Séance en hémicycle du mercredi 5 juin 2024 à 21h30

La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Suite de la discussion d'un projet de loi

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L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie (2462, 2634).

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Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 1190 à l'article 5.

Nous avons encore 144 amendements à examiner à l'article 5.

Sourires.

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Je vous rappelle que nous étions convenus de certaines règles pour la conduite des débats, afin que la parole circule le plus possible, en réduisant à une minute la durée des interventions. Je vous propose de continuer ainsi.

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Sur les amendements n° 1456 et identiques et n° 417 et identiques, je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l'amendement n° 1190 .

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Il vise à préciser que la dose létale ne peut être administrée par une tierce personne que si la personne malade est dans l'incapacité physique de se l'administrer elle-même, en ajoutant le mot « uniquement » à l'alinéa 6. Nous éviterons ainsi qu'un patient qui ne souhaite pas réaliser lui-même l'injection létale puisse se tourner vers un tiers pour le faire. La référence actuelle à une personne demandant une aide à mourir qui « n'est pas en mesure physiquement » de procéder à l'administration de la substance létale n'offre pas de garantie suffisante : cette lourde responsabilité ne doit jamais incomber à un tiers, dès lors que la personne elle-même est en mesure de se l'administrer. Il s'agit de préserver le proche qui aurait accompli le geste d'un choc psychologique post-traumatique.

Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en commission spéciale, vous aviez certifié que l'article réglait le problème, mais un amendement avait néanmoins été adopté, ouvrant la possibilité qu'une personne, qui ne se sentirait pas capable de s'auto-administrer la substance, puisse déléguer cette responsabilité à un tiers.

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La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.

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Avis défavorable. Le texte a retenu, vous le savez, le principe de l'auto-administration, mais si le malade est dans l'incapacité physique d'accomplir ce geste, il pourra solliciter un médecin, un infirmier ou une personne de son choix qui serait volontaire pour le faire.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités, pour donner l'avis du Gouvernement.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Hier soir, madame Gruet, vous avez indiqué à plusieurs reprises que le texte était confus et mal rédigé. Je vous ai expliqué comment nous en étions arrivés là. Pour être honnête, que nous évoquions à l'article 5 une question importante qui relève de l'article 11 – dont nous devrons débattre – me dérange. M. le rapporteur général vient d'en présenter les données : un principe – l'auto-administration de la substance létale –, et une dérogation – le recours à un tiers lorsque la personne concernée en est physiquement incapable. Nous aurons ce débat, mais il me paraît compliqué de le commencer dès maintenant, sans le conduire à son terme. C'est la raison pour laquelle j'émettrai un avis défavorable sur l'amendement.

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L'alinéa 6 de l'article 5 crée un article L. 1111-12-1 dans le code de la santé publique, qui prévoit une exception d'euthanasie lorsque la personne qui a sollicité l'aide à mourir « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder ». En revanche, l'article 11 crée un article L. 1111-12-7 dans le code de la santé publique, où ne figure pas la condition de l'incapacité physique. Elle a disparu.

Je veux bien que nous ne commencions à débattre de cette question qu'à l'article 11, madame la ministre, à condition que nous l'ayons déjà tranchée à l'article 5. Si nous ne le faisons pas, nous aurons une incohérence profonde, non seulement entre les articles 5 et 11 du présent texte, mais au sein même du code de la santé publique, ce qui ne va pas sans poser problème

Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.

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Or le Gouvernement n'a prévu aucun amendement apportant une telle précision à l'article 11.

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Je rejoins complètement la remarque de M. Bazin au sujet de l'amendement de Mme Gruet. Il serait incohérent de ne pas corriger l'article 5. À ma connaissance, la faculté de solliciter un tiers pour administrer la dose létale n'existe pas dans d'autres pays – corrigez-moi si je me trompe.

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Cela devrait nous amener à nous interroger.

Nous n'avons pas mesuré toutes les conséquences d'une telle disposition, ne serait-ce que parce qu'elle n'a pas été évaluée ailleurs.

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Ces tierces personnes, qui ne sont pas des professionnels, accompliraient sans doute leur tâche avec les meilleures intentions du monde, mais à quel point seront-elles affectées, à long terme, en survivant à la personne aimée ?

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Pour aller dans le sens de mes collègues, nous n'avons aucune idée des répercussions psychologiques sur le tiers. Administrer la mort n'est pas un acte anodin. Chez le proche, le parent, l'enfant qui injecterait la substance létale, les conséquences psychologiques pourraient être terribles. Il serait plus sage, plus sûr, plus prudent, de rappeler que seule la personne en fin de vie qui en fait la demande peut s'administrer la mort. N'impliquons pas ses proches.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.

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Mme la ministre a eu raison de souligner la difficulté – que nous rencontrerons plus d'une fois –, consistant à débattre, à l'article 5, de certains points fondamentaux du texte, alors même que nous devrons en débattre à nouveau en examinant les articles suivants.

Personnellement, je suis favorable à ce que les personnes concernées aient, dans certaines limites, le choix du mode d'administration, et je suis défavorable au recours à un proche pour l'administration de la substance létale.

Nous voyons bien en examinant un tel amendement qu'il est très difficile de débattre de ce sujet. L'article 5 est problématique car il chapeaute l'article 6. Il nous met dans l'embarras car il nous empêche de débattre du fond, ne serait-ce que pour constater nos oppositions et nos divergences, de manière respectueuse et courtoise. Sur cet amendement et ceux qui vont suivre, je suis tenté de m'abstenir, ce qui ne saurait être pris pour une marque de désintérêt. Je souhaite que nous ayons une discussion approfondie à ce sujet lorsque nous examinerons l'article 6.

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En commission, nous avions jugé opportun de ne pas faire référence à la procédure dans la définition de l'aide à mourir. Je n'ai pas pensé à déposer un amendement à cette fin, ce qui est regrettable car cela aurait permis d'avoir un débat apaisé. Nous ne pourrons avancer sereinement qu'en étant guidés par le libre choix du patient et par le libre choix de celui qui pourrait éventuellement l'aider – nous débattrons des modalités de cette assistance, sans oublier la clause de conscience.

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Je partage la remarque de Mme Panosyan-Bouvet : la disposition proposée par le texte serait en effet unique au monde.

Nous avons toutes les raisons de redouter l'effet psychologique chez le proche qui procédera à l'acte. En Suisse, une étude conduite auprès de personnes ayant accompagné en simple spectateur – sans agir directement – un proche recourant au suicide assisté, a estimé entre 20 à 40 % la part de ceux qui souffrent ensuite de dépression ou de syndrome post-traumatique. Ce n'est pas du tout anodin. Je vous invite donc à voter en faveur de l'amendement de Mme Gruet.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN.

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La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure de la commission spéciale pour les articles 4 quater à 6.

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Je vous prie d'excuser mon arrivée tardive. Nous allons discuter longuement ce point, car ces dispositions font l'objet de nombreux amendements. Nous ne pouvons pas exclure que des personnes malades, en grande souffrance, soient à ce point affaiblies qu'elles ne puissent pas s'auto-administrer la substance létale. Que vous n'ayez pas connaissance de cas ou de lois semblables à l'étranger prévoyant le recours à une personne volontaire, ne nous dit pas ce qui se passe dans l'intimité de ces moments.

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Nous parlons de ce qui est autorisé par la loi, madame !

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Il s'agit aussi de protéger pénalement la personne volontaire qui aide le malade dans ses derniers instants, y compris lorsque du personnel médical est, à titre d'exception, présent pour aider. Sans cela on fait porter une responsabilité pénale à la personne qui aide à mourir. Dans ces moments-là, dans leur intimité, on ne peut pas exclure qu'un proche, une personne aimante…

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…ou un ami d'enfance sera présent. Qui sommes-nous pour décider à la place des malades ?

Je suis très défavorable à ces amendements.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Je précise simplement qu'il a été décidé en commission spéciale qu'en aucun cas la personne qui administre la substance létale ne peut être mineure.

L'amendement n° 1190 n'est pas adopté.

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Je suis saisie de deux séries d'amendements identiques pouvant être soumis à une discussion commune.

Je propose de commencer par la première série d'identiques, les amendements n° 1456 , 2127 , 2194 et 2503 .

La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement n° 1456 .

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Il vise à supprimer la mention « lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder », à l'alinéa 6, car le choix entre auto-administration de la substance létale et administration par autrui – quel qu'il soit, à ce stade du débat – devrait incomber à la personne malade. Ce choix ne devrait pas dépendre d'une maladie ou d'une incapacité physique. Lorsque l'alternative entre suicide assisté et euthanasie lui est présentée, seule sa volonté doit compter.

Mon amendement concerne uniquement la capacité qu'a la personne en fin de vie de choisir entre ces deux possibilités ; il ne concerne pas la personne tierce. Ne mélangeons pas tout, chers collègues, ne laissons pas le débat nous déborder.

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La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 2127 .

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Avec cette question de l'auto-administration, le débat connaît une nouvelle étape importante. Madame la rapporteure, vous avez évoqué les possibilités qui s'offrent à la personne malade – au pronostic vital engagé, subissant des souffrances réfractaires – qui formule une demande d'aide à mourir. Est-ce la maladie, l'incapacité physique, qui va déterminer son choix de s'auto-administrer la substance létale ou bien de recourir à un médecin ou à un tiers ? Pouvons-nous la laisser décider ? La faculté d'administration n'est pas qu'une question de capacité physique. Certaines personnes sont totalement déterminées à mourir, mais ne se sentent pas capables – la situation n'étant pas anodine – d'accomplir ce geste.

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La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement n° 2194 .

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Nous souhaitons revenir sur la question, importante, du choix. Si le droit du patient est au cœur du projet de loi et constitue notre souci premier, pourquoi le patient ne pourrait-il pas choisir la modalité de sa fin de vie, entre l'auto-administration du produit létal et son administration par un tiers, qui sera volontaire, puisqu'une une clause de conscience est prévue, ce qui est bien normal ?

C'est sur ces soignants volontaires que nous devons concentrer notre attention. Il me semble que nous parlons beaucoup de ceux qui sont opposés à un geste qu'ils n'effectueront pas puisqu'ils pourront faire jouer la clause de conscience. Il faut nous attacher à protéger et à accompagner les soignants qui seront volontaires. L'ensemble des pays européens ayant autorisé l'aide à mourir se sont appuyés sur le choix de la personne en fin de vie. Ce n'est pas à la maladie de guider ce choix.

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La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 2503 .

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Le projet de loi est fondé sur la liberté. Le droit à l'aide à mourir ne va pas sans libre choix du mode d'administration. C'est un point crucial, qui recueille un assentiment transpartisan, comme en témoignent les différents auteurs des deux séries d'amendements identiques. J'invite tous les collègues, qui veulent défendre la liberté du choix du mode d'administration, à voter ces amendements.

Certains ont tenté de se prémunir d'une éventuelle irrecevabilité financière mais chacun sait que si ces amendements étaient adoptés, le Gouvernement lèverait le gage. Nous sommes toutes et tous favorables au remboursement de l'aide à mourir par l'assurance maladie. Adoptons ces amendements pour consacrer l'importance du libre choix du mode d'administration de la substance : vous pouvez être en capacité physique de vous l'administrer et choisir de ne pas le faire vous-même.

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Dans la discussion commune, nous en venons à la deuxième série d'amendements identiques, n° 417 , 517 , 2006 , 2463 et 2652 .

La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement n° 417 .

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Comme nous avions eu la mauvaise surprise, en commission, de voir certains de nos amendements déclarés irrecevables, certains amendements déposés ont été gagés, d'autres non, comme celui-ci. Il s'agit, je le rappelle, de supprimer à l'alinéa 6 les mots « lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder ». J'en profite pour indiquer que cet amendement a été travaillé avec notre ancien collègue Jean-Louis Touraine. Un livre…

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…recueille le témoignage d'un conjoint qui a accompagné sa femme se faire euthanasier en Suisse. Sa femme qui, par conviction religieuse, ne voulait pas s'administrer elle-même le produit létal, a demandé à son conjoint de le faire, ce qu'il a accepté.

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La parole est à Mme Anne-Laurence Petel, pour soutenir l'amendement n° 517 .

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Il vise à laisser au patient le choix de s'administrer lui-même la substance létale ou de demander au médecin de le faire. Il s'agit de ne pas conditionner ce choix à la seule capacité physique de la personne, en supprimant, à l'alinéa 6, les mots « lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder ».

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La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour soutenir l'amendement n° 2006 .

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Avec l'aide à mourir, la possibilité de décider pour soi-même du moment où l'on souhaite éteindre la lumière sera ouverte. Le texte offrant déjà au patient la possibilité de codéterminer la date et le lieu de la procédure, il semble cohérent de lui permettre de choisir la modalité selon laquelle il mettra fin à sa vie, entre auto-administration et administration par un tiers du produit létal – à la condition que ce tiers soit volontaire et majeur.

Si ce projet de loi doit aboutir à un texte de liberté, si c'est la volonté de la personne en fin de vie qui doit primer, alors nous devons voter ces amendements. Il s'agit d'encadrer légalement un accompagnement jusqu'au bout, comme un geste d'amour ultime…

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…de la part d'un être cher, volontaire et majeur.

