La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 867 à l'article 4.
Je suis saisie de onze amendements, n° 867 , 723 , 892 , 52 , 178 , 199 , 413 , 459 , 760 , 1079 et 1114 pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements n° 723 et 892 sont identiques, de même que les n° 52, 178, 199, 413, 459, 760, 1079 et 1114.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 867 .
Il est encore question du délai pour déposer plainte. Monsieur le rapporteur, vous avez dit cet après-midi que votre choix se portait sur soixante-douze heures.
C'est en tout cas le délai pour lequel vous allez donner un avis favorable. Dans le cadre d'un amendement de repli, nous avons proposé de porter ce délai à quinze jours – d'autres collègues ont évoqué une semaine ou même quelques jours supplémentaires.
Dans tous les cas, il nous semble que deux ou trois jours sont des délais qui ne correspondent pas à l'acculturation des Français face aux risques cyber. Un peu plus de 50 % de nos concitoyens ne savent pas exactement de quoi il s'agit, et uniquement un tiers des très petites et des petites et moyennes entreprises (TPE-PME) disposent d'un référent sur ces questions. Ni la population, ni les entreprises, ni les collectivités ne sont donc prêtes à faire face à ces risques.
L'enjeu, c'est que les personnes puissent déposer plainte : même après constatation, le délai que vous proposez est trop court pour permettre de répondre à cet objectif, que nous nous fixons ensemble. Vous citiez d'autres exemples tout à l'heure, mais quand on perd ou qu'on se fait voler sa carte bleue, il n'y a désormais plus d'obligation de porter plainte. Que nous conseille Bercy ? De faire opposition le plus vite possible. Lorsque les gens s'en rendent compte, certains le font rapidement, mais d'autres se disent qu'ils vont retrouver leur carte et qu'ils vont s'en sortir.
Face aux risques cyber, des gens pensent encore pouvoir s'en tirer seuls sans passer par la plainte. Il faudrait d'abord mesurer l'évaluation des risques et notre acculturation, plutôt que de fixer tout de suite un délai de quarante-huit ou de soixante-douze heures.
Sur les amendements n° 52 et identiques, je suis saisie par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Plusieurs agences de presse internationales se sont fait l'écho du fait que deux explosions, causées par deux missiles, se seraient produites à proximité de la frontière ukrainienne, sur le territoire de la Pologne. Le gouvernement polonais tient actuellement une réunion de crise. S'agissant d'un pays membre de l'Union européenne et de l'Otan, il serait évidemment tout à fait souhaitable que le Gouvernement tienne informée l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais et qu'il nous fournisse les éléments dont il dispose sur cette crise qui est en cours.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RN, LFI – NUPES et SOC et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je souscris à cette demande. Madame la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté, avez-vous des précisions à nous donner ? Dans le cas contraire, il faudrait relayer cette demande auprès de Mme la Première ministre.
À ce stade, nous ne disposons pas d'informations supplémentaires par rapport à celles que vous avez données. Je vais relayer votre interrogation pour vous répondre dès que nous en saurons plus.
La gravité des événements en cours me semble appeler une réponse un peu plus complète de la part du Gouvernement. Je demande au ministre des relations avec le Parlement et à la présidence de l'Assemblée nationale de faire en sorte que le Gouvernement tienne l'Assemblée nationale informée en temps réel…
…des éléments dont il disposera lui-même. On n'imagine pas que le Président de la République n'ait pas réuni lui-même une cellule de crise pour savoir de quoi il retourne.
Je vais suspendre la séance pour transmettre cette demande à la fois à la présidente de l'Assemblée nationale et au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt et une heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante.
La séance est reprise.
Je vous informe que je viens de m'entretenir avec la présidente de l'Assemblée nationale. Elle va prendre contact avec Mme la Première ministre et nous vous tiendrons informés, au cours de la soirée, des informations qui nous parviendront. À ce stade, je vous propose de reprendre l'examen du texte.
La parole est à Mme Alexandra Martin, pour soutenir l'amendement n° 723 .
Force est d'admettre que les affaires qui nous occupent deviennent tout d'un coup très relatives au vu des événements en cours.
S'agissant du délai de dépôt de plainte, je ne vous referai pas l'article, sans mauvais jeu de mots. Le moment à partir duquel le chronomètre doit s'enclencher est difficile à déterminer, d'autant que les réactions face à une telle attaque peuvent être diverses. La première chose à laquelle pensent les personnes attaquées, c'est de préserver ce qui peut l'être, voire de repousser l'attaque tant qu'elles le peuvent, plutôt que de porter plainte. Pour cette raison, nous proposons de fixer le délai à une semaine.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l'amendement identique n° 892 .
Dans la même logique, nous continuons de demander des délais supplémentaires. Nous proposons non pas quinze jours comme cela a été évoqué cet après-midi, mais une semaine. Cela permettrait de laisser le temps nécessaire au dépôt de plainte.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 52 .
Cet amendement est très simple. À l'origine, le texte prévoyait de laisser quarante-huit heures pour déposer plainte après une cyberattaque. Au Sénat, ce délai a été ramené à vingt-quatre heures. En commission des lois, nous l'avons rétabli à quarante-huit heures. Depuis le début, le groupe LIOT considère que ce délai est trop court. Nous proposons donc de l'allonger pour laisser soixante-douze heures aux entreprises pour déposer plainte : c'est une mesure simple et efficace.
L'article 4 répond à une absolue nécessité : il faut que les plaintes soient déposées. Nous sommes confrontés à des cyberattaques qui sont à la fois nationales et internationales. Le continuum de sécurité – sécurité intérieure et sécurité extérieure – se met en œuvre dès lors que des plaintes sont déposées. L'idée de l'article est donc excellente.
Toutefois, quarante-huit heures, c'est trop court, notamment pour les PME. Certifier qu'il s'agit bien d'une attaque est un processus très long. En Seine-et-Marne, nous venons d'être victimes d'une cyberattaque massive : le département est paralysé. La direction des services informatiques, composée de 100 agents, a mis plusieurs heures pour identifier l'existence d'une telle attaque. Un délai de soixante-douze heures serait un bon équilibre : il assurerait à la fois l'intérêt de la sécurité publique et la préservation des intérêts des différents acteurs, collectivités locales ou petites entreprises, qui n'ont pas forcément de grosses directions informatiques.
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 413 .
On pourrait discuter assez longtemps des bons délais pour pouvoir déposer une plainte. La réalité, c'est que lorsqu'une cyberattaque se produit, il faut parfois plusieurs jours pour réussir à définir son ampleur. Une collectivité où je suis élu, le conseil départemental de l'Ardèche, a été confrontée il y a quelques mois à une cyberattaque. Je peux vous dire que l'ensemble des services, qui étaient pourtant à pied d'œuvre, ont mis plus de trois jours à établir le périmètre complet de cette attaque – un jour on découvre qu'elle a touché le service comptabilité, le lendemain, les ressources humaines, avec le piratage de l'ensemble des relevés d'identité bancaire des agents de la collectivité.
Pour déposer une plainte dans de bonnes conditions et fournir aux services de police ou de gendarmerie l'ensemble des éléments qui permettront d'instruire le dossier correctement, un délai de quarante-huit heures est incontestablement trop court. C'est la raison pour laquelle nous proposons de porter le délai à soixante-douze heures.
La parole est à Mme Christelle D'Intorni, pour soutenir l'amendement n° 459 .
Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, l'article prévoyait un délai de vingt-quatre heures pour le dépôt d'une préplainte. Il a été amendé en commission des lois, le délai passant à quarante-huit heures pour le dépôt d'une plainte, condition première pour ouvrir un sinistre auprès de son assurance pour être dédommagé.
Ce délai peut être encore insuffisant dans certains cas : c'est pourquoi nous proposons de le porter à soixante-douze heures après la constatation de l'incident, pour permettre aux entreprises ou aux institutions concernées de fournir l'ensemble des éléments permettant aux services de police ou de gendarmerie de qualifier la plainte.
Ce délai serait ainsi identique à celui fixé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sur les notifications de violation de données à caractère personnel. Il est plus réaliste et permet d'effectuer les démarches obligatoires : notification de violation de données personnelles auprès de l'autorité de contrôle ; notification d'atteinte à des données de santé auprès de l'agence régionale de santé (ARS) ; notification auprès de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). L'objectif est d'avoir une cohérence entre les notifications aux autorités de contrôle et les éléments de plainte.
La plainte est le point d'entrée pour saisir l'assurance cyber. Au moment de l'ouverture du sinistre cyber, l'assurance demandera une copie de la plainte spécifiant les atteintes constatées en première intention, qui serviront sans doute de base de calcul pour l'indemnisation. Il convient donc d'être au plus près de la réalité. Il s'agit d'une scène de crime numérique où, l'ensemble des atteintes n'étant pas visibles immédiatement, les conséquences ne le sont pas non plus.
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l'amendement n° 760 .
L'allongement du délai de quarante-huit à soixante-douze heures que nous défendons se justifie également par des considérations très pratiques. Imaginons, par exemple, que l'attaque survienne un vendredi soir. En règle générale, il est assez difficile de déposer plainte le week-end. Disposer d'une journée supplémentaire pour le faire serait donc déjà utile pour cette raison.
Deuxième observation : rallonger le délai permettrait aux TPE d'établir la réalité de l'attaque. Le plus souvent, en effet, les petites entreprises n'ont pas les moyens de se payer des services cyber, contrairement aux grandes, ce qui n'est pas sans poser la question de l'administration de la preuve : en règle générale, pour qu'une plainte prospère, il faut fournir des éléments concrets.
Il s'agit donc d'une proposition de bon sens. Je crois d'ailleurs que M. le rapporteur y est favorable sur le principe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 1079 .
Les amendements identiques précédents ont été bien défendus. Il est important que le délai alloué aux entreprises soit porté de quarante-huit à soixante-douze heures, tout simplement parce que, comme chacun le sait, il est compliqué de rassembler les pièces nécessaires au dépôt de plainte et de présenter tous les éléments requis. Il s'agit donc d'un amendement de bon sens, dont l'adoption ne coûterait rien à la collectivité.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement n° 1114 .
Je m'associe à ce qui a été dit précédemment : porter de quarante-huit à soixante-douze heures le délai de dépôt de plainte après la constatation de l'incident permettrait aux entreprises et aux institutions concernées de fournir l'ensemble des éléments permettant aux services de police ou de gendarmerie de qualifier la plainte.
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements.
Quelques remarques d'abord à l'intention, notamment, d'Elsa Faucillon. Un Français âgé de plus de 15 ans sur deux déclarait avoir été victime d'une cyberattaque en 2021. Vous évoquez l'acculturation insuffisante de la population au risque cyber : beaucoup de nos concitoyens se sentent en réalité très concernés par ce phénomène, qui les touche directement. Une entreprise sur cinq déclarait par ailleurs avoir été l'objet d'une cyberattaque pendant cette même année 2021. Nombre de nos concitoyens savent donc très bien de quoi il retourne. En revanche, la détection des attaques est parfois difficile. C'est pourquoi j'ai indiqué à plusieurs reprises que les amendements visant à porter à trois jours le délai sous lequel la plainte doit être déposée me paraissaient tout à fait pragmatiques. Par conséquent, j'émets un avis favorable sur les amendements n° 52 et identiques, car ils permettent de trouver un équilibre satisfaisant, et défavorable sur les autres.
N'oublions pas que, dans quelques minutes, nous examinerons deux amendements identiques, n° 1295 et 1298 , sur lesquels j'émettrai un avis favorable, visant à faire en sorte que le délai commence à courir à compter de la « connaissance de l'atteinte par la victime ». Il n'y aura donc aucune ambiguïté : si la victime est un artisan ou une TPE, c'est bien au moment où elle saura qu'elle a été attaquée – ce qui lui demandera parfois du temps – que le délai de soixante-douze heures commencera à courir.
L'objectif est effectivement de trouver un compromis entre la nécessaire protection de la victime, qui suppose de lui donner suffisamment de temps pour porter plainte, et le respect de la scène de crime, indispensable pour préserver les traces et indices nécessaires à l'enquête. Le délai de soixante-douze heures nous paraît acceptable. C'est donc un avis favorable.
Je profite de cette intervention pour indiquer que j'ai reçu une réponse de la Première ministre à la demande de M. Marleix : elle indique que « le Gouvernement suit de très près la situation sur le terrain, en lien avec nos alliés polonais, notamment pour évaluer la situation. En toute hypothèse, la Pologne peut compter sur la solidarité de la France. Nous vous tiendrons au courant au fur et à mesure des informations que nous recevrons. »
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'amendement n° 867 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 173
Nombre de suffrages exprimés 155
Majorité absolue 78
Pour l'adoption 154
Contre 1
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l'amendement n° 38 par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires et sur l'article 4 par le groupe Renaissance.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 1295 et 1298 .
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 1295 .
Déposé par mon collègue Philippe Latombe, il vise à préciser que la victime elle-même doit avoir pris connaissance de l'atteinte avant que le délai ne commence à courir, afin de réduire le risque de contentieux.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 1298 .
