La commission poursuit l'examen pour avis du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (n° 760).
Après l'article 3 (suite)
Amendement CF363 de Mme Eva Sas.
Refusant que nos retraités paient le pacte de stabilité, nous proposons une nouvelle ressource – une contribution à l'assurance vieillesse sur les successions et les donations – pour financer le système de retraite sans que les Français soient obligés de travailler jusqu'à l'épuisement de leur corps.
Mon avis est défavorable. Un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) consacré aux retraites n'est pas le lieu pour réformer la fiscalité des transmissions et encore moins pour l'aggraver. Les Français ont envie de transmettre leur patrimoine et les successions sont déjà largement taxées dans notre pays, avec, après abattement, des taux de 5 % à 45 % pour les droits de mutation à titre gratuit (DMTG).
La commission rejette l'amendement CF363.
Amendement CF357 de Mme Eva Sas.
L'amendement vise à rétablir la contribution additionnelle à la taxe sur les salaires, applicable aux hautes rémunérations, qui a été supprimée lors de la précédente législature, et à l'affecter à l'assurance vieillesse. Elle était à l'époque applicable aux salaires excédant 150 000 euros, et son taux était de 20 %.
Si vous cherchez à augmenter le coût du travail et à réduire la compétitivité et le pouvoir d'achat, votre amendement est parfait.
Dans votre critique, vous oubliez la revalorisation des petites pensions, de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et de l'assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) ou la création de l'assurance vieillesse des aidants (AVA). Mon avis est défavorable.
Votre souhait de voir taxer plus ceux qui gagnent plus est satisfait : cela s'appelle l'impôt sur le revenu. C'est pour cela qu'il est progressif.
À force de vouloir récupérer de l'argent de tous côtés, vous risquez d'aboutir à une imposition confiscatoire. Notre fiscalité est l'une des plus redistributives, mais aussi des plus lourdes au monde. Ce n'est pas en confisquant que l'on crée plus de valeur.
La progressivité des prélèvements obligatoires a reculé. Les plus hauts revenus paient moins en proportion que les classes moyennes. Il y a d'autres revenus et des patrimoines qui échappent à l'impôt. Les plus hauts déciles ne participent presque pas à l'effort collectif. Je soutiens cet excellent amendement.
La commission rejette l'amendement CF357.
Amendement CF355 de Mme Eva Sas.
Il s'agit d'instaurer une contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) dont le produit, estimé à 9,2 milliards d'euros, serait affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).
Depuis l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, les entreprises ont bénéficié d'une baisse de 18 milliards d'euros des impôts de production, sans contreparties. La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), décidée dans la loi de finances pour 2023, est un nouveau cadeau aux entreprises d'un montant de 4 milliards d'euros.
Pourquoi le déficit du régime de retraite serait-il hors de contrôle alors qu'il est si facile de supprimer la CVAE, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) – ou flat tax ?
J'ai du mal à comprendre comment, avec le doublement du taux de la C3S que vous envisagez tout en conservant l'abattement de 19 millions d'euros, vous espérez parvenir à un produit de 9,2 milliards d'euros.
Par ailleurs, nous sommes face à un mur d'investissement pour accélérer la rénovation énergétique et développer les énergies renouvelables ainsi que les mobilités propres. Or les impôts de production, dont la C3S, pèsent directement sur l'investissement. Mon avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement CF355.
Amendement CF356 de Mme Eva Sas.
C'est un amendement de repli en vertu duquel les recettes de la contribution additionnelle s'élèveraient à 2 milliards d'euros.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF356.
Amendements identiques CF278 de M. François Ruffin, CF279 de M. Hadrien Clouet et CF280 de Mme Rachel Keke, amendement CF352 de Mme Eva Sas, amendements identiques CF293 de Mme Mathilde Panot, CF294 de Mme Rachel Keke et CF295 de M. Hadrien Clouet (discussion commune).
La crise inflationniste a des causes multiples, parmi lesquelles la spéculation et le fait que certains s'exonèrent de la solidarité nationale.
Plusieurs multinationales tirent parti de la crise et enregistrent des profits record depuis plusieurs mois. Au premier semestre 2022, Total a ainsi réalisé près de 19 milliards d'euros de bénéfices alors que l'entreprise n'a payé aucun impôt en France en 2019 et en 2020.
Le Gouvernement préfère pourtant demander des efforts aux jeunes, de plus en plus nombreux à solliciter l'aide alimentaire, plutôt qu'à Total. Il faut faire cesser cette ignominie et mettre à contribution les profiteurs de crise.
Notre philosophie est de financer le système de retraite par les cotisations. En abusant des exonérations de cotisations, vous créez un appel d'air qui impose de recourir à l'impôt pour équilibrer le système. Il faut donc, à cause de vous, déterminer qui paye cet impôt.
Nos amendements visent à instituer une contribution additionnelle pour les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros et dont le résultat est supérieur de 25 % à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019.
Gouverner, c'est décider qui paie quoi. C'est parce que vous refusez de taxer les superprofits que vous allez chercher l'argent dans les poches des Français en les obligeant à cotiser deux années supplémentaires.
Autre recette alternative pour éviter le report de l'âge légal : une taxe sur les superprofits, dont le produit serait affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Elle serait temporaire et concernerait uniquement les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros.
Rappelons que la réforme n'a d'autre objectif que de faire payer par les salariés la réduction des dépenses imposée par le pacte de stabilité.
En 2022, des millions de personnes ont vu leurs revenus baisser. Dans le même temps, les actionnaires du CAC 40 ont reçu 80 milliards d'euros de dividendes – c'est un record – dans un total de dividendes de 259 milliards d'euros. Les taux retenus par l'amendement CF293 pour une contribution exceptionnelle sur les dividendes rapporteraient 48 milliards d'euros de recettes supplémentaires.
Pour certains, mettre les riches à contribution, ce serait punir la réussite et brider les talents. Mais près de 80 % des milliardaires français sont des héritiers : quel est donc le talent nécessaire pour hériter d'une fortune ?
Dans mon département, les gens se lèvent bien plus tôt et se couchent bien plus tard que Bernard Arnault. Ils ont plus de mérite et de talent que quiconque ayant hérité et vivant de la rente. S'il fallait démontrer que les dividendes n'apportent rien à l'économie, il suffirait de se souvenir qu'en 2013, leur taxation accrue n'a eu que des retombées positives.
Le débat sur les superprofits a eu lieu à de nombreuses reprises, par exemple à l'occasion de la mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels, ou lors de chacune des étapes de l'examen du projet de loi de finances pour 2023 et du second projet de loi de finances rectificative pour 2022. La présentation par Mme Pires Beaune, dans le cadre de la journée réservée au groupe Socialistes et apparentés, d'une proposition de loi sur le sujet sera une occasion plus appropriée de poursuivre la discussion que dans un PLFRSS.
Sur le fond, je pense que la réduction du déficit structurel de notre système de retraite ne peut pas reposer sur des recettes volatiles. Mon avis est défavorable.
La commission rejette successivement les amendements identiques CF278, CF279 et CF280, l'amendement CF352, les amendements identiques CF293, CF294 de Mme Rachel et CF295.
Amendements identiques CF299 de Mme Rachel Keke, CF300 de Mme Mathilde Panot et CF301 de M. François Ruffin, amendement CF364 de Mme Eva Sas (discussion commune).
Cette discussion apporte une réponse aux Français qui se demandent où vont leurs impôts – cette taxe sur la valeur ajoutée et cet impôt sur le revenu qui représentent une part importante de leur revenu, alors qu'ils ne peuvent que constater la déliquescence des services publics, en particulier de l'école et de l'hôpital. Leurs impôts sont utilisés pour compenser les exonérations de cotisations sociales – plus de 70 milliards d'euros par an – qui profitent principalement aux grands groupes, au lieu de financer les services publics.
Nous proposons d'instaurer une contribution exceptionnelle sur les dividendes. Les entreprises gagnent de l'argent, leurs actionnaires aussi. Prenons l'argent là où il est.
Pour justifier votre réforme injuste, vous ne cessez de mettre en avant la baisse du nombre d'actifs par retraité. Parlons plutôt de hausse, en particulier celle, constante, des dividendes – 259 milliards d'euros en 2021 – alors que partout les Français consentent des sacrifices. Ce constat amène à s'interroger sur la répartition de la richesse produite.
Il est temps que les dividendes prennent leur part dans le financement de notre système de retraite.
Les dividendes versés par les entreprises du CAC 40 atteignent des sommets. Si besoin de recettes supplémentaires il y a pour éviter le report de l'âge légal de départ à la retraite, il est plus juste de faire porter l'effort sur eux plutôt que sur l'ensemble de la population.
Sur les amendements identiques, mon avis est le même que sur les précédents puisqu'il s'agit toujours du débat sur les superprofits.
Quant à l'amendement CF364, à titre personnel, je suis favorable à une taxation supplémentaire des dividendes, mais pas pour financer le système de retraite car il s'agit d'une ressource trop volatile.
Vous considérez que le budget de l'État ne doit pas financer le système de retraite : nous vous rejoignons sur ce point, ce doivent être des cotisations. Mais dès lors, pourquoi a-t-on entendu pendant tout le mois de janvier le Gouvernement nous dire que la réforme permettra de financer la transition énergétique ou l'éducation ?
La commission rejette successivement les amendements identiques CF299, CF300 et CF301 et l'amendement CF364.
Amendements identiques CF284 de Mme Mathilde Panot, CF285 de M. Hadrien Clouet et CF286 de M. François Ruffin.
Il s'agit d'instaurer une cotisation exceptionnelle sur les superprofits des entreprises pétrolières au bénéfice du système de retraite.
Alors que l'inflation dépasse les 6 %, les salaires comme les pensions n'augmentent que de 3 %. Les conséquences sont considérables pour les jeunes, les salariés, les chômeurs, les retraités qui se demandent comment ils vont pouvoir subvenir à leurs besoins vitaux. Dans le même temps, les grandes entreprises pétrolières ont engrangé des bénéfices record – 18,8 milliards d'euros sur un semestre pour Total alors que l'entreprise n'a payé aucun impôt en France en 2019 et en 2020.
Le Gouvernement préfère taper sur des millions de travailleurs qui ne profiteront peut-être jamais de leur retraite. Nous préférons mettre à contribution ceux qui se détournent de leur obligation de solidarité en s'enrichissant dans la crise.
Mon avis sera défavorable pour toute la série de contributions portant sur les entreprises pétrolières et celles du transport maritime.
La commission rejette les amendements identiques CF284, CF285 et CF286.
Amendements identiques CF281 de Mme Mathilde Panot, CF282 de M. Hadrien Clouet et CF283 de Mme Rachel Keke.
Il s'agit de taxer les multinationales du secteur du transport.
Celles-ci ont enregistré des profits record grâce à la hausse des prix. D'après un article des Échos, les réductions de tarifs de fret accordées par CMA-CGM représentaient un effort dérisoire d'à peine 300 millions d'euros, à mettre en regard des 17 milliards d'euros de bénéfice net en 2021 – contre 500 millions d'euros l'année précédente.
Il est temps de mettre à contribution ces entreprises afin qu'elles prennent leur part dans le juste effort que toute la société produit.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements identiques CF281, CF282 et CF283.
Amendement CF361 de Mme Eva Sas.
Il s'agit d'instaurer une contribution exceptionnelle sur les fonds de pension, dont les bénéfices ne cessent de croître. Ce sont par ailleurs des adeptes de la délocalisation, de l'optimisation fiscale et des investissements polluants.
Sans remettre en cause l'attachement du groupe Écologiste-NUPES au principe contributif, cet amendement propose au Gouvernement un élargissement du financement permettant de combler le faible déficit temporaire du système de retraite.
Votre amendement risque de freiner le développement de l'épargne retraite. Il apparaît que vous n'acceptez ni que les Français décident de mettre de l'argent de côté, ni que les plans d'épargne retraite aient une fiscalité réduite, ni le principe du partage de la valeur.
La commission rejette l'amendement CF361.
Amendements identiques CF296 de M. Hadrien Clouet, CF297 de M. François Ruffin et CF298 de Mme Rachel Keke.
La réponse de la rapporteure pour avis illustre toute l'hypocrisie de la majorité. Vous encouragez un contournement du système de retraite par répartition ! Vous êtes favorable à la capitalisation, donc vous promouvez l'épargne retraite. À l'inverse, nous voulons un système unique et robuste pour tous les salariés.
Ces amendements tendent à instituer une contribution exceptionnelle sur les fonds de pension. BlackRock a touché plus de 2 milliards d'euros de dividendes du CAC 40 au titre de l'exercice 2021, soit 250 millions d'euros de plus que l'État. Le fonds participe activement à la politique française en matière de privatisation ou de réformes en siégeant, étonnamment, au comité Action publique 2022. La capitalisation représente déjà plus de 16 milliards d'euros de cotisations par an.
Ne vous privez pas de ce gisement pour financer le système de retraite, à moins de révéler votre hypocrisie.
Je ne comprends pas l'opposition entre répartition et capitalisation. Nous souhaitons préserver le système par répartition. Avec cet amendement, non seulement vous limitez la capacité de nos concitoyens à se constituer une retraite complémentaire mais vous découragez aussi le dialogue social au sein des entreprises, dont les plans d'épargne retraite sont un des sujets. Mon avis est défavorable.
La commission rejette les amendements identiques CF296, CF297 et CF298.
Amendements identiques CF254 de M. François Ruffin, CF255 de M. Hadrien Clouet et CF256 de Mme Mathilde Panot, amendements CF392 de M. Nicolas Sansu et CF358 de Mme Eva Sas (discussion commune).
Les amendements identiques visent à supprimer des allègements de cotisations sociales sur les revenus d'activité.
J'entends dire que l'impôt ne peut pas servir à équilibrer les régimes de retraite. On peut en discuter.
En revanche, le fait d'affaiblir ces régimes en accordant des exonérations de cotisations sociales est un choix politique délibéré dont l'objectif est de diminuer le salaire socialisé. Les cotisations sont un élément du salaire socialisé, ce qui traduit l'attachement de la collectivité nationale aux mécanismes de solidarité.
Chaque fois que des exonérations de cotisations sont décidées, il en résulte une baisse des ressources de la sécurité sociale. Celle-ci est compensée par l'impôt, me direz-vous. Pourtant, dans le même temps, vous refusez de recourir à l'impôt pour financer la sécurité sociale ! C'est la quadrature du cercle.
Il faut créer de l'emploi pour générer des cotisations et rétablir un cercle vertueux, dans lequel tout travail produit de la cotisation. Celle-ci est l'assurance de notre cohésion et de notre solidarité nationale.
Ces amendements permettent de remettre le débat où il doit être : parlons donc de la question des cotisations ! Le système fonctionne, mais à condition qu'il ne soit pas mis à mal par les politiques ultra-libérales que vous défendez. Selon tous les économistes, les allègements de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC, qui coûtent 2 milliards d'euros chaque année, n'ont aucune utilité en termes d'emplois, d'investissements ou de compétitivité. Une telle somme pourrait être consacrée au système des retraites.
Il vise à revenir progressivement sur l'allègement de cotisations patronales qui s'est substitué au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui représente une exonération de plus de 20 milliards d'euros chaque année, pour 200 000 emplois préservés ou créés, selon les différentes études.
Nous sommes dans le cas typique où une diminution d'impôt a été transformée en baisse de cotisations. Le choix budgétaire de l'État en faveur des entreprises a désarmé la sécurité sociale.
Enfin, l'allègement ne concerne pas seulement les 25 % d'entreprises soumises à une concurrence internationale et donc susceptibles de délocaliser, mais également les banques ou la grande distribution.
Mon amendement vise à conditionner les dispositifs généraux d'exonération de cotisations. Ainsi, les grandes entreprises ne bénéficieraient plus d'exonérations de cotisations si elles ne remplissent pas des obligations en matière climatique et sociale : publication d'un rapport relatif à la protection du climat avec leurs objectifs annuels de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, maintien des emplois en France, politique d'égalité entre les femmes et les hommes, publication d'indicateurs relatifs à l'emploi des salariés âgés. Les entreprises doivent être actrices des évolutions sociétales.
Mon avis est défavorable. La baisse des cotisations a favorisé le retour à l'emploi et la diminution du chômage et donc un élargissement de l'assiette de cotisations et une augmentation des recettes.
La commission rejette successivement les amendements identiques CF254, CF255 et CF256 et les amendements CF392 et CF358.
Amendements CF353 et CF354 de Mme Eva Sas (discussion commune).
L'amendement CF353 encadre par la loi la détermination des cotisations patronales déplafonnées affectées à l'assurance vieillesse en leur imposant un taux de 2 %, c'est-à-dire 0,1 point de plus qu'actuellement. À l'inverse du report de l'âge légal de départ à la retraite, l'augmentation marginale de cotisation patronale permet d'équilibrer le système d'une façon bien plus équitable en mettant à contribution l'ensemble des entreprises. Ces amendements évitent de prolonger la vie active jusqu'au seuil de l'espérance de vie en bonne santé, actuellement de 64,4 ans pour les hommes et 65,9 ans pour les femmes. Ils garantissent le droit à la retraite pour tous et, pour ceux qui ont la chance de survivre, la possibilité d'en profiter en bonne santé.