Mme Danielle Simonnet applaudit.

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La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l'amendement n° 2463 .

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Cet amendement vise à permettre à un tiers – un soignant voire un proche – de faire le geste. C'est une question très difficile et délicate, y compris pour moi : je dépose cet amendement sans avoir de conviction absolue, parce que je crois important que nous en discutions. Nous devons conserver à l'esprit le mot célèbre de Louis Pasteur : « guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours ». Guérir, c'est la gloire de la médecine ; elle rencontre malheureusement ses limites dans les cas qui nous occupent. « Soulager souvent » renvoie notamment aux soins palliatifs ; mais « souvent » n'est pas toujours, et les soins palliatifs ne fonctionnent pas systématiquement. En revanche, écouter constitue une exigence permanente. Quand la guérison n'est plus possible, quand les soins palliatifs ne sont plus efficaces, le patient doit pouvoir choisir son destin et abréger sa vie, ses souffrances, s'il le souhaite.

Si l'on écoute le patient, qui manifeste sa préférence quant aux modalités d'administration – en souhaitant éventuellement faire appel à un proche –, nous serons conduits, avec humilité, à accepter cette possibilité.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.

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L'amendement n° 2652 de M. Benoît Bordat est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les deux séries d'amendements identiques en discussion commune ?

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Le projet de loi est fondé sur l'autonomie des malades – c'est la philosophie du texte. L'article 5 privilégie l'auto-administration de la substance létale et la procédure établie par le projet de loi a été construite selon ce principe. Ce n'est que lorsque la personne « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder » que le recours à un tiers – qu'il soit médecin, infirmier ou une personne volontaire – est possible pour administrer le produit létal. Par souci de cohérence, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Avis défavorable, pour les raisons que j'ai évoquées précédemment. Nous pourrons en discuter lors de l'examen de l'article 11, qui donnera l'occasion d'aborder l'ensemble de ce sujet dans le détail.

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De nombreux orateurs souhaitent s'exprimer. Je propose de retenir, pour chaque groupe, une prise de parole en faveur des amendements et une intervention contre.

La parole est à M. Fabien Di Filippo.

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Ces amendements me surprennent énormément, et ils ne me surprennent pas. Ils soulèvent des questions d'ordre philosophique et législatif – malgré l'habillage d'amour dont on veut les parer – en permettant à une personne de demander à quelqu'un de commettre pour elle-même le geste ultime.

S'agissant de la dimension législative, vous affirmez jour après jour que, dans ce texte, il ne s'agissait pas d'euthanasie, qu'il y avait là une frontière qui serait respectée, et qu'il ne fallait surtout pas prononcer ce mot qui constituait un interdit. Or nous le voyons déjà surgir au beau milieu de l'article 5 et toutes les digues sont tranquillement abattues, sous couvert d'amour et de bienveillance – un vocabulaire qui fait froid dans le dos quand on pense aux actes concernés.

Quant à la difficulté philosophique, elle tient au fait que sous la notion de liberté, et tout ce que vous lui associez, pointe une forme d'égoïsme et d'individualisme. Vous étendez tellement les droits individuels que la personne en fin de vie n'est absolument plus conduite à réfléchir aux conséquences sur son entourage – cela doit nous interroger.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet et Dominique Potier applaudissent également.

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Vous ne pouvez pas, au prétexte que cela relèverait de la liberté du patient, décider qu'une autre personne devra vivre avec un tel fardeau.

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À titre personnel, je suis opposée à tous ces amendements. L'aide à mourir constitue pour moi, dans ce texte, une exception, conditionnée par des critères très restrictifs. Quant à l'intervention d'un tiers, elle doit demeurer une exception dans l'exception.

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J'assiste depuis le début à l'examen de ce texte en séance, sans avoir pris part aux travaux de la commission spéciale. Je suis très à l'écoute des propos des uns et des autres – même s'ils sont parfois un peu trop longs –, et je tiens à dire ce qui va suivre avec beaucoup d'humilité car, comme Éric Alauzet l'a souligné, il n'est pas évident d'avoir des certitudes sur un tel sujet.

Cependant, j'essaie à chaque fois d'épouser le point de vue du malade, de penser à son intérêt, à sa vie, à ses choix. Or il me semble que dans certains cas, certes minoritaires – l'aide à mourir concernera peu de personnes –, cette possibilité de choisir le mode d'administration de la substance létale sera très utile. Pour cette raison, je voterai en faveur de ces amendements.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et SOC.

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Je comprends que certains d'entre vous soient tentés de tronquer le débat. Il s'agit de laisser la possibilité au patient de choisir entre auto-administration et administration par un professionnel de santé, un proche ou un tiers – nommons cette personne comme on le souhaite, il n'est pas question d'en débattre à ce stade.

Votre opposition à ce choix se nourrit d'un sous-entendu, que vous laissez prospérer, selon lequel tous les professionnels de santé refuseraient d'administrer eux-mêmes la substance. Or c'est complètement faux. Il est vrai que les médecins en unité de soins palliatifs (USP) sont majoritairement opposés à toute évolution de la législation, mais les autres professionnels de santé n'adoptent pas cette position. J'en veux pour preuve plusieurs enquêtes conduites auprès de médecins et d'autres professionnels de santé, qui démontrent qu'ils sont très majoritairement favorables à une évolution de la loi relative à l'aide à mourir – dans ses deux composantes – et volontaires pour y participer.

Mme Christine Pires Beaune applaudit.

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Les cas que nous évoquons, bien que minoritaires, existeront néanmoins. Les dispositions que vous proposez risquent de provoquer des conflits au sein de la famille ou avec des proches au moment de la fin de vie. Les enfants refuseront peut-être ce que demande un parent dans ses dernières heures. Ces dissensions ne sont vraiment pas des conditions favorables pour préparer le deuil.

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Nous évoquons toujours le patient, or il faut aussi penser à ceux qui restent.

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Nous appelons à voter en faveur de ces amendements, qui instaurent la liberté, pour la personne éligible à l'aide à mourir, de choisir entre l'auto-administration de la substance et son administration par un tiers volontaire et majeur, sans qu'une justification soit nécessaire.

Nous vous invitons tout particulièrement à voter pour la formulation proposée par Emmanuel Fernandes dans l'amendement n° 2006 de la seconde série d'identiques : vous renforceriez par là le respect de la volonté et du libre choix du patient, valeurs au centre de ce texte. La personne malade, pleinement maîtresse de sa fin de vie, pourrait choisir quand, où et comment elle partirait.

Par ailleurs, afin qu'ils puissent choisir librement leur fin de vie, les patients ne doivent pas être contraints à des arbitrages financiers. Les différentes méthodes d'aide à mourir – auto-administration ou administration par un tiers du produit létal – doivent être également prises en charge par l'assurance maladie, comme le prévoit l'amendement n° 2006 .

J'invite pour cette raison les auteurs des quatre amendements de la première série d'amendements identiques à les retirer au bénéfice de ceux de la seconde série.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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Nous essayons de construire ce texte ensemble, pas à pas. Je tiens, madame la ministre, à ce que son équilibre, issu de nos travaux en commission spéciale, soit respecté jusqu'au bout.

Je suis très attaché à ce nouveau droit, mais, au malade qui en dispose, il incombe de prendre la responsabilité de son exercice, et de s'administrer lui-même le produit. L'intervention d'une tierce personne – professionnel de santé ou autre – doit être réservée aux cas où il est dans l'impossibilité physique de le faire.

Geneviève Darrieussecq a insisté : si nous voulons que ce nouveau droit soit effectif, nous devons convaincre le corps médical de nous suivre. Il pourrait ne pas comprendre que nous laissions au patient le libre choix du mode d'administration : le texte serait alors condamné à l'échec.

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Le projet gouvernemental, tout comme le texte issu des travaux de la commission spéciale, c'était « suicide assisté avec exception d'euthanasie ». Voter ces amendements, ce serait passer à « suicide assisté ou euthanasie ». La question est la suivante : si la personne qui est en capacité de s'administrer la solution létale ne veut pas le faire, n'est-ce pas parce qu'elle entretient un doute sur sa décision de mettre fin à sa vie ? Tous ces amendements doivent être repoussés.

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Je remercie Stéphane Delautrette d'avoir indiqué que les médecins en unité de soins palliatifs étaient « majoritairement opposés à toute évolution de la législation ». L'immense majorité des soignants, et pas seulement en soins palliatifs, sont opposés à l'aide à mourir sur laquelle nous sommes en train de légiférer – on ne les a pas assez entendus.

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En adoptant ces amendements, on leur donnerait plus encore le sentiment que ce droit est un droit-créance pesant sur eux, ce à quoi ils s'opposent fondamentalement.

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Nous sommes là dans une logique de la toute-puissance de l'individu. Il y a quelques années, dans la salle Colbert, tout près de cet hémicycle, Didier Sicard nous rappelait qu'il y a deux moments d'extrême fragilité dans la vie d'un homme, moments où sa nature sociale est la plus apparente : les premières heures de la vie, et les dernières heures de la vie. Dans les deux cas, nous avons besoin d'eau, d'amour et de chaleur. Plutôt qu'une ultime liberté, je préfère promouvoir ce grand besoin de sollicitude.

M. Charles de Courson applaudit.

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Face à une personne qui, se pensant arrivée au bout du chemin, souhaite accéder à l'aide à mourir, soyons humanistes. Soyons respectueux, en lui garantissant le libre choix du mode d'administration.

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Elle peut être physiquement en mesure de procéder à cette administration et préférer que le soignant s'en charge.

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Cela me semble essentiel. Des personnes très différentes soutiennent cette idée, comme Mme Rilhac, Mme Rousseau, Mme Battistel, Mme Iborra ou M. Fernandes. Votons tous ces amendements. Un travail transpartisan est indispensable si nous voulons améliorer le texte dont nous débattons : que chacun se garde de voter uniquement ses amendements, au détriment d'autres amendements avec lesquels il est pourtant en accord sur le fond.

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Mme Dupont nous a invités à nous mettre à la place du malade. Je précise que nos décisions impliqueront aussi les médecins et j'aimerais qu'en dépit de nos expériences personnelles, comme de l'empathie dont nous faisons preuve à juste titre, nous restions à notre place de législateurs, soucieux d'élaborer avec discernement un cadre juridique protecteur qui ne fasse courir le risque d'aucune dérive.

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Je le dis avec beaucoup humilité : nous allons un peu trop loin dans cette définition de l'aide à mourir. On peut envisager qu'une personne décide de s'administrer une substance létale. On peut, dans un deuxième temps, envisager qu'un membre du corps médical soit chargé de cette administration. Mais permettre au malade de désigner un tiers pour s'en charger pose à mon sens un problème.

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Des amendements se penchaient sur le soutien psychologique aux personnes qui seraient amenées à administrer la substance létale, mais ils ont été jugés irrecevables sur le fondement de l'article 40 de la Constitution. Comment, dès lors, pourra-t-on venir en aide à des familles sur le point de se déchirer – comme dans le cas, par exemple, où c'est un membre de la fratrie plutôt qu'un autre qui aura été désigné pour administrer le produit ?

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Nous allons voter sur les amendements identiques. Je mets aux voix la première série d'amendements identiques, les amendements n° 1456 , 2127 , 2194 et 2503 .

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 132

Nombre de suffrages exprimés 127

Majorité absolue 64

Pour l'adoption 35

Contre 92

Les amendements identiques n° 1456 , 2127 , 2194 et 2503 ne sont pas adoptés.

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Je mets aux voix la seconde série d'amendements identiques, les amendements n° 417 , 517 , 2006 , 2463 et 2652 .

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 130

Nombre de suffrages exprimés 125

Majorité absolue 63

Pour l'adoption 42

Contre 83

Les amendements identiques n° 417 , 517 , 2006 , 2463 et 2652 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisie de huit amendements, n° 1245 , 2131 , 419 , 2193 , 2502 , 2637 , 3375 et 860 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 419 , 2193 , 2502 et 2637 sont identiques.

La parole est à Mme Anne-Laurence Petel, pour soutenir l'amendement n° 1245 .

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Cet amendement – que j'ai par erreur défendu tout à l'heure – vise à ce que le patient ait le choix de s'administrer lui-même la substance létale ou bien de demander au médecin de le faire, conformément au principe même de l'aide à mourir.

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La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l'amendement n° 2131 .

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Nous ne voulons pas limiter la possibilité que le médecin administre la substance au seul cas où le patient « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder » : au nom du libre choix – c'est essentiel – cette possibilité doit être ouverte si le patient le demande.

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La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement n° 419 .

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Cet amendement de repli vise à remplacer l'idée que la substance létale ne peut être administrée par un tiers que lorsque la personne « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder » par l'idée d'une procédure – auto-administration ou administration par un tiers – qui se fera « selon son choix ».

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Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : l'une sur l'amendement n° 2131 par le groupe Écologiste – NUPES, l'autre sur les amendements n° 419 et identiques par le groupe Socialistes et apparentés.

Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement n° 2193 .