Comme d'autres que j'ai présentés précédemment, il a été rédigé en collaboration avec notre collègue Philippe Latombe, dont je salue le travail : il s'est réellement spécialisé dans les questions liées au cyber et a déposé plusieurs amendements de nature à améliorer le texte.
En l'occurrence, cet amendement vise à apporter une précision très importante. Le rapporteur, avec qui nous avions évoqué cette question, donnera, je l'espère, un avis favorable à son adoption, car il favoriserait la remontée massive de plaintes de professionnels et surtout la collecte de données très importantes sur les attaques cyber.
Je loue à mon tour le travail de M. Latombe. Lors de l'examen du texte en commission, l'article 4, tel qu'il avait été adopté par le Sénat, ne satisfaisait personne. Grâce au travail de Philippe Latombe et d'autres députés, nous l'avons amélioré pour proposer une première rédaction, que nous affinons progressivement en séance.
L'article 4 vise à favoriser la remontée massive de plaintes de professionnels, afin de récolter des données sur les attaques cyber les concernant et de remonter – car tel est bien l'objectif – les filières criminelles liées à ces attaques. Il apparaît en revanche disproportionné d'appliquer cette obligation aux particuliers. L'amendement vise à remédier à ce défaut.
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l'amendement n° 770 rectifié .
Il vise à instaurer comme une période de probation du dispositif assurantiel nouvellement créé. Sans cela, nous craignons que les sociétés d'assurance et les assurés ne soient encouragés à spéculer sur les rançongiciels. Il importe donc de prévoir une période probatoire afin de mesurer les effets de cette disposition.
En matière de cybercriminalité, attendre deux ans, c'est s'exposer à devoir faire de l'archéologie numérique : il faut aller beaucoup plus vite. Nous devons donc adopter un dispositif immédiatement applicable. Avis défavorable.
Il s'agit ici d'expérimenter le dispositif, c'est-à-dire de prévoir une clause de revoyure pour analyser les effets qu'il aura produits. Nous avons, par exemple, longuement débattu du fait de savoir s'il fallait accorder un délai de vingt-quatre heures, de quarante-huit heures, de soixante-douze heures ou d'une semaine avant le dépôt de plainte, sans bien connaître les conséquences de notre choix.
Il paraît donc logique d'étudier si les craintes, exprimées ce soir, que le secteur de l'assurance ne profite d'un nouveau marché, sont fondées, si le nombre de dépôts de plainte augmente ou diminue, et si nous touchons bien notre cible. Nous créons un dispositif nouveau : peut-être pouvons-nous prendre le temps de nous revoir pour en rediscuter.
L'amendement n° 770 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 38 .
Il vise à inciter les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises à se doter des moyens, notamment informatiques, nécessaires à la lutte contre les cyberattaques. Cet amendement, qui ne s'appliquerait qu'à compter de 2024, a été conçu spécifiquement pour toucher les ETI et les grandes entreprises, afin de ne pas pénaliser les TPE et les PME. Notre collègue Paul Molac tient beaucoup à son adoption. C'est pourquoi il m'a demandé de le défendre.
Votre présentation ne reflète pas du tout le contenu de l'amendement, sans quoi j'aurais pu y être favorable. L'amendement vise à conditionner le versement de la somme prévue dans la clause assurantielle au fait que « l'entreprise concernée a mis en ?uvre des moyens de lutte appropriés contre les cyberattaques ».
Contrairement à ce que vous indiquez, une TPE ou une PME, n'étant pas forcément en mesure de se doter de moyens de protection contre les cyberattaques, serait pénalisée par l'adoption de cet amendement, là où une grande entreprise disposera des moyens requis. Je rappelle en effet que, si 84 % des grandes entreprises ont adopté des mesures de sécurisation pour se protéger des cyberattaques, c'est le cas de seulement 0,2 % des TPE et des PME.
En adoptant votre amendement, nous ferions donc l'inverse de ce que vous préconisez : nous contraindrions les PME et les TPE à s'équiper de moyens supplémentaires, sans qu'on sache d'ailleurs qui accorderait le label, quelle institution ou autorité donnerait l'agrément, ni même quelle norme s'appliquerait. Le coût supplémentaire serait probablement dangereux pour de nombreuses TPE et PME, sans être réellement protecteur. Avis défavorable.
Je m'étonne que M. Naegelen ait cosigné cet amendement qui, sur le plan des libertés économiques, est tout de même surprenant, puisqu'il vise, en fin de compte, à définir dans la loi les conditions d'exécution du contrat d'assurance, ce qui est assez atypique. On pourrait concevoir que la loi prohibe toute clause par laquelle une compagnie d'assurance se dédouanerait de son obligation d'intervention au motif qu'une entreprise ne s'est pas dotée d'un logiciel de protection : j'aurais pu entendre qu'on cherche à réduire les clauses restrictives imposées par les assurances. En revanche, définir le contrat d'assurance dans la loi relève d'une démarche assez originale.
Une telle disposition ne me semble absolument pas adaptée et serait même particulièrement contre-productive, puisque ce sont justement les petites entreprises qui devraient payer deux fois.
Cet amendement est symptomatique en ce qu'il montre que nous n'avons pas pris assez de temps pour discuter de cette question. Il met le doigt sur un enjeu important : les outils qu'il faut mettre en place en matière de prévention. Nous avons en effet mis fin à notre discussion au moment où nous avons considéré que le système assurantiel allait constituer, comme par magie, un outil de prévention pour les entreprises, quelle que soit leur taille. C'est nous mettre le doigt dans l'œil. En effet, de nombreuses petites entreprises ne s'assurent pas car elles n'y voient pas d'intérêt dans la mesure où cela représente un coût supplémentaire.
On le voit, le dispositif prévu est incomplet. Je ne comprends même pas pourquoi les collègues de la majorité et même le Gouvernement n'ont pas eu l'idée d'opter pour une expérimentation, avec l'introduction d'une clause de revoyure, afin de déterminer, dans deux ans, si les effets de cette mesure auront tous été positifs – car non, il n'est pas si facile de revenir sur un article de loi une fois que celle-ci a été définitivement adoptée par le Parlement et publiée officiellement. À mon sens, nous avons raté le coche en matière de prévention. Cependant, le dispositif prévu par cet amendement me semble un peu cavalier puisqu'il revient à créer des clauses assurantielles directement dans la loi.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 196
Nombre de suffrages exprimés 173
Majorité absolue 87
Pour l'adoption 54
Contre 119
L'amendement n° 38 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1283 de M. Éric Bothorel est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je comprends que l'on veuille donner du temps, en particulier pour que les assureurs et les entreprises elles-mêmes puissent préparer la mise en application du dispositif. Cependant, la date que vous avez fixée, au 1er janvier 2024, me semble trop tardive, pour reprendre l'argument que j'ai avancé tout à l'heure à propos d'un amendement de nos collègues du groupe LFI – NUPES. Un tel délai serait même sans doute contre-productif.
Toutefois, si vous me le permettez, madame la présidente, je suis prêt à rectifier l'amendement, afin de fixer une entrée en vigueur de l'article quelques semaines après la promulgation de la loi, ce qui laissera un temps de latence.
Monsieur le rapporteur, je vous prie d'être plus précis, car nous n'avons pas bien compris la rectification que vous proposez.
Par cet amendement, M. Bothorel propose une entrée en vigueur du dispositif prévu à l'article 4 au 1er janvier 2024. Je suggère de la fixer plutôt trois mois après la promulgation de la loi.
Une telle rectification n'est pas possible en séance. Il faudrait déposer un nouvel amendement.
Dans ce cas, l'entrée en vigueur de l'article 4 restera immédiate. Avis défavorable à l'amendement.
L'amendement n° 1283 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 220
Nombre de suffrages exprimés 216
Majorité absolue 109
Pour l'adoption 127
Contre 89
L'article 4, amendé, est adopté.
Cet article reflète la philosophie générale du projet de loi. Il y est question en effet de l'augmentation du quantum des peines, une idée que l'on retrouve dans d'autres articles à propos de mesures telles que les amendes forfaitaires délictuelles ou tous les autres types d'amendes que vous prévoyez.
L'augmentation du quantum des peines a-t-elle un effet dissuasif ? Non. A-t-elle un effet neutralisant ? Non plus. Comme nous avons déjà pu le souligner à propos de l'article précédent, cette question mérite d'être retravaillée, rediscutée. Cet article a pour seul objectif d'aggraver les peines, sans que l'on s'interroge sur le financement nécessaire pour mener le combat légitime contre la cybercriminalité.
Je m'apprête à défendre un amendement de suppression de cet article. De votre côté, vous pouvez bien présenter tous les projets de loi et tous les amendements que vous voudrez : tant qu'on y est, on pourrait même aller plus loin et, plutôt que de porter les amendes de 60 000 à 100 000 euros, comme le prévoit cet article, enfermer tous les auteurs d'infraction – pourquoi pas ? En réalité, les outils que vous mobilisez ne sont pas efficaces, comme l'ont prouvé les chercheurs. Soyons donc un peu raisonnables et essayons plutôt de nous attaquer à la racine du problème.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
La parole est à M. Andy Kerbrat, pour soutenir l'amendement n° 511 , tendant à supprimer l'article.
Par cet amendement, nous souhaitons en effet supprimer l'article 4 bis A qui vise à aggraver les peines encourues en cas d'infraction commise à l'encontre d'un système de stockage de données.
Cet article part d'une bonne intention – nous sommes tous d'accord sur ce point : la pénalisation du piratage informatique. Le problème qui se pose est que vous inversez la logique de la loi. Nous sommes dans un État de droit : le code de procédure pénale définit les peines en fonction non pas des processus d'enquête mais de la gravité des actes. De plus, avec une telle mesure, vous n'agissez pas de manière efficace sur la réalité du cybercrime. Car le vrai pétrole, sur internet, ce sont les données personnelles. Or vous n'agissez pas contre ceux qui sont des pirates légaux : les géants du numérique, dits Gafam. Il faudra pourtant s'y atteler. Nous demandons donc la suppression de cet article et nous vous proposons de retravailler ce texte pour le rendre plus efficace.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Vous avez déposé des amendements de suppression sur dix-neuf articles – parmi les vingt-sept que compte le projet de loi. Il reste donc encore un espoir que nous ayons des discussions constructives à propos des huit restants.
Nous avons souhaité aggraver les peines encourues en cas d'atteinte à un système de traitement automatisé de données, les faisant passer de deux à trois ans d'emprisonnement. Nous voulons ainsi donner aux enquêteurs des moyens supplémentaires, par exemple pour leur permettre de procéder à des perquisitions, lesquelles ne sont pas autorisées dans le cas d'une peine de deux ans.
Un tel allongement des peines, pour ce type d'infraction, permet aussi d'autoriser les écoutes et la géolocalisation. Pour reprendre les propos d'un collègue de votre groupe à propos de la suppression d'un autre article, nous souhaitons tout simplement renforcer les capacités d'investigation des enquêteurs. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'article 4 bis A prévoit une aggravation des peines dans le code pénal, une tendance que nous observons dans l'ensemble du texte. Pourquoi pas ? M. le rapporteur donne des justifications…
…intéressantes, comme la volonté de renforcer les capacités d'investigation. Nous ne pouvons que souscrire à cette idée. Cependant, je m'interroge quant au rôle du ministre de la justice et de l'autorité judiciaire. Ont-ils été consultés sur ces amendements qui figurent en nombre dans le projet de loi ? Il serait essentiel selon moi que vous renseigniez la représentation nationale sur ce point.
L'amendement n° 511 n'est pas adopté.
Nous avons déjà évoqué les différentes poursuites pénales susceptibles d'être engagées. Cet amendement prévoit que, dès lors qu'une personne a transmis à l'Anssi, en toute bonne foi, une information sur l'existence d'une vulnérabilité concernant la sécurité d'un système de traitement automatisé de données (Stad), alors il ne peut y avoir de poursuite pénale.
L'amendement n° 796 de M. Philippe Latombe est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous soulevez un problème important mais vous le réglez en proposant une irresponsabilité pénale générale et absolue. Or une telle solution n'est pas appropriée. Je parle sous le contrôle de Cécile Untermaier : la loi Lemaire – du nom de la secrétaire d'État qui l'avait proposée –, promulguée en 2016, alors que nous étions députés dans le même groupe,…
Cela remonte à un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître !
Sourires.
…permet à l'Anssi de ne pas dénoncer une personne qui donne « une information sur l'existence d'une vulnérabilité concernant la sécurité d'un système de traitement automatisé de données », et donc de préserver son anonymat. Je préfère que nous conservions cette méthode, qui consiste à ne pas divulguer l'identité de ceux que l'on appelle les hackers blancs, afin de les protéger, et ne pas recourir à la vôtre, qui consiste à prévoir une irresponsabilité pénale totale, absolue et définitive.
En accord avec mon collègue Philippe Latombe, je retire cet amendement au nom du groupe Démocrate (MODEM et indépendants). Nous pensons en effet qu'une réflexion beaucoup plus large sur cette question s'impose. J'en profite pour saluer le travail accompli par notre ancien collègue Sylvain Waserman en matière de protection des lanceurs d'alerte.
