La séance est ouverte à quatorze heures cinq.
La commission auditionne M. Cyril Hanouna, producteur et animateur de programmes télévisés, président de H2O Productions, accompagné de M. Lionel Eisenstein dit Lionel Stan, directeur général.
Mes chers collègues, avant de débuter l'audition et d'accueillir M. Hanouna et M. Stan, je souhaiterais revenir rapidement sur le débat qui anime la commission, à propos de la demande d'audition de l'ancienne ministre de la culture, Mme Rima Abdul Malak. M. le rapporteur m'a interpellé hier, lors d'une table ronde importante et sérieuse sur le handicap, insistant pour obtenir cette audition et demandant un vote à cette fin. Je vous ai fait part des raisons pour lesquelles ce cas d'espèce semblait compliqué et peu justifié ; une telle interpellation en pleine réunion était au moins discourtoise.
J'ai découvert ce matin, après m'être absenté pour des raisons locales – j'étais à Saint-Étienne auprès d'employés du groupe Casino –, que M. le rapporteur avait tenté d'organiser un vote en mon absence. De discourtoise son attitude est devenue malhonnête. Mais ce n'est pas grave : je vais faire part de bienveillance et de sagesse, car ce qui compte le plus pour moi, c'est le sérieux et l'efficacité de la commission d'enquête, et c'est de permettre à M. le rapporteur de disposer de tous les éléments dont il juge avoir besoin pour rédiger son rapport.
Plein de cette bienveillance et de cette sagesse que m'a apprises ma grand-mère, je vais donc donner suite à cette demande. M. le rapporteur souhaite recevoir d'anciens ministres de la culture ; nous en recevrons. Nous organiserons une audition commune de plusieurs anciens ministres : Mme Rima Abdul Malak, Mme Roselyne Bachelot, M. Jacques Toubon, M. Renaud Donnedieu de Vabres, Mme Fleur Pellerin et, bien sûr, M. Jack Lang. Cela nous permettra d'apprécier l'évolution de la télévision, en passant par l'arrivée de la TNT avec Renaud Donnedieu de Vabres et la nomination d'Olivier Schrameck par Fleur Pellerin. Nous pourrons discuter des temps de parole avec Mme Bachelot, dont les interventions sur les antennes sont, depuis peu, comptabilisées par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Ce sera particulièrement intéressant.
Nous achevons notre semaine d'auditions en entendant M. Cyril Hanouna, président de H2O Productions, producteur et animateur de programmes télévisés, accompagné du directeur général de H2O Productions, M. Lionel Stan, comme vous êtes connu.
Monsieur Hanouna, après des débuts d'animateur notamment sur Comédie !, sur M6 puis sur France 4, vous avez connu le succès en animant « Touche pas à mon poste ! » (TPMP), à partir de 2010 sur France 4, puis à partir de 2012 sur D8, devenue C8. À cette fin, vous avez créé la société H2O Productions en association avec le groupe Bolloré. Elle appartient désormais entièrement à Banijay Group et produit toutes vos émissions.
Depuis 2017, nous avons recensé vingt et une interventions de l'Arcom – courriers, mises en garde, mises en demeure, sanctions notamment pécuniaires – vis-à-vis des émissions que vous animez ou produisez, soit plus que toute autre émission ou chaîne. C'est à ce titre que nous vous recevons. Monsieur Hanouna, vous avez été régulièrement cité, lors de notre commission d'enquête, par différents acteurs, qu'il s'agisse de propos directs ou rapportés. Il nous semblait important de pouvoir vous interroger directement, afin de comprendre le fonctionnement de vos émissions et le sens de votre travail, et surtout de vous donner, parce que c'est aussi le but de cette commission, la possibilité de nous répondre et de vous défendre des accusations qui vous sont adressées.
L'organisation sera la même que pour les autres auditions. Vous aurez, monsieur Hanouna, le droit à un propos liminaire d'une dizaine de minutes. Viendront ensuite les questions du président, que je suis, puis du rapporteur. Nous avons demandé à chaque groupe politique de nous faire part, avant midi, de la liste de ses orateurs. Au vu de cette liste, ce sont seulement des membres de la commission d'enquête qui prendront la parole. Les groupes ont également donné un ordre de priorité aux députés qui souhaitaient intervenir. Nous le suivrons, avec la même impartialité et la même neutralité que d'habitude, et surtout avec la même équité entre les différents groupes politiques. M. le rapporteur aura enfin la possibilité de vous poser des questions complémentaires.
Comme l'a décidé le bureau de la commission d'enquête, cette audition durera deux heures et demie. Je vous remercie également de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Dans un souci de transparence, j'invite les députés, comme beaucoup l'ont déjà fait spontanément, à mentionner les activités qu'ils ont pu avoir dans l'audiovisuel.
Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »
(M. Cyril Hanouna et M. Lionel Stan prêtent successivement serment.)
Merci à tous de me recevoir aujourd'hui. Je suis très heureux d'être là. Même si beaucoup pensent que c'est une sanction, je prends comme une chance de pouvoir vous expliquer ce que je fais au quotidien depuis douze ans. TPMP a démarré en hebdo, le jeudi soir, sur France 4. Jamais on n'aurait cru que cette émission aurait un tel succès. On avait signé huit émissions – c'était ce qu'on appelle une « queue de contrat ». Après ces huit émissions, j'étais censé partir vers une autre chaîne, car je n'avais pas que des succès. J'ai fait une longue traversée du désert. J'ai passé des années à animer des émissions qui avaient peu de succès. J'ai travaillé dans des campings. J'ai présenté « Fa si la chanter » et plein d'émissions sur le service public, qui m'a beaucoup donné ma chance, par le biais d'un directeur des programmes qui croyait en moi.
Très vite, on a vu que « Touche pas à mon poste ! » intéressait les gens, parce qu'il y avait déjà un ton particulier. On est la première émission à avoir mieux marché sur les réseaux sociaux qu'à l'écran : au départ, on avait plus d'abonnés sur Facebook que de gens qui nous regardaient sur France 4. Très vite, on s'est rendu compte qu'il se passait quelque chose. France 4 m'a demandé de rester en hebdomadaire pour deux saisons.
Là est arrivée l'aventure C8, anciennement Direct 8. Les anciens patrons de Canal+, Rodolphe Belmer, Ara Aprikian et Bertrand Meheut, m'ont appelé, parce qu'ils allaient lancer une nouvelle chaîne sur la TNT, C8, dont ils voulaient que je sois l'une des têtes de gondole. Rodolphe Belmer m'avait dit qu'ils mettraient un gros moteur avant moi, une Ferrari – c'était un jeu de mots, puisqu'il s'agissait de Laurence Ferrari. La chaîne n'existait même pas encore, ils n'avaient pas encore eu l'autorisation de changement de contrôle par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Je suis parti pour cette quotidienne, parce que je sentais que cette émission pouvait tenir tous les jours. À l'origine, TPMP ne parlait que de télévision. Deux choses m'intéressaient dans la vie : le sport et la télévision. Au départ, je voulais être journaliste sportif ; comme je n'étais pas assez bon, je me suis tourné vers le divertissement. C'est pour ça que j'ai décidé de faire cette émission autour de la télé. Très vite, elle a rencontré un succès incroyable.
J'ai toujours voulu que « Touche pas à mon poste ! » soit une émission populaire. Je me souviens des deux premières semaines sur C8. Les dirigeants m'ont convoqué pour me dire que l'émission ne prenait pas vraiment et qu'il faudrait peut-être que j'arrête de mettre Les Sardines de Patrick Sébastien, que ce n'était pas l'ADN du groupe Canal. Je leur ai répondu qu'on allait se quitter en bons termes, parce que, pour moi, ça devait être une émission populaire et que c'était à cette seule condition qu'elle marcherait. Ça a été ensuite un succès incroyable. On a fait 300 000 téléspectateurs, puis 500 000, 700 000, 1 million, ce qui était incroyable pour une chaîne de la TNT à un tel horaire, 1,2 million et aujourd'hui 2 millions. C'est une aventure incroyable, un travail au quotidien monstrueux pour les équipes. Je travaille avec mes équipes depuis dix ans. Elles font un travail considérable, exceptionnel. Fournir tous les jours une émission en direct, sur l'actualité, avec énormément d'images, c'est énormément de travail. Ce sont presque trois heures de direct tous les soirs.
Pour moi, la télé a toujours été un rêve. Mon père est médecin, ma mère est commerçante. Quand j'avais dit à mon père que je voulais faire de la télé, il m'avait répondu qu'il pourrait m'aider si je faisais des études de médecine mais qu'il ne pourrait jamais le faire dans le show-biz, où il ne connaissait personne ; la seule personne qu'il connaissait, c'était Daniel Guiraud, le maire des Lilas. Je suis entré comme stagiaire. Je ne connaissais personne dans la télé, j'ai gravi les échelons. Voir tout ce qu'on a fait, le succès de cette émission, et même être ici aujourd'hui, que ce soit pour mes parents ou pour moi, c'est vraiment incroyable. Tout ce qui nous arrive autour de cette émission est incroyable. Mes parents sont arrivés de Tunisie en 1968. Ma mère travaillait à l'usine pour payer les études de mon père. Me voir à la télévision tous les soirs, pour eux, c'est un rêve.
Je suis là pour vous expliquer mon travail quotidien, comment on fait « Touche pas à mon poste ! ». J'ai entendu le président de la commission dire qu'il y avait eu énormément de sanctions contre TPMP. Mais, je n'ai pas peur de le dire, l'émission qui aura le plus marqué les années 2010 à nos jours, c'est « Touche pas à mon poste ! » : forcément, on parle énormément de nous. On a fait plus de 5 000 heures de direct. Les faits pour lesquels on est ici représentent 0,12 % de notre temps d'antenne. Certains n'auraient pas dû se produire. Je ne suis pas d'accord avec toutes les décisions, on y reviendra. Mais, pour une émission en direct tous les jours, qui a fait 5 000 heures d'antenne, on s'en sort bien. Je ne viens pas à un procès, je viens débattre et discuter avec vous et répondre à vos questions, pour vous expliquer comment on voit les choses et comment on a dû évoluer et faire évoluer notre émission, comme l'a fait la société.
On a dit plein de choses sur moi. Un jour, j'avais fait gagner une jeune fille qui était voilée – j'ai beaucoup de femmes voilées dans mon public ; moi, j'accepte tout le monde, je donne la parole à tout le monde : c'est le propre de mes émissions. On m'a reproché de ne mettre que des islamistes ! J'ai entendu des choses folles. Le lendemain, je reçois Marion Maréchal ; on dit qu'en fait je suis avec elle. Un autre jour, je vais voir Emmanuel Macron à la sortie du débat entre les deux tours ; on dit qu'en fait je suis à sa botte. Je ne suis à la botte de personne ! Personne ne peut dire pour qui je vote ou je voterai. Je ne juge jamais dans mes émissions les Français sur leur vote. Je me mets tous les soirs à leur place. Il y a des Français qui ont de nombreuses difficultés, et je ne suis pas là pour leur dire de voter pour untel ou untel. Je suis là pour donner la parole à tout le monde et montrer les forces en présence qui représentent la France, ce qui permettra peut-être à mes téléspectateurs de se faire une idée de tel parti, de tel homme politique ou de tel débat.
Nous, on est très heureux d'être ici. C'est un bon moment pour nous. On attend vos questions avec impatience.
C'est mon métier !
S'agissant des sanctions, que se passe-t-il quand il y a une sanction, après un incident et une intervention de l'Arcom ? Y a-t-il un débrief en interne avec l'équipe pour essayer d'éviter que cela se reproduise ?
J'ai également une question plus structurelle concernant C8, que j'avais d'ailleurs posée à Franck Appietto, sur l'obligation de mettre à l'antenne chaque jour sept heures de programmes inédits par jour. Inédits ne signifie pas en direct, mais c'est majoritairement le cas sur C8. Nous connaissons l'évolution du linéaire, et si l'on veut que les gens se mettent devant leur télé au lieu de leur tablette, le direct est attractif. Est-ce que ces sept heures de risque par jour n'expliquent pas votre mise en danger et une partie des incidents ? Finalement, n'est-ce pas trop d'heures d'inédit ?
Quand on a une sanction, c'est un drame pour nous. On n'est pas contents, on ne fait pas la fête dans la loge. On a eu des sanctions énormes : 3,5 millions d'euros d'amende ! Vous pouvez commettre n'importe quel délit, jamais vous n'aurez une telle amende la première fois ! C'est vraiment disproportionné. On ne s'en réjouit pas. On en parle avec les directeurs de la chaîne, on en parle avec Franck Appietto, avec Gérald-Brice Viret, avec Maxime Saada, pour éviter de reproduire les mêmes erreurs. On a eu une sanction l'an dernier, parce que je portais des marques à l'antenne, ce dont je ne m'étais même pas rendu compte. On est les seuls à avoir eu une aussi grosse sanction. Désormais, dès que j'apparais à l'antenne, j'ai de l'adhésif partout. Ça m'a coûté beaucoup en fringues, mais ça nous permet de ne pas prendre d'amendes.
Pour revenir sur la plus grosse sanction, à la suite à ce que tout le monde a appelé l'affaire Louis Boyard, sachez que j'ai reçu de nombreux députés sur mon plateau – il y en a d'ailleurs ici qui sont déjà venus et avec lesquels ça s'est très bien passé. Je n'ai jamais eu de problème avec un député, ni avec un invité. Le seul avec lequel j'en ai eu, c'est Louis Boyard. C'est un cas un peu particulier. Louis Boyard, c'est avant tout un chroniqueur. Je pense que, s'il a été élu, sans vouloir jeter des fleurs à TPMP et à moi-même, on y est un peu pour quelque chose. On lui a donné une visibilité incroyable.
