La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'une proposition de résolution
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de résolution.
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour soutenir l'amendement n° 24 , visant à supprimer l'article.
Cet amendement vise à supprimer l'article unique de la proposition de résolution européenne relative à la proposition de législation européenne sur la liberté des médias.
La proposition de résolution ambitionne de réduire la fragmentation des différentes approches législatives et réglementaires des États membres concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance éditoriale des médias. Le Rassemblement national ne peut y souscrire.
Rappelons en premier lieu que la liberté et le pluralisme des médias sont garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en son article 11. Précisons ensuite que les médias figurent au sein des traités de l'Union européenne comme ne relevant ni de compétences partagées ni de compétences exclusives de l'Union européenne. Enfin, au nom de la souveraineté et de la liberté dues à chaque État membre, nous ne pouvons que récuser un texte qui porterait atteinte au fonctionnement des États membres dans leur législation visant à assurer la liberté des médias.
En somme, le texte présenté ne respecte pas le principe de subsidiarité. Il convient donc de s'y opposer en supprimant son article unique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La parole est à M. Emmanuel Pellerin, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission.
Je regrette que notre débat s'ouvre par un amendement de suppression de l'article unique. J'y suis évidemment défavorable, d'une part sur la forme, puisque l'adoption de votre amendement reviendrait à priver l'hémicycle d'un débat sur les amendements suivants, d'autre part sur le fond car j'ai déjà fait part de mon soutien de principe à l'initiative de la Commission européenne.
S'agissant de la compétence de l'Union européenne et du principe de subsidiarité, j'ai eu l'occasion d'expliquer en commission que l'article 114 du TFUE, le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, était a priori une base juridique légitime. Le service juridique du Conseil de l'UE rendra un avis en février. J'ai également lu avec attention l'avis motivé de nos collègues sénateurs sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur. Il ne me semble pas que le principe de subsidiarité soit violé par la Commission européenne. Je rejoins cependant les sénateurs pour regretter que la Commission ait présenté un règlement plutôt qu'une directive, laquelle aurait été plus conforme à ses objectifs et au respect de la diversité et du pluralisme. Un amendement appelant à une analyse approfondie sur l'instrument juridique le plus adapté a d'ailleurs été adopté en commission.
Je suis défavorable à votre amendement ainsi qu'aux quatre autres amendements déposés par le Rassemblement national.
La parole est à Mme la ministre de la culture, pour donner l'avis du Gouvernement.
Madame la députée, je vous signale que deux textes européens importants s'appliquent aujourd'hui dans le champ des médias. Tout d'abord, la directive SMA, services de médias audiovisuels, a fait l'objet d'une transposition très ambitieuse dans le droit français puisque nous avons pu de cette façon imposer aux plateformes d'investir dans la production française à hauteur de 20 % de leur chiffre d'affaires réalisé en France, ce qui crée des emplois et permet à la fiction française d'être plus présente sur les plateformes telles que Netflix, Amazon ou encore Disney, qu'il s'agisse d'une diffusion en France ou à l'étranger.
L'autre texte est la directive relative au droit d'auteur et aux droits voisins, grâce à laquelle nous pouvons rémunérer le travail de nos éditeurs de presse lorsque leur contenu est repris sur les grandes plateformes.
Face au pouvoir des plateformes, il est nécessaire que les Européens se rassemblent pour relever des défis communs. Comme les deux textes que je viens de citer, la résolution dont nous discutons aujourd'hui nous permet de construire une base commune, tant il est vrai que l'union fait la force. Avis défavorable.
Sous couvert d'arguties juridiques, cet amendement de suppression démontre que, dans l'hémicycle, il y a d'un côté ceux qui souhaitent renforcer le droit de la presse et son indépendance et de l'autre ceux qui soutiennent les pays qui, en Europe, remettent justement en cause la liberté et l'indépendance de la presse. Les dirigeants de ces pays sont vos amis, madame Parmentier, par conséquent nous ne sommes pas étonnés que vous défendiez cet amendement de suppression. Nous nous y opposons évidemment avec la plus grande force.
L'amendement n° 24 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Il a pour objectif d'introduire dans la proposition de résolution le travail en cours effectué par l'Union européenne contre les procédures bâillons qui se multiplient contre les journalistes dans de très nombreux pays.
La protection des journalistes passe par un travail spécifique contre les procédures bâillons et les manœuvres judiciaires abusives qui peuvent être utilisées, y compris en France.
Au moment de montrer la volonté de notre assemblée de se pencher sur cette question, il paraît important de mentionner le fait que le Conseil et le Parlement européens ont déjà entamé un travail à ce sujet. Le fait que la directive ne soit pas encore adoptée ne fait pas obstacle à sa mention dans la présente proposition de résolution.
La proposition de directive sur les poursuites bâillons est un texte important qui permettra de mieux protéger les journalistes attaqués en raison de leur participation à un débat public. Les juridictions pourront notamment adopter une décision rapide de rejet, total ou partiel, des procédures judiciaires altérant le débat public en étant manifestement infondées. La charge de la preuve incomberait alors au requérant.
Le développement des poursuites bâillons en Europe est très préoccupant. Une partie de mon rapport est d'ailleurs consacrée à cette question. Si l'avis de la commission est défavorable, je suis favorable, à titre personnel, à cet amendement qui prévoit l'inscription de ce texte dans les visas de la résolution.
Favorable. Je souscris à tout ce qui a été dit par M. le rapporteur.
L'amendement n° 6 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Il vise à souligner le contexte de concentration des médias dans lequel s'inscrit cette proposition de résolution européenne et l'atteinte portée aux principes rappelés que sont la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias.
En France, la presse d'information politique et générale se trouve désormais regroupée entre les mains d'un petit nombre d'hommes et de sociétés dont l'activité principale est souvent très éloignée du monde de l'information et de ses principes : Libération, L'Express, BFM et RMC font partie du groupe de Patrick Drahi tandis que Le Monde est détenu par Xavier Niel, lequel possède également plusieurs titres de presse quotidienne régionale. Les deux géants du luxe ont également investi dans la presse : Bernard Arnault avec Les Échos et Le Parisien, François Pinault avec Le Point.
De la même manière, de nombreuses prises de contrôle, direct ou non, par le groupe Bolloré, de médias audiovisuels et de titres de presse – Europe 1, Paris Match, Le Journal du dimanche et j'en passe – ou de maisons d'édition nous invitent à nous interroger sur leurs méthodes en matière d'acquisition, de gestion des personnels, notamment en ce qui concerne la liberté de pensée des journalistes et l'indépendance des rédactions.
Le dernier projet de fusion des groupes TF1 et M6, finalement abandonné, a également suscité de nombreuses – et légitimes – questions relatives à la diversité des médias, au pluralisme et aux positions économiquement dominantes sur le marché publicitaire.
Ces concentrations, mutualisations et synergies touchent inévitablement les programmes, l'information, le contenu des services et des titres nouvellement concentrés, mettant en péril le pluralisme de l'offre culturelle, l'indépendance des rédactions et des journalistes, et bien sûr la diversité et la qualité de l'information dont disposent nos concitoyens.
J'avais donné un avis favorable à votre amendement en commission. Je n'ai pas changé d'avis depuis. Il est selon moi utile de rappeler dans la résolution que la concentration des médias peut représenter un risque pour la liberté et le pluralisme de l'information.
J'avais expliqué pendant nos débats qu'il n'existe pas forcément de lien mécanique entre le niveau de concentration et le pluralisme, mais que la concentration peut créer un risque de capture des médias par des intérêts privés.
J'avais aussi défendu l'article 21 de la proposition de la Commission européenne, qui représente une avancée importante dans l'approche des dispositifs anticoncentration. L'évaluation des phénomènes de concentration prendrait en considération les effets sur le pluralisme et sur la formation de l'opinion publique. Il serait également tenu compte de l'environnement en ligne, alors que le contrôle français en la matière laisse de côté la révolution numérique.
L'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires culturelles (Igac) ont récemment rendu un rapport relatif à la concentration des médias. Celui-ci pourra servir de base à notre réflexion lors des états généraux du droit à l'information.
À titre personnel, je suis favorable à l'amendement.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'assemblée. Je comprends la philosophie qui a présidé à la rédaction de l'amendement ; néanmoins il convient de nuancer l'affirmation selon laquelle le paysage de l'audiovisuel et de la presse serait « de plus en plus concentré » – pour reprendre les termes de l'amendement.
Les chiffres montrent que ce n'est pas exact. En voici quelques-uns. Dans les années 1980, le groupe Hersant représentait 40 % de la diffusion des quotidiens nationaux et régionaux…
…à une époque où l'on ne comptait que six chaînes de télévision. Aujourd'hui, on dénombre 1 200 radios publiques, commerciales ou associatives et une infinité de webradios et de podcasts. La diversité et la richesse de notre paysage radiophonique sont uniques au monde. L'offre de la TNT, la télévision numérique terrestre, se compose de trente chaînes nationales. Plus de 230 services audiovisuels sont diffusés sur des réseaux non hertziens, comme le câble ou le satellite. On a donc assisté à une indéniable diversification de l'offre télévisuelle.
S'agissant de la presse, je vous renvoie au rapport des deux inspections générales que vient de citer le rapporteur. Il y est bien indiqué que les données communiquées traduisent une forme de déconcentration par rapport à 2010. Les dix principaux éditeurs représentaient alors 37 % de la diffusion totale de la presse tandis qu'en 2019, ils n'en couvraient plus que 25 %. Cette même année, aucun groupe ne représentait plus de 10 % de la diffusion.
Je tenais simplement à noter que le paysage de l'audiovisuel et de la presse est en réalité un peu moins concentré aujourd'hui qu'hier. La concentration des médias est une question qui, comme vous, continue de me préoccuper, mais soyons précis.
La concentration est incontestablement un problème. Notre collègue a cité plusieurs titres de presse ainsi que les noms de leurs propriétaires. Personne ne peut nier l'évidence.
Cependant, nous avons vu apparaître dans ce paysage des plateformes nommées Netflix, Amazon ou Disney dont la puissance de feu est incomparable. Face à ces géants, nos groupes sont des nains, qu'il s'agisse de TF1 – avec tout le respect que l'on doit à cette chaîne –, Canal+ ou même Bertelsmann.
Nous pouvons donc aussi nous interroger sur la puissance de nos médias et de nos groupes. Comment allons-nous résister à ces plateformes ? Il faut tout mettre sur la table, c'est pourquoi nous voterons contre cet amendement même si, encore une fois, la concentration des médias n'est pas sans poser question.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je soutiens cet amendement. Notre groupe en a d'ailleurs déposé un – dont nous allons bientôt discuter – qui a été conçu dans le même esprit. Il s'agit de montrer du doigt la concentration des médias qui représente un fléau pour le pluralisme et pour la liberté de presse.
Face à des puissances financières qui s'emparent de plusieurs médias pour orienter l'information et coloniser nos imaginaires, nous avons besoin de maintenir un réel pluralisme et d'assurer, si possible, une plus grande indépendance des médias.
Il y a des dispositions à prendre à l'échelle européenne comme à l'échelle nationale pour lutter contre les trusts et la concentration médiatique qui en découle, et contre cette logique de la propriété qui conduit des capitaines d'industrie à estimer qu'il peut être utile dans leur stratégie de posséder des médias. Nous, au groupe GDR, jugeons indispensable d'inscrire dans ce texte le danger que constitue l'hyperconcentration des médias. Certes, cela ne suffira pas à régler le problème, mais il faut au moins reconnaître qu'il existe pour que nous puissions ensuite nous orienter vers les actions nécessaires.
L'amendement n° 1 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Cet amendement vise à réécrire l'alinéa 17, pour une raison claire déjà évoquée depuis de longues minutes : les médias ne figurent pas dans les traités parmi les compétences exclusives ou même partagées de l'Union européenne. La proposition de règlement de la Commission européenne dépasse donc ses compétences et ne respecte pas la souveraineté des États membres. C'est le droit : l'Union européenne est incompétente en la matière.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Comme l'a indiqué mon collègue Philippe Ballard, l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne fournit pas la base juridique adéquate puisque, dans de nombreux cas, les services de médias ne sont pas transfrontaliers, la plupart ayant une audience seulement nationale, voire locale. Ainsi, l'intervention de l'Union, même dans un objectif d'harmonisation des législations, n'est pas fondée. L'amendement vise en conséquence à réécrire l'alinéa 17.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Je crois, contrairement aux auteurs de ces amendements, que la souveraineté des peuples nécessite une indépendance des médias garantie à tous les niveaux et je me félicite que l'Assemblée nationale ait adopté l'amendement de notre collègue Echaniz sur la concentration. Oui, la souveraineté des peuples, c'est l'indépendance des médias, c'est la capacité des citoyens et des citoyennes à être éclairés en dehors des intérêts des grands groupes. À cet égard, vous avez évoqué il y a quelques minutes Amazon et les plateformes, monsieur Ballard, qualifiant en comparaison TF1 de nain, mais ce n'est pas le cas dans notre pays où sa part d'audience sur le marché français est importante. Et la part des médias français dans la constitution de l'opinion publique dans notre pays l'est également.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 7 .
Cet amendement est pour moi l'occasion d'ajouter quelques mots à propos d'un enjeu qui nous semble important : la concentration. Un certain nombre d'exemples ont récemment montré comment des médias se comportaient au point de tenter d'interdire que certains propos soient tenus sur leur antenne parce qu'ils portaient atteinte à leur propriétaire – je ne vais pas vous faire un dessin, madame la ministre, mes chers collègues. Il est d'autant plus important de préciser explicitement qu'il convient de porter une attention toute particulière à cette forme de concentration. On voit bien que certaines puissances financières se font la guerre par médias interposés, ce qui n'est pas le moindre des problèmes.
