La commission entend MM. David Lisnard, président et André Laignel, vice-président de l'Association des Maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF).
Le groupe écologiste a inscrit à l'ordre du jour de la journée du jeudi 4 avril qui lui est réservée la proposition de loi numéro 2230 visant à protéger les Français des risques climatiques et financiers associés aux investissements dans les énergies fossiles. Il nous faut désigner un rapporteur sur cette proposition de loi.
Je suis saisi de la candidature de Madame Cyrielle Chatelain. S'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.
Nous examinerons cette proposition de loi en commission le mercredi 27 mars.
Après l'ANCT et la présidente de Régions de France, nous auditionnons Messieurs David Lisnard, président et André Laignel, vice-président de l'Association des Maires de France et des présidents d'intercommunalité dans le cadre de nos auditions consacrées aux finances locales.
Merci de cette audition concernant les finances publiques, la dépense, celle des collectivités territoriales et notamment du bloc communal, quelques semaines après l'adoption par 49.3 d'un budget porteur d'une modification substantielle de ses grands équilibres et qui a une incidence sur l'une des trois fonctions publiques, la fonction publique territoriale.
Le ministre des finances Bruno Le Maire disait mercredi dernier devant vous qu'il fallait regarder la réalité de nos finances publiques et en tirer la conclusion que la France puisait dans ses réserves vitales – les entreprises, le travail, la croissance – pour financer son addiction à la dépense publique.
Il n'est pas question de remettre en cause ce constat et par conséquent, il ne nous paraît pas inconvenant de chercher la performance publique. Bien au contraire, c'est une nécessité. Il faut essayer de rendre le meilleur service au meilleur coût pour défendre les usagers et les contribuables « en même temps ».
Pour la première fois depuis longtemps, nous avons trois indicateurs de soutenabilité de notre dette qui se situent à des niveaux critiques. Il s'agit tout d'abord du taux de croissance, inférieur à 1 % comme cela était annoncé dès l'examen du projet de loi de finances par beaucoup d'entre vous, beaucoup d'entre nous, et l'Observatoire des finances publiques.
Les taux d'intérêt réels, et non simplement nominaux, constituent le deuxième indicateur. Ils augmentent mécaniquement sous l'effet d'un ralentissement de l'inflation.
Le déficit primaire devrait quant à lui focaliser l'attention de chacun car il approche les 5 %.
Face à cette situation, la première méthode retenue consiste à raboter les postes de dépenses, sans remettre en cause la structure déficitaire et sous-performante de notre appareil public. Ce n'est pas forcément l'approche la plus pertinente, d'autant plus qu'elle a une incidence sur les collectivités territoriales.
La seconde méthode adoptée vise à réduire les capacités d'investissement. Or ces dépenses ont un rôle contracyclique, notamment via les collectivités territoriales et en particulier le bloc communal. Je rappelle que les dépenses du bloc communal représentent environ 50 % du total de l'investissement public, voire 70 % en y ajoutant les autres collectivités territoriales.
Vous nous avez conviés pour évoquer les dépenses du bloc communal, qui représente 6,25 % de la dépense publique. Cette part indique clairement que le problème des comptes publics ne provient pas du bloc communal (intercommunalités et communes). D'après nous, ces dépenses seraient même un atout pour les comptes de la nation.
Nous ne nions pas que des collectivités et des communes soient mal gérées, mais cela est du ressort de la démocratie locale. Au niveau agrégé, les dépenses des collectivités territoriales, et en particulier du bloc communal, ne constituent pas un problème pour les comptes publics de la France.
Il faut par ailleurs signaler que les comptes publics du pays sont présentés avec l'objectif du Gouvernement de montrer qu'il se préoccupe du respect de ses engagements européens. Ainsi, la dégradation des finances des communes, par ailleurs soumises à une règle d'or budgétaire, à la suite d'une ponction de l'État, d'une non-compensation des transferts de charges ou d'une non-indexation de la DGF, apparaît comme une aggravation de la situation des comptes publics.
Depuis dix ans, les relations financières entre les collectivités et l'État se sont modifiées structurellement et substantiellement, entraînant une dégradation de la performance publique. Cette dernière a été provoquée par une déresponsabilisation des exécutifs locaux au regard des contribuables. Or l'Association des maires de France démontre que la performance vient de la responsabilité des exécutifs locaux face à leurs habitants. Elle vient de la démocratie.
L'AMF a été créée en 1907 pour promouvoir et défendre la liberté locale. Il s'agit de défendre un principe et une valeur essentielle, mais aussi un principe d'efficacité lié à la responsabilité qui découle de la proximité. Cela nécessite cependant d'avoir des comptes à rendre, y compris aux contribuables locaux, d'où la question fondamentale de l'universalité de la fiscalité locale et désormais de l'absence d'universalité de la fiscalité communale.
Il faut rappeler que le déficit de toutes les collectivités représente 9 % du total de la dette publique depuis une trentaine d'années. Cette proportion était bien plus élevée il y a cinquante ans. En outre, le bloc communal porte près d'un tiers de la formation brute de capital fixe de l'ensemble des administrations publiques. Par conséquent, réduire la capacité d'investissement du bloc communal revient à réduire notre croissance et à amplifier les problématiques de rentrées fiscales, notamment les rentrées de TVA d'autant plus dynamiques que la croissance est forte.
Par ailleurs, les déclarations du ministre des finances selon lesquelles l'État compense par des subventions directes ou des taxes affectées l'augmentation des dépenses des collectivités locales appellent plusieurs remarques.
Tout d'abord, c'est ce même ministre de l'économie et des finances qui a également déclaré qu'il n'y avait pas d'un côté le « méchant » État et les « gentilles » collectivités. Je signalerai que dans un monde d'adultes, la distinction entre les gentils et les méchants dans la puissance publique ne me semble pas pertinente. Je crois aux faits et je pense que l'infantilisation commence par le langage. Si je devais cependant adopter le même langage, il n'y a pas non plus de méchantes collectivités et un gentil État qui compenserait les niveaux inconsidérés des dépenses territoriales.
Il ne faut pas omettre deux réalités. Parallèlement à la recentralisation par la règle et par la fiscalité, il y a eu des transferts de charges non décentralisés depuis une vingtaine d'années. Ce n'est pas le bloc communal qui a demandé à être sous perfusion du malade.
Ensuite, des transferts de charges n'ont pas été compensés. Je pense notamment aux AESH (accompagnant d'élèves en situation de handicap), dont nous avons désormais la responsabilité. Cette charge n'apparaît pas dans les charges de décentralisation et par conséquent, elle n'est pas compensée. Pire, il pourrait nous être reproché d'augmenter la masse salariale.
Je remarquerai également que si je souhaitais compenser la baisse des effectifs policiers (-73 policiers depuis douze ans) observée dans ma commune et recruter des policiers municipaux qui ne sont pas une compétence décentralisée, une telle augmentation de la masse salariale pourrait m'être reprochée.
Encore une fois, je ne nie pas que des collectivités soient mal gérées et qu'il puisse exister un clientélisme qui doit être combattu. Il appartient néanmoins aux habitants de décider de leurs élus.
Nous pourrions aussi évoquer les soubresauts sur la délivrance des documents d'identité. À une époque, les documents d'identité pouvaient être récupérés à la sous-préfecture. Désormais, ce sont les communes qui assument cette charge. Or cette charge a une traduction, y compris humaine.
Je pourrais aussi mentionner les grandes difficultés dans les Ehpad publics et le rôle essentiel assumé par nos centres communaux d'action sociale, dont les effectifs sont intégrés dans ceux de la fonction publique territoriale et recrutés par les mairies.
Ces éléments factuels montrent bien que derrière les chiffres, il y a des réalités humaines. Les collectivités territoriales et notamment les communes recousent le tissu social. Cela me permet d'ailleurs de rappeler qu'il existe une strate de collectivités qui affronte de graves difficultés, ce sont les départements.
Les départements de France ont une dynamique de charges liée à leur cœur de compétence, la solidarité territoriale comme humaine. Or cette dynamique est d'autant plus forte que la situation sociale se tend. En parallèle, la dynamique des recettes ralentit en raison de leur exposition aux DMTO (droits de mutation à titre onéreux) et de la forte baisse de ces derniers. Cet effet de ciseau explique leurs difficultés.
Ces difficultés ne sont pas neutres pour les communes puisque les départements ont un rôle essentiel auprès du bloc communal, et inversement. Elles ont une incidence évidente sur les finances du bloc communal, qui devrait être particulièrement visible en 2024 et 2025 en raison de la crise du logement.
Il faut bien comprendre la modification structurelle de la relation financière entre l'État et les collectivités territoriales depuis dix ans. Les collectivités territoriales ont perdu leur responsabilité d'exécutif et donc leur liberté d'action. La liberté et la responsabilité sont intimement liées, en tout cas dans ma philosophie de vie.
Jusqu'aux années 2000, la dotation globale de fonctionnement était indexée sur l'inflation augmentée de la moitié du taux de croissance. Puis la contribution du taux de croissance a été supprimée afin de stabiliser la DGF en termes réels et de ne pas augmenter la charge de l'État tout en garantissant le respect de ses engagements.
À la suite de la crise des subprimes, cette indexation a elle aussi été supprimée. En 2014, c'est même un prélèvement qui a été décidé. Il a été stoppé en 2017 mais sans retour d'aucune indexation. Ce n'est que récemment que la DGF a été augmentée, à un rythme cependant inférieur à l'inflation.
Le changement de doctrine non exprimé de l'État sur la DGF, à savoir le non-respect du principe d'indexation et les prélèvements de 2014 à 2017, représente un prélèvement sur les finances du bloc communal de 71 milliards d'euros depuis 2010. Cela correspond à un effort considérable à l'équilibre des comptes publics, équilibre néanmoins fictif puisqu'il s'accompagne d'une dégradation des finances du bloc communal.
Je crois pour ma part qu'il existe une relation de causalité entre la perte d'autonomie du bloc communal et la dégradation des comptes publics. Je suis intimement convaincu que l'efficacité naît de la responsabilité.
Un second bouleversement majeur intervient avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, que l'État s'est engagé à compenser à l'euro près. Nous n'avons jamais demandé à l'État d'assumer cette charge de 23 milliards d'euros par an et il serait aujourd'hui incongru de revenir sur sa compensation parce que les temps sont durs.
Il nous est parfois rétorqué que notre épargne augmente. Il faut faire très attention à ce chiffre car dans les périodes d'incertitude, l'épargne se constitue au détriment de l'investissement. Ainsi, en tenant compte de la dynamique de l'inflation et de la croissance, le montant des investissements du bloc communal n'a pas retrouvé son niveau du précédent mandat.
De plus, cette augmentation de l'épargne est surtout effective dans les communes qui n'assument pas de charges de centralité, et notamment les communes rurales. C'est peut-être un paradoxe qui vous surprend mais l'explication est simple. La recentralisation de la dépense à travers les évolutions fiscales et le fléchage des financements de l'État ne permettent plus aux maires ou aux présidents d'intercommunalités rurales d'engager la dépense qui leur permettra de bénéficier de cet effet de levier de l'État. Ce fléchage amplifie la fracture territoriale, qui est aussi un des maux de notre époque.
Le principe de responsabilité nous impose de nous attaquer à une dette qui est une bombe à retardement. Je rappelle que le service de la dette représentera plus de 55 milliards d'euros dès cette année, soit cinq fois le budget de la justice.
Certaines mesures nous semblent positives, en particulier l'intégration de la valeur des aménagements de terrain dans le FCTVA (Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée). Nous pensons cependant qu'il faudrait aussi y inclure la valeur du foncier.
La prise en compte des aménités rurales et l'ajustement de la dotation urbaine et de la dotation rurale sont également des points positifs. Un travail intelligent a été réalisé avec Élisabeth Borne et nous l'avons signalé lors du congrès des maires, il y a eu une coproduction sur certaines thématiques.
Cependant, face à l'ardente nécessité d'assainir les comptes publics, nous pensons que tout ce qui est contraire à la libre administration communale va à l'encontre de la performance publique.
Nous demandons par ailleurs qu'une revue des dépenses soit réalisée et qu'elle s'accompagne d'une revue précise du coût des normes.
Nous demandons également une revue des recettes et en particulier un chiffrage du montant des compensations des recettes locales supprimées, avec un état de lieux clair de la situation financière du bloc communal.
Nous pensons que les demandes d'acquisition de terrain doivent être intégrées dans le FCTVA. Nous proposons une mesure très simple déjà mise en œuvre au moment des subprimes et à l'efficacité avérée, l'avancement d'un an des versements du FCTVA. Cette mesure aurait un effet immédiat sur l'investissement car le FCTVA reste une ressource libre d'emploi.
Nous avons proposé vingt-cinq mesures favorables à la relance du secteur du bâtiment et notamment du logement, qui doit être une priorité en raison de son impact sur la dynamique fiscale.
