Intervention de David Lisnard

Réunion du mercredi 13 mars 2024 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

David Lisnard, président de l'Association des Maires de France et des présidents d'intercommunalité :

Concernant l'augmentation des recettes aux collectivités, je répète que les maires et les présidents d'intercommunalités n'ont pas vocation à quémander des transferts aux collectivités.

Nous demandons le respect d'un principe constitutionnel et nous voulons aussi, dans un souci d'efficacité et de performance publique, créer de l'émulation et de la responsabilité locale. Il est important que nous puissions faire des choix pour relever les défis auxquels nous devons faire face et faire vivre la démocratie locale. Je refuse ce débat qui nous enferme dans une mise sous tutelle infantilisante.

La problématique de l'évolution des recrutements est sourcée et publique. Elle correspond à une évolution des charges. Ainsi par exemple, les effectifs des polices municipales ont progressé de + 31 % depuis quinze ans. Est-ce une erreur ?

De même concernant le recrutement des AESH, faut-il s'occuper des enfants handicapés ou non ? Nous pensons qu'il le faut. Il existe parfois un techno-populisme sur ces questions qui nous heurte. Il n'est pas possible de nous obliger à remplir des missions et nous reprocher ensuite de les assumer.

L'absentéisme est une vraie question. Je ne connais pas un président d'exécutif local qui ne cherche pas à réduire l'absentéisme dans sa collectivité. Nous avons d'ailleurs été heurtés par les propos du ministre de l'économie qui sous-entendent que les collectivités ne sauraient pas gérer l'absentéisme alors que l'État y parviendrait mieux que le privé. Les chefs d'entreprise apprécieront.

Il ne faut pas oublier que la pyramide des âges n'est pas la même et que les effectifs de la fonction publique territoriale sont en moyenne plus âgés que ceux de la fonction publique d'État. De plus, les agents de catégorie C sont beaucoup plus nombreux dans la fonction publique territoriale. Ces agents occupent des fonctions opérationnelles qui les exposent beaucoup plus aux risques du travail. Ce ne sont pas des tricheurs.

Au sujet du lien entre impôt et entreprises, je répéterai encore une fois que je considère que la performance ne peut venir que de la responsabilité. Si nous voulons une sobriété fiscale, il faut pouvoir rendre des comptes aux contribuables et donc pouvoir lever l'impôt. Cela explique que la recentralisation fiscale se soit traduite par une augmentation des prélèvements obligatoires. C'est la conséquence de la déresponsabilisation.

Si vous voulez inciter les intercommunalités et les communes à accueillir des entreprises, il faut qu'elles puissent collecter des recettes qui leur permettront d'en supporter les externalités négatives. Il faut donc bien évidemment un lien fiscal entre le bloc communal et les entreprises. C'est la façon la plus saine d'être compétitif sur le plan fiscal.

Concernant la Métropole du Grand Paris, l'AMF ne commente pas la gestion des autres collectivités. J'ajouterai néanmoins que nous avons un principe de base qui est celui de la subsidiarité. Par conséquent, nous sommes d'ardents défenseurs de l'intercommunalité mais des pourfendeurs de la supra-communalité.

S'agissant de l'intervention du groupe Rassemblement National, nous sommes évidemment favorables à une décentralisation de la politique du logement. Nous avons d'ailleurs publié un document validé par l'intégralité des maires de France qui contient vingt-cinq propositions pour relancer la politique du logement.

Cependant, avant de décentraliser la politique du logement, nous demandons une définition de la politique actuelle du logement. Il y a effectivement un piège potentiel en la matière.

S'agissant des questions du groupe LFI, les 10 milliards d'économies annoncées auront bien une incidence sur les collectivités avec d'ailleurs des contradictions entre l'affichage de la décarbonation et la réalité des moyens qui y sont consacrés. L'Institut des économistes pour le climat a ainsi estimé que le respect de la trajectoire bas carbone la moins ambitieuse nécessiterait d'investir 12 milliards d'euros par an dans les collectivités. Si la montée en puissance est réelle sur les dernières années, il manque encore 6 milliards d'euros par an.

