La commission poursuit l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273).
Mission Engagements financiers de l'État (M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial).
Malgré les projections optimistes du Gouvernement, la situation financière de la France semble mal engagée pour 2023 et les années suivantes. L'encours de dette publique a dépassé 3 000 milliards d'euros cette année, et ce montant record démontre le dérapage des finances publiques. Il n'est que la partie émergée de l'iceberg : environ 12 % de la dette est composée de titres indexés sur l'inflation, les fameuses obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI). Cela signifie que le principal de presque 250 milliards emprunté par la France augmente chaque année du niveau de l'inflation constatée.
L'absurdité ne s'arrête pas là. Si l'indexation sur l'inflation nationale induit un risque moindre puisque le pays souverain peut agir sur cette inflation, la France a choisi d'émettre 70 % de ces titres indexés sur l'inflation européenne, qui s'élève à plus de 10 % : la France décide délibérément de rémunérer ses créanciers sur une base sur laquelle elle n'a aucune emprise. Elle est soumise aux établissements financiers, qui se gavent de ces titres, et à l'Europe, avec le taux d'inflation majoritairement utilisé.
Les taux d'intérêt ont augmenté significativement ces derniers mois. Selon les acteurs de l'économie ou analystes des marchés financiers que j'ai auditionnés, le taux d'intérêt de 2,5 % que le Gouvernement prévoit en 2023 est largement sous-estimé. Nous aurons donc mécaniquement une hausse du coût de la dette, probablement plus forte que celle anticipée par le projet de loi de finances (PLF), tant pour les OATI que pour les emprunts à taux fixe.
S'agissant du programme 369 Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19, soit 165 milliards, l'isolement de cette partie de la dette n'a aucun effet, ni sur le stock de la dette ni sur les conditions de son financement. Le Gouvernement a beau tenter de montrer une forme de sérieux budgétaire en la sanctuarisant, la dette covid devra être remboursée et alourdit la charge de la dette de notre pays. Surtout, cette sanctuarisation comptable n'évitera pas le dérapage du déficit public.
Enfin, la conjoncture macroéconomique en 2023 s'annonce bien plus morose que ce que le Gouvernement anticipe ou espère. Plusieurs acteurs ont estimé que 2023 pourrait être l'année de la stagflation, avec une inflation soutenue et une croissance qui pourrait être très faible voire négative. L'inflation, la crise de l'énergie et les tensions sur les matières premières vont mettre à mal bon nombre d'entreprises, notamment parmi celles qui ont souscrit des prêts garantis par l'État (PGE). La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) l'a confirmé, la mauvaise conjoncture macroéconomique se répercutera sur les capacités de remboursement de ces prêts. Le montant des PGE qui ne pourront pas être remboursés sera donc supérieur à ce que prévoit le Gouvernement.
Du fait du poids des OATI dans la dette, de la hausse des taux d'intérêt, de la stagflation et de la mauvaise anticipation des défauts de remboursement des PGE, la charge de la dette augmentera fortement en 2023, davantage que ce que prévoit le Gouvernement. Elle pénalisera les capacités de l'État à soutenir les Français, les entreprises et les collectivités territoriales. La spirale d'endettement dans laquelle le Gouvernement nous enserre est effrayante d'irresponsabilité.
Enfin, pour l'honnêteté du budget, il serait souhaitable de présenter un budget adaptatif. À l'heure actuelle, il se fonde sur des variables macroéconomiques incertaines – on ne peut pas les anticiper avec précision chaque année –, voire erronées. Il serait intéressant que les parlementaires soient informés, dès la présentation du PLF, de la politique qui serait menée dans différentes situations – selon un scénario macroéconomique plus pessimiste ou un scénario plus favorable que celui retenu dans le PLF –, afin d'avoir davantage de visibilité.
J'émets un avis défavorable aux crédits de la mission Engagements financiers de l'État.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie pour la finesse de votre jugement, tout en rondeur.
La France est endettée pour 10 % à des taux variables, en fonction des offres qui sont faites ; elle emprunte la grande majorité de sa dette à taux fixe. C'est un équilibre entre le risque et l'offre, non un choix délibéré.
Vous critiquez la dette mais votre groupe n'a pas voté le projet de loi de programmation des finances publiques, qui permettait de fixer une trajectoire de sortie de la dette, et a déposé des amendements qui, dans leur quasi-totalité, prévoyaient des dépenses supplémentaires. Je ne crois pas que vous ayez de leçons à nous donner sur le sujet.
Le groupe Renaissance votera les crédits de cette mission.
Notre groupe n'a pas voté la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, parce que, dans le cadre du plan de relance, la France ne rembourse que les intérêts de l'emprunt européen de 40 milliards, le remboursement du capital n'interviendra qu'à partir de 2027. À ce moment-là, il faudra payer la note au niveau européen. Tous les voyants sont au rouge.
Selon une enquête de BPIFrance, le taux de sinistralité des PGE devait être de 5 %, bien que le début des remboursements ait été décalé. Il ressort des auditions qu'il sera bien plus élevé.
En conséquence, le Rassemblement national ne votera pas les crédits de la mission.
On observe une forte hausse des crédits de paiements (CP) de la mission, de 35,7 %, et surtout, une augmentation de 31 % du programme 117 Charge de la dette et trésorerie de l'État, du fait de l'inflation. La période des taux bas se termine, nous devons en tirer toutes les conclusions. Nous regrettons que les oppositions aient repoussé le projet de loi de programmation des finances publiques, qui proposait une trajectoire juste pour rétablir nos comptes.
La politique de l'Agence France Trésor (AFT) est la bonne, car l'allongement des maturités poursuivi depuis quelques années permet de mieux supporter le choc inflationniste
Enfin, la baisse de 29 % en autorisations d'engagement (AE) et en CP du programme 114 Appel en garantie de l'État montre que les dispositifs de soutien aux entreprises pendant la crise ont fonctionné. Malgré ce que le rapporteur spécial a dit, le taux de sinistralité des PGE reste plus faible que prévu.
Le groupe Démocrate votera ces crédits.
Le budget pour 2023 est rigoureux et porte une attention particulière à la charge de la dette. L'État assure son financement en toutes circonstances : il couvre les appels sur les garanties qu'il a octroyées, notamment depuis le début de la crise sanitaire, et pour ses positions liées au développement international de l'économie française. Il favorise aussi les politiques de l'épargne.
Depuis la loi de finances de 2022, un nouveau programme, dédié à l'amortissement du surcroît de la dette liée à la crise de la covid-19, a été rattaché à cette mission.
La trajectoire de cette mission est fortement influencée par l'évolution du contexte macroéconomique et par ses répercussions, notamment sur les conditions de financement de l'État. Comme vous, monsieur le rapporteur spécial, nous resterons vigilants sur ce point car la conjoncture est susceptible d'évoluer dès 2023.
Le groupe Horizons votera ces crédits, dont nous savons qu'ils pourraient évoluer dès le premier projet de loi de finances rectificative pour 2023. Sans eux, il serait difficile que notre pays rembourse ses intérêts d'emprunt.
Selon l'étude récente du cabinet Altares sur les défaillances d'entreprises au troisième trimestre 2022, le nombre de procédures a augmenté de 34 % en un an, même s'il reste inférieur à celui observé en 2019, avant la crise de la covid. Plus alarmant, l'évolution d'août 2021 à août 2022 marque une hausse de 98 %, alors que de plus en plus d'entreprises font état de difficultés pour acquitter leurs dépenses énergétiques – le commerce de détail et la restauration, notamment, sont fortement touchés.
Alors que ces alertes se multiplient et que les demandes d'activité partielle repartent à la hausse, nous nous étonnons de la diminution de 2,7 milliards à 1,9 milliard des crédits évaluatifs des décaissements d'appels en garantie, notamment pour les PGE de la période covid. Comment expliquez-vous cette diminution, qui semble à contretemps de la situation économique ? Le seul changement de méthodologie évoqué dans le bleu budgétaire ne semble pas y suffire.