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Cet amendement, presque identique à celui que nous avons défendu dans la discussion commune précédente, tend à faire du choix du patient l'unique critère déterminant la modalité d'administration du produit.

Beaucoup des arguments que nous avons entendus lors de cette discussion ne portaient absolument pas sur les amendements en question : je vous invite, chers collègues, à être plus attentifs et à ne pas anticiper sur les débats à venir.

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Sur le fond, nous ne comprenons pas en quoi le libre choix, par le patient, de la modalité d'administration du produit conduirait à des dérives supplémentaires, comme cela a été dit.

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La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l'amendement n° 2502 .

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C'est en effet toujours cette même idée que nous défendons : supprimer du texte de l'article « lorsqu'elle n'est pas en mesure physiquement d'y procéder ». La personne qui, arrivée au bout du chemin, demande à accéder à l'aide à mourir, doit pouvoir choisir entre l'auto-administration de la solution létale, ou son administration par un tiers. Vous pouvez être en capacité physique de le faire, et préférer cependant qu'un soignant le fasse.

Le texte doit respecter cette liberté. Les médecins seront protégés par la clause de conscience : nul ne se verra donc obligé de participer à cette procédure.

Je vous invite, chers collègues, à voter mutuellement nos amendements, quand nous sommes d'accord sur le fond – la stratégie parlementaire dicte une démarche unitaire.

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La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l'amendement n° 2637 .

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Il met en avant ce qui est l'objet même de ce projet de loi : le choix du patient.

De nombreux collègues l'on dit : dans certaines situations on pourra préférer, au dernier moment, qu'il revienne à une autre personne – médecin ou tierce personne qui l'aura accepté – de pratiquer le dernier geste.

Nous remettons par là en question la hiérarchie instaurée par le texte du projet de loi. Nous comprenons, madame la ministre, madame la rapporteure, pourquoi vous avez voulu qu'il y en ait une ; mais c'est un débat qu'il nous semble important d'avoir.

Dans les pays où l'on pratique l'aide à mourir, la discussion avec les proches permet souvent d'apporter de la sérénité, et le deuil s'en trouve facilité.

Et non, monsieur Potier, ce ne sont pas dans toutes les disciplines que les soignants sont majoritaires à s'opposer à l'aide à mourir, mais seulement dans celle des soins palliatifs.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme la rapporteure applaudit également.

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La parole est à Mme Anne-Laurence Petel, pour soutenir l'amendement n° 3375 .

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Il s'agit toujours de laisser le patient choisir les modalités d'administration de la substance létale. Le projet de loi entend redonner la parole à la personne en fin de vie et je n'imagine pas un médecin l'ayant accompagnée dans ce chemin si difficile vers la mort ne pas respecter ce choix ultime.

Applaudissements sur certains bancs du groupe SOC.

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La parole est à M. David Valence, pour soutenir l'amendement n° 860 .

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Cet amendement de notre collègue Raphaël Gérard entend comme les précédents laisser le patient libre de son choix jusqu'au bout. Sur cette question, je me suis beaucoup interrogé pendant l'examen du texte en commission spéciale. Je me suis d'abord dit qu'une des raisons majeures qui militait en faveur de cette modification était qu'elle allait dans le sens du respect de la volonté du patient, au cœur de ce projet de loi.

Je me suis ensuite demandé s'il était bon d'ajouter de la détresse à la détresse en n'offrant à la personne d'autre possibilité que celle de s'auto-administrer la substance létale. Pourquoi refuser qu'un tiers fasse un dernier geste de fraternité ? Cela m'a conduit à soutenir cet amendement avec beaucoup de conviction.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Christine Pires Beaune et Mme Julie Laernoes applaudissent également.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

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Pour les mêmes raisons que lors de la précédente discussion commune, ce sera un avis défavorable par souci de cohérence avec les dispositions prévues ultérieurement, en particulier à l'article 6.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Même avis.

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Outre le fait que je ne suis pas favorable à la possibilité de demander à un tiers d'effectuer ce geste létal, je crains que ces amendements ne systématisent le recours à un proche et non à un soignant.

Il serait bon que nous tournions nos regards vers les pays ayant légiféré sur l'euthanasie et le suicide assisté car je n'imagine pas que nos homologues ne se soient pas posé les mêmes questions que nous. Aucun d'entre eux n'a permis à un proche d'effectuer ce geste : cette possibilité est limitée à la personne elle-même ou aux médecins, voire aux médecins et aux infirmières comme c'est le cas au Canada.

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Madame la rapporteure, vous avez insisté sur le fait que le recours à une tierce personne était un facteur protecteur. Rappelons toutefois que nous sommes les seuls à inscrire ce droit dans le code de la santé publique ; dans tous les autres pays, il relève du code pénal. Ces exemples étrangers nous disent quelque chose, et on ne peut pas en faire abstraction alors que nous légiférons à notre tour.

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Je commencerai par une remarque de forme : nous affaiblissons le texte en sortant une par une de l'article 6 toutes les conditions qu'il fixe pour les poser à l'article 5. Nous perdons un élément fondamental qui a force de cohérence : la simultanéité des conditions.

M. Gilles Le Gendre et M. Rémy Rebeyrotte applaudissent

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Sur le fond, je rappellerai ce principe qu'on m'a toujours appris : il n'y a pas liberté sans responsabilité, sinon, c'est la jungle et pas l'humanisme. Mon avis n'est pas fait sur ce texte mais ces amendements me semblent flirter avec une idée qui m'inquiète. On laisserait la possibilité au patient de ne pas assumer jusqu'au bout la décision qu'il a prise, après avoir réitéré par deux fois sa volonté, alors qu'il s'agit d'un choix grave et pas seulement pour lui-même. L'acte est grave aussi pour les parlementaires qui votent ce texte, pour la société tout entière, pour nous tous.

M. Philippe Vigier applaudit.

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Selon ces amendements, le patient serait seul à pouvoir décider de la personne à désigner. Autrement dit, il s'agirait d'un choix strictement individuel, mais cette logique évacue toute réflexion sur l'impact d'un tel choix sur les tiers concernés. On voit bien que si on continue de parler de suicide assisté, le concept est élargi à l'extrême puisque l'acte implique un proche ou un médecin. Sur cette question centrale, nous aimerions que le Gouvernement nous donne sa position.

M. Jocelyn Dessigny applaudit.

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Nous avons déjà expliqué pourquoi nous étions contre les amendements de la discussion commune précédente. Les présents amendements sont quasiment identiques : même si une personne est en mesure de s'injecter elle-même le produit, elle peut demander à un tiers de le faire à sa place. Expliquez-moi la logique de tout cela ! Si une personne veut se suicider, elle peut le faire, si elle est consciente et qu'elle dispose des moyens nécessaires.

Je rappelle qu'en droit français, le suicide est libre. Si vous voulez vous suicider, vous pouvez le faire. Il n'y a pas besoin de loi.

Murmures sur de nombreux bancs.

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Tous ceux qui défendent ces amendements ont, ce que j'appelle, une attitude libertarienne : à la limite, supprimons toutes les règles, voilà leur position.

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Pour en revenir à la forme, monsieur Petit, c'est bien dans l'article 5 que sont apportées des précisions sur les personnes appelées à administrer la substance létale.

Les amendements ne portent pas sur la tierce personne que désignerait le patient mais sur la possibilité qui lui serait offerte, même s'il est en mesure de s'administrer lui-même la substance létale, de demander à un médecin de le faire.

Nous avons eu de longs débats sémantiques sur les mots d'euthanasie, d'aide à mourir et de suicide assisté. Je ne les néglige pas, ils ont eu leur intérêt. Toutefois, nous avons tranché en commission en faveur de l'aide à mourir. Ce terme me convient car il n'organise pas de hiérarchie entre suicide assisté et euthanasie ,

Mmes Anne-Laurence Petel et Danielle Simonnet applaudissent

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ce qui me semble aller dans le sens du modèle français que nous revendiquons. En toute cohérence, il importe de donner suite à ces amendements.

Enfin, je ne vois pas pourquoi l'infirmier ou le médecin seraient exclus dès lors que la procédure consistant à administrer cette substance vient clore un parcours de soins. Il s'agit bel et bien d'un geste médical.

Mmes Marie-Noëlle Battistel, Anne-Laurence Petel, Cécile Rilhac et Cécile Untermaier applaudissent.

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Chacun sait que je ne souscris à aucune des possibilités qui sont sur la table. Je comprends les amendements dont nous discutons : ils reposent sur la philosophie même du texte, à savoir le libre choix de la personne.

En l'espèce, il s'agirait de convoquer une nouvelle personne pour accomplir le geste létal, autrement dit d'accroître la créance. Le choix de l'individu s'imposerait alors à la société de manière absolue puisqu'il lui reviendrait de décider qui doit administrer le produit, par exemple, un soignant. Voilà qui remet en cause l'idée selon laquelle ce droit n'enlèverait rien à personne.

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En réalité, effectuer ce geste aura un impact sur la personne qui aura été désignée : elle subira inévitablement un préjudice.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Nathalie Bassire, Mme Emmanuelle Ménard et M. Dominique Potier applaudissent également.

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Sous couvert de défendre la liberté individuelle, on consacre l'individualisme le plus absolu. En désignant une personne tierce, un soignant notamment, pour commettre cet acte d'une gravité extrême, la personne en fin de vie va démolir la fraternité.

Certains collègues mettent l'accent sur la volonté du patient et son droit de choisir librement qui dépasserait tout, mais ce patient n'est pas seul : il appartient à une à une société, à une communauté nationale, à une famille. Les répercussions psychologiques seront incalculables dans les familles ou, par exemple, chez les résidents d'un Ehpad qui verront leur voisin disparaître après s'être administré la mort, sans parler des divisions parmi les soignants et des cas de conscience auxquels ils seront soumis. Tout cela aura des conséquences.

Oui, la liberté existe, et je tiens à préciser que les patients en France n'attendent pas l'aide à mourir pour l'obtenir et pour avoir la parole.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.

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Nous soutiendrons ces amendements pour la simple raison que le libre choix n'est pas réservé aux patients, il s'applique aussi aux personnes désignées puisqu'elles doivent être volontaires.

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Pour renforcer cette liberté de conscience, j'ai d'ailleurs déposé un amendement que nous examinerons ultérieurement visant à préciser que les personnes peuvent se rétracter au dernier moment.

Certains s'inquiètent des frontières desquelles nous approchons. À vrai dire, nous les franchissons au nom de la fraternité. Quand une équipe collégiale se rassemble pour accompagner une personne en fin de vie, on comprend toute la pertinence du terme « aide à mourir ». Jusqu'au bout, un patient peut se faire aider. C'est toute la spécificité de ce que nous proposons d'inscrire dans le droit français par rapport aux législations étrangères.

M. Matthias Tavel applaudit.

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Nous savons toutes les difficultés et les complications liées à la participation des proches et les effets psychologiques qu'elle aurait.

Cela dit, qui ignore que les proches ne sont pas toujours bienveillants ? À votre avis, pourquoi le juge intervient-il pour statuer sur la mise sous tutelle ou sous curatelle ? Certains considèrent parfois que les héritages sont longs à venir.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.

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Je n'ose même pas imaginer à quelles situations aboutirait le fait d'autoriser le recours aux proches.

Autre considération, vulgaire, au sens latin du terme : administrer le produit létal suppose d'accomplir un geste technique. Le proche saura-t-il poser une perfusion ? Et si un médecin ou un infirmier l'installe, saura-t-il injecter le produit ? En réalité, tout cela est très compliqué.

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Vous ouvrez des possibilités techniques dont vous ne prenez même pas la mesure car vous n'avez jamais vu comment cela se passait.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.

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L'aide à mourir ne relève pas selon moi d'une liberté, terme qui me dérange beaucoup, mais d'une possibilité. C'est un point fondamental qui est un préalable pour l'acceptation de ce texte. Si je peux être traversée par des doutes, j'ai des certitudes sur deux points : d'une part, il faut conserver le principe selon lequel l'auto-administration est la règle et l'administration par une tierce personne l'exception ; d'autre part, l'expression de la volonté libre et éclairée doit s'imposer jusqu'à la fin.

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Monsieur de Courson, j'ai habituellement beaucoup de respect pour vos interventions.

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En revanche, ce que vous avez dit est honteux. Dire en substance « le suicide n'est pas interdit, débrouillez-vous ! » est inacceptable. Nous pouvons avoir un désaccord sur le fond, mais vous ne pouvez pas répondre aux 90 % des Français favorables à l'aide à mourir qu'ils doivent se débrouiller. Quand on est en phase terminale de la maladie de Charcot, d'un cancer ou d'une sclérose en plaques, croyez-vous vraiment qu'on peut se débrouiller ? C'est impossible.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Stéphane Delautrette applaudissent également.

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Aussi faut-il garantir la liberté de choisir le mode d'administration car on peut craindre d'avoir la main tremblante au dernier moment.

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La main tremblante, c'est peut-être un problème de consentement…

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Le médecin, en délivrant le médicament, participera de toute façon à l'aide à mourir, que ce soit une piqûre…

Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé.