Outre la baisse du fonds Vert, je voudrais aussi signaler la baisse des crédits affectés au programme Paysages, eau et biodiversité ainsi qu'au programme Prévention des risques. Ces baisses nous affectent directement.

De même, le très haut débit est une nécessité stratégique. Or le plan France très haut débit perd - 40 % de ses crédits.

Sur la mission Woerth, nous avons reçu Monsieur Woerth qui nous a indiqué qu'il ne remettrait pas en cause le nombre de strates. Lors de l'entretien, nous avons rappelé quelques principes sur la subsidiarité, la décentralisation et la nécessité d'une clarté dans l'affectation fiscale. Nous avons également suggéré qu'il y ait une typologie de fiscalité par strate.

Sur le logement, nous sommes dans le règne des injonctions contradictoires. Il peut vous être imposé par la puissance d'État de réaliser des logements pour respecter l'objectif triennal et recevoir dans le même mois un porter à connaissance d'interdiction stricte de constructibilité de votre commune. Il faut sortir de ces contradictions qui sont trop nombreuses. Le droit de l'urbanisme est devenu très abscons et très compliqué. Quant au code général des collectivités territoriales, son volume a doublé en vingt ans.

L'exonération de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires pour les organismes d'utilité publique est décidée après délibération des collectivités territoriales. L'AMF n'y est pas opposée.

Sur la déliaison des taux, nous la demandons depuis longtemps. Cependant, force est de constater que les modalités proposées dans le projet de loi de finances 2024 sont incompréhensibles et inapplicables.

Par ailleurs, nous proposerons bientôt une contribution avec des constitutionnalistes sur la différenciation. Nous sommes pour la liberté et la responsabilité locales mais nous voulons que la loi soit la même sur le territoire national. Il y aurait une aberration à considérer que la loi étant devenue tellement absconse il faut pouvoir s'en exonérer localement. Il ne peut y avoir des compétences différentes au sein de strates équivalentes.

Nous ne demandons pas un droit à la dérogation mais des lois qui soient applicables partout. Cela implique que la décentralisation soit un transfert du pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales. Beaucoup des dispositions d'application des textes législatifs devraient être du ressort de la délibération locale et non de la réglementation nationale. Cela permettrait de retrouver une liberté locale tout en respectant le principe d'une loi impersonnelle et universelle.

Concernant le statut des élus municipaux, un texte de loi conçu avec le Sénat et le Gouvernement devrait vous parvenir prochainement. Il correspond à l'essentiel des propositions des maires de France et comporte beaucoup de bonnes dispositions pour sécuriser l'exercice du mandat communal à l'exception de son article 23 qui est une ineptie ajoutée par amendement au Sénat et qui jette une suspicion inutile et malvenue sur les maires.

Je confirme par ailleurs que nous avons objectivé les effets de la TH. Nous voulons néanmoins en débattre car il existe une différence de vues entre l'exécutif et la majorité relative parlementaire, d'une part, et l'approche de l'AMF et du Comité des finances locales, d'autre part.

En ce qui concerne la fiscalité environnementale, je crois qu'il est absolument nécessaire de revoir l'architecture totale de la fiscalité en France. La fiscalité doit correspondre à une disposition d'ordre public au sens le plus juridique du terme qui est celle du coût des externalités négatives contre lesquelles nous devons lutter. La fiscalité est un outil de financement mais c'est aussi un outil de régulation. Il me semble qu'au XXIe siècle, la lutte contre la part anthropique du changement climatique doit se traduire dans la fiscalité.

Au sujet de l'intervention de Charles de Courson, nous estimons que la véritable autonomie ne peut provenir que de la liberté de taux. Il ne peut pas y avoir de responsabilité si cette autonomie est proportionnelle à notre capacité à obtenir de l'argent de l'État. Quant aux pistes évoquées, elles me semblent pertinentes. Il faut des impôts à assiette large et la CSG en est un. La proposition relative à la fiscalité des entreprises me paraît également intéressante mais il faudrait l'évaluer.

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