Louis Boyard, je l'invite gentiment sur un sujet. Il arrive et il avait tout prémédité. Il s'était dit qu'il allait faire un happening et essayer de faire sortir Cyril de ses gonds, ce qu'il a d'ailleurs réussi à faire. Je regrette bien entendu mes propos sur Louis Boyard. Mais quand il est venu sur le plateau, je ne voyais pas un député – j'aurais dû – mais un pote, qui me trahit, en direct, un pote, qui m'a appelé un jour et m'a dit : « Cyril, je suis sur RMC, je ne gagne pas bien ma vie, je crois que j'ai beaucoup de talent, j'aimerais te rejoindre. » Il est parti du jour au lendemain de RMC – des « Grandes Gueules », alors que j'aime beaucoup cette émission et ses deux présentateurs – et il est venu chez moi.
Quand il a été élu, à minuit, il m'a envoyé un message. Je pourrais vous le lire mais, en substance, il disait : « Cyril, ça y est, je suis député, c'est énorme, on va pouvoir faire des darkas ». C'est un mot qui veut dire qu'on allait pouvoir rigoler ensemble. Quelques mois plus tard, je vois un garçon sur le plateau qui n'est pas du tout le même que celui que j'avais connu, celui avec lequel je rigolais dans les loges, avec lequel on passait des heures à discuter avant les émissions, avec lequel on se disait qu'on allait prendre un verre. J'étais non seulement déçu de son attitude, mais aussi de perdre celui que je considérais, peut-être pas comme un ami, mais comme un bon pote. Il y a un truc qui me rend fou, c'est la trahison. J'ai pris son attitude à l'antenne comme une trahison.
Pour répondre à votre question, monsieur le président, bien sûr qu'on parle avec la chaîne. À chaque fois qu'on a eu des sanctions sur un point précis, ce problème ne s'est pas reproduit. Depuis l'affaire Louis Boyard, je n'ai jamais eu de problème avec un invité. Je n'en avais d'ailleurs jamais eu avant lui. Il est le seul avec lequel j'ai eu des problèmes. Je l'ai dit, il n'était pas pour moi un député mais un pote, et j'ai été trahi par mon pote en direct. Je peux vous dire que c'est ça qui m'a fait le plus de peine.
Merci. J'avais prévu de revenir sur cet épisode au nom de la commission d'enquête et de l'Assemblée nationale. Nous faisons, dans cette situation, preuve de solidarité vis-à-vis de Louis Boyard. Insulter un représentant de la nation, en direct, sur un plateau, est extrêmement grave et envoie à nos concitoyens un très mauvais signal. Louis Boyard a été membre pendant vingt-quatre heures de cette commission d'enquête.
Je suis dans l'obligation de dire que le sujet dont vous venez de faire part fait l'objet de deux plaintes : la première déposée par M. Cyril Hanouna le 9 février 2023, relative aux propos de Louis Boyard dans l'émission TPMP du 10 novembre 2022 pour diffamation publique ; l'autre plainte déposée par M. Louis Boyard le 23 novembre 2022, pour injures publiques envers un citoyen chargé d'une mission de service public dans l'émission TPMP du 10 novembre 2022.
Pourriez-vous revenir sur l'enjeu structurel dont j'ai parlé pour C8, de l'obligation de diffuser de l'inédit ? N'y a-t-il pas là un élément pouvant expliquer en partie les incidents et sur lequel nous pourrions être amenés à émettre des préconisations ?
C8, c'est anciennement Direct 8. Ce nom même indique que le direct est au cœur de la convention de cette chaîne, comme l'avaient souhaité Vincent et Yannick Bolloré. Je regardais beaucoup Direct 8, parce qu'elle était en direct toute la journée et qu'il s'y passait énormément de choses. Il y avait énormément d'invités et elle a découvert énormément de talents. C8 est aujourd'hui ce qu'on appelle une chaîne généraliste. C'est, de loin, la première chaîne de la TNT. Hier, on était à plus de 4 % sur la journée. On est loin devant TMC et les autres chaînes. Il y a deux types de gens devant C8 : ceux qui viennent pour des séries destinées à un public un peu plus âgé, comme Mongeville ou Magellan – la chaîne a notamment conclu un accord avec France Télévisions pour rediffuser Le Sang de la vigne ; ceux qui sont là pour le direct.
La direction a fait un attelage parfait entre mes émissions de direct et des émissions plus « senior », et c'est ce qui fait que C8 cartonne tous les jours. On est arrivés à une formule incroyable au niveau des audiences. Le direct, les inédits, c'est le propre de C8. Les gens regardent C8 ou parce qu'ils aiment bien les vieilles séries que l'on a pu mettre à l'antenne grâce à France Télévisions ou parce qu'ils savent qu'il va toujours se passer quelque chose. C'est la chaîne qui donne l'impression qu'il se passe quelque chose en même temps que nous, téléspectateur, on est devant l'écran.
Deux choses marchent à la télévision : les très grands événements et les personnalités. « The Voice » faisait 10 millions de téléspectateurs il y a quatre ans, aujourd'hui, il en fait 3. « Koh Lanta » faisait 7 ou 8 millions, il en fait 3 ou 3,5 aujourd'hui. Ce qui cartonne, c'est les matchs de foot et les talents. Sur C8, on a la chance d'avoir des talents à l'antenne – je ne parle pas que de moi, il y a aussi Jordan De Luxe ou William Leymergie, un talent confirmé depuis des années. On est non seulement la chaîne des talents, mais aussi celle de la fiction. Enlever des programmes inédits à C8 enlèverait l'ADN de notre chaîne et ce pour quoi C8 est la première chaîne de la TNT et la cinquième chaîne globalement – souvent devant France 5, d'ailleurs, sauf le samedi et le dimanche. Le direct est un risque, bien sûr. Mais il est dans l'ADN de C8 et ce qui fait, pour nos téléspectateurs, la force de notre chaîne.
Je vous remercie pour vos réponses. Je vais donner sans plus tarder la parole à M. le rapporteur pour sa première série de questions. Je ne vais pas prendre plus de temps, car je souhaite en laisser un maximum à mes collègues. L'objectif est que toutes les demandes trouvent leurs réponses.
Je vous remercie, monsieur Hanouna, de vos propos liminaires. Trois observations toutefois. Vous avez dit que, dans votre public, il y avait des dames qui portent parfois le voile et que vous ne les interdisiez pas. Je me permets respectueusement de faire observer que c'est la loi. Ce serait de la discrimination si vous ne les acceptiez pas. Par ailleurs, dans son audition, Maxime Saada a évoqué le fait que 3,5 millions d'euros de sanction était un prix élevé mais que, somme toute, « on [prenait] le risque ». J'observe que, depuis, il n'y a pas eu d'autre incident. Soit le montant a été proportionné et dissuasif, soit Maxime Saada considère qu'il pouvait prendre ce risque. Quant à l'idée que M. Boyard vous ait trahi, je rappelle à toutes fins utiles que la trahison en question a consisté à évoquer les affaires en Afrique de Vincent Bolloré, ce qui laisse penser que vous avez une conception assez élargie de la notion de trahison.
J'en viens à mes questions. Suite à la décision du CSA, le 7 juin 2017, d'interdire pendant trois semaines la diffusion des séquences publicitaires au sein de TPMP, vous avez affirmé sur votre plateau : « Le CSA veut absolument interdire TPMP, donc il cherche des moyens détournés pour l'arrêter. » Dans un entretien à Paris Match, vous avez également complété : « On s'achemine doucement vers une police du rire, si l'on ne réagit pas. Le public en a marre des donneurs de leçons, ceux qui nous disent quoi dire, quoi penser, quoi faire. » Pouvez-vous donner un exemple d'intervention où vous estimez que le régulateur a excédé le champ de sa mission confiée par le législateur ? Ensuite, par « police du rire », entendez-vous l'application de la loi et de la convention conclue par C8 ?
Pour revenir sur vos observations, ce que je disais, c'est que je suis certainement le seul à avoir autant de femmes voilées dans le public, comme de personnes avec des kippas, d'ailleurs. Si vous avez d'autres exemples d'émissions, n'hésitez pas à me les donner. Merci.
Sur Louis Boyard, je n'ai même pas entendu de quoi il me parlait. J'ai juste vu un garçon, un pote, comme je l'ai dit, qui gesticulait et parlait de quelque chose qui était complètement hors sujet par rapport à ce pour quoi il était venu. Je me suis dit : « Je ne sais pas ce qu'il a aujourd'hui, apparemment, il veut faire un coup d'éclat. »
Vous êtes revenu sur les propos de Maxime Saada et les 3,5 millions d'euros d'amende. C'est énorme, 3,5 millions d'euros d'amende ! C'est très lourd. Il n'y a pas une amende, même aux États-Unis, quand ils doivent payer des cautions, qui soit aussi élevée. Bien sûr que cette amende est dissuasive. La chaîne C8 a été obligée de réduire la voilure sur des programmes. On a dû enlever des émissions de première partie de soirée ou prime times qu'on avait prévus pour nos téléspectateurs. On a dû enlever des émissions ambitieuses sur lesquelles notre production avait travaillé. Forcément, les amendes pénalisent l'antenne et H2O, ma société de production. Quand on a une amende de 3,5 millions d'euros, on se réunit et on se demande ce qu'on peut enlever, où on peut réduire, ce qu'on peut faire en moins, ce qu'on peut proposer de moins à nos téléspectateurs. On coupe dans le budget.
J'en viens à vos questions, et d'abord à celle qui concerne le CSA. Vous avez reçu il y a quelques jours M. Olivier Schrameck, qui était le président du CSA au moment où j'ai fait ces déclarations. Je vous ai dit que nous avions souvent des scoops : nous avons été les premiers à révéler que François Hollande lui avait demandé de ne pas choisir certains candidats pour la présidence de France Télévisions. À l'époque, déjà, le CSA nous a mis des amendes disproportionnées et j'ai senti un acharnement sur C8, parce que, pour des faits similaires, il y avait des gens n'avaient pas d'amendes. Et ça continue aujourd'hui : je vous ai déjà donné l'exemple, monsieur le rapporteur, de l'amende de 300 000 euros que nous avons eue pour publicité clandestine. Dans d'autres émissions concurrentes, je vois beaucoup de marques, je vois même des séquences entières sur des marques. Or je n'ai pas connaissance que d'autres chaînes aient pris des amendes de 300 000 euros. Cette somme, c'est presque une semaine de TPMP : je ne sais pas si vous vous rendez compte.
Pour ce qui est de ma déclaration sur la police du rire, je ne suis pas le seul à le dire. Toutes les personnes qui font des émissions de divertissement, tous les humoristes le pensent aussi. La phrase qui revient tout le temps, c'est qu'on ne peut plus rien dire. Si vous interrogez des humoristes, ils vous diront qu'on ne peut plus rien faire, qu'on ne peut plus rigoler de rien, que c'était mieux avant. Moi, je fais une émission d' infotainment : un mélange d'information et de divertissement. La première partie est très divertissante et, plus on avance dans l'émission, plus on a des témoignages, parfois assez lourds, et des débats. Pour la partie divertissement, je pense effectivement qu'on peut beaucoup moins rire de tout qu'à une certaine époque. Je vous le dis, monsieur Saintoul, il y a des tas d'humoristes qui ne veulent plus venir sur mon plateau, ni sur d'autres, parce qu'ils ont peur de faire la mauvaise blague qui va ruiner leur carrière. J'ai plein d'exemples en tête : Tex a fait une très mauvaise blague dans une émission que je produisais et qui était présentée par Julien Courbet ; dès le lendemain, sa carrière était terminée. De moins en moins d'humoristes sont prêts à venir faire des blagues en plateau : ils préfèrent faire des choses sur YouTube ou sur les réseaux sociaux, bien contrôler ce qu'ils postent sur Instagram ou sur Snapchat.
Je ne parlais pas que de moi quand je parlais de police du rire. Aujourd'hui, il est très compliqué de rire à la télévision, surtout quand on est en direct. On fait attention à tout. Quand j'entre sur le plateau, je ne sais pas ce que vont dire mes chroniqueurs et il m'arrive de les arrêter au milieu d'une phrase, parce que j'ai peur qu'ils fassent la blague de trop ou qu'ils disent quelque chose qui ne va pas passer. C'est une vigilance de tous les instants, mais c'est aussi ce qui fait la force de mon émission, et des autres talk-shows comme celui de Léa Salamé. Si on parle beaucoup de son émission, c'est parce qu'il peut aussi s'y passer des choses. La semaine dernière, j'ai vu que beaucoup de gens lui sont tombés dessus parce qu'elle a reçu la sœur de Xavier Dupont de Ligonnès et qu'il n'y avait pas de contradicteur. Ce n'est pas à moi de prendre sa défense, mais ce n'est pas évident d'avoir un contradicteur à chaque fois, surtout sur un témoignage. Il est de plus en plus difficile de faire des talk-shows ; il y a plusieurs écoles de talk-shows, il y a « C à vous », « Quotidien », « Touche pas à mon poste ! » et nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne.
Je vous remercie pour ces exemples intéressants, mais je vous invite à faire les réponses les plus courtes et les plus directes possible, afin que le plus grand nombre de députés puissent vous interroger.
Je vais répéter mes questions, pour que vous mesuriez à quel point vous n'y avez pas répondu. Je vous ai demandé si vous pouviez donner un exemple d'intervention où vous estimez que le régulateur a excédé le champ de sa mission, confiée par le législateur. Je vous ai également demandé si, par police du rire, vous entendiez l'application de la loi et de la convention conclue par C8. Vous avez répondu en évoquant plutôt la susceptibilité ou les usages, mais pas vraiment le rôle du CSA et de l'Arcom. Si d'autres chaînes enfreignent les règles, comme vous le dites, je ne peux que vous inciter à saisir l'Arcom, qui ne peut pas se saisir elle-même ; vous pourriez nuire à la concurrence sans difficulté.
S'agissant du montant des amendes, je suggère aussi, respectueusement, que vous envisagiez de réduire le montant de votre salaire, car je pense qu'il y a un peu de marge. De cette manière, vous ne priveriez pas le public de programmes de qualité.
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas certain que cette attaque personnelle sur le salaire soit vraiment utile. Vous savez par expérience que cela ne met ni les auditionnés, ni les autres membres de la commission d'enquête dans de bonnes dispositions.