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L'objet de ces amendements, c'est le libre choix du mode d'administration et non la question de la tierce personne, comme certains collègues ont semblé le croire. En effet, la rédaction actuelle de l'article 5 prévoit déjà les cas où la personne qui « n'est pas en mesure physiquement d'y procéder, se le fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu'elle désigne ».

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C'est pour cela qu'on ne veut pas de l'article 5 !

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En revanche, la question de la tierce personne, innovation française, qui n'existe dans aucun autre pays et qu'il faut encadrer, fera l'objet d'amendements ultérieurs.

À ce stade, il s'agit de se prononcer sur la question du choix du mode d'administration.

M. Sébastien Peytavie applaudit.

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Je ne désespère pas de comprendre le choix du Gouvernement qui a présidé à la rédaction de l'article 5 du projet de loi. Le malade doit-il de façon générale procéder lui-même à l'administration de la substance et, par exception seulement, faire appel à un médecin ou à un infirmier ? Tel est l'objet des amendements que nous discutons.

Madame la ministre, vous ne répondez pas précisément à la question : pourquoi le malade devrait-il obligatoirement se l'administrer s'il est en capacité physique d'y procéder ? Avez-vous pensé qu'il n'est peut-être pas en capacité psychique de le faire ? Charles de Courson, je suis souvent d'accord avec vous mais pas en l'espèce : quand on veut mourir, c'est parce qu'on est atteint d'une maladie grave et incurable et qu'on subit des souffrances réfractaires aux traitements – ce sont les mots mêmes du texte. Je n'arrive donc pas à comprendre la rédaction de cet article.

Tout cela provoque une certaine suspicion : si le malade doit procéder lui-même à l'administration, n'est-ce pas finalement pour que l'aide à mourir soit utilisée le moins souvent possible ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.

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Je suis d'accord avec M. de Courson. Madame Simonnet, les 90 % de Français dont vous parlez veulent surtout vivre dans la dignité.

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S'il vous plaît, respectez mes propos, même si nous ne sommes pas d'accord ! C'est un texte de société : chacun exprime librement son avis. La dignité en fin de vie n'est pas synonyme de choix de mourir mais dépend aussi des conditions permettant de vivre jusqu'au bout avec respect et soutien.

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Renoncer à améliorer les conditions de vie des plus vulnérables, c'est renoncer à son devoir de solidarité.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.

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Pour ma part, je suis très favorable au projet de loi et à l'aide à mourir. Mon propos ne porte pas sur la tierce personne et mon argumentation sera différente des précédentes prises de parole. Je veux parler en effet de la relation entre la décision et l'action.

Il arrive dans la vie que nous prenions des décisions mais que nous ne passions jamais à l'acte car nous distinguons la décision théorique de l'action. Comme l'acte dont nous débattons est irréversible, il faut le lier intimement à la décision. C'est pourquoi il convient de privilégier l'auto-administration quand la personne en est capable.

Je ne m'oppose pas aux arguments relatifs à la fraternité. Je comprends que l'administration par un tiers puisse être plus confortable – en prenant toutefois toutes les précautions à l'égard de ce terme – pour le malade, et je n'y oppose pas d'objection de principe. Toutefois, s'agissant d'un acte irréversible, je crois qu'il faut lier la décision et l'action. Aussi voterai-je contre ces amendements.

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Je suis favorable au libre choix du patient, qui souffre et prend la décision majeure de mettre fin à sa vie, de se tourner vers un soignant ou une tierce personne qui l'accepte, qui n'est pas obligé de le faire et qui en aucun cas ne va « commettre » un acte. Je pense que les termes que nous utilisons sont lourds de sens. La tierce personne ne « doit » pas ; elle « va » pratiquer l'acte. Elle ne commet pas un délit, mais agit pour le patient, par solidarité avec lui.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LFI – NUPES et SOC.

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Je trouve particulièrement cruel de dire au patient : toi qui souffres et qui veux mourir, aie le courage d'assumer ta décision jusqu'au bout. Le titre II s'intitule « Aide à mourir », et non « Demi-aide à mourir ».

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES et SOC.

L'amendement n° 1245 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 151

Nombre de suffrages exprimés 147

Majorité absolue 74

Pour l'adoption 45

Contre 102

L'amendement n° 2131 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 151

Nombre de suffrages exprimés 146

Majorité absolue 74

Pour l'adoption 49

Contre 97

Les amendements identiques n° 419 , 2193 , 2502 et 2637 ne sont pas adoptés.

Les amendements n° 3375 et 860 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Sur les amendements n° 3337 , n° 385 et identiques, et n° 140 et identiques, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisie de sept amendements, n° 3337 , 385 , 651 , 3172 , 140 , 1391 et 1982 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 385 , 651 et 3172 sont identiques.

Les amendements n° 140 , 1391 et 1982 sont également identiques.

La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l'amendement n° 3337 .

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Nous avons évoqué, avec des arguments tout à fait respectables, les difficultés rencontrées par le tiers de confiance dans cet acte qu'il va devoir commettre, qui est un acte de mort.

Je suis très critique à l'égard de la rédaction de l'article 5, parce qu'à défaut du tiers de confiance, c'est aux soignants qu'on va demander de pratiquer cet acte intrinsèquement contraire au serment d'Hippocrate qu'ils ont prêté.

Je le répète, malgré les murmures : vous n'avez, semble-t-il, pas beaucoup sondé les soignants, qu'ils soient médecins ou infirmiers, pour savoir s'ils sont prêts ou non à participer à cet acte létal. Or nous devons à ces soignants le respect, c'est pourquoi je vous invite à être très attentifs à mon prochain amendement n° 3336 qui permettra de dégager une solution. Administrer une substance létale ne nécessite pas dix ans d'études de médecine : le tiers pourrait être un administrateur sous le contrôle de la justice, rattaché auprès d'un tribunal judiciaire, et qui sera chargé d'administrer cette substance, si nous suivons la logique qui est la vôtre.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.

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La parole est à Mme Nathalie Serre, pour soutenir l'amendement n° 385 .

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Cet amendement de notre collègue Annie Genevard tend à supprimer l'implication du soignant – médecin ou infirmier – dans l'administration de la substance létale, lorsque la personne n'est pas en mesure d'y procéder elle-même.

Dans l'évolution qui a conduit de la loi Leonetti de 2005 à la loi Claeys-Leonetti de 2016, des spécialistes de l'éthique affirmaient déjà que nous franchissions la ligne rouge en instituant un decrescendo de morale entre le double effet et la double attention. Les soignants font d'ailleurs souvent remarquer que la loi Claeys-Leonetti a été écrite comme un protocole médical – ce qui n'est pas a priori la vocation de la loi –, au point que dans certains cas litigieux, le médecin a l'impression que la loi lui demande d'exécuter un protocole, voire que le législateur lui saisit la main pour lui imposer une prescription. L'amendement vise à empêcher cela.

M. Marc Le Fur applaudit.

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La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l'amendement n° 651 .

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Il s'agit d'un amendement de repli. Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas aux professionnels de santé de participer à l'acte d'aide active à mourir par l'administration d'un produit. Au risque d'entendre des soupirs bruyants dans la salle, j'invoque le serment d'Hippocrate selon lequel le médecin jure de ne pas donner la mort. Ce serment a une valeur puisque tant que vous ne l'avez pas prêté, vous ne pouvez pas exercer la médecine. Ma question est donc très simple : à moins de considérer que prêter serment est juste l'occasion d'une photographie sympathique avec sa famille, ne faudra-t-il pas, une fois ce texte adopté, modifier le serment d'Hippocrate ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Benoît Mournet applaudit également.

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La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l'amendement n° 3172 .

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Il vise, comme les précédents, à protéger les soignants. Administrer d'une substance létale ne correspond ni au rôle ni à la vocation ni à l'engagement des soignants. Leur mission évidente, leur métier est le soin des patients tout au long de leur vie.

Un collectif de 800 000 soignants a dit son opposition à ce projet de loi et a lancé un appel à Emmanuel Macron pour lui expliquer qu'ils refusaient le pouvoir de donner la mort. Tous ces soignants vous disent « non ». Dans ce mot « non », madame la ministre, qu'est-ce que vous ne comprenez pas ?

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 140 .

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Il s'agit aussi d'un amendement de repli, qui vise à exclure le médecin du dispositif. Notre collègue Philippe Juvin vient de rappeler à juste titre le serment d'Hippocrate, mais ce n'est pas le seul argument. Ainsi, l'ordre des médecins considère que voter l'aide à mourir relève du législateur mais que confier l'administration de l'acte létal au médecin constituerait une rupture dans la relation de confiance entre le médecin et le patient qu'il faut au contraire absolument protéger. Envisager que le médecin pourrait procéder à l'acte létal la fragilise et instille le doute.

M. Jocelyn Dessigny applaudit.

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La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 1391 .

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À plusieurs reprises, en commission spéciale, mes collègues et moi avons insisté sur la nécessité d'écarter les professionnels de santé d'un texte dont beaucoup d'entre eux ne veulent pas. Dans une tribune publiée dans Le Figaro le 27 mai, plusieurs organisations de soignants ont évoqué la rupture profonde entre le projet de loi et les réalités vécues sur le terrain par les professionnels.

Votre texte entraîne un changement de paradigme complet quant aux missions des professionnels du secteur médical. Donner la mort, ce n'est pas pratiquer un soin. Depuis l'Antiquité, les médecins sont tenus de ne pas provoquer délibérément la mort. Inverserons-nous ce principe au seul motif que le serment d'Hippocrate n'est pas une charte judiciairement contraignante ? Nous nous devons d'écouter les Anciens.

C'est pourquoi cet amendement de repli vise à exclure les médecins de cette procédure.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.

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La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1982 .

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Nous débattons de la partie de phrase qui, dans l'alinéa 6, concerne l'exception euthanasique. En d'autres termes, nous parlons du cas où une personne demande la mort provoquée, mais est physiquement incapable de la déclencher elle-même. Vous prévoyez que la mort puisse alors être administrée « par un médecin [ou] un infirmier ».

La décision ne se réduit pas dans ce cas à un choix personnel, puisqu'elle implique un tiers, lequel peut en l'espèce être un médecin ou un infirmier. Or il me semble que la vocation même du médecin implique d'être présent auprès du mourant jusqu'à ses derniers moments, de lui prodiguer des soins appropriés et de sauvegarder la dignité du malade. Confier au médecin la tâche d'administrer la mort risque de dénaturer le lien entre soignant et soigné, voire de provoquer une crise des vocations chez les soignants.

Je rappelle que l'Ordre des médecins, dès le mois d'avril 2023, a indiqué qu'il était « défavorable à la participation d'un médecin à un processus qui mènerait à une euthanasie ». Il considère que le soignant peut être présent lors d'un tel acte, mais non y participer.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

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Avis défavorable. Nous comprenons les réserves des médecins ne souhaitant pas pratiquer l'aide à mourir et dont nombre d'entre vous se font les porte-parole, mais il y a aussi des médecins qui accepteraient de pratiquer cet acte, voire le pratiquent déjà sans être protégés de ses conséquences pénales.

Murmures sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.

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Le paradoxe de vos amendements réside dans le fait que s'ils étaient adoptés, tout reposerait sur les proches lorsque le malade n'est pas physiquement capable de s'auto-administrer la substance létale. Cela n'est pas cohérent.

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Pour la bonne information de nos collègues et des spectateurs de nos débats, je précise que, contrairement à ce que M. Bentz a laissé entendre en mentionnant un collectif de 800 000 soignants, aucune pétition n'a reçu tant de signatures.

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Je mets au défi quiconque de me montrer un document signé par 800 000 soignants : il n'existe pas !

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem et SOC. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe RN

Il n'a pas dit cela !

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Il a parlé d'un collectif réunissant 800 000 soignants, pas de 800 000 signataires !

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Chers collègues, j'ai noté une vingtaine de demandes de prise de parole : chacun aura l'occasion de s'exprimer. Laissez donc M. le rapporteur général exprimer son opinion, vous exprimerez la vôtre après.

MM. Vincent Bru et David Valence applaudissent.

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D'accord, mais il ne faut pas déformer les propos des autres !

« Ce n'est pas ce qu'il a dit ! » sur les bancs du groupe RN.

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Le document évoqué par M. Bentz a été signé par treize organisations. C'est un peu comme si M. Bentz, voulant donner du poids à sa position – que, du reste, je respecte tout à fait –, se prévalait de sa qualité de responsable du texte pour le groupe Rassemblement national pour affirmer que les quatre-vingt-neuf députés du groupe sont opposés au texte. Ce n'est pas comme cela que ça marche. De même, la pétition fantôme à 800 000 signataires n'existe pas, même si plusieurs organisations de soignants ont signifié leur opposition au texte.

Un sondage réalisé par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) indique que 15 % des soignants interrogés sont favorables à l'aide médicale à mourir.

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Vous m'objecterez que ce n'est pas beaucoup, mais c'est assez pour prouver que tous les membres des organisations de soignants ne sont pas hostiles à l'aide à mourir. Je souhaitais simplement rappeler que ce document signé par treize organisations ne constitue en aucun cas une pétition signée par 800 000 soignants – c'est une fake news !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Une chose est certaine : les deux acteurs majeurs du texte sont le patient et le médecin. Il est donc normal que les réflexions de certains médecins ayant interpellé le législateur suscitent le débat ; il s'agit d'un point majeur. Nous ne pouvons pas rester sourds aux paroles de ceux qui nous interpellent, qu'ils soient pour ou contre la mesure.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Comme nous l'avons dit depuis le début, l'aide à mourir sera pratiquée sur la base du volontariat, ce qui doit valoir non seulement pour le patient, mais aussi pour le médecin.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

C'est le sens de l'article 16 relatif à la clause de conscience. Il se trouve que Mme Darrieussecq soutiendra dans quelques minutes un amendement, n° 3284 , visant à expliciter le principe du volontariat des médecins et des infirmiers. S'il est adopté, la notion de volontariat sera inscrite dans le texte ; c'est pourquoi je suis défavorable aux amendements en discussion commune et serai favorable à l'amendement de Mme Darrieussecq.

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M. Martin a affirmé que la tierce personne chargée d'administrer la substance, qu'elle soit un proche ou un soignant, ne serait pas une personne « qui doit » mais une personne « qui va » le faire.

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Vous savez bien que les choses ne sont pas si simples. Vous pouvez imaginer la pression qui s'exercera sur le tiers, a fortiori s'il s'agit d'un proche, si un malade en fin de vie lui dit « tu dois m'aider à en finir » et lui explique que ce serait là un acte d'amour ou de fraternité – ce mot revient souvent dans la discussion. Croyez-vous que le tiers sera alors totalement libre d'accepter ou de refuser ? Le sentiment de culpabilité s'insinuera dans son choix ; il se dira qu'un refus signifie qu'il n'aime pas vraiment le malade, qu'il n'est pas un véritable ami, un bon fils, une bonne fille.

Que le tiers soit soignant ou proche, il sera placé dans une situation très difficile si le texte est adopté, aussi ne pouvons-nous pas accepter cette formulation.

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Je me permets de vous donner lecture d'un témoignage de la valeur ineffable du lien entre soignant et patient. Il a été adressé par l'épouse de Daniel, décédé en soins palliatifs d'une sclérose latérale amyotrophique (SLA), au médecin de son mari.

« Daniel répétait qu'il était arrivé au bout de son chemin, qu'il ne trouvait plus l'énergie pour prolonger davantage son existence. Il avait expliqué à ses enfants, sa famille, ses proches, qu'il avait décidé de partir avec l'aide de son médecin. Et nous, nous souhaitions aussi que cette fin arrive, certains que c'était mieux pour lui et que c'était ce qu'il voulait. Maintenant, je sais que cela aurait été une grave erreur de l'aider à s'endormir sans plus attendre. Grâce à la compétence professionnelle de l'équipe médicale et à la qualité des relations humaines que cette équipe a su établir avec nous, Daniel a vécu six semaines de plus, pendant lesquelles il a connu de vrais moments de bonheur et de partage. Je n'ose pas penser au déchirement et à la culpabilité que nous ressentirions si vous aviez accédé à sa demande d'en finir dès son arrivée dans votre service, car chaque jour qu'il a vécu en plus a prouvé qu'il ne voulait pas partir avant que son corps ne trouve le repos et s'éteigne de lui-même. »

Murmures sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Avant de rencontrer le médecin destinataire de cette lettre, Daniel avait pris contact avec l'association Dignitas, en Suisse, qui pratique en toute légalité l'assistance au suicide médicalisé en fin de vie.

Je tenais simplement à lire à voix haute ce témoignage de la valeur du lien entre patient et soignant, que nous devons nous garder de détruire.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit également.

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Nous sommes tous d'accord : les soignants doivent soigner. Par soignants, j'entends non seulement les médecins, mais aussi les infirmiers ou encore les aides-soignants.

Mme Caroline Fiat applaudit.

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Tous les soignants soignent.

Or nous ne considérons pas l'aide à mourir comme un soin. Pour l'en distinguer, je proposerai un amendement – je remercie Mme la ministre d'avoir dit dès hier soir qu'elle y serait favorable – visant à inscrire dans la loi le principe de volontariat des soignants s'agissant de l'aide à mourir. Cela va au-delà de la clause de conscience ; il s'agit de se déclarer volontaire et de s'inscrire sur un registre.

M. Stéphane Mazars applaudit.

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Si nous adoptons cette disposition, nous couperons court aux débats concernant la participation des médecins à l'aide à mourir : ceux qui seront volontaires la pratiqueront, les autres ne la pratiqueront pas. Dans les deux cas, ils continueront par ailleurs à soigner.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.

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Je ferai deux remarques simples.

Premièrement, l'adoption de ces amendements en discussion commune déséquilibrerait le texte. J'ai défendu tout à l'heure l'équilibre actuel, qui consiste à requérir l'assistance d'un tiers – un soignant ou un proche – dans le seul cas où le patient est physiquement incapable de s'auto-administrer la substance létale. Vous voulez exclure les soignants du dispositif ; pour les raisons que vient d'exposer Mme Darrieussecq, j'y suis totalement opposé.

Deuxièmement, je prends acte de l'argument fondé par M. Juvin sur le serment d'Hippocrate, mais je rappelle que les mêmes objections ont été faites il y a huit ans, lorsque nous examinions la loi Claeys-Leonetti et que nous parlions de sédation profonde et continue. Relisez donc les débats ; je pense à vous, monsieur Le Fur, qui aimez fouiller dans les comptes rendus des débats parlementaires ! Lorsqu'on interrompt l'hydratation d'un patient ou qu'on lui délivre un cocktail de benzodiazépines et de morphiniques, on sait que la mort est au bout du chemin. Ce n'est pas un soin qui soigne, mais un soin qui accompagne vers la mort.

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Le serment d'Hippocrate est un texte fondateur de la déontologie médicale dépourvu de valeur juridique. Je rappelle qu'il a fait l'objet de nombreuses adaptations par le passé. N'a-t-il pas été adapté pour permettre l'interruption volontaire de grossesse (IVG), pour permettre de rémunérer l'enseignement de la médecine, pour autoriser la sédation profonde et continue ? Arrêtez donc de nous opposer le serment d'Hippocrate à longueur de journée !

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem et SOC.

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En outre, le rapport du Conseil économique, social et environnemental (Cese) estime que 2 000 à 3 000 euthanasies sont pratiquées clandestinement. Qui pratique ces euthanasies clandestines ? Posez-vous donc des questions ! C'est aussi la réalité.

Enfin, il est proposé que les médecins accomplissent ce geste uniquement s'ils sont volontaires. Cela veut tout dire.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.

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Bien évidemment, nous voterons contre ces amendements dont l'adoption aurait pour effet d'écarter certaines personnes du droit à l'aide à mourir. Chaque personne éligible qui solliciterait l'aide à mourir doit pouvoir recevoir la substance létale de la manière la plus pertinente étant donné sa situation ; or, dans certains cas, l'administration par un professionnel de santé sera nécessaire.

Il était essentiel pour nous, au cours des débats, d'entendre les différentes voix et les différentes perspectives sur l'aide à mourir. Nous avons ainsi entendu les professionnels de santé qui exprimaient leurs craintes, voire leurs réticences. Cependant, il serait fallacieux de réduire le débat à une vision opposant des citoyens qui réclameraient l'aide à mourir et un corps médical qui y serait entièrement opposé. Des soignants, par exemple les membres du collectif Pour un accompagnement soignant solidaire, ont réclamé ce projet de loi. Nous devons respecter cette diversité d'opinions.

Enfin, je tiens à rappeler que le projet de loi prévoit une clause de conscience pour les professionnels de santé.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Nous aurons tout vu en matière d'obstruction contre ce texte.

Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.

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Vous voulez à présent retirer la possibilité aux médecins et aux infirmiers de délivrer l'aide à mourir. Précédemment, j'ai entendu M. Juvin expliquer qu'il ne fallait pas qu'elle soit délivrée par un tiers de confiance, car celui-ci ne saurait pas mettre une perfusion. Il me semble que les médecins et les infirmiers pourraient rassurer les patients qui demanderont l'aide à mourir et qui en auront besoin.

Par ailleurs, vous insistez sur le fait que l'aide à mourir n'est pas un soin. Cependant, cela n'est indiqué nulle part, et les médecins qui le pratiquent affirment qu'il s'agit des derniers soins.

« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.

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Enfin, pour la bonne tenue de nos débats, je rappelle les propos qu'a tenus le Rassemblement national : « 800 000 soignants ont fait un rappel à Emmanuel Macron ». Le rapporteur général vous a signifié à juste titre que vos propos étaient fallacieux.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes RE et LFI – NUPES. – M. Jean-Claude Raux applaudit également. – Protestations sur les bancs du groupe RN.

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L'aide à mourir est accordée par un médecin. Il est possible de la demander dans le cadre d'une maladie incurable à un stade avancé. Je ne vois pas pourquoi le corps médical devrait être écarté du processus final. D'une part, l'administration de la substance létale peut requérir l'intervention d'un professionnel volontaire de santé pour ne pas être dangereuse ou mal utilisée. D'autre part, les médecins et les infirmiers pourront faire valoir la clause de conscience s'ils ne souhaitent pas réaliser l'aide à mourir. Je voterai donc contre ces amendements.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Frédérique Meunier applaudit également.

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Monsieur le rapporteur général, il faudrait arrêter de truquer les sondages et les chiffres, et d'inverser la réalité. L'écrasante majorité des soignants ne veulent pas de l'euthanasie.

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Comme d'habitude, monsieur Odoul, vous dites ce qui vous arrange !

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Ils ne veulent pas de ce bouleversement de leur activité, de leur mission, de leur vocation.

Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.

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Pour vous répondre, monsieur le rapporteur général, ce ne sont pas treize mais vingt organisations professionnelles ; ce n'est pas une pétition mais un collectif ; c'est l'écrasante majorité au sein du million de soignants qui exercent en France.

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Les soins palliatifs, les organisations de gériatres, une grande partie des organisations de cancérologie, une grande partie des organisations d'infirmiers et d'infirmières, le Conseil national professionnel des aides-soignants (CNPAS) : c'est l'écrasante majorité des soignants qui ne veut pas de votre loi. Il va falloir les entendre !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Marc Le Fur applaudit également.

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C'est la différence entre idéologie et réalité !

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Le serment d'Hippocrate date du IVe siècle avant Jésus-Christ. S'il est fondateur de la déontologie médicale, il n'a aucune valeur juridique, bien qu'il garde toute sa noblesse et sa grandeur. Comme l'a dit Mme Meunier, il a évolué au fil du temps et s'inscrit dans son époque. Donner la mort n'est pas le rôle du médecin, c'est vrai ; pourtant, la loi autorise déjà les médecins à arrêter un traitement en accord avec le patient au nom de l'interdiction de l'obstination déraisonnable et de l'acharnement thérapeutique lorsque le traitement est délétère et impuissant pour le malade dont le pronostic vital est engagé. La sédation profonde est une forme d'euthanasie, ainsi que l'arrêt des traitements qui abrège la vie.

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Les textes évoluent, comme le montre le projet de loi que nous examinons. Ce n'est pas donner un argument que de se retrancher derrière le serment d'Hippocrate.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

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J'ai entendu de nombreux députés s'exprimer au nom des soignants, que ce soit les médecins ou les infirmières…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe RN

Et le docteur Juvin ?

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Je vais vous dire ce qui se passe actuellement, avant que nous votions sur ce projet de loi. Tous les médecins ont la volonté d'accompagner leurs patients jusqu'au bout.

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Tous les médecins ont, d'une façon ou d'une autre, aidé certains de leurs patients à mourir. Ils l'ont fait en connaissance de cause, hypocritement, en toute illégalité. En soins palliatifs, quand on met quelqu'un en sédation profonde et continue, on accepte un chemin vers la mort qui dure peu de temps ; c'est donc une façon d'aider à mourir. Quand un chirurgien prend la décision d'arrêter une intervention parce qu'il n'y a pas d'issue, le patient sort du bloc opératoire et reste quelques heures en salle de réanimation ; on ne le réveille pas ; le dialogue avec la famille s'installe ; tout le monde comprend qu'il n'y a pas d'issue. Un médecin généraliste agit de même auprès d'un malade qui souffre.

Avec ce projet de loi, nous ne voulons pas contraindre les médecins. La clause de conscience permettra à ceux qui ne veulent pas accompagner les malades jusqu'au bout de se retirer. Les autres pourront assumer leur mission jusqu'au bout, car cela fait partie de la mission des médecins d'aider les personnes à mourir quand leur état le justifie.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.

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Dans la continuité de ce que vient de soutenir M. Rousset, sans vouloir entrer dans un combat de chiffres, permettez-moi quand même de vous en donner quelques-uns. Les premiers sont issus d'une enquête auprès de 2 200 soignants de la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) : 59 % sont favorables à une évolution de la loi en faveur d'une aide à mourir. Parmi eux, 67 % sont favorables à un suicide assisté par un médecin ; 63 % sont favorables à l'euthanasie ; 40 % au suicide assisté sur le modèle suisse ; 21 % au suicide assisté selon le modèle de l'Oregon. Une autre enquête, auprès de services de réanimation, montre que 75 % des soignants interrogés sont favorables à une aide à mourir, 87 % chez les non-médecins et 57,4 % chez les médecins, qui ont bien prêté le serment d'Hippocrate.