L'amendement n° 796 est retiré.
L'amendement n° 452 n'est pas adopté.
L'article 4 bis A est adopté.
L'amendement n° 1102 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.
L'amendement n° 1102 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 4 bis B, amendé, est adopté.
Dans son amendement à suivre, M. Pradal invoque l'argument, frappé au coin du bon sens, qu'une incrimination spécifique est nécessaire pour les cyberattaques qui touchent les établissements hospitaliers, lesquelles peuvent entraîner évidemment des conséquences très graves pour les patients.
L'imagination étant au pouvoir, nous souhaitons étendre le champ de son amendement en proposant que cette incrimination s'applique à toute cyberattaque qui pourrait exposer une personne à un risque immédiat de mort ou de blessures.
Le Gouvernement ne change donc pas grand-chose sur le fond à l'amendement de M. Pradal en proposant de ne pas en limiter le champ aux hôpitaux. On peut concevoir, par exemple, qu'une cyberattaque qui perturberait l'accès à des numéros d'urgence, entraînant les conséquences très graves que je viens d'évoquer, entrerait dans le périmètre de cette disposition.
La parole est à M. Philippe Pradal, pour soutenir l'amendement n° 247 .
Cet amendement visait en effet à alourdir les sanctions des cyberattaques contre les hôpitaux car celles-ci visent à désorganiser leur fonctionnement ou, plus grave encore, à mettre sur le marché des données de santé, mais je vous remercie, monsieur le ministre, pour les précisions que vous avez apportées et qui satisfont complètement les députés du groupe Horizons et apparentés. Nous le retirons.
L'amendement n° 247 est retiré.
L'amendement n° 1304 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l'amendement n° 519 , qui vise à supprimer l'article.
On nous interpellait à l'instant sur le nombre d'amendements de suppression que nous avons déposés, mais notre choix me paraît assez logique puisque nous vous disons, depuis que nous avons débuté l'examen de ce projet de loi, qu'à part quelques éléments, notre groupe LFI – NUPES n'est globalement pas d'accord avec celui-ci.
En l'occurrence, et vous allez retrouver notre classicisme échevelé, nous sommes opposés à la notion même d'ordonnance pénale. On préfère de loin le contradictoire, les avocats, le procès, tout ce qui relève d'une justice qui fonctionne comme elle doit fonctionner, c'est-à-dire en établissant les droits des uns et des autres, en particulier celui de la défense ainsi que la présence du prévenu. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article ajouté par la commission.
L'amendement n° 519 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur article 4 bis C, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je propose de procéder immédiatement à ce scrutin.
Y a-t-il une opposition ?…
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 231
Nombre de suffrages exprimés 231
Majorité absolue 116
Pour l'adoption 194
Contre 37
L'article 4 bis C est adopté.
Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 521 rectifié , 684 et 897 , tendant à supprimer l'article.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 521 rectifié .
Après mûre réflexion, parce qu'on a tenté de nous rassurer en commission, nous disant de ne pas nous inquiéter, que les enquêtes sous pseudonyme et les autres techniques d'enquête prévues ici sont encadrées,…
…nous avons tout de même déposé cet amendement de suppression. Je peux rejoindre le rapporteur quand il argue que l'usage de produits licites ou de moyens licites dans la vie de tous les jours ne nécessite peut-être pas l'autorisation exprès du procureur de la République ou du juge d'instruction dans le cadre d'une enquête sous pseudonyme, ce ne serait en effet pas très justifié au regard de sa finalité même, du contrôle démocratique – même si l'engagement de dépenses pourrait prêter à débat – ou du contrôle de l'autorité judiciaire. En revanche, l'article franchit à mon sens une ligne rouge en permettant d'aider, voire de provoquer, à la commission de l'infraction en fournissant les moyens ou les produits, y compris illicites, permettant de la commettre. On va donc aider concrètement l'auteur de l'acte délictuel ou criminel. Ce n'est pas comme pour une infiltration aujourd'hui, qui est cadrée au cordeau par un juge d'instruction. Un parallèle a été fait en commission entre l'infiltration et l'enquête sous pseudonyme : or ce n'est pas exactement pareil.
L'autorisation par le juge d'instruction ou le procureur de la République est prévue dans ce cas aussi !
Je sais bien que le contrôle est prévu dans cet article, mais on change ici de philosophie pénale, on franchit la ligne de ce qui est acceptable en prévoyant d'aider à la commission d'une infraction pour appréhender son auteur. Je ne suis pas favorable à ce qu'on aille plus loin que ce que permet déjà la loi en matière d'enquête sous pseudonyme.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 684 .
Je rejoins les arguments de mon collègue Bernalicis. Nous souhaitons, nous aussi, rester dans le cadre de la loi actuelle sur les enquêtes sous pseudonyme. On franchirait un cap risqué en élargissant la liste des actes autorisés dans le cadre de ces enquêtes. Je note d'ailleurs que le rapport du Sénat indique que « la modification proposée étoffera la palette des outils à la disposition des enquêteurs en leur permettant de ''porter assistance'' à l'auteur de l'infraction ». On passe bien dans une autre logique, qui peut même conduire à provoquer l'infraction. J'ajoute que, même s'il y a un contrôle, l'enquêteur pourrait ainsi se retrouver dans une situation risquée pour lui et pour l'enquête.
Cet article répond à une bonne intention : aider les agents à aller plus loin dans leurs enquêtes sous pseudonyme. Il y a toutefois un « mais », comme sur beaucoup d'autres articles : il y a derrière cette bonne intention un flou qui laisse à peu près tout passer. Le droit actuel donne déjà beaucoup de moyens aux enquêteurs. Pourquoi faudrait-il dès lors ouvrir la boîte de Pandore et favoriser légalement la commission de méfaits supplémentaires ? L'intention, je le répète, est louable – il s'agit d'aider les agents –, mais avec un risque réel, celui de la dérive. C'est pourquoi le groupe Écologiste – NUPES est contre cet article et qu'il demande sa suppression.
Ce n'est pas du tout la boîte de Pandore. Pourquoi employez-vous cette expression, madame Regol ? Je ne le comprends pas.
Je rappelle qu'aujourd'hui, il y a la possibilité de recourir à une enquête sous pseudonyme, lorsque c'est nécessaire, pour constater des crimes ou des délits commis par voie électronique et passibles d'une peine d'emprisonnement. Il ne s'agit donc pas d'un simple surfeur sur internet, qui serait harponné par un dangereux enquêteur de la police judiciaire qui voudrait le coincer alors qu'il n'a rien fait. Au contraire, on parle bien de la constatation de faits graves, dans le cadre d'une enquête pour crimes et délits commis par voie électronique. Que peut-on faire actuellement, avec le dispositif qui existe depuis 2019 ? Participer à des échanges électroniques, extraire et conserver des éléments de preuve et acquérir tout contenu, produit ou substance, y compris illicite. Et tout cela, cher Ugo Bernalicis, sous le contrôle permanent du procureur de la République, si c'est une enquête préliminaire ou une enquête de flagrance, et du juge d'instruction s'il s'agit, par exemple, d'une commission rogatoire.
L'article 4 bis ajoute à ces dispositions la possibilité pour les enquêteurs de mettre à la disposition des auteurs de l'infraction des moyens juridiques, financiers, de transport, d'hébergement ou de communication. Je vais vous donner quelques exemples concrets, repris notamment de la discussion au Sénat qui a abouti à l'adoption de cet article. L'étude d'impact de ce projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) indique que la nouvelle disposition permettra à l'enquêteur, lorsque les biens volés lors d'un cambriolage ou sur la voie publique sont mis en vente sur des plateformes en ligne, de contacter les vendeurs en se faisant passer pour un acheteur. Voilà ce qu'est la boîte de Pandore ! Les rapporteurs du texte au Sénat ont évoqué les cas de vente de drogues ou d'armes sur le dark web et il sera, là aussi, dorénavant permis à l'enquêteur d'aller au contact des personnes en situation délictueuse. Enfin, le président Houlié lui-même a évoqué en commission des lois l'exemple d'un enquêteur qui peut se retrouver aujourd'hui en infraction seulement pour avoir scanné un QR code sur un lieu de deal où existent des dispositifs qui permettent de le scanner pour pouvoir acheter ou vendre des stupéfiants.
Je ne crois pas que cet article mérite les propos si apaisés que vous avez tenus il y a quelques instants, ma chère collègue, mais qui aboutissaient tout de même à demander la suppression du dispositif. L'avis est donc défavorable.
Avis défavorable également. Je veux renforcer l'excellente argumentation de M. le rapporteur par deux exemples supplémentaires. Je rappelle au préalable que l'enquête sous pseudonyme nous aide déjà à résoudre bien des enquêtes, notamment en matière de pédopornographie où policiers et gendarmes peuvent se faire passer pour de potentielles victimes, une des seules façons de pouvoir interpeller les personnes qui commettent ces actes ignobles par l'intermédiaire de réseaux numériques.
Quant à l'exemple, que je choisis prosaïque à dessein, il peut être généralisé à bien des délits plus graves. On veut récupérer un vélo volé et revendu sur une plateforme, on prend contact avec l'acheteur-revendeur sous prétexte de lui en acheter un autre : rendez-vous pris, il indique qu'il peut en montrer bien d'autres dans un hangar, à condition de l'emmener sur place. L'enquêteur qui emmène le revendeur par ses propres moyens audit hangar pour constater la cargaison des autres vélos volés sera, dans le droit actuel, et parce qu'il aura transporté ledit revendeur, passible d'une condamnation pour complicité, même s'il a découvert un trafic de vélos en bande organisée et alors qu'il n'aura été que jusqu'au bout de son enquête.
Un autre exemple : un enquêteur sous pseudo peut déjà aujourd'hui être infiltré dans un groupe criminel. Or que se passe-t-il s'il doit prêter son téléphone portable ou son ordinateur pour passer commande d'un meurtre ? Dans le droit actuel, il sera considéré comme complice, ce qui fera, là aussi, tomber toute la procédure.
Voilà pourquoi je propose à votre assemblée de voter cet article. Les enquêteurs ont malheureusement rencontré de nombreuses déconvenues devant les tribunaux, du fait d'être considérés comme complices. Cette disposition permettra uniquement aux enquêteurs de faire leur travail en toute sécurité et de mieux lutter contre le crime.
Il est possible d'entendre évidemment vos arguments, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mais force est de constater qu'on est tout de même sur la ligne de crête, et c'est bien ce qui nous inquiète. Il y aura des cas où l'enquêteur va, d'une certaine façon – je choisis mes mots précautionneusement – participer, voire inciter à la commission du délit lui-même, ce qui renvoie à une question de principe.
De surcroît, et c'est la difficulté avec cette loi dite Lopmi, on découvre, de nouveau au tournant d'un article ajouté à la va-vite, un sujet lourd de conséquences.
Il faudrait mener une réflexion générale sur ces actes spécifiques d'enquête et se pencher sur la notion d'enquête sous pseudonyme, plutôt que la glisser à cet endroit du texte. C'est une question de principe et de profondeur de la réflexion : il faut bien mesurer la portée et les conséquences de ce que nous décidons ; nous ne sommes pas certains que cela a été fait.
Les amendements identiques n° 521 rectifié , 684 et 897 ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 726 est retiré.
L'amendement n° 1103 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Puisque l'article n'a pas été supprimé, nous proposons, par l'amendement de repli n° 895, de réduire les éléments que les agents et les officiers de police judiciaire peuvent mettre à la disposition des personnes souhaitant commettre une infraction, en les limitant aux moyens de transport, d'hébergement, de dépôt, de conservation et de télécommunication, et en excluant les moyens juridiques et financiers. Cela laisserait une marge de manœuvre suffisamment – à notre sens, trop – élargie, mais mieux encadrée que dans le texte.
L'amendement n° 894 est également un amendement de repli. Il s'agit de réduire les nouveaux éléments que les agents et les officiers de police judiciaire sont autorisés à mettre à la disposition d'une personne pour la commission d'une infraction en les limitant cette fois aux moyens de télécommunication.
Je laisse ma collègue Sandra Regol présenter le dernier amendement.
Nous proposons plusieurs façons de diminuer la portée de l'article. En l'occurrence, il s'agit de se limiter aux moyens juridiques et financiers, ce qui permet de conserver une large palette d'actions tout en minimisant les dérives.
Avis également défavorable à ces trois amendements de repli, qui prennent la suite de l'amendement de suppression.
Madame Martin, je reviens à votre remarque sur l'article 4 bis : je ne peux pas vous laisser dire que la mesure a été proposée à la va-vite, sans réflexion approfondie. Je rappelle que, dès le mois de mars 2022, la disposition législative figurait dans la première version de la loi de programmation du ministère de l'intérieur, assortie d'un avis du Conseil d'État. Cela fait donc neuf mois que les services du ministère de l'intérieur et le ministre lui-même l'ont rendue publique.