Nous demandons l'évaluation du coût du zéro artificialisation nette et nous avons formulé vingt propositions en la matière. Nous ne voulons plus de texte législatif et réglementaire qui impacte nos dépenses et nos recettes sans étude d'impact préalable. Ces études d'impact sont indispensables, il n'est plus possible d'avancer dans le brouillard.
Enfin, nous alertons sur la nécessité d'évaluer les coûts des infrastructures essentielles telles que les infrastructures routières.
Nous devons faire face à une rigidification des recettes qui conduit à une déresponsabilisation et ce n'est pas en pratiquant une culture du rabot qui n'a jamais produit que des effets marginaux que nous parviendrons à recréer une dynamique vertueuse de respect des comptes publics, de respect des contribuables, de respect des usagers.
C'est la liberté d'action qui nous permettra de retrouver des finances publiques saines et de régénérer la démocratie locale.
Quelle est la situation des collectivités locales et du bloc communal ? Aujourd'hui, le bloc communal est le plus souvent considéré comme une charge et non pas comme un levier. Ce n'est pas nouveau et cela recouvre plusieurs types de majorités.
Je crois que c'est une erreur fondamentale de dénoncer en permanence les collectivités comme dépensières. C'est pourtant la teneur des déclarations du ministre de l'économie lorsqu'il parle de revue des dépenses.
Cela est d'autant plus étonnant que nous avions expliqué lors de la seule réunion du Haut comité des finances publiques locales que nous ne participerions pas à ce comité s'il se limitait à la seule revue des dépenses. Nous avions demandé une revue des dépenses mais aussi des recettes et Bruno Le Maire présent ce jour-là avait donné son accord sur cette vision.
J'avais été très précis puisque j'avais listé les recettes à considérer, et notamment l'évolution de la DGF depuis 2010-2012 et la participation de nos collectivités. Nous estimons cette participation à un peu plus de 71 milliards d'euros mais un débat existe sur ces chiffres. J'attends qu'il me soit démontré que ces estimations ne sont pas justes mais nous n'avons aucune réponse sur ce sujet.
J'avais demandé également une revue des recettes sur les ressources fiscales et leur composition.
Par ailleurs, nous savons tous que sur le logement social, les dégrèvements sont très loin de compenser la perte des communes qui acceptent du logement social. Ces communes sont donc doublement pénalisées, par les charges qu'entraîne le logement social et par des compensations très insuffisantes.
Concernant la dépense effective des subventions d'investissement, il existe de gros écarts entre les annonces et la réalité des engagements.
Nous sommes favorables à une revue des dépenses à condition qu'elle s'accompagne d'une revue des recettes. C'est important car nous ne pouvons être présentés en permanence comme des dépensiers. C'est une attaque injustifiée à l'égard de nos collectivités qui mérite une riposte, graduée mais déterminée.
J'ajoute que les maires et les présidents d'intercommunalité ont le sentiment grandissant de n'être plus que des sous-traitants de l'État et une variable d'ajustement budgétaire. Ce sentiment est alimenté par la nationalisation de l'impôt qui fait reculer nos libertés et par le fléchage des dotations de plus en plus encadré. En définitive, des ressources nous sont accordées à condition de respecter les volontés de l'État. Notre volonté, qui s'exprime dans le cadre de la démocratie locale, est bafouée. C'est un immense recul de la décentralisation, et il est nécessaire que nous retrouvions notre libre administration.
Qui peut aujourd'hui parler de libre administration des collectivités territoriales alors que les marges financières qui nous sont laissées se sont réduites comme peau de chagrin ?
Il y a un problème central de démocratie locale et je pense que c'est un grand tort pour notre nation de faire reculer la décentralisation et de recentraliser les tâches qui sont les nôtres au quotidien sur le terrain.
Nous sommes soumis en permanence à des injonctions contradictoires. Ainsi par exemple, il est demandé aux collectivités d'être des acteurs de la réindustrialisation ou de l'industrialisation de notre pays. Les maires le souhaitent et ils y sont prêts mais ils doivent faire face à la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et au ZAN. Par conséquent, des maires refusent des installations d'entreprises parce qu'ils n'auront plus le retour qu'ils avaient avec la CVAE. Je tiens d'ailleurs à poser une question que j'ai déjà posée en tant que président du CFL (Comité des finances locales) :
Quel montant a été raboté sur la compensation de la CVAE ?
Je dispose d'une estimation de 750 millions d'euros et je souhaite qu'elle soit vérifiée. Je demande des chiffres au ministère de l'économie depuis un an et à ce jour, je n'ai obtenu aucune réponse. Pourtant, l'État connaît ce montant puisqu'il a encaissé en 2023 la CVAE 2022. Pourquoi refuse-t-il de le communiquer ?
Je demande que cette estimation puisse être confrontée au montant de la CVAE. Retrouvons la vérité tous ensemble et il sera alors beaucoup plus facile d'avoir un dialogue républicain entre les collectivités territoriales et l'État.
Merci Messieurs. Je voudrais vous dire que je partage la quasi-totalité de vos propos et je vous remercie pour la qualité de vos interventions.
Je retiendrai que paradoxalement, la décentralisation telle qu'elle a été menée semble remettre en question la libre administration des communes, qui devrait rester le cadre premier de la démocratie.
J'ai quand même l'impression que l'État sous-traite ses politiques de rigueur aux collectivités, à tout le moins leurs effets, alors qu'elles sont tenues à l'équilibre financier.
Vous nous avez expliqué que les dépenses des collectivités étaient de plus en plus contraintes et que dans le même temps, le Gouvernement vous demandait de les réduire toujours plus. Or le ministre du budget a annoncé 20 milliards d'économies sur le budget 2025 après un premier ajustement de 10 milliards d'euros sur le budget 2024. Avez-vous des informations sur les économies que le Gouvernement pourrait imposer d'une manière ou d'une autre et qui pourraient vous impacter ?
Le gouvernement assigne aux collectivités l'objectif contradictoire de contribuer à la réduction du déficit public et d'investir en faveur de la bifurcation écologique. Quelles sont selon vous les réformes politiques à mettre en œuvre pour concilier ces deux objectifs ?
Le Comité des finances locales a été chargé de proposer des pistes de réforme de la DGF en respectant la contrainte d'une enveloppe équivalente, soit 27 milliards d'euros contre 41 milliards d'euros en 2013. La non-indexation des dotations locales sur l'inflation constitue une contribution contrainte à la baisse des dépenses publiques, qui réduit toujours plus l'autonomie locale. Quelles sont à ce stade vos pistes de réflexion et quels sont les axes de travail prioritaires que vous avez identifiés ?
Tout d'abord, je tiens pour ma part à saluer le rôle des maires. Je suis comme beaucoup inquiet des attaques contre les élus et du nombre de maires qui ont démissionné depuis le début de la mandature. La réflexion que nous avons collectivement pour renforcer le statut de l'élu et protéger les élus est un travail essentiel.
Monsieur Lisnard, votre comparaison des résultats financiers de l'État et des collectivités territoriales souffre d'un certain nombre de limites. Depuis le début des crises, depuis 2020, l'État a joué un rôle d'amortisseur et de soutien vis-à-vis de l'ensemble des Français, des entreprises, et des collectivités territoriales. C'est normal, c'est son rôle, et cela se retrouve dans sa dette.
Monsieur Laignel, je peux vous assurer que les collectivités territoriales sont un levier. Elles sont un levier pour l'investissement et pour l'action publique sur l'ensemble de nos territoires.
Concernant la compensation de la taxe d'habitation, je suis prêt à offrir une bouteille d'Armagnac à tous les maires qui me montreront que la taxe d'habitation n'a pas été compensée à l'euro près. La taxe d'habitation a été compensée à l'euro près avec une recette répondant à la même dynamique.
Nous avons pu écouter la liste des misères que l'État vous fait subir depuis quelques dizaines d'années, qu'il s'agisse de l'absence de compensation des transferts de compétences, la non-compensation financière, etc. Je voudrais vous donner en retour quelques chiffres sur le bloc communal à fin février.
L'investissement du bloc communal sera proche de 40 milliards d'euros en 2023, soit une augmentation de 8 à 9 % par rapport à 2022 et de près d'un tiers par rapport à 2017. C'est une croissance beaucoup plus forte que l'inflation qui a été de 19 % sur la même période. C'est une bonne nouvelle. Le bloc communal se porte plutôt bien et je m'en réjouis.
L'épargne brute du bloc communal sera quant à elle proche de 22 milliards d'euros en 2023, soit une hausse proche de 10 % comparativement à 2022 et d'un tiers par rapport à 2017. Je m'en réjouis également. C'est un résultat qui est dû au formidable travail des maires mais probablement aussi à un équilibre du soutien que l'État apporte pour permettre ces résultats.
Enfin, nous sommes dans un contexte international extrêmement compliqué auquel s'ajoute un ralentissement économique extrêmement important. Une douzaine de pays européens ont ainsi connu une récession en 2023. La France n'est pas une île et nous devons tenir compte de cette réalité.
Notre pays doit faire des économies. Les 10 milliards d'euros d'ores et déjà annoncés concernent exclusivement l'État mais il n'est pas exclu que les économies à venir pour clore le budget 2024 et pour le budget 2025 soient étendues à l'intégralité de la dépense publique.
J'en viens maintenant à mes questions.
Nous avons eu de grands débats à l'Assemblée sur l'indexation des valeurs locatives et nous nous sommes battus pour la fixer à 7,1 %. Considérez-vous que ces valeurs doivent être désindexées et laissées à l'appréciation des communes ?
Le FPIC (Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales) est figé depuis très longtemps. Considérez-vous qu'il soit sain d'augmenter le niveau de péréquation entre les différentes collectivités ?
Je serais également intéressé d'entendre vos pistes sur l'évolution de la DGF dans le cadre de la mission confiée au CFL par le Président de la République.
Vous souhaitez retrouver de l'autonomie fiscale. Dont acte. Auriez-vous des précisions sur le type d'impôt que vous souhaiteriez rétablir ou pouvoir moduler ?
Je vous remercie Monsieur Cazeneuve d'avoir salué le rôle des maires. C'est un soutien moral que nous prenons.
Nul ne conteste la nécessité pour l'État de jouer parfois le rôle d'amortisseur ni la pertinence des mesures mises en œuvre tant au début de la crise covid qu'au moment de la crise énergétique. Je remarquerai cependant que cette crise énergétique est aussi la conséquence du démantèlement de la filière nucléaire décidé par les mêmes qui ont ensuite compensé. La situation aurait été bien différente s'il n'y avait pas eu cette loi de programmation qui prévoyait la fermeture de quatorze réacteurs, dont la fermeture effective de Fessenheim, et le non-entretien du parc nucléaire. Nous avons été privés d'une énergie pilotable, décarbonée et bon marché.
Sur la compensation de l'État – ce n'est pas la position de l'AMF – la prolongation du quoi qu'il en coûte alors que nous étions informés de la létalité et de la transmission du virus, et que d'autres pays avaient abandonné la compensation financière de restrictions de libertés, s'est traduite par une augmentation de la dette de l'État.
Cependant, cette augmentation n'a représenté qu'environ un quart des 800 milliards d'euros de hausse de la dette de l'État depuis sept ans. Les trois quarts restants sont liés à des dépenses de l'État sur d'autres fonctions.
Je crois qu'il existe une différence fondamentale entre nous. Tout d'abord, nous sommes très attachés à l'État et ce d'autant plus que nous en sommes une constituante en tant que citoyens et en tant que maires. Nous sommes très attachés à un État à sa juste place et au service de la société et de la volonté populaire. Cela s'appelle la démocratie.
De plus, nous ne voulons pas simplement libérer les collectivités territoriales. Nous voulons aussi libérer l'État des surcharges qu'il s'est confiées et qui le paralysent dans son action. Nous voulons sortir d'une relation que nous considérons comme infantilisante de devoir chaque année nous battre pour obtenir les compensations de l'État.
Vous estimez que nous devons être des exécutants. Vous avez raison, mais uniquement en ce qui concerne les missions d'autorité de l'État. Le reste appartient à la démocratie locale et c'est à nous – et aux habitants qui nous ont mandatés – de décider ce que nous devons et pouvons faire. C'est une question fondamentale et à titre personnel, je crois que l'efficacité de l'organisation de l'appareil public viendra de cette responsabilité locale.
Quant au contexte international, il nécessite effectivement de revenir à une autorité de l'État sur le plan militaire, diplomatique, c'est une évidence. Vous remarquerez que plus l'État a mis sous tutelle les collectivités territoriales, moins il a disposé de moyens pour assumer ses fonctions régaliennes et relever les défis de notre temps. Nous sommes là au cœur de l'organisation des pouvoirs publics, de la décentralisation, de la déconcentration des services de l'État, et d'un principe qui devrait être au centre de l'action publique et qui est celui de la subsidiarité. Nous sommes les promoteurs et les défenseurs de la subsidiarité. C'est le seul moyen de faire respirer les collectivités locales et de redonner à l'État sa capacité d'action.