Je tiens à pointer le fait que l'enjeu de la concentration rejoint celui de la protection culturelle parce que les médias ne sont pas seulement des contenants, mais aussi des contenus – bien trop souvent, hélas, de produits culturels plus que d'éléments de la culture. C'est un enjeu public digne de notre intérêt à tous que de libérer aussi cette production culturelle des pesanteurs de la finance. Cela suppose, madame la ministre, de donner à l'audiovisuel public les moyens de faire face à ces enjeux et de déployer lui-même une puissance de frappe pour que ses propres contenus soient à la hauteur de ce que nous sommes en droit d'en attendre en tant que citoyennes et citoyens.
Cela dit, je retire l'amendement. Celui de M. Echaniz ayant été adopté, je considère qu'il est satisfait.
L'amendement n° 7 est retiré.
En cohérence avec leur avis respectif sur l'excellent amendement n° 6 défendu par ma collègue Soumya Bourouaha, qui a été adopté, je suppose que la commission et le Gouvernement vont émettre un avis favorable sur celui-ci : il s'agit de faire explicitement référence dans cette proposition de résolution à « la multiplication des procédures bâillons contre les journalistes ». Je trouve sain dans une démocratie vivante que d'avoir des journalistes qui éveillent l'attention citoyenne sur des sujets d'intérêt général, y compris des sujets d'actualité tels que les conditions d'accueil d'une personne âgée à l'hôpital. La procédure bâillon risque de priver notre démocratie de citoyens bien informés.
Mon cher collègue, je me suis déjà exprimé sur les poursuites bâillons à l'occasion de l'amendement n° 6 . Je serai donc bref. Je soutiens l'introduction dans le texte de ce nouveau considérant. J'ai fait référence dans mon rapport à la coalition contre les poursuites bâillons en Europe, qui regroupe une trentaine d'associations. Elle a décerné, si l'on peut dire, à la Pologne le prix du pays fournissant les conditions les plus favorables aux poursuites bâillon en 2021 et en 2022. Cette situation doit tous nous alerter. Je suis donc favorable à titre personnel à l'adoption de cet amendement.
L'amendement n° 8 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Cet amendement a pour objectif d'alerter la représentation nationale sur le caractère désuet des dispositifs anticoncentration en vigueur. En effet, la loi de 1986 n'est plus adaptée à la réalité actuelle – le numérique n'y est pas pris en compte. Globalement, notre législation n'est plus pertinente.
Au-delà de la concentration, se pose également la question des propriétaires des médias. Le rôle de la loi n'est pas d'assurer le pluralisme entre milliardaires : il s'agit bel et bien de favoriser des médias qui puissent vivre par eux-mêmes.
Je vous rejoins sur la nécessité de faire évoluer le dispositif anticoncentration en France. Comme vous, je pense que le numérique doit être davantage pris en compte et que la seule approche par les seuils est dépassée. J'ai déjà fait référence, en m'exprimant sur l'amendement n° 1 , au rapport de l'IGF et de l'IGAC qui préconise une méthode plus souple, fondée sur l'appréciation au cas par cas des opérations de concentration. Cette proposition reprend d'ailleurs pour partie l'article 21 de la proposition de règlement européen. Cet article va dans votre sens puisqu'il permettra de mieux prendre en compte la réalité des supports et des usages actuels. Je suis donc favorable à titre personnel à votre amendement.
Je partage l'avis de M. le rapporteur. Avis favorable.
L'amendement n° 9 est adopté.
L'instrument juridique choisi par la Commission européenne n'est pas le bon car le domaine des médias présente des caractéristiques nationales et culturelles qui doivent être sauvegardées et respectées. Au regard de la diversité des règles locales, régionales et nationales existantes, un règlement n'offre pas la souplesse nécessaire aux États membres. L'amendement propose en conséquence d'insérer un nouvel alinéa après l'alinéa 23. J'ajoute qu'une recommandation européenne ou, en dernier recours, une directive, serait un instrument juridique plus approprié pour traiter la question des médias.
Nous avons déjà eu ce débat il y a quelques instants. Avis défavorable.
L'amendement n° 27 n'est pas adopté.
Sur amendements identiques n° 2 , 10 , 14 et 17 , je suis saisi par le groupe La France insoumise – NUPES et par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l'intergroupe NUPES) d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Lisette Pollet, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Notre groupe RN considère qu'une recommandation européenne ou, en dernier recours, une directive, serait l'instrument juridique le plus approprié pour traiter la question des médias au niveau européen. Un règlement n'apporte en effet pas toute la souplesse nécessaire sur cette question. Cette analyse est partagée par le Bundesrat en Allemagne et par la Chambre des députés hongroise, tous deux ayant adopté un avis motivé contestant la proposition de règlement de la Commission européenne au nom du respect du principe de subsidiarité.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.
L'amendement n° 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement propose de compléter l'alinéa 27 par les mots : « et notamment en France » pour rappeler que les atteintes à l'indépendance et au pluralisme des médias, et les pressions, voire les menaces, exercées à l'encontre des journalistes sont malheureusement bel et bien présentes en France et pas seulement dans d'autres pays de l'Union européenne. Ainsi, sur treize chaînes d'information généraliste, huit sont détenues par cinq milliardaires et leurs audiences cumulées correspondaient en 2021 à 57,2 % du total des audiences. Le rapport fait à ce sujet au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation précise : « Bien que l'indépendance éditoriale des médias soit protégée en France […] il n'en demeure pas moins que ceux-ci sont dotés d'une ligne éditoriale définie par l'actionnaire ». Il peut en découler des procédures bâillons, qui existent bel et bien en France. Ainsi, ces dernières années, Vincent Bolloré et son groupe ont attaqué régulièrement des journalistes qui osaient le contredire, voire les ont tout bonnement licenciés. Rappelons qu'en 2018, vingt-six associations, vingt-trois médias et de nombreux journalistes ont publié une tribune intitulée : « Face aux poursuites bâillons de Bolloré : nous ne nous tairons pas ! » Et puis les exemples de censure préventive de médias s'accumulent, notamment par le groupe de Patrick Drahi qui a fait interdire en 2022 la divulgation d'informations par le site Reflets. Médiapart a également fait l'objet récemment d'une censure préventive. Pour toutes ces raisons, il importe de rappeler dans la proposition de résolution que cette question concerne aussi la France.
La France et la Pologne ne peuvent pas être mises sur le même plan. Cette proposition de résolution européenne n'a pas pour objet de stigmatiser notre pays. Avis défavorable.
Madame la députée, je suis comme vous toujours soucieuse de défendre la liberté et l'indépendance des journalistes, mais mettre sur le même plan la France et la Pologne ou la Hongrie n'est pas approprié dans ce débat ni dans ce texte, et ce n'est de toute façon vraiment pas le moment. Je vous invite à balayer aussi devant votre porte en vous citant ces propos : « Pourrissez-les partout où vous pouvez […]. Il faut qu'à la fin des milliers de gens disent : ''Les journalistes de France Info sont des menteurs et des tricheurs.'' » Je n'ai pas besoin de citer l'auteur de ces phrases. Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
L'amendement n° 21 n'est pas adopté.
Je me réjouis de l'adoption de l'amendement n° 1 sur la concentration des médias ; je veux remercier M. le rapporteur et Mme la ministre pour avoir émis un avis favorable.
L'ensemble des groupes de la NUPES l'ont dit lors de la discussion générale : avec cette série d'amendements identiques, nous en venons au nerf de la guerre, à savoir le financement de l'audiovisuel public. L'alinéa 31 vient contredire l'article 5 de la proposition de règlement, lequel précise que l'Union européenne est garante de l'indépendance des médias publics, notamment en termes de financement, de même que les États membres.
Bien qu'il ait été réécrit en commission, cet alinéa nous ramène au débat de l'été dernier sur le financement de l'audiovisuel public, avec les péripéties que nous connaissons tous. On reconnaît là le moyen de demander à l'Union européenne de laisser plus de marge de manœuvre aux États membres sur le choix de financement de leurs médias publics. En cela, l'alinéa 31 tend à dévoyer le sens de l'article 5. C'est pourquoi nous demandons qu'il soit supprimé, afin de donner au texte toute la dimension qu'il est censé prendre, non seulement en ce qui concerne le pluralisme et les concentrations, mais aussi l'indépendance et le financement de nos médias.
Brouhaha.
À part l'extrême droite, nous sommes tous ici favorables à l'expansion et au dynamisme de notre audiovisuel public. Pas plus tard qu'hier soir, sur une chaîne du groupe Bolloré, Cyril Hanouna a encore tapé à bras raccourcis sur l'audiovisuel public.
Mme Caroline Parmentier s'exclame.
Face à ce genre d'attitude, nous devons tous nous tenir aux côtés du service public de l'audiovisuel et lui donner les moyens d'accomplir sa mission.
Le brouhaha persiste.
Chers collègues, si vous voulez poursuivre les débats à un bon rythme, tâchez de garder le silence. Nous enchaînons avec l'amendement n° 10 , de Mme Brouhaha.
Rires et applaudissements. – « C'est limite ! », s'exclame un député.
Mon nom est Bourouhaha, monsieur le président.
Cet amendement de suppression vise à rappeler au Gouvernement l'impérieuse nécessité de financer l'audiovisuel public par un dispositif qui garantisse son indépendance. Avec la suppression de la redevance audiovisuelle, le Gouvernement a voulu budgétiser le financement de l'audiovisuel public, ce qui d'après nous constitue une grave erreur et, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, contrevient à la Constitution.
La solution – l'affectation d'une fraction de TVA – a été trouvée dans la précipitation et elle est amenée à s'éteindre. Eu égard à l'impératif d'indépendance de l'audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique, certains modes de financement ne peuvent être acceptés. Aussi, l'alinéa 31, qui donne toute latitude aux États membres dans le choix des modalités de financement de l'audiovisuel public, doit être supprimé.
M. Pierre Dharréville applaudit.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Nous sommes au cœur de ce qui forge notre position d'abstention sur ce texte ; j'appelle le rapporteur et le Gouvernement à rectifier leur position. Accepter l'alinéa 31 dans sa rédaction actuelle reviendrait à donner une sorte de blanc-seing validant la décision prise cet été, contre laquelle nous nous sommes élevés avec toute notre force. En effet, nous considérons qu'une taxe affectée au financement du service public de l'audiovisuel était une garantie indispensable à son bon fonctionnement et à son indépendance.
La suppression de cet alinéa permettrait de parvenir à un consensus extrêmement large sur ce texte, ou plus précisément de réunir celles et ceux qui sont réellement favorables à l'indépendance des médias. Certes, nous aurions aimé gagner du temps en indiquant que l'amendement était défendu, mais je tenais à réaffirmer notre position.
Nous souhaiterions pouvoir voter ce texte : pour cela, supprimons l'alinéa 31 !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Pierre Dharréville applaudit également.
Je m'associe à mes collègues : on touche là à la véritable difficulté que pose ce texte. L'alinéa 31 peut résonner comme une provocation, quelques mois après la suppression de la redevance audiovisuelle, décidée dans des conditions assez brutales, en dépit du désaccord exprimé par les syndicats de journalistes et les présidents des différentes chaînes de l'audiovisuel public. On nous parle au niveau européen de l'importance de l'audiovisuel public. Aussi, atténuer cette importance et donner au Gouvernement le pouvoir de mettre en péril son financement, donc son indépendance, affaiblit considérablement la proposition de résolution et crée un doute sur la sincérité affichée de défendre l'indépendance des médias publics.
J'appelle, comme mes collègues de la NUPES, à supprimer cet alinéa – c'est ainsi que nous pourrons nous retrouver.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, je vous assure que le petit bruit de fond ce soir est déplaisant pour tout le monde.
Ces amendements identiques visent à supprimer l'alinéa 31 qui précise que les garanties posées par l'article 5 de la proposition de règlement ne doivent pas remettre en cause les prérogatives des États membres en matière de financement et de désignation des dirigeants des médias de service public. Avis défavorable
Ne confondons pas tous les sujets. Pour rappel, le protocole d'Amsterdam sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, voté il y a environ vingt ans et annexé au présent texte, prévoit explicitement que les États membres disposent du choix du mode de financement de leurs médias de service public. Ce principe ne va pas bouger avec le présent texte ; le débat a été clos au niveau européen depuis longtemps. Le texte vise à ce que les États membres qui n'ont pas mis en place des procédures de nomination qui garantissent l'indépendance de l'audiovisuel public le fassent. Chez nous, c'est déjà le cas : l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) nomme les dirigeants des médias publics et l'indépendance éditoriale est totale. Ne mélangeons pas tous les sujets. Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 190
Nombre de suffrages exprimés 190
Majorité absolue 96
Pour l'adoption 26
Contre 164
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 12 .
Il vise à compléter l'alinéa 32 afin de garantir une forme d'étanchéité entre les actionnaires et les rédactions. On le voit, cela fait partie des évolutions négatives de ces dernières années, les actionnaires empiètent de plus en plus sur les prérogatives des rédactions. Ce n'était peut-être pas encore le cas dans les années 1980 ; les chiffres que vous citiez sont donc peu représentatifs de ce phénomène. Aujourd'hui, nous faisons un constat clair, d'où la nécessité de garantir une étanchéité. Veillons à protéger les rédactions contre les velléités des actionnaires.