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Pour quelqu'un qui ne voulait pas donner de chiffres !

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Je voudrais témoigner pour tous ces professionnels qui ont le courage de dire qu'ils sont favorables à l'aide à mourir et qui, à présent, se font agresser et menacer sur les réseaux sociaux.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et RE.

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C'est la raison pour laquelle je vous invite à la plus grande prudence sur la question du volontariat.

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La question de l'acceptation des soignants se pose-t-elle ? Oui. Personne ne peut sérieusement prétendre le contraire. Ce sont eux qui seront concernés, au moins en partie, par l'application des dispositions prévues dans ce projet de loi. Ne ressentons-nous pas, dans le monde soignant, un certain trouble ? Je l'ai ressenti, pour ma part. Tous sont-ils troublés ? Bien sûr que non. N'y a-t-il pas des partisans du projet de loi parmi les soignants ? Bien sûr que si. Je crois cependant qu'il y a un trouble, et qu'on ne peut pas le balayer d'un revers de main en disant qu'il n'y a pas de sujet. À mon avis, ce n'est pas possible de raisonner comme cela, surtout avec la crise de sens que traverse le monde soignant. Là encore, ce n'est pas une question individuelle, comme vous le suggérez quand vous dites que chacun pourra se porter volontaire, mais une question collective, comme celle du sens que l'on donne au métier. Je crois qu'il n'est pas utile de discréditer les organisations nombreuses et diverses qui se sont prononcées, parmi les corps intermédiaires de la médecine ; il faut entendre le questionnement qui est le leur.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et LIOT. – MM. Cyrille Isaac-Sibille et Julien Odoul applaudissent également.

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Dans la Grèce antique où est née la démocratie, il était écrit : « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre. » Une des premières formes de démonstration reconnues à cette époque était la démonstration par l'absurde : on part d'une proposition que l'on pense être fausse, on suppose qu'elle est vraie et, de proche en proche, on s'efforce de démontrer l'absurdité de cette proposition par la fausseté de ses conséquences.

Vous voulez que les médecins n'administrent pas la potion létale. Je pars de ce postulat pour examiner les faits. Certains médecins n'administrent-ils pas déjà une potion qui fait mourir ? Oui, dans le cadre de la loi Claeys-Leonetti, cela a été dit, des médecins administrent des potions qui mènent jusqu'à la mort. Considérer que les médecins ne peuvent pas administrer une potion létale est donc absurde : cela signifie que vous remettez en cause la loi Claeys-Leonetti.

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Je suis assez surpris par cette série d'amendements au sujet de situations considérées comme exceptionnelles dans le cadre de ce projet de loi : l'administration par un tiers ou par un professionnel de santé de la substance létale. Il me paraît en effet surprenant de considérer que l'administration de la substance létale pourrait être réalisée par un proche, qui a un lien étroit avec le malade, et non par un professionnel de santé, qui a bien sûr une capacité d'empathie, mais qui peut également s'appuyer sur son professionnalisme et sur une certaine distance. Surtout, cela a été dit à de multiples reprises, il sera volontaire pour accomplir ce geste. Je m'inscrirai en faux contre ces amendements pour cette raison.

Avec MM. Paul-André Colombani et Charles de Courson, nous proposerons le contraire dans quelques instants.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 152

Nombre de suffrages exprimés 146

Majorité absolue 74

Pour l'adoption 41

Contre 105

L'amendement n° 3337 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 145

Nombre de suffrages exprimés 136

Majorité absolue 69

Pour l'adoption 42

Contre 94

Les amendements identiques n° 385 , 651 et 3172 ne sont pas adoptés.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 147

Nombre de suffrages exprimés 142

Majorité absolue 72

Pour l'adoption 44

Contre 98

Les amendements identiques n° 140 , 1391 et 1982 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisie de deux amendements, n° 3336 et 2695 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Sur l'amendement n° 3336 , je suis saisie par le groupe Rassemblement national d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Sur ces amendements, je donnerai la parole à beaucoup moins d'orateurs, compte tenu du fait que nous avons déjà largement débattu de ces questions.

La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l'amendement n° 3336 .

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Je propose à notre assemblée un amendement qui pourrait mettre tout le monde d'accord. En effet, nous avons vu que le tiers de confiance pourrait être placé dans une grande difficulté psychologique parce qu'administrer la mort à autrui n'est pas un acte anodin. Nous avons vu que les soignants, les médecins ou les infirmières n'ont pas forcément envie de participer à cet acte qui n'est pas un soin. Je propose donc, même si je ne suis pas favorable à ce projet de loi, qu'un tiers soit désigné, qui sera un mandataire inscrit sur une liste auprès du tribunal judiciaire. En effet, on nous a répété lors des travaux de la commission spéciale qu'une centaine de cas particulièrement difficiles à traiter motiveraient la loi. Je suis persuadé que l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, qui est le promoteur de ce texte, association ultraminoritaire,…

Debut de section - Permalien
Une députée du groupe RE

Et 92 % des Français, c'est ultraminoritaire ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…trouvera au moins cent personnes capables d'être mandataires pour administrer la substance létale. Cela aurait le mérite de mettre tout le monde d'accord.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement n° 2695 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Très tôt dans les débats sur cette loi, j'ai eu le sentiment qu'il fallait protéger l'hôpital public et nos Ehpad, afin de préserver les communautés de soignants rassemblées autour d'un serment commun, d'un engagement à tenir la main des malades et à lutter jusqu'au bout pour la vie, contre la douleur. Ces lieux incarnent la République, ses services publics et le choix de ceux qui s'engagent dans la santé ; en aucun cas, ils ne doivent être des lieux où l'on peut donner la mort. Il s'agit donc d'un amendement d'appel qui appelle votre attention sur la solution suisse. En effet, la pratique suisse autorise le suicide assisté en dehors des établissements publics ou privés reconnus par le ministère de la santé. Le suicide assisté ne fait donc pas appel au corps médical, aux établissements de santé et au serment commun de la médecine.

MM. Hervé de Lépinau et Benoit Mournet applaudissent.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Disons-le clairement : je suis médecin et j'en ai assez d'entendre que les soignants sont opposés à cette loi.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ici, vous êtes député ! C'est insupportable !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En examinant cet hémicycle, je me demande même si la majorité des soignants – médecins, infirmiers et aides-soignants – ne sont pas plutôt en faveur cette loi. Arrêtons donc cette farce, qui vise à culpabiliser les médecins en citant le serment d'Hippocrate. Ce qui me culpabiliserait, moi, ce serait de ne pas accompagner mon patient jusqu'au bout et d'assister à une agonie, dans le cadre de la sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti. Cette agonie me choque plus que l'administration du produit qui permettra d'accompagner le patient dans une mort douce et choisie, entouré des siens, dans le cadre qu'il aura souhaité.

Cette culpabilisation des soignants n'est donc pas la bienvenue.

Applaudissements sur certains bancs du groupe RE.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis troublé, car nous faisons face à des problèmes concrets qui font remonter les questions de fond. Une fois la possibilité de l'aide à mourir ouverte par l'article 5, qui va s'en charger ? Je ne vois pas qui, pour diverses raisons. Je tiens donc à faire part de mon trouble devant ce débat, qui en vient à réfléchir à qui serait la personne la moins mal placée pour le faire. À ce stade de la discussion, j'ai le sentiment de me trouver dans une impasse.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Benoit Mournet applaudissent.

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Dans une impasse, il faut faire marche arrière !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous devons nous soumettre à un exercice complexe, qui nous oblige à nous déposséder de nos professions passées. Ici, je ne connais que des députés ; je ne reconnais donc aucun médecin qui pourrait se prévaloir d'une autorité morale particulière, issue de son expérience.

M. Jérôme Guedj applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Qu'il s'agisse de ce débat ou d'autres, cette dépossession est nécessaire pour construire la loi.

S'agissant de la discussion en cours, j'ai moi-même des doutes sur la possibilité de faire administrer la mort par une autre personne que soi-même. Cependant, il y a une forme d'hypocrisie à se concentrer sur le geste final du médecin ou du professionnel de santé, car ce geste est engagé bien avant : il faut préparer le produit et mettre en place le protocole. Ainsi, deux postures sont possibles : soit on est totalement hostile à l'idée que quelqu'un d'autre administre la mort, soit on est favorable à la participation des professionnels de santé, qui agissent bien en amont de ce dernier geste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le groupe La France insoumise ne votera pas pour ces deux amendements qui se rapprochent de la pratique suisse et s'éloignent donc de l'orientation choisie collectivement. Nous ne nous reconnaissons pas dans cette démarche, qui tend à évincer les proches et les soignants – il ne reste plus grand monde, une fois qu'on a retiré ces intervenants.

Alors qu'ils craignent un dispositif permissif, les collègues sceptiques proposent de transférer l'exercice de l'aide à mourir à des associations de droit privé : il n'y a pas de système plus permissif ! Au début, vous ne vouliez pas de ce texte ; maintenant, vous allez beaucoup plus loin que ce que vous critiquez. Cette attitude est très dangereuse. Enfin, selon vous, les personnes qui auront administré la mort risquent d'être traumatisées. Pourtant, vous proposez que des personnes se consacrent à cette tâche.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, je suis attaché à l'équilibre du texte. Monsieur Potier, j'ai été impressionné par les mots que vous avez choisis dans votre amendement. Vous proposez de faire appel aux associations « dont l'objet est la promotion du suicide assisté » ; n'oubliez pas qu'il y a un malade au cœur du dispositif. Il ne s'agit pas de promouvoir le suicide assisté, mais de laisser un médecin, un infirmier, un aide-soignant ou un proche aider les personnes qui ne peuvent pas s'administrer le produit. Vous précisez ensuite que ces associations doivent agir « pour des motifs non égoïstes ». Ce n'est pas bien de dévoyer à ce point un texte équilibré, qui appelle chacun à l'humilité – je pense aux mots du collègue Pradié. Cela nous amène sur un mauvais chemin.

M. Gilles Le Gendre applaudit.

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Je le dis avec toute l'estime que j'ai pour vos prises de position, monsieur Potier, je suis radicalement opposé à votre amendement. Il vise en effet à exclure l'intervention du médecin, du professionnel de santé et du patient lui-même, pour lui substituer celle d'un tiers associatif. Cette approche du sujet par l'absurde incarne votre opposition à l'ensemble du dispositif. Je continue à penser que le choix du patient, l'auto-administration et la demande du recours aux professionnels de santé sont l'expression de la liberté et du choix nouveau que j'appelle de mes vœux. Tout à l'heure, je défendrai des amendements visant à supprimer le recours à une personne volontaire – un proche, un membre de la famille ou toute autre personne le souhaitant.

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J'essaye de comprendre pourquoi on veut maintenir les médecins dans le dispositif. Aux États-Unis, on utilise l'injection létale dans le cadre des condamnations à mort.

Exclamations sur divers bancs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un article du JDD – Journal du Dimanche – datant de 2014, du temps où ce journal était plutôt à gauche…

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Il n'était pas d'extrême droite, en tout cas !

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…et n'avait pas encore été racheté par le groupe Bolloré, écrivait : « La longue agonie d'un condamné à mort par injection létale en Arizona fait polémique aux États-Unis, quelques mois seulement après un cas très similaire dans l'Oklahoma. Quelque 117 minutes de soupirs, de halètements et de grognements avant de finalement succomber au cocktail létal injecté par l'équipe médicale de la prison. Mercredi 24 juillet, l'exécution de Joseph Wood, 55 ans, condamné à mort pour un double meurtre en 1989, a battu le triste record de l'agonie la plus longue – presque deux heures pour une procédure censée durer une quinzaine de minutes tout au plus. »

Les exclamations couvrent peu à peu la voix de l'orateur.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES

C'est une honte !

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 141

Nombre de suffrages exprimés 136

Majorité absolue 69

Pour l'adoption 28

Contre 108

L'amendement n° 3336 n'est pas adopté.

L'amendement n° 2695 est retiré.

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Je suis saisie de quatre amendements, n° 1005 , 2454 , 3284 et 999 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 1005 , 2454 et 3284 sont identiques. Sur ces trois amendements, je suis saisie par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l'amendement n° 1005 .

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Madame la ministre, le texte que vous proposez soulève de nombreuses oppositions, inquiétudes et réserves. Contrairement à ce que vous avez dit et comme le reconnaît Jean Leonetti lui-même, il entre en rupture avec les précédentes lois – je pense aux lois Leonetti et Claeys-Leonetti. Ces oppositions s'expliquent par l'insuffisance des soins palliatifs qui pourraient régler tant de cas, par les dérives possibles de la future loi et par le fait qu'elle ne protégerait pas les plus fragiles. Cependant, soyons réalistes : ce projet de loi pourrait être voté par une majorité de députés et il faut l'encadrer au maximum. L'amendement de Mme Darrieussecq représente une voie de responsabilité et de moindre mal qui consiste à substituer à l'invocation de la clause de conscience, démarche trop complexe et négative, le principe positif du volontariat.