Je tiens par ailleurs à vous rassurer, les communes et les maires de France ne demandent pas une augmentation de la pression fiscale. Par contre, contrairement à la doxa qui nous est servie quotidiennement, je constate que la France détient le record des prélèvements obligatoires, impôts et charges. C'est une réalité qui doit être appréciée au prisme de la perte d'autonomie fiscale locale.
Nous pensons que dans une logique d'esprit civique, la fiscalité locale doit être sur la base d'un impôt universel avec la prise en compte des réalités particulières de ceux qui sont en souffrance et en difficulté. Mais les maires de France ne demandent pas pour autant une hausse de la fiscalité.
J'ajouterai qu'il n'y a pas de position de l'AMF sur la question de la désindexation des valeurs locatives. Si l'indexation correspond au respect de la parole de l'État, nous pourrions tout à fait imaginer un système de libertés, y compris sur la valorisation des bases. Je ne prends pas parti mais c'est une réflexion que nous pourrions mener.
Je voudrais pour ma part rappeler trois principes constitutionnels : la libre administration, l'autonomie financière, et la subsidiarité. Aujourd'hui, nous avons le sentiment que ces trois principes sont largement mis à mal. Il serait d'ailleurs peut-être opportun d'interroger le Conseil constitutionnel sur la réalité du respect de ces éléments constitutifs de la décentralisation et constitutionnels. Il n'est ainsi pas possible de parler de libre administration dès lors que nous n'avons quasiment plus aucune marge de manœuvre en matière financière.
Sur les 10 milliards, le flou persiste car Bercy n'est pas très précis. Nous avons donc mené nos propres travaux, que nous soumettons à la contradiction. Si Bercy souhaite les contester, nous y serons tout à fait attentifs.
Je me suis bien évidemment réjoui lorsque le ministre de l'économie a expliqué que nous ne serions absolument pas touchés par ce plan d'économies. Lorsque nous avons examiné les premiers éléments, je me suis désolé.
Les actions en termes de cohésion de territoire sont impactées à hauteur d'un peu plus de 700 000 euros.
Sur l'écologie, le développement durable et les mobilités, l'impact est supérieur à 2 milliards d'euros.
Il est de 400 millions d'euros sur l'enseignement scolaire et de plus de 80 millions d'euros sur les outre-mer.
Sur le programme Sport, jeunesse et vie associative financé à plus de 80 % par les collectivités, l'impact atteint 180 millions d'euros.
Au total, l'impact estimé s'établit entre 3,7 et 3,8 milliards d'euros. C'est une estimation que je vous soumets et je suis prêt à en débattre avec le ministre de l'économie ou le ministre des comptes publics. Quand il est annoncé que le plan d'économies ne touche ni les collectivités territoriales ni l'action locale, c'est faux.
Concernant la DGF, je précise que le comité des finances locales n'a jamais été missionné officiellement. À l'heure où je m'exprime, nous n'avons reçu aucune lettre de mission ni moyens supplémentaires pour mener à bien ce travail. Je rappelle que le président du CFL n'a aucun collaborateur.
J'ai donc décidé avec l'appui unanime du Comité des finances locales de nous autosaisir de ce sujet. Nous travaillons notamment sur une véritable définition des charges, qui sont très différentes selon la nature la commune ou de l'intercommunalité. Nous répertorions donc tous les critères de charges et nous essayons de définir un véritable indicateur de charges pour les actions des collectivités territoriales. Nous avons aussi travaillé sur les critères de ressources car il est important de travailler parallèlement sur les deux sujets.
Lorsque j'entends le ministre expliquer qu'un projet de loi de finances rectificative ne peut être exclu après le plan d'économies de 10 milliards d'euros, et que nous savons qu'une ponction de 20 milliards d'euros est d'ores et déjà actée pour 2025, alors je m'interroge sur la capacité à engager une réforme de la dotation globale de fonctionnement. Il faut être clair. Il n'y aura pas de réforme possible de la DGF en l'absence d'abondement de la DGF. C'est la position unanime du Comité des finances locales.
Nous travaillerons et nous essaierons de sortir quelques propositions dont nous estimerons le coût. Il reviendra ensuite à l'État de prendre ses responsabilités en accordant ou non les moyens nécessaires à cette réforme.
Sur le FPIC, les critères sont obsolètes et il faut les retravailler. Par ailleurs, il faudrait en réalité deux fonds de péréquation, un fonds communal et un fonds intercommunal. C'est sur cette base que nous essaierons de travailler pour une péréquation plus juste et mieux dotée. Une péréquation efficace est en effet une condition essentielle d'une décentralisation réussie.
Au sujet de la contribution universelle, celle-ci a été votée lors de notre dernier congrès à l'unanimité. Nous sommes favorables à une contribution universelle. Nous voulons qu'il existe un lien entre le citoyen et la collectivité.
Cela ne signifie pas qu'il faille augmenter les impôts. Par contre, la part des impôts nationaux qui nous sont dévolus peut être abaissée et complétée par la mise en place d'une contribution universelle.
Une contribution universelle peut être instaurée à fiscalité constante, à condition que la volonté politique existe. Si nous ne rétablissons pas le lien entre le citoyen et la collectivité, alors c'est la démocratie qui est abîmée.
Je voudrais revenir sur l'investissement du bloc communal. Il ne s'agit pas de se réjouir ou non de son niveau mais plutôt de faire en sorte que les maires et les intercommunalités puissent exécuter le mandat qu'ils ont reçu des habitants. C'est notre philosophie, c'est la subsidiarité.
À propos de la réalité de l'investissement, je rappelle que nous étions l'année dernière à mi-mandat. Vous savez comme moi que c'est le pic des investissements du mandat. Il faut donc comparer cette année avec son équivalent sur les mandats précédents.
La période 2014-2020 a été marquée par un effondrement de l'investissement en raison des prélèvements de l'État sur la DGF. C'est donc plutôt avec 2008, troisième année du mandat précédent, que la comparaison est la plus pertinente. Nous constatons alors un montant de 34 milliards en euros constants, soit un montant identique à 2023 qui traduit donc l'absence de dynamique de croissance. C'est un élément troublant car il existait historiquement une dynamique de croissance de l'investissement du bloc communal.
Je me permettrai par ailleurs de poser une question en tant que citoyen. Les économies de l'État que vous évoquez sont-elles de vraies baisses dont nous avons besoin pour rétablir les comptes publics où sont-elles une diminution des dépenses de l'État ?
Monsieur Laignel, je suis preneur des chiffres dont vous disposez. Ils pourraient d'ailleurs peut-être renseigner les ministères sur les conséquences des baisses qui leur sont demandées.
Nous passons aux interventions des orateurs de groupes.
Vous avez indiqué que le rétablissement des comptes était une de vos préoccupations. Il doit passer par toutes les sphères de la dépense publique mais force est de constater qu'à ce jour, le décret ne prend aucun euro aux collectivités. Les transferts financiers de l'État aux collectivités augmentent entre 2023 et 2024.
Dès lors, faut-il élargir l'objectif de maîtrise des transferts aux collectivités en intégrant la TVA ?
Ensuite, quels leviers sont-ils envisageables en matière de recrutements ? Je rappelle qu'il y a eu 58 000 emplois publics supplémentaires l'an dernier, quelle est la part de l'emploi public territorial dans cette dynamique ? Nous savons par ailleurs que l'absentéisme est plus élevé dans la fonction publique territoriale que dans l'État ou dans le privé. Comment y remédier ?
S'agissant des recettes, vous évoquez le lien essentiel entre les collectivités et les citoyens via l'impôt. Je comprends de vos propos que vous remettez en cause la suppression de la taxe d'habitation et de la CVAE. Est-ce à dire que vous souhaitez rétablir ces impôts ou que vous souhaitez y substituer une autre imposition ? Vous avez proposé Monsieur Lisnard un impôt résidentiel. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Enfin, que pensez-vous de la plus-value apportée par la Métropole du Grand Paris, qui se contente de redistribuer les sommes que les maires lui fournissent ?
De 2018 à 2020, les contrats de Cahors ont déjà encadré les dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Or Monsieur Le Maire a annoncé la semaine dernière que les collectivités territoriales devront contribuer à la baisse de 10 milliards d'euros des dépenses publiques en 2024, sans parler des 20 milliards d'euros en 2025 ni des 50 milliards d'euros d'ici 2027.
Le Gouvernement expliquait fin 2022 que les collectivités concernées qui dépassent les limites fixées se verraient réduire ou priver de leur dotation d'État. Cela pourrait éventuellement concerner la DGF et ainsi mettre à mal la libre administration des collectivités locales.
Sur la DGF, des travaux de réflexion sont en cours. Selon les maires, plusieurs critères présentent des inconvénients et pourraient être remplacés. Où en êtes-vous de ces travaux ?
Enfin, face la crise du logement, vous défendez une décentralisation pour redonner du pouvoir aux maires et libérer du foncier existant. Ce transfert de compétences ne risquerait-il pas de s'effectuer sans compensation ? Ne serait-il pas alors un piège ?
Nous entendons régulièrement de la part du rapporteur général que les communes ne se portent pas si mal. Ainsi, l'épargne brute n'aurait jamais été aussi favorable dans les communes et il faudrait les pousser voire les contraindre à mobiliser cette épargne plutôt que d'écouter vos complaintes habituelles.
Les notes de la Banque postale ou de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales sont pourtant éclairantes sur ce sujet. L'épargne brute des communes de moins de 3 500 habitants a augmenté d'autant plus vite que les communes sont plus petites. Par contre, l'épargne brute des communes entre 3 500 et 100 000 habitants a baissé. Pour toutes les communes, les inégalités se sont renforcées. Les communes riches sont plus riches et les communes pauvres sont plus pauvres.
Si donc l'épargne brute progresse globalement, c'est parce qu'elle est tirée par les petites communes qui ne peuvent pas investir tandis que les communes qui sont le socle de l'investissement dans les territoires sont à la peine. Confirmez-vous cette analyse ? Pensez-vous qu'elle justifie une réduction du nombre des collectivités ?
Les difficultés à l'investissement sont d'autant plus préjudiciables que les enjeux économiques sont forts et devront mobiliser beaucoup de moyens. L'Institut des économistes pour le climat estime que l'État devrait appuyer les collectivités avec les investissements verts à hauteur de 7 milliards d'euros. Or 5 milliards ont été demandés par les collectivités en 2023 et 2 milliards d'euros ont été octroyés par l'État. Quel bilan tirez-vous de cette première année des fonds Verts ? Comment cette enveloppe se ventile-t-elle selon les strates communales ? Avez-vous des informations sur l'annulation d'un demi-milliard de ce fonds ? Comment jugez-vous cette annulation ?
En premier lieu, je veux saluer l'engagement des maires et leur mobilisation de chaque instant. Ils sont les interlocuteurs de proximité qui participent à la confiance des citoyens.
Je partage également votre propos et nous regrettons au niveau des Républicains cette perte d'autonomie fiscale qui est contraire à la libre administration. Nous le voyons tous les jours, une commune ou une collectivité ne peut pas réaliser des investissements sans avoir recours à des subventions de type DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) ou DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) au niveau du bloc communal.
Sur les 10 milliards d'euros, nous regrettons également de ne pas avoir plus de précisions. Nous avons demandé au ministre le détail au sein des programmes et missions par action, il nous a été répondu que ce serait pour fin mars.
Quel est votre avis sur le mécanisme de détermination des bases de taxe foncière, et notamment des valeurs locatives ?
Avez-vous été auditionnés par la mission Woerth dans le cadre de la mission confiée par le Président de la République ?
Comme vous l'avez dit, le logement est une bombe sociale. Dans les territoires ruraux, nous avons une véritable problématique compte tenu de la législation de l'urbanisme et des questions de ZAN et de réglementation incendie. Quelles sont vos propositions en la matière ?
Monsieur le président Lisnard, en marge du dernier congrès de l'Association des maires de France vous affirmiez à la presse que les maires demandaient un vrai pouvoir de décision et les moyens qui vont avec, en dénonçant une véritable recentralisation.
Dans le cadre du PLF 2024, des mesures ont été votées pour redonner du pouvoir fiscal aux élus locaux. Je veux parler de la possibilité pour les communes et les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) d'exonérer de taxe d'habitation les œuvres ou organismes d'intérêt général ou encore l'assouplissement de la règle de liaison du taux de taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Que pensez-vous de ces mesures ? Ne donnent-elles pas plus de liberté aux communes en matière de fiscalité ? Avez-vous d'autres propositions à nous soumettre ?
Face à la complexité, quelles actions déployez-vous pour permettre aux maires de s'approprier tous les outils dont ils disposent en matière de modulation de la fiscalité ? Certaines possibilités ne sont-elles pas encore trop méconnues ?