Mon avis est défavorable pour les raisons déjà évoquées. De plus, votre amendement fixe des taux de cotisation de… 2015 à 2023.
La commission rejette successivement les amendements CF353 et CF354.
Amendement CF395 de M. Nicolas Sansu.
Il vise à moduler les cotisations sociales en fonction de politiques salariales respectueuses de l'environnement et des personnels.
Mon avis est défavorable. Je m'étonne que vous cherchiez à fixer directement les taux dans la loi en faisant fi du paritarisme.
C'est une réponse particulièrement piquante, alors que c'est votre réforme de l'assurance chômage, pilotée par décret, qui a détruit le paritarisme.
La commission rejette l'amendement CF395.
Amendements identiques CF 308 de M. Hadrien Clouet, CF309 de M. François Ruffin et CF310 de Mme Rachel Keke.
Connaissez-vous la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ? Lisez-vous Politis ? Êtes-vous accros aux déficits ? La Première ministre prévoit d'augmenter le taux de cotisation vieillesse pour les employeurs en contrepartie d'une baisse du taux de cotisation pour la branche AT-MP dont la caisse, selon elle et vous, serait excédentaire. Mais en fait, cet excédent est versé à l'assurance maladie pour compenser les sous-déclarations d'accidents du travail. En le supprimant, vous priverez cette dernière d'environ 800 millions d'euros.
Mon avis est défavorable. Je m'étonne que vous vouliez instaurer des « majorations spécifiques lorsque l'indice de sinistralité de ces entreprises, au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles et particulièrement au titre du syndrome d'épuisement professionnel, est supérieur à un [certain] seuil ». Comment déterminez-vous ce seuil ? Que se passe-t-il pour une petite entreprise dont le taux de sinistralité est bas mais dont un seul accident du travail suffirait à faire flamber le taux AT-MP ? Ce serait la double peine !
C'est le principe de la branche AT-MP : plus la sinistralité est élevée, plus les cotisations le sont !
Pourrais-je avoir une réponse sur le déficit de 800 millions que vous êtes en train de creuser sur le dos de l'assurance maladie ?
La commission rejette les amendements identiques CF 308, CF309 de M. François et CF310.
Amendements identiques CF311 de M. François Ruffin, CF312 de M. Hadrien Clouet et CF313 de Mme Mathilde Panot.
Ces amendements visent à faire en sorte les entreprises de plus de cinquante salariés qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'égalité salariale contribuent davantage au système de retraite.
L'égalité salariale entre les femmes et les hommes constitue un enjeu financier important. Dans le secteur privé, les femmes gagnent en moyenne 28,5 % de moins que les hommes. Elles travaillent plus souvent à temps partiel et dans des métiers moins bien payés. En neutralisant l'effet des temps partiels et des heures supplémentaires et complémentaires, le salaire annuel net moyen des femmes en équivalent temps plein est toujours inférieur de 16,8 % à celui des hommes, écart qui s'explique en partie par la discrimination salariale mais aussi parce que les femmes occupent plus souvent que les hommes des positions socioprofessionnelles moins favorables, dans des secteurs d'activité́ moins rémunérateurs. Même à temps de travail et à poste équivalent, l'écart de salaire est toujours de 5,3 %. Ainsi, on peut estimer qu'à partir du début novembre jusqu'à la fin de l'année, les femmes travaillent gratuitement.
De surcroît, les femmes représentent 80 % des travailleurs pauvres et la course à la précarisation les touche de plein fouet. Malgré les lois successives en matière d'égalité professionnelle, les écarts en termes de salaire ne se réduisent pas. Si le rythme reste le même, les femmes devraient gagner autant que les hommes d'ici… 2234.
S'il importe en effet d'améliorer la rémunération des femmes, la mesure que vous proposez ne me paraît pas adaptée, notamment au texte que nous examinons, qui est consacré au financement de notre système de retraite.
Je crois davantage aux mesures qui favorisent l'accès des femmes à l'emploi et qui leur permettent d'évoluer professionnellement, par exemple celles permettant le développement de la garde d'enfants. Mon avis est défavorable.
L'index de l'égalité professionnelle est inefficace et l'index sur l'emploi des seniors que vous entendez instaurer le sera tout autant.
L'Islande a estimé, il y a quelque temps, que la seule façon de parvenir à l'égalité salariale entre hommes et femmes serait de passer par des mesures contraignantes. Le succès a été frappant : partant d'un niveau proche du nôtre, ils en sont à une égalité salariale quasiment parfaite. Une telle politique permet en outre de créer plus de salaire socialisé – ce que vous appelez des charges et que j'appelle des cotisations – et donc plus de rentrées pour les caisses de la sécurité sociale. Une égalité salariale effective rapporterait 5 milliards d'euros supplémentaires, ce qui représente la moitié du déficit affiché. Il est plus que temps de procéder ainsi.
Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes sont encore trop importantes mais la comparaison avec l'Islande, pays de 370 000 personnes, ne me paraît pas très probante. De plus, des avancées ont été réalisées, avec par exemple la loi dite Rixain visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle. Nous obtiendrons des résultats certes à travers des obligations, mais également un accompagnement.
D'une manière générale, je crains que les contraintes soient contreproductives et que la pénalité, en l'occurrence, serve de prétexte aux entreprises pour s'affranchir de leurs obligations.
La commission rejette les amendements identiques CF311, CF312 et CF313.
Amendements identiques CF314 de Mme Mathilde Panot, CF315 de M. Hadrien Clouet et CF316 de Mme Rachel Keke.
Il vise à faire davantage contribuer les entreprises qui pratiquent cette infamie sociale que sont les licenciements boursiers, dont le seul objectif est d'améliorer les bénéfices et les dividendes alors même que l'entreprise est en bonne santé.
La mortalité des personnes qui sont au chômage est trois fois supérieure aux autres. Le nombre de morts – dont les suicides – est estimé chaque année à plus de 14 000.
Nous refusons de nous résigner à l'horizon d'un allongement du sas de précarité avant d'atteindre l'âge de la retraite, puisque le passage de 60 à 62 ans a déjà augmenté de seize points le taux de personnes ni en emploi, ni en retraite. Je rappelle que seulement 60 % des gens passent de l'emploi à la retraite sans période de chômage, d'invalidité ou d'inactivité, et que seulement 2 % des plus de 50 ans trouvent un emploi dans le mois suivant leur inscription à Pôle emploi.
Par ailleurs, les seniors sont particulièrement touchés par le chômage de longue durée puisqu'ils sont plus de 60 % à le subir parmi les plus de 60 ans.
Je précise, enfin, qu'il s'agit d'un amendement de repli pour nous puisque nous souhaitons une interdiction des licenciements boursiers.
J'émets un avis défavorable à cet amendement qui prévoit une double peine : des salariés se font virer et ceux qui restent sont punis !
La commission rejette les amendements identiques CF314, CF315 et CF316.
Amendements identiques CF251 de Mme Rachel Keke, CF252 de M. François Ruffin et CF253 de Mme Mathilde Panot, amendements identiques CF269 de Mme Rachel Keke, CF270 de Mme Mathilde Panot et CF271 de M. François Ruffin, amendements identiques CF305 de Mme Mathilde Panot, CF306 de M. Hadrien Clouet et CF307 de Mme Rachel Keke, amendement CF348 de Mme Eva Sas, amendements identiques CF272 de M. François Ruffin, CF273 de Mme Mathilde Panot et CF274 de M. Hadrien Clouet (discussion commune).
En raison des exonérations et des réductions de cotisations accordées aux entreprises – sans aucun effet sur l'investissement ou l'emploi – près de 90 milliards d'euros sont perdus chaque année. À l'issue de la pandémie, près de 30 000 emplois ont été supprimés en France par les entreprises du CAC 40. La moindre des choses, pour bénéficier de ces exonérations, serait de s'assurer de contreparties sociales et environnementales. Arrêtez de jeter de l'argent par les fenêtres !
L'amendement CF348 reprend celui que Sacha Houlié avait défendu lors de la discussion du PLFSS pour 2023. Il vise à supprimer la réduction de 1,8 point du taux de cotisations d'allocations familiales pour les rémunérations comprises entre 2,5 et 3,5 SMIC. Dans une note de 2019, le Conseil d'analyse économique (CAE) recommande l'abandon de ces exonérations sans effet sur l'emploi et la compétitivité ce sont donc encore des cadeaux aux entreprises.
Puisque le Gouvernement nous explique qu'il faut trouver plus de 13 milliards d'euros pour financer le système des retraites, commençons par récupérer les 3,1 milliards d'euros que coûtent ces exonérations !
Une égalité salariale effective entre les femmes et les hommes rapporterait en effet 5 milliards d'euros aux caisses de retraite.
Par ailleurs, nous constatons que plus les métiers se féminisent, plus les salaires diminuent : c'est le cas pour les enseignants, les médecins, les avocats. Parce que nous avons besoin d'imposer aux entreprises des contreparties restrictives et dissuasives, nous proposons de supprimer les exonérations en cas de non-respect de l'égalité salariale.
Les inégalités de salaires ont des conséquences individuelles, certes, puisque les femmes, faute d'avoir pu cotiser suffisamment, ont des difficultés à avoir une pension de retraite digne de ce nom, mais également des conséquences collectives touchant l'ensemble du financement des retraites.
Si je résume : plus de cotisations, c'est bien ; moins de cotisations, c'est la destruction du système des retraites. Les amis de la cotisation ici, c'est nous ! Je sais que cela vous fait mal de l'entendre !
L'amendement CF273 est simple : les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'égalité salariale n'ont pas droit aux exonérations de cotisations.
Mon avis est défavorable. Votre logique reste la même : suppression de niches sociales, augmentation de cotisations pour les entreprises… Nos philosophies divergent.
Je rappelle que les coûts de la main-d'œuvre, en France, sont parmi les plus élevés d'Europe : 37,90 euros brut de l'heure en 2021 contre 32,80 dans la zone euro et 29,10 au sein de l'Union européenne (UE).
Je veux bien discuter tant que vous voulez du coût du travail, mais vous ne pouvez pas nier que les femmes sont sous-payées. Chez moi, en Seine-Saint-Denis, elles se lèvent tous les jours de bonne heure pour se rendre dans les beaux quartiers de Paris, où elles s'occuperont des enfants, des personnes âgées, du ménage, et tout cela pour une retraite de misère ! Certaines d'entre elles travaillent jusqu'à 67 ans pour avoir une retraite complète et continuent un an de plus pour aller chercher la surcote ! Ces femmes sont épuisées !
L'égalité entre les femmes et les hommes est l'objet même de l'amendement.
Faisons en sorte que seules les cotisations financent le système de retraite et supprimons ces exonérations inacceptables ! Il n'est pas admissible qu'une entreprise qui discrimine les femmes soit, par-dessus le marché, exonérée de cotisations.
La commission rejette successivement les amendements identiques CF251, CF252 et CF253, les amendements identiques CF269, CF270 et CF271, les amendements identiques CF305, CF306 et CF307, l'amendement CF348, les amendements identiques CF272, CF273 et CF274.
Amendements identiques CF257 de M. Hadrien Clouet, CF258 de Mme Rachel Keke et CF259 de Mme Mathilde Panot.
Paraît-il qu'il manque 2 milliards d'euros pour combler le trou du système de retraites ? C'est en raison des exonérations de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires. Nous proposons donc de supprimer cette disposition, dont nous disons depuis longtemps qu'elle fait courir des risques à la sécurité sociale.
En acceptant cet amendement de bon sens, vous manifesteriez votre volonté de co-construction. J'entends en effet beaucoup parler de concertation mais je la vois très peu, y compris au sein de notre commission.
Mon avis est défavorable. De nombreux salariés recourent aux heures supplémentaires afin de compléter leur salaire.
Ce type de mesure avait aussi pour but de favoriser le pouvoir d'achat. Prenons garde à ne pas balayer d'un revers de la main les heures supplémentaires, primes et autres, qui ont amélioré le quotidien de beaucoup de Français.
Une amélioration du pouvoir d'achat qui se fait au bénéfice du brut mais au détriment du net n'en est pas une, c'est un transfert d'argent d'une poche à une autre. Nous ne proposons pas la suppression du système des heures supplémentaires mais de faire en sorte que les employeurs s'acquittent des cotisations vieillesse – qui ne se montent pas à grand-chose !
La commission rejette les amendements identiques CF257, CF258 et CF259.
Amendements identiques CF237 de Mme Rachel Keke, CF238 de Mme Mathilde Panot et CF239 de M. François Ruffin.
Selon le journal La Tribune, les actionnaires du CAC 40 ont bénéficié de 80 milliards d'euros en dividendes et rachats d'actions en 2020 – un record. Taxer ces dividendes à 12,5 % permettrait de payer le fameux déficit des retraites dont vous nous parlez à longueur de temps. Nous vous proposons de prendre un peu plus à ceux qui font de l'argent en dormant, pour permettre à ceux qui font de l'argent en travaillant de vivre de leur travail.
Les dividendes n'existeraient pas sans le travail. En leur appliquant le taux de cotisation de base, on fait plus qu'équilibrer le système : on crée des marges de manœuvre, qui nous rapprochent de l'objectif de la retraite à 60 ans. Il faut que le capital cotise à la même hauteur que le travail. Comment faire pour que tout ce qui est produit par le travail, y compris ce qui sert à la rente capitaliste, se voie appliquer les mêmes cotisations que le revenu du travail ?
Par nature, les dividendes sont fluctuants. Les soumettre aux cotisations sociales n'est pas la bonne solution pour financer de manière pérenne le système des retraites. On pourrait combler le déficit la première année mais que faire la deuxième, si les dividendes s'effondrent ? Mon avis est défavorable.
Une question philosophique est posée, celle de l'imposition du capital et du travail – des revenus au sens large. Selon un rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (France stratégie), les revenus du patrimoine et du capital sont taxés à hauteur de 23 % en moyenne en France, contre 20 % dans l'ensemble de l'UE : on ne peut pas dire que nous sommes moins-disants !
Par ailleurs, la nature de ces revenus n'a rien à voir : le capital est un stock, non un flux ; les plus-values sont un revenu exceptionnel, non récurrent. François Hollande avait voulu les assujettir à l'impôt sur le revenu. Cette proposition avait abouti au mouvement des « pigeons ». Les entrepreneurs ne sont pas des pigeons, ils n'ont pas vocation à être taxés sur un patrimoine qui n'est en aucun cas un revenu, a fortiori récurrent.
Il s'agit de soumettre les revenus des dividendes aux cotisations sociales. Il n'y a pas de confusion entre le budget de l'État et celui de la sécurité sociale. Cet argument tombe.
M. Lefèvre a dit que la France taxait davantage que la moyenne des pays de l'Union européenne, mais elle est aussi le pays qui verse le plus de dividendes aux actionnaires – 259 milliards d'euros en 2020. Que ce soit pour les entreprises du CAC 40 ou pour toutes les entreprises, la question d'intégrer les revenus des dividendes au barème des cotisations sociales se pose.
Le débat vise à déterminer ce qui doit servir à financer les retraites – revenus du travail ou revenus du capital. Les députés de La France insoumise contestent les difficultés de financement des retraites et l'existence d'un déficit. Mais M. Guiraud a reconnu que celui-ci existe à terme. Cela montre qu'il faut réformer notre système de retraites par répartition pour le maintenir.
Les dividendes seraient exceptionnels mais en vingt ans, ils ont augmenté de 269 %. Quant aux variations, c'est la même chose pour les actifs. Le chômage augmente ou baisse, comme les rentrées dans la caisse. Il s'agit de faire en sorte que tout ce qui est produit par le travail – dividendes ou revenus des travailleurs – contribue de la même manière.
La commission rejette les amendements identiques CF237, CF238 et CF239.
Amendement CF345 de Mme Eva Sas, amendements identiques CF225 de Mme Rachel Keke, CF226 de M. François Ruffin et CF227 de Mme Mathilde Panot, et amendements identiques CF232 de Mme Rachel Keke, CF234 de M. Hadrien Clouet et CF235 de M. François Ruffin (discussion commune).
L'amendement CF345 vise à supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale pour l'intéressement, les réserves de participation et l'abondement versé dans le cadre des plans d'épargne salariale. Une part de plus en plus importante de la rémunération est constituée de ces dispositifs dits de partage de la valeur donnant lieu à une rémunération variable, non génératrice de droits. Or ils ne changent pas le partage effectif de la valeur entre salariés et détenteurs du capital puisque celui-ci reste stable quand de tels dispositifs se développent.
Nous proposons de soumettre cette part de rémunération aux cotisations de retraite, pour qu'elle vienne contribuer à l'équilibre du système puis générer des droits nouveaux pour les salariés, donc augmenter leur pension.
D'après l'économiste Michaël Zemmour, la suppression de cette exonération peut rapporter près de 3,5 milliards d'euros par an au système de retraite : il n'y a donc aucun besoin de reporter l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Assurer l'équilibre du système par les cotisations n'est pas une position conjoncturelle qui dépendrait de son caractère excédentaire ou déficitaire : c'est une question de principe. Vous avez joué les Cassandre et présenté le système comme étant en danger, ce qui justifie de travailler jusqu'à 64 ans. Vous vous opposez à toutes les propositions de recettes que nous faisons, tout en criant au problème de financement. Les Français voient votre hypocrisie – 93 % des actifs sont contre cette réforme. Quand vous refusez d'augmenter les salaires pour essayer de trouver des augmentations de pouvoir d'achat non soumises à cotisations, vous privez les Français non seulement d'une augmentation de salaire mais aussi d'une retraite digne. Voilà la réalité que les Français sont en train de découvrir.