C'est le principe même du débat parlementaire que le Sénat ou l'Assemblée ajoutent des dispositions s'ils le souhaitent. En l'occurrence, c'est le rapporteur de la commission des lois du Sénat qui a ajouté cet article, même si celui-ci a été supprimé parce que le président de la commission souhaitait présenter à l'Assemblée nationale un texte court.
Enfin, la disposition n'est pas extérieure à la Lopmi. Je me suis évertué à souligner, notamment à la tribune, que le cœur de l'action législative que nous demandons concerne l'investigation. L'article 4 bis vise à faciliter cette dernière : il a donc toute sa place dans le texte.
Je commencerai par la fin. Le code de procédure pénale concerne l'investigation, mais c'est l'apanage de l'autorité judiciaire ; c'est pourquoi il faudrait rattacher la police judiciaire à l'autorité judiciaire plutôt que de la laisser dépendre du ministre de l'intérieur.
J'ai revérifié : le 3
Exemple : quelqu'un aimerait devenir vendeur de stupéfiants, mais ne sait pas comment s'en procurer …
Vives exclamations sur les bancs du groupe RN
Exclamations continues.
S'il vous plaît, le sujet est sérieux ! Il va sur un forum sur le dark web et un enquêteur sous pseudonyme lui dit : « J'ai un contact, je peux te fournir de la drogue, avec livraison. Est-ce que ça t'intéresse ? » Voilà ce que pourra faire, demain, avec ce texte, un enquêteur. Aujourd'hui, il ne peut pas le faire ; or, s'il ne le fait pas, la personne ne peut pas commettre l'infraction. On bouscule donc la frontière de l'acceptable et de l'inacceptable dans la provocation à l'infraction, changeant la nature pénale des actes. Voilà pourquoi nous proposons autant de précautions et que nous sommes en désaccord avec votre proposition. C'est un problème de philosophie pénale.
L'article 4 bis, amendé, est adopté.
Sur article 5, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement n° 54 .
Dans le cadre de l'article 5, qui a trait au réseau radio du futur (RRF), l'alinéa 6 dispose que ce réseau sera principalement utilisé par les services de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes. Le but de l'amendement est d'y ajouter « ou de gestion des bois et forêts », pour associer au projet l'Office national des forêts (ONF).
Nous avons été nombreux, cet été, à être témoins des feux de forêt qui ont émaillé notre territoire. Nous avons constaté à quel point il est important que des agents de l'ONF soient présents auprès des pompiers, pour les aiguiller dans les forêts, mais aussi pour les aider dans les opérations de secours. Intégrer l'ONF dans le réseau radio du futur serait précieux pour la recherche des personnes perdues en montagne ou en forêt, ou lors d'incendies. Ce petit amendement le permettrait.
Votre amendement nous a permis de vérifier que l'ONF pourrait, bien sûr, intégrer le réseau radio du futur. Il est donc satisfait et je vous invite à le retirer ; à défaut, avis défavorable.
Au moment où l'ONF voit ses postes non renouvelés et ses fonctions largement amputées, il est important de voter un amendement qui montre que l'ONF compte pour cette assemblée – même s'il est satisfait. Cela permettrait d'envoyer un petit signal. Vous demandez, puisqu'il est satisfait, de le retirer ; je propose au contraire, puisqu'il est satisfait, de le voter.
Murmures sur les bancs du groupe RE.
Je n'ai pas bien compris la réponse du rapporteur. Dans quel sens est-il satisfait ? À quel endroit intégrez-vous les agents de l'ONF parmi les services de sécurité et de secours, de protection des populations, de gestion des crises et des catastrophes ? Je rejoins ma collègue Regol : si l'amendement est satisfait – ce qui ne me paraît pas certain –, qu'est-ce que cela coûte d'ajouter la mention ? Comme elle l'a rappelé, les agents de l'ONF se trouvent dans une situation difficile : les mentionner montrerait notre intérêt. Surtout, puisqu'on parle d'atteintes aux biens et aux personnes, cela montrerait aussi l'importance de la protection de la biodiversité, notamment de nos arbres et de nos forêts.
Vous faites référence à la liste que nous avons adoptée, sur votre proposition, en commission, et qui figure dans le rapport annexé. Elle n'a aucune portée normative, uniquement une portée indicative. Si, pour satisfaire des élans bien compréhensibles, vous souhaitez que nous ajoutions dans le texte de loi que l'ONF sera éligible au réseau radio du futur, pourquoi pas ? Je vous dis simplement que c'est le cas. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Quelques mots pour expliquer ce qu'est le réseau radio du futur et pourquoi l'ONF y sera inclus. Il s'agit d'un grand réseau numérique et cyber déployé par le ministère de l'intérieur, qui prévoit la révolution numérique des systèmes de radio de l'État, en particulier des réseaux radio de la police, de la gendarmerie, des préfectures et de la sécurité civile au sens large. Il permet non seulement d'avoir des ondes, ce qui est normal pour une radio, mais des ondes sécurisées même en cas d'intempéries graves, où les antennes ne fonctionnent plus, comme ce fut le cas dans la zone de la Vésubie ou de la Roya, ou dans certains territoires d'outre-mer, comme à Saint-Martin. Le réseau permet également de transmettre des données, y compris de géolocalisation, et des images. Ainsi, plutôt que d'avoir une radio et un téléphone, les forces de l'ordre auront, sur leur téléphone NEO – nouvel équipement opérationnel –, la radio numérique du futur intégrée, qui transmettra des images, le son et des données.
Pour financer le dispositif, la Lopmi prévoit plus de 900 millions d'euros, dévolus au ministère de l'intérieur. Nous avons déjà notifié les marchés et ce sont des sociétés françaises – je réponds par anticipation à M. Chenu – qui ont gagné le marché et qui pourront, demain, exporter leur produit, notamment en prévision des Jeux olympiques. Pour financer jusqu'aux 2 milliards que coûtera l'ensemble du réseau radio du futur, le ministère de l'intérieur trouve d'autres participants. L'article 5 dispose : « Ce réseau est mis à la disposition de ces services dans le cadre des missions relevant de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des services d'incendie et de secours, des services d'aide médicale urgente et de tout organisme public ou privé chargé d'une mission de service public dans le domaine du secours. Il est exploité par l'opérateur défini au 15° ter . » L'ONF relève bien entendu de la dernière catégorie, tout comme d'autres administrations : les douanes, l'administration pénitentiaire – la liste n'est pas exhaustive. On ne les a pas citées, mais toutes pourront payer leur quote-part. C'est au ministère de s'engager et l'État a bien sûr déjà bouclé son plan de financement à l'échelle interministérielle. Je le dis à chacun d'entre vous : les Sdis, services départementaux d'incendie et de secours, un par un – en vertu de l'article 72 de la Constitution, qui concerne la libre administration des collectivités territoriales –, pourront adhérer au réseau. Ils seront libres de ne pas y aller, mais je fais le pari que tout le monde ira.
Nous n'avons pas énuméré toutes les administrations qui entreront dans le réseau de radio du futur, préférant la formule générique « tout organisme public ou privé chargé d'une mission de service public dans le domaine du secours ». Je pense que je vous ai convaincu, monsieur Naegelen, et que vous pouvez retirer l'amendement.
L'amendement n° 54 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1222 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 1292 du Gouvernement.
Il vise à compléter l'article 5 afin qu'il puisse s'appliquer dans les collectivités ultramarines du Pacifique, qui disposent de leur propre code des postes et des communications.
Monsieur le ministre, je souhaite obtenir quelques précisions concernant votre exposé sur le réseau radio du futur. Lors des incendies cet été, nous avons constaté, notamment dans mon département du Maine-et-Loire, de grosses difficultés de communications, surtout dans les zones blanches. Le réseau radio du futur permettra-t-il, demain, que l'ensemble des territoires soient couverts par les services que vous avez décrits et, quel que soit le sinistre, pourrons-nous éviter toute difficulté de communication avec les équipes de secours ? Ces dernières ont été contraintes, cet été, d'utiliser des moyens parallèles de communication, ce qui a été particulièrement difficile.
Oui, madame la députée, ce réseau le permettra. L'idée de sa création nous est venue au lendemain de la catastrophe causée à Saint-Martin par l'ouragan Irma. Elle s'est trouvée confortée à la suite de la tempête Alex, qui a ravagé les vallées de la Vésubie et de la Roya. Déjà ministre de l'intérieur à l'époque, j'avais constaté que tous les moyens de communication, y compris ceux du réseau Antares, avaient été coupés avec les policiers, les gendarmes et les pompiers. Nous avons donc imaginé un réseau qui puisse fonctionner grâce à des systèmes techniques différents – je ne vais pas les détailler ici, mais je pourrai vous les présenter ultérieurement, si cela vous intéresse –, indépendamment de toute zone blanche et de tout réseau civil qui viendrait à être coupé à la suite d'une catastrophe naturelle.
C'est tout l'intérêt de mettre en place un réseau extrêmement performant réservé à l'État et aux missionnaires de service public. Il permettra de toujours communiquer, quoi qu'il advienne, non seulement en ondes mais aussi en données et en images, ce qui est une véritable révolution. Nous l'utiliserons en particulier lors des Jeux olympiques – cela constituera en quelque sorte une première étape. Imaginons qu'une cyberattaque de grande ampleur dont nous avons déjà parlé soit perpétrée et coupe les réseaux de communication classiques : les policiers, les gendarmes, les cellules de crise du ministère de l'intérieur, le Samu, les pompiers et, plus généralement, tous ceux qui contribuent à la sécurité de nos concitoyens pourraient tout de même continuer à faire leur travail, y compris dans les zones blanches de certains territoires ruraux ou périurbains.
Vu l'interopérabilité entre les différents systèmes et la possibilité enfin donnée – je ne vous reproche pas les retards pris en la matière – à l'ensemble des services de secours et de sécurité de communiquer entre eux, nous sommes pour.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Pourrait-on s'interrompre quelques instants après de telles émotions ?
Sourires.
L'amendement n° 1292 est adopté à l'unanimité.
L'amendement n° 731 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 264
Nombre de suffrages exprimés 264
Majorité absolue 133
Pour l'adoption 263
Contre 1
L'article 5, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 6.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
…s'était engagé à mettre en œuvre un dispositif de plainte en ligne dès 2023. L'article 6 modifie le code de procédure pénale en ce sens puisqu'il offre aux victimes la possibilité de recourir à une nouvelle modalité de plainte par « un moyen de télécommunication audiovisuelle ». Par ailleurs, une automatisation du dépôt de plainte pourrait alléger les tâches confiées aux agents et améliorer leurs conditions de travail.
Je m'interroge néanmoins sur cette déclaration faite par le ministère de l'intérieur, rapportée par Le Parisien : « Des outils basés sur des algorithmes pourront aider le policier et le gendarme à la prise de décision. » Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Parallèlement, selon plusieurs experts, le nouveau dispositif serait susceptible d'amplifier le phénomène de judiciarisation de la société, qui s'observe déjà, ce qui appelle à développer et à garantir aussi des modes alternatifs à cette judiciarisation.
Sur le fond, le texte vise à la fois les atteintes aux biens et aux personnes. Dans le cas des atteintes aux personnes, il aurait été prudent de préciser que c'est à la demande expresse de la victime qu'il peut être procédé à une visite domiciliaire, afin de s'assurer qu'elle n'a pas agi sous la contrainte. Nous pourrions améliorer l'article en ajoutant cette précision, mes chers collègues, et définir ainsi les garanties utiles et indispensables.
L'article 6 offre une solution alternative particulièrement positive au dépôt de plainte classique en commissariat ; elle est d'ailleurs défendue par de nombreuses associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Il s'agit, bien entendu, d'une procédure alternative qui ne vise en aucun cas à se substituer aux procédés de plainte classiques, lesquels peuvent constituer une barrière non négligeable pour les victimes, qu'elle soit juridique, psychologique ou physique. Cet article permet à toutes les victimes d'avoir le choix, en toute liberté, de se déplacer ou non au commissariat. Il facilite donc l'accès au droit pour tous, la distance étant souvent perçue comme sécurisante pour certaines victimes.
L'article ne concerne que le dépôt de plainte ; il ne vise pas la suite de la procédure au cours de laquelle la victime pourra se rendre au commissariat et poursuivre sa déposition dans le cadre des confrontations et auditions ultérieures.
En définitive, cet article est celui de la liberté offerte à toutes les victimes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'article 6, qui tend à introduire dans le code de procédure pénale un article complétant son article 15-3-1, apporte une amélioration au dispositif de dépôt de plainte. En premier lieu, il prévoit une nouvelle forme de dépôt de plainte, qui s'ajoute aux autres : la plainte en ligne « par un moyen de télécommunication audiovisuelle ». En second lieu, il étend cette modalité – si l'on se réfère aux plaintes en ligne actuelles – aux atteintes aux personnes. Il s'agit donc bel et bien d'une amélioration.
À ce sujet, M. le rapporteur a bien voulu reprendre une partie de notre amendement qui invitait à préciser que ce nouveau moyen ne pourrait en aucun cas être imposé à la victime, celle-ci conservant toujours le choix d'être entendue ou non par un officier de police judiciaire, sur place. En conséquence, le groupe Rassemblement national votera cet article.