Par ailleurs, considérez-vous que les évolutions récentes de l'organisation territoriale avec notamment la politique de différenciation ont été accompagnées d'une clarification suffisante des mécanismes financiers de l'action locale, qu'il s'agisse des ressources fiscales propres ou des concours financiers de l'État ? Que préconisez-vous pour assurer le lien entre l'étendue des compétences et les ressources financières ?
Concernant le statut des élus municipaux, la revalorisation des indemnités est une des réponses les plus attendues. Quelles propositions faites-vous sur un sujet à fort impact budgétaire pour de nombreuses communes ?
Je partage globalement les propos de Messieurs Lisnard et Laignel. Je veux aussi saluer l'action et le dévouement des maires de toutes les communes de France, saluer leur rôle de proximité et dire aussi mon inquiétude sur la montée des violences à leur encontre, qu'elles soient verbales ou physiques.
Ma première question portera sur la taxe d'habitation et sa réforme. Cette réforme n'a pas été précédée d'étude d'impact, ce qui est terrible pour une telle réforme structurelle. Cela explique d'ailleurs le fiasco de l'été dernier avec GMBI (Gérer mes biens immobiliers). Avez-vous objectivé a posteriori les impacts de cette réforme sur la construction de nouveaux logements sociaux ?
De la même façon, la fin ou presque de la CVAE est un frein à l'activité économique. Avez-vous objectivé et mesuré ce phénomène ?
Concernant les critères de répartition de la part dynamique de la CVAE, le dernier décret a gardé les critères en vigueur. Ils devraient également être conservés en 2025 mais avec des effectifs calculés différemment. Quelle est la position de l'AMF ?
Le Premier ministre a proposé d'ajouter une part les logements intermédiaires dans le calcul de l'objectif de 25 % de logements sociaux, c'est-à-dire de bouleverser la loi SRU. Je voulais savoir quelle était la position de l'AMF.
Enfin, qu'attendez-vous de la mission Woerth ?
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal évoquait un sujet que nos maires connaissent bien, la loi SRU sur le logement social. Il a annoncé la prise en compte des logements intermédiaires dans le calcul des 25 % de logements sociaux sur la commune concernée. Il a aussi indiqué que les pouvoirs des maires dans l'attribution des logements sociaux des communes seraient renforcés, sortant ainsi du schéma actuel d'attribution au travers d'une commission dédiée.
Comment accueillez-vous ces annonces qui semblent aller dans le sens de la prise en compte des élus locaux ?
Quel impact cela pourrait-il représenter pour les budgets des communes, qui pour certains sont lourdement grevés par les amendes de non-conformité aux réglementations SRU en vigueur ?
Nous parlons beaucoup à raison des 10 milliards d'euros de coupes budgétaires décidées de manière unilatérale par le Gouvernement, deux mois seulement après la loi de finances et sans consultation du Parlement ni des acteurs touchés. 20 milliards d'euros d'économies ont été annoncés pour 2025 et doivent d'ores et déjà nous inquiéter, tout comme l'estimation de la Cour des comptes de 50 milliards d'euros d'économies supplémentaires nécessaires.
Une étude de l' Institute for Climate Economists et de la Banque postale sur le financement de l'action climatique des collectivités territoriales identifie justement la mobilisation de ressources fiscales par les collectivités comme un des tabous à lever.
Depuis 2017, la fiscalité locale a connu de grands bouleversements. Les suppressions de la taxe d'habitation sur la résidence principale et de la CVAE ont cassé les outils de pilotage des ressources et brisé le lien démocratique entre la commune et ses habitants.
Les recettes de collectivités se retrouvent fortement soumises à la conjoncture économique, et plus particulièrement à la consommation par le biais de la TVA. Or la Cour des comptes considère les prévisions du Gouvernement comme trop optimistes.
Couper dans les dépenses et supprimer des recettes est une politique d'étranglement. Face au mur de l'investissement pour la transition écologique et sociale, nous ne pourrons échapper à une revue des recettes. Quelles sont vos attentes et propositions en termes de réforme fiscale à destination des collectivités ? Que pensez-vous de l'idée émergente d'une contribution fiscale locale des entreprises et des particuliers ?
Face aux urgences climatique, sociale, démocratique, il ne paraît pas opportun de rogner les capacités du bloc communal ni de recentraliser les choix de politique publique. Cela revient à se priver des capacités de répondre à ces trois urgences.
Je voudrais revenir sur l'amélioration de l'épargne brute et nette des collectivités locales soulignée par le rapporteur général. La strate des communes de 3 500 à 100 000 habitants connaît une baisse de son épargne brute. Or, il s'agit de la strate à laquelle il est demandé d'investir pour porter l'architecture territoriale et d'embaucher pour porter des projets.
La DGF du bloc communal représente 18,5 milliards d'euros, soit 16 à 17 % des ressources de fonctionnement. Il y a dix ans, cette part s'élevait à 35 %. Le groupe GDR a porté une proposition de loi sur l'indexation de la DGF qui représenterait 600 millions d'euros supplémentaires pour le bloc communal en 2024. Que pensez-vous de cette proposition qui permettrait au CFL de lancer peut-être un projet de réforme ?
Concernant les 20 milliards d'euros d'économies attendus en 2025, nous avons pu constater que les rentrées de TVA baissaient. Quel sera l'impact pour les collectivités territoriales dans le cadre de la compensation par la TVA ?
Selon le rapport du Gouvernement au Parlement relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales publié en 2023, l'autonomie financière du bloc communal a augmenté de + 4,7 points entre 2012 et 2021 à 70,3 %. En revanche, leur autonomie fiscale est tombée à 35,8 % sur la même période, en baisse de - 4,4 points. Quelles sont globalement les propositions de l'Association des maires de France pour augmenter l'autonomie fiscale des communes ?
Avec la suppression de la taxe d'habitation sur la résidence principale, le lien entre les citoyens électeurs et les citoyens contribuables n'a cessé de se distendre. Quelles sont les idées de l'Association des maires de France pour restaurer ce lien entre les élus communaux et leurs électeurs ? La piste de la CSG en substitution de parts d'impôts nationaux vous paraît-elle possible avec un fonds de péréquation ?
Nous constatons par ailleurs une réduction très importante de la fiscalité locale sur les entreprises. Dès lors, comment inciter les communes et les intercommunalités à investir dans des équipements d'accueil d'entreprises alors qu'elles n'en ont désormais que très peu de retour financier ? Un impôt additionnel sur les bénéfices des entreprises avec un fonds de péréquation en substitution des parts d'impôts nationaux vous paraît-il possible ?
Concernant l'augmentation des recettes aux collectivités, je répète que les maires et les présidents d'intercommunalités n'ont pas vocation à quémander des transferts aux collectivités.
Nous demandons le respect d'un principe constitutionnel et nous voulons aussi, dans un souci d'efficacité et de performance publique, créer de l'émulation et de la responsabilité locale. Il est important que nous puissions faire des choix pour relever les défis auxquels nous devons faire face et faire vivre la démocratie locale. Je refuse ce débat qui nous enferme dans une mise sous tutelle infantilisante.
La problématique de l'évolution des recrutements est sourcée et publique. Elle correspond à une évolution des charges. Ainsi par exemple, les effectifs des polices municipales ont progressé de + 31 % depuis quinze ans. Est-ce une erreur ?
De même concernant le recrutement des AESH, faut-il s'occuper des enfants handicapés ou non ? Nous pensons qu'il le faut. Il existe parfois un techno-populisme sur ces questions qui nous heurte. Il n'est pas possible de nous obliger à remplir des missions et nous reprocher ensuite de les assumer.
L'absentéisme est une vraie question. Je ne connais pas un président d'exécutif local qui ne cherche pas à réduire l'absentéisme dans sa collectivité. Nous avons d'ailleurs été heurtés par les propos du ministre de l'économie qui sous-entendent que les collectivités ne sauraient pas gérer l'absentéisme alors que l'État y parviendrait mieux que le privé. Les chefs d'entreprise apprécieront.
Il ne faut pas oublier que la pyramide des âges n'est pas la même et que les effectifs de la fonction publique territoriale sont en moyenne plus âgés que ceux de la fonction publique d'État. De plus, les agents de catégorie C sont beaucoup plus nombreux dans la fonction publique territoriale. Ces agents occupent des fonctions opérationnelles qui les exposent beaucoup plus aux risques du travail. Ce ne sont pas des tricheurs.
Au sujet du lien entre impôt et entreprises, je répéterai encore une fois que je considère que la performance ne peut venir que de la responsabilité. Si nous voulons une sobriété fiscale, il faut pouvoir rendre des comptes aux contribuables et donc pouvoir lever l'impôt. Cela explique que la recentralisation fiscale se soit traduite par une augmentation des prélèvements obligatoires. C'est la conséquence de la déresponsabilisation.
Si vous voulez inciter les intercommunalités et les communes à accueillir des entreprises, il faut qu'elles puissent collecter des recettes qui leur permettront d'en supporter les externalités négatives. Il faut donc bien évidemment un lien fiscal entre le bloc communal et les entreprises. C'est la façon la plus saine d'être compétitif sur le plan fiscal.
Concernant la Métropole du Grand Paris, l'AMF ne commente pas la gestion des autres collectivités. J'ajouterai néanmoins que nous avons un principe de base qui est celui de la subsidiarité. Par conséquent, nous sommes d'ardents défenseurs de l'intercommunalité mais des pourfendeurs de la supra-communalité.
S'agissant de l'intervention du groupe Rassemblement National, nous sommes évidemment favorables à une décentralisation de la politique du logement. Nous avons d'ailleurs publié un document validé par l'intégralité des maires de France qui contient vingt-cinq propositions pour relancer la politique du logement.
Cependant, avant de décentraliser la politique du logement, nous demandons une définition de la politique actuelle du logement. Il y a effectivement un piège potentiel en la matière.
S'agissant des questions du groupe LFI, les 10 milliards d'économies annoncées auront bien une incidence sur les collectivités avec d'ailleurs des contradictions entre l'affichage de la décarbonation et la réalité des moyens qui y sont consacrés. L'Institut des économistes pour le climat a ainsi estimé que le respect de la trajectoire bas carbone la moins ambitieuse nécessiterait d'investir 12 milliards d'euros par an dans les collectivités. Si la montée en puissance est réelle sur les dernières années, il manque encore 6 milliards d'euros par an.
Outre la baisse du fonds Vert, je voudrais aussi signaler la baisse des crédits affectés au programme Paysages, eau et biodiversité ainsi qu'au programme Prévention des risques. Ces baisses nous affectent directement.
De même, le très haut débit est une nécessité stratégique. Or le plan France très haut débit perd - 40 % de ses crédits.
Sur la mission Woerth, nous avons reçu Monsieur Woerth qui nous a indiqué qu'il ne remettrait pas en cause le nombre de strates. Lors de l'entretien, nous avons rappelé quelques principes sur la subsidiarité, la décentralisation et la nécessité d'une clarté dans l'affectation fiscale. Nous avons également suggéré qu'il y ait une typologie de fiscalité par strate.
Sur le logement, nous sommes dans le règne des injonctions contradictoires. Il peut vous être imposé par la puissance d'État de réaliser des logements pour respecter l'objectif triennal et recevoir dans le même mois un porter à connaissance d'interdiction stricte de constructibilité de votre commune. Il faut sortir de ces contradictions qui sont trop nombreuses. Le droit de l'urbanisme est devenu très abscons et très compliqué. Quant au code général des collectivités territoriales, son volume a doublé en vingt ans.
L'exonération de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires pour les organismes d'utilité publique est décidée après délibération des collectivités territoriales. L'AMF n'y est pas opposée.
Sur la déliaison des taux, nous la demandons depuis longtemps. Cependant, force est de constater que les modalités proposées dans le projet de loi de finances 2024 sont incompréhensibles et inapplicables.
Par ailleurs, nous proposerons bientôt une contribution avec des constitutionnalistes sur la différenciation. Nous sommes pour la liberté et la responsabilité locales mais nous voulons que la loi soit la même sur le territoire national. Il y aurait une aberration à considérer que la loi étant devenue tellement absconse il faut pouvoir s'en exonérer localement. Il ne peut y avoir des compétences différentes au sein de strates équivalentes.
Nous ne demandons pas un droit à la dérogation mais des lois qui soient applicables partout. Cela implique que la décentralisation soit un transfert du pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales. Beaucoup des dispositions d'application des textes législatifs devraient être du ressort de la délibération locale et non de la réglementation nationale. Cela permettrait de retrouver une liberté locale tout en respectant le principe d'une loi impersonnelle et universelle.
Concernant le statut des élus municipaux, un texte de loi conçu avec le Sénat et le Gouvernement devrait vous parvenir prochainement. Il correspond à l'essentiel des propositions des maires de France et comporte beaucoup de bonnes dispositions pour sécuriser l'exercice du mandat communal à l'exception de son article 23 qui est une ineptie ajoutée par amendement au Sénat et qui jette une suspicion inutile et malvenue sur les maires.
