqué lors de son audition qu'ils pouvaient être comptés avec les doigts des deux mains – et ce pour l'ensemble du pays. Cela signifie qu'on ne fait pas de tests individuels de discrimination en France. Telle est la réalité qui ressort de l'audition de la Défenseure des droits. Je ne jette la pierre à personne, je poursuis une logique de coopération.
Faire des tests est chronophage et coûte de l'argent. Le développement des tests statistiques va donner un effet de levier aux tests individuels. La logique est la même, mais les tests statistiques permettent d'utiliser des candidatures fictives, ce qui permet de multiplier les tests dans un domaine donné. Je souhaite que l'on aide les personnes et les associations qui en font la demande à réaliser des tests individuels. Elles pourront ensuite se tourner, le cas échéant, vers la Défenseure des droits pour obtenir une assistance juridique – ce dont je serai très content. Il faut raisonner de manière coopérative et non pas concurrentielle.
Monsieur Léaument, vous soulevez très justement la question de l'indépendance du service placé sous la tutelle du Premier ministre.
J'appelle votre attention sur le fait que cette proposition prévoit des tests sur des personnes privées, mais aussi sur des personnes publiques. Le champ est large. Les administrations et les opérateurs de l'État pourront être testés sur leurs pratiques de recrutement, mais aussi sur d'autres choses. Il ne faut pas craindre de réticences envers la réalisation de tests, car ceux qui exercent la tutelle de services au sein de l'État sont déjà très contrôlés, notamment par les services d'inspection.
J'ajoute que la proposition prévoit un garde-fou supplémentaire avec le comité des parties prenantes. Peut-on sérieusement croire que des démarches de test pourront être interrompues alors qu'existe ce comité, composé de personnalités indépendantes – voire de représentants des partenaires sociaux, comme le proposent certains amendements ?
La proposition a pour but de permettre de faire beaucoup de tests, individuels et statistiques, mais certainement pas d'exempter certaines autorités politiques.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL21 de Mme Marietta Karamanli
Cet amendement propose de supprimer les alinéas relatifs aux tests individuels, car ces derniers constituent une compétence première de la Défenseure des droits. Vous avez indiqué que plusieurs entités peuvent intervenir dans ce domaine, mais je rappelle que la Défenseure de droits est la seule qui peut participer aux poursuites judiciaires engagées à la suite des tests.
Vous avez indiqué que vous ne souhaitiez pas dessaisir la Défenseure des droits, monsieur le rapporteur. Je vous crois mais, avec ce texte, deux entités différentes auront la même compétence, ce qui risque d'être peu lisible pour les citoyens et les victimes tout en créant des difficultés de coordination.
Nous tenons vraiment à cet amendement. La Défenseure des droits a été très claire et très ferme s'agissant de ses attentes en matière de tests individuels.
Vous évoquez un risque, et il faut toujours y faire attention. Pour ma part, je m'appuie sur un fait : la Défenseure des droits ne réalise qu'un nombre ridiculement faible de tests individuels, ce qui ne répond absolument pas à la demande.
Il faut que nous soyons capables de tester bien davantage, tout simplement pour lutter contre un statu quo insupportable. Comme beaucoup d'orateurs l'ont relevé, la réponse pénale est insuffisante. Ce n'est pas seulement en raison du faible nombre de tests individuels, mais ces derniers constituent un mode de preuve, conformément à l'article 225-3-1 du code pénal. Pourquoi ne pas se donner collectivement les moyens d'en faire plus ?
Encore une fois, les personnes concernées ont tout loisir de confier à une association le soin de réaliser un test et, munies du résultat, elles pourront ensuite se tourner vers la Défenseure des droits pour bénéficier de l'accompagnement de ses juristes.
Je ne perçois aucun risque en matière d'efficacité dans le renforcement de la force de frappe des tests individuels.
La Défenseure des droits s'oppose très clairement à ce texte et suggère qu'on lui confie la mission de réaliser les tests individuels, mais aussi les moyens dont elle a besoin pour cela. Nous ne pourrons pas progresser dans la lutte contre les discriminations si nous ne donnons pas à cette autorité indépendante les moyens nécessaires à son travail. Permettre à d'autres acteurs de réaliser des tests ne suffira pas, car il faut aussi pouvoir aider les victimes à engager des poursuites.
Nous avons donc beaucoup de doutes sur cet aspect-là et nous espérons que les positions pourront évoluer d'ici à la séance.
La question des moyens de la Défenseure des droits est très légitime, mais nous n'en débattons pas avec cette proposition. Je maintiens mon avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL33 de M. Aurélien Taché.