Quoi qu'il en soit, vous avez mené contre l'ex-président du CSA, M. Olivier Schrameck, une campagne de dénigrement, allant jusqu'à vous faire offrir dans l'émission TPMP du 20 juin 2017 des claquettes, sur la semelle desquelles était inscrit son nom. Et le rappeur Alrima précisait : « Comme ça, tu marcheras dessus. » Quelle est votre conception du respect dû au président d'une autorité indépendante chargée de faire appliquer la loi ? Qui, au sein de TPMP, a le pouvoir de faire un sujet entièrement dédié au dénigrement de votre autorité de tutelle ?
Je suis heureux de savoir, monsieur le rapporteur, que vous connaissez mon salaire, parce que même moi, je ne le connais pas. Vous avez dû regarder « Complément d'enquête », mais il ne faut pas croire tout ce qui se dit dans cette émission. Si ce qu'ils disent est vrai, je suis très riche ! Vous aussi, vous devriez vérifier vos sources.
J'en viens à Olivier Schrameck. Je vous ai dit que je faisais une émission d' infotainment mais, à l'époque, on était à 95 % dans le divertissement. Ce que vous avez décrit était un happening, comme ont pu en faire autrefois Stéphane Collaro, les Nuls ou les Inconnus, qui faisaient des parodies et des vannes, ou, aujourd'hui, l'équipe de « La revue de presse » sur Paris Première. Ce n'est pas méchant. Je respecte beaucoup Olivier Schrameck mais on fait tous des erreurs. Je pense que vous, Aurélien Saintoul, vous regrettez ce que vous avez fait à Olivier Dussopt, le ministre du travail, quand vous l'avez traité d'imposteur et d'assassin. Peut-être que moi aussi je regrette aujourd'hui cette blague. Nous avons fait des chansons sur Olivier Schrameck, c'était bon enfant. Apparemment, il y a vu de l'intimidation, mais c'était juste de l'humour.
Devant notre commission d'enquête, Maxime Saada, président du directoire de Canal+, a affirmé ne pas avoir besoin de donner des directives pour que des faits ayant entraîné une intervention du régulateur ne se reproduisent pas. Confirmez-vous que la direction de Canal+ n'intervient pas auprès de votre émission quand elle est sanctionnée afin de vous rappeler la nécessité de respecter la convention ?
Je pense que ce qu'a voulu dire Maxime Saada, c'est qu'il y a des gens qui sont là pendant et après le direct ou qui nous appellent le matin. Franck Appietto, le président de C8, des conseillers aux programmes et des personnes chargées de la conformité sont avec nous. Quand il y a un problème, Maxime Saada n'est pas obligé d'intervenir parce que d'autres personnes le font. Je vous l'ai dit, monsieur le rapporteur : quand on a une sanction, franchement, c'est un drame pour nous. On n'est pas heureux d'être sanctionnés. On est heureux quand on aide des gens, quand on a changé la vie de quelqu'un dans l'émission. On est heureux quand, tous les vendredis, depuis une dizaine d'années, dans « TPMP ouvert à tous », on met des personnes handicapées autour de la table pour qu'elles donnent leur avis – aucune autre émission du paysage audiovisuel français ne le fait. On est content quand on a pu aider un SDF ou une famille dans le désarroi. On est heureux quand il se passe des choses comme ça, monsieur Saintoul. On n'est pas heureux quand on a des sanctions. Quand on a des sanctions, on est triste : on se réunit et on se demande ce qu'on peut faire pour éviter que ça se reproduise. Nous sommes impactés par les sanctions et le montant des amendes.
Quant à l'exemple que vous m'avez demandé, je vous l'ai donné : nous sommes les seuls à être autant sanctionnés pour de la publicité clandestine.
Puisque vous avez indiqué que vous faites une émission d' infotainment, j'aimerais aborder la question de l'information. Dans l'émission « PAF avec Baba » du 12 septembre 2023, vous avez diffusé des vidéos issues d'un compte Twitter où, selon vos propres mots, « on voit plusieurs personnes dans les rues de Rouen, en pleine France, se comporter comme des zombies. Ils auraient, selon les auteurs de la vidéo, consommé du xylazine, une drogue qui donne des allures de zombie. » Or différents médias avaient déjà démenti cette fausse information ou fake news plusieurs heures avant la diffusion de l'émission : les personnes filmées étaient soit des personnes souffrant d'un handicap, soit des personnes alcoolisées. Quel est votre processus d'authentification des vidéos ? Malgré les informations démentant cette fake news, avez-vous procédé à sa diffusion en toute connaissance de cause ?
Le lendemain, dans cette même émission « PAF avec Baba », vous aviez reconnu votre erreur, affirmant que l'information était la bonne, mais pas l'illustration. Or la préfecture de Seine-Maritime a affirmé qu'à cette date « aucune saisie de xylazine ou de fentanyl n'a été enregistrée par les services de police, ni aucun signalement n'a été identifié par le réseau régional de pharmacovigilance ». À l'exception de ces deux vidéos erronées, sur la base de quels éléments pouviez-vous affirmer à cette date que le xylazine ou le fentanyl avaient fait leur entrée sur le territoire français ? À la suite de cette émission, l'Arcom a été saisie par de nombreux téléspectateurs. Le régulateur vous a-t-il contacté à ce propos ?
Sachez que cette information a énormément tourné. Nous ne sommes pas les seuls à nous être fait prendre et on s'en est excusés le lendemain. Vous savez, je préfère toujours mettre en garde les gens contre les drogues que ne pas le faire, donc cette petite erreur, à la limite… Je me suis excusé auprès des personnes dont on a diffusé l'image pour illustrer le sujet mais, encore une fois, je préfère alerter que ne pas alerter. Il me paraît plus grave de mettre en une d'un journal qu'on a retrouvé Xavier Dupont de Ligonnès.
Le lendemain, j'ai dit qu'on s'était trompé. Parfois, des gens nous donnent des informations et on peut les vérifier, mais là, on était en direct. Et habituellement, il y a un contradicteur. Je reconnais que c'était une petite erreur de notre part. M. Lionel Stan me dit que nous attendons toujours la sanction.
Pour moi, ce n'est pas dramatique et nous ne sommes pas les seuls à nous être fait prendre par cette fausse information. J'espère que cette drogue n'arrivera jamais en France ; qu'elle n'y soit pas présente est plutôt une bonne nouvelle.
Vous ne nous avez pas parlé du processus d'authentification. Vous avez dit que vous étiez en direct : il n'y a donc pas de processus d'authentification ?
Il y a un énorme processus d'authentification. De nombreux journalistes travaillent chez nous et ce sont des journalistes chevronnés. Je vous l'ai dit, nous avons souvent des scoops. Sur le million d'informations qu'on a pu donner depuis douze ans, il y a eu cette fausse information – et beaucoup de médias s'y sont fait prendre. Elle n'a pas fait l'objet de beaucoup de temps d'antenne. On a fait une erreur, mais je vous répète que beaucoup de journalistes travaillent pour nous et vérifient les informations. Ils les recoupent, ils ne croient pas tout ce qui circule sur les réseaux. Nous essayons de faire un travail de journalisme le plus complet possible et très peu de fake news sortent de notre émission.
Vous dites que beaucoup de journalistes travaillent pour vous mais le fait est que différents médias avaient déjà démenti cette fake news. Combien avez-vous de journalistes dans votre processus ? Pouvez-vous le décrire ?
Nous avons quatre visionneurs ou screeneurs qui sélectionnent et préparent (dérushent) les images, qui en vérifient la provenance, cinq journalistes et deux rédacteurs en chef, ce qui fait beaucoup de monde pour recouper les informations avant qu'elles arrivent jusqu'au directeur artistique. C'est lui qui tranche et on décide ensemble de ce qu'on va faire ou pas dans l'émission. Notre processus est très bien rodé. Nos journalistes travaillent énormément pour sortir une quotidienne de trois heures tous les jours et je ne peux pas leur en vouloir d'avoir fait cette petite erreur. Ils font un travail exceptionnel au quotidien ; ils peuvent faire une petite erreur tous les dix ans.
Il se trouve que de petite erreur en petite erreur, il n'y a pas dix ans. Cette affaire date du 12 septembre 2023 ; or, quelques mois auparavant, le 26 juillet 2023, l'Arcom vous a infligé une sanction de 500 000 euros à la suite de la diffusion dans l'émission TPMP du 9 mars 2023 d'une séquence où un invité, Gérard Fauré, a accusé des individus de « faits particulièrement graves et infamants, dont certains issus d'une théorie complotiste et évoquant la consommation “d'adrénochrome” ». La chroniqueuse Myriam Palomba a abondé en ce sens, expliquant que « plein de stars utiliseraient les sacrifices d'enfants pour boire leur sang afin d'avoir la jeunesse éternelle ». En déclarant sur le plateau qu' « il y a énormément de gens sur les réseaux sociaux qui disent que Gérard soulève un truc qui est réel », aviez-vous conscience de faire la promotion d'une théorie complotiste et aux racines antisémites ?
À la suite de cette émission, vous avez publié un message sur Twitter assurant que les déclarations de M. Fauré n'engageaient que lui et vous avez ajouté : « Nous condamnons les propos tenus par notre invité à l'antenne ». Les propos tenus par votre invité n'étaient-ils pas suffisamment choquants pour être condamnés en direct ? Comment concevez-vous, dans ces conditions, votre obligation de maîtrise de l'antenne ? Savez-vous qu'un éditeur est juridiquement responsable des propos qu'il diffuse, y compris lorsqu'ils sont prononcés par un invité ou une personne interviewée ?
Il faut savoir que Gérard Fauré est invité dans de nombreuses émissions. Il était régulièrement invité chez Thierry Ardisson à l'époque. C'est quelqu'un qui dit des bêtises ; je l'ai fait savoir dans l'émission dès le lendemain et sur les réseaux le soir même. Nous avons payé 500 000 euros d'amende pour l'affaire Gérard Fauré : c'est énorme. Je crois que vous ne vous rendez pas compte des montants qui nous ont été demandés. Pour nous, ça a été une catastrophe. Le lendemain, nous avons fait venir un médecin pour qu'il donne des explications. Le problème, c'est que Gérard Fauré est intervenu en direct, mais une chroniqueuse était là pour porter la contradiction. Nous avons eu 500 000 euros d'amende et nous n'avons plus réinvité Gérard Fauré. Il ne sera plus jamais invité dans TPMP : nous avons appris de nos erreurs et nous savons que l'inviter, c'est un risque.
J'aimerais aussi que l'on parle de Loana, car j'ai entendu beaucoup de choses à son propos.
Nous verrons si nous avons le temps ou si un député souhaite vous interroger à ce sujet mais j'aimerais que M. le rapporteur ait le temps de vous poser ses questions.
Puisqu'on parle d'argent, pourriez-vous nous dire quel est le montant du contrat entre H2O et C8 ?
Je ne communique aucun chiffre en public, mais mon directeur général, ici présent, pourra vous communiquer tous les chiffres que vous voulez, et même mon salaire, puisque je crois que cela vous intéresse.
Il est d'usage que la commission vous demande ces précisions par écrit. Je vous invite effectivement à nous remettre ces informations, que nous transmettrons au rapporteur et aux députés membres de la commission qui le souhaitent.
Sans entrer dans le détail des sommes, est-il vrai qu'avant son départ du groupe, Ara Aprikian avait négocié un contrat avec vous, qui n'a pas abouti, et que c'est Vincent Bolloré en personne qui a repris la négociation de ce contrat ?
Pas du tout. C'était une époque où il y avait un vrai marché des transferts ou mercato à la télévision ; je ne devais pas rester sur C8 mais aller sur M6. J'avais eu des propositions de TF1 et de M6, une proposition pour revenir à France Télévisions ; j'ai finalement choisi de rester sur C8. C'est vrai que c'est Ara Aprikian – avec Rodolphe Belmer – qui m'avait fait venir sur C8, mais je ne me souviens pas que nous nous étions mis d'accord avec lui sur un contrat. Ce n'est pas Vincent Bolloré qui a géré mon contrat, mais Dominique Delport. C'est avec lui que j'ai défini les contours de mon nouveau contrat, qui m'a permis de repartir pour cinq ans dans cette aventure. Je suis resté parce qu'on a une liberté de ton incroyable sur cette chaîne. Il est vrai que j'étais à deux doigts de partir sur M6 mais c'est Dominique Delport qui m'a retenu.
Franchement, il est possible que nous en ayons discuté mais je ne m'en souviens plus du tout. Dans ma tête, j'étais déjà parti pour M6 : je m'étais mis d'accord avec Nicolas de Tavernost. J'écoutais les propositions d'Ara Aprikian mais je ne comptais pas rester.
Vous avez dit à quel point les sanctions de l'Arcom vous semblaient disproportionnées. Je précise tout de même qu'elles sont imputées à la chaîne. Celle-ci répercute-t-elle les sanctions sur la société de production et sur vous ?
Bien sûr. C'est ce que je vous ai expliqué tout à l'heure : la chaîne a un budget pour l'année et quand elle a d'aussi grosses amendes, on est obligé de faire des prime times en moins. La chaîne dit à H2O qu'on ne pourra pas faire certains programmes. Notre société est toujours impactée par les sanctions, c'est très pénalisant pour nous.
Je vais reformuler ma question. Vous dites que cela impacte des projets à venir, mais la chaîne ne vous a jamais fait signer un contrat qui vous demanderait par exemple de verser vous-même une part de la sanction ? Vous n'êtes pas obligé de payer pour les conséquences de vos actes ?
Avec Franck Appietto, Gérald-Brice Viret et Maxime Saada, nous avons une relation qui fait que je m'en veux quand il y a une sanction. Dans ces moments-là, je me dis que je leur coûte énormément d'argent et je vais vers eux pour leur demander ce que je peux faire pour les aider. Ce n'est pas écrit dans un contrat ; je crois plus à ce qui se dit d'homme à homme qu'à ce qui est écrit sur un contrat. Moi, je ne laisserai jamais ma chaîne, mes amis, ma famille télévisuelle, C8, assumer entièrement les sanctions. Je vous ai dit ce que Gérard Fauré nous a coûté : je ne pouvais pas dire aux dirigeants de C8 de se débrouiller. Je me suis dit qu'il fallait que je les aide, d'une manière ou d'une autre.