Toutefois, celui-ci rate sa cible, en ce qu'il ne va pas assez loin. C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé deux amendements qui visent à faciliter davantage le dépôt de plainte. En effet, le texte, tel qu'il est présenté à notre vote, ne prévoit pas une plainte en ligne, mais seulement un moyen de télécommunication qui, après les travaux en commission, a été défini comme une visioconférence. Or cette dernière nécessite, par définition, la présence d'un officier de police judiciaire, ce qui ne résout pas le problème du manque d'effectifs pour recueillir la plainte d'une personne.
En outre, dans le système actuel, la plainte en ligne effectuée depuis un ordinateur ne vise que les infractions faites aux biens et des petits délits, tels que les troubles du voisinage. Il ne s'agit que de pré-plaintes qui obligent les victimes à se rendre de toute façon au commissariat pour signer leur plainte. Cela ne résout ni le problème de l'appréhension de certaines victimes à déposer plainte ni l'encombrement des commissariats.
Il fallait oser aller plus loin pour faciliter le dépôt de plainte en ligne. C'est pourquoi notre groupe présente deux amendements à l'article que nous voterons néanmoins.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En étudiant l'article 6, nous ne pensions pas y découvrir autant d'atteintes aux droits des victimes et des plaignants.
« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LR.
En effet, il prévoit un système de dépôt de plainte en ligne assorti d'un dispositif de déposition auprès de la police judiciaire par visioconférence. Ce mode de recueil de plaintes ne permet pas aux fonctionnaires de police de s'assurer de l'identité du plaignant – en espérant que la gestion du dispositif ne soit pas à terme confiée à des sociétés privées.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe RE.
Cette absence de vision et d'appréhension du contexte d'enregistrement numérique empêche le contrôle du libre consentement de la victime, et donc de la sincérité des témoignages. Dans le cas d'agressions traumatisantes, les victimes verront s'ajouter à leur détresse un sentiment d'abandon par la société.
Protestations sur quelques bancs du groupe RE.
Enfin, cet article implique un quadruple prérequis technique : disposer d'un système informatique adapté, savoir s'en servir, être dans une zone couverte par les réseaux numériques et ne pas subir d'aléas de logiciel.
Mes chers collègues, nous vous enjoignons de ne pas abonder dans le sens de cette déshumanisation de nos services de police et de gendarmerie. Ce dispositif est, en soi, une flagrante non-assistance à personne en danger ,
Mêmes mouvements
car il s'affranchit tout à la fois de l'obligation de spécialisation des personnels dédiés au recueil de plainte et de l'obligation de proximité que nécessite l'état psychique des victimes. Surtout, il rend inopérante la mise en sécurité immédiate de ces dernières, le cas échéant.
Pour toutes ces raisons, nous invitons cette assemblée à ne pas voter cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
…la possibilité d'utiliser un moyen de télécommunication audiovisuelle change les choses en matière de distance. Pour certaines victimes, cela pourra être plus facile. Ajoutons qu'en commission, nous avons un peu encadré cet article qui, disons-le franchement, partait d'assez loin.
En revanche, et mes collègues l'ont rappelé à l'instant, il y a du négatif : l'humain disparaît et on tend à renvoyer systématiquement à des procédures en distanciel, alors que les victimes ont besoin d'être accompagnées physiquement.
Plus généralement, on est loin de la bonne administration : on est dans l'administration tout court. C'est là que le bât blesse, c'est ça qui est dommage ! Oui, il faut assurer la liberté de réaliser des démarches en ligne, lorsque la situation l'impose. Mais la dérive, le risque, c'est que la distance s'impose en tout et pour tout. C'est sur ce risque-là que je vous alerte ce soir, mes chers collègues, et c'est sur ce point qu'il nous faudrait amender l'article 6. J'en vois certains sourire, mais considérez que ce n'est pas un petit risque, qu'il est bien réel. Il s'agit d'un enjeu notoire qui concerne de nombreuses victimes.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Je me permets de prendre la parole pour répondre aux interpellations des orateurs sur cet article qui, je le souligne, est essentiel. Je vais présenter une argumentation générale, ce qui me permettra ensuite de répondre plus rapidement aux nombreux amendements, très souvent similaires.
Mesdames et messieurs les députés, l'article 6 propose l'une des révolutions numériques les plus importantes du ministère de l'intérieur. Elle permettra à nos concitoyens, dès le vote du texte – sans doute en 2023 –, de déposer des plaintes en ligne. Aujourd'hui, ils ne peuvent que réaliser des pré-plaintes en ligne concernant des atteintes aux biens, et uniquement contre X ; demain, ils pourront déposer des plaintes en ligne sans autres conditions – cela restera, par principe, à leur initiative – et des plaintes par voie de visioconférence. Ce sera toujours, selon le texte, à la demande des victimes, et jamais à la demande des forces de l'ordre, ce qui garantira qu'il y a bien consentement et qu'il s'agit d'une démarche éclairée – mais je ne vais pas contre-argumenter.
Je précise pour la clarté de nos débats et pour ceux qui liront les comptes rendus de l'Assemblée nationale en cas d'éventuels contentieux qu'évidemment, à tout moment, si la victime souhaite interrompre l'audition en ligne parce qu'elle préfère une rencontre physique, cela pourra se faire – la demande pouvant également venir de l'enquêteur. Ce n'est pas parce que le dépôt de plainte a commencé en visioconférence qu'il faut absolument le terminer par ce moyen. Bien sûr, le contact, dans un commissariat, dans une brigade de gendarmerie ou à domicile, est toujours primordial et prioritaire.
Cette disposition constitue, je le répète, une incroyable révolution pour les services de police et de gendarmerie, mais aussi pour les citoyens. Si nous allions ensemble – peut-être pas tous ensemble, cela risque de faire du monde –, à cette heure somme toute tardive, dans n'importe quel commissariat du territoire national, imaginons un commissariat de la préfecture de police de Paris, nous trouverions des personnes qui attendent pour déposer plainte, certaines depuis plusieurs dizaines de minutes.
Il se trouve que je me rends à l'improviste dans un commissariat – ce que vous faites sans doute aussi – plusieurs fois par semaine. Lorsque je demande à ceux qui patientent à l'accueil pourquoi ils sont là, ils me répondent en général, pour ne pas dire dans leur immense majorité, qu'on leur a volé un rétroviseur ou un téléphone, qu'on a détérioré leur véhicule de société, et que leur assureur ou leur employeur exige, avant de réagir ou de les dédommager, qu'ils déposent plainte. Cela me rappelle quelque chose ! Puisque leur plainte n'est pas prioritaire – car, quand les choses sont bien faites, les services de police font passer les victimes de violences physiques avant les atteintes aux biens –, ces personnes attendent des dizaines de minutes, parfois plus longtemps, avant de pouvoir déposer plainte.
Parfois, ces Français ou ces étrangers doivent poser une demi-journée de congé en vue de déposer plainte pour des faits qui sont, somme toute, véniels.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
On peut s'opposer à tout, tout le temps, mais l'opposition au pragmatisme a ses limites politiques.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Arrêtez de critiquer la technologie et le numérique ;
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES
sinon, il faut arrêter de faire des meetings en hologramme.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Sourires.
Madame la présidente, je ne peux pas continuer dans ce brouhaha.
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs.
Vous êtes bien la seule, madame la présidente, si je puis me permettre.
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Revenons à notre plainte au commissariat. Nous proposons aux Français et à tous les usagers des services de sécurité de déposer leur plainte en ligne s'ils le souhaitent, ce qui fera gagner en rapidité lorsque les faits ne sont pas très importants.
J'ai compris que Mme Regol souhaitait compléter le dispositif pour le sécuriser. J'insiste sur la révolution que constitue la plainte en visioconférence dans le traitement des violences intrafamiliales. Depuis longtemps, certains d'entre vous évoquent le fait qu'une partie des victimes de violences physiques, à commencer par les victimes de violences intrafamiliales, très souvent des femmes – ou, malheureusement, des enfants, mais je parle ici des personnes adultes – ont du mal à aller déposer plainte dans un commissariat de police ou à la gendarmerie. Bien sûr, il faut se poser la question de l'accueil et de la formation des policiers et des gendarmes, mais il y a aussi le caractère extrêmement désagréable et très difficile du déplacement tard le soir dans un endroit qui, par nature, n'est pas toujours agréable pour déposer plainte à la sortie de l'hôpital, de la permanence de l'assistante sociale ou du cabinet d'avocat.
Après avoir permis aux policiers et aux gendarmes de se déplacer pour recueillir les plaintes à domicile, chez un avocat, dans les associations d'aide aux victimes et dans les CCAS – centres communaux d'action sociale –, nous proposons que la personne victime de violences conjugales qui n'a pas voulu déposer plainte immédiatement ou qui s'est réfugiée chez un proche puisse désormais le faire par visioconférence.
En effet, elle n'a pas toujours les moyens de se déplacer : imaginons qu'elle soit privée de sa voiture dans le cadre du conflit extrêmement grave qui l'oppose à son compagnon ; imaginons qu'elle ait choisi de partir, y compris à l'étranger ou dans un territoire loin de sa zone de police. Dans ces circonstances, les services renvoient actuellement les victimes vers leur commissariat de secteur, ce qui fait perdre du temps. La personne pourra désormais déposer une première plainte en visioconférence pour marquer le coup et démontrer qu'elle est une victime.
Mesdames et messieurs les députés, je fais le pari que la révolution numérique qui permettra en particulier aux victimes de déposer plainte à distance contribuera à la libération de la parole que nous souhaitons tous. Il reviendra aux services de police de prendre ces premiers faits très au sérieux et d'intervenir pour saisir les armes de la personne, le cas échéant, ou pour faire cesser son comportement violent.
Enfin, et j'en terminerai là… .
« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et LFI – NUPES
Si vous ne voulez pas de réponses, il ne faut pas poser de questions !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Il existe de nombreux contentieux qui ne relèvent pas de la spécialité des gendarmes ou des policiers du secteur, notamment dans les territoires ruraux. On dit souvent à quelqu'un qui vient déposer plainte : « Oh ! Votre question est compliquée, il faut que vous alliez dans la grande ville pour rencontrer l'enquêteur spécialisé, par exemple dans le contentieux du bois. » Plutôt que de lui faire parcourir 250 kilomètres, il serait peut-être plus intelligent de donner à cette personne un rendez-vous par visioconférence.
« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.
Bref, l'article 6 ne relève pas de l'idéologie que certains évoquent ; c'est au contraire le progrès au service de la sécurité de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je suis saisie de deux amendements de suppression de l'article, n° 525 et 667.
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour soutenir l'amendement n° 525 .
Brouhaha continu sur divers bancs jusqu'à la fin de l'intervention de l'orateur.
…le dépôt de plainte en ouvrant la possibilité aux victimes de procéder par voie de télécommunication audiovisuelle.
L'argument de la simplification a toujours servi pour masquer le démantèlement des services publics, lequel se fait particulièrement sentir dans les communes rurales.
M. Matthias Tavel applaudit.
C'est ce qu'évoque la Défenseure des droits dans son rapport du 16 février 2022, lequel indique que la transformation numérique des services publics est assortie d'une réduction du nombre d'agents présents au guichet. J'ai une pensée particulière pour les victimes de violences sexistes, sexuelles et intrafamiliales qui verront de nouvelles barrières se dresser sur leur chemin.
La dématérialisation à marche forcée met en danger notre cohésion sociale et porte atteinte au principe d'égal accès aux services publics. C'est ce que je peux observer moi-même au sein de ma circonscription : lors d'une assemblée populaire organisée dans la commune de Le Pin, des personnes âgées m'ont manifesté leur désarroi face à une dématérialisation qui présuppose un égal accès aux outils numériques et l'égale maîtrise de ces derniers. Les personnes âgées et les personnes en situation de précarité sociale ne sont pas les seules à rencontrer des difficultés face à la dématérialisation. Nous sommes toutes et tous concernés car chacun d'entre nous peut un jour rencontrer un blocage face à un formulaire en ligne,…
Mes chers collègues, un fond sonore persiste. Je vous invite à laisser l'orateur s'exprimer.
…ne pas parvenir à joindre un agent et échouer à dénouer un problème, faute de dialogue.
Si nous sommes concernés, c'est aussi parce que la dématérialisation implique « un report systémique sur l'usager de tâches et de coûts qui incombaient auparavant à l'administration », pour reprendre les termes de la Défenseure des droits.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mes chers collègues, pourriez-vous baisser le niveau sonore de vos échanges du côté du Rassemblement national ? Je vous remercie.
C'est exactement le même principe que les caisses automatiques censées nous faire gagner du temps à la sortie des supermarchés, lesquelles permettent surtout aux grandes enseignes de ne plus embaucher de caissiers ni de caissières et de réaliser ainsi des économies au profit des actionnaires.