Il est urgent que le Gouvernement déploie un plan ambitieux pour l'accompagnement des entreprises sur le modèle du bouclier tarifaire pour les ménages. Notre collègue Valérie Rabault n'a pas reçu de réponse du Gouvernement sur sa stratégie en matière d'endettement alors que le recours à des produits financiers indexés sur l'inflation vient désormais peser lourdement sur les comptes publics. Cette charge augmentera de 12 milliards par rapport à la loi de finances de 2022, autant que le coût net du bouclier tarifaire pour les ménages.
Dans l'attente d'une réponse d'ici à la séance, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur les crédits de la mission.
L'accélération de l'inflation a un effet direct sur le coût de notre dette, en raison d'un encours indexé sur l'inflation, d'environ 250 milliards. L'on peut comprendre les objections qui poussent le rapporteur spécial à préconiser de voter contre les crédits de la mission, mais le groupe écologiste souhaite exprimer une singularité.
En France comme en Europe, cette vision purement comptable de la dette, que partagent encore plusieurs groupes à droite de l'échiquier politique, dont la majorité relative, doit être transcendée et confrontée aux défis environnementaux et sociaux qui s'annoncent, dont nous vivons déjà les premières manifestations. Les anciennes règles comptables ne nous feront pas avancer. Notre pays et notre continent ont besoin de règles financières nouvelles, adaptées pour organiser le retour de la solidarité et de la protection à l'échelon européen, avec l'objectif de produire de façon décarbonée, et de converger rapidement vers des consommations plus soutenables et durables.
Le groupe Écologiste s'abstiendra sur les crédits de la mission.
Non pas que je sois favorable à la dette pour la dette ou que je nie qu'elle est un problème, mais on agite la charge de la dette pour faire peur, alors que l'on rembourse en réalité le stock en un peu plus de sept ans, et pour faire passer des politiques de baisse des dépenses publiques, des privatisations, ou encore pour faire des réformes structurelles au nom du retour au 3 % de déficit – la réforme des retraites, par exemple.
La dette est utile à un État qui ne peut pas payer des investissements courant sur plusieurs années en une seule année de production de richesses. La dette avec laquelle nous vivons aujourd'hui est utile. Et heureusement qu'il y a eu la dette durant la crise sanitaire.
Dans des situations aussi exceptionnelles, on pourrait réfléchir à une autre approche de la dette. L'ancien président de la commission, à l'occasion d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR), avait eu ce mot de vérité : on ne rembourse jamais la dette – le stock –, on ne rembourse que les intérêts. D'une certaine façon, la dette est perpétuelle, sans compter qu'il est intéressant pour les marchés financiers de prêter aux États.
La dette covid a une particularité : nous la possédons, elle n'est pas sur les marchés. Pour la première fois, la Banque centrale européenne a désobéi aux traités et décidé de prêter aux États au travers des banques centrales. Dès lors, plutôt que de rembourser ses intérêts pendant des décennies, peut-être pourrait-on envisager l'annulation de la dette, comme cela s'est produit à certains moments de l'histoire. Sans doute serions-nous victimes, puisque nous ne toucherions pas les intérêts de la dette, mais au moins le fardeau serait-il largué.
Selon que ce sont les marchés ou les banques centrales qui possèdent la dette, ce n'est pas du tout la même chose. La dette japonaise atteint plus de 200 % mais, à la différence de la dette française, ce sont les Japonais qui la possèdent.
On ne doit pas faire de cette question un totem pour entretenir les peurs. Il faut l'appréhender en regardant réellement à quoi sert la dette, ce que l'on pourrait en faire et quelles autres politiques pourraient être mises en œuvre pour réduire les déficits.
Monsieur le rapporteur général, mon groupe n'a pas voté la loi de programmation des finances publiques parce qu'elle était fondée sur des variables macroéconomiques erronées : la voter pour faire plaisir à l'Europe n'avait pas de sens.
Les OATI représentent plutôt 12 % de la dette que 10 %. Les pays qui en détiennent le plus sont ceux qui s'en sortent le moins bien – Royaume-Uni, Italie, France, Afrique du Sud. Sans conclure à un lien de cause à effet, on peut du moins y voir une coïncidence.
Les hypothèses de défauts de remboursement des PGE sont très sous-estimées. Selon les acteurs économiques et les représentants de petites et moyennes entreprises, certaines structures ont eu recours aux PGE comme une facilité, sans en avoir besoin. Aujourd'hui, elles remboursent leur PGE grâce au montant emprunté, mais cela ne fait que repousser l'échéance. L'année prochaine verra, malheureusement, un sursaut des défauts de remboursement des PGE, ce que la mission n'a pas anticipé.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
La commission adopte les crédits de la mission Engagements financiers de l'État non modifiés.
Compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État et Compte de concours financiers Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics (M. Philippe Brun, rapporteur spécial).
Cette année, un événement particulier caractérise le compte d'affectation spéciale (CAS) Participations financières de l'État : l'opération d'offre publique d'achat (OPA) sur la société EDF, qui vise à porter la participation de l'État de 84 % à 100 %. Cette opération exceptionnelle nécessite que des informations soient fournies à votre rapporteur spécial : on ne décaisse pas 12 milliards en PLFR – 9,7 milliards probablement, une fois l'OPA terminée – sans informer la représentation nationale chargée du consentement à l'impôt de ce que l'État compte faire de cette belle entreprise. Or je n'ai reçu aucune information et les demandes de documents que j'ai adressées à l'Agence des participations de l'État (APE) sont restées lettre morte.
C'est la raison pour laquelle, vendredi matin, j'ai procédé à un contrôle sur place en votre nom, à Bercy. La procédure a été respectée mais je n'ai pas pu emporter les documents qui m'ont été présentés, en vertu d'une nouvelle jurisprudence – probablement inventée, ou du moins inconnue de la commission –, qui oppose à un parlementaire le secret des affaires. Je suis toujours en discussion avec les services de Bercy pour que ces documents me soient communiqués. Le commissaire aux participations de l'État m'a invité à revenir les consulter à Bercy.
Le CAS Participations financières de l'État prévoit 9,7 milliards pour la montée au capital du groupe EDF, avec un défaut de transparence sur la justification de cette dépense. Celle-ci a une incidence budgétaire importante puisqu'elle représente trois fois le budget de l'action extérieure de l'État, presque autant que le budget de la gendarmerie nationale et plus que le budget de la justice dans le PLF2023.
En forte augmentation par rapport à la loi de finances initiale, les crédits de paiement du CAS s'établissent à 19 milliards, sous l'effet de l'ouverture de crédits en loi de finances rectificative. Quant aux recettes, 15,5 milliards ont été versés du budget général en 2022 et 12,9 milliards, en 2023. Les cessions ayant été interrompues, ces abondements permettent de poursuivre la politique actionnariale de l'État.
Les dividendes que l'État perçoit au titre de ses participations financières dans des entreprises vont directement au budget général. Il serait de meilleure politique qu'ils aillent au compte d'affectation spéciale, pour la politique actionnariale de l'État. Je ferai une proposition en ce sens dans mon rapport.
En 2023, 3,5 milliards sont issus de la reprise de la dotation du Fonds pour l'innovation et l'industrie. Annoncé lors de la privatisation du groupe ADP, qui n'est plus d'actualité, le fonds est mis en extinction : la mission Investir pour la France de 2030 a pris le relais.
S'agissant des dépenses, outre les crédits pour EDF, 7,9 milliards de crédits sont fléchés pour une opération confidentielle – là non plus, je n'ai pas eu les informations que je recherchais.
Le manque d'informations ne me permettant pas de me prononcer favorablement à ce stade, je propose à la commission de s'abstenir sur le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État.
Le compte de concours financier (CCF) Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics représente 10,5 milliards en AE, dont 10 milliards sont consacrés aux avances à l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC). Le CCF est un instrument qui permet des opérations financières au sein de la sphère publique, dans le respect du principe de neutralité budgétaire – le taux d'intérêt doit être supérieur à celui d'un titre d'État de maturité équivalente.
J'émets un avis favorable sur les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics.
Le groupe Renaissance partage l'avis du rapporteur spécial à propos du compte de concours financiers Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics.