Il y a un léger trou – de 2 milliards d'euros –, que vous avez creusé parce que vous avez exonéré de cotisations les heures supplémentaires, pour un même montant. Le système se rééquilibrera à l'horizon de 2050 ou 2070. Notre responsabilité est de faire preuve d'imagination politique, pour rechercher le bien commun ; ce n'est pas de faire travailler les gens plus longtemps, mais de demander, par exemple, de soumettre les revenus d'intéressement à l'assiette de cotisations sociales. J'espère que cela est clair, sans quoi nous allons tourner en rond.
Madame Garrido, vous opposez le salaire et les dispositifs de participation et d'intéressement. Il faut les distinguer : la dynamique salariale est décorrélée de ces dispositifs. Lorsque, dans ma vie professionnelle, j'étais chargée des ressources humaines, nous avons augmenté les salaires et distribué de la participation et de l'intéressement. Ces dispositifs intéressants et redistributifs font partie des éléments de négociation au sein des entreprises : beaucoup de salariés les attendent car ils leur apportent du pouvoir d'achat et leur permettent de réaliser des projets personnels ou professionnels. Si on veut les freiner, on accepte votre proposition. Mon avis est défavorable.
Dans cette liste d'amendements, tout y passe – salaires, dividendes, participation, intéressement. Les Français ne sont pas dupes de votre prisme et sont toujours en train de se demander à quelle sauce vous les mangerez. Vous ne pouvez pas dire qu'ils vivent à l'euro près – c'est le cas pour certains d'entre eux – et revenir sur tout ce que nous faisons pour leur pouvoir d'achat, notamment la défiscalisation des heures supplémentaires ou la réduction des cotisations pour les salaires ne dépassant pas 1,6 fois le SMIC. Vous dites qu'il est terrible pour les salariés qu'une entreprise ferme, mais quand on crée 200 000 emplois, vous vous plaignez que cela coûte cher et que les mesures de soutien à l'économie ne sont pas nécessaires. Je vois là beaucoup de contradictions.
Nos propositions ne visent pas à interdire l'intéressement – les grandes entreprises concernées ont bien le droit de le faire. Ce que nous voulons, c'est intégrer ces sommes à l'assiette de la cotisation de retraite. Vos dispositifs d'incitation créés cet été avaient pour alternative d'augmenter les salaires : il fallait augmenter le salaire minimum à 1 800 euros et indexer les salaires sur l'inflation. L'augmentation des salaires, voilà ce qu'attendent les Français. En créant des dispositifs nouveaux, comme la prime dite Macron, que j'appelle prime gilets jaunes – ce sont eux qui l'ont obtenue –, ou l'intéressement, vous avez créé des excuses pour les patrons qui ont besoin d'augmenter les salaires afin de retenir leur main-d'œuvre. Vous leur avez trouvé des niches sociales pour qu'ils utilisent ces dispositifs plutôt que d'augmenter les salaires.
Le pouvoir d'achat est bien mieux défendu par nous : avec vous, ils perdent deux fois, en salaire et en retraite.
La commission rejette successivement l'amendement CF345, les amendements identiques CF225, CF226 et CF227, et les amendements identiques CF232, CF234 et CF235.
Amendements identiques CF240 de M. François Ruffin, CF241 de M. Hadrien Clouet et CF242 de Mme Mathilde Panot.
Les Français ne sont pas dupes : ils voient que, pour combler le déficit que vous avez créé, nous sommes en train d'essayer de trouver des solutions autres qu'allonger leur temps de travail et leur supprimer deux ans de vie à la retraite.
Les amendements visent à soumettre les rachats d'actions à l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Ces rachats, qui explosent dans notre pays, constituent une nouvelle façon de rémunérer grassement les actionnaires. Il s'agit pour une entreprise de racheter puis de détruire ses propres actions afin que les actions restantes gagnent artificiellement de la valeur : ce sont les entreprises qui financent les actionnaires, non l'inverse. Le capitalisme marche sur la tête. Face à cette absurdité, le Gouvernement laisse les marchés financiers faire la fête. Votre réforme ne fera qu'aggraver ce phénomène : en maintenant des millions de seniors sur le marché du travail, elle va comprimer les salaires donc augmenter les marges des entreprises. Celles-ci pourront alors acheter encore plus d'actions, pour la plus grande joie des actionnaires.
Il est temps de casser cette logique absurde et injuste. Il faut que les actionnaires participent à la solidarité nationale par le financement de la sécurité sociale, à la hauteur de leurs moyens – élevés. Les rachats d'actions représenteraient 23 milliards d'euros en 2021 pour les seules entreprises du CAC 40. En appliquant à ce montant le même taux de cotisation qu'aux salaires, soit 17 %, on pourrait récupérer plus de 4 milliards d'euros pour financer le régime des retraites.
Le rachat d'actions ne concerne pas que les gros actionnaires milliardaires : les salariés des entreprises en profitent aussi. En outre ces revenus, qui ne sont pas des revenus d'activité à proprement parler, sont assujettis à l'impôt sur le revenu. Ils sont fluctuants – si, demain, l'action s'effondre, la création de richesse estimée disparaît. Ils ne doivent pas entrer dans le financement de notre système de retraites. Mon avis est défavorable.
Pour les sociétés d'exercice libéral, il existe des dispositifs visant à soumettre les dividendes aux cotisations sociales.
Je suis favorable à ce qu'on réfléchisse à une taxation de certains surdividendes. Les dividendes sont versés après le paiement de l'impôt sur les sociétés. Le salaire, lui, est une charge déductible. Cela n'est pas la même chose.
Vous êtes contre la participation, l'intéressement des salariés, le rachat d'actions, mais de nombreux rachats d'actions se font au bénéfice des salariés. Avec la distribution d'actions gratuites, ce sont des systèmes relativement anciens d'intéressement. C'est une vision du partage de la richesse – je n'affectionne pas l'expression –, d'intéressement et de motivation des salariés.
Les entrepreneurs qui ont versé des primes n'ont pas baissé les salaires ou refusé de les augmenter. Ils ont plutôt fait les deux. C'est la vraie vie des entreprises.
Les entreprises ont choisi les primes. Dès lors qu'il existe un dispositif de défiscalisation ou d'exonération de cotisations, il est utilisé. J'ai été chef d'entreprise : si vous avez le choix d'équilibrer vos comptes ainsi, vous le faites, c'est naturel. De même, vous affectez vos bénéfices à un mode de paiement par dividendes, qui coûte moins cher que d'autres modes de rétribution, puisqu'il y a la flat tax.
Dès lors que vous offrez aux entreprises des moyens de payer le travail sans cotisation, elles les choisissent. Ce n'est pas lié à la relation avec les salariés, mais au fait d'être sur un marché concurrentiel : les entreprises doivent faire en sorte d'avoir le plus de marge bénéficiaire et se saisissent des outils à leur disposition. Sans eux, elles seront obligées de payer en salaire. C'est la réalité.
J'entends votre raisonnement mais la réalité du marché est autre. Les chefs d'entreprise ne sont pas en opposition permanente, constante et viscérale avec leurs salariés. Tout dirigeant, quelle que soit la taille de son entreprise – il n'y a pas que des grandes entreprises mais essentiellement des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) – veut conserver ses salariés, non seulement pour des aspects humains, pour les liens qu'ils ont tissés, mais en raison du coût des départs. Passer du temps à recruter et à former coûte cher. Il ne s'agit pas d'un moment d'affrontement entre chefs d'entreprise et salariés.
Vous nous parlez de la réalité des entreprises : nous la connaissons aussi bien que vous car nous aussi, nous travaillons dans le privé et nous avons fait les mêmes études que vous. La réalité des entreprises c'est qu'elles ont une enveloppe à attribuer chaque année pour l'augmentation de la masse salariale. Comme l'a dit le président Coquerel, elles arbitrent entre différents dispositifs – augmentations de salaire, primes de partage de la valeur, dispositifs d'intéressement.
La mission d'information sur le partage de la valeur au sein des entreprises que nous menons et les enquêtes de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) montrent un effet de substitution à court terme entre les augmentations de salaire et la prime de partage de la valeur. À moyen terme, il n'y a aucune déformation en faveur des salariés du partage de la valeur ajoutée alors que ces dispositifs de prétendu partage augmentent de plus en plus. La part variable de la rémunération augmente.
Sur le marché du travail, les tensions sont telles que l'antinomie que vous créez entre salaires et primes n'est plus d'actualité dans de nombreux secteurs, voire partout. Il y a une telle concurrence en matière de main-d'œuvre, une telle pénurie dans certains secteurs, notamment l'hôtellerie et la restauration, que les chefs d'entreprise augmentent les salaires et donnent des primes, sans quoi ils perdent leurs salariés. Il ne faut donc pas opposer les deux logiques.
La commission rejette les amendements identiques CF240, CF241 et CF242.
Amendements CF351 de Mme Eva Sas et CF394 de M. Nicolas Sansu (discussion commune).
Il s'agit d'assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières au taux de cotisation patronale d'assurance vieillesse, pour dégager une trentaine de milliards d'euros de ressources. En 1990, avec une retraite à 60 ans, les exonérations de cotisations sociales représentaient 1 % du produit intérieur brut (PIB), contre 3,2 % aujourd'hui. On doit se demander ce que l'on veut pour financer des retraites dignes pour tout le monde.
Le dispositif même de votre amendement définit en fait les revenus financiers des prestataires de services comme la somme des dividendes. Nous avons donc déjà eu ce débat. Mon avis est défavorable.
Si les chefs d'entreprise cherchent naturellement à équilibrer leur compte d'exploitation pour investir et développer leur activité, ils se préoccupent beaucoup de conserver leurs équipes. Aujourd'hui, la valeur d'une entreprise est celle de son potentiel humain, des hommes et des femmes qui la composent.
Il est faux de dire que, d'une manière générale, on substitue des primes aux augmentations de salaire : ce sont des cas à la marge. Un grand nombre d'entreprises ont augmenté leurs salaires dans les derniers mois. Celles qui l'ont pu, et qui y ont trouvé un intérêt, ont attribué la prime de partage de la valeur – les règles d'attribution à l'ensemble des équipes, de la même manière, ne conviennent pas à toutes. On fait un mauvais procès aux entreprises, et je veux saluer les chefs d'entreprise qui se défendent, malgré les nombreuses difficultés actuelles.
Cet été, vous annonciez à cor et à cri que 20 millions de Français pourraient bénéficier d'une prime de partage de la valeur de 6 000 euros. La réalité est la suivante : en 2022, 730 000 personnes ont touché une moyenne de 710 euros. Cela représente 0,03 % de la force de travail concernée, ce qui prouve que la seule façon efficace d'obtenir une augmentation générale des salaires pour compenser la perte de salaire due à l'inflation était d'indexer les salaires sur l'inflation et d'augmenter le salaire minimum.
Même si vos primes concernent peu de Français, ce sont des cotisations perdues pour le système des retraites, pour lesquelles vous justifiez que nos concitoyens doivent travailler jusqu'à 64 ans. Vous les pénalisez deux fois : vous n'augmentez pas leur salaire et vous baissez leur retraite.
La commission rejette successivement les amendements CF351 et CF394.
Amendements identiques CF17 de M. Philippe Brun, CF260 de M. Hadrien Clouet, CF261 de M. François Ruffin, CF262 de Mme Rachel Keke et CF359 de Mme Eva Sas, amendement CF18 de M. Philippe Brun (discussion commune).
L'objet de ces amendements est de créer une surcotisation sur les hauts salaires, au bénéfice de l'assurance vieillesse, pour résorber le déficit temporaire de notre système de retraite, lié au départ en retraite de la génération née après la guerre.
Je crains que ces amendements ne provoquent l'effet inverse de celui qui est visé. Vous souhaitez augmenter le taux de cotisation de l'assurance vieillesse pour les revenus au-dessus du PASS, mais ces amendements entraîneront surtout une diminution pour les revenus au-dessous de ce plafond. Compte tenu de l'assiette, le rendement global diminuera. Mon avis est défavorable.
La commission rejette successivement les amendements identiques CF17, CF260, CF261 et CF262, l'amendement CF359 et l'amendement CF18.
Amendement CF196 de M. Fabrice Brun.
Il s'agit de corriger une anomalie. Les jeunes agriculteurs ne peuvent pas cumuler le dispositif permettant une réduction des taux de cotisation et celui prévoyant des exonérations pour les jeunes agriculteurs, comme il est possible de le faire pour les bénéficiaires de l'aide à la création ou à la reprise d'une entreprise (ACRE). En adoptant cet amendement, nous ne ferions qu'un petit pas, mais tout est bon à prendre quand il s'agit de faciliter l'installation des jeunes agriculteurs et d'améliorer leur vie au quotidien. Outre les enjeux économiques, il y va de notre souveraineté alimentaire.
Mon avis est défavorable. Il me semble difficile d'autoriser ce cumul. En revanche, je vous rejoins quant aux difficultés que rencontrent les agriculteurs. Un colloque consacré aux reprises d'exploitation a eu lieu cette semaine. Il y a été question, notamment, des aides dont peuvent bénéficier les jeunes agriculteurs. Certaines choses doivent être améliorées, en effet.
La commission rejette l'amendement CF196.
Article 4 : Tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale
Amendements de suppression CF3 de M. Philippe Brun, CF324 de M. Hadrien Clouet et CF369 de Mme Eva Sas.
Nous sommes opposés à cet article qui entérine la réforme des retraites, en particulier le recul de l'âge légal de départ. Celui-ci serait désormais fixé à 64 ans, ce qui est inacceptable.
L'article 4 présente le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale pour l'année 2023. Le Gouvernement a choisi un PLFRSS comme véhicule législatif pour cette réforme. Or l'effet réel des nouvelles règles sur l'exercice en cours est très limité : en reculant au mois de janvier 2024 au lieu de septembre 2023 le départ à la retraite des personnes nées entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961, vous obtiendrez une baisse des dépenses de l'ordre de 200 millions d'euros en 2023. Au regard de l'enjeu financier global de la réforme, qui se situe aux alentours de 18 milliards d'euros, c'est epsilon. Il est donc inconstitutionnel de passer par un PLFRSS pour modifier le système des retraites. C'est un contournement de la procédure, qui constitue une atteinte grave à la démocratie.
D'abord, madame Garrido, vous mélangez les choux et les carottes. Il s'agit ici de l'exercice 2023 et le tableau présente effectivement une différence de 400 millions par rapport aux prévisions initiales. Or vous comparez cela au déficit de 18 milliards d'euros que connaîtra le système de retraite. L'échelle de temps n'est pas du tout la même.
Ensuite, vous évoquez l'inconstitutionnalité du texte. Je vous confirme que si nous supprimions l'article comportant le tableau d'équilibre, nous enfreindrions une règle constitutionnelle, car selon la loi organique ce tableau est obligatoire.
Mon avis est défavorable.
Je parlais non pas du déficit de 18 milliards d'euros, mais des recettes nouvelles que vous créez en imposant de travailler deux années supplémentaires. C'est là le cœur de la réforme. Or, par rapport à la masse d'argent qui est jeu, les 200 millions d'euros en question – ou 400 millions si vous préférez vous fonder sur le chiffre mis en avant par le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui inclut d'autres éléments – représentent une somme marginale. Cela ne relève pas d'un PLFRSS. Autrement dit, vous détournez la procédure. L'article 47-1 de la Constitution ne peut pas être utilisé pour des sommes ne concernant pas l'exercice en cours. L'exécutif a le droit de mobiliser cet article lorsque la continuité financière est en jeu. Tel n'est pas le cas, à l'évidence, puisque les incidences financières sur l'exercice 2023 sont très limitées.
D'abord, si nous sommes saisis de ce texte, c'est parce qu'il y a urgence, même si vous le niez – encore que votre discours ait un peu évolué sur ce point : vous avez reconnu qu'il y avait un déficit et qu'il fallait le combler.
Ensuite, nous voulons que ces mesures aient un effet aussi rapidement que possible, c'est-à-dire dès 2023. Cet effet sera positif pour les retraités : 2 millions d'entre eux environ verront leur pension augmenter dès le mois de septembre.
Vous dites que cela va trop vite, mais, dès lors que l'entrée en vigueur des mesures d'âge est progressive, si nous repoussions la décision, la pente serait beaucoup plus raide par la suite.
La commission rejette les amendements identiques CF3, CF324 et CF369.
Amendement CF416 de Mme Christine Pires Beaune.
Nous proposons de réaffecter entièrement au système de retraite les 17,7 milliards d'euros de dette sociale qu'il est prévu de rembourser en 2023. Ce montant correspond à celui des économies annuelles que recherche le Gouvernement, d'ici à 2030, à travers la réforme.
J'ai un peu de mal à comprendre la logique : vous bougez les lignes du tableau, mais vous serez quand même obligé de trouver une recette pour compenser l'opération. La mécanique ne me semble guère orthodoxe. Mon avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement CF416.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF67 de Mme Christine Pires Beaune.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 4 non modifié.