Je ne pense pas que ce débat soit le moment pertinent pour préconiser une modification aussi radicale de la loi de 1881. Avis défavorable.
L'amendement n° 12 n'est pas adopté.
Il tend à instaurer un droit d'agrément pour les salariés. C'est une suggestion que nous avions déjà défendue dans le cadre de la proposition de loi visant à mettre fin à la concentration dans les médias et l'industrie culturelle. Nous sommes nombreux, ici, à avoir à cœur de lutter contre les concentrations. Si j'en crois vos propos du 12 juillet 2022, madame la ministre, vous avez vous-même reconnu qu'il n'y avait aucun tabou à faire évoluer la loi de 1986 pour déterminer la façon dont on doit protéger le droit à l'information et le pluralisme des médias contre les dérives pouvant résulter des concentrations. Nous proposons justement de donner aux journalistes le moyen de le faire.
Les concentrations peuvent avoir des effets désastreux sur les rédactions : on l'a constaté à Europe 1, à Canal+, à iTélé, devenue CNews, au Journal du dimanche et dans d'autres médias – voyez ce qui se passe chez Prisma Media par exemple. Des rédactions ont été profondément remaniées après l'arrivée d'un nouvel actionnaire de contrôle. Notez qu'au sein de la rédaction de Science & Vie, les journalistes ont utilisé la clause de cession ; ils ont ainsi perdu leur emploi et ont laissé leur ancienne publication sombrer dans la spirale de la réduction des coûts.
Il s'agit pour nous de lutter contre ces phénomènes que nous avons vu s'accroître ces dernières années et de réaffirmer que les salariés sont les plus à même de protéger leur outil de travail contre les prises de contrôle d'actionnaires qui, j'insiste, peuvent avoir une conséquence désastreuse sur la qualité des médias et in fine sur le droit à l'information dont devraient bénéficier nos compatriotes.
Encore une fois, le changement radical que vous proposez d'opérer n'a pas place dans la présente proposition de résolution européenne. Avis défavorable.
L'avis est défavorable, mais sachez que nous aurons bientôt un débat sur cet aspect de notre politique nationale – les états généraux du droit à l'information ne vont pas tarder !
Que signifie « bientôt », madame la ministre ? Un de ces quatre ? Demain ?
Exclamations sur les bancs des groupes RE et RN.
Nous attendons ces états généraux du droit à l'information, mais nous ne savons toujours pas quand ils se tiendront.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Comme disait Alain Gillot-Pétré, ils auront lieu « incessamment sous peu » !
L'amendement n° 22 n'est pas adopté.
Cet amendement nous a été proposé par l'association de producteurs de cinéma et de télévision Euromedia. Sans entrer dans des détails trop techniques, cette association nous a alertés sur le risque posé par l'article 20 de la proposition de règlement donnant aux médias un droit de recours auprès d'un organe d'appel indépendant. Tout dispositif anticoncentration visant à protéger le pluralisme des médias serait dès lors susceptible d'être remis en question par un service de médias s'il le jugeait non justifié ou disproportionné. De ce fait, toute règle posée par un État membre qui irait au-delà du minimum prévu par la directive SMA pourrait être contestée.
Nous relayons cette alerte dans l'espoir de préserver la souveraineté de la France en matière de lutte contre la concentration des médias. Nous ne saurions nous retrouver en difficulté du fait d'une possible interprétation de la directive SMA. Il est capital de lever ce lièvre et d'évacuer ce risque !
Favorable. Je rappelais tout à l'heure l'importance de la directive SMA. En effet, ce risque existe : autant clarifier les choses dès maintenant.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
L'amendement n° 23 est adopté.
Cet amendement vise à souligner l'importance de fixer des seuils anticoncentration. Nous avons déjà rappelé, et nous continuerons de le faire, le contexte de concentration des médias dans lequel s'inscrit cette proposition de résolution européenne. Il est donc nécessaire de fixer des règles claires comme le conditionnement, voire l'interdiction, au-delà d'un certain pourcentage, des prises de contrôle du capital de certains médias. La fixation de seuils apporterait davantage de clarté juridique aux organes réglementaires nationaux responsables de déclencher une procédure anticoncentration.
L'amendement n° 5 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il a trait au même sujet. Nous voulons simplement que le rapporteur et la ministre aient plus de liberté pour formuler leur avis. Il nous paraît nécessaire de fixer des seuils à un horizon un peu plus lointain.
L'amendement n° 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 11 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Par la présente résolution européenne, nous souhaitons aussi inciter l'Union européenne à aller plus loin. Notre texte pourrait notamment être plus ambitieux à propos de la transparence sur les conflits d'intérêts possibles entre actionnaires et fournisseurs de services de médias. L'amendement vise à rehausser l'ambition de transparence pour exiger un droit opposable à la publication des bases de données actionnariales et à donner au régulateur un rôle d'investigation en la matière.
Je suis favorable à une transparence accrue, mais défavorable à certains éléments de la rédaction, notamment au « rôle d'investigation » qui serait confié au régulateur ; ces termes sont un peu compliqués. Je demande le retrait de l'amendement.
L'amendement n° 13 n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous entendons demander un renforcement des obligations des États membres en matière de transparence sur la propriété des médias. Dans la réflexion sur la concentration des médias qui nous occupe, il nous semble très important que nos concitoyens et concitoyennes puissent connaître l'état du paysage médiatique, par exemple qu'ils puissent savoir qu'en France huit milliardaires et deux millionnaires possèdent 81 % de la diffusion des quotidiens nationaux et 95 % de celle des hebdomadaires nationaux généralistes. Il importe de montrer qu'il y a un phénomène de concentration, que les médias ne viennent pas de nulle part et ne parlent pas de nulle part. Un renforcement des obligations serait cohérent et irait dans le sens de certaines dispositions de la directive SMA.
J'ai relayé dans mon rapport les préoccupations de la Commission européenne au sujet de la transparence. Il faut renforcer les obligations des États membres en la matière. C'est le sens de l'article 6 de la proposition de règlement. Avis favorable.
Avis favorable. Je l'ai dit, je suis favorable à une transparence accrue, et la rédaction du présent amendement nous convient mieux que celle de l'amendement n° 13 .
C'est une excellente nouvelle que le Gouvernement donne un avis favorable sur ce point. Depuis plusieurs années, Le Monde diplomatique et Action Critique Médias (Acrimed) dressent annuellement une sorte de carte de la possession des médias, qui montre à quel point celle-ci est concentrée dans quelques mains. Il est bon que les citoyens soient informés à ce sujet. Par exemple, lorsque l'on sait quelle société possédait Le Figaro il y a quelques années, on comprend mieux pourquoi il soutenait mordicus le Rafale à l'époque – que je considère par ailleurs comme un très bon avion. De même, il est utile pour les citoyens de savoir quels sont les intérêts économiques en jeu, notamment lorsqu'ils sont croisés, comme c'est le cas entre Bouygues et TF1.
L'amendement n° 18 est adopté.
Sur l'article unique de la proposition de résolution européenne, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l'amendement n° 4 .
Il vise à demander un renforcement des mesures concernant les fournisseurs de services de médias extérieurs à l'Union à l'article 16 de la proposition de règlement.
En plein dossier sur la diffusion de la propagande russe par les satellites Eutelsat, à une époque caractérisée par des tensions et des conflits géopolitiques internationaux croissants, la question de la coopération transfrontière dans le domaine des chaînes et des services de médias sous l'influence ou le contrôle de pays tiers est cruciale et doit être traitée au niveau européen. Parce que le dossier Eutelsat démontre que ces médias peuvent causer de graves dommages – désinformation, diffusion de la propagande d'État, incitation à la haine et à la violence, déstabilisation des démocraties européennes –, il est nécessaire de muscler la proposition de règlement, afin que nos régulateurs disposent de tous les outils pour les sanctionner et les interdire.
Aussi souhaitons-nous que la présente résolution européenne demande des améliorations, des clarifications et un renforcement des dispositions prévues par le règlement, afin d'apporter des solutions efficaces aux problèmes rencontrés. Le groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (Erga) a fait des recommandations précisément en ce sens, notamment en ce qui concerne la compétence territoriale des régulateurs et le champ d'application de la disposition. Nous invitons l'Union européenne à les suivre.
Comme vous, je constate que des médias extérieurs à l'Union peuvent porter atteinte aux intérêts des démocraties européennes. La réponse à ces risques doit être mieux coordonnée. C'est le sens de l'article 16 de la proposition de règlement. Je pense que nous pouvons aller plus loin à l'échelle européenne et suis donc favorable à votre amendement, qui a été accepté par la commission.
Avis favorable, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 4 est adopté.
Il s'agit de lutter contre les formes de censure opérées par les plateformes.
L'amendement n° 19 vise à ce que le règlement interdise qu'un contenu mis en ligne puisse être bloqué sans décision d'un juge judiciaire, autrement dit qu'une censure puisse être opérée notamment sur des contenus de médias. Tel a été le cas en juin 2021, lorsque le journal Fakir a été censuré par Facebook sans qu'aucune décision judiciaire le justifie.
À l'heure de la suprématie de Twitter – qui vient d'être racheté par Elon Musk –, de Facebook et de YouTube sur la diffusion des informations, il nous semble important de réaffirmer que « seule la décision de justice, issue du pouvoir de l'État institué démocratiquement, est acceptable quand il s'agit de censurer un propos », comme l'ont écrit la Ligue des droits de l'homme et le Conseil national des barreaux.
L'amendement n° 20 va dans le même sens : il vise à ce que le règlement empêche qu'un contenu mis en ligne puisse être bloqué sans avoir été vérifié par une personne. Vous l'avez compris, il s'agit de lutter contre les formes d'automatisation et de robotisation de la censure.
Vous savez que j'aime me référer à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Son article 11 dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » En réalité, avec notre amendement n° 19 , nous vous proposons tout simplement de respecter la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Je ne comprends donc pas pourquoi vous y êtes opposés.
Nous pouvons partager l'objectif de l'amendement n° 19 , mais il manque le mode d'emploi. Twitter et Facebook sont en France des objets quasi insaisissables. Quel est le mode d'emploi ? Comment fait-on ?
L'amendement n° 19 n'est pas adopté.
L'amendement n° 20 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 15 .
Alors que les talk-shows et le recours à des agences de contenus pauvres en information se multiplient dans les médias d'information générale sous l'impulsion de diverses logiques, notamment de pure rentabilité, le travail journalistique dédié à l'information comme énonciation de faits et à l'enquête recule. À titre d'exemple, d'après une étude de François Jost, sur les mois de janvier et février 2022, l'information stricto sensu comme énonciation de faits n'a occupé que 13 % du temps d'antenne de CNews, qui se présente pourtant comme une chaîne d'information en continu.
Cet amendement du groupe Écologiste – NUPES appelle à l'édiction de règles garantissant la préservation des moyens destinés à ce travail journalistique, pour maintenir la bonne santé du débat public. Là encore, cela permettrait à la France de défendre, avec cette résolution, une plus grande ambition au niveau européen.
Madame la ministre, vous allez certainement répondre que nous pourrons travailler sur ces questions au niveau national dans le cadre des états généraux du droit à l'information. Je me permets donc de réitérer ma question : pouvez-vous être plus précise sur le calendrier de leur organisation ?
Défavorable. En cherchant à réglementer les budgets dédiés à tel ou tel aspect de l'activité des médias, nous entrerions trop dans le détail. Cette question ne relève pas de la proposition de résolution ; c'est un autre débat.
L'amendement n° 15 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l'amendement n° 16 .
Il vise à appeler à l'introduction de normes garantissant des conditions de travail décentes aux journalistes. En effet, les conditions dans lesquels ceux-ci sont employés et rémunérés en France et en Europe affaiblissent leur capacité à nous informer de manière correcte et efficace.
Défavorable, pour les raisons que j'ai énoncées à propos de l'amendement n° 15 .
Je profite de l'examen du dernier amendement pour vous remercier toutes et tous pour le travail accompli, en particulier M. le rapporteur. Nous sommes parvenus à un consensus sur plusieurs sujets. Nous soutiendrons ainsi un texte ambitieux pour la liberté de la presse et la défense du pluralisme et de l'indépendance des médias en Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Anne Le Hénanff applaudit également.
L'amendement n° 16 n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.
La commission des affaires européennes s'est emparée d'un projet de la Commission européenne relatif aux médias, préparé sur le fondement de l'article 114 du TFUE, dans la logique du marché européen, au motif d'une fragmentation des réglementations nationales, transférant ainsi une prérogative régalienne à l'Union européenne.
Ma collègue Constance Le Grip et moi-même sommes parvenues, un peu contre toute attente, à rédiger une proposition de résolution européenne à ce sujet. Au Rassemblement national, nous sommes nous aussi fondamentalement attachés aux principes de la liberté et de l'indépendance des médias, tant pour la presse audiovisuelle que pour la presse écrite.
Nous avons donc élaboré un texte minimal, étant en accord sur les nécessités de l'indépendance, de la transparence et de la limitation des regroupements pour préserver le pluralisme. Nous avons eu toutes les deux les mêmes méfiances à l'égard d'une autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique européenne, sur le modèle de l'Arcom, des dangers liés à la perte de protection des contenus des fournisseurs de services de médias sur les grandes plateformes en ligne et du support du règlement.