Pour ce qui est du CAS Participations financières de l'État, en revanche, nous pensons qu'il y a complémentarité des différentes catégories d'intervention de l'État. La première est relative à l'intervention de la puissance publique durant la crise qui vient de se produire.
La deuxième catégorie concerne la renationalisation d'EDF. Ce sera évidemment la grande affaire de cette année, mais, compte tenu de la nature même des opérations de marché, nous ne disposons pas d'une information complète sur les intentions de l'État.
Le CAS viendra également soutenir différentes filières utiles pour le futur, comme le Fonds avenir automobile, le Fonds France nucléaire et le Fonds Ace Aero partenaires, dotés respectivement de 30, 40 et 50 millions d'euros. Outre l'APE, BPIFrance et le programme d'investissements d'avenir (PIA) sont également concernés par ce compte, même si le commissaire aux participations de l'État est responsable de l'ensemble de ces dossiers.
Il est capital pour la filière nucléaire française que ce programme soit adopté et mené à bien. Nous pouvons, à cet égard, faire confiance à la qualité de l'information que nous fournissent le rapporteur spécial et les agences compétentes, qu'il s'agisse de la BPI, du PIA ou de l'APE, quant à l'avenir du programme qui nous est soumis et pour lequel nous proposons d'émettre un vote favorable.
Le groupe LFI-NUPES suivra l'avis du rapporteur, notamment pour ce qui concerne les participations de l'État. Compte tenu des montants en jeu pour EDF, il est hallucinant que nous ne disposions pas de plus d'informations. Notre discussion suit des débats budgétaires assez tendus, durant lesquels nous ont été refusés de nombreux amendements très importants visant les infrastructures, notamment dans la perspective de l'écologie. Et voilà qu'après avoir vu rejeter des amendements relatifs à la relance du ferroviaire pour un montant de 3 milliards d'euros, la représentation nationale ne dispose ni d'informations ni de données pour débattre d'un montant trois fois plus élevé ! C'est inacceptable.
La question est d'importance et M. Olivier Marleix lance d'ailleurs un groupe de travail sur ce point. En août dernier, EDF a engagé auprès du Conseil d'État un contentieux dans lequel il réclame à l'État 8,34 milliards d'euros pour combler le manque à gagner de ses ventes d'électricité. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une absence de réponse. Nous espérons donc que le rapporteur spécial pourra nous fournir davantage d'informations. Dans l'immédiat, je propose de voter contre les crédits de ce CAS.
Je souscris en partie à ce qui vient d'être dit et déplore, sur le principe, le manque de transparence qui entoure l'opération de privatisation d'EDF. Même s'il existe des enjeux bien compréhensibles au niveau des marchés financiers, il va bien falloir que la représentation nationale sache précisément ce que l'État veut faire de ce fleuron, à quelles fins et sous quelles formes, et ce qu'il adviendra du nucléaire.
Il ne suffit pas de lancer France relance et France 2030, ou d'avoir des participations : il faudrait aussi un peu de transparence sur l'ensemble du dispositif de la BPI pour en connaître les ramifications. Les PIA, que j'ai suivis naguère présentaient déjà un certain flou, mais le fait de multiplier les programmes autour d'une grosse tête de pont – à savoir EDF – nuira à la visibilité.
Les crédits que nous examinons ont un caractère évaluatif et il est difficile de faire concorder les informations fournies ex ante au Parlement avec des opérations menées dans une certaine confidentialité sur les marchés financiers. Le moment le plus opportun pour débattre de ce compte d'affectation spéciale serait plutôt celui de l'examen de la loi de règlement, et nous n'avons nul doute que le rapporteur spécial sera au rendez-vous à ce moment-là. Notre groupe votera donc ces crédits.
Demain matin, la commission des affaires économiques auditionnera le candidat du Président de la République à la fonction de PDG d'EDF. Au-delà de sa personne, la question posée sera évidemment celle de sa feuille de route, qui conditionnera l'avenir d'EDF sous son format actuel ou réorganisé, voire segmenté, comme nous le craignons, et avec nous les représentants des salariés et des usagers.
Vous avez fait usage, monsieur le rapporteur spécial, des pouvoirs dont vous disposez pour aller constater par vous-même à Bercy ce qui se préparait dans le cadre de cette renationalisation intégrale d'EDF. Nous saluons cette initiative, car ce pouvoir est peut-être trop peu utilisé jusqu'à présent par les rapporteurs spéciaux de notre assemblée. Je ne doute pas que les résultats de vos analyses, encore en cours, seront d'un grand intérêt pour la représentation nationale et pour les Français.
Par ailleurs, le groupe Socialistes et apparentés appuie votre demande de pouvoir disposer de toutes les pièces demandées car, à l'exception des questions relevant d'un secret touchant à la défense nationale, à la sécurité intérieure ou extérieure de l'État ou du secret de l'instruction et du secret médical, aucun autre motif de refus ne saurait légalement vous être opposé.
Compte tenu des incertitudes qui entourent les intentions du Gouvernement et dans l'attente de l'achèvement de vos travaux, notre groupe s'abstiendra sur les crédits du compte d'affectation spéciale. Nous tenons néanmoins à préciser que, si nous obtenons des éclaircissements pertinents, nous pourrons revoir notre position.
Les crédits que nous examinons ont en effet, comme l'a relevé M. Laqhila, un caractère très particulier, et je souscris à sa suggestion de les examiner plutôt dans le cadre de la loi de règlement qu'au titre de la loi de finances initiale.
Surtout, cette mission garantit une forte capacité d'intervention de l'État dans la sphère économique, capacité plus que jamais nécessaire dans le contexte macroéconomique et géopolitique global. L'intervention de l'État en tant qu'actionnaire de long terme est en effet garante de la souveraineté nationale et a permis à notre pays et à son tissu économique de tenir dans les récentes crises sanitaires et économiques. L'État a également pu sécuriser le capital des entreprises face aux prises de contrôle inamicales dont elles auraient pu faire l'objet dans un contexte d'effondrement des valeurs boursières.
L'État actionnaire doit conserver une capacité d'action rapide et potentiellement significative, afin de remplir pleinement sa mission de défense des intérêts économiques français. Nous voterons donc en faveur de ces crédits.
Nous partageons les inquiétudes du rapporteur spécial à propos de ces crédits. Nous le remercions de la grande exigence à laquelle il nous invite, notamment sur le plan documentaire, en se rendant directement à Bercy pour dégainer sur place un contrôle poliment coercitif des services de l'État. Savoir comment sont traités les moyens très substantiels déployés par l'État et que nous avons examinés cet été dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2022 était un devoir. En effet, augmenter les crédits ouverts en cours d'année 2022 à hauteur de 9,7 milliards d'euros pour le rachat de la fraction restante des actions du groupe EDF n'est pas un geste anodin. L'action de notre collègue rappelle ici notre rôle essentiel de contrôle de l'action gouvernementale.
Remettre à flot un grand opérateur national tel qu'EDF est une priorité pour les écologistes. Il est donc essentiel de savoir ce que nous finançons et, surtout, à quelles fins nous le faisons. Nous ne pouvons comprendre, à quelques jours du débat sur le projet de loi « énergies renouvelables », que le Gouvernement occulte ses intentions à l'endroit de ce fleuron français et ses orientations quant à notre politique énergétique.
Dans l'attente de réponses, nous nous abstiendrons sur les crédits de cette mission.
Je vous remercie, chers collègues, d'avoir soutenu la démarche de transparence que je me suis permis d'engager en votre nom. L'article 59 de la loi organique relative aux lois de finances permet en effet au président de la commission des finances, s'il le souhaite, d'obtenir par voie de référé devant la justice les documents demandés par le rapporteur spécial au nom de la commission. C'est donc dans ces conditions que je me rendrai à Bercy, probablement demain ou après-demain, pour consulter à nouveau les documents, que j'analyserai à nouveau. J'espère que nous serons assez éclairés d'ici à l'examen du texte en séance publique. Mon rapport paraîtra la semaine prochaine, fort de ces documents que nous aurons, je l'espère, récupérés une fois pour toutes.