Rien ne remplace l'être humain quand il s'agit de service public. Quand vous êtes en gare, que le guichet est fermé et que l'automate est en panne, vous comprenez qu'il faut réinvestir dans l'humain. De la même façon, les victimes de violences sexistes, sexuelles et intrafamiliales doivent pouvoir pousser la porte d'un commissariat pour se sentir en sécurité et déposer plainte dans les meilleures conditions. Les humains sont des êtres sociaux ; nous demandons donc la suppression de l'article.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 667 .
Monsieur le ministre, dans votre réponse aux interventions sur l'article, vous avez cité des cas précis d'atteintes aux biens et de plaintes déposées par des femmes dans le cadre de violences sexistes et sexuelles. Néanmoins, le mouvement de dématérialisation lancé par l'article 6, qui est aussi un mouvement de distanciation de la plainte, est loin d'être restreint à un cadre aussi précis : c'est un mouvement large, au moment même où plusieurs évaluations extrêmement importantes, dont celle de la Défenseure des droits – mais, j'insiste, ce n'est pas la seule –, soulignent les différents problèmes posés par la dématérialisation des services publics – les préfectures, en particulier –, notamment celui de l'exclusion et de l'éloignement des publics les plus vulnérables. Il me semble que cette interrogation n'est pas présente à l'article 6.
Je répète, à l'intention de nos collègues qui n'étaient pas présents en commission, que l'article 6 figure dans un chapitre du texte intitulé « Améliorer l'accueil des victimes » – sujet également abordé dans le rapport annexé. Ce chapitre ne contient qu'une seule proposition : la dématérialisation. L'amélioration est extrêmement faible !
Le sentiment qui domine est que la dématérialisation est davantage motivée par un manque de moyens ou une réorientation de ceux-ci que par le souci de mieux accueillir les victimes.
J'ajoute une chose concernant l'accueil des victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats. Certaines associations de défense des droits des femmes revendiquent effectivement la possibilité de déposer une pré-plainte en ligne ou une plainte par un moyen audiovisuel. Pourquoi ? Parce qu'elles constatent que la formation des agents n'est pas la même dans tous les commissariats et qu'elle est encore parfois désastreuse dans certains d'entre eux.
Pour ma part, je préférerais donc que la Lopmi comporte un engagement fort à déployer rapidement les moyens nécessaires à un meilleur accueil dans les commissariats plutôt que de proposer cette forme d'éloignement.
Je crois que le dépôt de plainte à distance – même si je soutiens cette revendication – pose un petit problème et je pense que la présence physique lors de l'écoute de la plaignante est extrêmement importante pour la suite de l'enquête. Je songe également aux cas où il faut faire constater les violences à dans un institut médico-légal : vous savez combien il est compliqué de convaincre les femmes de s'y rendre car il se trouve souvent dans une autre ville – heureusement, certaines communes mettent des taxis à disposition.
Le lien avec la victime est ténu ; il faut tout faire pour le préserver. Je crains que la distance ne permette pas cela – même si je suis bien consciente qu'une revendication existe aujourd'hui en la matière, mais je vous ai dit pourquoi.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.
Cher Jean-François Coulomme, il n'est pas sérieux de laisser croire à celles et ceux qui nous écouteraient ce soir, voire à certains collègues députés, comme vous l'avez fait il y a quelques minutes, que nous pourrions abandonner une étape de la procédure pénale à la sécurité privée. Ce n'est pas sérieux et ce n'est pas juste : non seulement ce ne serait pas constitutionnel, mais ce n'est absolument pas dans notre intention.
Chère Sandra Regol, vous demandez où est l'humain. Mais l'humain est au cœur de ce dispositif ! Ce que nous voulons, c'est la diversité de la prise en charge des victimes, c'est leur offrir une possibilité de plus ; ce n'est pas les contraindre à utiliser un moyen de vidéoconférence – car il s'agit bien d'une vidéoconférence. Je rappelle que les plaintes en ligne sons déjà possibles, notamment pour les atteintes aux biens.
D'où vient l'idée d'introduire des moyens de télécommunication dans la procédure pénale ? D'un gouvernement liberticide ? Eh bien non ! C'est le gouvernement de Lionel Jospin qui l'a proposée le premier, dans la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, dite loi Guigou.
« Ah ! » sur les bancs du groupe RE.
Eh oui ! La première fois que le législateur a introduit des moyens de télécommunication dans la procédure pénale en France, c'était avec la loi Guigou. Ces moyens de télécommunication étaient alors utilisés dans le cadre d'auditions, y compris dans des cas particulièrement sensibles, des confrontations de personnes notamment.
Madame Faucillon, vous avez évoqué la lutte contre les violences intrafamiliales. Certes, on peut toujours faire plus, mais l'action du Gouvernement dans ce domaine est exemplaire depuis 2017. En tout cas, elle est sans précédent. La Lopmi prévoit 2 000 enquêteurs supplémentaires et 200 nouveaux intervenants sociaux – leur nombre va passer de 400 à 600. Ces recrutements seront d'ailleurs amenés à se poursuivre à l'avenir.
Le projet de loi prévoit également des fiches de prévention, destinées à préciser les modalités de la prise en charge et de l'accompagnement des victimes, et le doublement des effectifs de la police de proximité – nous en avons parlé hier. Nos forces de l'ordre seront demain beaucoup plus présentes dans les transports en commun car c'est principalement là qu'ont lieu les violences faites aux femmes.
Vous avez déclaré que les femmes ne voulaient pas du dispositif prévu à l'article 6.
Pardonnez-moi, madame Faucillon, il m'arrive de confondre les orateurs.
Nous avons réuni des associations : Fondation des femmes, Stop harcèlement de rue, Resonantes, et Womenability. La Fédération nationale Solidarité femmes ne pouvait pas participer à cette audition, mais elle nous a écrit ses recommandations. Sans exception, toutes ces associations qui viennent en aide aux femmes au quotidien nous ont dit que la possibilité ouverte à l'article 6 était un progrès !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Et c'est bien le cas. Cela a été dit, l'article 6 a été modifié par la commission afin de doter le dispositif de garanties supplémentaires. Il n'y a aucune ambiguïté sur le fait que l'usage de ces moyens de télécommunication doit reposer sur la volonté de la victime. C'est à elle de choisir ! D'après les associations, dans certains cas d'agressions graves, si la victime le souhaite, il est préférable qu'elle dépose sa plainte ou qu'elle soit auditionnée par vidéoconférence – parce qu'elle ne veut pas se rendre dans une unité de gendarmerie ou dans un commissariat. À ce sujet, madame Faucillon, sachez que nous rénovons les unités de gendarmerie et les commissariats pour améliorer l'accueil des victimes mais aussi les conditions de travail des gendarmes et des policiers.
Enfin, nous avons apporté une dernière garantie en veillant à ce que toutes les questions sensibles, comme les modalités d'application, en particulier celles relatives à l'accompagnement des victimes, se fondent sur un décret en Conseil d'État. Dans ses avis des mois de mars et de septembre derniers, le Conseil d'État s'est montré, à juste titre, exigeant à l'égard du projet de loi – nous avons tenté de répondre à certaines de ses exigences. Qui mieux que le Conseil d'État rappellera les garanties nécessaires pour faire du dépôt de plainte par vidéoconférence un progrès ? Car c'est bien là notre objectif, madame la députée. Avis défavorable sur les deux amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Avis défavorable.
Vous êtes plutôt un bon orateur d'habitude, monsieur Darmanin, mais là vous vous êtes planté !
Protestations sur les bancs du groupe RE.
C'est assez rare mais, pour une fois, vos sophismes n'étaient pas convaincants.
Avec cet article, nous craignons que la dématérialisation soit synonyme d'une baisse de qualité du service public en présentiel. Vous affirmez qu'il n'en sera rien et pourtant vous nous avez expliqué tout à l'heure que des personnes sont parfois obligées de prendre un jour de congé pour déposer plainte dans un commissariat. L'article 6 introduit une nouvelle solution toutefois, selon vous, le libre choix de chacun sera respecté : on pourra se rendre au commissariat ou déposer sa plainte en ligne. Mais alors, pour celles et ceux qui choisissent de se rendre au commissariat, vous ne changez rien, ce sera toujours le même bazar, les mêmes problèmes !
Non, il y aura moins de monde !
Récemment, j'ai voulu déposer une pré-plainte en ligne. Il a fallu quinze jours pour qu'elle soit enregistrée ! Pourquoi ? Parce que les agents de police ne sont pas suffisamment nombreux pour les traiter – ce sont eux-mêmes qui me l'ont dit. Or il faut obligatoirement un agent de police pour examiner une plainte et apposer sa signature en bas du document. Dématérialisation ou pas, si vous ne réglez pas ce problème de sous-effectifs, vous n'aurez aucune chance d'améliorer le service public de la police, monsieur Darmanin !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo – NUPES.
À titre personnel, je suis réservé sur l'article 6, dont les objectifs ne me semblent pas cohérents avec le dispositif proposé.
S'agissant des plaintes concernant des atteintes aux biens, nous avons bien compris votre logique : vous visez un traitement de masse, ce qui est compréhensible. Les victimes ont besoin d'un récépissé de dépôt de plainte pour être remboursées par leur assurance et vous souhaitez fluidifier la procédure. Attendez-vous toutefois à voir se dégrader les statistiques du ministère de l'intérieur en matière d'élucidation. En effet, la possibilité d'effectuer la procédure en ligne va sans doute générer un plus grand nombre de plaintes. Jusqu'à présent, certaines d'entre elles passaient à travers les mailles du filet. On ne peut évidemment que se féliciter de cette amélioration de l'accès au droit. Reste que vos services seront dans l'obligation de s'organiser pour absorber un gros volume de plaintes, qu'il s'agisse de vols de téléphones ou de dégradations de rétroviseurs. En tout état de cause, pour les statistiques et l'élucidation des affaires, il est sans doute positif que toutes les plaintes soient centralisées.
Pour les atteintes aux personnes, en revanche, le dispositif de l'article 6 ne paraît absolument pas adapté. Les plaintes liées à des violences intrafamiliales ne peuvent évidemment pas être recueillies par un service central à l'aide de la vidéoconférence.
Ces plaintes doivent être déposées dans le commissariat le plus proche.
De toute évidence, l'organisation sera soumise à une injonction contradictoire, sauf à déstructurer les petits commissariats et les petites gendarmeries en leur demandant d'organiser des permanences en ligne presque quotidiennement.
Je suis donc partagé sur l'article 6, d'autant que certains éléments d'une affaire sont parfois relatifs à des actes de procédure. Dans le cas du vol de bois que vous avez évoqué, monsieur le ministre, nécessitant l'intervention d'un expert qui se trouve dans un grand bourg éloigné, il ne s'agit pas tant de déposer une plainte que d'une procédure et en l'occurrence de diligenter une enquête. La plainte peut être déposée auprès de l'officier de police judiciaire du commissariat de proximité ; l'enquête, elle, peut être menée grâce à la visioconférence.
M. Ian Boucard applaudit.
Les deux orateurs ayant manifestement pris la parole en faveur des amendements, je donne la parole à Mme Caroline Abadie pour s'exprimer contre.
Ce dont nous parlons ici, c'est d'une simple possibilité offerte par l'article 6. « Toute victime d'une infraction pénale peut » est-il écrit. Les victimes ont le choix de déposer leur plainte dans un commissariat ou une gendarmerie ou en ligne, sur leur ordinateur, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, chez elles ou depuis leur travail. Nous ne sommes donc nullement en train de restreindre le service public. Au contraire, nous offrons à nos concitoyens une nouvelle possibilité.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) elle-même a formulé cette proposition, regrettant qu'un nombre très faible de personnes déposent une plainte lorsqu'elles sont victimes de discriminations ou d'actes racistes ou antisémites. Ces personnes ont souvent du mal à franchir la porte du commissariat.
De nombreuses associations qui œuvrent aux côtés des victimes de violences conjugales ont également fait la demande d'un tel dispositif, non pas parce que l'accueil des victimes dans les commissariats n'est pas satisfaisant – il y a sans doute des progrès à faire, mais la situation s'est déjà énormément améliorée grâce à la présence de travailleurs sociaux –, mais parce qu'il est très compliqué pour elles de sortir de la spirale de violences familiales dans laquelle elles sont enfermées. Au-delà de l'accueil des gendarmeries et des commissariats, il faut parfois des mois ou des années aux victimes pour porter plainte, même quand elles sont accompagnées par les meilleures associations.
Je salue donc la nouvelle possibilité offerte aux victimes par le projet de loi. Quant à savoir s'il existe des heures de pointe dans les commissariats et les gendarmeries, c'est évidemment le cas. Il est beaucoup plus simple pour chacun de s'y rendre en dehors des heures de travail. Je n'appelle pas cela le bazar, mais un service public qui fait son travail. Si vous voulez plus de moyens, monsieur Léaument, votez pour le projet de loi : il prévoit 8 500 recrutements et cela permettra qu'il n'y ait plus de bazar dans votre commissariat !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
La première phrase de l'article 15-3 du code de procédure pénale dispose : « Les officiers et les agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents. » Le présent amendement vise à compléter la phrase en précisant que l'obligation vaut également si la plainte est déposée par moyen de télécommunication audiovisuelle.