Nous avons toutefois un désaccord, qui porte bien évidemment sur la référence à l'article 114 du TFUE. Le projet a été élaboré, je l'ai dit, au motif d'une fragmentation, ce qui est un non-sens, la presse étant consubstantiellement hétérogène. Cela a été relevé dans plusieurs États, qui ont émis un avis motivé sur la conformité du texte au principe de subsidiarité. Tel a été le cas du Danemark, de l'Allemagne et de la Hongrie, ainsi que du Sénat français. Nous attendons d'ailleurs toujours l'avis du service juridique du Conseil de l'Union européenne.
Par ailleurs, nous sommes en désaccord sur de nombreux points qui protègent mal l'indépendance de la ligne éditoriale ou protègent mal la loi de 1881, fondamentale pour notre presse écrite.
C'est pourquoi nous nous sommes opposés à cette proposition de résolution européenne, tant en commission des affaires européennes qu'en commission des affaires culturelles et de l'éducation. Nous le faisons de nouveau ce soir dans l'hémicycle et voterons donc contre ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ce débat intéressant et constructif a permis d'évoquer des enjeux décisifs à nos yeux. Je maintiens qu'avant de parler de médias à l'échelle européenne, il faut commencer par voir ce qui se passe sous nos yeux et admettre l'état déplorable de la liberté de la presse en France. J'ai déjà rappelé que la France avait chuté dans le classement de Reporters sans frontières pour la liberté de la presse, que des phénomènes de concentration mettent réellement en péril le travail des journalistes et l'indépendance des médias et que l'indépendance de l'audiovisuel public était, elle aussi, menacée par l'insécurité de son financement. Je me réjouis qu'un certain nombre d'amendements aient été adoptés sur l'avis favorable de la commission et du Gouvernement. Ils ont posé dans le débat la question de la concentration dans les médias, celle de la transparence de l'actionnariat ou encore celle de la censure automatisée. Je crois que cela va dans le bon sens.
Malheureusement, l'alinéa 31 du texte résonne, pour nous, comme une provocation : chacun, au sein de la NUPES comme de l'audiovisuel public, le perçoit comme une façon de remettre le financement de l'audiovisuel public dans la main du Gouvernement français, ce qui n'était pas du tout nécessaire et donne à celui-ci l'autorisation de continuer à jouer avec ce financement, comme il le fait depuis la suppression de la redevance. Comme il n'a pas été possible de supprimer ce malheureux alinéa 31 et conformément à ce que nous disions au début de l'examen du texte, nous ne pourrons donc pas voter pour celui-ci. C'est pour cela que nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Parce que l'indépendance et le pluralisme des médias sont des piliers essentiels de notre démocratie et qu'ils ont été rappelés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui a valeur contraignante depuis 2007 ; parce que nous avons vu, avec la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, des tentatives de manipulation de l'information et de désinformation ; parce qu'il y a la concurrence des grandes plateformes et des réseaux sociaux, le groupe Les Républicains, tout en rappelant la nécessité du principe de subsidiarité, votera bien évidemment les objectifs généraux de cette proposition de résolution européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je tiens à remercier Mme la ministre, M. le rapporteur et la majorité pour ce travail mené en commun qui n'arrive pas souvent, et dont mon petit doigt me dit qu'il ne risque pas d'arriver dans les prochains jours.
La proposition de résolution prouve que, quand la commission est réunie sur des sujets qu'elle a le temps de travailler, elle peut enrichir les textes. Je vous remercie donc pour les avancées auxquelles nous sommes parvenus, notamment en matière de lutte contre la concentration et de régulation vis-à-vis des médias extérieurs.
Malheureusement, comme ma collègue Sarah Legrain, je regrette le maintien de l'alinéa 31 qui, pour un mot, nous empêche d'arriver au compromis tant espéré et de voter unanimement ce texte avec les forces républicaines de l'hémicycle. C'est vraiment dommage : si la suppression de la redevance audiovisuelle avait été abordée en commission dès cet été, si les commissaires des affaires culturelles et de l'éducation avaient débattu de ce sujet, nous aurions pu trouver un terrain d'entente et nous n'en serions sans doute pas là aujourd'hui. Nous allons donc nous abstenir en conservant la ferme volonté de travailler avec vous, monsieur le rapporteur, et avec Mme la ministre, notamment dans le cadre de la mission sur le financement pérenne de l'audiovisuel public.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI – NUPES.
Je salue à mon tour, au nom du groupe Écologiste – NUPES, la qualité du travail réalisé. Cette capacité d'écoute et de coconstruction est suffisamment rare pour être appréciée et elle a permis des avancées sur des sujets essentiels, comme les procédures bâillons et la concentration des médias. C'est dans le même état d'esprit que nous attendons les états généraux du droit à l'information et les travaux qui seront entrepris à sa suite pour faire progresser notre démocratie par l'indépendance des médias, en donnant davantage aux journalistes la main sur leur travail et, bien sûr, en allouant des moyens au service public de l'audiovisuel.
Il est vrai que l'alinéa 31 nous bloque, comme nos collègues de la NUPES. Nous considérons qu'accepter sa formulation actuelle serait valider la décision prise en juillet et accepter que la budgétisation du financement de l'audiovisuel public soit une solution comme une autre : pour nous, ce n'est pas une solution comme une autre, c'est une épine dans le pied des médias et du service public de l'audiovisuel, auxquels nous devrions apporter toutes les garanties d'indépendance nécessaires. Nous allons donc nous abstenir, même si, je le répète, nous sommes contents d'avoir participé au travail réalisé dans un état d'esprit trop rare.
Certains, ici, s'essaient parfois à des argumentations renvoyant les extrêmes les uns aux autres. Nous voyons ici que, sous couvert d'arguties juridiques, seul le Rassemblement national soutient ses amis des gouvernements dits illibéraux – Pologne, Hongrie, Italie –, lesquels, dès leur arrivée au pouvoir, ont mis en cause l'indépendance des médias par des politiques extrêmement agressives à l'égard des médias indépendants.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, RE, LFI – NUPES et SOC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ce vote illustre bien sa volonté de mettre à mal l'indépendance des médias et de tout faire pour empêcher l'intervention de l'Union européenne. Pourtant, la démocratie et l'État de droit sont les fondements de l'Europe ; si, à l'exception du RN, nous nous réjouissons tous et toutes du travail de l'UE, c'est parce que celui-ci s'inscrit dans le prolongement de ces principes fondamentaux. L'indépendance des médias est une des conditions de la souveraineté des peuples, de l'État de droit et de la démocratie. C'est sur cela que nous construisons l'Europe et que nous voulons la construire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Le groupe GDR tient à saluer le travail réalisé et les avancées permises par les amendements qui ont été adoptés ce soir et en commission. Toutefois, comme les autres groupes de la NUPES, nous nous abstiendrons car nous considérons que nous n'avons pas été jusqu'au bout.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Le texte n'a pas répondu à toutes nos attentes et nous restons bloqués sur l'alinéa 31. Nous attendons donc la suite pour pouvoir engager d'autres discussions. Malgré tout, il y a eu beaucoup d'avancées ; nous tenons à le dire haut et fort.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
Je salue le travail constructif mené par M. le rapporteur avec tous les bancs de cette assemblée. Si nous souhaitons que le Parlement et le Conseil européens prennent en compte la position de l'Assemblée lors de l'examen de cette législation, il nous faut voter ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
La réalité, c'est que cette résolution est une suggestion dont la portée n'est pas très large. Notre groupe est fortement attaché aux principes d'indépendance et de liberté. Nous voterons bien entendu le texte, tout en gardant à l'esprit l'importance du principe de subsidiarité tel qu'il a été expliqué par d'autres groupes ; c'est pour nous un élément crucial.
M. Charles de Courson applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 239
Nombre de suffrages exprimés 209
Majorité absolue 105
Pour l'adoption 163
Contre 46
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble de la proposition de résolution. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie relève de l'une des libertés les plus fondamentales de notre République : la liberté d'entreprendre. Elle a été établie, en droit, par le fameux décret d'Allarde et la célèbre loi Le Chapelier dès 1791. Or, selon l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Ainsi n'est-il pas possible de porter atteinte au principe de la liberté du commerce, à moins de le justifier au nom de l'ordre public.
Et l'ordre public, c'est ce dont il va être question au cours de l'examen de ce texte. Lorsque la liberté opprime, il faut que la loi libère : cette célèbre et très belle sentence porte en elle toute la noblesse de notre mission de législateurs.
Nous allons donc parler de la liberté du commerce. Ce que nous lui devons, en tant que citoyens, est considérable, et nous pouvons, en tant que citoyens français, en être fiers. De Boucicaut jusqu'à aujourd'hui, l'épopée de la commercialisation de masse est une histoire fascinante.
Le premier libre-service a ouvert en 1948 et le premier supermarché en 1957. Le concept d'hypermarché, concrétisé en 1963, est une invention française qui a inspiré bien au-delà de nos frontières : il a agrégé, sous une forme unique, toutes les innovations antérieures qui ont accompagné les Trente Glorieuses. Ce modèle a fonctionné comme un passeur d'une efficacité redoutable : le passeur des gains de productivité de toutes les chaînes de valeur qui convergent vers lui, du producteur jusqu'au consommateur, principal bénéficiaire de cette courroie de transmission. Il n'est pas question d'y porter atteinte. Mais ce modèle est confronté à des défis déjà plus grands que lui – les Gafam, le commerce en ligne et la révolution numérique – et il a pu, et peut encore, détruire de la valeur.
Représentons-nous la grande consommation, plus particulièrement les filières de l'alimentation, comme un sablier : en haut, 330 000 exploitations agricoles, des dizaines de milliers d'entreprises de transformation, de conditionnement et d'expédition ; au centre, au niveau du pincement du diaphragme du sablier, seulement six acheteurs ; au-dessous, des milliers de magasins de distribution, pour plus de 60 millions de consommateurs. La fonction achat exercée par ce tout petit nombre de géants relève d'une liberté qui peut opprimer.
Un seul acheteur face à un très grand nombre de fournisseurs obtient de chacun d'eux, par la seule puissance de sa position, le dernier effort utile pour maintenir un accès au marché. Pour passer par ce portillon aussi étroit qu'exigeant, les entreprises qui lui livrent leurs produits sont contraintes d'écraser les marges, les tarifs et les salaires.
C'est cela que nous devons avoir à l'esprit : l'équilibre fragile entre, d'un côté, l'efficacité d'un modèle qui généralise l'accès aux produits à des prix toujours plus accessibles et, de l'autre, les emplois et les salaires de ceux qui produisent, transforment et vendent ces produits.
Mme Stella Dupont, M. Sylvain Maillard et M. Éric Martineau applaudissent.
Nous parlons de la première industrie de France, qui emploie plus de 450 000 personnes, et d'un secteur industriel dont nous attendons qu'il investisse massivement dans la transition numérique et la décarbonation. Aujourd'hui, ce secteur affronte des difficultés inédites pour recruter et fidéliser les talents dont il a besoin. Il doit créer suffisamment de valeur – et ne pas en perdre – pour investir et mieux rémunérer. Nous parlons d'argent investi dans des usines, des entrepôts, des équipements et des camions. Nous parlons d'emplois et de fiches de paie.
Pour juger de cet équilibre, il nous revient de nous écarter du bruit et de la fureur.
Chers collègues, nous avons tous été pris à partie, ces derniers jours, par les détracteurs de la proposition de loi. Ils ont misé sur l'émotion plus que sur la raison. Et l'émotion qui a été visée, c'est l'affolement.
Sourires.
Ils n'ont pas hésité, pour cela, à s'accommoder d'inexactitudes et d'approximations, dans ce qui s'apparente à une manœuvre de déstabilisation et d'intimidation.
Ce sera notre honneur d'y résister. Nos débats nous permettront de le prouver : à l'affolement, nous opposons le calme de la prise de recul ; à l'émotion, nous substituons le discernement.
Cette proposition de loi est adossée au principe de la liberté du commerce : elle consiste à corriger le déséquilibre entre les parties. Contrairement à ce qui en a été dit, elle ne donne le dernier mot ni à l'acheteur ni au fournisseur. Elle fait de la liberté ce qu'elle doit être : l'exercice d'un pouvoir d'agir qui ne doit nuire à personne.
J'en viens à la présentation des principales dispositions du texte. La première d'entre elles porte sur la question centrale de l'ordre public. Il s'agit de rappeler l'intention du législateur : donner un caractère de loi de police aux dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce, portant sur le dispositif national de lutte contre les pratiques restrictives de concurrence. Des initiatives ont été prises ces dernières années pour s'affranchir de nos décisions. Je pense, en particulier, à la multiplication des centrales d'achat qui s'installent hors de nos frontières. Nous connaissions l'évasion fiscale, nous affrontons l'évasion juridique.
Nous devons la contrer en rappelant l'intention du législateur : les règles définies dans le code de commerce français doivent s'appliquer dès lors que les produits sont commercialisés sur le territoire français.
« Oui ! » sur quelques bancs du groupe RE.
La deuxième disposition porte sur le prolongement de mesures adoptées dans la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim 1). Ces mesures expérimentales de majoration du seuil de revente à perte et d'encadrement des promotions expirent le 15 avril prochain. Elles ont été appliquées de manière exceptionnelle pour une période limitée et n'ont pas fait l'objet d'évaluations qui auraient permis d'en juger de façon satisfaisante. Nous allons débattre de l'opportunité de les prolonger.