Article 29 et état D : Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers
La commission adopte les crédits du compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État non modifiés.
Après l'article 44
Amendement II-CF301 de Mme Marie Pochon.
Cet amendement tend à demander au Gouvernement un rapport d'évaluation de la disposition adoptée à l'article 66 de la loi de finances rectificative de 2020, qui conditionne la prise de participations de l'État dans une grande entreprise à la souscription par cette dernière d'engagements en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre. Cette disposition ne concerne que deux entreprises.
Un tel rapport est destiné à étudier l'opportunité et les conditions d'une pérennisation de la mesure pour les prises de participation. Il doit aussi évaluer la pertinence des engagements demandés aux entreprises et leur éventuel renforcement.
Nous évoquerons à nouveau cette question dans le cadre du rapport spécial consacré aux transports, car la demande adressée au ministère des finances par l'administrateur chargé de ce rapport n'a pas reçu de réponse.
Cette question a été abondamment abordée au moment de la recapitalisation d'Air France, et nous devons aussi nous la poser. Le verdissement du budget doit en effet passer aussi par la politique de l'État actionnaire et l'Agence des participations de l'État en est pleinement consciente.
Malgré toutes les contraintes inhérentes à la politique des participations de l'État, comme la défense de nos intérêts stratégiques ou le soutien aux entreprises assurant des missions de service public, on voit aussi l'effet de levier que peut avoir l'Agence des participations de l'État pour le verdissement de notre économie.
Avis favorable.
Le champ proposé est plus vaste que celui que prévoyait la loi de finances rectificative de 2020 en matière d'obligations de l'APE, notamment pour ce qui concerne les investissements de plus de 500 millions d'euros.
Par ailleurs, de nombreux rapports très complets ont déjà été publiés à l'occasion des prises de participation et l'APE est aujourd'hui en mesure d'assurer que l'impact carbone du portefeuille coté répond à 100 % des objectifs du plan climat, qu'il s'agisse du bilan carbone complet, de la baisse des émissions ou de la définition d'un plan d'action. Il s'agit aussi d'appliquer par anticipation des obligations européennes actuellement en cours de discussion au Parlement européen.
En outre les augmentations de capital réalisées en 2020 pour la SNCF et en 2021 pour Air France-KLM étaient conditionnées à des engagements de baisse des émissions qui ont déjà donné lieu à la remise de rapports.
Il n'est pas pour autant acceptable que notre demande de disposer du document de contractualisation entre l'État et Air France reste sans réponse.
La commission rejette l'amendement.
Article 29 et état D : Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers
La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics non modifiés.
Mission Régimes sociaux et de retraites et compte d'affectation spéciale Pensions (M. Benoit Mournet, rapporteur spécial)
Le compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions est une mission budgétaire très importante, d'un montant de 64 milliards d'euros en 2023, en progression de 3 milliards d'euros par rapport à l'année dernière. Cette augmentation s'explique essentiellement par un effet prix lié à la revalorisation anticipée des pensions, que nous avons votée cet été, au glissement vieillesse-technicité, et à la hausse de la durée de cotisation. Elle s'explique aussi par un effet volume lié aux prévisions d'entrées et sorties, qui comptent pour 500 millions d'euros sur ces 3 milliards.
Ce compte d'affectation spéciale regroupe les pensions des fonctionnaires civils et militaires ainsi que celles des ouvriers des établissements industriels et militaires de l'État. La part essentielle est celle des pensions civiles, avec 1,65 million de pensionnés et 1,65 million de cotisants, soit un ratio démographique à l'équilibre.
Les recettes du CAS sont également en progression, avec une hausse de 2,2 milliards d'euros. Le solde annuel se dégradera donc de 820 millions d'euros en 2023, mais le solde cumulé, d'un montant de 9,5 milliards d'euros fin 2021, se contractera sans que d'autres mesures soient nécessaires.
Du côté des recettes, les taux de cotisations des employeurs sont facialement très élevés, avec des valeurs de 74 % pour les fonctionnaires civils et 126 % pour les militaires. Le taux des retenues pour pensions des agents est de 11,10 %, contre 11,31 % pour le régime général, ce qui posera donc à court ou moyen terme la question de la convergence.
Je souligne l'excellente gestion du CAS par le Service des retraites de l'État et des services de Bercy, avec des frais de gestion tout à fait compétitifs : 0,13 % des pensions versées.
Ma principale recommandation, qui trouvera un écho dans un amendement que je vous soumettrai à l'issue de cette présentation, vise à améliorer la lisibilité du compte d'affectation spéciale Pensions en dissociant ce qui relève de la contribution employeur et ce qui est – à proprement parler –une subvention d'équilibre.
Quant aux perspectives de ce compte d'affectation spéciale, nous ne disposons pas, dans les documents budgétaires, d'analyses portant au-delà de 2025. Il faut aller chercher ces éléments dans le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), qui sont présentés selon des conventions et des hypothèses très variées. J'émettrai donc à ce propos une autre recommandation.
Avis favorable, en tout cas, sur les crédits du compte d'affectation spéciale Pensions.
Quant à la mission Régimes sociaux et de retraite, qui concerne les régimes compensés par l'État en raison de leur ratio démographique très défavorable, elle sera dotée de 6 milliards d'euros de crédits en 2023. Ce chiffre n'épuise toutefois pas le sujet car, au total, l'État compense les régimes de retraite à hauteur de 11 milliards d'euros. Ainsi, les IEG – industries électriques et gazières – reçoivent le produit d'une taxe affectée et quelques petits régimes comme ceux de l'Opéra ou de la Comédie-Française relèvent d'autres missions du budget général, ce qui pose une question de lisibilité globale. Bien que tous les éléments soient retracés dans le jaune budgétaire Pensions, la question se pose quand même de regrouper l'ensemble de ces moyens dans le cadre d'une seule mission.
Dans le périmètre des 6 milliards d'euros de crédits, le poste principal concerne la SNCF, avec 3,5 milliards, la dynamique des dépenses s'expliquant par le déséquilibre démographique du système. Ce régime étant fermé depuis 2020, les crédits continueront, paradoxalement, à augmenter dans les années à venir, même si une compensation partielle par la CNAV et l'Agirc-Arrco est prévue.
Le régime de la RATP est, quant à lui, un régime ouvert dans lequel, contrairement à celui de la SNCF, il n'y a pas de surcotisation patronale. La compensation par l'État s'élève à 811 millions d'euros en 2023. Ce budget connaît une évolution très dynamique de 7,5 %. Toutefois, l'ouverture à la concurrence réglera d'elle-même une partie du problème, puisque près de la moitié des salariés devraient quitter l'entreprise tout en conservant leurs avantages sociaux, ce qui expliquera cette dynamique.
Les marins représentent également une partie importante de ce budget, avec 802 millions d'euros de compensation, en raison d'un gros déséquilibre démographique, avec 28 000 cotisants pour 100 000 pensionnés. Ce régime très compliqué comporte vingt régimes particuliers, comme ceux des liftiers et des écrivains. Des mesures de simplification pourraient être bienvenues.
Le programme 195, enfin, regroupe plusieurs programmes dont, pour l'essentiel, le régime des mines, qui est éteint et pèse sur les finances publiques à hauteur de 925 millions d'euros en 2023.
J'émets également un avis favorable sur les compensations aux régimes spéciaux prévus dans le cadre de cette mission, en recommandant toutefois d'améliorer la lisibilité de l'ensemble de ces derniers.
Ces crédits sont nécessaires pour financer les retraites, en particulier celles de nos fonctionnaires, qu'il s'agisse des pensions civiles ou militaires. Je suggère néanmoins que le groupe LFI s'abstienne.
Premièrement, dans le privé comme dans le public, le niveau des pensions de retraite est trop faible, ce qui me semble du reste faire l'objet d'un accord assez large au sein de notre commission, car il me semble que des propositions de retraite minimum sont reprises sur tous les bancs, même si elles ne sont pas exactement de même nature.
Deuxièmement, il nous manque un élément intéressant pour l'évaluation des crédits : le manque à gagner que représente pour les régimes de financement de nos retraites la stratégie de développement des contractuels à l'œuvre dans la fonction publique.