Je confirme par ailleurs que nous avons objectivé les effets de la TH. Nous voulons néanmoins en débattre car il existe une différence de vues entre l'exécutif et la majorité relative parlementaire, d'une part, et l'approche de l'AMF et du Comité des finances locales, d'autre part.
En ce qui concerne la fiscalité environnementale, je crois qu'il est absolument nécessaire de revoir l'architecture totale de la fiscalité en France. La fiscalité doit correspondre à une disposition d'ordre public au sens le plus juridique du terme qui est celle du coût des externalités négatives contre lesquelles nous devons lutter. La fiscalité est un outil de financement mais c'est aussi un outil de régulation. Il me semble qu'au XXIe siècle, la lutte contre la part anthropique du changement climatique doit se traduire dans la fiscalité.
Au sujet de l'intervention de Charles de Courson, nous estimons que la véritable autonomie ne peut provenir que de la liberté de taux. Il ne peut pas y avoir de responsabilité si cette autonomie est proportionnelle à notre capacité à obtenir de l'argent de l'État. Quant aux pistes évoquées, elles me semblent pertinentes. Il faut des impôts à assiette large et la CSG en est un. La proposition relative à la fiscalité des entreprises me paraît également intéressante mais il faudrait l'évaluer.
À propos de la réforme potentielle de la DGF, je confirme que nous étudions les différents critères. Ainsi, nous préférons le revenu médian au critère actuel de revenu par habitant. Nous souhaitons aussi réinterroger le critère voirie et nous nous interrogeons sur la pertinence d'un critère d'effort fiscal sur lequel nous avons de moins en moins d'influence.
De même quelle est la signification d'un potentiel fiscal souvent perturbé par les évolutions fiscales ? Quelle est sa pertinence dès lors que vous ne pouvez plus prélever l'impôt ? Le potentiel financier a également des défauts car il intègre des recettes sans déduire les dépenses correspondantes.
Il y a toute une série de sujets qui doivent être examinés. Apporterons-nous des réponses plus satisfaisantes et plus lisibles que nous aurons les moyens de mettre en œuvre ? C'est un sujet.
Concernant le principe de l'indexation de la DGF, nous y sommes favorables. C'est indispensable pour éviter que la DGF soit une peau de chagrin qui se réduise d'année en année. Même si la DGF a légèrement progressé (+1,2 %), elle diminue en termes réels (l'inflation s'est élevée à + 6 % pour les actions municipales). Le pouvoir d'action des collectivités est en grave recul.
Sur l'épargne brute et l'épargne nette, il faut affiner l'analyse. S'il est exact que l'épargne nette a globalement augmenté de + 4,9 % en 2022 pour le bloc communal, cette augmentation masque de très fortes disparités. Ainsi, l'épargne nette progresse pour les communes de moins de 5 000 habitants mais elle se contracte pour les villes de 5 000 habitants et plus (la baisse atteint -11,3 % pour les villes entre 5 000 et 50 000 habitants), là où les dépenses d'investissement sont les plus importantes. Ce sont les chiffres du rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales, adopté à l'unanimité par le Comité des finances locales.
L'analyse de la trésorerie des collectivités mérite également d'être approfondie car ici encore, les disparités sont fortes en fonction de la taille des communes. La trésorerie atteint ainsi 581 jours de dépenses de fonctionnement pour les communes de moins de 500 habitants mais 26 jours pour les communes entre 5 000 et 100 000 habitants et 98 jours pour les communes entre de 10 000 à 50 000 habitants.
Cette trésorerie abondante des communes les plus petites s'explique par ailleurs par une raison simple. Ces communes procèdent le plus souvent à un seul investissement pendant toute la durée du mandat et cette trésorerie correspond donc à l'épargne nécessaire à la réalisation de ce projet.
Il faut vraiment que nous soyons de plus en plus fins dans l'analyse et que nous soyons capables de considérer systématiquement les différentes strates de population et les types de communes. Les villes centres ont en effet des charges et des obligations spécifiques et c'est pourquoi nous cherchons à définir les charges de centralité dans le cadre de la réforme de la DGF. C'est essentiel pour une DGF plus lisible et plus juste.
Sur les valeurs locatives, nous demandons leur révision depuis de nombreuses années. C'est malheureusement un dossier qui est en panne depuis des décennies.
Concernant la revue des recettes, je confirme qu'elle est nécessaire. Couplée à la revue des dépenses, elle permettrait d'objectiver utilement un certain nombre de sujets et d'éclairer utilement les débats. Notre souhait ne semble cependant pas partagé, comme en témoignent nos demandes répétées sur la CVAE depuis un an qui sont pour l'instant restées sans réponse. C'est regrettable.
Quant à la décentralisation, elle est en recul manifeste. C'est un grand tort pour notre pays.
De nombreux maires ruraux expriment leur mécontentement et leur inquiétude face au nouveau dispositif France ruralités revitalisation (FRR) qui remplace les Zones de revitalisation rurale (ZRR) en excluant nombre de communes. Ainsi dans le Doubs, un tiers des communes classées en ZRR sortiraient de la nouvelle classification.
Le Gouvernement semble vouloir instaurer un moratoire pour les départements fortement impactés. Que pensez-vous de cette nouvelle classification ? Avez-vous entendu l'inquiétude des maires ruraux qui appréhendent aussi la suite de ce moratoire ?
L'Association des maires de France est la plus grande association de maires ruraux et à ce titre, nous avons entendu cette préoccupation et nous l'avons exprimée.
Lors du comité directeur de l'AMF qui s'est tenu hier, nous avons pris une position commune et unanime pour demander l'évaluation d'un dispositif avant son application. Nous demandons une approche nationale d'évaluation rapide et non un moratoire au gré des souhaits préfectoraux car le dispositif doit entrer en application le 1er juillet 2024.
Vous avez clairement montré que les décisions prises au cours des dernières années ont eu un impact très direct sur les finances des communes. Ne faudrait-il pas organiser un débat public sur le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités, et plus particulièrement des communes ?
Je pense que ce principe n'est plus respecté car vos finances sont tellement contraintes que cette libre administration est largement amputée. Ne faut-il pas un nouveau débat avec l'État afin que la base de notre démocratie soit pleinement respectée ?
La réponse est oui, et nous le proclamons à chaque congrès des maires.
Les coupes budgétaires annoncées par le Gouvernement visent le fonds Vert indispensable à la transition énergétique mais aussi le haut débit et le scolaire, notamment le financement des AESH.
Alors que les collectivités ne disposent plus de moyens pour lever l'impôt, la dotation globale de fonctionnement est passée de 45 milliards d'euros en 2013 à 27 milliards d'euros aujourd'hui.
Quelles sont selon vous les réformes politiques à mettre en œuvre pour permettre aux communes de renouer avec une véritable autonomie financière et rétablir la libre administration des services publics locaux ?
Que pensez-vous du rétablissement des tarifs réglementés de l'énergie pour les collectivités territoriales ?
Que pensez-vous de l'indexation sur les revenus des contribuables des outils fiscaux que nous souhaitons comme vous rétablir pour les collectivités ?
Au sujet de la baisse des crédits à la vie scolaire, je voudrais signaler que dans la loi de finances, le fonds d'aide aux animations périscolaires sera supprimé au 1er septembre 2024. C'est gravissime parce que nous avons besoin dans nos communes de ces animations périscolaires qui permettent aux jeunes d'être pris en charge par les collectivités. La suppression de ce fonds met en danger toute l'animation périscolaire menée aujourd'hui par des milliers de collectivités.
Que pensez-vous de la territorialisation des critères de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires ? Le critère du prix au mètre carré est bien différent selon les régions.
Le sujet de l'attribution de compensations revient souvent dans le cadre de la recherche de l'optimisation de la gestion entre les niveaux communaux et intercommunaux. Comment aider les présidents d'intercommunalités à rediscuter les pactes fiscaux ?
Concernant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, nous prônons pour la liberté et la responsabilité locales.
Sur les attributions de compensations, nous ne voulons pas imposer une doctrine de gestion. Il appartient à chaque intercommunalité de définir sa doctrine et nous souhaitons que chaque intercommunalité soir respectueuse du pouvoir de chaque maire.
Le texte sur l'extension du zonage retient trois critères : le taux de logements vacants, le pourcentage de résidences secondaires, le prix au mètre carré. Or ces critères sont définis au plan national. Je plaiderai plutôt pour une appréciation régionale.
L'AMF souhaite que le maximum de communes ait la capacité d'appliquer la taxe additionnelle sur les résidences secondaires. Chaque commune est ensuite libre de l'appliquer ou non et de rendre des comptes sur ses choix fiscaux.
J'ai été maire pendant seize ans et membre de l'Association des maires de France. J'ai toujours été un peu gêné sur le positionnement de l'AMF, très clivant par rapport à Bercy.
Nous avons en matière de fiscalité locale deux types de fiscalité : une fiscalité sur les stocks (taxe d'habitation, foncier bâti et autres) et une taxe sur les flux. Par ailleurs, les DMTO (payés par l'acquéreur) sont souvent évoqués contrairement aux plus-values immobilières (payées par les vendeurs). Que penseriez-vous d'une vraie réforme des plus-values immobilières avec un fléchage au titre des collectivités locales ?
L'AMF ne serait pas dans son rôle si elle laissait Bercy prendre le pouvoir sur les finances communales. Ce n'est aucunement une posture d'estimer que le ministère des finances a une propension à tutelliser, fiscaliser, etc. J'ajoute que les positions de l'AMF sont débattues et prises à l'unanimité.
La question sur la fiscalité des plus-values immobilières est intéressante mais elle est épineuse dans un contexte de prélèvements obligatoires très élevés. Elle doit s'inscrire dans une démarche globale et compte tenu du prix du foncier, il y a effectivement un enjeu.
Je voudrais revenir sur le rapport que vous avez publié très récemment sur le logement et plus particulièrement sur votre proposition numéro huit consistant à majorer la taxation des plus-values sur les cessions de terrains nus rendus constructibles.
Nous sommes face à une contradiction majeure. Comment concilier deux préoccupations majeures, la libération du foncier et la nécessaire maîtrise de la spéculation ?
À mon sens, il n'y a aucune contradiction puisque ces dispositions viseraient à lutter contre ce mouvement artificiellement spéculatif dont la cause est quand même la rareté du foncier. Cela ne peut néanmoins s'inscrire que dans une approche globale du foncier qui nous fasse sortir d'une approche punitive.
Ces derniers moins, de nombreuses communes ont connu une explosion des amendes liées au non-respect de la loi SRU. Je citerai notamment la commune de Saint-Mitre-les-Remparts dans les Bouches-du-Rhône qui a vu malgré ses efforts son amende augmenter de près de + 400 %. Quant à Mandelieu-la-Napoule dans les Alpes Maritimes, son amende est passée de 800 000 euros à 1,6 million d'euros malgré son impossibilité physique d'atteindre 25 % de logements sociaux.
Face à une loi qui n'est manifestement plus adaptée au contexte actuel et dont les conséquences financières pèsent lourdement sur les budgets des communes pénalisées, quelles pistes de réforme défendez-vous ?
La loi SRU est encore un sujet de discussions internes au sein de l'AMF. Il faut une loi qui permette de répondre au défi du logement social mais les réalités locales doivent être prises en compte.
La loi SRU se justifie par la volonté de mixité sociale dans la plupart de nos communes mais il faut être capable de s'adapter à la réalité de chaque territoire. C'est ma position, il n'y a pas de position officielle de l'AMF.
Les conséquences climatiques et les nombreuses dégradations que nous avons connues ces dernières années ont eu des répercussions inquiétantes sur la capacité des collectivités à s'assurer. Avez-vous pu rencontrer les assureurs à ce sujet ?
Concernant la DGF, il me semble que les disparités en euros par habitant constituent le sujet central. Il y a un sujet de répartition de la DGF.
L'AMF est consciente de la difficulté des communes à s'assurer. Une mission a été décidée avec le ministre de l'économie et des finances, qui a été confiée à Alain Chrétien, membre du bureau de l'AMF, et doit rendre ses conclusions d'ici quelques jours.
Il est évident qu'il y a des disparités dans la répartition de la DGF. C'est la raison pour laquelle nous voulons en revoir les critères d'attribution.
Je voudrais revenir sur votre estimation de 71 milliards d'euros de pertes cumulées de DGF depuis 2010 pour signaler qu'après des gels et des baisses jusqu'en 2017, la DGF a été largement stabilisée à partir de 2018 et a augmenté en 2023.
Dans un contexte de finances publiques difficiles, quelles évolutions souhaitez-vous pour la DGF dans les années à venir ?
Nous souhaitons une DGF qui évolue et qui nous permette de faire face aux charges qui sont les nôtres. Nous avons beaucoup de charges obligatoires et beaucoup de charges transférées en permanence et face à ces charges, il faut que nous ayons la capacité d'agir.