Article 5 : Prévisions des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale
Amendements de suppression CF4 de M. Philippe Brun, CF370 de Mme Eva Sas et CF411 de M. Thomas Ménagé.
Nous protestons non seulement contre la gestion de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), mais contre le principe même de cet organisme, qui n'est pas un bon instrument, comme le montre le coût supporté par la collectivité. Par ailleurs, durant la précédente législature, la majorité a transféré à la CADES des charges qui n'auraient pas dû lui incomber.
Nous avons déjà débattu de la CADES, ce matin. En l'espèce, vous voulez supprimer l'objectif fixé en matière d'amortissement. Or il est obligatoire de le consigner dans le texte. Mon avis est défavorable.
La commission rejette les amendements identiques CF4, CF370 et CF411.
Amendement CF346 de Mme Eva Sas.
Le remboursement de la dette sociale par la CADES se fait au rythme de 17,7 milliards d'euros par an. Nous proposons de le différer, de manière à dégager de ressources pour assurer à court terme l'équilibre du système de retraite. L'une des nombreuses solutions possibles pour faire face au déficit raisonnable auquel ce système sera confronté serait de réduire les sommes consacrées à l'amortissement de la dette sociale et d'allonger le délai légal fixé pour son remboursement – ce qui ne peut être fait qu'à travers une loi organique.
En proposant de différer le remboursement, vous nous rendez encore plus dépendants des marchés financiers. Je ne comprends vraiment pas cette logique, qui est à l'opposé de ce que vous défendez habituellement. Mon avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement CF346.
Amendement CF347 de Mme Eva Sas.
C'est un amendement de repli. Différer temporairement le remboursement de la dette sociale est bien plus responsable que de reporter l'âge de départ à la retraite – mesure profondément inégalitaire.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF347.
Amendement CF66 de Mme Christine Pires Beaune.
Comme précédemment, nous proposons de réaffecter au système de retraite les 17,7 milliards d'euros de dette sociale qu'il est prévu de rembourser en 2023.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF66.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 5 non modifié.
Article 6 et annexe : Rapport sur les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses pour les années 2023 à 2026
Amendements de suppression CF5 de M. Philippe Brun et CF371 de Mme Eva Sas.
L'article 6 vise à approuver le rapport figurant en annexe au projet de loi. Ce document traduit la façon bornée dont sont présentées par le Gouvernement les trajectoires et prévisions macroéconomiques sur lesquelles il se fonde. Le groupe Écologiste réitère son opposition à cette réforme. Ce n'est rien d'autre qu'un projet productiviste, que l'on peut résumer ainsi : travailler plus pour produire plus pour consommer plus. Ne vous en déplaise, nous ne sommes pas des fourmis !
Réformer les retraites sans penser à l'évolution du travail montre, encore une fois, l'incapacité du Gouvernement à développer une vision claire englobant l'ensemble des Français.
Cet article est une nouvelle preuve de la fraude à la procédure qui est en cours. Il définit une trajectoire pluriannuelle. Or, si l'article 47-1 de la Constitution impose des délais contraints à l'Assemblée nationale et au Sénat pour l'adoption des PLFSS, c'est pour éviter le défaut de paiement au 1er janvier de l'année suivante. C'est ce que l'on appelle le shutdown aux États-Unis : certaines mesures doivent être adoptées au plus tard le 31 décembre si l'on veut que les dépenses puissent être assumées à partir du 1er janvier suivant. Il n'y a rien de tel dans le projet de loi qui nous est soumis : il s'agit de modifier les équilibres du système de financement des retraites à terme – et même à très long terme. Il n'est donc pas possible d'imposer l'adoption du texte en invoquant l'article 47-1 de la Constitution, car ce n'est pas conforme à la fonction constitutionnelle de cet article.
Les Français voient bien que vous contournez la Constitution pour vous opposer à eux – car 93 % des actifs sont contre la réforme. Ayons un peu le souci de la volonté générale et de la majorité : cela se fait, en démocratie !
Madame Garrido, en parlant de « fraude » et de « contournement » de la Constitution, vous dépassez les bornes.
Nous savons tous que la question constitutionnelle se pose. Même le président du Conseil constitutionnel s'interroge à ce propos.
Autant que je sache, nous avons le droit de nous interroger sur la conformité à la Constitution des procédures suivies. Cela fait partie du débat politique. Or si celle qui est utilisée n'est pas conforme à la Constitution, les termes employés par Mme Garrido n'ont rien de problématique.
Il est habituel de s'interroger sur la conformité des textes à la Constitution. En revanche, c'est la majorité que Mme Garrido accuse de fraude et de contournement de la Constitution. Ce sont des termes extrêmement forts. Elle les utilise uniquement parce qu'elle n'est pas d'accord sur le fond avec les mesures que contient le texte. Comme madame la rapporteure pour avis, je trouve cela totalement exagéré.
J'appelle à ce que nous discutions du fond du texte. Laissons le Conseil constitutionnel trancher la question de la conformité à la Constitution. Vous aurez tout le loisir et le droit de déposer un recours, mais chaque chose en son temps.
Vous avez le droit de trouver ces termes exagérés ; en tant que députés, nous avons celui d'ouvrir le débat de la conformité à la Constitution, même si ce n'est pas nous qui le trancherons.
La commission rejette les amendements identiques CF5 et CF371.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 6 non modifié.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de la première partie modifiée.
Deuxième partie
Dispositions relatives aux dépenses de la sécurité sociale pour l'exercice 2023
Titre Ier
Reculer l'âge de départ en tenant compte des situations d'usure professionnelle
Avant l'article 7
Amendement CF163 de M. Fabrice Brun.
Il s'agit de graver dans l'intitulé du titre Ier de la deuxième partie de la loi les termes « pénibilité des métiers ».
Cette modification ne me semble pas nécessaire, car l'intitulé du titre Ier introduit déjà la notion d'« usure professionnelle », terme générique qui inclut la pénibilité. Mon avis est défavorable.
L'avis de Mme la rapporteure pour avis ne nous surprend pas : en 2017, le Président de la République lui-même avait modifié le nom du compte pénibilité parce qu'il ne supportait pas l'idée d'associer la notion de pénibilité au travail. Malheureusement, pour des millions de Français, les deux sont bel et bien liés, parce que le travail use le corps et l'esprit.
Même quand on l'aime, que l'on est investi et que l'on pense que l'on fait quelque chose d'important, le travail peut être pénible. Or c'est précisément aux personnes confrontées à la pénibilité que vous allez demander de travailler plus longtemps. Cela confirme le caractère injuste de votre réforme.
Même si l'amendement CF163 est de nature symbolique, nous le soutiendrons. Oui, il y a des métiers pénibles. Il faut oser le dire ; il faut l'écrire dans la loi.
Bien sûr, le travail use, mais comme le fait la vie ! Le fait de vieillir chaque jour est une usure de la vie. J'ai souvenir d'une chanson qui commençait par « Le travail c'est la santé » : elle n'est certainement plus d'actualité…
J'ai beaucoup travaillé, en tant que rapporteure, sur la notion de pénibilité, au moment où elle a fait son apparition. Il faut éviter d'attacher à certains métiers une connotation de pénibilité, faute de quoi plus personne ne voudra les exercer. La pénibilité est liée à la capacité du corps à s'adapter à une tâche. Il faut conserver cette notion. J'y suis très attachée, mais elle dépend de l'évolution du corps de chacun, et seul un médecin peut caractériser cette situation.
La commission rejette l'amendement CF163.
Article 7 : Relèvement de l'âge légal de départ à 64 ans et accélération du calendrier de relèvement de la durée d'assurance
Amendements de suppression CF6 de M. Philippe Brun, CF325 de Mme Mathilde Panot, CF372 de Mme Eva Sas et CF412 de Mme Laure Lavalette.
Nous entamons donc l'examen de l'article le plus contestable et le plus contesté du texte, à savoir celui qui repousse l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Le report de l'âge légal fait reposer sur les personnes qui ont commencé à travailler le plus tôt – parfois dès 17 ans – le financement du déficit du système de retraite. Ainsi, 200 millions d'euros seront gagnés à leur détriment. Or ce sont les mêmes qui exercent les métiers les plus pénibles et qui sont les plus exposées aux maladies professionnelles. Elles mériteraient donc, au contraire, de partir plus tôt. C'est à cause de cette injustice que près de 75 % des Français s'opposent à la réforme.
J'espère que la commission des finances, suivant la majorité sociale du pays, s'opposera à l'article 7.
Cette disposition est le cœur de la réforme. Nous sommes absolument opposés, nous aussi, comme 80 % des Français, au report de l'âge légal à 64 ans. Selon un sondage, 68 % des Français souhaitent même un retour à la retraite à 60 ans. Certains membres du groupe Renaissance eux-mêmes disent que la réforme peut être améliorée, ce qui revient à reconnaître que le « job » n'a pas été fait avec les syndicats. D'ailleurs, ces derniers présentent un front uni contre le texte.
Au cours des dernières heures, nous vous avons proposé de nouvelles recettes ; vous les avez refusées. Du reste, le Conseil d'orientation des retraites (COR) estime que, même en l'absence de recettes supplémentaires, il n'y a pas de dynamique non contrôlée des dépenses. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que le report de l'âge légal entraînera 4 000 décès supplémentaires chaque année. Enfin, selon les chiffres de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les économies réalisées ne seraient que de 2,8 milliards d'euros, au lieu des 17 milliards attendus.
Pour toutes ces raisons, la réforme est profondément injuste.
Nous souhaitons aussi supprimer cette mesure guillotine, qui vise à maintenir nos concitoyens plus longtemps sur le marché du travail, les privant d'une retraite à 62 ans bien méritée. Le Gouvernement souhaite nous faire travailler deux années supplémentaires sans que nous n'ayons rien à y gagner, hormis une centaine d'euros pour certains. Le progrès social serait au contraire d'autoriser des moments hors du travail qui soient consacrés non seulement à la récupération mais surtout à l'émancipation de chacun. Le groupe Écologiste réitère son opposition à cette violence sociale.
Le Rassemblement national est fermement opposé au relèvement de l'âge légal de départ à la retraite. Voici trente ans que les réformes se succèdent, réduisant d'année en année les acquis sociaux et le niveau de vie sans jamais résoudre le moindre problème, sans relancer l'économie ni équilibrer les comptes publics.
Nous sommes favorables à l'avancement de l'âge légal de départ à la retraite pour les Français qui ont commencé à travailler tôt. Il existe en effet une forte corrélation entre l'entrée précoce sur le marché du travail et la pénibilité des emplois. On peine à recruter dans les métiers pénibles et mal payés. Ces filières sont abandonnées par la jeunesse : il faut les rendre attrayantes. Comme l'a proposé Marine Le Pen pendant sa campagne, abaisser à 60 ans l'âge de la retraite pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans serait un bon signal envoyé à la jeunesse et contribuerait à résoudre le problème, au lieu de l'aggraver par une réforme injuste, d'ailleurs contestée par 72 % des Français.
Mon avis est défavorable.
Le déficit du système de retraite est indéniable. Certes, il n'y a pas de dynamique non contrôlée des dépenses, mais le solde est déficitaire et le déficit continue de s'accroître. Or un système qui n'est pas équilibré ne peut tenir ses promesses : on en vient à financer les pensions par une dette de plus en plus chère. Nous ne pouvons pas nous le permettre.
Afin de réduire ce déficit, le Gouvernement propose de recourir à la fois au levier de l'âge d'ouverture des droits et à celui de la durée de cotisation, déjà utilisé lors de la réforme Touraine. Cela a été rappelé lors de la présentation du texte et de la discussion générale : le rapport entre la population active et la population en retraite se dégrade très rapidement, pour des raisons en premier lieu démographiques.
L'action sur ces paramètres permettra d'équilibrer le régime de retraite mais n'empêchera pas une application différenciée suivant les assurés, les carrières ou les niveaux de retraite. L'un des objectifs du système de retraite est en effet de limiter les effets des inégalités de la vie sur les pensions, sans pour autant pouvoir les compenser intégralement.
Ce texte permettra donc d'équilibrer le système tout en apportant des améliorations.
Vous dites que le solde est déficitaire et que le déficit s'aggrave mais c'est inexact : le solde des régimes de retraite était excédentaire de 900 millions d'euros en 2021 et il le sera probablement de 3,2 milliards en 2022. Il serait bon que la commission des finances se prononce sur le fondement de faits vérifiés et non de propos erronés.
Selon le COR, la baisse des recettes s'explique pour un tiers par la démographie, pour un tiers par l'évolution de la productivité du travail et pour un tiers par les mesures d'économie sur la masse salariale publique – le président du COR ayant tendance à se focaliser sur ce dernier point. Pour rétablir l'équilibre, nous avons fait le choix difficile mais réaliste d'augmenter progressivement l'âge de départ en retraite, en combinant l'accélération de la réforme Touraine et le relèvement de l'âge légal. Sachant que l'âge effectif est actuellement de 63 ans et 3 mois, l'effort demandé correspondra à deux trimestres de travail supplémentaires, ou à trois trimestres pour les générations nées en 1965 ou 1966 ; pour les personnes nées après 1973, cela ne changera rien. En outre, 40 % des gens continueront à partir plus tôt du fait des dispositions relatives aux carrières longues, à la pénibilité, à l'invalidité ou à l'inaptitude.
Par ailleurs, le relèvement de l'âge de départ à la retraite est la mesure la plus efficace pour accroître le taux d'emploi des seniors. C'est un signal qui est envoyé aux entreprises : aujourd'hui, des travailleurs sont injustement rejetés du marché du travail dès 59 ans, et doivent rester trois ans au chômage avant de partir à la retraite. Dans tous les pays où l'âge de départ à la retraite a été relevé, cela a eu un effet favorable sur l'emploi des seniors.
Quant aux mesures alternatives, celle qui consiste à diminuer les pensions, personne ou presque ne la défend, et augmenter les cotisations reviendrait à amputer de 400 euros par mois le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Voilà pourquoi nous défendons la réforme.
On en revient toujours au même débat. Faut-il, compte tenu des progrès accomplis en matière de santé et d'hygiène, interrompre l'évolution engagée depuis la fin du XIXe siècle, à savoir que les gens ont le droit de profiter plus longtemps des fruits de leur vie de labeur en partant à la retraite plus tôt et en bonne santé ? Depuis 2010, on est malheureusement revenu sur cette grande conquête non seulement sociale mais humaine. Vous nous proposez d'aller plus loin encore. Nous nous y opposons. Vous aurez beau dire ce que vous voulez, ce que le COR indique, c'est qu'en pourcentage du PIB, c'est-à-dire de la richesse nationale que nous produisons, le coût des retraites non seulement n'augmente pas, mais diminue. Le gâteau ne cessant de croître, quelle part entendons-nous consacrer au financement des retraites ? Cela revient à poser la question du partage de la valeur ajoutée. Depuis une trentaine d'années, c'est toujours plus de revenus pour le capital et moins pour le travail – les cotisations en faisant partie. Nous souhaitons inverser le processus. Nous avons proposé d'autres solutions, passant soit par la création d'emplois, soit par l'instauration de nouvelles cotisations. Il s'agit d'un choix de société : est-ce toujours aux mêmes de payer ou doit-on faire payer un peu plus ceux qui, depuis trente ans, profitent du système néolibéral ?
Vous avez raison, monsieur le président : au-delà de la question du financement, il s'agit d'un débat de société. Ce que vous appelez de vos vœux, c'est en définitive une société sans travail. À vous entendre, c'est la nuit jusqu'à 62 ans et la libération ensuite. Désolé, mais le travail émancipe, il est vecteur de lien social, il permet de s'enrichir intellectuellement et en société, même si certains métiers sont évidemment plus difficiles que d'autres. À cet égard, on peut aussi considérer que le travail doit être rémunéré tout au long de la vie. Nous nous inscrivons en faux contre une vision antitravail qui fait du travailleur un employé aliéné au service d'une puissance supérieure et étrangère.
Si ce que vous dites est vrai, pourquoi ne pas repousser l'âge de départ à la retraite à 80, voire 85 ans ? À vous entendre, demander à partir à la retraite serait une attitude antitravail. Personne ici n'est antitravail !
La présente réforme, qui comporte un relèvement de l'âge légal de départ à la retraite et surtout une accélération de la réforme socialiste dite Touraine, est en réalité une réforme contre le travail. En effet, les personnes qui ont commencé à travailler entre 20 et 22 ans et celles qui ont eu des carrières hachées vont fournir un effort disproportionné par rapport aux autres. Or elles ont souvent exercé des métiers difficiles, notamment dans le secteur du service à la personne. Il ne s'agit donc pas d'une opposition entre ceux qui défendraient le travail et ceux qui ne le défendraient pas. Au contraire, ceux qui valorisent le travail savent aussi à quel point il peut être difficile et n'a pas les mêmes effets sur les corps ; ceux qui connaissent et respectent le travail savent aussi qu'il arrive un moment où il faut, non pas libérer les gens du travail, mais les remercier pour le travail qu'ils ont accompli et la contribution qu'ils ont apportée à la société. C'est à nous, qui avons eu la chance de faire de longues études et exerçons des métiers qui n'abîment pas les corps, de les remercier, d'assumer nos responsabilités et de réaliser éventuellement un effort supplémentaire. Les « élites » devraient contribuer davantage pour remercier ceux qui permettent à la société de tenir debout. Cela, la réforme ne le prévoit pas.