Il m'est arrivé de faire un effort sur mon salaire quand nous avons eu des sanctions financières : cela me semblait totalement normal. Ce n'est pas écrit dans un contrat mais il serait fou que je dise à C8 de se débrouiller et de continuer à me payer normalement, alors que nous avons eu de telles sanctions. Nous partageons les bons et les mauvais moments et lorsqu'il y a une sanction, ce qui est un très mauvais moment, je leur propose qu'on se réunisse autour d'une table et qu'on trouve une solution pour que j'en paie une partie.
Je vous remercie. Nous en venons aux questions : dans un premier temps, nous entendrons les députés membres de la commission d'enquête. Si nous avons le temps, je donnerai ensuite la parole aux députés qui n'en sont pas membres.
Pour rappel, les règles suivantes ont été adoptées à l'unanimité des groupes politiques en réunion de bureau : le temps de parole sera de trois minutes pour les députés membres de la commission d'enquête et de deux minutes pour les autres. Ces trois minutes peuvent être fractionnées en deux temps, afin que vous puissiez avoir, au milieu, une première réponse de l'auditionné ou des auditionnés. Je vous invite à bien préciser à qui vous adressez la question s'il y a un doute et je rappelle que les questions doivent strictement répondre à l'objet de notre commission d'enquête. J'invite les auditionnés à faire les réponses les plus courtes et les plus claires possible, afin que nous ayons des débats constructifs et que l'on puisse donner la parole à un maximum de députés.
Je rappelle qu'il avait été demandé à l'ensemble des groupes politiques de nous faire part d'une liste de demandes de prise de parole avant aujourd'hui à douze heures. Je m'en tiendrai strictement à cette liste et j'alternerai entre opposition et majorité.
J'ai dix-sept demandes de prise de parole, dont seize émanent de membres de la commission d'enquête.
Notre commission d'enquête ayant déjà longuement évoqué le pluralisme politique et les séquences considérées par certains comme polémiques, je voudrais que nous abordions les sanctions infligées par l'autorité de régulation. Au total, le CSA puis l'Arcom ont émis depuis 2012, à l'encontre de la chaîne D8 devenue C8, trente sanctions – mises en garde, mises en demeure ou amendes. Vingt-trois d'entre elles, soit plus des trois quarts, ont concerné des émissions que vous avez animées : TPMP, « La grande Darka », « Le six à sept ». Alors que C8 propose une large diversité de programmes que l'on peut considérer comme étant de divertissement, comme TPMP, pourriez-vous expliquer ce qui peut selon vous justifier que la part des émissions que vous animez soit si importante parmi celles qui ont été sanctionnées ?
C'est moi qui anime un grand nombre des émissions diffusées sur C8. Chaque chaîne a son animateur phare : TMC a Yann Barthès, par exemple. Je suis forcément plus exposé que les autres, étant l'animateur le plus présent à l'antenne : il est arrivé certains jeudis que j'anime un jeu à dix-sept heures, TPMP à dix-huit heures et « Balance ton poste ! » le soir – avec des amis députés, d'ailleurs, qui participaient à l'émission.
Ma singularité et mon succès sont aussi liés à mon naturel. C'est ce qu'attendent les téléspectateurs de ma part. Je me réveille tous les matins en me demandant ce que je peux faire pour aider les Français – ce qui me fait, je pense, un point commun avec les députés ici présents. Chaque jour, je me demande comment leur faire passer une bonne soirée et comment les divertir. Les gens que je rencontre dans la rue disent souvent m'attendre toute la journée et être heureux de me retrouver le soir car mon émission leur change les idées, leur permet d'apprendre en rigolant et leur fait du bien.
Il y a certes des Français qui ne nous regardent pas – au moins 63 millions, puisque nous réunissons 2 millions de téléspectateurs – mais il y en a qui adhèrent à ma personnalité. Je pense que s'ils regardent mon émission, ce n'est pas pour les sujets : on voit les mêmes sur BFM, LCI, France 5 ou LCP (La Chaîne parlementaire). Si les gens regardent Pascal Praud, c'est parce que c'est une personnalité. Même quand il organise le même débat que les autres, il est davantage regardé. Je le dis sans fausse modestie : quand BFM, CNews ou LCI réalisent de très gros scores avec le même débat, nous faisons cinq fois plus d'audience qu'eux ! Je peux me tromper, mais je pense que cela tient à ma personnalité : les gens me disent souvent qu'ils entendent dans mon émission des choses vraies qu'ils n'entendent pas ailleurs, que j'y invite des intervenants que l'on ne voit pas sur les autres chaînes, et qu'il n'y a que moi pour proposer des débats entre des personnes aux avis très opposés.
J'ai déclaré dans une interview récente que nous étions deux à prendre des risques en télévision : Pascal Praud et moi. On le voit aujourd'hui, nous sommes de ce fait davantage exposés. J'aurais préféré, vous savez, animer une émission avec un prompteur et dire « Allez, on va regarder danser Patrick et Jeanine » ! Mais j'ai décidé de faire une émission d'actualité dans laquelle je mouille la chemise tous les soirs, en pensant aux Français qui me regardent. Mes parents aiment profondément la France et les Français, qui leur ont donné une chance incroyable. En arrivant de Tunisie, mon père n'avait rien. Il est arrivé à mes parents de dormir sur un banc. Aujourd'hui, ils sont reconnaissants. Et c'est grâce à mon père, et donc grâce aux Français, que je suis devenu l'homme que je suis.
Il est vrai aussi qu'en tant que père de famille, et parce que j'aime la France, certains sujets dans l'émission me rendent fou ou me font de la peine.
Je ne vous ai pas coupé jusqu'ici, car vous racontiez une histoire intéressante d'ascension sociale, mais je vais devoir vous demander de revenir au sujet de notre audition.
Si j'ai bien compris vos propos, monsieur Hanouna, le fait que vous ayez reçu de nombreuses sanctions de l'Arcom serait lié au fait que vous animez de nombreuses émissions. Ne pensez-vous pas plutôt que cela s'explique par un manque de contrôle de la ligne éditoriale de vos émissions ? N'est-ce pas le manque de préparation de certaines interventions qui conduit à prendre des risques ? Certains intervenants ne se sentent-ils pas libres, sachant que l'antenne n'est pas maîtrisée comme elle devrait l'être, d'aborder des sujets polémiques ?
Je le redis : mes émissions font l'objet d'un véritable acharnement. Nous le savons, nous ne sommes pas dupes. Nous devons faire trois plus attention que les autres. Je suis sanctionné pour des faits pour lesquels un autre animateur ou une autre chaîne ne le sont pas. Je dérange, je le sais. Croyez-vous qu'avec 2 millions de téléspectateurs tous les soirs, nous ne dérangeons pas les autres chaînes ? Le gâteau n'est pas extensible ! Les téléspectateurs que nous attirons sont des téléspectateurs que les autres n'ont pas. Je pense qu'il y a vraiment une forme de lobby, des gens qui veulent me faire sortir du paysage audiovisuel parce que je dis des choses que personne ne dit à l'antenne. Forcément, mon franc-parler et ma liberté dérangent.
Je précise, dans un souci de transparence, que j'ai été journaliste pendant près de quarante ans au sein de Radio France et des groupes Bertelsmann et TF1.
Vous animez, monsieur Hanouna, une émission d' infotainment comme il en existe d'autres en France et à l'étranger. On peut reprocher à ce type d'émissions – qui rencontrent leur public – une distinction parfois trop floue, une porosité entre l'information et le divertissement. Faudrait-il, selon vous, que le régulateur impose à l'avenir une séparation plus nette ? Ou bien considérez-vous que c'est la liberté de ton – qui peut entraîner quelques dérapages – qui fait le succès de ces émissions ?
Merci de votre question. Je vous ai souvent regardé à la télévision !
Si nous faisons des émissions, c'est pour qu'elles soient regardées, surtout lorsqu'elles sont politiques comme « Face à Baba ». Quel titre incroyable, d'ailleurs ! Baba, c'est le surnom que me donne ma mère. J'ai reçu des candidats à l'élection présidentielle, et j'imaginais leurs conseillers leur demander s'ils faisaient « Face à Baba » le soir… Pourquoi faut-il conserver ce ton et ce format hybride ? Par rapport aux mêmes émissions sur France 2, les émissions politiques que j'ai organisées sur C8 ont réalisé des audiences trois plus importantes chez les jeunes. Alors que 2027 approche à grands pas, il me semble que pour les intéresser à la politique, il faut proposer du divertissement : ils veulent que l'animateur détende l'atmosphère et pose des questions que l'on ne pose pas ailleurs.
Vous en conviendrez : l'émission « Face à Baba », qui contenait une grande part de divertissement, a été saluée par tous. Elle a fait l'événement lors de la dernière présidentielle. Aujourd'hui, je suis obligé de garder ce format. Je déteste me lancer des fleurs, mais je pense que les gens regardent mes émissions parce qu'ils savent que c'est Cyril Hanouna qui les anime. Vous connaissez bien la télévision : les carrières sont courtes, et je ne sais pas combien de temps cela durera. Mais aujourd'hui, j'essaye d'apporter un ton particulier, et c'est pour cela que les téléspectateurs me regardent. Je ne dis pas que je suis le meilleur, ni que je sais tout faire à la télévision, mais je constate que je fais de meilleures audiences avec les mêmes sujets que les autres. Il faut donc conserver cette forme hybride d' infotainment.
Cela dit, après la télévision, on peut se reconvertir ! (Sourires.) Comment faites-vous pour équilibrer vos plateaux et respecter les obligations de pluralisme, lorsque certains partis politiques refusent de se rendre dans vos émissions ?
Effectivement, on peut se reconvertir : je serai peut-être à votre place dans deux ans, en train d'auditionner un animateur !
Il est très compliqué aujourd'hui d'équilibrer les plateaux. Le fait que beaucoup de gens refusent de venir nous contraint à en annuler certains, faute de contradicteurs. Depuis l'affaire Louis Boyard, Jean-Luc Mélenchon a décidé que les représentants de La France insoumise ne viendraient plus sur mes plateaux – ce à quoi j'ai répondu que je ne les inviterais plus. Vous savez, Jean-Luc Mélenchon a été mon premier invité politique. Si nous en avons le temps, monsieur le président, je peux vous raconter la façon dont cela s'est passé.
Si vous pouvez le faire très rapidement et que cela apporte des informations utiles à la discussion, allez-y.
Bon. Jean-Luc Mélenchon a été mon premier invité politique ; à un moment, on me disait même que je n'invitais que La France insoumise dans mes émissions. Mais pourquoi ? Parce que ce parti créait l'événement. Mon émission est une émission d'actualité : quand Jean-Luc Mélenchon faisait des déclarations tous les jours et qu'elles étaient reprises partout, je voulais forcément l'inviter ! J'avais Jean-Luc Mélenchon, j'ai reçu souvent David Guiraud, Raquel Garrido, Alexis Corbière. Je n'ai jamais reçu M. Saintoul, mais je ne désespère pas qu'il vienne un jour !
On m'a souvent dit que je roulais pour La France insoumise, mais on m'a dit aussi que je roulais pour Macron, pour Marine Le Pen, pour Zemmour… Il est vrai qu'à un moment, j'ai très souvent invité Éric Zemmour – même s'il n'est venu que deux fois. Si je l'ai fait, c'est parce qu'il faisait l'événement tous les jours ! J'invitais celui qui faisait l'actualité.
Pour en revenir au pluralisme, la situation est très compliquée pour moi. J'espère qu'elle le sera moins à mesure qu'approchera la présidentielle, sans quoi j'aurai du mal à organiser des débats et à présenter à mes téléspectateurs les forces en présence.
Merci en tout cas de vos questions.
Merci, monsieur Hanouna. Pour la bonne information de tous, je précise que l'Arcom a fixé au 15 avril la date à partir de laquelle seront décomptés les temps de parole des candidats et de leurs soutiens dans le cadre des élections européennes.
Je tiens d'abord à vous remercier de vous être déplacé pour cette audition de notre commission d'enquête, monsieur Hanouna, ayant compris qu'à l'origine, vous ne souhaitiez pas venir.
Vous préparez pour ce soir une émission consacrée à cette audition. Je vous remercie de mettre ainsi en valeur le travail parlementaire que nous menons depuis trois mois, de même que vous l'avez fait au moment de l'audition d'Olivier Schrameck, que je présidais. J'espère sincèrement que la fiabilité de vos informations sera au rendez-vous et que vous ne nous traiterez pas comme vous avez traité notre collègue Louis Boyard – ce qui vous a valu, vous l'avez rappelé, une amende record de 3,5 millions d'euros.
Depuis 2012, la chaîne D8 devenue C8 a été sanctionnée à trente et une reprises, dont six fois pour non-respect de l'obligation de maîtrise de l'antenne. Les trois sanctions financières à l'encontre de C8 ont visé votre émission, TPMP. Elles ont fait suite à de nombreuses mises en garde pour manquement à l'exigence d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information, pour non-respect des règles relatives aux modalités d'apposition de la signalétique jeunesse et pour défaut de maîtrise de l'antenne. Ces sanctions ont des conséquences financières sur la chaîne, donc potentiellement des conséquences sociales sur les salariés et sur la production des programmes. Comment les percevez-vous ? Leur répétition ne semble pas avoir calmé le rythme des dérapages homophobes, grossiers et violents dans votre émission ; pourquoi ?