Quelle est votre position sur les contrats territoriaux relatifs aux relations entre les bailleurs sociaux et l'État ?
Dans vos vingt-cinq mesures relatives au logement, pouvez-vous préciser celles relatives à la lutte contre les logements vacants qui représentent 3 millions de logements.
Je ne peux pas vous répondre précisément sur les contrats. J'observe par contre que l'évocation de contrats dans le langage administratif se traduit souvent par une tutelllisation de plus de la part de l'État, qui décrète et flèche des objectifs en oubliant les communes et en imposant un choix intercommunal.
Concernant les logements vacants, nous pensons que leur fiscalisation devrait revenir aux communes.
Le logement constitue l'un des angles morts de l'action du Gouvernement depuis 2017. Le travail de concertation avec les collectivités locales en constitue un autre. Nous observons le transfert de compétences et de responsabilités supplémentaires avec le retrait de ressources propres et surtout avec peu voire sans allocations compensatrices.
Parmi vos vingt-cinq propositions en faveur du logement, vous faites un certain nombre de recommandations telles que la taxe unique du bloc communal pour encourager la remise en vente des logements vacants ou les taux variables d'une nouvelle part de DMTO. Pourriez-vous nous présenter un panorama d'ensemble sur la fiscalité locale au service de la politique du logement ?
Nous remercions David Lisnard qui doit nous quitter. André Laignel répondra aux dernières questions.
Je ne peux dresser un portrait d'ensemble des mesures fiscales souhaitables dans le domaine du logement en si peu de temps.
Nous avons sorti vingt-cinq propositions en fin de semaine dernière, je crois qu'elles méritent d'être regardées attentivement. Bien entendu, elles demanderont des développements proposition par proposition. Quoi qu'il en soit, c'est un sujet qui nous préoccupe.
J'aimerais revenir sur la part de logements intermédiaires dans le quota SRU. Quelle serait la bonne voie de passage selon l'AMF entre des communes déficitaires qui pourraient y voir une opportunité d'atteindre leur objectif et des communes qui ont déjà atteint leur objectif et qui pourraient y voir une dérogation difficile à accepter ?
C'est effectivement une dérogation difficile à accepter. Elle créerait des inégalités entre ceux qui ont fait des efforts et ceux qui n'ont pas voulu. Néanmoins, il faut que nous nous adaptions au terrain. Certaines communes sont dans une impossibilité physique d'atteindre cet objectif.
Nous savons que des maires ne souhaitent pas de mixité sociale. Je pense que l'intérêt national nécessite cette mixité sociale.
Vous avez mentionné la sophistication du code de l'urbanisme au détriment de sa lisibilité. Les maires ruraux ont de plus en plus de réunions et n'ont plus le temps d'exercer leur mandat et croulent sous la paperasse administrative. Quelles sont vos pistes simples face à cet empilement administratif qui décourage beaucoup de maires ruraux ?
Ma seconde question concerne les passoires thermiques. Il y a un vrai problème de logement et de foncier avec une baisse des fonds alloués à MaPrimeRénov'. Est-il raisonnable de ne pas éviter la disparition potentielle de 5 millions de logements du marché locatif d'ici 2028 ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur votre proposition de créer un véritable service public de rénovation énergétique pour l'habitat ?
Nous avons pris une décision forte qui est de donner à lire toutes nos propositions en matière de logement. Il y a six ans, nous avions fait une déclaration commune avec François Baroin pour dire que la politique du logement menée nous conduirait dans le mur. Malheureusement, nous y sommes. Il faut désormais une action profonde dans tous les domaines liés au logement et nous avons donc voulu formuler des propositions concrètes et précises. Elles sont ouvertes au débat.
La loi Maptam a conduit au transfert de la gestion des digues. L'État n'a pas du tout remis aux normes ces digues et les collectivités se retrouvent à devoir faire des travaux et à engager avec de la fiscalité locale – donc la solidarité locale et non plus nationale – des travaux pouvant atteindre 100 millions d'euros pour 30 000 habitants. Que pensez-vous de cette situation et comment y remédier ?
Par ailleurs, êtes-vous favorable au maintien du caractère optionnel du transfert de compétences Eau et assainissement aux intercommunalités ? En montagne, il y a une meilleure gestion de l'eau et de l'assainissement au niveau local. Le transfert aux intercommunalités serait plus coûteux et moins efficace.
En montagne, nous avons des communes très étendues lorsqu'elles se sont regroupées avec un nombre de conseillers municipaux très insuffisant pour y faire vivre la démocratie locale. Comment modifier la loi sur ce sujet ?
Nous avons dénoncé la situation des digues, qui est tout à fait irréfléchie. Il n'est pas acceptable d'imposer à des communes des travaux d'une telle ampleur sans intervention forte de l'État. Nous souhaitons donc que le dispositif soit revu.
Concernant l'eau et l'assainissement, la position de l'AMF est claire. Nous sommes favorables à la liberté de choix des intercommunalités et des communes. Nous sommes donc pour le maintien de la situation actuelle.
Des textes relatifs aux élections pourraient arriver prochainement. Des propositions sur le nombre de conseillers municipaux pourront être débattues dans ce cadre. Il faudrait peut-être introduire de la souplesse car les charges ne sont pas identiques dans tous les secteurs. C'est une réflexion à conduire, il n'y a pas aujourd'hui de doctrine arrêtée.
Merci pour cette audition passionnante, intéressante, et qui a rempli la mission qui lui incombait.
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La commission examine la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires (n° 1998) (M. Daniel Labaronne, rapporteur).
Chers collègues, nous examinons maintenant la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l'attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires. Ce texte est inscrit à l'ordre du jour du 19 mars.
Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat, permettra d'accompagner encore davantage les collectivités dans les efforts qu'elles réalisent en matière de transition écologique en réduisant le reste à charge pour les investissements relatifs à la rénovation des bâtiments scolaires.
Le présent texte s'inscrit dans la continuité de l'action menée par la majorité en faveur des collectivités et de leurs investissements depuis bientôt sept ans. Permettez-moi d'en brosser un rapide panorama.
Le soutien de l'État à l'investissement des collectivités territoriales a été croissant et massif. Les principales dotations de soutien à l'investissement des collectivités, la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux), la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), la DSID (dotation de soutien à l'investissement des départements) et la DPV (dotation politique de la ville) représentent plus de 2 milliards d'euros en 2024. Ces quatre dotations sont historiquement au plus haut, et je rappelle que le soutien à l'investissement a été renforcé pendant la crise sanitaire par la création d'une DSIL exceptionnelle. Ses moyens continuent, sous forme de crédits de paiement, à alimenter des projets dont près de la moitié finance la transition écologique.
À ces 2 milliards d'euros annuels de soutien à l'investissement local s'ajoutent 2 autres milliards issus du fonds Vert, créé en 2023 et reconduit en 2024. Là encore il faut mesurer le volontarisme de l'État sur lequel les collectivités peuvent s'appuyer pour sauter le « mur d'investissement » que représente la transition écologique.
Néanmoins, financer l'investissement n'est pas tout : il faut aussi donner aux collectivités les moyens de se saisir des outils mis à leur disposition et leur offrir un soutien à l'ingénierie. À cet égard, je veux saluer le travail de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui a été créée en 2019 afin de soutenir et de conseiller les collectivités pour la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets. L'ANCT joue ainsi un rôle central pour les projets de développement du territoire, dans le cadre d'Action cœur de ville, de Petites Villes de demain ou de Villages d'avenir. Ce dernier programme faisait partie de l'Agenda rural, dont les 181 mesures, prolongées par celles de France ruralités, sont un message fort pour les 22 millions de personnes résidant dans les territoires ruraux, lesquels représentent 88 % des communes.
Je rappelle également le soutien sans faille de l'État aux collectivités face à la crise énergétique et inflationniste qui a menacé leurs capacités financières. Nous avons protégé les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'électricité par une baisse des tarifs de l'accise sur l'électricité, par l'instauration de boucliers tarifaires et par la création d'un amortisseur électricité qui, ensemble, ont limité l'augmentation des dépenses d'énergie des collectivités. Face à l'inflation et à la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, nous avons également mis en place, dès 2022, un filet de sécurité de près de 400 millions d'euros ; ce dispositif a été reconduit en 2023.
Je terminerai cette longue liste de mesures en évoquant les dispositions nouvelles inscrites dans la loi de finances pour 2024, qui sont la preuve du soutien continu de l'État aux collectivités territoriales. Je rappelle, en premier lieu, que nous avons stoppé la diminution constante de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sous la précédente majorité : nous avons stabilisé le niveau de cette dotation, puis, en 2023 et 2024, nous l'avons augmenté de 320 millions, tout en renforçant son caractère péréquateur. Nous avons, par ailleurs, créé une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité.
Voilà, chers collègues, le contexte dans lequel s'inscrit cette proposition de loi. Elle constituera un dispositif de plus au service des collectivités territoriales et de la transition écologique, dans un arsenal déjà riche grâce auquel l'État, par l'intermédiaire efficace des préfets, pourra soutenir les collectivités territoriales les plus fragiles dans leur indispensable effort de rénovation des bâtiments scolaires.
Il s'agit d'une mesure équilibrée qui ne présente pas de caractère automatique, afin de permettre de viser les collectivités ayant un reste à charge disproportionné au vu de leur capacité financière. Le maintien d'un reste à charge minimal me semble, par ailleurs, être une règle de bonne gestion pour assurer non seulement une certaine qualité du côté des projets présentés par les collectivités, mais aussi la capacité financière de ces dernières à entretenir ensuite leur investissement.
Cette proposition de loi est un texte utile que les collectivités aimeraient voir aboutir rapidement. Je vous propose de l'adopter sans modification afin que, grâce à un vote conforme à celui du Sénat, son application soit la plus précoce possible.
La question de la rénovation thermique des bâtiments scolaires est centrale : ils représentent 50 % de la surface des 225 000 bâtiments constitutifs du patrimoine immobilier des collectivités territoriales et plus du quart du parc tertiaire national. Cette proposition de loi va dans le bon sens, puisqu'elle soulagerait les collectivités et pourrait leur permettre d'engager les travaux nécessaires. Elle me semble toutefois modeste par rapport au défi qui nous attend et elle ne garantit donc pas que le processus de rénovation sera accéléré. Je regrette surtout que la dérogation prévue soit laissée à l'appréciation du préfet, ce qui ouvre la voie à une application discrétionnaire et renforce les pouvoirs du représentant de l'exécutif.
Ces deux regrets ne m'empêcheront pas de voter en faveur de la proposition de loi.
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Cette proposition de loi qui vise à soutenir davantage les collectivités territoriales et dont l'examen intervient à point nommé après l'audition des représentants de l'AMF (Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité) nous permet de revenir sur le comportement de l'État au cours des sept dernières années et peut-être de déconstruire certaines idées reçues selon lesquelles l'État ne soutiendrait pas les collectivités. Il a pris des mesures conjoncturelles pour les soutenir pendant les différentes crises que notre pays a traversées, ainsi que des mesures structurelles afin d'accompagner le développement des territoires, comme le rapporteur général l'a brillamment rappelé tout à l'heure.
Le Président de la République l'a dit lors de la présentation du plan de relance, en 2021 : il n'y aura pas de transformation de notre pays sans développement des territoires. Bon nombre de mesures ont donc été mises en place, soit directement au niveau des préfets soit dans le cadre des différentes agences de l'État, comme l'Anah (Agence nationale de l'habitat) et l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine), afin de soutenir les collectivités non seulement en matière d'investissement mais aussi de fonctionnement – je pense, par exemple, au mécanisme de soutien budgétaire que nous avons adopté en 2023. La situation financière des collectivités est, en effet, contrastée : certaines vont bien, et d'autres non.
Dans la continuité de toutes les mesures du Gouvernement en faveur des collectivités, le groupe Renaissance votera cette proposition de loi qui vise à tenir compte de la capacité de ces dernières à financer le reste à charge en matière d'investissement dans la transition écologique pour les bâtiments scolaires – vous avez rappelé, monsieur le président, à quel point cette action était importante et nécessaire. Je précise, car cette idée a été envisagée, que nous ne sommes pas favorables à un cantonnement à certaines collectivités : il est préférable que les préfets puissent répartir les moyens selon les besoins, comme c'est déjà le cas pour certaines dotations.
Les prix de l'énergie se sont envolés, dans un contexte de crise mondiale, et pèsent désormais lourdement sur les budgets des collectivités. Réduire la consommation énergétique des bâtiments scolaires est ainsi devenu une nécessité économique. C'est pourquoi cette proposition de loi, qui prévoit d'abaisser de 20 à 10 % la participation minimale du maître d'ouvrage dans le cas où celle-ci apparaît disproportionnée au vu de ses capacités financières, nous paraît pertinente. Elle fait l'objet d'un consensus, notamment de l'Association des maires ruraux de France, de Départements de France et de la direction générale des collectivités locales.
La Cour des comptes a souligné dans son rapport annuel combien il est important d'associer les communes à la planification locale de l'adaptation au changement climatique, grâce à l'élaboration de stratégies menées conjointement avec le niveau intercommunal et à une approche partenariale et participative impliquant les collectivités territoriales détenant d'importants parcs immobiliers. Un réel travail de concertation avec les collectivités doit, dès à présent, être conduit par l'État.
Les petites communes rurales et désindustrialisées, que l'on trouve dans l'Aisne, par exemple, consacrent un temps disproportionné à la recherche de financements. Sous-dotées en agents administratifs et en moyens d'ingénierie et bénéficiant, par ailleurs, d'économies d'échelle réduites, elles sont confrontées à une charge trop lourde en matière de gestion des infrastructures et des réseaux. Or ces communes assurent la structuration du territoire et garantissent un accès universel à l'instruction. La création d'une dotation spéciale pour la rénovation énergétique, que le Sénat a déjà eu l'occasion de proposer, serait donc bénéfique.
Dans ma circonscription, la municipalité de Villers-Cotterêts attend de pouvoir réunir les fonds nécessaires à l'isolation par l'extérieur de l'école Moncond'Huy, dont le coût a été estimé entre 1,2 et 1,3 million d'euros. Pour les communes rurales et les plus modestes, la baisse de 10 % de leur participation, sur décision préfectorale, sera bienvenue. Nous voterons en faveur de cette proposition de loi, qui constitue une avancée pour les communes rurales.
Néanmoins, nous aimerions avoir des précisions sur la nature de l'appréciation préfectorale : se limitera-t-elle aux capacités financières des communes ou prendra-t-elle en compte la qualité des projets ?
Cette proposition de loi, adoptée par le Sénat, va dans le bon sens. Son article unique prévoit de ramener de 20 % à 10 % la participation minimale des collectivités pour la rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Cette mesure accélérera l'action des collectivités en faveur des écoliers et de la rénovation thermique des établissements scolaires, lesquels représentent 50 % des 225 000 bâtiments que compte le patrimoine immobilier de l'État. La situation reste pour le moins préoccupante : les bâtiments scolaires sont, pour la plupart, anciens et mal isolés ; seuls 14 % d'entre eux respectent les normes de basse consommation. Le chantier qui nous attend est donc titanesque. Lors de l'examen du projet de loi de finances, Emmanuel Macron a annoncé qu'il voulait la rénovation de 40 000 écoles d'ici dix ans ; mais, au rythme actuel, il faudrait un siècle rien que pour rénover les écoles primaires.
La portée de cette proposition de loi reste, pour l'instant, en deçà des enjeux climatiques, d'autant que nous avons appris, fin février, que 500 millions d'euros destinés au fonds Vert allaient être supprimés par un simple décret. Ce fonds est pourtant essentiel pour le travail d'adaptation et d'aménagement des territoires face au changement climatique. Soyons plus ambitieux pour le renforcement de nos dispositifs d'accélération de la transition écologique et pour le soutien financier de l'État aux collectivités territoriales.
Sur le fond, c'est-à-dire la transition écologique pour les bâtiments scolaires, nous sommes tous d'accord : la nécessité est réelle. Je déplore, en revanche, que l'application du dispositif soit laissée à la discrétion du préfet. Un préfet en poste depuis plus de deux ans a tendance à favoriser les mêmes secteurs. Il faudrait donc une concertation plus large.
Par ailleurs, qu'il y ait régulièrement des appels d'offres, que l'État fasse preuve de volontarisme en matière d'accompagnement, on le constate depuis des années ; mais l'État ne contribuera jamais à un projet de rénovation scolaire à hauteur de 90 %. Si sa participation passe de 30 % à 40 % ou 50 %, les communes iront voir le département et la région pour atteindre le taux de 90 %. J'aimerais qu'on essaie d'imaginer ce qui va se passer. On va de nouveau mettre à contribution les départements et les régions, dans le cadre de ce beau dispositif, mais cela risque de ne pas être suffisant – sauf si vous nous dites que l'État apportera tout seul 90 %.
Assurer la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, c'est, avant tout, améliorer le bien-être des élèves, des professeurs et de l'ensemble du personnel et relever le défi de notre siècle que constitue la transition écologique. C'est un enjeu colossal : majoritairement vétustes et énergivores, les bâtiments scolaires, qui représentent 50 % du parc immobilier des collectivités territoriales, demanderont, pour la plupart, des rénovations globales, donc très coûteuses. Certaines collectivités font donc face à un mur d'investissement qu'elles ne peuvent tout simplement pas franchir, alors que la loi Elan – portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – impose, d'ici à 2030, une diminution de 40 % des consommations d'énergie dans l'ensemble des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 mètres carrés.
Devant l'urgence de la situation, la proposition de loi prévoit un dispositif permettant d'aider financièrement les collectivités qui en ont le plus besoin à assurer la rénovation de leurs écoles. Le préfet de département pourra ainsi autoriser un taux de participation minimale du maître d'ouvrage de 10 %, au lieu de 20 % actuellement, quand la situation financière de la collectivité le nécessitera. Cette mesure équilibrée correspond bien aux principes du groupe Démocrate : le texte facilitera les investissements dans le bâti scolaire tout en préservant la responsabilité des collectivités, puisqu'un taux de participation minimale sera maintenu.
Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de la proposition de loi.
Nous sommes favorables à ce texte, même si je m'interroge, à titre personnel, sur l'effectivité de la mesure, tout simplement parce que les départements – nous en avons parlé tout à l'heure – sont en grande difficulté. Alors qu'ils subventionnent souvent des projets, ils auront peut-être tendance à se recentrer sur leurs dépenses obligatoires. Je me pose également la question de la coordination, qui me paraît nécessaire, avec les taux maximaux de subventions dans le cadre des dossiers d'attribution de la DETR et de la DSIL, ainsi que pour les fonds de concours – on l'oublie en général, mais les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) peuvent aussi cofinancer les projets.
Nous comprenons la volonté d'un vote conforme, et nous n'avons donc pas déposé d'amendements. Je le dis néanmoins à l'attention de nos collègues du Sénat : il aurait été intéressant d'intégrer dans le dispositif les 12 %, du point de vue de la surface, de bâtiments universitaires qui appartiennent encore aux collectivités – les universités ne sont pas mieux loties que les écoles.
Enfin, et c'est un élément de réflexion pour le prochain budget, nous devrions créer un fonds, d'une durée de trois ou quatre ans, pour aider les collectivités à faire une photographie de leur patrimoine. Beaucoup ne disposent pas d'informations pourtant indispensables.
La proposition de loi que nous étudions vise à faciliter le financement de projets de rénovation énergétique du bâti scolaire par les collectivités territoriales. Il s'agit de permettre au préfet de ramener la participation minimale de la collectivité concernée, en tant que maître d'ouvrage, à 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques. Cette mesure repose sur le constat que certaines communes se heurtent à des difficultés en la matière, alors que la rénovation de nos écoles est un enjeu important pour la santé des élèves et la transition écologique du pays.
Le parc scolaire public représente, quant à la surface, près de la moitié du patrimoine des collectivités territoriales. La rénovation du bâti scolaire constitue donc un enjeu de taille pour ces acteurs, qui sont soumis à des obligations d'action sur le plan de la rénovation énergétique. Le coût global des opérations à mener pour le bâti scolaire se comptant en dizaines de milliards d'euros dans les années à venir, il est indispensable de donner aux collectivités les outils les plus adaptés pour relever l'immense défi qui les attend. Cette proposition de loi qui vise à octroyer aux collectivités plus de liberté et de souplesse dans la conduite de leurs politiques s'inscrit pleinement dans l'approche suivie par les députés du groupe Horizons et apparentés. Nous voterons donc en faveur du texte.
Je m'exprime non seulement au nom du groupe Écologiste mais aussi en tant que rapporteure de la mission d'information sur l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques. Le Haut Conseil pour le climat a rappelé que la France n'était manifestement pas prête à faire face aux effets du changement climatique, et il n'en va pas autrement pour l'école de la République. Nous devons dès maintenant agir pour qu'elle puisse s'adapter à ces enjeux, sans quoi la continuité du service public de l'éducation ne sera plus qu'un lointain souvenir. C'est la responsabilité de l'État et des collectivités : personne ne se substituera à la puissance publique pour réaliser ces investissements.
Ces investissements devront être massifs et monter en puissance, puisque 86 % des bâtiments scolaires ne correspondent pas aux normes bâtiment basse consommation (BBC) et qu'une rénovation globale coûte entre 1 100 et 1 700 euros du mètre carré.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Le mur d'investissement à consacrer au climat auquel les collectivités font face ne se limite pas à la rénovation des écoles ; il faut donc qu'elles puissent, sur cette question, compter sur un soutien infaillible. Les écologistes feront plusieurs propositions pour améliorer ce texte, notamment l'intégration dans le dispositif des travaux de végétalisation des cours d'école et l'application de ce taux de 10 % à un plus grand nombre de collectivités.
J'espère que nos débats permettront d'arriver à un consensus et à l'adoption de ce texte ambitieux.
Le groupe GDR ne s'opposera pas à ce texte, même si je crains qu'il ne suscite de l'incompréhension. Il ne faudrait pas que les maires croient qu'ils vont tous bénéficier, désormais, de 90 % de subventions sur la rénovation thermique des écoles, car ce ne sera pas le cas.
Par ailleurs, arriver à 90 % de financement est une gageure. Dans le cadre des commissions départementales qui gèrent la DSIL, la DETR et le fonds Vert, il est déjà très difficile d'arriver à 80 %. Et je peux vous dire que lorsqu'on arrive à 80 %, le projet se fait. Je comprends la volonté d'affichage qui est derrière ce texte, mais je ne vois pas très bien à quoi il va servir.
Dans mon département, pour un montant de DETR de 11,5 millions, les projets déposés représentent 25 millions ; de même, pour un montant de DSIL de 3,2 millions, on arrive à 8 millions de demandes. J'ajoute que la priorité donnée aux dispositifs Villages d'avenir, Petites villes de demain ou Action cœur de ville va à l'encontre de l'annonce d'une augmentation de la prise en charge sur d'autres programmes. C'est encore plus vrai avec le fonds Vert, dont l'enveloppe va baisser. Comment, dans ce contexte, peut-on annoncer que l'on va prendre en charge jusqu'à 90 % des investissements ? Pourquoi ne pas avoir envisagé des prêts à taux zéro de la Banque des territoires ?
C'est un petit texte sympathique, mais j'aimerais faire trois observations.
Comme plusieurs de mes collègues, je me demande tout d'abord pourquoi on donne cette faculté au préfet. Pourquoi ne pas dire tout simplement que l'on ne peut pas demander plus de 10 % de participation aux communes ou aux intercommunalités ?
Je rappellerai ensuite que la règle des 20 % n'a pas cours dans les outre-mer et que des projets peuvent déjà y être financés à 95 %. Si celle proposition de loi s'y applique, elle va donc dégrader la situation.
Enfin, dans la mesure où il s'agit d'enveloppes fermées, l'argent qui bénéficiera à la transition écologique des bâtiments scolaires ne bénéficiera pas à d'autres. Pensez-vous vraiment que les départements, dont la situation financière ne cesse de se dégrader, seront capables d'intervenir auprès de l'État pour atteindre un taux de financement de 90 % ?
Vous semblez tous considérer que cette proposition de loi va dans le bon sens.
Plusieurs d'entre vous souhaitent supprimer l'intervention du préfet : je n'y suis pas favorable. Dans la mesure où il a une vision globale des différents projets développés par les communes de son département, il pourra identifier ceux qui risquent de ne pas aboutir sans ce coup de pouce. Nous avons tous rencontré des maires qui nous ont dit qu'ils n'avaient pas assez de fonds propres pour financer certains projets, même pris en charge à 80 %, et je crois important de cibler les communes qui en ont vraiment besoin. Par ailleurs, dans son rapport d'information sur l'investissement du bloc communal et sur la mise en place du programme Petites villes de demain, Joël Giraud et Marina Ferrari ont montré que les préfets font plutôt bien leur travail. Vos réactions face aux interventions du représentant de l'État m'étonnent donc un peu, dans la mesure où son rôle est précisément de flécher les dotations de l'État, que nous votons en tant que parlementaires.
J'aimerais, pour finir, dire un mot de l'accompagnement des collectivités locales en matière d'ingénierie. Le rapport d'information sur l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques de Mme Pasquini montre que les acteurs qui apportent leur contribution financière sont nombreux : le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), l'ANCT, la Banque des territoires, les services des communautés de communes, etc. Par ailleurs, dans le cadre du plan France ruralités, les préfectures auront très prochainement un sous-préfet chargé d'aider les maires à monter leurs projets d'investissement. Nous sommes donc très bien dotés désormais en matière d'ingénierie, d'autant que l'on peut compter aussi sur le volontariat territorial en administration, que j'ai eu l'honneur de lancer dans le cadre de l'Agenda rural.