On pourrait penser que l'amendement est satisfait, mais nous pensons important d'apporter cette précision au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale.
M. Benjamin Saint-Huile applaudit.
Votre amendement visant à faire figurer l'usage des moyens de télécommunication audiovisuelle dans l'article consacré aux conditions de droit commun du dépôt de plaint est tout à fait justifié, cher collègue, mais je préfère la rédaction de l'amendement n° 421 de Mme Cécile Untermaier – qui s'est elle-même inspirée d'un amendement de Mme Laurence Vichnievsky –, sur lequel j'ai déposé un sous-amendement. Je vous invite donc à le retirer au profit de l'amendement n° 421 .
Trois collègues du groupe LIOT, issus des rangs socialistes, me poussent à retirer notre amendement au profit de l'amendement n 421 puisqu'il s'agit d'un amendement de Mme Untermaier ! Je me plie à la majorité de mon groupe et je le retire.
Sourires.
L'amendement n° 55 est retiré.
La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l'amendement n° 1036 .
Il est le fruit de la pratique. Du fait de mon métier d'avocate, je suis souvent dans les commissariats, où l'on demande fréquemment aux victimes de violences conjugales de présenter des preuves. Il arrive qu'elles n'en aient pas. On leur propose alors de déposer une main courante. On l'a vu récemment avec la meurtrière de la petite Lola. Il avait été conseillé aux deux secrétaires médicales qu'elle avait agressées de déposer une main courante. Or l'effet juridique d'une main courante est différent de celui d'une plainte puisque le procureur de la République n'en est pas informé.
L'article 15-3 du code de procédure pénale prévoit que les officiers de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale, mais sans aller plus loin. Pour enfoncer le clou, je vous propose une nouvelle rédaction précisant que « les officiers et agents de police judiciaire ne peuvent refuser de recevoir la plainte ni inciter la personne à déposer une main courante en lieu et place d'une plainte », même en l'absence de preuve. Le seul à pouvoir juger de la validité des preuves est le procureur de la République.
Je vous vois hocher la tête, monsieur Darmanin. J'imagine que vous allez formuler un avis favorable sur mon amendement !
Sourires sur les bancs du RN.
S'il était adopté, ce serait une véritable avancée pour toutes les victimes. Je pense à toutes mes clientes qui subissent une double peine : elles sortent éconduites du commissariat où on leur a expliqué qu'elles n'avaient pas de preuves, pas de trace de coups, pas de constat de l'unité médico-judiciaire (UMJ).
La phrase que nous proposons d'ajouter dans le texte ne changerait rien à l'esprit du projet de loi. J'invite tous mes collègues à voter cet amendement issu de la pratique. C'est la pratique qui doit guider le vote des députés !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ce que vous souhaitez correspond au droit en vigueur. Nous en avons parlé hors de l'hémicycle, chère collègue : l'article 15-3 du code de procédure pénale dispose que « les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes ». On peut l'écrire de vingt manières différentes, la loi le prévoit déjà.
Vous êtes avocate de formation, vous savez donc que votre amendement est satisfait.
Nous comprenons bien votre message, mais on ne peut mieux écrire le code de procédure pénale qu'il ne l'est déjà. Avis défavorable.
Je comprends votre interrogation, madame la députée, mais nous avons déjà modifié la loi pour que cette disposition y figure. Peut-être faut-il le rappeler à chacune et à chacun : la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, que j'ai défendue lors de la législature précédente avec M. le garde des sceaux, prévoit que, désormais, toute personne adulte, y compris bien sûr un avocat, peut accompagner une victime supposée lors de son dépôt de plainte, ne serait-ce que pour lui rappeler ses droits. De plus, et vous avez parfaitement raison, les policiers et les gendarmes ne peuvent pas refuser de recevoir une plainte.
Cela étant, s'agissant notamment des atteintes aux biens, vous savez bien que ces derniers peuvent indiquer à la victime qu'il vaut mieux – je dis bien « vaut mieux » – disposer de certains documents lors du dépôt de plainte, afin d'aider aux poursuites pénales. En effet, ne pas fournir le numéro IMEI – identité internationale d'équipement mobile – de son téléphone ou la marque de son téléviseur lorsqu'on a subi un vol, cela n'aide pas les enquêteurs dans leur travail. Il ne faut donc pas systématiser comme vous le faites.
Vous me permettrez aussi de vous faire remarquer que ce qui était vrai pour les mains courantes ne l'est plus aujourd'hui. Premièrement, instruction a évidemment été donnée et répétée de ne pas les prendre. Mais indépendamment du fait qu'on puisse ne pas les recevoir et que certaines victimes souhaitent néanmoins les déposer, vous savez très bien que les circulaires de politique pénale sont scrupuleusement suivies par tous les parquets et que les mains courantes leur sont désormais transmises lorsqu'elles concernent les violences faites aux personnes, ou encore les violences intrafamiliales. Nous avons vu dans des affaires récentes que des parquets avaient ouvert des enquêtes sur le fondement de mains courantes, sans que le dépôt d'une plainte ait été nécessaire. Il me semble donc que votre témoignage porte plus sur la période précédant l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions juridiques.
Enfin, même si j'ai bien conscience que ce n'est pas l'objet de votre propos, je note un léger manque de cohérence au sein de votre groupe politique, madame la députée. Depuis six mois, vous relayez à longueur de journée la demande des policiers d'atténuer les lourdeurs administratives dans le code de procédure pénale, alors que si cet amendement était adopté, vous en ajouteriez. Je trouve donc les applaudissements de votre groupe quelque peu contradictoires, sachant que vous réclamez aussi de faire confiance aux policiers et aux gendarmes. À cet égard, et c'est très important, l'article 15-3 du code de procédure pénale prévoit bien que ces derniers ne peuvent refuser de recevoir une plainte. Je ne veux pas croire qu'au Rassemblement national, on pense que les policiers et les gendarmes ne font pas bien leur travail. Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Comme l'ont rappelé M. le rapporteur et M. le ministre, cet amendement est satisfait dans la loi : nous sommes tout à fait d'accord.
Cela étant, force est de constater que, dans les faits, les choses sont différentes. En tant que parlementaires, nous avons tous été démarchés par des concitoyens qui ont voulu déposer une plainte dans un commissariat ou une caserne de gendarmerie, mais n'ont pu le faire, par manque d'effectifs, par manque de temps de ces effectifs, voire par manque de moyens de ces derniers.
Je le répète, cet amendement est satisfait dans la loi mais, comme l'a dit notre collègue, ce n'est pas le cas dans la pratique.
C'est comme les contrôles au faciès : c'est interdit par la loi, mais dans les faits…
Il vous revient donc, monsieur le ministre, de donner des consignes précises et des moyens – c'est l'objet de cette Lopmi – pour que toutes les plaintes de tous nos concitoyens soient réellement reçues dans nos commissariats et nos casernes de gendarmerie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 212
Nombre de suffrages exprimés 192
Majorité absolue 97
Pour l'adoption 55
Contre 137
L'amendement n° 1036 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement n° 377 .
Monsieur le ministre, je suis complètement d'accord avec vous, l'article 6 constitue une sorte de révolution : il est certain qu'il sera profitable aux victimes dans certains cas et aux policiers dans certains types de procédure. Cela étant, comme il s'agit d'une révolution, il faut que les choses soient très précises : c'est pourquoi j'ai déposé cet amendement qui vise à adopter une rédaction plus claire que celle votée en commission des lois.
Il a ainsi pour objet de préciser les rôles respectifs des services de police et des victimes au cours de la procédure – ce qui n'apparaît plus dans le texte issu de la commission –, en prévoyant qu'il revient aux services de police de proposer à la victime de déposer plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle, ce que la victime peut refuser.
L'amendement tend également à préciser ce qu'il advient en cas de refus de la victime – sa plainte est alors reçue par audition en présence physique et par procès-verbal, comme c'est actuellement le cas pour toutes les infractions.
Enfin, il vise à déterminer le champ d'application de la réforme, à savoir que ce type de procédure est applicable aux délits et aux contraventions, non aux crimes, car c'est au législateur d'en décider.
Votre formulation est, en réalité, nettement moins favorable aux victimes. Celle issue de la commission des lois, dont je ne suis pas l'auteur, prévoit que « toute victime d'une infraction pénale peut […] déposer plainte ». Selon la vôtre, qui était aussi celle du Sénat, toute victime d'infraction pénale pourrait « se voir proposer de déposer plainte ».
Nous considérons que c'est à la victime et à elle seule de décider, en toutes circonstances et sans aucune pression ni incitation à l'usage de la vidéoconférence, du mode de dépôt de plainte. Je m'en tiens donc à ce que nous venons de dire. Nous souhaitons instaurer une pluralité de prises en charge, et il me semble que notre formulation sécurise cette pluralité, alors que la vôtre introduirait une ambiguïté. Avis défavorable.
Non, je ne le retire pas, car je crois au contraire que l'ambiguïté se situe dans la rédaction de la commission des lois et qu'il faut bien prévoir les conditions dans lesquelles la victime sera informée de la possibilité de déposer plainte en ligne ou par visioconférence. Que se passera-t-il concrètement ? Vous le disiez tout à l'heure, la victime se rendra au commissariat et on lui dira que s'il s'agit d'une infraction aux biens ou aux personnes – pour certaines d'entre elles –, il est possible de déposer plainte en ligne ou en visioconférence et qu'en cas de refus, la plainte sera reçue en présentiel. Il me semble que tout cela doit être précisé – ça ne l'est pas dans le texte adopté par la commission des lois. Permettez-moi d'insister sur ce point : c'est l'opinion d'une ancienne praticienne que je vous donne.
Il faudrait aller au commissariat pour se voir proposer de déposer une plainte en ligne ? Sauf si je n'ai pas bien compris, il me semble qu'il y a un problème. Quoi qu'il en soit, il s'agirait d'un recul par rapport à ce que nous avons obtenu en commission sur l'interdiction, pour les services de police, de proposer le recours à la plainte en ligne. Car l'effet de bord a été identifié à de nombreuses reprises : les policiers ou les gendarmes diront qu'ils n'ont pas le temps de la recevoir directement et qu'il faut la déposer en ligne, sachant que, par la force des choses, plutôt que de faire trois heures de queue, la victime renoncera d'elle-même et déposera sa plainte depuis chez elle.
Sourires et murmures sur quelques bancs du groupe RE.
Précisons tout de même qu'une partie de l'équation reste à résoudre. Si j'ai bien compris, M. le ministre souhaite disposer de la coquille juridique relative à la plainte en ligne, laquelle recoupe deux choses : la plainte en ligne en tant que telle et celle par visioconférence, qui est radicalement différente. Or nous ne savons pas comment le dépôt d'une plainte par visioconférence se déroulera concrètement.
Lors de son audition, le directeur général de la police nationale nous a dit qu'une plateforme virtualisée sera probablement constituée, avec des policiers derrière leur écran dans des commissariats partout dans le pays. Si tel est le cas, la victime s'entretiendra avec le premier opérateur disponible, lequel se trouvera peut-être à l'autre bout de la France. Il faudra donc de toute façon rapatrier la plainte dans le commissariat territorialement compétent, qui a besoin de savoir quelles infractions sont commises dans son secteur. Nous allons donc créer une nouvelle lourdeur administrative interne, accroître le délai de traitement des plaintes et augmenter leur nombre, alors que nous peinons déjà à traiter celles que nous avons sur les bras.
Vous avez entendu les procureurs qui, sans donner leur nom, ont indiqué qu'ils n'avaient pas choisi ce métier pour classer sans suite des pelletées entières de dossiers, au motif qu'ils avaient été ouverts il y a plus de quatre ou six ans. À Beauvais, où je me suis rendu, ce sont 7 000 dossiers – 7 000 ! – qui ont été classés sans suite après avoir traîné sur des armoires pendant plus de six ans. Si c'est pour atteindre ce résultat, c'est sûr que c'est plus simple : on pourra déposer plainte en ligne ou par visioconférence, mais elle finira tout de même sur une armoire.
L'amendement n° 377 n'est pas adopté.
L'amendement n° 504 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Amélia Lakrafi, pour soutenir l'amendement n° 191 .
Comme les violences conjugales ne s'arrêtent malheureusement pas à la frontière, je souhaite, par cet amendement, préciser le périmètre d'application du dispositif prévu à l'article 6.
J'en profite d'ailleurs pour vous remercier à nouveau, monsieur le ministre, pour cette révolution numérique aussi utile qu'attendue.
Votre amendement est satisfait, aussi je vous demande de bien vouloir le retirer.
Je le retire. Je vais suivre le cheminement du texte et j'informerai nos compatriotes résidant à l'étranger. Je vous remercie en leur nom, particulièrement ceux qui vivent dans des pays difficiles – au hasard, l'Iran. Je pense que ce dispositif leur servira.
L'amendement n° 191 est retiré.
