Intervention de Damien Maudet

Réunion du vendredi 27 janvier 2023 à 14h40
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Maudet :

« Après trois mois dans le service, j'étais l'une des plus anciennes », déclare Emma, infirmière à l'hôpital Saint-Louis, à Paris. Elle est aujourd'hui en arrêt maladie pour burn-out, comme dix-sept de ses collègues. Les deux tiers des infirmières sont soumises à des risques psychosociaux, 30 % d'entre elles sont susceptibles de quitter leur travail avant la fin de l'année et l'on a du mal à en recruter de nouvelles. C'est le type même de métier pour lequel le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ à la retraite sera une catastrophe.

« “Désolé, désolé !” : je passe ma vie à m'excuser parce que je n'ai pas le temps de faire mon travail correctement » – c'est Stéphane, aide-soignant à Limoges, qui parle. Tous ses collègues partent, du fait notamment de la situation catastrophique des hôpitaux. Quand on voit la réforme proposée, on pense à une blague. Les hôpitaux attendent depuis des années des recrutements et des revalorisations de salaires plus fortes que celles, insuffisantes, du Ségur de la santé, et tout ce que vous trouvez à leur répondre, c'est qu'il faudra travailler jusqu'à 64 ans ? Est-ce cela, votre fameux choc d'attractivité ? Ne pensez-vous pas qu'il y avait mieux à faire que de pousser ces travailleurs à bosser deux années de plus ? L'effondrement à prévoir de l'hôpital sera en partie dû à cette réforme des retraites.

Fabrice Brun évoquait les métiers des classes populaires que celle-ci touchera. L'aide à domicile est un exemple type de métier de femmes précarisées qui va morfler : 77 % d'entre elles exercent à temps partiel, ce qui signifie qu'elles cotisent moins. De ce fait, 64 ans sera pour elle l'âge minimum pour partir à la retraite : en réalité, elles devront aller au-delà. On peut même se demander si certaines ne seront pas plus âgées que les gens dont elles s'occupent ! Les salaires sont de l'ordre de 600 à 700 euros – ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapport Erhel et Moreau-Follenfant sur les travailleurs de la deuxième ligne, à la suite duquel Élisabeth Borne, à l'époque ministre du travail, avait déclaré qu'elle faisait confiance au dialogue social. On voit le résultat ! Les associations n'arrivent plus à recruter tant les métiers de l'aide à domicile sont dévalorisés. Ils sont encore plus accidentogènes que ceux du BTP. Et vous dites à ces gens-là, qui ne toucheront qu'une toute petite retraite, qu'ils vont en plus devoir bosser jusqu'à 64 ans ? Tout à l'heure, Mathieu Lefèvre a fait un grand discours sur l'émancipation par le travail, sur le bonheur de travailler pendant toute une vie. Mais si son métier consistait à porter des personnes âgées, arriverait-il à tenir jusqu'à 64 ans ?

Dans ce même rapport, il est indiqué que les caissières font partie des dix-sept métiers de seconde ligne, qui sont particulièrement mal payés en raison du grand nombre de contrats à temps partiel et à durée déterminée. Le salaire moyen est de 859 euros par mois. Cela donne le vertige, vu que nous touchons tous ici environ 5 700 euros par mois ! En reportant l'âge de départ à la retraite, vous ferez partir les caissières à la retraite bien plus tard qu'à 64 ans, car elles n'auront pas assez cotisé.

Prenons donc les choses par le bon bout. Il existe des métiers qui permettent à la société de tenir. Les caissières, par exemple, nous étions bien contents de pouvoir compter sur elles pendant le confinement, pendant que nous étions toutes et tous en télétravail. Augmentons leurs salaires et permettons-leur de vivre de leur travail et de se reposer en temps voulu.

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