Il me paraît tout à fait souhaitable que le préfet puisse cibler les communes qui ont besoin de ces 10 % de financements supplémentaires pour mener à bien leurs projets – lesquels, je le répète, sont désormais très bien montés, parce que les collectivités locales disposent d'une bonne ingénierie.
Article unique
Amendement CF1 de M. Vincent Seitlinger
Nous proposons d'étendre les dispositions de l'article unique aux bâtiments périscolaires, notamment aux salles de sport communales ou intercommunales, qui sont souvent à proximité immédiate des écoles, voire dans leur enceinte.
J'ai bien compris que vous souhaitiez une adoption conforme du texte, mais il me paraît dommage de ne pas lui donner une portée plus grande, en y incluant les bâtiments périscolaires, mais aussi, par exemple, les bâtiments universitaires qu'évoquait tout à l'heure Mme Christine Pires Beaune.
Je comprends le sens de votre amendement car j'ai moi aussi, dans ma commune, des locaux périscolaires qui sont totalement encastrés dans les locaux scolaires. Mais il reviendra justement au préfet d'apprécier la situation et il pourra très bien considérer, à l'occasion de la rénovation d'un bloc scolaire, que la partie périscolaire fait partie du projet d'ensemble. C'est tout l'intérêt d'avoir une personne chargée d'apprécier la qualité du projet – car, pour répondre à notre collègue du Rassemblement national, le préfet n'appréciera pas seulement les capacités financières de la commune, mais aussi la qualité du projet.
Ce que vous dites ne me semble pas exact : les comptables publics, que l'on appelait autrefois les trésoriers-payeurs généraux, devront contrôler tout cela. Il va y avoir des chicayas, on va découper les projets entre la partie éligible et la partie non éligible… Si vous voulez vraiment aller dans le sens de la simplification, intégrons le périscolaire et n'en parlons plus.
Nous nous opposerons à cet amendement, car nous souhaitons que cette proposition de loi soit votée conforme.
Il est fréquent que le périscolaire soit dans l'enceinte des bâtiments scolaires : dans ce cas, je ne vois pas pourquoi on serait amené à dissocier les deux. Pour les salles de sport communales ou intercommunales situées en dehors des écoles, il existe d'autres sources de financement, comme l'Agence nationale du sport (ANS).
Vous dites, monsieur le rapporteur, que le préfet aura une certaine latitude ; nous aurions aimé, en tant que députés, en avoir un peu aussi. Toutefois, comme j'entends qu'il importe que ce texte soit voté conforme, je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
Amendement CF11 de Mme Francesca Pasquini
Il s'agit d'étendre le dispositif aux opérations de végétalisation et de désimperméabilisation des cours d'écoles. Si l'on veut adapter l'école au dérèglement climatique et réduire vraiment les émissions de gaz à effet de serre, les rénovations doivent être globales. On ne saurait investir des millions d'euros et s'en tenir aux seuls bâtiments scolaires, sans intégrer les cours d'école.
Avis défavorable. Si nous voulons être efficaces, il me paraît important de nous en tenir à deux principes simples : éviter de nous disperser et concentrer nos efforts sur un objet précis ; éviter à tout prix le saupoudrage des dotations.
Par ailleurs, vous rappelez vous-même dans votre rapport d'information qu'il existe des dispositifs destinés à la rénovation et d'autres à la végétalisation, comme le fonds Chaleur, doté de 820 millions d'euros. Vous dites aussi que, face aux îlots de chaleur, le financement ne fait pas tout et qu'il faut surtout définir des stratégies d'adaptation, notamment en matière de temps scolaire.
La végétalisation du tiers d'une cour d'école coûte 200 000 euros. Il est certain qu'il existe de nombreuses autres sources de financement et que la question des rythmes scolaires doit être prise en compte, mais ce n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Les rénovations doivent être globales et inclure la végétalisation des cours d'école, dont le coût ne peut être entièrement absorbé par le fonds Chaleur.
Les écoles représentent 30 % de la consommation en énergie des bâtiments communaux. Cette proposition de loi cible la rénovation énergétique, et non la végétalisation.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CF3 de M. Michel Sala, CF4 de M. Rodrigo Arenas et CF12 de Mme Francesca Pasquini (discussion commune)
Nous proposons de renforcer l'effet de la présente proposition de loi en supprimant le reste à charge pour les communes les plus en difficulté – toujours sur décision du représentant de l'État dans le département. Cela incitera les collectivités territoriales à s'engager dans la rénovation énergétique de leurs bâtiments scolaires. En exonérant de toute participation financière les communes et les collectivités les plus pauvres, nous atteindrons plus rapidement notre objectif de transition écologique.
Je suis un peu surpris que l'on nous invite à voter ce texte conforme. S'il y a deux assemblées, c'est bien pour que la loi soit améliorée au cours de la navette.
Mon collègue Michel Sala s'est peut-être montré un peu excessif en demandant la suppression totale du reste à charge pour les collectivités ; cet amendement demande que le taux soit ramené de 10 % à 5 %. Le secteur du bâtiment étant en crise, la relance par l'investissement public est une nécessité.
En 2023, les crédits prévus pour la rénovation des bâtiments scolaires ont été largement sous-consommés – 300 millions mobilisés contre 700 millions prévus. Comme le Gouvernement ne cesse de dénigrer l'idée même d'endettement, les maires thésaurisent au lieu d'investir : ils attendent de disposer de 100 % du financement pour lancer leur projet.
Nous proposons de rendre automatique l'abaissement du reste à charge à 10 %, sans décision du préfet, pour qu'un maximum de collectivités puissent en profiter.
La rénovation des écoles est une priorité pour l'État et les collectivités. Si nous voulons arriver à un rythme de 4 000 rénovations par an, tous les leviers doivent être activés et le soutien de l'État aux collectivités doit être massif. L'adoption de cet amendement enverrait un signal fort : il montrerait que l'État est prêt à investir fortement et durablement.
Je ne suis pas favorable à ces amendements. La participation minimale du maître d'ouvrage me semble être une règle de bonne gestion. Elle vise à assurer la qualité des projets présentés par la collectivité et à garantir que celle-ci aura les moyens d'entretenir le bâtiment dans lequel elle aura investi – ce dont on peut douter si elle ne peut pas investir 10 % sur ses fonds propres. Les sénateurs ont insisté à juste titre sur l'autonomie de gestion des collectivités, qui serait remise en cause si on leur enlève toute responsabilité dans le financement des investissements qu'elles réalisent.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CF14 de Mme Francesca Pasquini
À défaut d'étendre à toutes les collectivités le seuil de 10 %, cet amendement de repli vise à leur permettre d'en solliciter d'elles-mêmes l'application auprès du représentant de l'État lorsqu'elles jugent qu'une participation minimale de 20 % serait disproportionnée par rapport à leurs capacités financières.
Avis défavorable, pour les raisons déjà présentées.
Je profite de l'occasion pour saluer l'action des maires, qui accomplissent un travail considérable et donnent de leur temps pour aller chercher les 80 % restants – 90 % si nous adoptons le texte – au niveau européen, régional, départemental, auprès des communautés de communes, des pays et, bien sûr, de l'État.
Je rappelle que les dotations en question relèvent d'une enveloppe fermée. Je le répète, il importe que la participation minimale demeure à la main du préfet pour qu'il puisse cibler les collectivités les plus en difficulté et parce qu'il a une vision transversale de l'ensemble des projets. Toutefois, il ne décide pas seul. Les commissions d'élus de la DETR, où nous siégeons et qui disposent également de cette vision transversale, interviennent aussi. Nous-mêmes, en tant que députés, signalons au préfet l'intérêt de tel ou tel projet ou les difficultés rencontrées par telle ou telle collectivité et défendons certains dossiers dans le cadre d'un dialogue constructif avec lui – c'est aussi en cela que consiste notre activité politique.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF2 de M. Vincent Seitlinger
Je vais le retirer – à regret, car une ouverture serait souhaitable – puisqu'il nous est demandé d'adopter le texte conforme.
L'amendement est retiré.
Amendement CF5 de M. Michel Sala
Nous proposons de systématiser l'application de la proposition de loi dans les territoires qui en ont le plus besoin : les toutes petites communes et les territoires où le taux de pauvreté est supérieur à la moyenne nationale.
Les toutes petites communes, la plupart du temps en zone rurale, doivent souvent dégager des moyens considérables, proportionnellement très supérieurs à ceux investis par certaines grandes collectivités. Dans nos choix de redistribution, nous devons garantir la solidarité nationale et l'équité.
Je comprends que l'on souhaite affiner le dispositif. J'ai moi-même envisagé à un moment de le réserver aux communes rurales, désormais très bien définies par l'Insee, dans le cadre de l'Agenda rural, comme étant l'ensemble des communes peu denses ou très peu denses. J'y ai renoncé afin qu'il puisse être mis en œuvre dès 2024, ce qui suppose un texte conforme.
Cela ne nous empêche pas de faire des propositions. Le débat est intéressant. Peut-être faudra-t-il envisager des évolutions futures dans le cadre d'autres propositions de loi. Mais ce n'est pas l'objet du présent texte. Il est équilibré, il a fait l'objet d'un vote unanime au Sénat ; essayons d'avancer vite vers son adoption.
L'amendement propose le critère d'un taux de pauvreté supérieur à 1,5 fois la moyenne nationale sans considération de la situation géographique, de l'environnement métropolitain ni du volume d'aides déjà perçues par le territoire, par exemple dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Quant à l'autre critère – une population de moins de 500 habitants –, les fermetures de classe massives montrent combien l'évolution démographique de ces communes est problématique. On ne peut pas continuer d'encourager à y développer des équipements scolaires sans réflexion coordonnée sur l'école rurale de demain et sur son organisation, incluant des regroupements – or, dans ce cadre, le fait que chaque commune n'ait qu'une seule salle de classe pourra créer des difficultés.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF6 de M. Michel Sala
Nous voulons rendre automatique la réduction du reste à charge pour les écoles et bâtiments scolaires situés en réseau d'éducation prioritaire (REP) et en réseau d'éducation prioritaire renforcé (REP+).
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article unique non modifié.
Après l'article unique
Amendement CF13 de Mme Francesca Pasquini
L'utilisation des fonds alloués à la rénovation des écoles et leur répartition entre les différentes collectivités doivent être transparentes. Quels projets sont financés ? Combien le sont chaque année ? Quelles collectivités captent ces financements ? Le législateur, qui se prononce sur les budgets correspondants – nous avons voté des crédits destinés à la rénovation des écoles dans le cadre du dernier projet de loi de finances –, devrait disposer de ces informations.
Voilà pourquoi nous demandons un rapport au Gouvernement. Le soutien de l'État à la rénovation des bâtiments scolaires devrait rester marqué dans les prochaines années. Le Parlement ne peut s'en tenir aux maigres informations dont il dispose actuellement.
« Maigres informations » ? Le rapport sur les finances publiques locales annexé au projet de loi de finances présente un bilan très complet des financements de l'État en faveur des collectivités locales, et la direction générale des collectivités locales publie sur son site des rapports détaillés, dotation par dotation, sur l'emploi de ces dernières.
La ventilation des crédits du fonds Vert, dispositif très récent, apparaît dans les documents budgétaires. D'ailleurs, la loi de règlement 2023 et les rapports annuels de performances associés en fournissent une vision assez complète, qui sera utile au moment du Printemps de l'évaluation.
Enfin, le ministère de la transition écologique publie de nombreux éléments au sujet du fonds Vert. On sait par exemple qu'au cours des huit premiers mois de 2023, 618 projets de rénovation d'école ont été soutenus, pour 618 millions d'euros au total, dont 241 millions attribués au titre de ce fonds.
Le fait que les parlementaires demandent des informations est en soi légitime, mais nous en avons déjà beaucoup à ce sujet – je n'en dirais pas nécessairement autant dans d'autres domaines – et je doute de la plus-value d'un rapport supplémentaire.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
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Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 9 heures
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Émilie Bonnivard, M. Philippe Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Christine Decodts, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Félicie Gérard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Géraldine Grangier, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Pascal Lecamp, M. Mathieu Lefèvre, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Emmanuel Mandon, M. Louis Margueritte, Mme Alexandra Martin (Gironde), M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, Mme Francesca Pasquini, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier, M. Jean Terlier
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, M. Tematai Le Gayic, Mme Charlotte Leduc, M. Robin Reda
Assistaient également à la réunion. - M. Gabriel Amard, Mme Christine Arrighi, M. Thibault Bazin, Mme Sylvie Bonnet, M. Pierre Cordier, Mme Josiane Corneloup, M. Jean-Claude Raux