Madame Sas, je confirme que dans le scénario retenu par le Gouvernement, avec une croissance de 1 % de la productivité du travail et un taux de chômage de 4,5 %, le système sera déficitaire de 1,8 milliard d'euros en 2023, de 10,7 milliards en 2025, de 13,5 milliards en 2030 et de 57,7 milliards en 2060. Les hypothèses sont par ailleurs ambitieuses, ce que nous assumons eu égard à la politique que nous conduisons. Je ne peux pas vous laisser dire qu'il n'y a pas de déficit.
La commission rejette les amendements identiques CF6, CF325, CF372 et CF412.
Amendement CF419 de Mme Marina Ferrari.
Voici l'amendement que j'évoquais dans mon propos liminaire. Il vise à inscrire une clause de revoyure qui prendra effet juste avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2028. Un rapport serait rendu par le comité de suivi des retraites (CSR), avec le soutien de la Cour des comptes, sur les effets de la présente réforme, et ce rapport pourrait donner lieu à un débat à l'Assemblée et au Sénat. Cela permettrait aux parlementaires de se prononcer de manière éclairée, dans le cadre de l'examen du PLFSS pour 2028, sur la prorogation des dispositions que nous sommes appelés à adopter.
Cette idée est intéressante. Il est dommage que la clause de revoyure que nous avions proposée concernant les allégements de cotisation sur les hauts salaires n'ait pas été acceptée, alors que l'on dispose d'études montrant que les effets économiques de telles dispositions sont négatifs… Sur le principe, le groupe Socialistes et apparentés votera cet amendement, tout en souhaitant que la revoyure ne sera pas un débat de pure forme, mais qu'elle permettra d'évaluer les effets de cette mauvaise réforme dont nous ne souhaitons pas l'adoption.
La commission adopte l'amendement CF419 ( amendement AS7255 et amendement 596 ).
Amendements identiques CF84 de M. Philippe Brun et CF326 de M. François Ruffin.
Certaines interventions sur cet article dénotent un profond manque de sensibilité. Affirmer que le travail, c'est la santé ! On se passerait bien de ce genre de platitudes… Cela prouve que vous n'êtes pas très sensibles aux revendications des gens qui manifestent. Surtout, cela révèle un manque profond de connaissance de notre système de retraite. Vous nous accusez d'être anti-travail, mais vous semblez oublier que les pensions de retraite sont le fruit du travail, avec toutefois cette nuance qu'en France, le système est solidaire. En relevant l'âge de départ à la retraite, vous diminuez les pensions et volez donc une partie du fruit du travail effectué pendant des années. Vous pouvez techniciser le débat autant que vous voulez, deux ans de travail en plus, ce sont deux années de moins durant lesquelles on touche sa pension de retraite. Pour une pension de 1 200 euros, cela représente plus de 28 000 euros en moins. Et pour les plus précaires qui, on le sait, meurent plus jeunes, ce sera encore moins d'argent touché, donc encore plus d'argent volé. Les personnes qui sont anti-travail, ce sont celles qui considèrent que l'on peut, d'un trait de crayon, prendre le fruit du travail des gens, notamment des classes populaires et moyennes, et le réduire à néant en pariant sur le fait qu'ils vont mourir le plus tôt possible.
J'émets un avis défavorable. La seule accélération de l'allongement de la durée d'assurance ne permettrait une économie que de 2,3 milliards d'euros en 2025, alors que le déficit atteindra cette même année 10,7 milliards d'euros. Il convient d'agir sur les deux paramètres si l'on veut équilibrer le système.
La réforme permettra en outre d'augmenter le montant des pensions, notamment grâce aux mesures de revalorisation du minimum contributif (Mico) – nous y reviendrons.
Désolée, monsieur Guiraud, mais vos calculs sont erronés. Relisez le rapport du COR : il souligne que sans cette réforme, ce sont les pensions de l'ensemble des retraités qui diminueront. Ceux-ci sont ainsi exposés à une réduction de leur pouvoir d'achat non pas pendant deux ans, mais sur l'entièreté de leur retraite. Avancer de grands chiffres et des logiques mathématiques bancales n'apporte rien au débat. Si nous voulons conserver notre système de retraite solidaire, nous devons avoir un débat honnête et échanger des arguments sur le fond.
Pour avoir un débat honnête, encore faudrait-il citer le COR à bon escient ! On pourra répéter autant de fois qu'on voudra que Vercingétorix a vaincu Jules César, cela restera faux. Le COR juge que « les résultats de [son] rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l'idée d'une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite » ; il évoque une trajectoire maîtrisée jusqu'en 2070. Cela, les Françaises et les Français l'ont bien compris, puisque 80 % d'entre eux sont contre cette réforme injuste ; 68 % veulent bien d'une réforme des retraites, mais avec un départ à 60 ans. Ils savent qu'en relevant l'âge légal de départ à la retraite, vous leur proposez simplement le choix entre la misère et le cimetière.
La commission rejette les amendements identiques CF84 et CF326.
Amendements identiques CF85 de M. Philippe Brun et CF327 de Mme Mathilde Panot, amendements CF185 de M. Fabrice Brun, CF143 de M. Fabien Di Filippo, CF92, CF94, CF93, CF96, CF95 et CF97 de M. Christian Baptiste, CF343 de M. Hadrien Clouet, CF344 de Mme Mathilde Panot, CF340 de M. François Ruffin, amendements identiques CF339 de Mme Mathilde Panot et CF341 de Mme Rachel Keke, amendements CF342 de Mme Rachel Keke et CF338 de M. Hadrien Clouet (discussion commune).
Nous examinons l'article 7 en commission des finances, mais aurons-nous la possibilité de le faire dans l'hémicycle ? C'est une question que se posent tous les Français, notamment ceux qui sont mobilisés contre la réforme. Si l'obligation d'examiner les recettes avant les dépenses vous impose d'examiner les articles 1er à 6 dans l'hémicycle, à partir de l'article 7 vous allez pouvoir recourir à vos manœuvres coutumières, comme le changement de l'ordre d'examen des articles. Ce serait d'autant plus facile à faire que vous avez imposé un délai contraint pour l'examen du texte du fait du recours inconstitutionnel à l'article 47-1 de la Constitution. Pouvez-vous donc prendre l'engagement que nous examinerons en séance les articles dans l'ordre ? C'est du report de 62 à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite que les Français veulent que nous débattions.
Chacun aura compris que je ne suis pas favorable au report de 62 à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite – je ne me sens aucunement engagé par de vieux programmes sans lendemain et je revendique ma liberté de pensée.
Avec le totem de la retraite à 64 ans, vous allez amplifier les inégalités que vous prétendez combattre et qui touchent les femmes, les carrières longues, les métiers difficiles et les classes populaires. Afin d'accompagner la pente des quarante-trois années de cotisation, qui représente déjà un effort considérable, il existe d'autres voies que celle-là. On pourrait prévoir une incitation beaucoup plus forte au retour à l'emploi – partout, on manque de bras : on compte un million d'emplois non pourvus dans notre pays, soit autant de cotisations potentielles. On pourrait faire converger plus rapidement les régimes spéciaux vers le régime général, ce qui permettrait de gagner plusieurs milliards d'euros. On pourrait lutter plus efficacement contre la fraude. Enfin, on pourrait mener une politique nataliste plus vigoureuse : comme le dit l'Union nationale des associations familiales, l'Unaf, les bébés de 2023 seront les cotisants de 2043. La démographie est, une fois de plus, la grande oubliée de cette réforme.
Par les amendements CF 92 à CF 97, nous proposons que le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite ne soit pas appliqué dans les outre-mer. Il faut prendre en considération la souffrance de nos compatriotes ultramarins. La pénibilité est encore plus grande lorsqu'on traverse une crise du pouvoir d'achat et qu'on est exposé à des risques importants – laissant pourtant la métropole indifférente.
« Après trois mois dans le service, j'étais l'une des plus anciennes », déclare Emma, infirmière à l'hôpital Saint-Louis, à Paris. Elle est aujourd'hui en arrêt maladie pour burn-out, comme dix-sept de ses collègues. Les deux tiers des infirmières sont soumises à des risques psychosociaux, 30 % d'entre elles sont susceptibles de quitter leur travail avant la fin de l'année et l'on a du mal à en recruter de nouvelles. C'est le type même de métier pour lequel le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ à la retraite sera une catastrophe.
« “Désolé, désolé !” : je passe ma vie à m'excuser parce que je n'ai pas le temps de faire mon travail correctement » – c'est Stéphane, aide-soignant à Limoges, qui parle. Tous ses collègues partent, du fait notamment de la situation catastrophique des hôpitaux. Quand on voit la réforme proposée, on pense à une blague. Les hôpitaux attendent depuis des années des recrutements et des revalorisations de salaires plus fortes que celles, insuffisantes, du Ségur de la santé, et tout ce que vous trouvez à leur répondre, c'est qu'il faudra travailler jusqu'à 64 ans ? Est-ce cela, votre fameux choc d'attractivité ? Ne pensez-vous pas qu'il y avait mieux à faire que de pousser ces travailleurs à bosser deux années de plus ? L'effondrement à prévoir de l'hôpital sera en partie dû à cette réforme des retraites.
Fabrice Brun évoquait les métiers des classes populaires que celle-ci touchera. L'aide à domicile est un exemple type de métier de femmes précarisées qui va morfler : 77 % d'entre elles exercent à temps partiel, ce qui signifie qu'elles cotisent moins. De ce fait, 64 ans sera pour elle l'âge minimum pour partir à la retraite : en réalité, elles devront aller au-delà. On peut même se demander si certaines ne seront pas plus âgées que les gens dont elles s'occupent ! Les salaires sont de l'ordre de 600 à 700 euros – ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapport Erhel et Moreau-Follenfant sur les travailleurs de la deuxième ligne, à la suite duquel Élisabeth Borne, à l'époque ministre du travail, avait déclaré qu'elle faisait confiance au dialogue social. On voit le résultat ! Les associations n'arrivent plus à recruter tant les métiers de l'aide à domicile sont dévalorisés. Ils sont encore plus accidentogènes que ceux du BTP. Et vous dites à ces gens-là, qui ne toucheront qu'une toute petite retraite, qu'ils vont en plus devoir bosser jusqu'à 64 ans ? Tout à l'heure, Mathieu Lefèvre a fait un grand discours sur l'émancipation par le travail, sur le bonheur de travailler pendant toute une vie. Mais si son métier consistait à porter des personnes âgées, arriverait-il à tenir jusqu'à 64 ans ?
Dans ce même rapport, il est indiqué que les caissières font partie des dix-sept métiers de seconde ligne, qui sont particulièrement mal payés en raison du grand nombre de contrats à temps partiel et à durée déterminée. Le salaire moyen est de 859 euros par mois. Cela donne le vertige, vu que nous touchons tous ici environ 5 700 euros par mois ! En reportant l'âge de départ à la retraite, vous ferez partir les caissières à la retraite bien plus tard qu'à 64 ans, car elles n'auront pas assez cotisé.
Prenons donc les choses par le bon bout. Il existe des métiers qui permettent à la société de tenir. Les caissières, par exemple, nous étions bien contents de pouvoir compter sur elles pendant le confinement, pendant que nous étions toutes et tous en télétravail. Augmentons leurs salaires et permettons-leur de vivre de leur travail et de se reposer en temps voulu.
Prenons le cas, que je connais bien, d'une femme qui a commencé à travailler en deux huit à 19 ans, dans les années 1980, à la Société du coton du Midi. L'usine ferme. Il s'ensuit une période de chômage de deux ans. Elle trouve un emploi de caissière à temps partiel, doit fuir la maison familiale et, après une nouvelle période d'interruption, devient aide-ménagère. La réforme proposée ne répond pas à la situation de ces femmes qui ont eu la volonté de travailler toute leur vie, mais ont connu des carrières hachées. Non seulement elle n'améliore pas leur sort mais elle l'aggrave. Il ne faut pas relever l'âge légal de départ à la retraite pour les aides-ménagères.
Comme beaucoup de métiers qui viennent d'être évoqués, celui d'AESH (accompagnant d'élèves en situation de handicap) coche toutes les cases de la précarité. Il est exercé dans 90 % des cas par des femmes, qui touchent en moyenne 800 euros par mois parce que seul leur contact direct avec l'élève est comptabilisé : une très grande partie de leur travail, celle qui en fait toute l'efficacité – formation, discussions avec les différents intervenants, l'équipe pédagogique, les familles –, est invisibilisée. Face à cette situation, les AESH multiplient les emplois, sans compter les heures passées dans les transports puisqu'elles se partagent généralement entre différents établissements.
Ce sont des professionnelles dévouées, mais à la situation très précaire et dont la pénibilité du travail – je pèse le mot – n'est pas reconnue. C'est à ces femmes que le Gouvernement va voler deux ans de vie en les obligeant à travailler plus longtemps.
« Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd'hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal » : vous avez reconnu Emmanuel Macron, en 2020. Est-ce en leur promettant deux ans supplémentaires de précarité et de souffrance que M. le Président souhaite montrer sa gratitude aux AESH ?
Cette série d'amendements vise à exclure certaines générations, zones géographiques ou métiers du champ du report de l'âge de départ.
À titre d'exemple, l''amendement CF327 aurait pour effet de ne pas appliquer la réforme aux générations nées après 1968, mais permettrait de l'appliquer aux personnes nées entre 1961 et 1967, qui sont pourtant plus proches de la retraite. Ce n'est pas logique.
Quant à la pénibilité de certains métiers, nous en avons tous conscience et il n'y a de notre part aucune volonté de la nier. Le texte prévoit justement des avancées à ce sujet – évolutions de carrière, départ anticipé en cas d'usure professionnelle et de pénibilité, prise en compte du congé pour parent aidant et des trimestres pour parent au foyer pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue et du Mico. Ces deux dernières mesures bénéficieront d'ailleurs tout particulièrement aux femmes.
Mon avis est donc défavorable.
Ne laissez pas croire que les aides-soignantes vont travailler jusqu'à 64 ans : elles font partie de la catégorie active et pourront donc évidemment partir à la retraite, comme aujourd'hui, de manière anticipée.
À ma collègue qui a subi la propagande de Jules César, je dirai qu'on peut bien citer toujours les deux mêmes phrases du COR, la réalité demeure, comme l'a rappelé Mme Thevenot, que dans toutes les hypothèses, le niveau de vie des retraités va décrocher de vingt points par rapport à celui du reste de la population. Si nous ne faisons rien, nous allons donc assister à la paupérisation des retraités. Ce n'est pas ce que nous voulons. Voilà pourquoi il faut faire cette réforme.
Il faudrait peut-être changer de logiciel, car à vouloir réduire en permanence le temps de travail, on augmente la pression sur ceux qui travaillent, que ce soit à l'échelle de la semaine, de l'année ou de la vie. Le responsable de ce qui se passe aujourd'hui à l'hôpital, ce sont les 35 heures, à cause de ce report de la pression. Réduire le temps de travail demande un effort de productivité, et le stress de nombreux salariés est en partie lié à ce besoin de travailler davantage en moins de temps. Ce n'est pas la solution.
Quel rapport, madame la rapporteure pour avis, entre les aides à domicile et les mesures pour parent aidant ? En tout cas, les aides à domicile vont travailler plus pour toucher encore moins.
Il ne suffit pas de relever de la catégorie active pour partir à la retraite plus tôt : il faut aussi avoir travaillé un certain nombre d'années. Les personnes qui auront bossé moins de dix-sept ans en tant qu'aides-soignants partiront bien à la retraite à 64 ans.
Quant aux 35 heures… Franchement, allez voir les soignants et dites-leur qu'au lieu de 35 heures, ils vont en faire 39 ! Vous avez l'impression qu'ils glandent, ou quoi ? Ce n'est pas ce que vous avez dit, d'accord, mais vous avez affirmé que ce sont les 35 heures qui ont tué l'hôpital – en passant sous silence le fait que, pour 2024, vous prévoyez 3 milliards d'économies sur la sécurité sociale et presque un milliard sur l'hôpital en tenant compte de l'inflation, et que vous refusez les ratios et l'augmentation des salaires à l'hôpital. Allez dire dans un hôpital que c'est la faute des 35 heures : ça leur fera beaucoup de bien, il y aura un fou rire général et ça améliorera un peu l'ambiance !
Vous oubliez, chers collègues, que la vie est faite de choix. Beaucoup d'AESH que je connais sont des mères qui, après avoir arrêté de travailler pour s'occuper de leurs enfants, ont choisi ce statut pour avoir le mercredi et les vacances scolaires. Elles l'assument et sont heureuses de ce qu'elles font. Arrêtez de victimiser ces professions !
Alors nous irons ensemble voir des AESH, chère collègue. Leur grande revendication est que leur métier soit pris en considération, y compris en accédant à un statut de fonctionnaire, au lieu d'être à temps partiel et très mal payé – une situation qu'au moins dans nos précédents débats nous avons tous admise, à défaut de proposer tous les mêmes solutions.
Monsieur le rapporteur général, pourquoi ces vingt points en moins annoncés pour les retraités ? À cause de toutes les lois précédemment votées et qui les obligent à travailler plus vieux ou à cotiser plus longtemps ! Une seule n'a pas été appliquée : la loi Fillon, qui prévoyait justement que la retraite minimum atteigne 85 % du Smic : cette mesure, que vous présentez comme un acquis, n'est ainsi qu'un rattrapage. Pour nous, il ne devrait pas y avoir dans ce pays un seul retraité vivant en dessous du Smic, puisqu'à la retraite on n'a plus d'espoir de progression sociale. À nous de nous débrouiller pour trouver les ressources qui le permettent.
Nous avons toujours le même débat. Cela ne vous pose aucun problème que, depuis des années, les revenus du capital explosent – toutes les statistiques le disent. Mais payer 35 heures au prix de 39, c'est-à-dire augmenter de fait le salaire des travailleurs, cela vous dérange. Il y a sur ce point une forte opposition entre nous. Nous pensons que le travail doit être mieux rémunéré : cela passe par une hausse des salaires, par le partage du temps de travail, par une sixième semaine de congés payés, par la possibilité de partir à la retraite plus tôt.
Monsieur Lefèvre, la question n'est pas d'être antitravail mais d'admettre, nous qui, comme députés, touchons des revenus très élevés, que pour une très grande partie de nos concitoyens obligés de travailler, le travail n'équivaut pas à une émancipation. Dès lors, il est normal que leur travail – car les cotisations, c'est leur travail – leur permette d'avoir plus de temps de repos et de jours fériés et de partir à la retraite plus tôt. C'est une différence de conception du travail, du capital et du partage de la plus-value.
Au sujet de la revalorisation du travail, vous parlez congés payés et jours fériés ! Vous avez une conception culinaire du travail – vous avez vous-même employé le mot « gâteau »… Désolé, mais le temps de travail n'est pas un gâteau que l'on partage, pas plus que la richesse. Nous favorisons l'activité, ce qui implique de favoriser le travail.
La commission rejette successivement les amendements identiques CF85 et CF327, les amendements CF185, CF143 CF92, CF94, CF93, CF96, CF95, CF97, CF343, CF344, CF340, les amendements identiques CF339 et CF341, et les amendements CF342 et CF338.
Amendement CF317 de Mme Mathilde Panot.
On entend des propos lunaires. Nos collègues macronistes nous expliquent qu'être AESH est un choix, quasiment un loisir, ou une profession d'appoint. On nous dit que le travail ne se réduit pas à l'aliénation – et quand bien même, monsieur Lefèvre ? Même si ce n'est le cas que pour 20 % de la population active, que leur dites-vous ? « Allez bosser deux ans de plus, souffrir deux ans de plus, pour rien » ? C'est inadmissible. C'est le point où se rencontrent l'illogisme et la cruauté.
Le travail ne se réduit pas à l'aliénation, mais il est une souffrance. Le sens de l'histoire, c'est la réduction du temps de travail – en semaine, à l'année, toute la vie. En 1981, la retraite à 60 ans était possible ; elle l'est toujours, grâce aux gains de productivité. Les Français la veulent – 68 % d'entre eux sont pour, mais vous faites la sourde oreille. C'est inacceptable et c'est antidémocratique. Nous continuons à défendre cette proposition de progrès.
L'amendement vise à abaisser l'âge de départ à la retraite à 60 ans en 2024, par la fixation d'un objectif que se donnerait la Nation. Notre objectif est de rajouter deux ans afin d'équilibrer le système : vous, vous le déséquilibrez. Sans disposer de chiffrage précis, on estime le coût de la mesure à 70 à 80 milliards d'euros. En outre, en 1981, la démographie n'était pas du tout comparable à ce qu'elle est aujourd'hui. L'équilibre de notre système aujourd'hui pâtit de notre faible natalité et du manque de renouvellement de la population active. Avis défavorable.
Nous avons voté beaucoup d'amendements de la NUPES aujourd'hui, mais pas celui-là, car paradoxalement, il donne des arguments à la majorité présidentielle. Il n'est pas sérieux de prétendre que l'on peut rétablir la retraite à 60 ans dès 2024. Les gains de productivité n'ont jamais été aussi faibles que depuis qu'Emmanuel Macron est Président de la République, et même depuis qu'il a traîné ses guêtres au palais de l'Élysée comme secrétaire général adjoint chargé des affaires économiques. En effet, sa politique économique ne mise pas sur l'industrie, ni sur l'innovation. Avant d'accorder des droits sociaux, il faut rétablir le tissu productif français ; c'était d'ailleurs le sens du Conseil national de la refondation. Vous pourriez, si vous daignez écouter un conseil du Rassemblement national sans y voir une critique gratuite, viser la retraite à 60 ans en 2040 ou 2050, le temps de rétablir l'industrie française et de retrouver les dix points de PIB perdus au cours des trente dernières années. Là, nous pourrons promettre des droits sociaux de manière rationnelle et raisonnable.
La retraite à 60 ans, c'est une utopie. Ce n'est pas la majorité qui le dit, mais Hélène Geoffroy, lors des élections internes du Parti socialiste. Et la réforme que nous voulons accélérer est celle de Marisol Touraine, qui était au gouvernement pendant le mandat de François Hollande, également socialiste.
Au fond, cet amendement montre que vous n'aimez pas le travail. Je mets évidemment de côté toutes les situations où l'usure professionnelle est constatée et constitue un risque avéré : nous les traitons grâce au compte professionnel de prévention et en allouant un milliard d'euros à la prévention de l'usure professionnelle. Nous y sommes très attentifs – vous n'avez le monopole ni des aides-soignantes, ni des femmes de ménage, ni des ouvriers. Moi qui viens du milieu ouvrier, on m'y a appris la valeur travail. On ne m'a pas dit que le travail était l'ennemi, on m'a dit qu'on gagnait sa vie et son émancipation par le travail, et que c'est aussi par une période de travail que l'on gagne le droit à un repos bien mérité.
Voilà un concerto de gens qui ont décidé de baisser les bras. En 1945, quand on crée la sécurité sociale, les comptes du pays ne sont pas dans le vert ! C'est en 1906, à la suite de la catastrophe de Courrières, que les droits sociaux commencent à apparaître en France. Dans l'histoire de notre pays, les droits sociaux ne sont pas acquis parce que les comptes sont au beau fixe, mais parce qu'une question fondamentale nous anime depuis des centaines d'années : la répartition des richesses, la question de savoir qui fait des efforts.
En 2011, le taux d'imposition réel pour les cotisations sociales et les taxes sur les salaires est de 21 % pour les 10 % les plus pauvres, de 28 % pour les 50 % de revenus les plus bas, de 10 % pour les 1 % les plus riches et de 2 % pour les 0,0001 % les plus riches. En vérité, ceux qui se tuent au travail sont aussi ceux qui rapportent le plus en contributions et cotisations. Et on leur en demande de plus en plus – car il y en a eu, depuis 2011, des dispositifs imaginatifs pour empêcher que d'autres contribuent : la suppression de l'ISF, la flat tax, le CICE transformé en exonération de cotisations sociales…
Ce n'est pas seulement d'imagination que vous devez faire preuve, mais aussi de courage politique. La redistribution des richesses se joue aussi sur la question des retraites.
La commission rejette l'amendement CF317.
Amendement CF145 de M. Fabien Di Filippo.
Je saisis l'occasion pour répondre à Nadia Hai, qui s'est fait fort de citer l'une de mes camarades du Parti socialiste. Je citerai donc les excellents propos de Barbara Pompili, députée de votre groupe ; de Patrick Vignal, député de votre groupe ; de Stella Dupont, députée de votre groupe ; de François Rebsamen, soutien de votre politique ; de François Bayrou, une figure importante, je crois, de votre mouvement ; et de tous ceux qui, avec eux, réprouvent votre réforme.
Votre discours est caricatural. Nous n'aimerions pas la valeur travail ? Nous sommes le parti des travailleurs ! En refusant cette réforme, nous serions le parti du farniente, des congés, de ceux qui veulent une France à la dérive ? En disant cela, vous insultez les 75 % de Français qui refusent votre réforme, des gens qui paient nos salaires de députés, qui, par leur travail, nous donnent la liberté de débattre ici même. On dirait que les treize ans que vous avez passés en banque d'affaires vous ont fait un peu oublier vos origines… Cessez d'insulter les Français !
Vous vous permettez d'évoquer mon parcours professionnel, mais qu'en savez-vous ? Savez-vous que j'ai commencé à travailler à 20 ans, que j'ai intégré le guichet d'une banque, que, pendant deux ans, j'ai distribué des cartes et des chéquiers ? C'est par le travail et la formation que j'ai, c'est vrai, intégré quinze ans plus tard une banque d'affaires et de gestion de patrimoine. Ce n'est pas une honte, mais une fierté, car mes parents m'ont toujours inculqué la valeur du travail. C'est cet enseignement que je relaie désormais auprès de nos jeunes dans les quartiers populaires. Il n'y a pas dans notre pays de fatalité qui empêche la réussite. La majorité est en ordre de marche pour faciliter de tels parcours et mettre la réussite à la portée de tous au lieu de la réserver à une élite. Avant d'invectiver les députés de la majorité, ayez un peu de respect pour le parcours de chacun. Voyez un peu plus loin que le bout de votre nez !
La commission rejette l'amendement CF145.
Amendements identiques CF86 de M. Philippe Brun et CF328 de Mme Rachel Keke, amendement CF216 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune).
Pepe Mujica, ancien président de l'Uruguay, m'a dit un jour que les vraies inégalités étaient en rapport avec le contrôle que chacun avait de son temps : certains doivent absolument se lever tous les jours pour aller travailler, sans avoir la maîtrise de leur temps, tandis que d'autres, plus riches, plus puissants, ont la possibilité de partir en vacances avec leurs enfants à leur guise. À la fin de la vie, disait-il, il n'y a pas de magasin dans lequel on pourrait entrer pour acheter quelques années supplémentaires.
Collègues, comment osez-vous dire aux Français, qui cotisent déjà quarante-deux ans, qu'ils n'aiment pas le travail ? Comment osez-vous remettre en cause l'attachement à la tâche des 93 % d'actifs qui vous disent qu'ils ne veulent pas de ces deux années de cotisation en plus ? N'entendez-vous pas ces gens nés entre 1961 et 1968, qui viennent dans vos permanences pour vous demander un peu de répit ? Écoutez-les !
On peut regretter deux choses. D'abord, la brutalité avec laquelle le relèvement de la durée d'assurance nécessaire est accéléré : la réforme Touraine avait prévu de prolonger la durée de cotisation d'un trimestre tous les trois ans sur toute la période 2020-2035. Ensuite, la rapidité d'application de la mesure : les personnes nées entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 devaient pouvoir prendre leur retraite à partir du 1er octobre 2023, et voilà que, six mois avant, leur projet de vie est modifié ! Or la retraite suppose une préparation psychologique et des préparatifs d'intendance très importants.
J'ai l'exemple d'une exploitante agricole née en septembre 1961, qui pensait prendre sa retraite au 1er octobre 2023 et a organisé la cession de son exploitation. Si le projet de loi est adopté, il lui manquera un trimestre ! Or la cession d'une exploitation agricole se prépare une année entière à l'avance. Il est inadmissible de bouleverser ainsi la situation de personnes comme elle.
Mon avis est défavorable aux trois amendements. Madame Louwagie, on peut comprendre vos arguments, mais il faut bien choisir un moment pour déclencher la réforme. Le moment a été choisi, et le décalage n'est que de trois mois.
Nous voterons l'amendement de bon sens de Mme Louwagie. Madame la rapporteure pour avis, vous n'avez pas répondu à ses objections de fond, pragmatiques. Vous avez certes le droit de choisir votre moment, mais vous pouvez aussi écouter les témoignages venus du terrain. Si la majorité n'est pas capable de tenir compte d'une remarque d'un tel bon sens, c'est qu'elle a vraiment un problème d'écoute. Beaucoup de gens ont déjà pris leurs dispositions, ainsi que des entreprises. Cette situation créera plus de problèmes qu'elle n'apportera de solutions.
Madame la rapporteure pour avis, j'entends votre réponse, mais elle ne me satisfait pas. Rendez-vous compte ! Six mois avant, modifier un projet de vie, revenir sur une procédure juridique qui a été enclenchée, mettre les intéressés dans une telle difficulté ? Quelle brutalité ! Ce sont 50 000 personnes qui sont concernées, 50 000 personnes à qui vous dites, à six mois de l'échéance, qu'il va falloir reculer de trois mois leur départ à la retraite. Ce n'est pas admissible.
C'est malheureusement toujours ainsi lors d'une réforme des retraites. C'était le cas en 2010 : le délai entre le vote de la loi et son application était aussi de six mois.
Surtout, votre amendement a un effet pervers : il appliquerait le report de l'âge légal aux seules personnes nées à partir du 1er janvier 1968, ce qui ferait passer soudainement cet âge à 64 ans pour ces personnes. Ce serait peut-être plus brutal encore que la réforme actuelle.
La commission rejette successivement les amendements identiques CF86 et CF328 et l'amendement CF216.
Amendement CF330 de Mme Mathilde Panot.
J'ai été vraiment contente d'entendre Mme Louwagie parler de brutalité. Pour la première fois de la journée, le groupe Les Républicains fait écho à ce que vous devez tous entendre sur le terrain, dans vos permanences, au contact de vos concitoyens : l'idée que vous faites une terrible injustice à tous les Français, notamment à ceux nés entre 1961 et 1968.
En repoussant l'âge légal de départ à la retraite, la réforme de 2010 n'a pas seulement maintenu dans l'emploi des personnes qui devaient prendre leur retraite, elle a plongé des gens déjà sortis du marché du travail dans la misère. Plus de 80 000 personnes sont devenues allocataires du RSA à cause de la réforme Woerth. Vous êtes en train de préparer plus de misère et plus d'injustice. Nous faisons appel à votre sens de la démocratie et de l'empathie pour nos compatriotes : n'utilisez pas votre force pour aller contre les Français, écoutez à l'inverse ce qu'ils vous demandent. La démocratie ne consiste pas à dire aux citoyens quoi faire, mais à faire ce que disent les citoyens.
La commission rejette l'amendement CF330.
Amendements identiques CF87 de M. Philippe Brun et CF331 de M. François Ruffin.
Il s'agit de supprimer les alinéas 6 à 11 de l'article, afin de rejeter l'accélération de la mise en œuvre de la réforme Touraine sur le nombre de trimestres cotisés.
L'allongement de la durée de cotisation est une erreur. Nous souhaitons supprimer ces dispositions visant à accélérer le relèvement de la durée de cotisation à quarante-trois annuités. Cet allongement est absurde et d'une grande violence sociale. Il révèle une conception inhumaine et uniquement comptable du travail et des travailleurs. Selon vous, chaque minute d'espérance de vie gagnée doit immédiatement se traduire par une minute de travail supplémentaire, donc par une plus grande usure des corps.
Le vieillissement en bonne santé stagne, la précarisation des plus modestes s'amplifie et les profits des entreprises du CAC40 augmentent sans que celles-ci ne soient mises à contribution : plutôt que d'élever la durée de cotisation, il faut plutôt partager les richesses et faire en sorte que l'on puisse disposer de temps libre en bonne santé en fin de vie.
Je donne évidemment un avis défavorable à ces amendements visant à ne pas accélérer le déploiement de la réforme Touraine.
Pour équilibrer le système, nous avons besoin des deux paramètres à la fois, l'accélération de la réforme Touraine et le report de l'âge légal. Sans l'accélération de l'allongement de la durée de cotisations, l'âge de départ devrait être porté à 65 ans. Nous souhaitons conserver le seuil de 64 ans, et il me semble que c'est également ce qui est ressorti du dialogue entre les groupes politiques de notre Assemblée.
La commission rejette les amendements identiques CF87 et CF331.
Amendement CF332 de Mme Rachel Keke.
On en arrive à un point très problématique de votre réforme. Alors que la réforme Touraine ne s'applique pas encore totalement, vous en rajoutez une couche. Cela en dit long sur ce qui se passera dans le pays si ce projet de loi est adopté : vous ne cesserez d'aller plus loin. Nous n'avons aucune garantie que la clause du grand-père bénéficie bien aux salariés concernés ni que l'âge de départ à la retraite cesse de croître. Vous suivez en effet une logique de prédation des ressources issues du travail des Français, que vous distribuez à d'autres, par exemple en aides défiscalisées aux entreprises. Une telle logique n'a pas de fin – ou plutôt sa fin se nomme système de retraite privé. Voilà la direction que vous prenez, et les pays européens qui sont entrés dans cet engrenage n'en sont jamais sortis. Vous allez repousser l'âge de départ à la retraite, baisser les pensions et privatiser le système, cette dernière mesure étant une conséquence inexorable de votre réforme. Nous tentons d'enrayer cette machine avec cet amendement, qui est déjà largement de repli.
La réforme Touraine a, contrairement à ce que vous avez dit, déjà des effets depuis 2020. Notre projet se limite à modifier les générations concernées par ces effets. L'avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement CF332.
Amendement CF333 de M. Hadrien Clouet.
Actuellement, 40 % des femmes n'arrivent pas à se constituer une carrière complète. Comment peut-on avoir si peu d'intérêt pour les femmes qu'on veut leur imposer des trimestres de cotisation supplémentaires ? Il faut en avoir, de l'audace, pour dire à une femme que non seulement sa pension sera misérable car elle n'a pas pu avoir une carrière complète, mais qu'elle devra quand même pourrir ses journées à travailler plus longtemps, sans que cela améliore sa pension car sa carrière restera incomplète !
Ici, à la commission des finances, vous avez l'impression d'être majoritaires, mais dans le pays, vous êtes ultraminoritaires !
(Exclamations.)
N'oubliez pas que les gens vous regardent, notamment les générations nées à compter de 1961, qui ne vous pardonneront jamais cette réforme.
Votre amendement propose de supprimer l'allongement de cotisation pour les assurés nés en 1963 uniquement, sans cohérence avec les modifications appliquées aux autres générations : mon avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement CF333.
Amendement CF334 de M. Hadrien Clouet.
On nous a donné un mandat. Nous voyons ce qui va se passer dans nos circonscriptions. Dans la mienne, le taux de chômage s'élève à 33 %, et la situation s'aggrave, contrairement à ce que l'on peut entendre. Là où nous sommes élus, mais c'est également le cas dans d'autres endroits de France dont les représentants sont d'un autre bord, les gens ne se remettront pas de cette réforme. Ils sont déjà privés d'emploi, ils ne peuvent déjà pas cotiser, ils connaissent déjà des carrières hachées. On ne parle pas beaucoup dans ce débat des personnes privées d'emploi : elles aimeraient travailler, mais elles n'ont pas de contact ; il ne leur suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi car là où elles vivent, il n'y a plus de travail. Chez moi, des usines ferment, comme Camaïeu récemment.
Nous souhaitons reculer l'entrée en vigueur de cette loi, pour éteindre l'incendie qui consume des vies entières. Des gens seront cassés par cette réforme parce qu'ils n'auront plus d'argent.
Votre amendement vise à supprimer l'allongement de cotisation pour les assurés nés en 1964 uniquement. Mon avis est défavorable.
Ce n'est pas en s'énervant que l'on va éliminer le conflit de mandat ! Oui, les membres de l'opposition, qu'ils appartiennent au Rassemblement national ou à la NUPES, ont un mandat pour s'opposer à la réforme des retraites. Mais la NUPES, en appelant à voter pour M. Macron, a donné un mandat pour cette réforme ! La seule solution est de soutenir l'initiative des communistes, qui nous ont devancés, à savoir trancher cette opposition par référendum. Ce n'est pas en organisant un conflit de légitimité, qui pose problème en démocratie, que l'on avancera, mais en donnant la parole au peuple, car c'est lui l'arbitre dans la Ve République. Que tout le monde vote la motion référendaire, y compris la majorité si elle a si confiance en elle, et que le peuple tranche avec sagesse, comme il l'a toujours fait depuis que Napoléon III lui a donné ce pouvoir – j'invite d'ailleurs ceux qui ne l'auraient pas encore fait à soutenir la proposition de résolution visant à rapatrier les cendres de Napoléon III.
Vous parlez beaucoup de justice, mais la première d'entre elles est de permettre aux générations qui viennent de bénéficier du magnifique système par répartition, lequel assure actuellement aux retraités un revenu moyen légèrement supérieur à celui des actifs. Le taux de pauvreté des personnes âgées de plus de 66 ans s'établit à 4 % quand il est le double dans la population générale. L'espérance de vie à la retraite atteint vingt-trois années pour les hommes et vingt-sept pour les femmes. Les réformes successives ont équitablement partagé l'espérance de vie supplémentaire entre le travail et la retraite.
Nous menons une réforme de long terme visant à ce que les générations futures puissent profiter de ce système. C'est cela aussi la justice ! Il ne faut pas regarder que le très court terme.
Monsieur Tanguy, il y a d'autres moyens que le référendum pour trancher – par exemple, venir en commission pour voter ! Vous n'êtes que deux députés du Rassemblement national à siéger aujourd'hui ! Vous nous avez déjà fait le coup pour le projet de loi de finances pour 2023 – vous étiez partis à un anniversaire pour manger des Pépito ! Si vous aviez suffisamment mobilisé votre groupe, de nombreux amendements de la majorité n'auraient pas été adoptés. Déjà que vous n'êtes pas dans la rue, si vous n'êtes pas non plus à l'Assemblée, ça va devenir compliqué !
La commission rejette l'amendement CF334.
Amendement CF335 de Mme Mathilde Panot.
La question de l'éthique des élus est essentielle. Les citoyens nous ont donné un mandat, nous ne pouvons pas faire tout ce qui nous passe par la tête. Notre première obligation est en effet de siéger. Les votes sur les amendements sont serrés aujourd'hui, et les majorités ne sont acquises que de cinq à sept voix. Le Rassemblement national compte onze membres dans la commission des finances, mais il n'y en a que deux depuis ce matin en réunion, voire un seul. En conséquence, les opposants au projet de loi ont perdu des scrutins qu'ils auraient pu gagner.
Marine Le Pen dit que le rôle des politiques n'est pas de manifester mais de mener la bataille parlementaire : en réalité, les députés du Rassemblement national sont absents. Marine Le Pen fait le jeu de M. Macron en aidant la minorité présidentielle à faire adopter – même si notre commission n'est saisie que pour avis – des articles qui seraient rejetés si chacun respectait son mandat électif.
Puisque vous n'avez rien dit de votre amendement, je précise qu'il vise à supprimer l'allongement de cotisation pour les assurés nés en 1973 uniquement. Mon avis est défavorable.
La commission rejette l'amendement CF335.
Amendement CF318 de M. François Ruffin.
Poser la question des quarante annuités revient à donner du sens à notre conception du progrès humain. Quelle est la finalité d'une vie ? Quelles perspectives ont les nouvelles générations ? La jeunesse s'est fortement mobilisée dans la rue le 21 janvier contre cette réforme et elle manifestera à nouveau le 31 janvier. Les étudiants tiennent des assemblées générales dans les universités.
Les jeunes manifestent également par procuration, au nom de leurs aînés qui ne peuvent pas se permettre de perdre une journée de paie en faisant grève, donnant ainsi une belle illustration de la solidarité intergénérationnelle. Le niveau d'opposition à votre réforme est élevé car la jeunesse y est fortement hostile.
L'amendement vise à ramener à quarante annuités la durée de cotisation nécessaire à la perception d'une pension à taux plein. Il s'agit de la seule mesure qu'attendent les nouvelles générations.
Nous défendons tous la retraite par répartition, système dans lequel les générations actives cotisent pour celles qui sont à la retraite. Pendant les vacances de Noël, j'ai demandé à mes deux fils, jeunes travailleurs de 27 et 30 ans, s'ils seraient prêts à cotiser deux ou trois trimestres supplémentaires pour que leur grand-mère, qui touche 800 euros par mois, voie sa retraite augmenter. Car cette réforme, si elle n'est pas parfaite, rend aussi moins précaires les retraites les plus faibles. Les jeunes sont prêts, même s'ils ne savent pas s'ils partiront en retraite à 63, 64 ou 65 ans, à cotiser davantage pour que leur grand-mère perçoive une meilleure retraite.
Vous avez posé cette question avant, ou après la distribution des cadeaux ? Cela a pu influencer la réponse !
Vous parlez de la valeur travail depuis tout à l'heure, mais la valeur qui compte, c'est celle de la santé, celle de la récompense après une vie de travail difficile. Il s'agit d'un droit absolu de notre système social. Repousser l'âge de départ à la retraite revient à enfoncer les personnes les plus discriminées sur le marché du travail dans une plus grande précarité. Vous ne devriez en aucun cas être fiers de cette réforme.
La commission rejette l'amendement CF318.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CF88, CF89, CF90 et CF91 de M. Mickaël Bouloux.
Amendement CF174 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Dans le même esprit que tout à l'heure, il s'agit de décaler l'application de la réforme aux pensions prenant effet le 1er janvier 2024 plutôt que le 1er septembre 2023, afin que son impact sur les personnes préparant leur retraite ne soit pas immédiat.
Un projet de retraite se prépare longtemps à l'avance. C'est un projet de vie, et il n'est pas admissible de le bouleverser de façon aussi brutale et rapide.
Mon avis est défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées tout à l'heure concernant un autre amendement de Mme Louwagie répondant au même objectif.
La commission rejette l'amendement CF174.
Amendement CF175 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Il y a un manque de visibilité et d'information flagrant sur la retraite. De nombreux Français connaissent mal les règles et les dispositions dérogatoires du système. Toutes les personnes qui constituent leur dossier pour la retraite partagent ce constat.
Cet amendement vise à faciliter les démarches des futurs retraités en instaurant un guichet d'information destiné à tous les actifs concernés par la réforme au 1er septembre 2023. Nos concitoyens pourront ainsi être accompagnés, par exemple dans les maisons France Services – l'organisation du dispositif étant laissée à l'appréciation du pouvoir réglementaire.
Je vous rejoins pour constater la méconnaissance du système de retraite et la difficulté à l'appréhender. Je suis néanmoins défavorable à votre amendement car des dispositifs sont déjà chargés de cette mission d'accompagnement, notamment le groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite, anciennement Info Retraite. Sans doute faut-il les améliorer, et je retiens votre idée, qui me semble intéressante, d'étudier la façon de l'intégrer dans les maisons France Services.
Combien de personnes dans cette salle ont-elles constitué un dossier pour leur retraite ou celle de l'un de leurs concitoyens ? L'une de mes collaboratrices y consacre une journée par semaine, et je puis vous assurer que la tâche est complexe. Je ne suis pas d'accord avec votre réponse car les gens éprouvent de grandes difficultés à accomplir cette démarche. Il faut améliorer le dispositif actuel, comme cet amendement en a l'objectif.
Je soutiens cet amendement. Nous aidons souvent nos concitoyennes et nos concitoyens – cela fait partie de notre travail – à remplir leur dossier de retraite, en particulier les plus précaires et les plus fragiles d'entre eux, qui ne sont pas toujours au fait des malheureusement nombreuses subtilités administratives de notre pays et qui se retrouvent ainsi discriminés.
Cet amendement de bon sens permettrait de limiter quelque peu les discriminations, car les personnes qui exercent les métiers les plus difficiles et qui sont le plus occupées au quotidien perdent des trimestres dans le calcul de leur retraite ou passent à côté de dispositifs dont elles pourraient bénéficier.
L'amendement met en lumière un problème d'information de nos concitoyens sur l'élaboration du dossier de retraite. Je ne pense pas que l'amélioration des dispositifs actuels relève du domaine de la loi. Les bouquets des maisons France Services peuvent évoluer sans modification législative. Il faut se pencher sur cette question et réfléchir ensemble aux nouveaux outils qui pourraient être déployés.
La commission rejette l'amendement CF175.
Amendement CF405 de Mme Véronique Louwagie.
Cet amendement du groupe Les Républicains instaure une clause de revoyure en 2027 sur le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. J'ai bien noté que l'amendement CF419 de Mme la rapporteure pour avis allait dans le même sens, mais je ne suis pas sûre qu'il prévoie un débat au Parlement. Nous proposons un dispositif composé d'une loi qui nous permette d'amender la réforme, avec un rapport préalable.
Le dispositif que vous proposez est proche du mien, qui me paraît plus opérationnel justement parce qu'il prévoit la tenue d'un débat avant le dépôt du PLFSS pour 2028. Je demande le retrait de cet amendement. Dans le cas contraire, mon avis sera défavorable.
Votre amendement me semble un peu restrictif puisqu'il parle de « confirmer le relèvement de cet âge ». La rédaction que nous avons adoptée est plus large.
La commission rejette l'amendement CF405.
Amendement CF386 de Mme Félicie Gérard.
Cet amendement vise à ce que soit remis au Parlement un rapport analysant l'impact de la réforme des retraites, notamment celui du décalage de l'âge légal pour les femmes. Si l'étude d'impact du projet de loi démontre que la réforme devrait augmenter la pension moyenne des femmes, des questions persistent sur l'utilisation concrète des trimestres obtenus pour la grossesse et l'éducation des enfants. Ce rapport offrirait une analyse des effets concrets du décalage de l'âge légal sur l'utilisation de ces trimestres et éclairerait le Parlement sur de potentiels effets de bord.
Mon avis est défavorable car il me semble préférable de solliciter des organismes indépendants, comme la Cour des comptes ou le COR, dont le rôle est de nous informer, voire de mener nos propres travaux sur le sujet, plutôt que de nous tourner systématiquement vers le Gouvernement.
La commission rejette l'amendement CF386.
Amendement CF98 de Mme Christine Pires Beaune.
Dans le même esprit, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans l'année suivant la promulgation de la loi, un rapport sur l'impact de l'article 7 du texte sur les conditions de travail.
Mon avis est défavorable, car ce rapport n'est pas nécessaire. En effet, ces informations figureront déjà dans plusieurs documents qui nous sont transmis chaque année, notamment les rapports de la Cour des comptes portant sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale et dans les annexes à chaque PLFSS. La clause de revoyure que nous avons insérée dans la loi nous donnera l'occasion d'avoir un débat large sur tous les paramètres de la réforme.
La commission rejette l'amendement CF98.
Amendement CF177 de Mme Marie-Christine Dalloz.
La réforme des retraites pourrait avoir des conséquences « pas anodines », pour reprendre les termes qu'Éric Chenut, président de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), a utilisés sur France Info le 10 janvier. Il explique que les impacts seront plus élevés en matière de prévoyance sur les contrats des mutuelles, puisque le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans « pourrait aboutir à une nécessité de coûts en prévoyance aux alentours de 10 milliards d'euros supplémentaires. »
Il y a donc un enjeu important, car la réforme pourrait peser sur le portefeuille des assurés. Nous devons connaître l'étendue de cette charge, de laquelle l'étude d'impact ne dit mot. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, un rapport sur l'impact du report de l'âge légal de départ à la retraite en matière de prévoyance.
Mon avis est défavorable. Vous souhaitez que le Gouvernement transmette un rapport au Parlement sur l'impact d'une loi de financement de la sécurité sociale sur des acteurs privés évoluant dans un marché concurrentiel. Ce n'est pas le bon véhicule à mes yeux ; en revanche, il me semblerait pertinent de mener une mission parlementaire sur le sujet.
Je soutiens cette demande de rapport de Mme Louwagie car il me semble essentiel que la représentation nationale appréhende les effets de la loi sur le marché de la prévoyance et de la capitalisation. Dès lors que l'opinion publique doute de la réalité de l'accès à la retraite par répartition, cela pourrait alimenter le marché privé de la retraite : des jeunes pourront se dire qu'ils n'atteindront jamais le nombre de trimestres d'une carrière complète et qu'il leur faut épargner pour leur retraite en souscrivant une assurance privée.
Il n'est pas acceptable que cet aspect, qui n'est pas secondaire dans les motivations du Gouvernement, soit passé sous le boisseau.
La commission rejette l'amendement CF177.
Amendement CF99 de Mme Christine Pires Beaune
Dans le débat sur le report de l'âge légal, on parle beaucoup de la pénibilité, de la justice, de la contribution excessive au financement du régime de retraite de ceux qui exercent les métiers les plus pénibles et qui commencent à travailler très tôt, mais il faut aussi évoquer la contribution décisive des retraités, notamment les plus jeunes d'entre eux, à la vie associative et civique de notre pays – nous connaissons la proportion élevée de jeunes retraités dans les conseils municipaux.
Le report de l'âge légal risque de réduire le vivier de bénévoles qui font vivre nos associations et qui s'engagent dans la société civile. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'impact de l'article 7 sur l'engagement associatif.
Même s'il me semble effectivement intéressant d'analyser l'impact de la réforme sur le bénévolat, j'émettrai un avis défavorable car cet amendement ne me semble pas avoir de lien avec l'équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui est l'objet du PLFSS.
Cet amendement a le grand mérite de mettre en lumière des conséquences de cette réforme dont on n'a pas forcément conscience.
Le bénévolat a un rôle essentiel en France, car il compense bien souvent le recul de l'État en matière de solidarité, par exemple pour l'aide alimentaire. Or ce sont souvent des retraités qui font vivre ces associations – dont personne ne peut nier l'utilité sociale. Si les gens partent à la retraite plus tard, ils seront moins nombreux à partir en bonne santé, ce qui aura forcément un impact sur la vie associative.
Par ailleurs, beaucoup de départements ruraux vivent du pouvoir d'achat de retraités venus s'y réinstaller. Il est évident que le recul de l'âge de la retraite aura aussi un impact sur cette activité économique.
La commission rejette l'amendement CF99.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 7 modifié.
Article 8 : Renforcement des départs anticipés
Amendements de suppression CF7 de M. Philippe Brun et CF404 de Mme Eva Sas.
Nous demandons la suppression de cet article, qui adapte les règles du départ anticipé à la suite du relèvement de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Les personnes ayant eu une carrière longue verront, elles aussi, leur âge de départ à la retraite repoussé de deux ans. Elles cotiseront donc quarante-quatre ans, au lieu de quarante-trois ans, ce qui est absolument injuste.
Mon avis est défavorable, car cet article porte en réalité des dispositions favorables aux assurés bénéficiant d'un départ à la retraite anticipé.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements identiques CF7 et CF404.
Amendements CF336 de M. François Ruffin, CF100, CF102, CF101 de M. Christian Baptiste et CF182 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).
Nous demandons la suppression des alinéas 1 à 22 car nous nous opposons à la limitation par décret de la durée d'anticipation pour carrière longue, retraite progressive, handicap ou incapacité.
Vous vous félicitez du maintien des départs anticipés et mettez les idées de justice sociale, d'équité et de progrès à toutes les sauces. Certes, sur le papier, la réforme maintient le départ anticipé pour les carrières longues, le handicap et l'inaptitude, mais ce ne sera pas vrai dans les faits. Collègues du groupe Renaissance, cessez de mentir aux Français : concrètement, avec cette réforme, vous décalez l'ensemble des départs anticipés de deux ans. Les personnes qui sont usées parce qu'elles ont commencé à travailler très tôt vont toutes travailler vingt-quatre mois de plus. Et il en sera de même pour celles qui sont en situation de handicap ou considérées comme inaptes.
À cause de votre réforme, 9 000 personnes supplémentaires mourront chaque année avant d'atteindre la retraite. Cessez de parler de justice, ou bien supprimez cet article !
Avec cet article, les personnes qui auront commencé à travailler avant 18 ans devront cotiser quarante-quatre ans, soit un an de plus que les quarante-trois ans nécessaires, à terme, pour toucher une retraite à taux plein. Or ceux qui ont commencé à travailler jeunes sont aussi, la plupart du temps, ceux qui exercent des métiers pénibles et faiblement rémunérés. Par conséquent, il est tout fait injuste de leur imposer quarante-quatre années de cotisations pour un départ à taux plein. Avec l'amendement CF182, nous proposons de revenir au droit existant pour les carrières longues.
Je suis défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Les premiers proposent de supprimer l'âge de départ anticipé pour carrière longue, retraite progressive, handicap ou incapacité : je ne comprends pas cette position. S'agissant de l'amendement CF182, je rappellerai simplement que, dans le dispositif actuel, ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans cotisent quarante-cinq ans. Cette durée sera réduite à quarante-quatre ans après la prise du décret d'application de l'article 8 que nous examinons.
Le grand public a dû être quelque peu décontenancé par la communication du Gouvernement qui prétend, depuis plusieurs semaines, que son projet de réforme comporte des avancées sociales pour les personnes ayant eu une carrière longue. En réalité, les carrières longues seront toujours aussi longues, voire plus longues, comme dans le cas envisagé par Mme Louwagie d'une personne ayant commencé à travailler avant 18 ans. Certes, elle pourra partir à 62 ans, au lieu de 64, comme vous aimez à le répéter, et ce sera effectivement moins pire que le pire, mais cette personne aura bel et bien cotisé quarante-quatre ans, ce qui est absolument injuste, insupportable et injustifié.
Je précise que les personnes qui auront commencé à travailler avant 18 ans partiront à la retraite à 60 ans.
Mais si elles ont commencé à travailler à 18 ans et un jour, elles devront travailler jusqu'à 62 ans !
La commission rejette successivement les amendements CF336, CF100, CF102, CF101 et CF182.
Amendement CF103 de M. Christian Baptiste.
Nous proposons de supprimer le report à 62 ans de l'âge de départ anticipé à la retraite pour le régime des professions libérales et des travailleurs indépendants.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF103 ; elle rejette ensuite l'amendement CF104 de M. Christian Baptiste.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 8 non modifié.
Article 9 : Prévenir et réparer l'usure professionnelle
L'amendement CF373 de Mme Eva Sas est retiré.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF110 de M. Mickaël Bouloux.
Amendement CF112 de M. Mickaël Bouloux.
L'amendement CF112 est retiré.
Amendement CF229 du rapporteur général.
La retraite progressive est un dispositif qui permet une transition souple entre l'emploi et la retraite. Or elle est assez peu connue. Nous proposons donc que soit prévue, durant l'année civile du quarante-cinquième anniversaire du travailleur, une visite médicale au cours de laquelle le médecin du travail l'informe de la possibilité de bénéficier de la retraite progressive.
Même s'il me semble que cette visite pourrait intervenir un peu plus tard qu'à 45 ans, j'émettrai un avis favorable à cet amendement, puisque tout ce qui peut contribuer à faire connaître ce dispositif va dans le bon sens.
La commission adopte l'amendement CF229 ( amendement AS7256 et amendement 597 ).
Amendement CF106 de M. Mickaël Bouloux.
Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'élargissement aux salariés exposés à l'ensemble des facteurs de risques professionnels le bénéfice des actions de prévention de la pénibilité financées par le fonds d'investissement de prévention de la pénibilité créé par l'article 9.
Mon avis est défavorable. Des éléments nous sont déjà communiqués chaque année à ce sujet, par exemple dans le cadre du rapport d'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Nous avons déjà parlé des carrières longues, mais pas encore des catégories actives et très actives. Or elles vont, elles aussi, prendre cette réforme de plein fouet, contrairement à ce qu'affirment le Gouvernement et la majorité. Je pense aux policiers, qui ont raison de manifester, puisque leur âge de départ à la retraite va passer de 55 à 57 ans. Ils font partie de ces professions dont vous prétendez reconnaître la pénibilité et qui, en réalité, vont particulièrement souffrir de cette réforme. Il importe de mettre le doigt sur cette hypocrisie du Gouvernement.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF106.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 9 modifié.
Titre II
Renforcer la solidarité de notre système de santé
Article 10 : Revalorisation des petites pensions et amélioration du recours à l'ASPA
Amendement CF410 de Mme Véronique Louwagie.
Nous proposons de ne verser l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) qu'aux personnes vivant de manière permanente sur le territoire national. À l'heure actuelle, peuvent bénéficier de l'ASPA les personnes qui ont leur foyer permanent en France, mais aussi celles qui n'y ont que leur séjour principal : ces dernières peuvent séjourner près de six mois hors de France et toucher quand même l'ASPA.
Pire, alors qu'il est également précisé à l'article L. 816‑1 du code de la sécurité sociale qu'il faut être titulaire d'un titre de séjour depuis au moins dix ans, cette condition ne s'applique pas aux ressortissants de nombreux pays. Pour leur accorder l'ASPA sans aucune obligation de séjour préalable en France, une simple lettre de la direction de la sécurité sociale datée de 2018 a suffi, en contradiction totale avec le code de la sécurité sociale.
Il est essentiel de rétablir la condition de séjour permanent sur notre territoire et de dix années minimum de séjour en France pour l'obtention de cette allocation. C'est une question de justice sociale.
J'émettrai un avis défavorable sur cet amendement. L'obligation d'avoir son lieu de séjour principal en France pour bénéficier de l'ASPA paraît équilibrée : elle permet de s'assurer que les personnes passent bien un certain temps sur le territoire national, sans pour autant les empêcher de passer quelques mois par an dans un autre pays, par exemple celui dont elles sont originaires.
Les personnes immigrées qui viennent en France pour travailler ont généralement des salaires inférieurs ; elles sont souvent stigmatisées et victimes de discrimination. Est-il raisonnable de leur chercher des noises et de leur interdire, après une dure vie de labeur, de passer leur retraite chez elles ? Vous n'aimez pas les étrangers quand ils sont ici et, quand ils rentrent chez eux, vous ne les aimez pas non plus ! Pourriez-vous les laisser en paix, ces vieux chibanis, et tous les autres, qui ont beaucoup donné à la France ?
Ce qui me paraît problématique, et ce sur quoi porte précisément l'amendement, c'est que la loi n'est pas appliquée. Elle dispose qu'il faut être titulaire d'un titre de séjour depuis au moins dix ans. Or une simple lettre de la direction de la sécurité sociale a introduit, en 2018, un grand nombre de dérogations. En tant que législateurs, nous devrions être choqués que des dispositions qui ont été votées à l'Assemblée nationale ne soient pas appliquées. Je m'étonne que personne ne réagisse.
Cette situation ne résulte pas d'une initiative de la direction de la sécurité sociale, mais de l'application de conventions sociales bilatérales avec les pays concernés – conventions qui, vous le savez, ont une autorité supérieure aux lois.
La question n'est pas de savoir si l'on aime ou pas les étrangers, ce qui n'a aucun sens, mais de s'assurer que les personnes qui bénéficient de l'ASPA résident de manière permanente en France, ce qui est aussi une manière d'éviter les fraudes. Si l'on souhaite s'intégrer en France, on ne passe pas six mois de l'année dans un autre pays, et ne me dites pas qu'il faut six mois pour aller rendre visite à sa famille. L'amendement de Mme Louwagie fait l'objet d'une instrumentalisation politicienne qui n'a aucun sens. Elle demande seulement que la loi soit appliquée.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF410.
Amendement CF117 de Mme Christine Pires Beaune.
Nous demandons la suppression de l'alinéa 12, qui prévoit que le seuil de succession de l'ASPA sera fixé par décret, alors qu'il est fixé dans la loi actuellement.
Mon avis est défavorable. L'adoption de votre amendement ferait tomber la disposition permettant d'indexer sur l'inflation du plafond de récupération sur succession de l'ASPA. Or, cette disposition est intéressante et pleinement bénéfique aux bénéficiaires de cette allocation.
La commission rejette l'amendement CF117.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l'amendement CF118 de Mme Christine Pires Beaune.
Amendement CF319 de Mme Rachel Keke.
C'est le dernier amendement que je défendrai. J'en profite pour faire remarquer que je n'ai pas eu la garantie que les articles de ce texte seront examinés dans l'ordre dans l'hémicycle. Oserez-vous réellement aborder, à l'article 7, la question du report de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ? Ou bien nous infligerez-vous d'abord les petites discussions sur les prétendues avancées de votre réforme, qui figurent dans les articles suivants ?
La fixation du minimum contributif à 1 200 euros, qui a été abondamment commentée dans les médias, n'est que de la poudre de perlimpinpin, comme dirait M. Macron, puisqu'il suffirait d'appliquer la loi Fillon de 2003 en publiant un décret pour obtenir le même résultat.
Nous, nous sommes pour un SMIC à 1 800 euros net. Si l'on applique à cette somme la règle introduite par la loi Fillon de 2003, on obtient un minimum contributif de 1 600 euros.
Nous voterons cet amendement. J'invite Mme Garrido, si elle veut avoir la garantie que l'article sur le report de l'âge légal de départ à la retraite sera bien examiné, à soutenir l'initiative de mon collègue Thomas Ménagé, qui a demandé ce matin à la commission des affaires sociales que cet article soit examiné en premier.
La commission rejette l'amendement CF319.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 10 non modifié.
Article 11 : Valider pour la retraite une période assimilée pour certains stages de la formation professionnelle
Amendement CF120 de Mme Christine Pires Beaune.
Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité de valider rétroactivement pour la retraite les travaux d'utilité collective et autres périodes assimilées à certains stages de la formation professionnelle, alors que l'article 8 ne prévoit, pour l'instant, une telle validation que pour les personnes partant à la retraite à partir du 1er septembre 2023.
Je suis favorable à cette demande, car il me semble intéressant de disposer d'une vision objectivée des personnes concernées par ces stages de la formation professionnelle et déjà parties à la retraite.
La commission adopte l'amendement CF120 ( amendement AS7257 et amendement 598 ).
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 11 modifié.
Article 12 : Création d'une assurance vieillesse pour les aidants (AVA)
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 12 non modifié.
Titre III
Faciliter les transitions entre emploi et retraite
Article 13 : Amélioration des transitions entre l'activité et la retraite
Amendement CF180 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Afin de favoriser le cumul entre emploi et la retraite, nous proposons de supprimer le délai de carence de six mois entre la date de liquidation d'une première pension et l'ouverture de nouveaux droits permise par la reprise d'une activité professionnelle.
Je vous invite à retravailler votre amendement car, si je le comprends bien, il supprimera uniquement la possibilité que le cumul soit générateur de droit.
L'amendement CF180 est retiré.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 13 non modifié.
Après l'article 13
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CF176 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF142 de M. Fabien Di Filippo.
Amendement CF387 de Mme Félicie Gérard.
Cet amendement a pour objet la remise au Parlement d'un rapport évaluant l'incidence de la réforme sur l'équilibre des finances publiques à moyen terme. Celui-ci est en effet difficile à évaluer en raison de l'existence de nombreuses inconnues concernant le comportement des salariés et des entreprises.
Je vous demande de retirer cet amendement car il est satisfait. La réforme passe par un PLFRSS dont tous les articles seront évalués dans une annexe du prochain PLFSS. De plus, son application donnera lieu chaque année à divers rapports émanant du COR, du Comité de suivi des retraites (CSR) et de la Cour des comptes.
L'amendement CF387 est retiré.
Amendement CF65 de M. Philippe Brun.
Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la pertinence de l'unification du recouvrement des cotisations sociales.
Je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de revenir sur une disposition du PLFSS relative au recouvrement des cotisations de l'Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO) par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF). Il est très important de préserver l'autonomie de ces dispositifs gérés de manière paritaire, qui fonctionnent très bien. Je ne partage pas du tout votre analyse sur une pertinence de l'unification du recouvrement des cotisations sociales.
La commission rejette l'amendement CF65.
Amendement CF29 de M. Philippe Brun.
Pour être parfaitement clair, si les socialistes demandent un rapport sur l'unification du recouvrement des cotisations sociales, c'est bien parce qu'ils estiment que ce n'est pas pertinent.
L'amendement CF29 a pour objet la remise d'un rapport évaluant l'impact des exonérations de cotisations sociales pesant sur la branche vieillesse. Celles-ci, qui s'élèvent à 18 milliards d'euros, affectent la soutenabilité de notre régime.
La commission rejette l'amendement CF29.
Amendement CF119 de Mme Christine Pires Beaune.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport présentant les différentes options permettant d'intégrer les primes des fonctionnaires des outre-mer dans l'assiette de cotisation pour la constitution des droits à pension.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF119.
Amendement CF122 de Mme Christine Pires Beaune.
Cet amendement a pour objet la remise au Parlement d'un rapport sur la création d'une bonification pour la retraite des trimestres de volontariat des sapeurs-pompiers. Nous témoignerions ainsi de la reconnaissance de la Nation envers ces héros du quotidien, qui font preuve d'un courage exemplaire.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l'amendement CF122 ( amendement AS7258 et amendement 599 ).
Titre IV
Dotations et objectifs de dépenses des branches et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires
Avant l'article 14
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement CF374 de Mme Eva Sas.
Article 14 : Objectif de dépenses de la branche maladie pour l'année 2023
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF8 de M. Philippe Brun et CF375 de Mme Eva Sas.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 14 non modifié.
Article 15 : Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour l'année 2023
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF9 de M. Philippe Brun et CF376 de Mme Eva Sas.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 15 non modifié.
Article 16 : Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour l'année 2023
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF10 de M. Philippe Brun et CF377 de Mme Eva Sas.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 16 non modifié.
Article 17 : Objectif de dépenses de la branche famille pour l'année 2023
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF11 de M. Philippe Brun et CF378 de Mme Eva Sas.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 17 non modifié.
Article 18 : Objectif de dépenses de la branche autonomie pour l'année 2023
Amendements de suppression CF12 de M. Philippe Brun et CF379 de Mme Eva Sas.
Le groupe Écologiste a déjà exprimé sa très vive inquiétude face au sous-dimensionnement de la branche autonomie et aux besoins criants du secteur du grand âge. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 18, qui maintient ce mauvais cap.
Mon avis est défavorable. La rectification des objectifs de dépenses des différentes branches est un élément devant obligatoirement figurer dans une LFRSS, en application de l'article L.O 111-3-11 du code de la sécurité sociale.
La commission rejette les amendements identiques CF12 et CF379.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 18 non modifié.
Article 19 : Prévisions de charges du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l'année 2023
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l'amendement de suppression CF380 de Mme Eva Sas.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 19 non modifié.
Article 20 : Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour l'année 2023
Amendements de suppression CF14 de M. Philippe Brun et CF365 de Mme Eva Sas.
Il s'agit de supprimer l'article 20 car nous réprouvons cette réforme ainsi que la rectification de l'objectif de dépenses de la branche vieillesse.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements identiques CF14 et CF365.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 20 non modifié.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de la seconde partie modifiée.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 modifié.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du vendredi 27 janvier 2023 à 14 heures 40
Présents. - M. David Amiel, M. Philippe Brun, M. Fabrice Brun, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, Mme Raquel Garrido, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Claire Guichard, M. David Guiraud, M. Benjamin Haddad, Mme Nadia Hai, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, Mme Constance Le Grip, Mme Élise Leboucher, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, M. Sylvain Maillard, M. William Martinet, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Benoit Mournet, Mme Nathalie Oziol, M. Sébastien Rome, M. Alexandre Sabatou, M. Aurélien Saintoul, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Jean-Philippe Tanguy, Mme Prisca Thevenot
Excusés. - M. Christian Baptiste, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Frédéric Cabrolier, Mme Sophie Errante, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, Mme Karine Lebon, M. Philippe Lottiaux, Mme Lise Magnier, Mme Mathilde Paris
Assistaient également à la réunion. - Mme Nadège Abomangoli, M. Christophe Bentz, Mme Sandrine Rousseau