Troisièmement, la fermeture de certains régimes a un impact financier sur l'État car, lorsqu'il n'y a plus personne pour financer les retraites des gens qui ont travaillé toute leur vie sous ces régimes, c'est à l'État de compenser la différence.
Pour ces raisons et en perspective des débats vraisemblablement assez animés que nous aurons à partir de janvier, il me semble nécessaire de nous abstenir.
S'agissant du compte d'affectation spéciale Pensions, on voit d'emblée qu'il y a un problème : il accuse déjà, tous fonctionnaires confondus, un déficit de 820 millions d'euros. Peut-être avons-nous des réserves mais, à ce rythme-là, nous ne tiendrons pas vingt ans.
Problème aussi, le coût de la solidarité. Garant de la solidarité nationale, l'État doit ainsi consacrer 11 milliards d'euros aux régimes de retraite de la SNCF, de la RATP et des marins. Le coût du régime de l'Opéra de Paris ne doit pas être exorbitant – on me souffle qu'il est de 18 millions d'euros –, mais il est clair que les régimes spéciaux, tels qu'ils étaient conçus dans le passé, n'étaient pas équilibrés, de telle sorte que c'est aujourd'hui l'État qui doit les garantir. Il importe de le souligner dans le contexte des manifestations que nous connaissons aujourd'hui.
On voit bien que les dépenses du compte d'affectation spéciale Pensions et de la mission Régimes sociaux et de retraite augmentent, mais c'est essentiellement en raison des mesures de protection du pouvoir d'achat que nous avons votées cet été. Toutefois, l'existence même de cette mission et de ce compte d'affectation spéciale nous rappelle les imperfections du système de retraite et la nécessité devant laquelle nous nous trouverons certainement dans les prochaines années de procéder à sa réforme globale.
Avis favorable.
Nous tenons en premier lieu à remercier le rapporteur pour la transparence avec laquelle il indique que le compte d'affectation spéciale Pensions est excédentaire, avec un solde cumulé de 8,5 milliards. Le Gouvernement est donc bien chaque jour un peu plus en difficulté pour démontrer la rationalité qui guiderait la réforme des retraites, qui nous est présentée comme urgente, et encore plus pour expliquer une revalorisation des pensions inférieure à l'inflation.
Par ailleurs, le rapporteur admet en creux que, si le dégel a eu des effets positifs, il n'est pas farfelu de remettre en question les politiques de modération de la masse salariale du secteur public. Cela tombe bien, car le contre-budget proposé par la NUPES fait la part belle à la revalorisation immédiate de la situation des agents des catégories B et C de la fonction publique d'État. Investir dans l'humain pour un service public attractif et fort : en répétant cela, nous ne faisons qu'extrapoler un peu à partir des constats du rapporteur.
Nous nous abstiendrons donc sur les crédits de cette mission.
Il est dommage que M. le rapporteur spécial ne nous ait pas indiqué, pour le compte d'affectation spéciale Pensions, l'évolution du taux de cotisations patronales implicites.
Pour ce qui concerne la mission Régimes sociaux et de retraite, il serait en effet logique de demander le transfert sur ce budget des autres régimes sociaux de retraite. En effet, sur ces chiffres, près de 5 milliards d'euros relèvent d'autres missions où se pose le même problème de la compensation des régimes très déficitaires.
Ces comptes d'affectation spéciale soulèvent, au demeurant, un problème de fond. La plupart des régimes concernés sont plus avantageux que le régime général, alors que les taux de cotisation des salariés sont désormais alignés sur ceux du secteur privé, tandis que les pensions ne le sont pas. Cela signifie donc que le différentiel entre le régime général, qui couvre 65 % des Français, et chacun de ces régimes est socialisé, c'est-à-dire qu'il est pris en charge par la solidarité nationale, ce qui pose un vrai problème d'équité.
La seule bonne solution est la donc mise en extinction de ces régimes, ce qui est déjà le cas de certains d'entre eux, comme celui de la SNCF. Il faudrait généraliser cette solution pour rétablir, en un tiers de siècle, l'égalité entre tous les Français sur la base du régime général – en tout cas pour tous les salariés du public et du privé ; restera à traiter le cas des indépendants. Il serait bon de faire prendre conscience de cette réalité – autrefois, nous disposions pour cela des taux correspondant à la cotisation sociale fictive de chaque employeur ou groupe d'employeurs.
Je profite de l'examen de cette mission pour rappeler notre opposition à la réforme des retraites envisagée par le Gouvernement, en particulier au recul de l'âge de départ à la retraite.
Il a été demandé aux caisses des régimes spéciaux de faire des économies – 15 %, par exemple, pour la caisse de la SNCF. De surcroît, les pensions de retraite ont été revalorisées de 4 % à compter du 1er juillet, alors que vos prévisions d'inflation sont de 5,3 % pour 2022 et que le Gouvernement anticipe une hausse des prix de 4,2 % en 2023. Il s'agit donc bien d'une économie cachée sur les pensions de travailleurs ayant exercé un métier difficile, qui fait suite aux sous-indexations de 2019 et de 2020. C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ces crédits.
Monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous nous indiquer le montant du fonds de réserve des retraites (FRR) créé par Lionel Jospin pour faire face, notamment, à la charge liée au papy-boom ?
Le CAS, par définition, doit toujours être excédentaire. Le taux de cotisation de l'État est resté stable, à 74 % pour les fonctionnaires civils et 126 % pour les militaires. Je vous présenterai un amendement à ce sujet. Comme le montre le rapport du COR, page 71, ces réserves vont être grignotées, année après année, compte tenu du déséquilibre démographique à venir.
On gagnerait en effet, pour des raisons d'équité, à avoir plus de visibilité et de clarté, en distinguant les contributions versées par l'État en tant qu'employeur et les crédits s'apparentant à une subvention d'équilibre, versée au titre de la solidarité nationale. Il faut également analyser les retraites publiques sous l'angle du cycle de vie et de la solidarité nationale – je pense aux catégories actives de la fonction publique. Les transferts de la catégorie des fonctionnaires vers celle des contractuels sont sans incidence sur les retraites puisque les contractuels cotisent.
Le FRR s'élève à 26 milliards en valeur de marché. Les réserves nettes des régimes de retraite se montent, de mémoire, à 130 milliards.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
La commission adopte les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite non modifiés.
Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-CF1028 de M. Philippe Schreck.
Cet amendement demande au Gouvernement de faire figurer dans le PLF l'indicateur transversal relatif au respect de l'obligation d'emploi de 6 % de personnes handicapées dans le secteur public ainsi que l'indicateur du taux d'emploi des personnes handicapées.
Je partage votre volonté d'assurer la transparence sur le taux d'emploi des personnes handicapées. Toutefois, le CAS Pensions, et c'est également le cas des régimes spéciaux pour ce qui est de votre second amendement, n'ont pas d'emplois rattachés. Il y aurait donc une petite incohérence à vouloir parler du taux d'emploi des personnes handicapées sur des missions qui ne financent aucun emploi.
Je vous rappelle que le rapport relatif à l'état de la fonction publique et aux rémunérations, le jaune budgétaire, indique le taux d'emploi global des personnes handicapées.
Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Compte d'affectation spéciale Pensions
Article 29 et état D : Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers
La commission adopte les crédits du compte d'affectation spéciale Pensions non modifiés.
Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
L'amendement II-CF1025 de M. Philippe Schreck est retiré.
Après l'article 47
Amendement II-CF1400 de M. Benoit Mournet.
Il s'agit de demander un rapport sur la contribution de l'État au système de retraites, en distinguant les crédits relevant de l'État employeur de ceux relevant de l'État garant de la solidarité. L'idée serait de refondre le modèle de financement du CAS, en transformant les taux des contributions employeurs actuels en taux de cotisation patronale, et en créant une subvention d'équilibre du budget général au CAS Pensions. Cela améliorerait la clarté des débats tout en étant neutre du point de vue des finances publiques et du système des retraites. Une telle évolution nécessite un travail technique ; elle pourrait donner lieu à un vote l'an prochain.
Le deuxième objectif concerne le COR qui, jusqu'à une période récente, travaillait sur trois conventions et quatre scénarios, soit douze projections différentes. Le COR a supprimé la convention à taux de cotisation constant (TCC). Par cohérence, il me semble qu'il faudrait également retirer la convention prévoyant un effort de l'État constant (EEC) pour ne conserver que la convention EPR (équilibre permanent des régimes), qui est conforme à la loi. Cela objectiverait davantage les choses. Par ailleurs, les projections du COR pourraient se fonder sur trois scénarios macroéconomiques, fondés sur une productivité de 0,7 % (moyenne des dix dernières années), 1 % (moyenne des vingt dernières années) et 1,3 % (moyenne des trente dernières années). Le scénario à 1,6 % serait abandonné, et le scénario à 1 % deviendrait l'axe d'étude central. Je propose que le Gouvernement travaille à partir de ces données.
Avez-vous une idée de la façon de distinguer l'État employeur de l'État garant de la solidarité s'agissant des fonctionnaires de l'État ? Quel taux de cotisation va-t-on retenir pour l'État employeur ? On ne peut pas opter pour le taux du régime général, car il ne s'agit pas des mêmes prestations.
Le taux de cotisation faciale des pensions civiles de 74 % ne s'applique qu'au régime de base, hors primes. Cela n'aurait pas grand sens, en effet, de retenir le taux du régime général, qui oscille entre 17 % et 22 % selon que l'on est cadre ou non-cadre. Il reste qu'il faut objectiver la part qui relève de la subvention d'équilibre, car les taux de 74 % et de 126 % ne signifient pas grand-chose et suscitent de la polémique sur les prétendus avantages dont bénéficieraient les titulaires de pensions civiles. Peut-être se rapprocherait-on ainsi du taux de contribution de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), à 30-35 %.
La commission adopte l'amendement.
Mission Remboursements et dégrèvements (Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale).
La mission Remboursements et dégrèvements occupe une place à part dans le budget général de l'État. En effet, ses crédits ne correspondent pas, à proprement parler, à des dépenses mais à des moindres recettes. C'est pourquoi ils ne sont qu'évaluatifs et non pas limitatifs.
La mission retrace l'ensemble des restitutions que l'administration fiscale est conduite à verser aux contribuables, qu'il s'agisse du fonctionnement normal de l'imposition en question, de l'application d'un avantage fiscal comme le crédit d'impôt ou encore d'une correction du montant dû par le contribuable, ce qui arrive notamment à la suite de contentieux.
Le PLF pour 2023 prévoit que les remboursements et dégrèvements s'élèveront à plus de 128 milliards, soit l'équivalent de 29 % des recettes fiscales brutes. Il s'agit d'un montant comparable à celui prévu par la précédente loi de finances, qui chiffrait ces restitutions à 130 milliards.
Les 2 milliards de baisse concernent principalement les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, retracés sur le programme 201 du même nom. L'anticipation de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) diminuera mécaniquement de 1,6 milliard les restitutions auxquelles les entreprises peuvent prétendre.
Il faut noter également le recul de 500 millions des dégrèvements de taxe d'habitation, là encore en raison d'une réforme fiscale que nous connaissons bien.
Sur le programme 200, qui retrace les remboursements et dégrèvements des impôts d'État, les crédits ne varient que de 0,2 % par rapport à la dernière loi de finances. Néanmoins, cette apparente stabilité cache des évolutions très différentes mais qui se compensent sur l'ensemble du programme.
Par exemple, les remboursements liés à la mécanique de l'impôt – tels la restitution à une entreprise de trop-versés d'acompte sur l'impôt sur les sociétés (IS) ou le versement à son profit de crédits de TVA – devraient augmenter d'environ 6,5 milliards en 2023, ce qui résulte de la diminution des bénéfices des entreprises en 2022 et d'une propension des sociétés à davantage mobiliser leurs créances vis-à-vis de l'État.
À l'inverse, le total des crédits d'impôt qui s'imputent sur cette mission est en diminution de 5 milliards, en raison de l'extinction, en 2022, des dernières créances du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), à la suite de son abrogation en 2019.
Enfin, on observe une diminution de 1,8 milliard du coût engendré par les contentieux dits de série par rapport à 2022. Cette baisse aurait pu être illusoire si le Conseil constitutionnel n'avait pas rejeté, le 14 octobre dernier, la question prioritaire de constitutionnalité posée par plusieurs grandes entreprises au sujet du précompte mobilier – une bonne nouvelle, donc, pour les finances de l'État.
Plusieurs sujets ont retenu mon attention, à commencer par la progression fulgurante de deux crédits d'impôt à propos desquels je ne cesse d'appeler à une réforme depuis plusieurs années.
Le crédit d'impôt pour l'emploi à domicile devrait devenir la première dépense fiscale, en 2023, avec 7,95 milliards. Il est vrai que l'institution du crédit d'impôt contemporain, qui se traduit par sa prise en compte dès le paiement de la prestation par le contribuable, accroît mécaniquement son impact budgétaire. Il n'en demeure pas moins urgent d'engager une réflexion sur la pertinence et l'efficience de cet avantage fiscal, afin d'aboutir, éventuellement, à une réforme, que celle-ci concerne les activités éligibles, les conditions de ressources, le plafond ou simplement le taux applicable. Nous devrions savoir, dorénavant, à quoi sert ce crédit d'impôt, ce dont je me félicite.
L'autre avantage fiscal qui connaît un certain dynamisme – pour employer un euphémisme – est le crédit d'impôt recherche (CIR), qui semble s'installer durablement au-delà des 7 milliards. Là encore, malgré les avis critiques formulés assez récemment par France Stratégie puis par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), le Gouvernement se refuse à réformer ce dispositif qui, à mes yeux, doit être recentré sur les petites et moyennes entreprises.
Je suis également préoccupée par les règlements d'ensemble, au sujet desquels j'ai déposé un amendement. Je vous proposerai un second amendement concernant les dégrèvements contentieux de taxes foncières.
Malgré ces réserves, je vous invite à voter les crédits de cette mission qui, je le répète, sont évaluatifs et ne sont que la conséquence des mesures fiscales en vigueur.
Nous émettrons également un avis favorable sur ces crédits qui résultent de calculs automatiques et estimatifs.
Le montant des remboursements et des dégrèvements équivaut à plus du tiers des recettes fiscales brutes de l'État. C'est une tendance lourde puisque, depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, ces crédits sont passés de 107 à 128 milliards, soit une hausse de plus de 20 %. On observe, plus précisément, une augmentation de 28 % des remboursements et des dégrèvements portant sur les impôts d'État et une réduction de moitié de ceux portant sur les impôts locaux, du fait de la baisse de ces derniers. Au cours des dialogues de Bercy avait été exprimée la volonté d'expertiser et de rationaliser les niches fiscales. Je regrette, comme la rapporteure, que cela n'ait pas été le cas.
En conséquence, nous nous abstiendrons.
Nous ne nous opposerons pas non plus à l'adoption de ces crédits. Cela étant, nous ne partageons pas le point de vue de la rapporteure sur le crédit d'impôt relatif aux emplois à domicile. Les niches fiscales sont une conséquence de la lourdeur du système de charges et de taxes. Si l'on refond les crédits d'impôts, il faudra faire en sorte que le travail soit moins taxé. Cela impose une réflexion profonde sur notre modèle social et sa soutenabilité. Gardons à l'esprit que les emplois à domicile se comptent par centaines de milliers et concernent des domaines aussi essentiels que l'aide à domicile, l'accompagnement des personnes âgées ou encore le soutien scolaire.
Sur cette mission comme sur d'autres, les moments privilégiés du débat parlementaire seront la loi de règlement et le Printemps de l'évaluation. J'espère que nous continuerons à évaluer l'efficacité des dépenses fiscales, comme le CIR. Je ne doute pas que la rapporteure s'y emploiera.
Nous voterons les crédits de cette mission.
Il s'agit de la mission la plus importante du budget de l'État, en volume, puisqu'elle s'élève à 128 milliards. En ce domaine, nous déplorons les pratiques du Gouvernement. Celui-ci n'a pas retenu, dans le texte de la première partie du PLF sur lequel il a engagé sa responsabilité, une disposition que nous avions adoptée à une large majorité, qui, en transformant la réduction d'impôt au titre des frais d'hébergement en Ehpad en crédit d'impôt, aurait permis de réduire les frais d'environ 200 euros pour de nombreux ménages et instauré un peu plus de justice fiscale. On aurait pu faire un état des lieux des niches et identifier la manière de financer ce crédit.
Le crédit d'impôt pour l'emploi à domicile va devenir la première dépense fiscale, pour un montant de 7,95 milliards en 2023. Alors que la majorité relative cultive la doxa « ni dette, ni impôt », il est curieux de constater qu'aucune analyse plus approfondie n'est menée sur l'efficience de ce dispositif. Il conviendrait de recentrer cette dépense fiscale sur les foyers qui en ont le plus besoin, comme le préconisait le rapport Libault de 2019. Les députés écologistes appellent également, à l'instar de la rapporteure, à un recentrage du CIR sur les PME.
Cela étant, nous voterons les crédits de la mission.
Nous voterons en faveur de cette mission, non sans avoir posé quelques questions.
Est-il exact que la différence entre la compensation prévue par l'État et ce qu'aurait représenté le produit de la CVAE – qui est déjà largement perçu – serait de l'ordre de 700 millions ? Comment se fait-il qu'il reste à rembourser 231 millions sur les 2,8 milliards de la taxe d'habitation, alors que seuls les contribuables les plus aisés sont encore concernés ? Avez-vous pu anticiper les effets de l'intégration de la taxe communale dans la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) ? Le bouclier tarifaire en sera-t-il renforcé ? Avez-vous pu mener des investigations sur les restitutions considérables de sommes indues au titre de l'IR – 2,4 milliards – et de l'IS – 1,5 milliard –, en particulier sur les plus élevées d'entre elles ?
Monsieur Di Filippo, je ne remets pas en cause le crédit d'impôt sur les emplois à domicile, je souhaite simplement savoir à quoi sert exactement ce dispositif – l'amendement qui a été voté nous renseignera sur ce point. À côté d'activités très légitimes, on peut s'interroger sur des pratiques telles que le gardiennage d'une résidence secondaire.
Monsieur de Courson, je vous propose de me faire parvenir vos questions, auxquelles je répondrai précisément. Certaines d'entre elles – en particulier la dernière – feront l'objet d'un développement dans mon rapport. Pour ce qui est de la taxe d'habitation, il me semble que c'est surtout lié aux résidences secondaires.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
La commission adopte les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements non modifiés.
Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
L'amendement II-CF1029 de M. Philippe Schreck est retiré.
Amendement II-CF1338 de Mme Christine Pires Beaune.
Cet amendement vise à assigner un nouvel objectif au programme 201 Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, en l'assortissant d'un indicateur de performance portant sur l'évaluation du montant annuel des dégrèvements de taxes foncières liés à une erreur d'attribution – lorsqu'un avis d'imposition aux taxes foncières est envoyé à l'ancien propriétaire et non au nouveau, ou bien lorsque l'avis n'est pas envoyé du tout. D'après les informations qui m'ont été communiquées, le délai moyen de mise à jour du fichier immobilier serait passé de 84 jours en 2017 à 130 jours en 2021. Il convient de réduire ces erreurs qui sont néfastes pour les contribuables, même si ces derniers finissent par obtenir une régularisation de leur imposition.
Je ne suis pas défavorable à l'indicateur de performance, mais on peut déjà dire que ces problèmes ont pour origine les suppressions d'emplois intervenues dans les services de publicité foncière, qui ne peuvent plus traiter rapidement les informations des notaires et alimenter les fichiers du cadastre.
Le bon indicateur, c'est le délai qui sépare la signature d'un acte du moment où l'information est inscrite au fichier. Beaucoup de notaires me signalent que cela varie énormément d'un département à l'autre, mais que cela peut durer six mois, voire un an, ce qui a des conséquences fiscales – et je ne parle pas des problèmes dans les successions. Il serait intéressant d'analyser l'origine des erreurs.
Nous voterons cet amendement, car c'est un élément d'information essentiel. On pourra tirer des conclusions de ce nouvel indicateur.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 46
Amendement II-CF1337 de Mme Christine Pires Beaune.
Un rapport du Gouvernement portant sur les remises et les transactions à titre gracieux est remis tous les ans au Parlement. Depuis deux ans, à la suite d'un amendement adopté en séance, ce rapport est complété par des informations sur les règlements d'ensemble et les conventions judiciaires d'intérêt public. Cette année, dans un rapport de vingt-cinq pages, la question des règlements d'ensemble doit occuper une demi-page et celle des conventions judiciaires d'intérêt public une page et demie : les informations communiquées sont très parcellaires.
Mon amendement tend à compléter l'article du livre des procédures fiscales qui prévoit ce rapport en demandant que « le montant de modérations de droits et de pénalités consenties par chaque règlement d'ensemble réalisé par l'administration fiscale est communiqué aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances » – et uniquement à ces personnes.
Le président de la commission et le rapporteur général peuvent tout à fait se faire communiquer ces éléments, sans qu'il soit besoin de le préciser dans le livre des procédures fiscales. Par ailleurs, une question de confidentialité se pose : la transmission des informations n'a pas nécessairement à être automatique et agrégée. L'amendement me paraît satisfait par le droit existant, en particulier la loi organique.
Les conventions judiciaires d'intérêt public que nous avons créées, hélas – je faisais partie de ceux qui étaient très réticents – ne sont pas si nombreuses, et vous devriez y avoir accès, en tant que rapporteure spéciale. J'ajoute qu'elles sont publiées dans la plupart des cas. Deux d'entre elles, qui étaient énormes, ont même fait l'objet d'articles de presse.
Je vais vous décevoir : je n'ai pas accès à ces informations. J'ai demandé à consulter un règlement d'ensemble, ne serait-ce que pour savoir comment cela se présente, mais je n'ai pas obtenu ces éléments pour l'instant. Je n'exclus pas d'imiter notre collègue Philippe Brun en allant les consulter sur place. Certaines conventions judiciaires, c'est vrai, comme celles concernant Google et McDo, ont été étalées dans la presse.
J'insiste sur les règlements d'ensemble : la Cour des comptes a pointé du doigt leur absence de base fiscale. C'est le seul mécanisme qui permet une remise non seulement des pénalités mais aussi des droits. Nous sommes en droit, me semble-t-il, d'avoir un peu plus d'informations qu'une demi-page de rapport.
La commission rejette l'amendement.
Compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État (M. Mohamed Laqhila, rapporteur spécial).
Le compte d'affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l'État a pour objet de mutualiser les produits des cessions immobilières et des redevances domaniales de biens appartenant à l'État dans le but de financer des acquisitions et des opérations à la charge du propriétaire pour le compte des administrations occupantes.
Le projet de loi de finances évalue les recettes du CAS à 480 millions d'euros en 2023, soit une progression de près de 30 % par rapport à 2022, les trois quarts de ces recettes devant provenir du produit de cessions. Le quart restant correspond aux recettes issues des redevances et des loyers.
Pour ce qui est des dépenses, il est demandé des crédits de paiement à hauteur de 340 millions et des autorisations d'engagement d'un montant de 480 millions.
Un solde excédentaire est ainsi anticipé. Je veux toutefois préciser que la direction de l'immobilier de l'État se dit très prudente sur les recettes anticipées et m'indique que le montant des crédits de paiement demandés, bien inférieur au montant des autorisations d'engagement, tient compte de l'éventualité de moindres recettes.
J'en viens plus particulièrement aux dépenses que devrait financer le compte d'affectation spéciale en 2023.
Je rappelle que les dépenses du CAS relèvent du programme Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État, le seul à être abondé puisque le programme Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État ne bénéficie d'aucune demande de crédits depuis plusieurs années.
Je précise également que les dépenses sont principalement de deux ordres : les dépenses structurantes – projets d'acquisition, de construction, d'agrandissement ou de remise à neuf – et les dépenses dites d'entretien du propriétaire. La direction de l'immobilier de l'État m'indique que ce sont ces dépenses d'entretien du propriétaire qui auront la priorité en 2023, dans une perspective pluriannuelle.
Toutefois, le CAS participera également à plusieurs grands projets immobiliers comme le projet Prisme, de relogement de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) à Palaiseau, pour un coût total de 162 millions hors taxe, qui fera l'objet de 66,6 millions d'euros de versements en 2023 puis en 2024.
L'examen des crédits du CAS est pour moi l'occasion de faire une remarque et de signaler plusieurs motifs de préoccupations.
Malgré le rôle qui est confié au CAS, la politique immobilière de l'État reste principalement portée par les programmes ministériels, y compris pour des dépenses importantes « du propriétaire ». Le document de politique transversale fait ainsi état de 11,2 milliards en AE et de 9,5 milliards en CP dans ce projet de loi de finances pour 2023 : la contribution du CAS est donc très marginale.
Ma première préoccupation porte sur le montant toujours incertain des recettes encaissées, selon les ventes effectuées, alors que les chantiers et les dépenses sont programmés. Le directeur de l'immobilier de l'État dit arbitrer avec finesse, au cas par cas, mais une vraie question se pose.
Par ailleurs, je suis étonné que les dépenses d'entretien courant soient financées dans une très large mesure, à hauteur des trois quarts, par la mutualisation des produits des cessions. Cela me semble difficilement soutenable à long terme, d'autant que les biens faciles à céder l'ont déjà été. Il faut donc réfléchir à une diversification des ressources du CAS par le biais de valorisations alternatives des biens immobiliers appartenant au Domaine. Je m'inscris ainsi dans les pas du précédent rapporteur spécial, mon collègue et ami le président Mattei.
En conclusion, je vous invite à voter en faveur des crédits de ce compte d'affectation spéciale.
Je salue la direction de l'immobilier de l'État, qui fait un travail considérable de valorisation de notre patrimoine. Le groupe Renaissance votera en faveur de ces crédits, même si nous souscrivons pleinement aux propos du rapporteur spécial. On peut s'interroger sur la structure du CAS et sur la possibilité d'autres valorisations du patrimoine immobilier de l'État que les cessions.
Nous nous abstiendrons sur ce sujet. Il est un peu surprenant qu'un compte qui doit normalement retracer l'ensemble des recettes et des dépenses intervienne à hauteur de 3,6 % des 9,5 milliards de crédits de paiement relevant de la politique immobilière de l'État.
Je connais effectivement assez bien ce compte d'affectation spéciale puisque j'ai eu l'honneur d'en être le rapporteur pendant des années. On peut considérer que ce modèle commence à s'épuiser : les cessions sont parfois aléatoires. Certaines perspectives existent pour 2022-2023, mais on peut s'interroger sur la pérennité du CAS. Les revenus domaniaux sont une piste intéressante mais ils ne seront pas suffisants. Même s'il faut souligner l'excellent travail de la direction de l'immobilier de l'État, de grands programmes tels que celui concernant les cités administratives et le plan de relance ont été traités en dehors du CAS. Nous voterons en sa faveur mais il faut réfléchir à l'avenir. S'agissant des modalités de valorisation, d'autres modèles que les ventes sont à expérimenter.
L'examen de ce compte d'affectation spéciale est la seule occasion de donner un avis sur la politique immobilière de l'État. Alors que les surfaces de bureaux, de logements et de locaux d'activité appartenant à l'État ont soit stagné soit augmenté, la surface des bâtiments d'enseignement a diminué de 2,5 millions de mètres carrés en cinq ans, soit d'un peu plus de 11 %. Avez-vous des explications à ce sujet ? Cette surface inclut-elle le parc des universités ?
Quoi qu'il en soit, les surfaces d'enseignement de ces dernières semblent aussi en baisse, de 3,4 % en un an. Comment cela se fait-il, compte tenu des taux de suroccupation des établissements d'enseignement supérieur ? Enfin, pourquoi n'a-t-on cette donnée que pour 2020 et 2021 ?
Nous avons tous en tête l'état de délabrement de certains bâtiments dans les universités, mais aussi les tribunaux et les commissariats – et je ne parle pas des prisons et des centres de rétention administrative.
Nous voterons contre ces crédits.
Le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l'État est avant tout celui des Français. Il doit reposer sur trois principes cardinaux : la préservation et la valorisation pour les générations futures, la durabilité environnementale et la rationalisation des surfaces utilisées. Les investissements importants prévus dans le PLF pour 2023 devront permettre de mener des projets structurants visant à la réalisation d'économies de long terme grâce à la maintenance préventive des bâtiments, d'assurer la sécurité et des conditions de travail dignes pour les agents, dans le cadre de travaux lourds, et de contribuer activement à la transition écologique, en s'engageant en faveur d'une meilleure maîtrise de la consommation énergétique des bâtiments de l'État.
C'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ces crédits.
Les recettes du CAS sont effectivement en hausse, qu'il s'agisse des produits de cessions immobilières ou des redevances domaniales. La note, d'excellente tenue, qui nous a été fournie présente une variation de 29,7 % du total des recettes, avec la cession de près de 600 biens en 2023. Permettez-moi, cependant, une remarque générale : ce sont les cessions qui génèrent le gros des recettes du CAS. Nous craignons que cette politique immobilière court-termiste ne soit pour l'avenir contre-productive.
En période de crise énergétique, alors que les bâtiments publics, en France et à l'étranger, sont très souvent le symbole de ce qui se fait de pire en matière d'efficacité thermique, nous éprouvons un réel dépit : celui de ne pas trouver dans ces lignes budgétaires la traduction d'un État sobre, intégrant efficacement les impératifs d'isolation et de consommation énergétique modérée et durable dans la gestion de son patrimoine. Au lieu de cela, l'État se comporte plutôt en véritable agent immobilier, pressé de se défaire de son stock au meilleur prix. Cette politique oblige ensuite à recourir le plus souvent à la location, ce qui à terme coûte bien plus cher aux contribuables.
Dans ces conditions, le groupe Écologiste votera contre ces crédits.
Vu vos conclusions, monsieur le rapporteur spécial, ne faudrait-il pas fermer le CAS et procéder, comme autrefois, par la voie de fonds concours, dont le taux serait intéressant – de 60 % ou 70 %. Quand une administration à laquelle avaient été confiés des biens pour son fonctionnement en vendait, un retour de 50 % avait fini par être mis en place, avec des différenciations, notamment si cela concernait la défense, qui avait beaucoup de terrains.
Vous ne nous en avez pas dit assez concernant le projet Prisme de l'ONERA à Palaiseau et le projet Quai d'Orsay. Le bâtiment en face du 101 rue de l'université va-t-il enfin être rénové ? Il se trouve dans un état de délabrement avancé, depuis des années.
Je crois que Jean-Paul Mattei était rapporteur spécial lorsque l'Agence de l'immobilier de l'État a été lancée. C'est une expérimentation qui vise à professionnaliser la gestion. Un benchmarking a été réalisé au niveau européen : nous pourrons en parler en séance ou dans le cadre du Printemps de l'évaluation.
Je me suis également posé la question de la fermeture du CAS. Il faudra peut-être revoir sa mission et regarder ce que donnera, sur au moins deux ou trois ans, l'expérimentation d'une vraie agence professionnelle de gestion de l'immobilier de l'État.
Le projet Quai d'Orsay n'en est qu'à ses débuts. Des opérations sont en cours dans les sites de l'administration centrale du ministère des affaires étrangères.
Article 29 et état D : Crédits des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers
La commission adopte les crédits du compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État non modifiés.
Article 30 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
L'amendement II-CF1022 de M. Philippe Schreck est retiré.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 21 heures
Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Fabien Di Filippo, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. David Guiraud, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, Mme Christine Pires Beaune, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Michel Sala, M. Charles Sitzenstuhl
Excusé. - Mme Karine Lebon
Assistait également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel