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Intervention de Kévin Mauvieux

Réunion du mardi 25 octobre 2022 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKévin Mauvieux, rapporteur spécial :

Malgré les projections optimistes du Gouvernement, la situation financière de la France semble mal engagée pour 2023 et les années suivantes. L'encours de dette publique a dépassé 3 000 milliards d'euros cette année, et ce montant record démontre le dérapage des finances publiques. Il n'est que la partie émergée de l'iceberg : environ 12 % de la dette est composée de titres indexés sur l'inflation, les fameuses obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI). Cela signifie que le principal de presque 250 milliards emprunté par la France augmente chaque année du niveau de l'inflation constatée.

L'absurdité ne s'arrête pas là. Si l'indexation sur l'inflation nationale induit un risque moindre puisque le pays souverain peut agir sur cette inflation, la France a choisi d'émettre 70 % de ces titres indexés sur l'inflation européenne, qui s'élève à plus de 10 % : la France décide délibérément de rémunérer ses créanciers sur une base sur laquelle elle n'a aucune emprise. Elle est soumise aux établissements financiers, qui se gavent de ces titres, et à l'Europe, avec le taux d'inflation majoritairement utilisé.

Les taux d'intérêt ont augmenté significativement ces derniers mois. Selon les acteurs de l'économie ou analystes des marchés financiers que j'ai auditionnés, le taux d'intérêt de 2,5 % que le Gouvernement prévoit en 2023 est largement sous-estimé. Nous aurons donc mécaniquement une hausse du coût de la dette, probablement plus forte que celle anticipée par le projet de loi de finances (PLF), tant pour les OATI que pour les emprunts à taux fixe.

S'agissant du programme 369 Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19, soit 165 milliards, l'isolement de cette partie de la dette n'a aucun effet, ni sur le stock de la dette ni sur les conditions de son financement. Le Gouvernement a beau tenter de montrer une forme de sérieux budgétaire en la sanctuarisant, la dette covid devra être remboursée et alourdit la charge de la dette de notre pays. Surtout, cette sanctuarisation comptable n'évitera pas le dérapage du déficit public.

Enfin, la conjoncture macroéconomique en 2023 s'annonce bien plus morose que ce que le Gouvernement anticipe ou espère. Plusieurs acteurs ont estimé que 2023 pourrait être l'année de la stagflation, avec une inflation soutenue et une croissance qui pourrait être très faible voire négative. L'inflation, la crise de l'énergie et les tensions sur les matières premières vont mettre à mal bon nombre d'entreprises, notamment parmi celles qui ont souscrit des prêts garantis par l'État (PGE). La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) l'a confirmé, la mauvaise conjoncture macroéconomique se répercutera sur les capacités de remboursement de ces prêts. Le montant des PGE qui ne pourront pas être remboursés sera donc supérieur à ce que prévoit le Gouvernement.

Du fait du poids des OATI dans la dette, de la hausse des taux d'intérêt, de la stagflation et de la mauvaise anticipation des défauts de remboursement des PGE, la charge de la dette augmentera fortement en 2023, davantage que ce que prévoit le Gouvernement. Elle pénalisera les capacités de l'État à soutenir les Français, les entreprises et les collectivités territoriales. La spirale d'endettement dans laquelle le Gouvernement nous enserre est effrayante d'irresponsabilité.

Enfin, pour l'honnêteté du budget, il serait souhaitable de présenter un budget adaptatif. À l'heure actuelle, il se fonde sur des variables macroéconomiques incertaines – on ne peut pas les anticiper avec précision chaque année –, voire erronées. Il serait intéressant que les parlementaires soient informés, dès la présentation du PLF, de la politique qui serait menée dans différentes situations – selon un scénario macroéconomique plus pessimiste ou un scénario plus favorable que celui retenu dans le PLF –, afin d'avoir davantage de visibilité.

J'émets un avis défavorable aux crédits de la mission Engagements financiers de l'État.

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