Une troisième disposition reprend des recommandations du Médiateur des relations commerciales agricoles et parachève le dispositif adopté dans la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (Egalim 2).
M. Maxime Minot s'exclame.
Elle consiste à mieux sanctuariser la matière première agricole, l'expérience ayant démontré la nécessité de cette approche.
La quatrième disposition, figurant à l'article 3, est celle qui a suscité les plus vives réactions au cours des derniers jours. Je crois donc utile de vous apporter quelques précisions. Cette disposition comble un vide juridique : celui du cadre légal dans lequel s'inscrivent les cocontractants lorsque la négociation annuelle échoue. En l'état actuel du droit, faute de précisions, l'échec de la négociation annuelle n'interrompt pas le contrat. Or la continuité du contrat n'a pas du tout les mêmes conséquences pour l'acheteur et pour le fournisseur. Tandis que l'acheteur continue de passer commande, le fournisseur est obligé de le livrer, mais au tarif de l'année antérieure. Ce déséquilibre est porteur de destruction de valeur. En effet, si le fournisseur juge préférable de rompre l'accès au marché plutôt que de livrer à perte, il n'a pas le droit de choisir.
De son côté, l'acheteur est certain de ne pas risquer un défaut d'approvisionnement et profite d'un tarif avantageux plus longtemps que ne le prévoit le principe même de la date butoir. L'article 3 ne fait que remédier à ce déséquilibre en permettant au fournisseur de ne pas livrer, sur la base du principe selon lequel l'échec de la négociation interrompt le contrat.
Permettez-moi d'insister, chers collègues, sur le principe fondamental de cette disposition : les deux parties restent libres, libres de définir les conditions d'une rupture commerciale le temps d'un préavis, libres de reprendre les négociations là où elles avaient commencé au 1er décembre de l'année antérieure, libres de rompre brutalement la relation commerciale si elles ne parviennent à s'entendre sur rien. La loi doit inciter à trouver un accord, elle ne doit pas l'inventer ni en présumer la réalité quand il n'est pas librement établi.
La commission des affaires économiques a enrichi la proposition de loi en adoptant plusieurs dispositions complémentaires. Les débats ont été d'une telle qualité que je veux remercier sincèrement mes collègues commissaires aux affaires économiques.
Je ne doute pas que nous aurons, en séance publique, une délibération aussi riche et digne de notre mission de parlementaires. Je veux, pour finir, remercier vivement toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués.
Je remercie également les services des ministères concernés pour leur exigence et leur disponibilité, ainsi que nos collaborateurs et les administratrices de notre commission…
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, la proposition de loi qui nous rassemble aujourd'hui traite d'un sujet majeur : les relations commerciales entre les différents acteurs d'une même chaîne, en l'occurrence la chaîne alimentaire. Je dis bien « chaîne alimentaire » car chacun de ses maillons s'inscrit dans une relation d'interdépendance forte, qui les oblige, ou devrait les obliger, à une responsabilité réciproque. La proposition de loi intervient d'ailleurs dans un contexte dans lequel les industriels et les enseignes de la distribution discutent dans les box de négociation pour définir le juste prix des produits.
En France, nous avons coutume de mettre en avant nos origines agricoles, la diversité de nos terroirs, la richesse de nos produits, leur qualité et leurs saveurs reconnues dans le monde entier, et nous avons raison. Cette véritable richesse est le résultat du travail de femmes et d'hommes qui ont la passion chevillée au corps et qui ne comptent pas les heures qu'ils consacrent à leurs cultures et à leurs élevages. L'agriculture est essentielle parce qu'elle nous permet de nous alimenter et d'assurer la souveraineté alimentaire de notre pays – et sa souveraineté tout court.
Les crises qui s'enchaînent – la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et ses conséquences – nous rappellent à l'exigence de pouvoir, quoi qu'il arrive, nous approvisionner en produits agricoles et alimentaires de qualité. L'alimentation peut être utilisée comme une arme. C'est donc qu'elle est stratégique et qu'il convient de préserver sa vocation de souveraineté.
Par ailleurs, les agriculteurs font face à des enjeux qui prennent de plus en plus d'importance, notamment celui du changement climatique. Ils en sont les victimes mais constituent aussi, selon moi, une grande part de la solution. Pour qu'ils puissent agir en ce sens, des prérequis existent et l'un d'eux nous rassemble aujourd'hui : la rémunération des agriculteurs et le bon fonctionnement de l'ensemble de la chaîne de valeur agricole et agroalimentaire.
Notre devoir à l'égard des agriculteurs, qui conditionne notre souveraineté alimentaire, c'est de les rémunérer au juste prix. Mieux, nous devons leur permettre d'affronter de façon plus sereine les défis présents et à venir, leur permettre d'abord de s'installer convenablement et d'investir, mais aussi de se rassembler et de se structurer, donc de vivre normalement des fruits de leur travail tout en assumant les transitions à l'œuvre.
L'enjeu est majeur, et il s'agit aussi de donner envie à nos jeunes de prendre la relève ; ce sera d'ailleurs l'objectif du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, qui a été annoncé par le Président de la République et que j'aurai l'honneur de vous présenter dans les prochains mois.
Vous le voyez, créer les conditions pour que nos agriculteurs réussissent revient aussi à nous préserver collectivement des difficultés à venir ; cela contribue au renforcement de notre agriculture au profit des autres maillons de la chaîne – et bien sûr, in fine, de nos concitoyens.
S'intéresser à la question du revenu des agriculteurs, c'est nécessairement se pencher sur la répartition de la valeur dans toute la chaîne agroalimentaire. Cette valeur ne vient pas de nulle part : elle est le fruit du travail agricole mais aussi de plusieurs centaines de milliers d'emplois des secteurs de l'industrie, de la logistique et de la distribution – vous le savez, car cela fait également le dynamisme et la vitalité économique des territoires dont vous êtes les élus. Elle concerne les agriculteurs et les agricultrices, mais aussi celles et ceux qui transforment, acheminent, mettent en rayon et vendent les produits. Le juste prix est donc bien entendu celui qui rémunère chaque maillon de la chaîne – vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur.
Avant d'en venir au texte soumis à votre assemblée, je veux rappeler le chemin qui a été parcouru lors du quinquennat précédent pour améliorer le revenu de nos agriculteurs, rééquilibrer les relations commerciales et mieux encadrer les pratiques afin de sécuriser l'avenir de nos filières agricoles et agroalimentaires. C'est le fruit de deux lois, Egalim 1 et Egalim 2 – la seconde étant d'ailleurs le produit d'une évaluation de la première –, qui ont déjà donné des résultats concrets. On a vu s'améliorer les résultats économiques des exploitations agricoles, et ce dans l'ensemble des filières agricoles, avant même l'entrée en vigueur partielle d'Egalim 2.
Les données du réseau d'information comptable agricole, le Rica, sont claires à cet égard.
Le revenu disponible par exploitant agricole a en outre augmenté en 2021, même s'il existe – reconnaissons-le – des disparités selon les territoires et selon les filières.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je vous ai bien entendu, monsieur Bony, et c'est pourquoi j'insiste sur l'existence de disparités en fonction des territoires et des filières. Cette hausse du revenu disponible doit permettre de rémunérer l'agriculteur mais aussi d'alimenter sa capacité à investir.
Enfin, après de trop nombreuses années marquées par un sentiment d'oubli, nous avons remis la rémunération de notre agriculture au cœur de nos politiques publiques, et nous poursuivrons dans cette direction. Cela a permis d'ouvrir un nouveau dialogue avec les citoyens – et donc avec les consommateurs – sur la valeur réelle que nous donnons à l'alimentation et aux produits agricoles.
Mais ce n'est pas la seule réussite des lois Egalim. Dès 2022 et avant même sa pleine entrée en vigueur, Egalim 2 a fait preuve de son efficacité. La première réussite à mettre à son crédit et, au fond, à celui de mon prédécesseur, Julien Denormandie – que je tiens à saluer –, c'est d'avoir interrompu une dynamique négative de destruction de valeur pour les produits alimentaires. Cela a été constaté dès la fin du cycle des négociations commerciales annuelles qui s'est achevé le 1er mars 2022, et a bénéficié en premier lieu à nos agriculteurs, à la faveur de la sanctuarisation de la matière première agricole dans les négociations commerciales, en permettant pour la première fois de faire reculer ce qui avait été constaté depuis dix ans, c'est-à-dire une déflation des produits agricoles.
Egalim 2 a ensuite rendu possible la réouverture de négociations commerciales – c'est sa seconde réussite et j'y reviendrai ensuite. Depuis le 1er janvier 2023, compte tenu de ce qui était prévu dans la loi, l'ensemble des dispositions d'Egalim 2 sont applicables. L'année 2023 sera donc une année clé pour les filières agricoles et alimentaires visées par les lois Egalim 1 et 2. Je constate d'ores et déjà de nombreuses dynamiques positives qui ont permis aux acteurs concernés de s'approprier pleinement les deux textes de loi.
Eu égard aux avancées positives des lois Egalim, adoptées à l'unanimité de votre assemblée – je tiens à le souligner –, il est désormais de notre responsabilité d'en assurer le maintien et l'intégrité et d'en garantir la solidité et l'efficacité, pour éviter de fragiliser l'édifice bâti collectivement au service d'une chaîne alimentaire plus résiliente. Aussi, il nous faut donner le temps aux acteurs de mobiliser les outils que ces lois ont placés entre leurs mains. Renverser la table risquerait de les fragiliser, en particulier dans cette période si atypique, marquée par une inflation galopante et – à plusieurs titres – quelque peu déconcertante.
Il n'en demeure pas moins que, sans bousculer cet édifice encore récent, des ajustements – et même davantage – sont nécessaires. Nous le savons et, au fond, nous le savions ; c'est tout l'objet de la présente proposition de loi déposée par M. Frédéric Descrozaille, votre rapporteur. Elle s'inscrit dans la lignée des travaux de la précédente législature, que je tiens à saluer comme je salue le travail de M. Descrozaille.
Si nos approches divergent encore, à ce stade, sur quelques points, je sais que sur le fond, nous convergeons sur l'objectif. Sachons rester à la hauteur des attentes de nos concitoyens pour aboutir à une écriture finale qui soit – c'est l'objectif des amendements et des sous-amendements déposés sur le texte – concise, efficace et le moins possible soumise à interprétation, car c'est dans les interstices du texte que peuvent se glisser des ambiguïtés. C'est à cela que serviront nos débats, puis la navette parlementaire qui se poursuivra lorsqu'ils s'achèveront.
S'agissant de la prolongation de l'expérimentation relevant le seuil de revente à perte (SRP) et encadrant les promotions, je veux dissiper quelques malentendus. Ce dispositif n'a pas eu d'effet fortement inflationniste, contrairement à ce que disent certains. Il a fait l'objet d'une évaluation ayant donné lieu à deux rapports, qui ont été remis au Parlement et dont vous avez connaissance. Leurs conclusions sont positives mais la prudence reste de mise, compte tenu du contexte très perturbé dans lequel le dispositif a été déployé, un contexte marqué par la crise sanitaire et ses confinements successifs, qui ont bousculé les modes de production et de consommation, et par le choc inflationniste – je le disais il y a quelques instants – concomitant à la guerre en Ukraine.
Je suis intimement convaincu que les deux volets de ce dispositif – d'une part le relèvement du seuil de revente à perte de 10 points, dit SRP+10, et d'autre part l'encadrement des promotions en valeur et en volume – sont complémentaires, qu'ils forment un tout indissociable qui doit être prolongé en l'état, pour pleinement faire sentir ses effets et donner de la stabilité aux acteurs économiques.
J'entends aussi que l'Assemblée souhaite – c'est le sens de l'article 2 bis – demander l'évaluation du SRP+10. Je vous alerte à ce propos : nous ne devons pas provoquer un sentiment d'insécurité juridique. Je vois que le texte issu de la commission conditionne la prolongation du SRP+10 à un rapport d'évaluation : vous entendez renouveler cette expérimentation pour trois années supplémentaires, à condition qu'elle fasse l'objet d'un contrôle qui déterminera chaque année son avenir. Je souscris pour ma part à la proposition de M. Dominique Potier, qui va dans le sens d'une évaluation annuelle n'étant pas susceptible de remettre en question tous les ans le dispositif. Nos acteurs ont besoin de visibilité et de lisibilité et je crois que vous avez écouté ces attentes légitimes, monsieur Potier, ce qui nous permettra d'aboutir, je le crois, à un accord équilibré.
D'autres dispositions de la proposition de loi ne sont pas moins importantes. Sans anticiper sur le débat à venir concernant l'article 4, l'intervention du tiers indépendant avant le début des négociations est un gage supplémentaire de confiance entre les acteurs et un outil au service de la transparence et de la sincérité dans les négociations. Une telle disposition va selon moi dans la bonne direction : elle fait consensus au sein des différents maillons de la chaîne alimentaire mais aussi sur vos bancs, puisque Julien Dive et ses collègues avaient déposé une proposition de loi allant dans le même sens – je tiens d'ailleurs à saluer leur travail.
Concernant l'article 3 et plus particulièrement les derniers amendements déposés, je partage la volonté qui est la vôtre de définir un cadre clair en cas d'échec des négociations commerciales, afin notamment de préserver nos TPE – très petites entreprises – et nos PME – petites et moyennes entreprises. Je veux cependant être très clair : le Gouvernement est à pied d'œuvre pour mener deux combats de front. Le premier a pour but la sécurité et la souveraineté alimentaires de notre pays et conditionne le second, qui vise la juste rémunération non seulement des agriculteurs mais aussi des entreprises de l'agroalimentaire, dans la logique d'Egalim 2. J'ajoute que ces combats doivent être menés tout en maîtrisant l'inflation.