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La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l'amendement n° 2454 .

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Il vise à ajouter la notion de volontariat à la définition actuelle de la clause de conscience. Cet ajout, qui intervient à l'alinéa 6 de l'article 5, permettrait de répondre aux discussions que nous venons d'avoir sur l'identité de la personne qui va réaliser l'acte. Si, dès le début, on part du principe que ce sera un médecin ou un infirmier volontaire, la question ne se posera plus au moment de l'injection létale.

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La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq, pour soutenir l'amendement n° 3284 .

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Une mort douce ? Qu'est-ce que vous en savez ?

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Il s'agit en effet de préciser qu'il s'agit de médecins et d'infirmiers volontaires. Selon moi, il s'agit d'un amendement d'apaisement, de simplification et de compréhension, qui évite d'entrer en contradiction avec les valeurs du soin. Les soignants sont là pour soigner, mais certains sont volontaires pour pratiquer ces actes sur les patients – nous évoquons la liberté des patients, parlons aussi de celle des soignants. Enfin, ce volontariat permettra une chose essentielle : il rassemblera le corps soignant. Dans les services de soins palliatifs, je suis très frappée par l'hostilité à l'égard de cette loi, considérée comme impossible à mettre en œuvre. Laissons donc le soin dans le soin et mettons l'aide à mourir dans un autre registre.

M. Benoit Mournet applaudit.

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La parole est à M. Julien Odoul, pour soutenir l'amendement n° 999 .

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Il faut prendre conscience qu'en remettant en cause les fondements mêmes de leur profession, de leur engagement, de leur vocation, cette loi va engendrer à la fois un grand trouble et d'importants doutes chez les soignants – ils sont 85 % à se déclarer opposés à l'euthanasie…

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…et 86 % à envisager d'invoquer la clause de conscience pour refuser de la pratiquer –, mais aussi chez les patients, qui, chaque fois qu'ils verront leur médecin, se demanderont s'il va vraiment tout faire pour sauver leur vie ou la prolonger.

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Limiter la pratique de l'euthanasie à ceux qui sont volontaires, comme le propose l'amendement, serait donc un moindre mal.

M. Jocelyn Dessigny applaudit.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

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Je comprends votre intention, mais elle me semble satisfaite par l'article 16, qui prévoit que les médecins et infirmiers peuvent invoquer la clause de conscience pour refuser d'administrer la dose létale. Personne n'y sera obligé. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

J'ai eu l'occasion de le faire à de nombreuses reprises, mais il est important, à ce stade de nos débats, de rappeler encore une fois que ce texte repose sur deux fondamentaux indissociables, et qu'il faut donc le considérer dans sa globalité : la première partie a permis de réaffirmer l'importance des soins d'accompagnement, notamment des soins palliatifs ; la seconde permet aux patients atteints de douleurs réfractaires, qui ne répondent à aucun traitement, de demander à bénéficier de l'aide à mourir. Elle repose bien sur la volonté du patient.

Depuis le début de l'examen du texte, nous répétons que nous respectons les convictions profondes de l'ensemble des personnels de la communauté médicale – car vous avez raison, madame Darrieussecq, tous, aide-soignant, infirmier et médecin, sont concernés. Les respecter, c'est bien évidemment les laisser libres de choisir en leur permettant d'invoquer la clause de conscience. Ajouter la notion de volontariat permet d'insister sur l'importance que nous accordons au respect du choix des soignants, et je suis donc favorable aux amendements identiques n° 1005 , 2454 et 3284 .

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Avis défavorable à l'amendement n° 999 .

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Quelles que soient nos positions et convictions respectives, je pense que nous sommes tous très attachés à préserver la liberté de choix de l'ensemble des professionnels de santé –– et non uniquement des médecins. Néanmoins, j'avoue être très réservé quant à l'idée d'une liste de volontaires.

Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. David Valence applaudissent.

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Si le texte est adopté et devient la loi de la République, alors seules les exceptions universelles, comme la clause de conscience, doivent permettre d'y déroger,…

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…comme c'est le cas pour l'IVG, par exemple. Je ne comprends pas l'intérêt de créer en plus une liste publique de volontaires, qui non seulement ne me semble pas de nature à rassurer beaucoup les soignants, mais risque en plus d'être contre-productive, puisqu'elle conduirait à opérer une distinction entre les professionnels qui seraient disposés à pratiquer l'acte et ceux qui ne le seraient pas.

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En outre, la clause de conscience s'applique au cas par cas : un professionnel de santé peut très bien accepter un jour de pratiquer une IVG, et refuser de le faire le lendemain en invoquant sa clause de conscience.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et SOC. – M. Karim Ben Cheikh applaudit également.

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Instaurer une liste de volontaires risque de figer le recours à la clause de conscience, qui doit rester libre.

Mêmes mouvements.

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Nos débats depuis quelques heures montrent bien toute la difficulté à déterminer qui administrera la dose létale. Confier cette responsabilité à un proche serait un facteur de culpabilisation majeur, pour la personne concernée comme aux yeux des générations futures : nous ne pouvons pas fragiliser la société en laissant les proches endosser cette responsabilité, et le groupe RN a donc fait part de sa volonté de les exclure de la liste des personnes pouvant accomplir cet acte. Pour ne pas jeter le trouble, nous avons également proposé d'exclure le personnel soignant.

Reste que nos débats prouvent bien qu'en levant un interdit sociétal majeur – on ne tue pas –, ce texte introduit un changement anthropologique et civilisationnel sans précédent. Et je voudrais dire à tous ceux qui hésitent que le texte que vous nous proposez, madame la ministre, ne va pas plus loin que la loi Claeys-Leonetti : il va ailleurs. Il ne propose pas un changement de degré, mais un changement de nature – et c'est bien pour cette raison que nous avons tant de difficulté à statuer.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais remercier notre collègue Geneviève Darrieussecq d'avoir défendu cet amendement, et Mme la ministre d'avoir émis un avis favorable.

Cela a été dit, il s'agit pour les médecins d'abord de donner un avis sur la demande d'aide à mourir et d'accepter de prescrire la substance létale – puis seulement, éventuellement, de l'administrer. La création d'un registre de volontaires – non pas public, monsieur Pradié, mais confié, par exemple, à l'Ordre des médecins – me semble de nature à apaiser la communauté médicale, très divisée sur ce sujet. Administrer la dose létale sera un geste difficile pour les médecins, mais il faut bien accompagner les patients en cas d'échec thérapeutique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour ma part, je m'interroge, et j'espère que les débats vont m'aider à voter. Je souscris aux arguments de M. Pradié, et j'ajoute que la clause de conscience est très importante pour les médecins : ajouter la notion de volontariat ne risque-t-il pas d'en amoindrir la portée ? En outre, si nous décidons de l'ajouter ici, ne faudrait-il pas faire de même dans les autres lois où elle est prévue ?

Par ailleurs, comme toujours, ceux dont le nom figure sur la liste courent le risque d'être pris pour cible.

M. David Valence applaudit.

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Je remercie la rapporteure d'avoir émis un avis défavorable sur ces amendements qui me semblent très dangereux. Je souscris à la démonstration de notre collègue Pradié : dès lors qu'elle sera adoptée, la loi devra être appliquée, et seule la clause de conscience doit permettre d'y déroger, au cas par cas, selon ce que la conscience du médecin lui dictera. L'adoption des amendements identiques pourrait conduire à considérer que d'autres actes médicaux, tels que la sédation profonde et continue jusqu'au décès ou l'IVG, peuvent dépendre de médecins volontaires. C'est très dangereux ! Nous voterons donc contre ces amendements.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. David Valence applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La France insoumise votera également contre ces amendements.

Tout d'abord, à partir du moment où, comme nous, on considère qu'administrer la dose létale est un acte de soin et de compassion, créer des listes rigides de volontaires ne fera que créer ou exacerber inutilement des conflits entre les soignants, que l'on opposerait en fonction de leurs pratiques et de leurs choix.

Ensuite, comme cela vient d'être dit, la clause de conscience, qui permet aux médecins de décider au cas par cas, est beaucoup plus respectueuse de la liberté de choix que la proposition défendue dans les amendements.

Enfin, l'article 16 prévoit déjà la création d'un registre des professionnels disposés à pratiquer cet acte, afin de faciliter la redirection des patients dont le médecin refuserait l'aide à mourir. Si nous inscrivons dans la loi la notion de volontariat, un médecin qui ne se sera pas déclaré auparavant auprès de la commission de contrôle et d'évaluation ne pourra pas pratiquer l'acte. Ces amendements réduisent donc l'accès à l'aide à mourir.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Du point de vue juridique, la clause de conscience, qui figure plus loin dans le texte, recouvre de facto la notion de volontariat. Reste qu'en termes d'affichage, ces amendements identiques ne sont pas inutiles, et nous y serons donc favorables.

Mme Natalia Pouzyreff s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme d'autres collègues, je crains que si elle est inscrite dans le texte, la notion de volontariat serve ensuite à conditionner d'accès à d'autres actes médicaux, comme l'IVG. Celle-ci a heureusement été constitutionnalisée il y a peu, mais nous courons toujours le risque que les conditions qui l'entourent soient révisées, et la double clause de conscience reste en vigueur. Nous créerions donc un précédent dangereux, alors même que la clause de conscience permet déjà au médecin de refuser un acte – le patient est alors réorienté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En outre, cela me semble de nature à rigidifier la procédure. L'invocation de la clause de conscience correspond rarement à un refus permanent de pratiquer certains actes : elle permet au médecin d'en décider au cas par cas, quand il considère que l'acte n'est pas adapté à la situation. Ajouter la notion de volontariat reviendrait à figer la décision, alors que la réalité est plus nuancée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces amendements sont pertinents au regard des risques d'atteinte à la clause de conscience, dont nous avons bon nombre d'exemples à l'étranger. Dans une tribune publiée en 2021, un collectif de médecins en soins palliatifs et gériatres s'inquiétait des risques et dérives potentielles de l'aide active à mourir, soulignant que dans les pays où elle était autorisée, la critique de l'acte devenait difficile, voire impossible. Au Canada, la loi sanctionne ceux qui s'opposent au choix individuel d'euthanasie, et une enquête menée en 2019 par le Bureau central de la statistique des Pays-Bas révélait que plus d'un tiers des citoyens néerlandais considéraient qu'un médecin ne devrait pas pouvoir invoquer la clause de conscience pour refuser l'euthanasie.

Face au risque bien réel d'atteinte à la clause de conscience, il faut donc protéger les soignants – notamment ceux, majoritaires, qui sont opposés à l'aide active à mourir : c'est l'objectif de ces amendements, qui prévoient de s'en remettre à des professionnels volontaires.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 140

Nombre de suffrages exprimés 131

Majorité absolue 66

Pour l'adoption 65

Contre 66

Les amendements identiques n° 1005 , 2454 et 3284 ne sont pas adoptés.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.

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Voilà encore une fois la preuve que la présence de chacun est importante dans cet hémicycle : chaque voix compte !

Sourires.

L'amendement n° 999 n'est pas adopté.

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L'amendement n° 3173 de M. Christophe Bentz est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Défavorable.

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On commence à entendre une petite musique selon laquelle nos débats, si importants soient-ils, ne concernent finalement que peu de gens. J'ai regardé de près comment cela se passait dans les pays voisins ayant adopté des lois similaires, quoiqu'elles aillent moins loin que le texte dont nous débattons. Nous savons combien de gens ont mis fin à leur vie dans ce cadre : 3 423 personnes en Belgique en 2023. Si, par une règle de trois très simple, on rapporte ce nombre à la population française, 19 786 personnes seraient concernées une année donnée.

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C'est énorme ! Si l'on prend le cas des Pays-Bas, où la loi va très loin, de façon comparable au texte que nous examinons, il résulte de la même règle de trois que 32 000 personnes seraient concernées en France.

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Et en Suisse, où la loi est un peu moins dure, cela aboutit à un nombre de 13 000 personnes, madame la présidente. C'est dire…

Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, dont le temps de parole est écoulé.

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Merci beaucoup pour ces calculs, monsieur Le Fur, mais votre temps de parole est écoulé – je sais compter le temps.

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Nous avons affaire à un phénomène de masse !

L'amendement n° 3173 n'est pas adopté.

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Je suis saisie de trois amendements identiques, n° 143 , 1331 et 2707 .

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 143 .

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Il s'agit d'un amendement de repli. Je voudrais revenir sur ce qui a été dit sur la sédation profonde et continue. N'oublions pas que cette pratique est d'une nature radicalement différente de ce que prévoit l'article 5. En effet, elle a pour objectif de soulager, mais en aucun cas de donner la mort – ce que cet article autoriserait à faire.

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Nous avons soulevé cette question en vous avertissant que certains continuums n'étaient pas souhaitables. En réalité, par un tel dispositif, vous êtes en train de déconstruire la loi Claeys-Leonetti.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN.

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Vous n'avez pas voté en faveur de la loi Claeys-Leonetti !

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La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l'amendement n° 1331 .

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Il vise à supprimer les mots « un infirmier » de la première phase du sixième alinéa. Dans la mesure où la décision incombe au médecin, il n'y a aucune raison d'impliquer un infirmier dans cette procédure, excepté favoriser des contentieux.