Vous savez sans doute que la convention entre l'Arcom et la chaîne qui vous emploie sera bientôt renouvelée – ou pas. Cela dépendra notamment de l'avis indépendant de l'Autorité sur le respect de cette convention. Ne craignez-vous pas que le grand nombre de condamnations et de mises en garde reçues puisse menacer ce renouvellement ? Pouvez-vous me rappeler les obligations de votre chaîne et de votre émission en matière de pluralisme notamment, mais aussi de respect des droits de la personne humaine ou d'honnêteté de l'information ? Dans quelle mesure pensez-vous contribuer à satisfaire à ces obligations ?
Cela fait plus que deux questions ! S'agissant de l'émission de ce soir, d'abord, nous n'inventerons rien : nous raconterons simplement à nos téléspectateurs cette formidable aventure, ce bon moment que je passe à vos côtés. J'espère que ça leur plaira. Pour ma part en tout cas, je suis très heureux d'être là.
La question des sanctions revient souvent. Pouvez-vous rappeler, monsieur Stan, le nombre d'émissions que j'ai animées ?
Cyril Hanouna a réalisé plus de 5 000 heures de direct. Les sanctions portent sur 0,1 % du temps d'antenne. Imaginez-vous ce que représentent 5 000 heures de direct, soit quasiment trois heures tous les soirs ?
Il faut que vous sachiez que nos équipes font un travail incroyable, avec de petits moyens : nous n'avons ni les moyens de France Télévisions ni ceux de TF1 pour promouvoir notre émission. C8 est la chaîne premium du groupe, Canal+ étant à part parce qu'elle est payante, mais elle doit se débrouiller seule pour sa promotion. Ce que nous faisons avec nos petits moyens, et les audiences que nous réalisons, c'est absolument exceptionnel. Nous sommes en concurrence avec TMC, dont le budget est bien plus élevé que le nôtre et qui bénéficie de très nombreuses bandes-annonces sur TF1. Nous battons tous les soirs le talk-show de France 5, alors qu'il a derrière lui tout le groupe France Télévision – notamment des chaînes comme France 2 et France 3, bien plus puissantes que la nôtre. Nous essayons de faire la meilleure émission possible. Vous évoquiez les sanctions…
Pourriez-vous, monsieur Esquenet-Goxes, rappeler la question que vous avez posée à ce sujet ?
Ma question ne portait pas tant sur la qualité des émissions que sur les conséquences des sanctions. Vous dites, monsieur Hanouna, que ces sanctions sont peu nombreuses par rapport au nombre d'heures d'antenne que vous assurez, mais la question n'est pas là. Ont-elles des conséquences sociales ? Les faites-vous peser sur les salariés ?
Il n'y a aucune conséquence sur les salariés, puisque c'est moi qui suis chargé de me débrouiller avec C8 pour trouver le meilleur moyen de payer les sanctions. Sachez-le, quand j'aide la chaîne, c'est d'abord sur mes deniers personnels, ou avec ma société. J'ai souvent demandé personnellement à C8 de réduire mon salaire, comme l'a suggéré M. Saintoul tout à l'heure. Sachez que les sanctions n'impactent en rien les salariés – ni ceux de Canal+, ni ceux de C8, ni ceux de H2O.
Sans doute n'avez-vous pas compris le sous-entendu derrière ma question : le non-renouvellement de la fréquence TNT de votre chaîne aurait sans aucun doute un impact sur votre carrière mais aussi sur les salariés.
Vous avez bien raison de le dire. Nous avons énormément de salariés et nous faisons travailler énormément de personnes : mon succès, je le partage avec mes équipes, avec les équipes de C8. Tous ces gens sont derrière nous, nous soutiennent, sont heureux de travailler avec nous et comptent sur nous. Comme je vous l'ai dit, le succès de l'émission repose en grande partie sur ma personnalité. Les personnes qui travaillent avec moi croient au projet, aiment l'émission et, bien sûr, sont associées à mon succès. Sans succès, il n'y aurait pas eu H2O, ni tous ces emplois, ni une chaîne aussi forte. Nous pensons forcément à tous ces gens.
J'aimerais revenir, monsieur Hanouna, sur l'altercation avec Louis Boyard, qui vous a valu une amende de 3,5 millions d'euros pour non-respect des droits de la personne. Vous avez souhaité en parler ici et en faire un drame singulier mais, pour ma part, je ne crois pas à cette version. J'aimerais vous entendre clarifier quelques contradictions qui me semblent exister dans votre discours. Les insultes à l'encontre de Louis Boyard se sont poursuivies pendant des mois après l'émission, jusqu'au récent Salon de l'agriculture qui fut l'occasion pour vous de l'appeler « Louis Boyau », de le traiter de bovin et de bestiole. Le 4 mars dernier, vous avez récidivé alors que vous évoquiez notre commission d'enquête – un moyen de créer une bonne petite ambiance avant l'audition… J'espère que je ne serai pas traitée de vache à mon tour ! Comment expliquez-vous que ce drame que vous qualifiez de singulier se répète sans cesse depuis l'émission, au risque de nouvelles sanctions et au détriment des droits de la personne ?
Vous nous expliquez que c'est une histoire d'amitié déçue, de trahison d'un pote. Je n'y reviendrai pas, c'est touchant. On sait que l'amitié est une notion subjective et qu'elle est parfois à sens unique. Les coups de fil et les SMS, en revanche, sont objectifs, et il faudra peut-être pouvoir les prouver si Louis Boyard n'a pas la même version.
Je pense quant à moi que cette histoire d'amitié est faite pour masquer quelque chose. Vous affirmez que vous n'avez pas entendu ce que vous disait Louis Boyard. Le jour même, vous lui avez pourtant dit à l'antenne : « Tu sais que tu es dans le groupe Bolloré ici. […] Qu'est-ce que tu viens foutre ici alors ? Bolloré t'a donné de l'argent puisque tu étais chroniqueur ici. […] Moi je ne crache pas dans la main qui me nourrit et toi tu ne devrais pas cracher dans la main qui t'a nourri. […] Tu me dois tout. Si t'es député c'est grâce à nous. » Vous l'avez d'ailleurs répété ici.
Il me semble que vos propos sont très clairs : vous expliquez que vos chroniqueurs et vos invités vous sont redevables et qu'ils le sont aussi à Vincent Bolloré. Vous nous avez dit que vous n'étiez à la botte de personne. Les gens que vous invitez, eux, doivent-ils être à votre botte, ou à celle de Bolloré ? Ma question peut sembler une boutade, mais la convention qui lie C8 à l'Arcom oblige la chaîne à respecter la délibération relative à l'honnêteté et à l'indépendance de l'information, laquelle impose qu'une émission soit réalisée dans des conditions qui garantissent l'indépendance de l'information à l'égard des intérêts économiques de ses actionnaires et de ses annonceurs.
Suivez-vous Louis Boyard sur les réseaux sociaux, madame Legrain ?
Je suis désolé, monsieur Hanouna, mais ce sont les députés qui posent les questions. Je vous invite à répondre précisément à celle de Mme Legrain, sans redire ce que vous avez déjà expliqué.
Si Mme Legrain suit Louis Boyard sur les réseaux sociaux, elle peut constater que depuis l'altercation, il ne cesse de m'invectiver et de publier des posts nous concernant, Vincent Bolloré et moi ; il l'a d'ailleurs encore fait hier. Je réponds au cours de mon émission car je réponds très peu souvent aux invectives sur les réseaux sociaux. Quand « Quotidien » blague sur le RN, j'ai le droit de blaguer sur Louis Boyard, même si nous avons eu un jour une altercation. Son image au Salon de l'agriculture était très drôle, elle a fait rire tout le monde : il était attendrissant. Ce n'était pas méchant, et même plutôt sympa.
J'en viens aux SMS. Le 20 juin 2022, à zéro heure et une minute – le soir des élections –, il m'écrit : « Coucou Cyril. Je suis député, et ça c'est darka. À bientôt. On va faire du lourd. » Je lui réponds : « Je sais, je suis trop content pour toi. Tu le mérites. T'es un génie. Je t'aime fort, et tellement fier de toi. » Contrairement à ce que vous venez de dire, notre amitié n'était pas feinte. Je pourrai fournir sans problème les SMS à M. le rapporteur et à M. le président. Ce qui ne m'a pas plu, c'est que Louis Boyard soit venu sur le plateau pour se faire Vincent Bolloré et moi, alors que ce n'était pas le sujet prévu. Lorsque je l'ai vu dériver, j'ai pensé qu'il avait pété un câble, et du coup c'est moi qui ai pété un câble.
Je le redis : je le considérais vraiment comme un pote. Je ne vous ai lu qu'un échange de SMS mais il en existe d'autres qui prouvent notre très bonne entente. Je ne l'avais pas revu depuis qu'il avait été député et lorsqu'il est revenu, il m'a trahi. Il a trahi son pote. Vous ne croyez pas en notre amitié mais sachez que moi j'y crois. Aujourd'hui, je suis presque triste qu'elle se soit terminée ainsi.
Je vous rappelle que Louis Boyard n'a pas signé, lui, de convention lui attribuant une chaîne de TNT et lui imposant des obligations d'indépendance vis-à-vis des actionnaires. Dans le cadre de quelle émission, d'ailleurs, peut-on parler de Bolloré ? Il faut parfois savoir évoquer des sujets qui ne sont pas prévus.
Il semble, monsieur Hanouna, que nombre de vos amitiés ont été déçues. Vous avez dit de Bertrand Chameroy, par exemple, qu'il crachait dans la soupe et que vous n'en parleriez pas, mais que vous pourriez livrer des informations à son sujet – notamment qu'il flippait dans les couloirs avant de venir dans l'émission. Plus récemment, n'appréciant pas qu'Aya Nakamura vous ait critiqué, vous avez publié un tweet truqué à l'antenne en disant que c'était vous qui l'aviez lancée. Vous avez l'air de considérer que les gens qui passent par votre émission vous sont redevables, comme s'ils étaient tenus par une clause de non-dénigrement implicite.
Toute personne passée chez vous qui ne respecterait pas cette clause serait susceptible d'être ensuite lynchée dans une émission qui, à l'origine, était censée donner la parole à tout le monde…
Vous avez dépassé le temps, madame ! Dans « Fort Boyard », vous auriez perdu la clé !
Je le suis le seul à surveiller les temps de parole ici, et c'est moi qui ai laissé Mme Legrain terminer son propos.
C'est une fausse info : le tweet d'Aya Nakamura n'était pas un faux, il y avait seulement une coquille dans la version diffusée à l'antenne : elle avait écrit « un renoi » et on a mis « une renoie ». C'est tout, nous n'avons rien changé dans la fin du tweet, vous pourrez vérifier. Aya Nakamura est une artiste que j'ai toujours défendue et que je défendrai toujours : c'est la plus grande artiste française. Elle et moi, on a eu un petit accrochage sur les réseaux sociaux, je ne vois pas l'intérêt d'en parler ici – excusez-moi de vous dire ça. J'ai seulement rappelé pendant l'émission que je lui avais donné l'occasion de passer pour la première fois à la télé. Ce n'est pas pour ça qu'elle me doit son succès, ni qu'elle me doit allégeance pour toute sa carrière. D'ailleurs je ne pense pas qu'elle me remercie à chaque concert – sinon, je le saurais.
Le cas de Louis Boyard n'a rien à voir. Il était venu dans l'intention de créer un happening. Il n'en fait pas seulement dans TPMP, comme le montre l'échange qu'il a eu avec le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin : moi, je n'aurais jamais parlé comme ça à un ministre ! À l'Assemblée nationale, avec Louis Boyard, il y a des problèmes une fois sur deux.
Nous sortons du sujet de la commission d'enquête ; ce n'est pas M. Boyard qui est auditionné.
Non, mais Louis Boyard crée des problèmes partout !
La commission ne fait ni le procès de la chaîne, ni celui des gens qui y travaillent. Au moment de renouveler les autorisations de diffusion de la TNT, nous voulons réfléchir aux conditions d'attribution. Si nous consacrons autant de temps à auditionner les représentants du groupe Canal+, c'est parce que vous concentrez les interrogations. Il n'y a pas d'acharnement.
Notre rôle consiste aussi à vérifier l'exactitude de vos propos. Hier, Vincent Bolloré a beaucoup répété que le succès vous protège. Vous affirmez que votre émission rassemble 2 millions de téléspectateurs. En réalité, selon les chiffres de ces derniers jours, il s'agit de l'audience du dernier quart d'heure de diffusion. Avant, elle est inférieure, mais je comprends que vous en fassiez un élément de communication.
Ensuite, vous dénoncez les montants scandaleux des sanctions, affirmant que jamais une chaîne de télévision ni aucun autre acteur ne s'est vu infliger une amende de 3,5 millions d'euros. Au début des années 1990, TF1 a reçu une amende de 30 millions de francs, soit 6 millions d'euros, pour non-respect des quotas audiovisuels. La plus forte amende prononcée en France par une autorité indépendante l'a été par l'Autorité des marchés financiers ; elle se montait à 93 millions d'euros et elle sanctionnait, pour violation des règles de protection des investisseurs, un gestionnaire d'actifs appelé H2O – c'est une pure coïncidence, mais je n'ai pas pu résister à vous le citer, pour la boutade.
Nous nous interrogeons sur la répétition des sanctions et votre manière de la gérer. J'ai posé la même question hier à Vincent Bolloré ; sa réponse a été un peu dilatoire. Plus précisément, nous réfléchissons à l'efficacité des sanctions. Vous avez expliqué qu'après une amende, vous faisiez attention à ne pas avoir d'autres problèmes de la même catégorie. Pourtant, certaines sanctions concernaient des faits de même catégorie. Comment organisez-vous l'évitement des sanctions ?
Ma question s'adresse à M. Stan, que nous n'avons pas beaucoup entendu. M. Hanouna a dit que les contrats l'intéressaient peu, qu'il préférait taper dans la main et parler entre hommes, les yeux dans les yeux. Mais les relations commerciales nécessitent un contrat. Celui qui lie H2O Productions et C8 mentionne-t-il les sanctions, la manière de les éviter et les modalités d'un éventuel remboursement ?
Mon rôle n'est pas de taper dans la main, mais de lire les contrats, en effet. Comme tout producteur travaillant pour C8, nous devons respecter les obligations légales du diffuseur. Il n'y a pas de mention relative à un remboursement.
H2O ne reste pas de son côté. Toute la journée, nous travaillons avec l'équipe de la chaîne : nous discutons avec un responsable de la conformité, avec un responsable des programmes et avec le directeur des magazines. Ils nous accompagnent pendant le direct ; après l'émission, nous débriefons le contenu. Pour maîtriser les contenus, la chaîne fait donc son travail en amont de l'émission, pendant, et en aval. Quand nous faisons l'objet d'une sanction, ce qui ne nous fait jamais plaisir, nous nous réunissons avec son équipe pour éviter d'en recevoir une autre du même type.
Chez H2O, nous sommes tous des professionnels, pas des fous. Je ne viens pas à l'antenne, chaque soir, en voulant faire un bouche à oreille négatif ou bad buzz, au contraire : j'essaie de concevoir la meilleure émission, d'inviter les gens les plus intéressants, d'être le plus drôle possible – je n'y arrive pas toujours, mais j'essaie. J'ai fait 5 000 heures d'antenne. Je suis celui qui a le plus longtemps animé une émission aussi longue en direct. Mon prédécesseur était Michel Denisot, sur Canal+, qui avait présenté son émission pendant neuf ans. J'en suis à ma douzième année de quotidienne, alors, forcément… Nous travaillons tous les jours, nous essayons de nous améliorer, mais 0,12 % de je ne sais pas combien d'émissions ont provoqué des litiges.
Vous avez employé le mot « acharnement ». Hier, M. Bolloré a souligné que les chaînes du groupe Canal+ étaient très regardées. Il a utilisé l'expression : « Qui veut noyer son chien prétend qu'il a la rage. » Tout cela est allusif. Pouvez-vous nommer ceux dont vous considérez qu'ils veulent la peau d'Hanouna, de C8, du groupe Canal+, et nous dire pour quelles raisons ? S'agit-il de la puissance publique ou de vos concurrents ?
La question est très intéressante. Je suis sur la même ligne que Vincent Bolloré. Je pense vraiment que C8 fait l'objet d'un acharnement. M. Saintoul disait qu'on peut signaler des faits à l'Arcom. C'est vrai : avant, les gens ne savaient pas comment procéder ; aujourd'hui, dès qu'un petit litige apparaît dans une émission, on peut le signaler. Vous l'avez dit, la fin de l'émission rassemble 2 millions de spectateurs ; c'est 1 million en première partie et 1,3 million en deuxième partie. Nous avons créé ce découpage, TMC a suivi en adoptant le même, et ils communiquent comme nous. Forcément, C8 dérange – moi, Cyril Hanouna, je dérange. Vendre de la publicité, aujourd'hui, c'est très compliqué. Gagner sa vie, pour une chaîne de télévision, c'est très compliqué. Quand nous réunissons plus de 10 % des cibles commerciales, les gens qui sont chez nous ne peuvent pas être ailleurs. Je pense que les autres groupes font preuve d'acharnement, notamment ceux qui se disent que nos téléspectateurs pourraient venir chez eux. Il y a un véritable acharnement, et une petite musique s'est installée, disant que nous sommes les voyous, les loubards de la télévision, alors que je suis comme Vincent Bolloré, que j'ai vu hier : quand les gens prennent le temps de me connaître, qu'ils travaillent avec moi, ils en sont très heureux. Je suis un garçon très ouvert, très sympa, à l'écoute. J'essaie d'être le plus juste possible, dans mes émissions et dans la vie.
Ma question concerne la manière dont « Touche pas à mon poste ! » aborde les affaires judiciaires en cours. Je pense à l'affaire Lola, évoquée dans trois émissions. Avant même la conclusion des enquêtes, des positions fortes ont été exprimées, appelant à des procès rapides et à des peines sévères. D'ailleurs, le 18 novembre 2022, l'Arcom a mis en demeure la chaîne C8 pour manquement à l'obligation de traiter avec mesure une affaire judiciaire en cours.
Je pense également à l'affaire Marco Mouly. Vous l'avez reçu dans l'émission du 1er novembre 2022. Il a affirmé avoir été convoqué par la justice après que le parquet s'était autosaisi d'usage présumé de faux papiers en raison de son passage dans TPMP plusieurs semaines auparavant et de sa proximité avec vous. M. Mouly et vous avez également affirmé que des députés vous auraient expliqué que son passage dans l'émission aurait très probablement des conséquences : des représailles, peut-être des poursuites pénales.
L'émission, avec ses chroniqueurs, offre-t-elle un cadre approprié pour évoquer des affaires judiciaires en cours, notamment lorsqu'elles sont sensibles ? Qui étaient les députés en question ? En effet, ces accusations sont graves et elles mettent en cause l'indépendance de la justice. Comment concevez-vous vos obligations, notamment celle de traiter avec mesure une affaire judiciaire en cours, rappelée par l'Arcom ?
L'affaire Lola a bouleversé tout le plateau, moi le premier. Nous nous sommes tous mis à la place des parents de Lola. J'ai encore souvent des contacts avec sa maman : j'essaie de lui remonter un peu le moral, parce qu'elle a aussi perdu son mari récemment. Je l'avoue, j'ai réagi en père de famille – ce n'était pas bien. Je me suis mis à la place du papa, en imaginant que j'aie eu ce problème avec ma fille, qui a le même âge. Je me suis transposé dans sa situation. Le garde des sceaux, M. Dupond-Moretti, m'en a tenu rigueur : il a fait le lendemain une longue diatribe dans une émission, disant que j'avais outrepassé mes droits. Mais j'ai juste parlé en tant que père de famille. J'ajoute que ce jour-là, les contradictions étaient très nombreuses, c'est pour cela que l'Arcom n'a prononcé qu'une mise en demeure.
Je me souviens peu de l'affaire Marco Mouly, mais je vais quand même essayer de vous répondre. Tout le monde dit qu'il connaît Marco Mouly. J'ai beaucoup entendu parler de lui quand il était question de la magouille de la taxe carbone. Je l'ai reçu sur le plateau ; le documentaire qui lui est consacré sur Netflix avait cartonné. Il venait en faire la promotion. C'est vrai qu'il fait le show. Il a parlé de cette histoire de député : c'était de la vanne. Je lui ai demandé de qui il parlait. J'aimerais vous donner les noms, mais je ne les connais pas. Il faudrait peut-être lui demander qui sont ces députés qui lui ont mis des coups de pression à la suite de sa venue dans mon émission, qui lui ont dit que sa proximité avec moi l'avait mis dans de sales draps.
C'est vrai, nous traitons souvent d'affaires judiciaires, parce qu'elles intéressent beaucoup les Français, on s'en est rendu compte. Pour préparer les émissions, je choisis des sujets qui m'intéressent. Comme je vous l'ai dit, plusieurs choses me passionnent, le sport, la télévision, la politique, mais aussi les affaires criminelles. Et j'ai souvent tendance à me mettre à la place des victimes.
Michel Mary, du Nouveau Détective, est un journaliste reconnu qui intervient sur plusieurs autres chaînes ; il vient souvent nous raconter des histoires. Gilles Verdez, ancien rédacteur en chef du Parisien, est également spécialiste des faits divers. Il a animé une émission sur CNews, qui n'a pas eu le succès escompté, malgré sa qualité. Amaury Bucco vient également chez nous. Beaucoup de journalistes spécialisés dans les faits divers interviennent sur le plateau, ainsi que des avocats. Nous essayons donc de cadrer le plus possible les émissions consacrées à ces sujets. Mais, comme je l'ai dit, sur l'affaire Lola, j'ai peut-être commis l'erreur de parler en père de famille.
M. Mouly sous-entend que le garde des sceaux serait intervenu, donc qu'il aurait violé la Constitution. C'est une accusation très grave et un message dangereux à exprimer devant nos concitoyens. Il affirme qu'un député « de droite » lui aurait confirmé ce fait.
Marco Mouly, c'est Marco Mouly : en plateau, on lui demande souvent où il va chercher toutes ces bêtises. On essaie de le contrecarrer, de l'arrêter tout de suite quand il commence à en dire – c'est bien pire en coulisses. Mais c'est aussi pour ça que les gens l'aiment.
L'affaire Lola est une histoire terrible, qui a ému la France entière, mais ma question est plus générale. Votre émission est très populaire, comme vous, et elle est diffusée sur une chaîne très populaire. Ne pensez-vous pas que déborder en donnant ainsi votre avis risque d'entraîner des gens à se faire justice eux-mêmes ? Ne devriez-vous pas faire preuve de prudence ? Vos interventions ont des répercussions sur les réseaux sociaux, elles peuvent engendrer un tribunal populaire, de la haine et des lynchages en ligne. Or, tous ici, nous aimerions mettre fin à ces phénomènes.
Nous nous battons intensément contre ce problème sur les réseaux sociaux. Je ne sais pas qui ici regarde régulièrement l'émission. Bien sûr, vos questions n'en retiennent que les mauvais éléments. Cela fait bientôt deux heures que je vous réponds, et nous parlons toujours des quatre mêmes sujets.
Tous les jours, nous faisons énormément contre le lynchage et le harcèlement en ligne. J'ai consacré une émission spéciale au harcèlement scolaire – vous pourrez vérifier, j'ai été le premier à le faire. J'ai reçu un nombre incroyable de témoins de harcèlement sur les réseaux sociaux, parce que, vous avez raison, c'est un fléau qu'il faut absolument juguler.
Je dis toujours que la justice est ce qu'elle est, mais qu'on doit s'y raccrocher. J'appelle tous les jours les téléspectateurs à ne pas se faire justice eux-mêmes ; sinon, c'est sur eux que ça retombera. Quand j'en rencontre, la première chose qu'ils me disent, c'est qu'on marche sur la tête. C'est vrai pour certaines décisions, parfois parce qu'elles mettent très longtemps avant d'être prononcées. Mais on ne peut pas en vouloir aux juges, qui font leur travail.
Les revenus de C8 reposent sur les recettes publicitaires, qui reposent sur l'audience, qui repose souvent sur l'événement – le buzz. Peut-on pour autant tout dire, tout faire ? On a entendu des propos insultants, vu des gestes déplacés. On dit souvent que quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites : quelles limites vous fixez-vous ?
L'Arcom a sanctionné C8. Elle sanctionne les éditeurs – pas l'animateur, ni le producteur. Je voudrais connaître les réactions des hommes et des femmes, lorsqu'arrive la sanction, et mesurer la vertu pédagogique de cette dernière. Tout le monde fait des erreurs, cela n'a rien de condamnable ; en revanche, l'absence de réaction l'est. Avez-vous des regrets ? Quelle réponse apportez-vous ?
Banijay est actionnaire de H2O. Producteur indépendant, il travaille avec tous les diffuseurs, notamment avec l'audiovisuel public, pour lequel vous-même avez travaillé. Par ailleurs, l'audiovisuel public investit dans la création et dans l'information, ce qui est vital pour la démocratie. Or vous avez tenu le concernant des propos sévères sur C8. Que pensez-vous de l'audiovisuel public ?
Nous nous fixons de plus en plus de limites. Autrefois, on pouvait se permettre beaucoup plus de choses à la télévision. Si nous étions dans les années 1980, je pense que c'est Michel Polac qui serait devant vous : j'ai revu ses émissions…
Le temps est très limité. Pourriez-vous répondre directement, sans développer d'exemple, même si je sais que c'est important ?
Pour expliquer, je suis obligé de prendre des exemples, et…
Voilà. Mais l'exemple est important ! Aujourd'hui, on peut dire de moins en moins de choses. Ça devient compliqué. On essaie de faire des blagues en prenant de moins en moins de risques.
S'agissant des sanctions de l'Arcom, elles m'ont toutes donné des regrets. Quand je mets un blouson, qu'on oublie de « gaffer » la marque, de la cacher avec de l'adhésif, et qu'on prend une amende de 300 000 euros, ça me peine. La sanction qui m'a fait le plus de mal concernait le canular homophobe.
Guillaume Mélanie vient de publier un tweet : on ne dit jamais tout ce qu'a fait Cyril Hanouna pour soutenir…
Monsieur Hanouna, nous ne sommes pas censés avoir d'interaction avec l'extérieur de la salle !
Je vois que tout le monde a son téléphone : je vais les confisquer !
L'amende que j'évoquais sanctionnait un gag qu'on ne pourrait plus faire aujourd'hui. J'ai énormément de regrets à ce sujet. Ma limite, c'est le risque de blesser. Il peut m'arriver de tenir des propos en direct qui sont ensuite sanctionnés. Ce qui s'est passé avec Louis Boyard m'a affecté, comme l'amende sanctionnant le canular que j'évoquais m'a affecté, parce que j'ai pu blesser quelqu'un. Louis Boyard…
Nous avons déjà longuement évoqué Louis Boyard. Je vous remercie de répondre à la question relative à Banijay. Je suis désolé, mais nous devons accélérer.
Oui, je vous rappelle que je suis en direct ce soir : je dois vraiment partir à seize heures trente.
La convocation va jusqu'à seize heures trente ; nous ne vous retiendrons que jusqu'à seize heures trente. Il est donc indispensable que vous répondiez très directement. Il est inutile de répéter ce que vous avez déjà dit.
Et à seize heures trente, je prends mon goûter !
(Murmures.)
L'audition se termine à seize heures trente ; les questions de goûter ne concernent pas la commission. Tous ces écarts nous font perdre du temps. Monsieur Hanouna, allez droit au but.
Banijay et nous avons un accord. J'ai besoin d'une très grande liberté de ton ; il faut que je puisse parler des autres émissions et des autres groupes. Il m'arrive tous les jours de critiquer des émissions de Banijay, diffusées sur TF1, sur France 2 ou sur M6. Si je n'en avais pas le droit, ce serait fou, ce serait contraire à notre liberté d'expression.
Le petit tacle au service public que vous avez évoqué répondait à une attaque de France Inter – j'en reçois tous les jours. Mais je n'ai rien contre Delphine Ernotte, avec qui je m'entends très bien.
Plus exactement, je voudrais connaître votre position s'agissant de l'audiovisuel public : nourrissez-vous une hostilité de principe ?
Je vous l'ai dit, je viens de l'audiovisuel public, donc non. Mais après un problème dans les écoles, je me suis fait la réflexion qu'on met 3,8 milliards d'euros dans le service audiovisuel public. J'ai donc posé la question de la nécessité de l'autoriser à diffuser de la publicité jusqu'à vingt heures. Je continue à me poser la question, sans hostilité. Je continue aussi à regarder des émissions qu'il diffuse.
Vous avez beaucoup de succès. Vous le dites, et c'est normal, cela mérite d'être souligné ; vous le devez notamment à votre ton et à votre personnalité. Ce succès ne vous confère-t-il pas néanmoins certaines responsabilités ?
Vous avez promis de nous expliquer comment on fabrique « Touche pas à mon poste ! » Cela m'intéresse. Comment en arrive-t-on à consacrer, si l'on en croit le seul décompte rigoureux effectué, 53 % du temps d'antenne politique à des candidats d'extrême droite entre septembre et décembre 2021, à la veille d'une année électorale ? Quand on est un professionnel, comment en arrive-t-on à inviter M. Bardella six fois en six mois, en lui donnant le joli surnom d'Air Jordan – certainement parce que c'est un ami ? Comment en êtes-vous arrivé à passer un moment tellement sympa avec Jean-Marie Le Pen, comme vous l'avez évoqué en 2021 ? Vous dites que vous essayez de faire voter des gens éloignés du champ politique, abstentionnistes, en particulier des jeunes. Essayez-vous de les faire voter, ou de les faire voter pour quelqu'un en particulier ?
Merci pour vos compliments, qui m'ont fait plaisir – c'étaient les premiers, ça fait du bien.
Les membres des partis Les Écologistes et La France insoumise (LFI) ne viennent pas dans l'émission, ce qui réduit le champ des possibles. Il est compliqué de respecter l'obligation de pluralisme. Nous invitons donc moins de personnalités politiques.
Vous savez, j'ai passé autant de bons moments avec Jordan Bardella qu'avec Jean-Luc Mélenchon – j'en ai même passé davantage avec le second qu'avec le premier ou avec Jean-Marie Le Pen. Ça ne veut pas dire que je disais aux spectateurs de voter pour Jean-Luc Mélenchon, ni que je leur conseille maintenant de voter pour Jordan Bardella. J'ai également passé de très bons moments avec Marlène Schiappa, membre de Renaissance. C'est le cas avec tous ceux qui viennent, notamment avec Ségolène Royal, que je rejoindrai dans un instant, et qui est plus à gauche que Jordan Bardella. Je reçois tout le monde, et j'essaie d'être toujours sympa ; à part Louis Boyard, j'ai toujours respecté les invités – ceux ici qui sont venus sur le plateau peuvent en témoigner.
L'Arcom a publié la répartition du temps de parole dans TPMP entre le 1er janvier et le 10 novembre 2022, quand tout le monde acceptait de venir dans l'émission. Reconquête arrive en cinquième position, avec deux heures vingt-six d'antenne ; Les Républicains sont quatrièmes avec deux heures trente-sept ; le Rassemblement national est troisième, avec trois heures quarante-neuf. En deuxième position, La France insoumise totalise quatre heures d'antenne. Renaissance est numéro un, avec cinq heures. Vous voyez que sur toute l'année 2022, le Rassemblement national n'est que troisième, derrière La France insoumise.
J'essaye de donner la parole à tout le monde. J'ai rencontré Jean-Marie Le Pen une seule fois. Cela ne veut pas dire que j'ai les mêmes idées que lui et que je suis d'accord avec lui sur beaucoup de sujets. Quand je suis avec Jean-Luc Mélenchon, cela ne veut pas dire que je suis d'accord avec lui sur beaucoup de sujets, même si je suis parfois d'accord avec lui sur certains sujets. Je suis d'accord avec un peu tout le monde, mais je ne suis pas d'accord avec plein de gens aussi. J'ai voté pour un candidat lors des dernières élections. J'étais d'accord avec lui sur certaines choses et en désaccord sur d'autres.
Cela a évolué, mais j'essaye de donner la parole à tout le monde et de montrer l'ensemble des visages de la politique en France.
Vous dites être un professionnel, alors assumez ou changez la façon dont vous faites vos émissions. Il y a quelques jours, au moment de la polémique sur la chanteuse Aya Nakamura, vous avez invité un monsieur qui passait par là pour parler d'elle, mais il se trouve, oh, on ne sait pas pourquoi, qu'il est proche de l'extrême droite, et même un ancien militant. Comment l'expliquez-vous en tant que professionnel ? Concernant la pauvre petite Lola, vous dites avoir réagi en père de famille, mais n'êtes-vous pas plutôt un professionnel ? Peut-être faites-vous trop d'heures d'antenne. Pour mieux maîtriser les choses, pour rester dans l'état d'esprit que vous souhaitez et pour rester professionnel à chaque instant, peut-être devriez-vous en faire moins.
Changez, ou assumez : votre ligne, les propos tenus, les invités – dont certains sont vos amis, comme Jean Messiha – démontrent une volonté. Vous dites être libres vis-à-vis de M. Bolloré : eh bien, changez ! Je crois qu'il ne vous en tiendra pas rigueur.
Vous n'avez pas regardé nos émissions. Je vous ferai parvenir des liens vers nos émissions afin que vous soyez mieux documentée. Je parlerai de votre idée à Franck Appietto, directeur des programmes et président de la chaîne. Pour vous faire plaisir, je vais voir si je peux faire une pastille humoristique quotidienne plutôt qu'une émission de deux heures.
Nous avons invité le monsieur – M. Verlaine –dont vous parlez dans le cadre de la séquence « Face à X » – en référence au réseau social X, anciennement Twitter –, mais je pense que vous ne l'avez pas regardé, ce qui me peine. Nous y invitons des personnes qui ont publié un tweet très commenté. Ce monsieur, que je ne connaissais pas du tout, a donc publié un tweet sur Aya Nakamura qui a été énormément commenté. Il est venu sur le plateau pour dire qu'il n'avait rien contre le fait qu'elle chante aux Jeux olympiques, mais qu'il trouvait qu'elle chante mal. Je l'ai invité comme j'aurais invité n'importe quelle personne qui aurait fait ce tweet. J'invite tout le monde, j'invite La France insoumise – David Guiraud, votre voisin, a été souvent invité et j'ai passé de très bons moments en plateau avec lui. Vous êtes également la bienvenue. J'ai vu que vous vouliez faire un débat avec Pascal Praud, mais sur une autre chaîne. Venez le faire sur mon antenne, ce sera avec grand plaisir.
L'invitation est lancée. Décidément, cette commission est le lieu des invitations plateau.
Si j'étais taquin, je vous aurais demandé combien était payé le chroniqueur Louis Boyard lorsqu'il était votre salarié, mais n'étant ni procureur ni grand inquisiteur, contrairement à d'autres, je ne vous poserai pas cette question, même si je dois reconnaître qu'elle me démange.
J'ai travaillé pendant vingt ans dans l'audiovisuel, à TF1, FremantleMedia, TV5 Monde et d'autres, mais pas à C8 ou à Canal+.
Nous avons beaucoup parlé de la pluralité des invités et de la liberté d'expression. J'aimerais vous faire réagir aux propos qu'Olivier Véran a tenus chez vos concurrents – ou amis – de « Quotidien » : « Je participe à une émission de télévision que je salue pour sa rigueur, parce que je crois que vous êtes la dernière émission de télévision à ne pas recevoir d'élus de l'extrême droite. » Ces propos font écho à ceux de Julien Bellver, journaliste à « Quotidien » – « On n'est pas un service public, on est sur une chaîne privée, donc on fait un petit peu ce qu'on veut » – pour justifier le fait qu'il n'invitait pas certains groupes politiques.
Quelle est votre politique en la matière ? Refusez-vous d'inviter certaines personnes en fonction de leurs opinions politiques ou du groupe auquel elles appartiennent ? Dans le cas contraire, comment mettez-vous tout cela en musique pour maintenir un certain équilibre ?
Si cela vous brûle, je vous donnerai en off les chiffres de Louis Boyard et ceux d'autres personnes de l'émission.
Je demanderai au secrétariat de l'Assemblée nationale pour savoir si de tels éléments peuvent être demandés, d'autant qu'ils concernent un député. Ce n'est pas à moi de prendre la décision. Dans le cas où ils peuvent l'être, ils seront communiqués de manière confidentielle.
Des déclarations telles que celles d'Olivier Véran chez nos amis, ou plutôt nos concurrents, de « Quotidien » contribuent à diviser la France. Je lui ai d'ailleurs dit ce que j'en pensais. Je le connais en dehors des plateaux et je l'apprécie beaucoup, c'est un garçon qui est très intelligent et la plupart de ses propos sont pertinents. Je pense qu'il a voulu faire plaisir à ses hôtes et leur distribuer un bon point. Julien Bellver avait effectivement dit quelques mois avant qu'il invitait qui il voulait et qu'il pouvait donc ne pas inviter le Rassemblement national en plateau. « Quotidien » diffuse des magnétos – à charge – et respecte ainsi les temps de parole de chaque parti, mais aucun représentant du Rassemblement national ou d'un autre parti qu'ils ne reçoivent pas n'est reçu sur le plateau.
À une certaine époque, je refusais de recevoir certaines personnes. Aujourd'hui, je me mets à la place des Français. Chaque matin, je me lève en me demandant ce que je peux faire pour eux dans mon émission. Je n'ai pas envie de les juger sur leurs choix politiques. J'essaye d'inviter tout le monde et de donner la parole à tout le monde car je pense que ce sont les débats et les contradictions qui font avancer et qui permettent de se dire les choses et, peut-être, d'arriver à un consensus. Pour moi, ne pas inviter telle ou telle personne, c'est du mépris. J'essaye de respecter tout le monde, tous les partis politiques, toutes les idées. Je continuerai à donner la parole à tout le monde, c'est la force de TPMP.
Je reviens sur ce que je disais : les rémunérations des députés perçues avant leur mandat sont publiques et accessibles sur le site de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Vous invitez donc tout le monde, mais, en termes de maîtrise d'antenne, existe-t-il des thèmes que vous vous interdisez car ils seraient trop sensibles, dangereux ou gênants ?
Il y a un sujet que je ne traite jamais : la pédophilie. Comme nous tous, je suis très mal à l'aise. Nous traitons de toutes les grosses affaires de faits divers, mais, comme père de famille, je n'arrive pas à le faire quand il s'agit de pédophilie. Sur tous les autres sujets, j'essaie toujours d'inviter des contradicteurs.
Lors de la préparation de l'émission, nous essayons de savoir ce qui peut intéresser le téléspectateur. J'ai pensé que, ce soir, cela pourrait être notre rencontre d'aujourd'hui.
Je précise que je suis administratrice de France Télévisions, après avoir fait partie du conseil d'administration de Radio France.
TPMP est diffusée sur la TNT et fait l'objet d'un contrôle et éventuellement de sanctions. Des extraits de TPMP sont aussi diffusés sur les réseaux sociaux, qui, à l'inverse, ne sont pas régulés. En profitez-vous pour mettre en avant certaines séquences, ce qui pourrait représenter un déséquilibre des temps de parole ?
Vous déplorez le fait que certaines personnes – dont de nombreux humoristes – refusent vos invitations. N'êtes-vous pas tenté, à force de régulations de la TNT, de la déserter ? Une telle désertion serait-elle économiquement et démocratiquement viable ?
Vos questions sont des questions d'actualité et d'avenir.
Nous essayons de publier le plus d'extraits possible de l'émission, un extrait par séquence, sans mettre en avant tel ou tel moment, telle ou telle personne ou tel ou tel parti politique. Ce sont les utilisateurs de X ou d'Instagram qui décident des extraits qui les intéressent ; ceux-ci tourneront plus.
Face aux règles de la TNT et à l'absence de règles sur les réseaux sociaux et sur les plateformes, oui, peut-être que les talents de demain migreront vers les réseaux comme YouTube ou vers les plateformes. Quant à moi, j'aime la télé. Je suis un homme de télévision, je suis un technicien, attentif à toutes ces petites choses qu'il faut savoir. C'est aussi pour cela que j'aime la télé. Je ne compte donc pas du tout déserter la télévision. Mais, économiquement, les plateformes sont aujourd'hui plus puissantes financièrement que les chaînes de la TNT. On peut mieux gagner sa vie sur les plateformes ; une chaîne YouTube peut générer des revenus incroyables.
Vous avez révélé à deux reprises lors de cette audition des échanges entre M. Boyard et vous-même. Je vous rappelle que la diffusion de la correspondance privée entre deux personnes sans leur consentement est sanctionnée par le code pénal. Vous parlez aujourd'hui sous serment : vous êtes donc passible de poursuite en cas de parjure. J'en profite pour vous demander si vous avez obtenu le consentement de M. Boyard.
Non, j'attends donc son procès.
Vous avez parlé de la lutte contre le harcèlement scolaire dans vos émissions. Il me semble difficile de parler de ce sujet quand on emploie des méthodes de harceleur, comme la divulgation de correspondance privée.
Vous avez déclaré en début d'intervention que vous n'étiez à la botte de personne, mais, lors de votre altercation avec Louis Boyard, vous avez dit que vous ne crachiez pas dans la main qui vous nourrit, en parlant de votre actionnaire Vincent Bolloré. Ce qui est dérangeant, c'est que vous avez justement signé une convention avec l'Arcom censée garantir votre indépendance vis-à-vis de vos actionnaires. J'aimerais donc savoir si les intérêts de M. Bolloré sont supérieurs à votre obligation de respect de la loi.
La pluralité de votre émission pose problème. Vous avez partagé les temps d'antenne accordés dans votre émission à l'extrême droite ou à La France insoumise et vous avez déploré le fait que certaines personnes refusaient de répondre à vos invitations. Mais qu'en est-il de vos invités qui ne sont pas encartés politiquement ? Vous avez ainsi donné la parole à Jules Torres du Journal du dimanche et de CNews le 21 décembre, à Geoffrey Lejeune le 19 décembre, à Sarah Saldmann le 8 décembre, à Stanislas Rigault de Reconquête et à Pierre Gentillet de CNews le 16 novembre. Tout cela manifeste une certaine forme d'endogamie : ces invités, éditorialistes et journalistes, sont très marqués dans la galaxie de Vincent Bolloré – CNews et compagnie. Dans ces conditions, respectez-vous vos obligations de pluralisme, qui ne sont pas des obligations morales, mais bien des obligations légales ?
Si j'ai lu des échanges de SMS que j'ai eus avec Louis Boyard, c'était pour répondre à Mme la députée Legrain qui remettait en cause mon amitié avec lui.
Monsieur David Guiraud, je voulais d'abord vous remercier de m'avoir fait l'honneur d'être venu de nombreuses fois sur le plateau de TPMP. Nous avons eu des moments de débat incroyables. Vous êtes un excellent intervenant à la télévision et j'espère que vous reviendrez bientôt.
Vous m'interrogez, encore une fois, sur les propos que j'ai tenus à l'occasion de l'altercation avec Louis Boyard alors que les trois quarts de cette audition y ont déjà été consacrés. Lorsque je suis invité chez quelqu'un, je ne crache pas dans sa nourriture. J'ai des principes, que peut-être Louis Boyard ne partage pas.
Je l'affirme sous serment : Vincent Bolloré ne m'a jamais demandé d'inviter quelqu'un ou de parler de tel ou tel sujet. Jamais ! Il me laisse une totale liberté, ainsi qu'aux personnes de C8 et de H2O qui travaillent avec moi. Il ne s'est jamais immiscé dans mes émissions.
Sur les intérêts supérieurs de Vincent Bolloré, je n'ai pas compris votre question, qui est sans doute trop compliquée pour moi.
J'imagine qu'il s'agit du projet idéologique et politique de Vincent Bolloré. Nous avons eu le débat hier.
Ma question était pourtant simple et n'était donc pas difficile à comprendre. Elle concerne les obligations prévues par la convention signée avec l'Arcom relatives à la pluralité et à votre indépendance.
Apparemment, vous êtes plus intelligent que moi. C'est pour cela que vous êtes à votre place et moi à la mienne.
Je le répète : Vincent Bolloré me laisse une totale liberté. Quant au pluralisme, j'essaye d'inviter des gens de tous les horizons. Je vous ai d'ailleurs invité, comme d'autres personnes de La France insoumise, de nombreuses fois. Vous ne voulez plus venir depuis l'affaire Boyard, mais je ne peux faire venir de force personne sur mon plateau.
Les temps de parole peuvent être vérifiés, par trimestre, sur le site de l'Arcom.
La parole est à M. Inaki Echaniz. Ce sera ensuite à M. Thomas Ménagé. Pour que je puisse ajouter ces deux temps de parole, je vous demande de faire le plus court possible.
Je précise que je suis membre du conseil d'administration et d'orientation de La Chaîne parlementaire – Assemblée nationale (LCP-AN).
C8 a fait l'objet de plus de trente rappels à l'ordre de l'Arcom, dont la moitié depuis trois ans. Comment expliquez-vous cette tendance à la hausse ? Vous avez parlé à plusieurs reprises d'acharnement pour l'expliquer. Selon vous, des dérapages similaires sur d'autres chaînes n'auraient pas été sanctionnés. Pouvez-vous nous en donner des exemples précis ? Vous dites également que vous dérangez certaines personnes. Afin d'éviter de verser dans le complotisme, pouvez-vous citer ces personnes ?
Vous avez reconnu que vous-même, vos invités et vos chroniqueurs peuvent avoir des réactions inadéquates et passionnées, loin de la maîtrise de l'antenne exigée par l'Arcom. Dans ces conditions, le format de votre émission vous permet-il de traiter vos sujets de façon objective et honnête et de respecter la vie privée et la dignité des personnes ? Je pense notamment à votre mise en scène délibérée de la détresse de Loana Petrucciani. Votre objectif d'obtenir les meilleures audiences et de faire l'événement vous amène-t-il, avec vos équipes, à mettre de côté certains principes du journalisme ? Quelle est d'ailleurs votre définition de la déontologie ?
En cas de non-renouvellement de l'autorisation de diffusion de C8 sur la TNT, la chaîne pourrait être diffusée en dehors de la TNT. Avez-vous envisagé votre avenir professionnel si cette décision devait être prise ?
Je donne dès maintenant la parole à M. Ménagé. Monsieur Hanouna, vous ferez une réponse groupée.
Il semble que vous êtes critiqué en raison de votre succès. Le buzz autour de cette commission d'enquête, qui fera l'objet de votre émission ce soir, et tous ceux qui ont cherché à vous salir depuis plusieurs mois ne participent-ils pas indirectement à votre succès et au succès de CNews ?
Au vu des questions posées par les collègues qui m'ont précédé, qui ont cherché à nourrir un procès, j'ai l'impression que nous siégeons à un conseil de prud'hommes et non dans une commission d'enquête. Ceux de mes collègues qui ont fait référence aux claquettes ne doivent pas oublier que leurs rangs comptent un député qui a mis la tête d'un ministre sur un ballon et un autre qui a traité ce même ministre d'assassin.
Mais revenons à l'objet de cette commission d'enquête : lorsque vous composez un plateau, comment veillez-vous au pluralisme, notamment parmi les chroniqueurs ? On voit souvent Gilles Verdez dans votre émission, qui est proche de La France insoumise. Il fait des cascades intellectuelles et on a parfois du mal à comprendre ses positions politiques. Avez-vous défini son rôle ou s'agit-il vraiment de ses idées ? Touche-t-il une prime de risque pour dire autant de bêtises ?
J'aide Loana depuis des années – je l'avais notamment fait lorsqu'elle avait perdu toutes ses dents – et c'est elle qui m'a demandé de venir témoigner sur le plateau. En parlant d'elle comme vous l'avez fait et en disant qu'elle a été maltraitée, vous lui faites de la peine. Sachez qu'elle était très heureuse de venir et qu'elle a publié une vidéo où elle exprimait son incompréhension face à ce qui se disait. Au lieu d'essayer de trouver des problèmes là où il n'y en a pas, il faudrait essayer de l'aider, comme nous le faisons à H2O ou à Banijay.
La déontologie, pour moi, c'est la liberté d'expression, c'est pouvoir recevoir tout le monde, donner la parole à tout le monde, écouter tout le monde, d'accueillir des intervenants aussi diversifiés que possible, à l'image de l'émission. La déontologie, c'est d'essayer d'être le plus juste possible sur tous les sujets et d'être moi-même. Je suis un professionnel et j'ai une certaine déontologie.
Concernant mon avenir, puisque vous êtes administrateur de LCP-AN, j'aimerais bien terminer ici à vos côtés, cela me ferait bien plaisir.
M. Ménagé a fait une très bonne analyse et je pense qu'il a raison. Plus vous, ou d'autres personnes, tapez sur mes émissions et trouvez des problèmes là où il n'y en a pas, plus les audiences sont importantes. Les gens se disent : tout le monde dit que ce n'est pas bien, alors je vais voir par moi-même. Finalement, ils trouvent que l'émission n'est pas mal, parce qu'on y apprend des choses et qu'on se détend en rigolant. Plus on parle de nous, plus cela nous fait une publicité incroyable. Merci à vous !
Gilles Verdez – c'est mon grand malheur dans la vie – pense tout ce qu'il dit, il ne joue pas un rôle. Il continue pendant les pubs, il continue après l'émission. Je n'ai pas les mêmes idées que lui, ses idées à lui sont très proches de celles de LFI – il l'a dit lui-même –, mais je l'aime profondément et il est indispensable à l'émission. C'est un talent et c'est aussi un type extraordinaire dans la vie.
Je suis désolé de ne pas avoir pu le faire venir à cette commission d'enquête malgré sa demande, mais la plus-value, au-delà de ses qualités, n'était pas certaine.
La parole est à M. le rapporteur, pour son ultime question.
Quelques questions.
Vous nous avez précisé que M. Verdez parlait librement, mais confirmez-vous que la production de TPMP a adressé, à la demande de Vincent Bolloré et de vous-même, un message à Mme Maillet, le 7 octobre 2019, comportant des éléments de langage à développer au sujet du film Sœurs d'armes ?
Confirmez-vous que certains de vos chroniqueurs ont pu recevoir un message de la production de TPMP leur demandant de ne pas évoquer la polémique autour du film J'accuse de Roman Polanski lors des Césars de 2020 ? Un tel message vous semble-t-il compatible avec vos obligations ?
Dans l'émission du 18 février 2024, vous avez parlé, à propos de la décision du Conseil d'État sur le pluralisme, de « dictature de la pensée ». À l'appui de cette affirmation, vous avez cité le site jeanmarcmorandini.com : « Jamais vu en France : le Conseil d'État demande d'appliquer à CNews un contrôle auquel aucun autre média n'est soumis ! » Saviez-vous, au moment où vous avez relayé cette information, qu'elle était erronée ? S'agissait-il d'un acte volontaire de désinformation ou d'une simple ignorance de la décision que vous commentiez ?
Ma dernière question concerne les droits des femmes. Vous avez reçu de nombreux avertissements et sanctions sur le sujet pour des émissions du 7 décembre 2016, du 12 octobre 2018, du 25 octobre 2018, du 11 février 2019, du 30 janvier 2023 et du 27 septembre 2023. Comment concevez-vous l'obligation inscrite à l'article 2-3-4 de la convention de C8 de contribuer « à la lutte contre les préjugés sexistes, les images dégradantes et les stéréotypes, notamment à l'encontre des femmes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple » ? L'émission TPMP a-t-elle un problème structurel de sexisme et de misogynie au regard de la récurrence des interventions du régulateur pour ce motif ?
Je ne me souviens pas de toutes les questions, car, malheureusement, j'ai une mauvaise mémoire.
Ils ont envoyé un SMS à Géraldine Maillet, mais elle n'était pas à l'émission ce jour-là. Vous pouvez enquêter, elle vous le confirmera.
Monsieur Saintoul, je vous inviterai peut-être à mon émission un jour, même dans le public. Vous verrez que nous avons du respect pour les femmes et que nous traitons du sujet des femmes très souvent. Il y a encore une semaine, nous avons ainsi reçu une jeune fille qui a fait un documentaire exceptionnel sur Canal+ sur les violences faites aux femmes. J'ai fait de nombreuses émissions avec Marlène Schiappa sur l'égalité entre les hommes et les femmes et je fais tous les jours des émissions pour l'égalité entre les hommes et les femmes alors que vous retenez un événement qui remonte à six ou sept ans. Vous faites sans doute référence à Jean-Michel Maire, un chroniqueur, qui a eu un geste déplacé, ce que je lui ai dit à l'antenne. Si vous pensez à Alex Goude avec Valérie Benaïm, sachez que j'ai réprimandé ce chroniqueur directement à l'antenne et que cela a été tout de suite signalé. J'ai un grand respect pour les femmes. J'ai une maman et une sœur. Elles m'ont appris à respecter et à aimer les femmes. Sans elles, le monde ne tournerait pas. Tous les jours, je me lève en me demandant ce que je peux faire pour les Français et pour les femmes.
Quant à la décision du Conseil d'État, je pensais au départ comme tous les journalistes qu'elle ne concernait que CNews. Elle concerne tout le monde, c'est une très bonne chose et je dis bravo au Conseil d'État. Cela dit, je ne sais pas comment nous allons faire. Pour les personnes qui, comme Ségolène Royal, ont un passé politique, c'est facile. Mais, avec un chroniqueur lambda qui, avant de parler de « The Voice », déclare voter pour Jean-Luc Mélenchon, ça me semble compliqué.
La présente audition est terminée.
Je rappelle que son organisation a été décidée lors d'une réunion du bureau qui a choisi à l'unanimité, parmi trois options, une durée d'audition de deux heures trente. Je rappelle, pour l'anecdote, que certains pensaient qu'une durée de deux heures était largement suffisante.
M. le rapporteur a disposé d'un temps de parole total de quarante minutes. J'ai pu honorer quatorze demandes de prise de parole – trois du groupe Renaissance, trois du groupe Rassemblement national, deux du groupe La France insoumise-NUPES, une du groupe Les Républicains, une du groupe Démocrate, deux du groupe Socialistes et apparentés et une du groupe Écologiste – et que seules deux – l'une du groupe La France insoumise, l'autre du groupe Renaissance – n'ont pu être honorées. Je m'en excuse auprès de nos collègues, notamment Karl Olive, vice-président de cette commission. Je rappelle que le groupe Horizons et apparentés n'a pas déposé de demande de prise de parole.
Au cours de cette audition, nous avons cité plusieurs documents ou éléments écrits dont nous aurions besoin. Je vous invite à nous les transmettre le plus rapidement possible, ainsi que les réponses au questionnaire préalablement envoyé.
La séance s'achève à seize heures quarante.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Philippe Ballard, M. Quentin Bataillon, M. Ian Boucard, Mme Céline Calvez, Mme Fabienne Colboc, M. Inaki Echaniz, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Philippe Frei, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jérôme Guedj, M. David Guiraud, M. Laurent Jacobelli, Mme Rachel Keke, Mme Constance Le Grip, Mme Sarah Legrain, M. Thomas Ménagé, M. Karl Olive, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Aurélien Saintoul, Mme Sophie Taillé-Polian
Assistaient également à la réunion. – M. Carlos Martens Bilongo, Mme Eléonore Caroit, M. Florian Chauche, Mme Laurence Cristol, Mme Hélène Laporte, Mme Marie-France Lorho, M. Bryan Masson, M. Julien Odoul, Mme Caroline Parmentier, M. Jean-Claude Raux, M. Benjamin Saint-Huile, M. Philippe Schreck