Cet amendement de notre collègue Sabrina Sebaihi vise à faire en sorte que le dépôt de plainte par télécommunication audiovisuelle ne soit autorisé que pour les infractions les moins graves. Porter plainte est souvent éprouvant et nécessite un accompagnement humain. Pour ce qui nous concerne, nous croyons que les services publics, particulièrement ceux relevant de la sécurité et de la justice, ne sont pas de simples objets de démarches administratives, mais bien des lieux où le lien et la présence humaine sont indispensables.
Il vise à supprimer une précision inutile adoptée en commission des lois. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
J'estime sincèrement qu'on ne peut que se féliciter qu'il existe dans le projet de loi un chapitre intitulé « Améliorer l'accueil des victimes ». Je le dis sereinement, je n'adhère pas du tout à l'idée selon laquelle nous choisirions ici la pire stratégie possible et que nous serions même dans le domaine de la non-assistance à personne en danger.
J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Mme Faucillon qui, au fond, a ramené l'article à ce à quoi nous devons aboutir, c'est-à-dire accompagner au mieux la souffrance des victimes. Ainsi, par cet amendement, le groupe Socialistes et apparentés souhaite distinguer les infractions pour lesquels les problèmes liés à l'usage des moyens audiovisuels pourraient sembler moindres, à savoir les atteintes aux biens, des atteintes à l'intégrité physique des personnes.
Nous voyons bien que depuis tout à l'heure, au travers de l'examen des différents amendements, nous essayons de trouver la rédaction offrant le plus de garanties aux victimes de ce dernier type d'infractions, qui doivent être protégées et accompagnées au mieux, y compris et surtout dans les situations les plus délicates, celles qui ont trait, entre autres, aux violences intrafamiliales ou sexuelles.
Je vous propose donc une formulation distinguant clairement deux cas : celui des atteintes aux biens, dans lequel il est possible de proposer à la victime de déposer plainte en ligne ; celui des atteintes à l'intégrité physique, dans lequel la plainte en ligne ne pourra résulter que d'une demande expresse de la victime, sachant qu'on peut être face à des situations familiales complexes voire très complexes.
Nous défendrons également avec Mme Cécile Untermaier deux amendements visant à sécuriser ce dispositif.
Mes chers collègues, je vous informe que, sur l'amendement n° 761 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
En introduction de nos discussions, nous avons eu une très longue explication de M. le ministre sur le travail de cadrage indispensable. Or toute cette série d'amendements vise à donner un cadrage plus strict et plus solide à cet article, et je m'étonne donc qu'ils reçoivent un avis défavorable, puisqu'ils vont précisément dans le sens que prônait le ministre. Il serait temps de procéder à ce cadrage de l'article, en adoptant ces amendements qui posent des limites et permettent de les comprendre.
Je serais ravi de connaître la raison pour laquelle mon amendement n° 250 a reçu un avis défavorable de la part du rapporteur et du ministre, sans aucune explication.
Je l'ai longuement expliqué dans mon intervention, il y a quelques minutes, mais je suis prêt à le répéter. Nous souhaitons en effet que le choix existe pour la victime – cela figure dans le texte, sans aucune ambiguïté – et que toute infraction qui la concerne puisse, si elle le souhaite, faire l'objet d'une plainte par vidéoconférence. Mais j'ajoute que c'est le décret en Conseil d'État qui déterminera les modalités d'application et d'accompagnement, car je vous rappelle que j'ai souhaité que ce décret porte aussi sur les modalités d'accompagnement des victimes. À défaut de vous avoir convaincu, je vous ai au moins répondu.
L'amendement n° 1093 n'est pas adopté.
Je rebondis sur ce qu'a dit notre collègue Laurence Vichnievsky sur la pratique du dépôt de plainte et, surtout, sur la manière dont celle-ci pourra être appréciée lors de l'audience, puisque, lorsqu'une plainte est déposée on espère que l'affaire sera jugée. À cet égard, il m'a paru important de compléter l'article 6, pour les cas de plaintes déposées par vidéotransmission. On sait en effet que le visionnage de la plainte à l'audience, en particulier dans les affaires de violences faites aux femmes ou d'agression sur des personnes âgées, permet d'apprécier non seulement la véracité des faits rapportés mais également leurs répercussions psychologiques sur la victime.
Outre que ce visionnage permet de caractériser la plainte qui va mettre en branle l'action publique, il offre un élément d'appréciation à la formation de jugement. Or l'article 6 ne dit rien de l'enregistrement des plaintes déposées par vidéotransmission. C'est pourquoi il me paraît important non seulement que l'officier de police judiciaire qui reçoit cette plainte propose son enregistrement à la victime, mais également qu'il recueille le consentement de cette dernière.
Si on ne le fait pas, lorsqu'un dossier compliqué sera jugé, la défense déposera immanquablement une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), au motif que les règles fixées par la Cnil n'auraient pas été respectées. Pardon pour ce terme familier mais mon amendement est destiné à bétonner la procédure, pour éviter qu'en phase de jugement une QPC vienne anéantir la plainte, avec les effets catastrophiques que l'on peut imaginer pour les victimes.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La commission n'a pas examiné cet amendement. L'enregistrement n'est pas prévu par le texte. Je vais donc laisser le ministre répondre sur cette question particulièrement sensible.
Monsieur le député, vous posez une belle et grande question, qui mérite qu'on s'y attarde quelques instants. Si je donne un avis défavorable à votre amendement, ce n'est pas parce que j'y suis opposé…
Non, ce n'est pas parce qu'il vient du Rassemblement national mais parce que les conditions dans lesquelles est recueillie la parole de la victime – et, par parallélisme des formes, celle de l'accusé – ont des répercussions sur le déroulement du procès.
Votre amendement aborde un point de droit qui touche à la philosophie de notre procédure pénale et, à ce titre, relèverait davantage du prochain projet de loi sur la justice que du ministère de l'intérieur. Au-delà du dépôt de plainte en visioconférence, dont j'ai bien compris qu'il constituait le cœur de votre amendement, faut-il filmer toutes les auditions de victimes et d'accusés, dans le but de les transmettre au procureur de la République afin qu'il engage les poursuites, au juge d'instruction lorsqu'il est nécessaire de lui rappeler l'historique de la première plainte, parfois plusieurs années en amont, ou encore pour les projeter devant les magistrats et éventuellement les jurés populaires des assises ?
Vous savez qu'au-delà des paroles, le langage corporel compte. Certains estiment même qu'il peut en dire beaucoup sur une victime supposée ou un suspect. Le meilleur exemple en est le cas de Dominique Baudis – paix à son âme – apparu le visage en sueur au « 20h » de TF1, ce que tout le monde interpréta comme un signe de sa culpabilité, alors que nous devions apprendre, des années et des calomnies plus tard, qu'il était parfaitement innocent. On ne peut donc pas d'emblée basculer du caractère écrit de la plainte – en usage aujourd'hui dans la procédure – à son enregistrement audiovisuel sans s'interroger très sérieusement sur les conditions de recueil de ladite plainte auprès de la victime.
Cela ne signifie pas que votre question soit mauvaise, et nous nous sommes nous-mêmes interrogés, avant de penser à la visioplainte, pour savoir si l'audiovisuel pouvait permettre d'épargner aux policiers et aux gendarmes la tâche administrative sans doute un peu longue de dactylographie. Pourquoi en effet ne pas avoir recours à l'un des nombreux logiciels qui permettent d'établir automatiquement un compte rendu analytique à partir du film d'une longue audition – le film serait ensuite également transmis au procureur de la République ou au magistrat instructeur ? Si en l'espèce, les décrets empêchent une telle évolution, nous ne sommes pas allés plus loin dans notre réflexion sur la transcription parce que la question globale que nous avons ouverte avec le garde des sceaux est en définitive celle du passage d'une procédure écrite à une procédure orale.
Lorsqu'une victime dépose plainte ou lorsqu'un accusé est auditionné par un enquêteur ou un magistrat instructeur, accompagné de son avocat, les réponses qu'il formule librement sont reprises par un greffier, pour ce qui concerne le magistrat, ou par un policier – demain, peut-être par, un assistant d'enquête, si vous votez le projet de loi. Ces derniers font ensuite relire cette transcription qui ne reprend pas les échanges au mot près, comme vous le savez. La personne concernée a alors le droit de corriger ses propos, voire de corriger des incohérences, avant de signer ce procès-verbal. Bien sûr, ce document écrit, qui reprend la plainte d'une victime ou l'audition d'un accusé sous forme de questions-réponses les matérialise sous une forme très différente de celle d'un enregistrement vidéo, lequel peut de surcroît être projeté à l'audience.
En vous disant cela, monsieur le député, j'ouvre, après vous, la question du passage de l'écrit à l'oral, grâce à ces nouvelles technologies que nous pourrions mettre au service de la vérité. Vous conviendrez que je ne peux pas prendre la responsabilité d'un tel changement de notre code de procédure pénale au détour d'un amendement, aussi intelligent soit-il. Je vous propose néanmoins que nous en reparlions très prochainement, quand le garde des sceaux présentera la réforme de code de procédure pénale.
Nous entamons là un débat important, et le ministre a bien fait de prendre le temps de ces explications, car elles compteront, ensuite, dans l'analyse de nos décisions.
Filmer le recueil de plainte a des avantages comme des inconvénients, ce qui implique que nous avancions avec prudence. L'avantage de disposer d'un enregistrement, c'est, par exemple, qu'il n'est pas toujours évident de devoir réauditionner une victime, parfois à plusieurs reprises, lorsque cela est pourtant nécessaire.
Cela étant, de multiples questions se posent, par exemple, sur la façon de cadrer l'enregistrement de la plainte ? Doit-il y avoir plusieurs caméras, faut-il un plan large ou un gros plan, faut-il une caméra générale ou en pied ?
Ce sont autant de questions qu'il va falloir nous poser et qui réclameront la plus grande subtilité dans la rédaction des décrets. Cela réclamera également beaucoup d'humilité de notre part, pour accepter que nos positions évoluent au fur et à mesure de la réflexion.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 187
Nombre de suffrages exprimés 182
Majorité absolue 92
Pour l'adoption 62
Contre 120
L'amendement n° 761 n'est pas adopté.
Il est inspiré des travaux de la commission des lois et de l'amendement n° 377 de Mme Laurence Vichnievsky, qui a été rejeté tout à l'heure. Nous souhaitons toutes les deux, et nous en avons beaucoup parlé, que l'alternative soit clairement et intelligiblement énoncée : le même texte qui ouvre la possibilité de déposer une plainte en ligne et par visioconférence doit indiquer que le dispositif de droit commun de l'article 15- 3 du code de procédure pénale, auquel mon groupe est très attaché, s'appliquera à la personne qui ne souhaite pas utiliser les moyens de télécommunication audiovisuelle.
En conséquence, grâce à l'amendement, le nouvel article 15-3-1-1 du code de procédure pénal, introduit à l'article 6, fera référence à l'article 15-3 selon lequel « les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes » de toute personne franchissant la porte du commissariat ou de la gendarmerie.
Cet amendement s'inscrit dans la continuité de ceux présentés par M. Roger Vicot et le groupe Socialistes et apparentés. J'ajoute que le sous-amendement permettra de rendre l'article 6 plus intelligible et de rassurer sur l'alternative telle que vous l'avez présentée, monsieur le ministre.
Je n'irai pas au-delà de ce que vient de dire Mme Cécile Untermaier. Ce sous-amendement vise à prendre en compte la réécriture de l'article 6 par la commission des lois en supprimant, dans l'amendement n° 421 , les termes « en cas de refus de la victime ».
L'amendement sous-amendé, auquel je suis bien entendu favorable, introduirait donc à l'alinéa 3 de l'article 6 une phrase ainsi rédigée : « La plainte est reçue dans les formes prévues à l'article 15-3. » Le renvoi au droit commun est utile et répond aux interrogations exprimées par notre collègue Christophe Naegelen il y a quelques minutes.
Nous voterons pour cet amendement sous-amendé. Cet amendement et les amendements précédents posent la question de ce que veulent et de ce que peuvent faire les gens. L'amendement de suppression de l'article 6 visait à rappeler qu'il est indispensable de prévoir les moyens nécessaires au dépôt de plainte par des personnes n'étant pas en capacité de le faire en ligne. La question de la fracture numérique est absente depuis le début de nos discussions. Certaines personnes restent en effet éloignées des outils numériques parce qu'elles ne disposent pas d'une bonne connexion à internet ou parce que, n'en ayant pas les moyens, elles ne sont pas équipées.
La question de la complexité du dépôt de la plainte se pose aussi. Lorsque l'on dépose aujourd'hui une pré-plainte, il faut être capable de rédiger et d'expliquer ce qui s'est passé. Ce sont en particulier ces questions que nous posons quand nous vous demandons de bien prendre garde que la dématérialisation ne s'accompagne pas d'une baisse de la qualité du service public.
Je le répète, nous voterons l'amendement sous-amendé car il permet d'améliorer le texte par rapport à sa version actuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Le sous-amendement n° 1305 est adopté.
L'amendement n° 421 , sous-amendé est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur ;
Déclaration du Gouvernement sur la politique énergétique de la France, suivie d'un débat.
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 16 novembre 2022 à zéro heure cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra