Une enquête de l'Insee publiée en juillet 2022 révèle que de 2009 à 2019, le nombre de personnes déclarant avoir subi une discrimination est passé de 14 % à 18 %. Selon un rapport de 2020 du Défenseur des droits sur les discriminations et les origines, l'origine réelle ou supposée constitue le deuxième critère de discrimination après le genre et concerne 11 % de la population.
Ces discriminations sont des barrières invisibles empêchant certains de nos concitoyens de jouir pleinement de leurs droits. Les témoignages, les plaintes, les enquêtes illustrent combien ces inégalités sont flagrantes. Celles-ci s'expliquent par l'essentialisation des individus, dès lors qu'ils sont assignés à une identité supposée par un employeur, un bailleur ou toute autre personne leur refusant d'accéder à un service.
Le sentiment d'injustice engendre des blessures, des inquiétudes, une perte de confiance. Une violence sourde s'impose. Ces discriminations peuvent toucher chacun d'entre nous. Fort heureusement, la loi les condamne mais le non-recours au dépôt de plainte n'en demeure pas moins massif, si bien que nous sommes incapables d'identifier précisément le nombre de personnes concernées et, donc, de faire en sorte que la société apporte aux victimes une réparation.
Pour réparer, il faut prouver la discrimination. Les tests individuels permettent de le faire par le biais d'une candidature fictive similaire mais cette pratique est très limitée, bien que les associations, les avocats ou la Défenseure des droits puissent en réaliser. Nous soutenons donc la création d'un service public pour les intensifier afin d'apporter aux victimes un soutien rapide.
Cette proposition ajoute un cadre ambitieux aux tests statistiques, qui reposent sur l'envoi de nombreuses candidatures fictives dans le cadre d'une méthodologie élaborée par des chercheurs. Une précédente campagne massive de testing, organisée sous l'impulsion du Président de la République, a révélé les pratiques discriminatoires de plusieurs entreprises, les chances d'être recontacté après une candidature spontanée avec un patronyme maghrébin étant de 20 % à 30 % inférieures.
Un tel constat, toutefois, n'emportait pas de sanction ou une modification effective des choses. La question s'est alors posée de la légitimité de la publication des résultats compte tenu de l'utilisation d'une méthode alors controversée. Grâce au travail du rapporteur, ce texte permettra de réaliser des testing statistiques selon une méthodologie préalablement validée par un comité des parties prenantes, au sein duquel nous souhaitons ajouter des représentants des partenaires sociaux.
Des résultats de tests positifs aux discriminations pourront entraîner une amende administrative et une publication. Un tel encadrement permet de sécuriser le Name and Shame, bien que l'objectif ne soit pas de jeter l'opprobre mais d'engager un dialogue sur la base de recommandations. Ce texte permettra d'exercer une pression sur ceux qui discriminent, qui sont souvent victimes de stéréotypes inconscients. Il contraindra également les employeurs à repenser leurs processus de recrutement. En conséquence, l'ensemble de la société sera mieux préparé pour lutter contre les discriminations. Elles ne seront plus tolérées et il sera possible de les démontrer. Les pratiques devront donc évoluer et, avec elles, les mentalités.
Nous soutenons donc cette proposition de loi, qui propose des solutions concrètes, encadrées et concertées afin que l'État soit un acteur engagé dans l'aide aux victimes et l'accompagnement des recruteurs. Nous le voterons avec fierté.