Il s'agit de respecter un équilibre encore fragile, pour lequel nous avons déjà beaucoup œuvré. Cet équilibre doit être préservé et toute mesure emportant un risque inflationniste ou déflationniste pour notre chaîne alimentaire mettrait à mal ces deux objectifs – il nous faut conjuguer l'un et l'autre, me semble-t-il.
Il me semble donc nécessaire de tracer un juste chemin d'équilibre permettant de sécuriser la date de fin du cycle des négociations commerciales au 1er mars, puis de constater, le cas échéant, que les deux parties ne parviennent pas à se mettre d'accord au terme de la négociation – vous l'avez dit, monsieur le rapporteur. Enfin, et c'est essentiel, en cas d'échec de la négociation, il faut que les parties puissent définir en commun les conditions d'un préavis sans qu'aucune d'entre elles ne soit lésée, mais sans non plus qu'aucune n'y soit tenue, comme c'est le cas actuellement.
J'ajoute enfin que le dispositif doit renforcer la position des PME et des TPE, et pas seulement celle des grandes entreprises, qui ne sont pas les moins armées pour discuter avec la grande distribution.
Je salue le travail de votre rapporteur, qui a su tirer les enseignements des nombreux échanges qu'il a menés avec les différents opérateurs et acteurs des filières concernées. Il nous faudra poursuivre ce travail ensemble, dans le sillon déjà tracé, pour parvenir à un résultat optimal et équilibré.
Par ailleurs, je trouve particulièrement bienvenus les amendements visant à renforcer le cadre applicable aux pénalités logistiques, ainsi que le prévoit l'article 3 bis . J'ai à cœur, comme vous tous, de voir cesser les pratiques abusives,…
…et le Gouvernement a déjà pris des initiatives en ce sens ces derniers mois, mais le texte permettra d'aller plus loin. Je rappelle que nous nous sommes notamment mobilisés, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie, et moi-même, au sein du comité exceptionnel de suivi des négociations commerciales, mais aussi en dehors de ce comité, lorsque cela était nécessaire.
En outre, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a prononcé à plusieurs reprises des astreintes à l'encontre de contrevenants à la loi, après avoir – comme à son habitude – mené des enquêtes d'une grande minutie et d'un grand sérieux, ce qui en conforte la crédibilité.
L'article 5 propose par ailleurs de rassembler l'ensemble des mesures applicables aux grossistes au sein d'un même article du code de commerce. Cela me semble aller dans le bon sens, celui de l'intelligibilité de la loi, qui est toujours essentielle dans le contexte que nous connaissons. Toutefois, le code de commerce est complexe et j'appelle l'attention du législateur sur le fait qu'il ne faudrait pas, en partant d'une intention louable, engendrer des lacunes ou des vides juridiques – pour notre part, nous nous y efforcerons, car je crois que nous partageons cet objectif. Il sera utile que nous puissions vous accompagner dans cette démarche, afin que la clarification que vous désirez soit pleinement satisfaite.
Je terminerai – à rebours de l'ordre du texte – par l'article 1er de la proposition de loi, qui rappelle la portée de notre droit en matière de relations commerciales. Il nous faut être très vigilants quant aux tentatives de contournement de nos lois par certains acteurs, y compris dans la distribution alimentaire.
Ce que nous avons voulu bâtir au moyen d'Egalim 1 et 2 mérite d'être protégé par notre droit et, partant du principe que c'est aussi votre volonté, je vois dans l'article 1er une occasion de s'assurer qu'en matière de pratiques commerciales, les lois françaises s'imposent à l'ensemble des acteurs économiques opérant sur le territoire national. J'y suis tout à fait favorable : les règles que nous avons fixées dans l'intérêt général de nos agriculteurs, des filières agricoles et de la chaîne alimentaire ne doivent souffrir d'aucun contournement. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, en commission, tout comme M. le président de la commission des affaires économiques et M. Richard Ramos, parmi bien d'autres : nous ne pouvons pas accepter des contournements manifestes.
Avant que ne débutent nos échanges, je formule le vœu qu'en examinant la présente proposition de loi, nous restions dans la dynamique positive que nous sommes parvenus collectivement à tracer ces dernières années, mus par l'ambition commune de bâtir un cadre protecteur en faveur de notre agriculture et d'un équilibre des relations commerciales. C'est également l'objectif – je le disais en préambule – du grand chantier que le Président de la République a souhaité lancer sous la forme d'un pacte et d'un projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, pour lesquels j'ai lancé une concertation au mois de décembre dernier. La rémunération des agriculteurs en est un des piliers et j'invite évidemment chacune et chacun d'entre vous à vous en saisir.
Je me réjouis donc que nous puissions examiner cette proposition de loi, qui va dans la direction que nous avons tracée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.
J'ai reçu de Mme Marine Le Pen et des membres du groupe Rassemblement national une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
Nous aurions voulu déposer une simple motion de renvoi en commission, mais cette possibilité ne nous est plus offerte. En effet, l'intention de la loi de notre collègue et rapporteur François Descrozaille…
…est bonne, puisqu'il s'agit tout simplement de combattre la doctrine macroniste, qui vous a hélas portés au pouvoir en 2017, donnant de ce fait et a posteriori raison à Marine Le Pen.
Vous reconnaissez désormais non seulement que le sacro-saint marché ne règle pas tout, mais pire, que le désordre économique peut détruire de la valeur. Néanmoins, si l'intention de cette proposition de loi est noble, les choix politiques qu'elle veut imposer la conduisent à l'échec.
Vous connaissez, je n'en doute pas, le poème de Goethe intitulé L'Apprenti sorcier, popularisé par Disney grâce au film Fantasia. Mickey y incarnait un sympathique mais malheureux antihéros ; c'est un rôle que je ne vous souhaite pas, monsieur le rapporteur, et c'est pourquoi j'espère que vous écouterez les motifs de notre motion de rejet.
Dans L'Apprenti sorcier – je pense que vous vous en souvenez –, face à une tâche qui lui semble bien difficile, un jeune apprenti vole des pouvoirs magiques qui le dépassent mais lui permettent d'enchanter un balai ; celui-ci peut ainsi travailler à sa place et porter de lourds seaux d'eau. Voilà d'un coup que la magie remplace le travail. Monsieur le ministre, cela devrait plaire à votre collègue, Mme Pannier-Runacher – vous lui transmettrez !
Cela semble d'abord fonctionner, le balai accomplissant le dur labeur du petit malin qui l'a enchanté de belles paroles. Se croyant sorti d'affaire, l'apprenti va dormir et rêve de tous les miracles qu'il s'imagine désormais capable de réaliser, même s'il ne s'agit que de vaines chimères, qui se retourneront contre lui.
Bruits sur les bancs des groupes RE, Dem et LFI – NUPES.
Chers collègues, je vous prie d'écouter le conte de M. Tanguy avant d'aller dormir.
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Bruits persistants sur les bancs des groupes RE, Dem et LFI – NUPES.
Écoutez vos souvenirs d'enfance, ils sont bien plus sages que vos délires d'adultes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Ces vaines chimères, disais-je, vont se retourner contre lui, et surtout contre les autres. Ces belles chimères, vous en aviez promis aux Français : avec le règne de la consommation de masse, plus besoin de produire chez nous, tout sera moins cher ailleurs !
Cette première partie de L'Apprenti sorcier, c'est la politique que vous avez menée depuis trente ans,…
…fondée sur le mirage de la mondialisation, de la concurrence à tout prix, de la fin du travail, de la désindustrialisation et de l'affaiblissement systématique de nos agriculteurs.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
C'est votre système fou, et aucun autre, qui a donné un pouvoir exorbitant à la grande distribution, à même de faire la pluie et le beau temps sur l'ensemble de la chaîne de valeur agricole et industrielle de la France. Remplacer la valeur travail par la consommation : voilà le premier désenchantement qui nous a menés à l'appauvrissement, à la dépendance et à l'injustice sociale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Car, alors que l'apprenti sorcier – que vous êtes – fantasme sur les chimères de la catastrophe qu'il a provoquée, le monde continue d'avancer. Et voilà qu'en son absence, et faute d'un strict contrôle, le balai n'en fait qu'à sa tête et inonde la maison. Constatant le désastre, comme vous depuis la crise du covid-19, l'apprenti sorcier panique et tente de réagir, mais il le fait mal, avec toujours autant d'illusions pour lui, et surtout de désillusions pour nous.
Dans le poème, l'apprenti sorcier essaie alors de détruire à la hache sa créature devenue folle et hors contrôle, mais chaque morceau de balai enchanté devient à son tour un balai magique équipé de seaux qui continue à n'en faire qu'à sa tête.
Ce qui devait être un rêve devient un cauchemar ; ce qui devait être magique devient tragique.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Totalement submergé, l'apprenti sorcier cherche vainement une formule pour le sortir d'affaire, mais constate qu'il a en réalité cherché à maîtriser des forces qui le dépassaient et sur lesquelles il n'a jamais eu d'emprise.
Voilà le jeu dangereux auquel votre proposition de loi tend à se livrer et pourquoi nous vous proposons de la rejeter.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
La Macronie n'est autre que la synthèse de tous les apprentis sorciers qui ont appauvri l'économie française. Et faute de tirer les vraies leçons de vos erreurs, vous les aggravez sans cesse, encore et toujours, en inventant de nouveaux monstres hors de contrôle.
Évidemment, nous ne sommes pas opposés au principe de votre proposition de loi, qui vise à rémunérer dignement ceux qui produisent dans notre pays. Et pour cause, cela fait trente ans que Marine Le Pen et le Rassemblement national se battent seuls – tellement seuls ! – contre le monstre anti-économique que vous avez créé.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES et Dem.
Pour notre part, nous rejetons la formule dangereuse que vous choisissez.
Monsieur Léaument, veuillez vous calmer immédiatement. Nos débats se sont très bien passés jusqu'ici. Jean-Philippe Tanguy a le droit de terminer son propos dans le calme : il dispose encore de dix belles minutes.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'histoire ne fait que commencer. Séduisantes en apparence, vos solutions risquent de déclencher une submersion inflationniste qui ne pénalisera ni la grande distribution ni les multinationales, mais uniquement – comme toujours – les consommateurs, sans que jamais ni les agriculteurs, ni les TPE, ni les PME françaises ne soient rémunérés dignement.
Mêmes mouvements.
En confiant un pouvoir commercial totalement exorbitant aux multinationales, vous jouez un jeu dangereux qui pourrait mettre le feu à toute l'économie française. Jamais les tensions inflationnistes n'ont été aussi fortes depuis un demi-siècle.
Les banques centrales n'avaient rien vu venir, pas plus que votre gouvernement. Dix fois, vous avez annoncé l'arrivée du pic de l'inflation, lequel risque malheureusement d'être toujours devant nous.
Vous traitez ce risque par le mépris, alors que, pourtant, le ministère de l'économie, le tout-puissant Bercy, qui gère la politique française depuis tant d'années, semble lui-même paniqué par votre initiative, dont les conséquences pourraient être dramatiques.
Ainsi, une fois n'est pas coutume, cette proposition de loi, c'est Bruno Le Maire qui en parle le mieux.
Hier matin, participant à l'une des principales émissions politiques, il a affirmé que le texte devrait « être retravaillé », car il n'a pas encore trouvé son équilibre entre les intérêts de l'industrie agroalimentaire, des consommateurs et des distributeurs. Nous savions que la politique économique du macronisme n'avait ni queue ni tête, mais comment la minorité présidentielle peut-elle présenter ce soir un texte que son propre ministre de l'économie, numéro 2 du Gouvernement, a contesté hier matin ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Malgré l'absurdité de cette situation, je n'aurai pas, chers collègues macronistes, la morgue et le mépris de classe que vous avez eus jeudi dernier à l'égard des textes du Rassemblement national, et dont vous avez fait preuve ce soir encore. La tentation est pourtant très grande de balayer d'un revers de la main…
Sourires.
…une proposition de loi si peu aboutie, si peu responsable, et que le ministre de l'économie lui-même se permet de critiquer dans les médias.
Nous resterons fidèles au respect de l'intérêt général et du travail de tout parlementaire. Nous ne sommes pas et ne serons jamais pour la politique du pire.
Je le répète, votre intention est noble. Nous soutiendrons d'ailleurs plusieurs dispositions du texte, même si elles nous semblent bien insuffisantes pour que les producteurs français soient rémunérés pour leur travail tout en permettant d'investir dans l'avenir.
Cela étant, la disposition figurant à l'article 3 tend à créer un monstre, en confiant un pouvoir contractuel et commercial exorbitant aux multinationales pour affronter votre précédent monstre, c'est-à-dire le pouvoir démesuré et oligopolistique de la grande distribution sur le marché.
Retirez donc ce texte, non pour l'envoyer aux oubliettes, mais pour l'améliorer et ne pas créer de vague inflationniste que personne ne souhaite et qui, une fois encore, frapperait les consommateurs. Cessez donc de courir sans cesse après…
…votre échec, en l'occurrence celui des lois Egalim 1 et 2. Il faut repenser le système dans son ensemble.
Vous cherchez à amoindrir les effets délétères de la mondialisation de l'alimentation et de l'agriculture et de l'iniquité flagrante entre les producteurs et la grande distribution. Cependant, vous refusez systématiquement que l'État prenne toutes ses responsabilités et joue enfin le rôle d'arbitre final des négociations. Certes, l'État n'est pas et ne doit pas être l'alpha et l'oméga d'une économie de marché, mais il doit toujours être le garant de l'ordre et de la justice économiques.
Tant que l'État n'interviendra pas pour faire la distinction entre le vrai et le faux, entre le souhaitable et le condamnable, et pour assurer la transparence dans les coûts réels des producteurs, une marge digne pour tous les acteurs et un juste prix pour le consommateur, aucune véritable restauration de notre souveraineté agricole et industrielle ne sera possible.
Je le répète, alors que les tensions inflationnistes n'ont jamais été aussi fortes depuis un demi-siècle et qu'elles sont sans doute hors de contrôle faute d'une autre action politique que celle consistant à faire payer aux Français, par leurs impôts ou par le déficit, les marges des profiteurs de la crise, ce que vous proposez, c'est tout simplement de la nitroglycérine, qui fera exploser les factures des familles françaises sans jamais donner la garantie de valoriser l'économie française.
Après avoir garanti des marges exorbitantes – j'insiste – à la grande distribution, lesquelles n'ont jamais ruisselé vers personne, pas même grâce à la loi Egalim, vous allez offrir des marges encore plus importantes aux multinationales, qui disposent de fait de l'essentiel des pouvoirs de marché, et qui n'ont que faire de nos agriculteurs et de nos industriels.
Chers collègues, voyez la différence : nous ne condamnons pas votre intention et ne rejetons pas vos textes en bloc.
Nous adhérons à un but qui est noble, à savoir défendre à la fois nos agriculteurs, nos producteurs et nos consommateurs. Nous cherchons sans cesse des solutions communes. Nous soutenons les bonnes mesures et nous vous incitons à changer les dispositions techniques qui font fausse route.
Ce texte n'affronte pas les véritables causes du profond désordre économique entre les agriculteurs, les producteurs, les multinationales et la grande distribution. Il ne fait que transférer un pouvoir exorbitant d'un acteur vers un autre.
Que le Gouvernement et la majorité cessent de déléguer leurs responsabilités là où ils devraient être les seuls arbitres, les garants et les protecteurs des Français. Bref, après avoir joué pendant tant d'années aux apprentis sorciers de la déflation, n'ouvrez pas, chers collègues, la boîte de Pandore de l'inflation, car bien malins sont ceux ici qui prétendent qu'ils pourront ensuite la refermer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
J'essaierai de répondre à votre motion de rejet préalable même si, monsieur le député Tanguy, il est tout de même compliqué…
…de facilement naviguer entre toutes vos contradictions.
Vous avez beaucoup parlé d'apprentis sorciers, mais j'ai eu le sentiment que vous parliez essentiellement de sorciers et de vous-même. Vous avez en effet essayé d'expliquer qu'il fallait mieux rémunérer les agriculteurs et, en même temps, rejeter ce texte, qui vise pourtant à améliorer leur rémunération ainsi que celle de l'ensemble de la chaîne agroalimentaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Monsieur Tanguy, vous êtes député d'un territoire rural, dans la Somme, et je serais curieux de savoir ce que pensent les agriculteurs de votre circonscription de votre discours, car la profession défend ce texte, tout comme elle avait soutenu les lois Egalim 1 et 2. Oui, les agriculteurs défendent ce texte parce qu'il tend à leur assurer une juste rémunération.
Il est toujours facile de faire de la démagogie, c'est même très commode. Le courage c'est différent, c'est affirmer qu'il convient de donner une valeur aux choses – et cela ne revient pas à soutenir l'inflation. Les produits agricoles ont une valeur. Pourquoi avons-nous fait adopter les lois Egalim 1 et 2 ? Parce que pendant des années, nous avons pour ainsi dire favorisé la déflation et que les agriculteurs n'ont pu bénéficier d'une juste rémunération, pas plus que la filière agroalimentaire.
Je ne serai pas beaucoup plus long, monsieur Tanguy, car, en vérité, les choses sont simples. Qui soutient le rejet de ce texte ?
Réfléchissez à cette question, mais je puis déjà vous dire que ce ne sont ni les agriculteurs, ni les industries agroalimentaires. La réponse explique la position du Gouvernement. Il appelle donc de ses vœux le rejet de cette motion, qui n'est donc dans l'intérêt ni de l'agriculture, ni des industries agroalimentaires, ni, en bout de chaîne, des consommateurs.
Si nous n'agissons pas de la sorte, vous serez le premier, monsieur Tanguy, à nous interpeller demain en vous étonnant que les produits alimentaires que nous consommons ne viennent plus de France. Ce que vous soutenez, c'est la logique du plus bas prix, c'est-à-dire la loi du marché :…
…voilà le prix de la libre concurrence ouverte à tous les pays. Nous avons besoin de mieux rémunérer les acteurs pour que notre agriculture subsiste. Je le répète, j'appelle au rejet de cette motion.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Cher collègue, deux choses ne tiennent pas debout dans votre motion de rejet préalable.
Premièrement, vous avez expliqué que si vous aviez pu, vous auriez plutôt déposé une motion de renvoi en commission, or celle-ci n'avait rien à voir avec la motion de rejet préalable. Demander le renvoi d'un texte en commission revenait à dire qu'il était mal bâti et mal rédigé, même si son objet était pertinent. Or vous avez affirmé que l'objet de la présente proposition de loi était nul et non avenu. Désolé, mais c'est parfaitement incompatible.
Deuxièmement, votre motion de rejet préalable est un mauvais coup porté au débat parlementaire. En effet, je rappelle que certains dispositifs ne seront plus valides à compter du 15 avril. Vous cherchez donc à shunter le débat parlementaire car, si nous adoptions votre motion, il faudrait choisir sans débattre entre la prolongation de certaines mesures en vigueur ou leur disparition. Ce n'est pas respectueux et je considère qu'il faut repousser votre motion de rejet préalable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR
qui prolonge celui réalisé par de nombreux collègues impliqués sur cette question : je pense à Jean-Baptiste Moreau, à Grégory Besson-Moreau, à Thierry Benoit, à Richard Ramos, à Nicole Le Peih, et à bien d'autres encore.
Je souhaite également saluer le travail des membres de la commission des affaires économiques. La semaine dernière, en commission, pas une seule voix ne s'est opposée à cette proposition de loi.
« Eh oui ! » sur quelques bancs du groupe RE.
De la même manière, aucun député ne s'est prononcé contre l'adoption de l'article 3. C'est pourquoi j'ai été très surpris, lundi soir, de découvrir qu'une motion de rejet préalable avait été déposée par le Rassemblement national sur cette proposition de loi, alors qu'aucun des onze députés de ce groupe membres de la commission n'avait voté contre le texte, ni même contre l'article 3.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Que s'est-il donc passé ? Ces onze députés se sont-ils fait rattraper par M. Tanguy ?
M. Grégoire de Fournas s'exclame.
Ou bien est-ce le rendez-vous de deux députés du groupe, lundi après-midi, avec Michel-Édouard Leclerc, qui vous a convaincus de déposer cette motion de rejet préalable ?
Applaudissements et exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et Écolo – NUPES. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.
Monsieur le président Kasbarian, madame Janvier, seriez-vous en train de mettre en cause la présidence ?
Vous avez le droit de voir qui vous souhaitez.
Et vous avez eu beaucoup de chance car le rapporteur de notre commission a tenté de rencontrer Michel-Édouard Leclerc mais celui-ci a décliné son invitation et a refusé de le voir.
Les députés du groupe Renaissance, ceux de notre majorité et même ceux n'appartenant pas à notre majorité n'ont pas eu peur de la campagne de communication parue dans la presse quotidienne régionale (PQR) ce week-end. Ceux qui ont financé ces publications auraient plutôt dû utiliser cet argent pour mieux rémunérer les agriculteurs et pour mieux rémunérer l'industrie agroalimentaire de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Il y a dans cet hémicycle ceux qui résistent aux pressions politiques et aux pages entières de publicité dans la PQR et ceux qui, visiblement, s'affolent et changent radicalement d'avis d'une semaine à l'autre.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je tiens donc à saluer la solidité de tous les parlementaires qui ont approuvé la proposition de loi en commission et qui, j'en suis sûr, voteront contre la motion de rejet préalable. Je tiens également à saluer la solidité de la présidente Aurore Bergé. Elle rappelait ce week-end que notre pays compte 400 000 agriculteurs, 17 000 industriels et 4 centrales d'achat dont certaines se sont délocalisées à l'étranger pour contourner le droit français.
« Et voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous êtes soudain devenu anticapitalistes ! Il fallait voter pour Mélenchon !
Je crois que vous avez la réponse à cette question et c'est pour cela que nous devons examiner cette proposition de loi. Je vous appelle donc à voter contre la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Dominique Potier.
Le groupe Socialistes et apparentés votera contre cette motion de rejet préalable. C'est une évidence !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Il est également évident que les maux profonds dont souffre le partage de la valeur dans notre pays sont issus de la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008. Ces maux, qui créent une oligarchie, sont dus à un manque d'harmonisation entre l'offre et la demande, au manque de régulation à l'intérieur de l'Union européenne et à la concurrence internationale non régulée ainsi qu'à l'absence de clauses miroir. Ces maux doivent être combattus sur le temps long. Nous nous y efforçons, combat après combat.
Depuis les lois Sapin 2, Egalim 1, Egalim 2 et Egalim 3, des hommes de bonne volonté, siégeant sur tous les bancs, cherchent à s'unir pour réguler et remettre de l'ordre dans le pays là où règne le désordre. Nous nous opposerons, en votant contre votre motion de rejet préalable, à la terrible démagogie du Rassemblement national qui fait sienne la propagande des plus puissants au détriment des plus faibles. Vous êtes nationalistes mais vous donnez crédit à des entrepreneurs qui ont délocalisé leurs centrales d'achat pour échapper à la loi de leur pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous sommes du côté de la régulation ! Nous sommes du côté de la justice ! Nous sommes du côté de la démocratie économique et de l'économie sociale ! Nous voulons participer au débat et nous y contribuerons en soumettant quatre propositions qui changeront cette proposition de loi
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et RE ainsi que sur le banc des commissions.
Naturellement, je propose, au nom de mes collègues du groupe Horizons, de voter contre cette motion de rejet. J'invite M. Tanguy, s'il le peut, à se plonger dans les conclusions de la commission d'enquête que j'ai présidée il y a trois ans. Ses conclusions, qui ont été votées à l'unanimité dans cet hémicycle, ont abouti au projet de loi Egalim 2.
Vous avez fait référence aux pouvoirs publics dont toutes les politiques auraient été fondées depuis plusieurs années sur la consommation. Il faut reconnaître que cela a été le cas à une certaine époque, dont l'apogée a été la LME. C'était l'époque du « travailler plus pour gagner plus ». Les pouvoirs publics incitaient alors la grande distribution à se lancer dans une concurrence exacerbée afin de tirer les prix à la consommation vers le bas. Nous avons vu les résultats de cette destruction de valeur qui s'est notamment traduite en amont de la filière par des pertes de revenus pour les agriculteurs.
Vous nous reprochez ensuite de vouloir adopter un texte qui fera exploser l'inflation. Je vous rappelle que la France est le pays de l'Union européenne où l'inflation est la plus basse puisqu'elle s'y établit actuellement à 12 % alors que la moyenne européenne est de 16 % et qu'elle est de 21 % en Allemagne.
« Eh oui » sur plusieurs bancs du groupe RE.
La proposition de loi prévoit de prolonger l'encadrement des promotions et du seuil de revente à perte.
Vous nous accusez enfin de créer un monstre. Non ! En matière de commerce et de négociation commerciale, nous souhaitons autant de liberté que possible et autant de régulation que nécessaire. Je soutiendrai des mesures de régulation fortement axées sur la transparence, sur la délocalisation des centrales d'achat et sur les pénalités infligées aux industriels par la grande distribution.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Depuis 2013, les prix de l'alimentation ont connu une forte déflation, qui est bien sûr moins perceptible depuis ces derniers mois. Cette déflation a fragilisé l'ensemble de la chaîne de valeur qui a enregistré, année après année, des prix toujours plus bas. La perte de valeur en résultant s'est chiffrée à plusieurs milliards d'euros et a affecté en premier lieu les agriculteurs et les TPE et PME. Cette observation paraît un peu décalée : depuis un an, les prix des distributeurs ont augmenté de 29 % pour la volaille, de 20 % pour les pâtes, de 17 % pour le beurre et la crème fraîche et de 16 % pour les œufs. Aujourd'hui, un Français sur quatre ne peut plus manger à sa faim.
Cette proposition de loi n'a qu'un seul objectif : réintroduire un nouvel équilibre dans les relations commerciales de l'ensemble du secteur de l'industrie agroalimentaire. On ne peut pas dire que ce texte soit parfait car ce n'est pas le cas. Il aurait pu, et sans doute dû, aller plus loin – nous le verrons lors de l'examen des amendements – pour anticiper les chocs et garantir des prix justes pour les consommateurs comme pour les producteurs. Il tente cependant d'avancer en encadrant davantage la fixation des prix de vente et en améliorant légèrement la transparence des termes de leur négociation ; en prolongeant l'encadrement des promotions et du seuil de revente à perte ; en proposant un plus juste équilibre dans un contexte où la grande distribution est devenue maîtresse absolue des prix. Il n'est plus possible que les petits industriels, les TPE, les PME et les agriculteurs subissent l'usage abusif des pénalités appliquées par la grande distribution.
Nous ne voterons donc pas la motion de rejet du Rassemblement national. Je suis certaine que les membres de ce groupe pourront, comme nous, prendre le temps d'examiner ce texte, comme ils ont pris le temps de faire des photos avec Michel-Édouard Leclerc.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.
Au moment des débats sur les lois Egalim 1 et Egalim 2, j'avais regretté que les marcheurs n'aient pas poussé jusqu'au bout la logique des principes généreux et généraux inspirés par les travaux des états généraux de l'alimentation qui avaient précédé la loi Egalim 1. J'avais regretté qu'ils ne croient pas complètement en la loi qui régule en inversant le mode de construction des prix ni en la loi qui protège les petits des gros. La loi Egalim 2 a un peu amélioré cette trajectoire et la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui tente de le faire encore davantage, malgré ses imperfections, qui ont été soulignées par mes collègues. Nous voterons donc contre la motion de rejet soutenue par le Rassemblement national.
En refusant les mesures que nous vous proposons, vous contredisez votre prétendue posture de défense du monde rural et des agriculteurs, et vous affaiblissez également une souveraineté que, là aussi, vous prétendez défendre. À l'heure où nous parlons, les arboriculteurs arrachent les arbres de leurs vergers, faute de prix suffisamment rémunérateurs, et les producteurs laitiers de ma circonscription ne peuvent que regretter que leurs coûts de production ne soient pas couverts par des prix d'achat suffisants pour garantir notre souveraineté alimentaire par une agriculture à dimension humaine. J'ajoute que les gens que vous avez reçus avec, semble-t-il, beaucoup de délectation, ont quitté la table des négociations d'une manière humiliante et irresponsable. Leur attitude fragilise encore un peu plus notre agriculture.
Nous refusons une motion de rejet préalable incohérente. Plutôt que d'écouter le conte angoissant raconté par notre collègue Jean-Philippe Tanguy, nous préférons soutenir des amendements visant à renforcer les pouvoirs de régulation prévus par la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES ainsi que sur le banc des commissions.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera contre cette motion de rejet préalable, pour deux raisons.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
La première, c'est que nous avons eu beaucoup de mal à comprendre pourquoi un orateur présentant une motion de rejet d'un texte a reconnu que celui-ci comportait des points intéressants.
Nous avons d'ailleurs cru qu'il allait renoncer in fine à la motion de rejet préalable.
Sourires sur plusieurs bancs du groupe RE.
La deuxième raison est que le groupe auquel appartient l'orateur a toujours défendu des thèses de protectionnisme économique. Or nous importons 40 % des produits alimentaires consommés par nos concitoyens, et cette proportion est en augmentation. On peut être contre cette proposition de loi mais elle essaie de limiter cette augmentation.
Ce sont les deux raisons pour lesquelles nous, qui sommes des libéraux en matière économique – un libéralisme organisé, pas la jungle –, ne voterons pas pour cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE, et sur le banc des commissions.
Le groupe Renaissance votera contre cette motion de rejet préalable. Ce n'est pas une surprise.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
En revanche, je ne cache pas ma surprise de voir le groupe Rassemblement national déposer une motion de rejet préalable et cela pour de multiples raisons dont certaines ont d'ailleurs déjà été évoquées.
Première raison : vous nous reprochez trop souvent de ne pas être ouverts au débat, mais alors que nous vous en proposons un, vous le refusez !
Deuxième raison : les députés du groupe Rassemblement national siégeant à la commission des affaires économiques, dont je suis membre, se sont abstenus ou ont voté en faveur de la proposition de loi, comme cela a été souligné par le président de la commission. Où est la cohérence ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – « Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe RN.
Troisième raison : la motion de rejet préalable a été déposée moins de trente minutes, tweet en main, après que le président du groupe Rassemblement nationale a reçu Michel-Édouard Leclerc à l'Assemblée nationale.
Le Rassemblement national est-il à la botte de ce distributeur ? Michel-Édouard Leclerc semble en tout cas avoir trouvé le chemin de l'Assemblée nationale alors qu'il n'avait manifestement pas pu le trouver pour répondre à l'invitation du rapporteur Frédéric Descrozaille !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Vous prétendez défendre les agriculteurs et les industriels mais vous déposez une motion contre une proposition de loi qui vise à les protéger. Vous préférez les livrer pieds et poings liés et mettre leur tête sur le billot. Rejeter le débat sur ce texte est un abandon de notre souveraineté alimentaire et agro-industrielle. Nous voterons donc contre, et des deux mains, cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur le banc des commissions.
Certaines fiches devront tout de même être mises à jour ! La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
Je m'adresse à toute la coalition des pompiers pyromanes qui, ce soir, ne semblent avoir honte de rien !
Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Vous n'avez honte de rien alors que tous les partis qui viennent de nous faire la leçon ont fait reculer de dix points la part de l'industrie dans notre PIB. Plus de deux millions d'emplois industriels ont été engloutis par vos jeux, par vos paris et par votre incompétence crasse.
Vives exclamations continues sur les bancs du groupe RE.
Non seulement vous avez détruit l'industrie française mais vous osez faire la leçon à ceux qui ont toujours eu raison contre vos erreurs, contre votre politique et contre vos retournements de veste permanents.
Mêmes mouvements.
Vous n'avez honte de rien. Depuis trente ans, le poids de l'emploi agricole dans notre pays a été divisé par trois.
Exclamations sur divers bancs
afin que nous puissions terminer normalement – il ne reste qu'un quart d'heure avant de lever la séance. Laissons Jean-Philippe Tanguy achever son propos, et écoutons chaque orateur, qui dispose de deux minutes, dans le même calme.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.
Alors que l'agriculture française était autonome, nous ne savons même plus si nous pourrons continuer à produire du lait. Vous avez réussi à faire de nous des importateurs d'électricité et bientôt, la France, pays d'élevage, devra importer du lait !
Quelle imagination !
Vous n'avez honte de rien, vous qui reprochez au président de séance – qui ne peut pas vous répondre – un rendez-vous avec un distributeur, alors que toute la Macronie a été élue par toute l'oligarchie française :
Vives protestations continues sur les bancs des groupes RE et Dem
la banque, la grande distribution, l'Afep – l'Association française des entreprises privées –… Tout ce que le pays compte d'oligarques, c'est vous !
Mais où va-t-il chercher tout ça ?
Jamais nous ne baisserons les yeux, jamais nous ne retirerons un propos, jamais nous ne nous excuserons devant le mal que vous avez fait à la France, car nous seuls saurons la relever.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN – Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.
Je ne suis pas sûr que le temps passe plus vite au milieu des hurlements. Je vous demande d'écouter maintenant M. Tavel, qui seul a la parole.
Je ne vous cache pas que vous voir vous agiter nous fait beaucoup rire.
Nous découvrons le groupe du lobby de la grande distribution, qui défend les intérêts de la famille Mulliez, du côté de l'extrême droite, et le groupe du lobby de la grande industrie, du côté des macronistes – mais nous avons l'habitude, avec eux.
Nous écoutons avec étonnement le rapporteur commencer son propos en citant la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et en demandant le rétablissement de l'ordre public dans le commerce.
M. Antoine Léaument applaudit.
C'est donc bien que le libre commerce est un désordre public, ce que nous, membres de La France insoumise et de la NUPES, ne cessons de répéter depuis des années ! Il faut réguler, réglementer, …
…plutôt que de privilégier le libre marché en toutes circonstances comme vous le faites.
Nous vous avons entendu déclarer que la loi affranchissait et que la liberté opprimait : souvenez-vous en la prochaine fois que vous casserez le code du travail, ou que vous voudrez affaiblir les lois qui protègent les salariés !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est un grand numéro d'hypocrisie. Vous vous agitez parce que ni les uns ni les autres n'avez rien fait pour le pouvoir d'achat.
Vous vous agitez parce que ni la Macronie ni le Rassemblement national ne veulent du blocage des prix et de la hausse du Smic.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Exclamations continues sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
C'est vrai que les tickets de rationnement, ça marche extrêmement bien !
Vous vous agitez parce que, refusant d'affronter les causes profondes du manque de pouvoir d'achat de la population et de la désindustrialisation du pays, vous en êtes réduits à tenter de réparer avec quelques rustines un système qu'il faudrait complètement changer.
C'est votre système, à vous deux – Rassemblement national et Macronie –, qu'il faut mettre en cause !
Des députés du groupe RE décomptent le temps restant à l'orateur : « Cinq, quatre, trois, deux, un… zéro ! »
Chers collègues, vous êtes à l'Assemblée nationale. Gardez les hurlements de stade de foot pour vos loisirs et respectez l'hémicycle. Quelle est cette façon de faire ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Laissez les deux derniers intervenants s'exprimer au nom de leur groupe sur la motion de rejet préalable.
La parole est à M. Julien Dive.
Il est certain que la passion de la démocratie sera toujours plus importante et respectable que les injonctions formulées sur certains comptes Facebook, qui pratiquent le name and shame de députés et attisent la haine de certains commentateurs. Il faut le dire et le rappeler, notamment à certains grands patrons.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LR, RE, Dem et LIOT.
Les projets et propositions de loi présentent forcément des imperfections. Toute la noblesse de notre rôle de députés est de les corriger, en convainquant nos collègues – ou au moins en tentant de les convaincre –, grâce à nos amendements, grâce au débat dans cet hémicycle.
Il est certain que ces débats doivent se poursuivre, surtout sur ce texte qui s'attaque à la question de la souveraineté alimentaire. En vingt ans, la France, qui était au deuxième rang mondial pour les exportations agricoles, est passée au sixième rang. M. Jumel le rappelait à l'instant, les pomiculteurs de notre pays doivent tronçonner leur verger. Des filières, comme celle des pommes de terre féculières ou celle des endives disparaissent. Demain, ce sera peut-être aussi le cas de la betterave à sucre, parmi tant d'autres exemples. Cela doit nous mobiliser, comme nous avons tenté de le faire avec les lois Egalim 1 et Egalim 2. Même si celles-ci présentent leur lot d'imperfections, elles ont créé des dispositifs qui méritent d'être prorogés, tels que le SRP+10 – le seuil de revente à perte avec une marge minimale de 10 % – et l'encadrement des promotions.
Si nous ne poursuivons pas ces débats, si nous ne nous mobilisons pas pour ces dispositifs qui permettent de reverser aux producteurs une partie de la valeur, ce sont les producteurs, les agriculteurs eux-mêmes qui en paieront demain le prix fort.
Évidemment, le groupe Les Républicains s'opposera à cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par les groupes Renaissance, Rassemblement national et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Richard Ramos.
Monsieur Tanguy…Pardon, je devrais plutôt dire : Michel-Édouard Leclerc, sors de ce corps ! C'est bien à la suite d'une rencontre avec le richissime magnat que vous avez déposé une motion de rejet préalable ! Vous nous avez conté une fable, en prétendant nous offrir vos lumières, au mépris de vos collègues du groupe Rassemblement national, qui avaient travaillé sur ce texte et déposé des amendements utiles.
Les députés du Rassemblement national voulaient nous faire croire qu'ils étaient les élus des champs. Avec vous, monsieur Tanguy, le masque est tombé : vous êtes les députés des riches
Rires et exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES.
Quand vous retournerez dans votre circonscription, vous expliquerez aux paysans – qui sont favorables à ce texte parce qu'ils sont étranglés dans les box de négociations – combien il est facile de travailler avec Michel-Édouard Leclerc.
Plus de la moitié des paysans gagnent moins de 1 000 euros par mois, pour soixante-dix heures de travail par semaine.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Un paysan se suicide tous les trois jours et c'est vous, monsieur Tanguy, qui tuez l'agriculture française en défendant les riches de la grande distribution, en défendant coûte que coûte les prix bas. Vous défendez une agriculture et une alimentation qui favoriseront la malbouffe – celle qui cause la mort prématurée des pauvres et qui associe courbe de l'obésité, consommation de produits à bas prix et courbe de la pauvreté.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Vous êtes, monsieur Tanguy, la honte des pauvres que vous prétendez défendre,…
Rires sur les bancs du groupe RN.
…car vous êtes celui qui défend Michel-Édouard Leclerc et la malbouffe, qui les nourrit de sucre et de graisse. Nous, au MODEM, nous ne voterons pas la motion d'un défenseur des riches !
Exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Rappels au règlement
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 3, du règlement, relatif aux mises en cause personnelles. Apparemment, je suis la réincarnation, – malgré ma modeste taille, qui ne pourrait pas le contenir ! – de Michel-Édouard Leclec, le représentant des grands intérêts qui vous ont élus.
Je prends cette métaphore étrange avec sagesse, et j'y vois donc un hommage de tous vos vices à ma vertu.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Rires sur divers bancs.
Il se fonde sur l'article 70, alinéa 2 du règlement, relatif à la provocation de scènes tumultueuses. Tout de même, monsieur Ramos : accuser d'autres que le parti majoritaire d'être du côté des riches ! Faites donc un groupe commun avec le Rassemblement national !
Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et Dem.
Monsieur Léaument, vous sortez du cadre d'un rappel au règlement. Merci.
Motion de rejet préalable
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 234
Majorité absolue 118
Pour l'adoption 42
Contre 192
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Discussion de la proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d'agression ;
Suite de la discussion proposition de loi visant à sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation ;
Discussion de la proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ;
Discussion de la proposition de loi visant à ouvrir le tiers financement à l'État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra