« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Tel est le premier alinéa de l'article 1er de la Constitution, auquel il est vrai vous vous référez moins souvent qu'à l'article 49, alinéa 3, que vous avez utilisé dix-sept fois.
Le racisme structurel existe bel et bien et votre proposition de loi y répond d'une manière hélas insuffisante. Vous créez un comité placé sous l'autorité de la Première ministre mais que se passera-t-il si quelqu'un comme Marine Le Pen arrive au pouvoir et qu'Éric Zemmour devient Premier ministre ? Nous avons besoin d'une structure indépendante et c'est précisément ce que nous vous proposerons de créer par voie d'amendement.
Par ailleurs, vous incluez dans ce comité les représentants des entreprises mais pas ceux des salariés, ce qui est un peu dommage puisqu'ils sont les mieux à même de proposer des solutions pour lutter contre le racisme.
La discrimination emporte des conséquences matérielles sur la vie des gens : ne pas avoir de logement si l'on est perçu comme une personne noire, ne pas avoir d'emploi parce que l'on est perçu comme une personne arabe, avoir un salaire plus bas parce que l'on est une femme ou ne pas avoir accès à un certain nombre de loisirs – boîtes de nuit, restaurants – faute d'avoir la couleur de peau qui convient. Elle emporte aussi des conséquences psychologiques profondes en favorisant l'idée qu'il existerait une différence entre vous et les autres.
La discrimination et le racisme sont la négation de l'idéal républicain et humaniste, selon lequel les êtres humains sont responsables de leurs actes et égaux en droits. S'il faut les juger, ils doivent l'être non sur ce qu'ils sont mais sur ce qu'ils font. Selon la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en droits et, selon la Constitution de 1793, ils sont égaux par la nature et devant la loi. Notre drapeau, de surcroît, a été adopté à la suite d'une grève antiraciste, lorsque les marins de Brest ont refusé de partir mater les révoltés contre l'esclavage en Haïti. Le Préambule de la Constitution de 1946, enfin, rappelle face aux régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine que tout être humain, sans distinction de race, de religion ou de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.
Lutter contre les discriminations et le racisme, cela revient à fortifier notre idéal républicain et à entendre résonner en nous le plus intensément possible ces mots de Robespierre : liberté, égalité, fraternité. Aimé Césaire écrivait : « Si toi tu es un homme avec des droits, avec tout le respect que l'on te doit, eh bien moi aussi, je suis un homme, moi aussi, j'ai des droits. Respecte-moi ! À ce moment-là, nous sommes frères. Embrassons-nous ! Voici la fraternité ».