Amendement CL15 de M. Carlos Martens Bilongo.
Le texte qui nous est proposé a pour ambition de systématiser la pratique des tests individuels et statistiques, afin de renforcer l'arsenal de lutte contre les discriminations dans notre pays. Il s'appuie sur une définition large, qui permet de viser l'ensemble des discriminations subies par les individus et les groupes d'individus, qu'elles soient directes ou indirectes.
Cependant, la liste prévue à l'article 225-1 du code pénal n'est pas exhaustive, même si elle a été élargie depuis une dizaine d'années. Pour aller plus loin, il conviendrait de se référer à la loi du 27 mai 2008. Cela permettrait au service de réaliser des tests sur l'ensemble des pratiques qu'il considérerait comme discriminatoires.
Le champ de la proposition est déjà très large. Il est particulièrement adapté aux testings réalisés par l'envoi de candidatures, en particulier grâce à la référence à l'article 225-2 du code pénal, qui vise notamment le fait de refuser l'accès à l'emploi ou au logement. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL68 de M. Marc Ferracci
Cet amendement résulte de l'audition de chercheurs, qui ont appelé mon attention sur l'intérêt de laisser davantage de marge de manœuvre au comité des parties prenantes et aux chercheurs dans leur démarche d'investigation et de choix des sujets de testings. Je propose donc de substituer la notion d'« orientations » établies par le Gouvernement à celle de « programme », qui est trop rigide.
La commission adopte l'amendement.
Amendements CL35, CL34, CL36 et CL37 de M. Aurélien Taché, et CL24 de Mme Marietta Karamanli (discussion commune)
L'amendement CL35 concerne les discriminations en matière d'accès au logement. Le champ de la proposition est effectivement assez large, mais il me semble qu'elle est beaucoup plus précise en ce qui concerne les discriminations à l'emploi. On ne peut s'empêcher de penser qu'elles constituent l'objet principal de la proposition. Vous avez indiqué dans votre exposé liminaire que vous veillerez, lors de l'examen des amendements, à ce que les organisations syndicales soient représentées au sein du comité des parties prenantes. Afin que la question de l'accès au logement soit bien prise en compte, l'amendement propose que les associations de locataires y soient également représentées.
L'amendement CL34 vise à s'assurer que les organisations syndicales soient bien dans le comité des parties prenantes.
L'amendement CL36 porte sur les discriminations dont sont victimes les étudiants. Puisque nous discutons de la composition du futur comité des parties prenantes, il s'agit d'y prévoir la présence des organisations étudiantes représentatives.
Ces trois amendements permettent donc de couvrir l'ensemble du champ des discriminations.
Enfin, l'amendement CL37 prévoit que le Défenseur des droits soit consulté sur le programme de tests. Nous avons été clairs sur le fait que nous souhaitons que le Défenseur des droits intervienne le plus possible dans le dispositif que vous proposez.
Par mon amendement CL24, je propose que le programme – ou les orientations, depuis l'adoption de l'amendement du rapporteur – soit établi par le Gouvernement après consultation du Défenseur des droits. Il est essentiel qu'il donne son avis.
Au préalable, je précise que l'article 1er ne concerne pas la composition du comité des parties prenantes. Il prévoit la consultation de tel ou tel acteur sur l'édification du programme de tests.
Avis favorable à l'amendement CL37 qui prévoit de consulter le Défenseur des droits, ce qui correspond au souhait également exprimé par Mme Karamanli dans l'amendement CL24.
Avis défavorable aux trois autres amendements de M. Taché, qui prévoient de manière trop précise la consultation de catégories d'associations intervenant dans des domaines particuliers. La Défenseure des droits pourra se faire l'interprète de leurs préoccupations, ce qui va dans le sens de la coopération que j'appelle de mes vœux.
Vous avez raison, il ne s'agit à ce stade que de consultations et nous aborderons la composition du comité des parties prenantes plus loin – vous connaissez déjà une partie de mes arguments sur la question.
Il est très opportun de prévoir la consultation de la Défenseure des droits, et nous sommes nombreux à avoir insisté sur le rôle qu'elle doit jouer.
Les amendements CL35, CL34 et CL36 sont retirés.
La commission adopte l'amendement CL37.
En conséquence, l'amendement CL24 de Mme Marietta Karamanli tombe.
Amendement CL8 de M. Thomas Ménagé
Cet amendement précise que les tests respectent des méthodes scientifiques éprouvées et rendues publiques. Comme des entreprises et des collectivités risquent d'être sanctionnées, il est nécessaire qu'elles connaissent les règles du jeu. C'est une affaire de sécurité juridique.
Je partage votre préoccupation de sécurisation juridique et méthodologique du contenu des tests. Mais tel est précisément le rôle du comité des parties prenantes prévu à l'article 2, dans lequel siégeront notamment des scientifiques qui pratiquent les tests.
Certains d'entre eux ont été auditionnés et publient dans des revues internationales, au sein desquelles la doctrine est très bien établie en matière méthodologique et statistique. C'est évidemment à cette doctrine que l'on se référera.
Avis défavorable
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL64 et CL62 de M. Marc Ferracci, rapporteur.
Amendement CL12 de M. Thomas Ménagé
Dans votre propos liminaire, vous avez mentionné le budget de la Dilcrah. Pourriez-vous fournir des éléments plus précis sur le coût du nouveau service ? Quelle sera la part de son budget consacrée aux testings ? Quels effectifs lui seront affectés ?
Il est normal que la représentation nationale soit informée en détail de la charge que représente la création d'un nouveau service.
Vous avez raison sur le principe.
Comme je l'ai indiqué précédemment, un amendement adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 a permis d'augmenter de 3 millions d'euros les moyens de la Dilcrah, afin notamment qu'elle réalise des tests. Trois ETP vont être créés au sein de cette délégation, sous réserve de confirmation par le Gouvernement.
Ces crédits ont vocation à financer des appels à projets de recherche, et donc les chercheurs indépendants qui dirigent les tests. Le coût d'un testing par une équipe portant sur un critère dans un domaine – par exemple, l'âge et le logement – représente entre 80 000 et 100 000 euros. Cela donne une idée de ce que l'on peut faire avec 3 millions d'euros, somme qui n'est pas négligeable et qui permettra de lancer un certain nombre de campagnes.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Création d'un comité des parties prenantes au sein du service chargé de la réalisation des tests de discrimination individuels et statistiques
Amendements de suppression CL10 de M. Thomas Ménagé et CL26 de Mme Marietta Karamanli
Comme nous souhaitons supprimer l'ensemble du dispositif, cet amendement propose, par cohérence, la suppression de l'article qui crée le comité des parties prenantes.
Je ne comprends vraiment pas la rédaction retenue pour la composition de ce comité. Le nombre de députés et de sénateurs est indiqué et la Défenseure des droits désignera un représentant. Mais il n'est pas précisé quel sera le nombre des personnalités choisies en raison de leur compétence statistique, juridique, économique ou sociale en matière de tests de discrimination, ni celui des représentants des personnes morales publiques ou privées susceptibles d'être testées. Il n'y a aucune limite et c'est en quelque sorte « open bar ».
Je ne comprends pas les modalités de désignation de ces personnes et je trouve la composition du comité un peu fumeuse. Ne pourrait-on pas la détailler davantage ? Comme le note justement Mme Karamanli dans l'exposé sommaire de l'amendement CL26, le comité pourrait comprendre deux députés et deux sénateurs, un représentant désigné par la Défenseure des droits et des dizaines ou des centaines de prétendus experts.
Je voudrais obtenir des précisions sur ce point.
Mon amendement propose de supprimer cet article, mais pas pour les mêmes raisons.
La définition de la composition du comité des parties prenantes reste très générale. On sait quelles seront les catégories d'acteurs qui y seront représentés – parlementaires, statisticiens, représentants du Défenseur de droits et des entreprises testées –, mais nous aimerions que le nombre de certains d'entre eux soit davantage précisé. Le flou de l'article nous pose problème et le fait de renvoyer à un décret en Conseil d'État n'est en général pas ce que nous préférons dans cette commission.
Je savais que je finirais par être rattrapé par l'exigence de précision de la commission des lois.
L'objectif d'un comité de ce type est de réunir des visions et des sensibilités suffisamment diverses et représentatives, tout en limitant le nombre de personnes à un niveau qui n'empêche pas de décider. Ce comité a, en effet, pour mission d'élaborer la méthodologie des tests, mais il doit aussi prendre des décisions importantes en ce qui concerne la publication des résultats.
De mon point de vue, il faudra limiter le nombre de ses membres, tout en respectant les équilibres et les sensibilités. Il appartient au Gouvernement de décider, puisqu'une bonne partie de la composition du comité sera déterminée par un décret en Conseil d'État.
À partir du moment où l'on décide que des parlementaires participent à un organisme extérieur, il est nécessaire de préciser leur nombre dans la loi – et encore, dans ce cas, n'avons-nous pas eu à demander l'avis du bureau des assemblées concernées, pour des raisons techniques et juridiques sur lesquelles je ne m'étendrai pas.
Bien entendu, les décrets clarifieront les choses. Encore une fois, le but est de conserver une forme d'agilité qui permette de décider – c'est du moins ce que je recommande en tant que rapporteur.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL70 de M. Marc Ferracci
Cet amendement résulte, lui aussi, des auditions de chercheurs, lesquels se sont émus du fait que la rédaction de la proposition de loi confie au comité des parties prenantes le rôle d'élaborer la méthodologie des tests. Cela laisse supposer qu'il est également compétent en ce qui concerne la dimension statistique de cette méthodologie, alors que la plupart de ses membres ne sont pas des chercheurs.
J'en ai discuté de manière approfondie avec MM. Yannick L'Horty et Jean-François Amadieu, ce qui a permis de clarifier les choses. Il est évident que les questions de méthodologie statistique, telles que la taille des échantillons et les modalités de constitution des CV fictifs, doivent relever des seuls chercheurs.
En revanche, l'expérience montre que l'organisation d'une opération de testing gagne en qualité si l'on recueille les avis d'autres acteurs, par exemple des représentants des entreprises ou des salariés qui sont au fait des processus de recrutement.
C'est la raison pour laquelle l'amendement prévoit que le comité des parties prenantes « participe à l'élaboration » de la méthodologie des tests.
L'article prévoit que le comité des parties prenantes émet des avis sur les suites devant être données aux tests de discrimination. Je trouve que c'est un peu vague, notamment au regard de la réponse que vous m'avez donnée précédemment sur l'indépendance du service par rapport à la Première ministre.
Vous aviez indiqué que le comité, du fait de la présence de personnalités indépendantes, serait à même de jouer en quelque sorte le rôle de contrepoids. Pour cela, il faudrait qu'il ne donne pas seulement un avis sur les suites à donner, mais qu'il puisse prendre des décisions plus contraignantes – y compris pour les services de la Première ministre.
Ce point est traité à l'article 3, dont je proposerai une nouvelle rédaction. Cet article détermine le rôle du comité dans la procédure d'examen des plans d'action des entreprises, laquelle peut conduire à la publication des résultats des tests ou à une amende.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL4 de M. Thomas Ménagé
Cet amendement devrait vous faire plaisir, monsieur le rapporteur : nous l'avons déposé parce que nous voudrions être certains que notre groupe soit représenté au sein du comité des parties prenantes. Cela prouve notre intérêt pour le dispositif que vous proposez.
Plus sérieusement, par-delà cet amendement de repli il serait utile, même si l'on conservait le format de deux députés et deux sénateurs, qu'une précision ou un engagement permette de s'assurer que l'un des députés est issu de l'opposition – et idéalement du premier groupe de cette dernière.
Je ne saurais prendre un tel engagement, car la désignation des députés et des sénateurs qui siégeront au sein du comité relève de chaque président de chambre – ce qui sera d'ailleurs précisé par l'amendement rédactionnel qui suit.
Il est très commun que deux députés et deux sénateurs siègent dans un organisme extérieur et il n'y a pas de raison d'augmenter leur nombre. Si j'étais taquin, je dirais que nous avons déjà tous suffisamment de travail pour ne pas être sollicités par tant de comités Théodule – pour reprendre le terme que vous avez utilisé tout à l'heure.
Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL65 de M. Marc Ferracci, rapporteur.
Amendement CL82 de M. Marc Ferracci et sous-amendement CL88 de M. Thomas Ménagé
Cet amendement vise à préciser que les personnalités désignées dans le comité des parties prenantes sont choisies pour leur compétence, mais aussi en s'assurant qu'elles présentent les garanties d'indépendance suffisantes.
L'indépendance s'apprécie évidemment à l'égard des pouvoirs publics. Cela répond peut-être à M. Léaument, qui s'inquiétait que des membres du comité puissent être enclins à refuser de tester des acteurs publics, voire des autorités politiques – même si je ne vois pas bien quelle forme pourraient prendre ces tests.
L'indépendance doit aussi s'apprécier du point de vue économique. J'insiste sur ce point, car les opérations de tests généreront des revenus pour certains acteurs – même si les équipes de chercheurs appartiennent plutôt à la sphère publique. Il est important que les personnalités qualifiées qui siègent dans le comité des parties prenantes n'aient aucun intérêt économique dans le testing.
Je vous remercie d'avoir repris une partie de l'amendement CL6 déposé par notre groupe, qui prévoit notamment cette obligation d'indépendance.
Afin de travailler dans un esprit de coconstruction, je vous propose d'aller au bout de la démarche en adoptant notre sous-amendement CL88, qui ajoute l'obligation d'impartialité. De la sorte, l'ensemble de l'amendement CL6 aura été repris.
S'il peut être utile de mentionner l'impartialité lorsqu'il s'agit de prendre une décision sur la publication des résultats, cela n'a, en revanche, pas beaucoup de sens en ce qui concerne l'élaboration de la méthodologie. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas repris ce terme.
La commission rejette le sous-amendement.
Elle adopte l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL6 de M. Thomas Ménagé.
Amendements CL67 de M. Marc Ferracci et CL39 de M. Aurélien Taché (discussion commune)
L'amendement CL67 fait suite à une remarque de la Défenseure des droits à propos de la rédaction initiale. Il est en effet plus conforme à l'esprit du texte de mentionner que le membre représentant le Défenseur des droits au comité des parties prenantes est une personnalité appartenant à l'institution elle-même, plutôt qu'une personne désignée par elle, qui peut venir de l'extérieur.
Par l'amendement CL39, nous proposons de doubler le nombre de représentants du Défenseur des droits.
L'adoption de cet amendement créerait un précédent, dont d'autres membres du comité des parties prenantes pourraient se saisir pour demander, eux aussi, un doublement de leur représentation. Par ailleurs, je suis attaché à maintenir le comité des parties prenantes dans un format réduit. Le rôle des membres est de porter la voix des institutions qu'ils représentent ; leur nombre n'a qu'une importance relative, d'autant que le processus de prise de décision reste à définir : le comité privilégiera-t-il le consensus ou bien le vote ? Avis défavorable.
La commission adopte l'amendement CL67.
En conséquence, l'amendement CL39 tombe.
Amendements CL16 de M. Carlos Martens Bilongo, CL5 de M. Thomas Ménagé, amendements identiques CL29 de Mme Clara Chassaniol, CL71 de M. Olivier Serva, CL72 de M. Philippe Latombe et CL75 de M. Aurélien Taché (discussion commune)
L'amendement CL16 tend à supprimer du comité des parties prenantes les représentants des personnes morales susceptibles d'être testées, car elles y seraient à la fois juges et parties, et d'y intégrer des représentants des syndicats de travailleurs, plus susceptibles d'être discriminés.
Il nous semble logique, et c'est l'objet de l'amendement CL5, d'intégrer des représentants des syndicats patronaux au comité, car la proposition de loi fait peser sur les entreprises de nouvelles obligations dont le non-respect est sanctionné d'une amende. Toutefois, je le retire au profit des amendements identiques CL29, CL71 et CL72, qui tendent à y inclure des représentants de syndicats de salariés.
Je remarque que cette coconstruction est l'œuvre de divers groupes parlementaires. Monsieur le rapporteur, n'hésitez pas à convier notre groupe – qui fait preuve de bonne volonté en retirant un amendement pour soutenir ceux qui vont dans le bon sens – à y participer.
L'amendement CL29 tend à faire en sorte que les organisations syndicales et patronales au niveau national interprofessionnel soient représentées au sein du comité des parties prenantes.
J'observe que le groupe La France insoumise propose de faire siéger au comité des parties prenantes les représentants des travailleurs et le groupe Rassemblement national, les patrons. Il est encore une fois démontré que c'est nous qui sommes du côté des salariés et pas le Rassemblement national.
L'amendement CL5 est retiré.
Suivant les avis du rapporteur, successivement, la commission rejette l'amendement CL16 et adopte les amendements identiques.
En conséquence, l'amendement CL41 de M. Aurélien Taché tombe.
Amendements CL40, CL42, CL43 et CL44 de M. Aurélien Taché
La gauche défend certes les travailleurs et je suis heureux que l'adoption des amendements précédents permette à leurs syndicats de siéger au comité. Je propose d'appliquer la même logique à d'autres catégories pouvant faire l'objet de discriminations, comme les étudiants ou les locataires
Je partage votre préoccupation d'assurer la représentation de secteurs ayant vocation à être testés, mais cela risque d'en embarquer beaucoup d'autres.
Le 3° de l'article me semble constituer un élément de souplesse qui pourrait permettre de contourner cette difficulté, en mentionnant des « représentants des personnes morales publiques et privées susceptibles d'être testées ». Il ouvre ainsi la possibilité d'intégrer les représentants des locataires ou de tout autre secteur au comité, mais de manière ponctuelle, en fonction des thématiques de testing. Nous pourrions réfléchir à une évolution de la rédaction permettant de prendre en compte explicitement le secteur du logement, mais, en tant que rapporteur, je veillerai à ce que nous n'ouvrions pas la boîte de Pandore en prévoyant la représentation d'une multitude de secteurs.
Il me semble également important que les associations luttant contre les discriminations, mentionnées à l'amendement CL44, soient représentées. Toutefois, il nous faut trouver une formulation permettant un certain niveau de représentativité, sans entraîner la présence d'un trop grand nombre d'associations. Je vous propose de travailler ensemble à la rédaction d'un amendement en ce sens pour la séance publique, et vous invite à retirer les amendements CL42, CL43 et CL44.
Je les retire, à l'exception de l'amendement CL40, car les locataires me semblent devoir être représentés de façon permanente, à l'instar des organisations syndicales.
Les amendements CL42, CL43 et CL44 sont retirés.
La commission rejette l'amendement CL40.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : Procédures en cas de test statistique révélant des pratiques discriminatoires
Amendement de suppression CL11 de M. Thomas Ménagé
L'article 3 est le pire de cette proposition de loi. Les sanctions qu'il prévoit sont en contradiction avec la volonté d'attirer les investisseurs et de réindustrialiser le pays, et jettent l'opprobre sur les chefs d'entreprise, déjà accablés par toujours plus de normes et de taxes. Cela participerait à donner de notre pays une image catastrophique.
Évitons la caricature : la France est, pour la quatrième année consécutive, le pays le plus attractif d'Europe pour les investisseurs.
Que lutter contre les discriminations donnerait de notre pays une image déplorable, voilà bien un argument stupéfiant. Au contraire, beaucoup d'investisseurs étrangers y sont sensibles.
À l'heure où certains secteurs connaissent des tensions de recrutement, la lutte contre les discriminations contribue même à ce que les employeurs prennent conscience qu'en discriminant, ils se privent de talents et donc d'un potentiel de recrutement. Cela a été souligné lors des auditions des organisations patronales, auxquelles il me semble que vous n'avez pas assisté. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL76 de M. Marc Ferracci et sous-amendements CL78 de M. Aurélien Taché, CL79 et CL80 de Mme Marietta Karamanli, CL83 de Mme Eva Sas, CL86 et CL87 de M. Aurélien Taché, CL89 et CL90 de M. Thomas Ménagé, CL92 de M. Aurélien Taché, et amendement CL27 de Mme Eva Sas (discussion commune)
Avec l'amendement CL76, je propose une nouvelle rédaction de l'article 3, qui n'en change pas la philosophie. Elle vise à clarifier les étapes précédant le name and shame et, le cas échéant, l'amende administrative. Surtout, elle introduit à chaque étape une procédure contradictoire, nécessaire en l'état de notre droit pour éviter les recours administratifs. Cette rédaction prend ainsi en compte des critiques formulées par certains intervenants lors des auditions ainsi que par certains groupes. Les acteurs de terrain l'ont, par ailleurs, validée.
Je suis très attaché à l'idée de contrôler les discriminations à l'accès au logement de la même manière que celles à l'accès à l'emploi. Le sous-amendement CL78 propose donc de reprendre la procédure prévue pour les discriminations à l'accès à l'emploi en imposant aux bailleurs ou aux agences immobilières de mettre en place, sous la supervision des autorités, un plan d'action détaillé dans les six mois pour prévenir ou corriger des discriminations. En cas de non-transmission de ce plan, des sanctions, qui restent à définir, s'appliqueraient.
Lorsque des discriminations sont constatées, la seule publication des noms n'est pas suffisante. Le service créé par la présente proposition de loi doit en informer la justice, afin que celle-ci procède aux poursuites si elle les estime nécessaires. C'est le sens du sous-amendement CL79.
Quant au sous-amendement CL80, il tend à transformer le plafond de l'amende en plancher, afin de donner une plus grande liberté au juge dans la fixation de son montant.
Le sous-amendement CL83 vise à imposer la publication des résultats issus des tests statistiques, ce qui contribuera à renforcer l'efficacité de la lutte contre les discriminations.
La rédaction actuelle prévoit une amende administrative dont le montant ne peut excéder 0,5 % de la masse salariale. L'adoption du sous-amendement CL86 ferait passer ce montant à 5 % de la masse salariale et celle du sous-amendement CL87, à 1 %.
Le sous-amendement CL89 est défendu.
Le sous-amendement CL90 aurait pour effet de donner aux personnes morales la possibilité d'apporter des observations lors de la publication des résultats de tests les concernant. Si elles se retrouvent ainsi jetées en pâture, elles doivent pouvoir se défendre publiquement.
Le sous-amendement CL92 prévoit la transmission systématique au procureur de la République des résultats des opérations de tests révélant l'existence de discriminations raciales afin que celui-ci puisse déclencher des enquêtes permettant d'établir si ces discriminations caractérisent l'infraction pénale prévue à l'article 225-1 du code pénal.
L'amendement CL27 tend à incorporer dans le code pénal la qualification de délit de discrimination pour les entreprises ou organismes dont les résultats des tests statistiques mis en place par le présent texte révèlent des pratiques discriminatoires.
Le sous-amendement CL78 est satisfait, puisque le texte fait référence à l'article 225-2 du code pénal, aux termes duquel une discrimination peut consister à « refuser la fourniture d'un bien ou d'un service », ce qui inclut la location de logement. Je suis sensible à votre préoccupation, monsieur Taché, et je réitère ma proposition de travailler à une rédaction permettant d'inclure explicitement la mention des discriminations à l'accès au logement dans une autre partie du texte.
Les sous-amendements CL79 et CL92 proposent la transmission systématique des résultats de tests au procureur de la République en cas de discrimination. Ils sont satisfaits, car les tests statistiques utilisent de faux profils et, dans ce cas, il n'y a pas de préjudice. Si ces tests révèlent une discrimination contre une personne réelle, celle-ci devra être portée à la connaissance du procureur en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le sous-amendement CL80 fixe une amende plancher, or il nous semble nécessaire de fixer un plafond pour une telle sanction.
Le sous-amendement CL83 déroge à la philosophie du texte : la publication systématique des résultats empêcherait les entreprises concernées d'élaborer un plan d'actions correctrices avant de le faire évaluer par le comité des parties prenantes. L'idée est de crédibiliser la menace d'une sanction, tout en accompagnant les entreprises afin de les inciter à changer leur comportement, notamment en mettant à leur disposition des outils – recrutement sans CV, modules de formation, détection des discriminations algorithmiques.
Le sous-amendement CL89 propose d'introduire la notion de démonstration, mais celle-ci n'existe que dans le cadre d'un recours juridictionnel, au cours duquel le juge s'appuie sur un faisceau d'indices pour établir la preuve. Or, et c'est la nouveauté de ce texte, il est prévu que des sanctions pourront être prononcées à partir de résultats d'un test statistique robuste, puisqu'issu du travail collégial du comité des parties prenantes.
Le sous-amendement CL90 ne me semble pas justifié, puisque rien n'empêche la personne morale mise en cause de publier ses observations, sur son site internet, dans la presse locale ou par tout autre moyen de communication.
Les sous-amendements CL86 et CL87 concernent le montant de l'amende. Il faut distinguer l'amende de première instance, prononcée à l'encontre d'une entreprise qui n'aurait pas fait diligence après un premier test positif, de l'amende de récidive. Le montant de 5 % de la masse salariale pour l'amende de première instance est excessif. En revanche, je suis favorable à la proposition de porter le montant de cette amende à 1 % de la masse salariale, par cohérence avec l'amende prononcée contre les entreprises n'ayant pas publié leur index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Quant au montant de l'amende en cas de récidive, je vous propose d'en discuter en séance publique.
J'émets donc un avis défavorable à tous les sous-amendements, à l'exception du sous-amendement CL87, auquel je suis favorable.
Le name and shame est une bonne idée, mais, à force de rajouter des délais avant la publication des résultats – de trois, six ou neuf mois – elle a perdu de sa force. Nous souhaitions durcir les dispositions, mais je vois à regret qu'elles ont été adoucies.
Je suis sidéré d'entendre le Rassemblement national se lamenter de voir ces dispositions accroître la complexité de l'environnement des entreprises, alors que nous parlons ici d'un principe fondateur de la République. Je rappelle que l'article 1er de notre Constitution prévoit que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».
Je suis étonnée par votre avis défavorable à notre sous-amendement, monsieur le rapporteur : dans vos propos introductifs, vous aviez dit que la publication globale des résultats serait une bonne solution.
Je prends acte de votre avis favorable au sous-amendement CL87, que j'interprète comme un signe de votre bonne volonté pour améliorer la rédaction du texte afin d'y faire figurer explicitement les discriminations d'accès au logement.
De manière générale, je trouve que, jusqu'à présent, le dispositif n'est pas assez fort.
Sur quel fondement émettez-vous un avis défavorable au sous-amendement CL80 au motif qu'il n'est pas possible de fixer une peine plancher ?
C'est à la fois une question de principe – nous sommes opposés aux peines planchers – et de droit : une telle disposition risquerait d'être censurée par le Conseil constitutionnel.
Je reprends à mon compte les explications de M. le président.
La publication systématique des résultats risque d'être contre-productive. Le name and shame n'est efficace que s'il s'accompagne d'incitations au changement de pratiques, des travaux sociologiques le prouvent. D'ailleurs, la plupart des discriminations ne résultent pas d'une volonté consciente, mais de biais de représentation dont sont victimes certaines catégories de population. La simple prise de conscience de ces biais n'est bien sûr pas suffisante – il faut des sanctions crédibles –, mais elle engendre des changements.
L'inconstitutionnalité des peines planchers ne peut être invoquée ici, car elle ne s'applique qu'au droit pénal. Or, les sanctions dont nous débattons relèvent du droit administratif.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel implique que les sanctions administratives fassent l'objet d'un plafond et que les sanctions proportionnées.
J'ajoute que l'absence de plafond ne favorise pas la sécurité juridique et économique, qui exige que les entreprises puissent avoir une visibilité sur d'éventuelles sanctions.
Successivement, la commission rejette les sous-amendements CL78, CL79, CL80, CL83 et CL86, adopte le sous-amendement CL87 et rejette les sous-amendements CL89, CL90 et CL92.
Elle adopte l'amendement CL76 sous-amendé et l'article 3 est ainsi rédigé.
En conséquence, l'amendement CL27 tombe ainsi que l'ensemble des amendements à l'article 3.
Après l'article 3
Amendements CL56, CL57, CL58, CL60, CL59 et CL61 de M. Aurélien Taché
Ces amendements visent notamment à durcir les sanctions prononcées à l'encontre d'une personne reconnue coupable du délit de discrimination prévu par les articles 225-1 et suivants du code pénal.
Le diagnostic qui a motivé cette proposition de loi n'est pas que les sanctions sont trop faibles, mais que les condamnations pour discrimination sont inexistantes. Je ne suis pas opposé à une réflexion sur les sanctions, mais tant que la fréquence des condamnations n'aura pas été augmentée grâce à des tests, qui sont la seule manière d'obtenir réparation, cette réflexion sera inutile. Avis défavorable.
Nous voterons l'amendement CL56, qui augmente les peines du délit de discrimination, car nous pensons qu'il revient à la justice, et non à l'administration, de sanctionner les discriminations. En revanche, nous ne voterons pas l'amendement CL57 qui, lui, ne respecte pas le principe de proportionnalité.
M. Taché n'a pas parlé des autres amendements en discussion. C'est dommage, car ils révèlent toutes les lubies de l'extrême gauche et de la NUPES : l'un de ces amendements représente un danger grave pour notre sécurité puisqu'il propose de donner accès à des étrangers à des emplois de souveraineté ; un autre autorise le port du voile lors de compétitions sportives ; un autre enfin ajoute dans le code pénal une disposition visant à réprimer les discriminations au logement alors qu'elles sont déjà réprimées dans ce même code.
Monsieur Ménagé, je vous donne rendez-vous lundi prochain pour l'examen par cette commission du projet de loi sur l'immigration. Je défendrai alors avec vigueur la possibilité pour des personnes ne disposant pas de la nationalité française de travailler dans l'administration, car c'est un excellent vecteur d'intégration.
Et voilà, monsieur Ménagé, vous avez fait ce soir la démonstration que le Rassemblement national est raciste : vous voulez empêcher les femmes musulmanes voilées de faire du sport ; vous avez proposé de supprimer tous les articles d'une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations et vous êtes opposés au name and shame, alors que vous vous empressez de demander le nom des personnes impliquées dans les faits divers en présupposant qu'ils auront une consonance étrangère.
Vous continuerez à en faire la démonstration lors des débats sur le projet de loi sur l'immigration. Le Rassemblement national est raciste et ne fait pas partie de l'arc républicain. Pour notre part, nous défendons les vraies valeurs de notre pays, qui sont celles de la République !
La commission rejette successivement les amendements.
Article 4 : Gage financier
La commission adopte l'article 4 non modifié.
Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La séance est levée à 23 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Pascale Bordes, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, Mme Marietta Karamanli, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Marie-France Lorho, M. Thomas Ménagé, Mme Danièle Obono, M. Jean-Pierre Pont, M. Philippe Pradal, Mme Sandra Regol, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Olivier Serva, M. Jean Terlier
Excusés. - M. Éric Ciotti, Mme Marie Guévenoux, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, M. Rémy Rebeyrotte
Assistaient également à la réunion. - M. Carlos Martens Bilongo, M. Mickaël Bouloux, M. Fabien Di Filippo, M. Aurélien Taché