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La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement n° 2707 .

L'amendement n° 2707 est retiré.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

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Défavorable. Monsieur Hetzel, vous n'avez pas défendu votre amendement. Vous avez parlé d'un autre sujet.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Défavorable.

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J'aimerais réagir à l'amendement de notre collègue Hetzel.

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Il a tout à fait raison quant à la transformation que subit la loi Claeys-Leonetti dans la bouche de certains collègues. La sédation profonde et continue jusqu'au décès n'est pas l'euthanasie.

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Le collègue Pilato a manipulé la loi Claeys-Leonetti : elle ne met pas un terme à la vie, mais à la souffrance. Ça n'a rien à voir !

« Ce n'est pas l'amendement ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et LFI – NUPES.

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Ce n'est pas du tout le même objectif ! Il est malheureux que ladite loi ne soit pas appliquée, qu'elle soit trop méconnue, et que, de surcroît, vous la dénaturiez en la faisant passer pour l'autorisation d'un acte d'euthanasie, ce qu'elle n'est pas.

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Arrêtez donc de dénaturer cette loi ; appliquons-la et communiquons sur la sédation profonde et continue !

Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.

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Ceux qui sont contre le projet de loi veulent le vider de son contenu. Après s'être opposés à ce que les médecins administrent la substance, ils s'opposent à ce que les infirmiers le fassent. Où cela mènera-t-il ? Vous avez beau dire, nous répétons que nous sommes en faveur d'une loi sur l'aide à mourir. C'est clair et net.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.

M. Rémy Rebeyrotte s'exclame.

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L'amendement n° 143 souligne la contradiction de l'article 5 du texte avec l'article R. 4312-21 du code de la santé publique, qui précise : « L'infirmier ne doit pas provoquer délibérément la mort. » Est-ce que cela signifie, madame la ministre, que l'adoption du texte conduira à modifier des articles réglementaires, au risque d'affecter les missions et la vocation des infirmiers ?

S'agissant de la sédation profonde et continue, c'est l'intention qui compte. Or celle-ci n'a jamais été de provoquer la mort, mais de soulager les souffrances.

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Le problème est que la sédation profonde et continue n'est pas connue ni pratiquée comme elle le devrait.

M. Julien Odoul applaudit.

Les amendements identiques n° 143 et 1331 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisie de plusieurs amendements, n° 555 , 953 , 986 , 2308 , 2788 , 3050 , 53 rectifié , 1730 et 2933 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 555 , 953 , 986 , 2308 , 2788 et 3050 sont identiques, tout comme les amendements n° 53 rectifié , 1730 et 2933 .

La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement n° 555 .

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La fin de vie est un sujet délicat. Nous avons tous reçu des soignants dans notre permanence, visité des unités de soins palliatifs et débattu dans notre circonscription. Comme Justine Gruet et Aurélien Pradié l'ont rappelé tout à l'heure, nous devons tous prendre du recul par rapport à notre situation personnelle et conserver un regard de législateur sur des textes aussi difficiles que celui-ci.

Le présent amendement de ma collègue Christelle Petex vise à protéger les proches. Nous devons prendre en compte les répercussions psychologiques inévitables sur les proches qui devront administrer une substance létale à quelqu'un qui leur est cher. L'amendement tend donc à réserver cet acte aux seuls professionnels qualifiés et volontaires, tels que les médecins et les infirmiers.

M. Jocelyn Dessigny applaudit.

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La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l'amendement n° 953 .

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En commission spéciale, je ne me suis pas interrogée sur l'importance de pouvoir ou non désigner un proche. Au fur et mesure des débats et des auditions, et au terme d'une réflexion personnelle, je suis parvenue à la conclusion que le proche qui administrera cette substance létale pourra être confronté à des conséquences psychologiques difficiles. Il n'est pas formé à cela. Même s'il est persuadé au fond de lui-même qu'il a agi pour le bien de la personne qu'il accompagne et qu'il aime, que se passera-t-il dans son esprit ? Je pense qu'il ne faut pas impliquer un proche dans cette situation. Il peut certes être présent, tenir la main du patient, lui sourire une dernière fois, mais il n'est pas préparé à injecter cette substance. Je demande donc que cette disposition soit retirée.

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La parole est à M. Laurent Panifous, pour soutenir l'amendement n° 986 .

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Lorsqu'on légalise l'aide à mourir, il faut bien sûr envisager la situation très exceptionnelle dans laquelle l'administration de la substance létale doit être réalisée par un tiers. Il n'est néanmoins pas souhaitable que ce geste lourd soit réalisé par une personne qui ne soit pas un professionnel de santé, notamment par un proche. Le lien intime et fort qui peut unir ces deux personnes devrait nous faire réfléchir ; il ne garantit pas que la décision de réaliser le geste soit prise avec toute la liberté nécessaire. Le professionnel de santé pourra, pour sa part, joindre la technicité et la distance à l'empathie. Nous proposons donc d'exclure les tierces personnes du dispositif, pour que seuls les professionnels de santé volontaires puissent réaliser ce geste.

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Les amendements identiques n° 2308 de M. Emmanuel Maquet et 2788 de Mme Béatrice Descamps sont défendus.

La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l'amendement n° 3050 .

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Il s'agit d'un amendement d'appel. Je m'interroge sur le fait d'ouvrir l'administration de la substance létale à des amis ou des proches volontaires. C'est une responsabilité lourde à porter. Même s'ils s'en estiment capables, tous les proches n'auront pas les moyens techniques et psychologiques d'assurer un acte irréversible, dont ils n'auront peut-être pas mesuré la gravité avant de l'avoir accompli. Je pense qu'il faut privilégier le colloque singulier patient-soignant, c'est-à-dire la relation bilatérale de confiance qui unit le patient à son soignant. Je crois qu'un ami ou un proche – j'essaie de me mettre à sa place – serait partagé entre des sentiments de devoir et de culpabilité, et qu'il lui serait compliqué de faire son deuil après un tel acte. J'aimerais entendre des avis qui nourriraient cette réflexion.

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La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 53 rectifié .

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La notion de personne volontaire est problématique car, dans les faits, ce sont essentiellement des proches de la personne qui seront concernés. Quel impact ce geste aura-t-il sur eux ? Est-ce que leur discernement et leur liberté pourront être garantis ? En voulant accéder à la demande de leur proche, se sentiront-ils contraints d'accepter, et vivront-ils ensuite avec un remords ?

Le simple fait d'assister au suicide assisté d'un proche est extrêmement traumatisant. Selon une étude menée en Suisse, 13 % des endeuillés ayant été témoins d'un suicide assisté présentaient des symptômes d'état de stress post-traumatique et 16 % souffraient de dépression. Ces chiffres sont bien supérieurs à ceux constatés lorsque la mort a une cause naturelle. Il est aisé de prévoir que ces effets négatifs seront encore plus importants si les proches sont amenés à participer directement à l'euthanasie d'un proche. La psychiatre Marie-Frédérique Bacqué dit que le deuil qui suit une euthanasie est souvent compliqué, du fait de la menace de la mort, de la transgression du meurtre et de la forte implication émotionnelle des proches, qu'ils la dénient ou qu'ils l'expriment. Il nous faut donc aborder ce sujet avec beaucoup de prudence.

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La parole est à M. David Amiel, pour soutenir l'amendement n° 1730 .

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Il vise également à supprimer la possibilité d'avoir recours à un proche pour l'administration du produit létal. On nous objecte qu'il ne s'agit que d'une faculté, mais son existence même risque d'entraîner des dilemmes insolubles. Comme l'a rappelé M. Bazin, nous pouvons nous demander à quelles souffrances nous allons exposer ceux qui ont administré ce produit à un proche, à un ami, à un conjoint, mais la question se pose aussi de savoir comment l'on vit après avoir répondu non à la demande d'un proche, ou de l'avoir suggéré de sorte que la demande ne soit même pas formulée.

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Symétriquement, à quelles hésitations, à quels tourments exposerons-nous les personnes en fin de vie, en leur demandant de désigner celui qui accomplira le geste, en les laissant choisir de privilégier leurs propres aspirations ou ce qu'ils estiment être celles de leurs proches ? Je crois dangereux d'ouvrir ce gouffre dans les relations familiales et amicales lors des ultimes moments. Pour cette raison, je propose de ne pas ajouter de la souffrance à la souffrance.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – MM. Jérôme Guedj et Jocelyn Dessigny applaudissent également.

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La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement n° 2933 .

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Cela fait partie des questions sur lesquelles j'ai beaucoup changé d'avis. Il me reste encore des doutes, mais à l'heure actuelle, je pense qu'il faut réserver l'administration de la substance létale au patient et au soignant, sans l'ouvrir à une tierce personne. Comme il s'agit d'un acte médical, il est cohérent qu'un soignant le réalise. Au cours de mes réflexions, il m'était apparu que l'administration par une tierce personne volontaire pouvait être un acte d'amour, et je crois toujours que cela peut l'être, mais au-delà de l'impact psychologique, cette possibilité nous ferait sortir d'une conception de l'aide à mourir reposant sur l'euthanasie et le suicide assisté. Il est risqué d'inscrire dans la loi que quelqu'un d'autre que le médecin, qui prescrit et qui administre la substance, ou que le patient, puisse donner la mort. Ma position évoluera peut-être, mais pour le moment, j'en reste là.

M. Gilles Le Gendre applaudit.

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Je prendrai uniquement les avis de la commission et du Gouvernement, puis nous lèverons la séance car j'ai de nombreux inscrits sur ces amendements en discussion commune. Nous y reviendrons demain.

Quel est l'avis de la commission ?

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Ce sujet, inscrit à l'article 5 du projet de loi, est important et sera longuement débattu, puisque nous avons tous cheminé sur cette question. Pour répondre aux inquiétudes qui viennent d'être exprimées, la structure du texte m'oblige à faire un bond jusqu'à l'article 11. Celui-ci prévoit en effet que l'administration est effectuée par la personne désignée qui en a accepté la responsabilité « sous le contrôle du professionnel de santé » – j'insiste sur ce point ; « sinon l'administration de la substance létale est réalisée par le professionnel de santé présent. »

Encore une fois, il s'agit de répondre à des cas exceptionnels, lorsque le malade, qui souffre et qui a obtenu une aide à mourir sur décision médicale, après avoir suivi la procédure et un long cheminement, est dans un état d'affaiblissement tel qu'il ne peut pas s'auto-administrer la substance létale.

Il faut faire attention à ne pas laisser les malades dans l'impasse. Imaginons, exemple très probable, une personne qui souhaite mourir à son domicile ; elle fait appel à une équipe médicale pour l'entourer et l'accompagner. Il faut déjà un certain courage pour accomplir un tel parcours, d'autant plus pour une personne malade, qui souffre et qui souhaite mourir. Trouver une équipe médicale constitue déjà une difficulté redoutable ; si, en plus, on dit aux personnes présentes à son domicile qu'elles ne sont pas autorisées à aider leur proche, leur conjoint, celui ou celle qu'elles aiment ou leur ami d'enfance, cela revient à laisser le malade dans l'impasse, puisqu'il ne pourra pas s'auto-administrer la substance létale. Et vous savez bien que, dans un tel contexte, au domicile du malade, les proches le feront malgré tout, parce qu'ils l'aiment et voudront l'aider.

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Arrêtez avec les gens qui ne respecteraient pas la loi !

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L'article 5 vise donc à protéger les personnes volontaires qui accompagnent les malades d'éventuelles poursuites pénales.

Mme Danielle Simonnet applaudit.

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C'est très important.

Le deuxième cas de figure concerne la clause de conscience que l'équipe médicale pourrait faire valoir. Le malade, qui attend de mourir, se retrouverait alors isolé et dans l'impasse.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet s'exclame.

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Imaginez l'angoisse que cela peut engendrer !

C'est pourquoi je ne suis pas favorable à supprimer de l'article 5 cette possibilité donnée à la personne volontaire.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.

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Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

Nous avons entamé nos débats en début de soirée avec l'examen de l'amendement n° 1190 , qui portait déjà sur la personne volontaire. J'ai répondu que, même si cette question préoccupe nombre d'entre nous, nous aurions cette discussion à l'article 11. Le principe reste l'auto-administration par le patient. Toutefois, il existe des cas, comme celui qui vient d'être décrit par Mme la rapporteure, dans lesquels le patient ne peut pas s'administrer lui-même le produit. Une question se pose alors : comment rendre le texte de loi effectif ? Autrement dit, comment aider le patient, dès lors qu'il n'a pas la capacité de le faire lui-même ? Cela implique de se prononcer sur la personne qui sera habilitée à administrer cette fameuse substance létale ; d'ailleurs, celle-ci sera-t-elle ingérée ou injectée ? Ce sont autant d'éléments qui nécessitent d'en discuter. C'est pourquoi, au stade de l'article 5, je suis défavorable à l'ensemble de ces amendements en discussion commune.

Mme Danielle Simonnet applaudit.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, à neuf heures :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie.

La séance est levée.

La séance est levée, le jeudi 6 juin 2024, à zéro heure cinq.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra