La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Bilan des réformes de l'assurance chômage depuis 2017 ».
Ce débat a été demandé par le groupe Socialistes et apparentés. À la demande de ce dernier, il se tient en salle Lamartine, afin que des personnalités extérieures puissent être interrogées
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Nous commencerons par une table ronde, en présence de personnalités invitées, d'une durée d'une heure. Puis nous procéderons, après avoir entendu une intervention liminaire du Gouvernement, à une nouvelle séquence de questions-réponses, d'une durée d'une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
Je souhaite la bienvenue à M. Michel Houdebine, directeur de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), à M. Christophe Valentie, directeur général de l'Unedic et à M. Grégoire Lefebure, chargé de mission auprès du Médiateur national de France Travail.
La parole est à M. Michel Houdebine, directeur de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques.
Pour évaluer la réforme de l'assurance chômage de 2019-2021, la Dares a réuni un comité scientifique composé d'experts. Il est soutenu par un comité technique dont la Dares assure le secrétariat et dont l'Unedic est un membre actif. Nous avons lancé différentes initiatives, afin de construire une base de données unique et exhaustive. Elle rassemble les parcours des bénéficiaires de l'assurance chômage, des personnes présentes sur le marché du travail et des allocataires de minima sociaux. Pour éclairer le débat, nous avons également lancé deux appels à projets de recherche, qualitatifs et quantitatifs.
Le comité scientifique a rendu un rapport intermédiaire au mois de février, qui dégage les premières grandes tendances. Dans le temps qui m'est imparti, je tenterai de dire quels sont les messages nouveaux contenus dans ce rapport, au regard de la littérature habituelle, et de décrire les effets des modifications des paramètres de l'assurance chômage, notamment sur le retour à l'emploi.
Permettez-moi de rappeler, au préalable, les deux objectifs principaux de la réforme : inciter au retour à l'emploi ; réduire le recours aux contrats courts, un des principaux facteurs de la pauvreté laborieuse.
Sur la question de savoir si l'occupation d'un contrat court ou d'un contrat d'intérim est subie, le rapport suggère qu'il existe des cas dans lesquels elle ne l'est pas, en particulier dans le secteur de l'agroalimentaire. Lors d'une enquête menée par une équipe de recherche, des personnes indiquent que ces contrats sont une façon d'échapper à des conditions de travail difficiles, mais aussi de concilier vies professionnelle et personnelle, en lien avec les déplacements domicile-travail, la garde d'enfant et le travail à domicile. Je pourrai y revenir en détail si vous le souhaitez.
S'agissant de la dégressivité des allocations, une analyse de l'Unedic, basée sur une enquête auprès de personnes concernées par la réforme, conclut qu'elle a un effet sur la recherche d'emploi – je n'en dis pas davantage.
Concernant les effets de l'application d'un bonus-malus aux cotisations patronales, les travaux, aussi bien qualitatifs que quantitatifs convergent. Les travaux quantitatifs consistaient à comparer les taux de séparation des entreprises appartenant aux sept secteurs visés par le dispositif à ceux des entreprises n'appartenant pas à ces secteurs mais dont les taux de séparation étaient également élevés. Ils concluent que le taux de séparation a baissé dans les secteurs soumis au bonus-malus. De même, la durée des contrats d'intérim a tendance à augmenter dans les entreprises concernées par le dispositif. D'un point de vue qualitatif, les petites entreprises connaissent peu le dispositif ; au sein des plus grandes, on peut distinguer deux groupes : certaines voient le malus comme un coût fixe, difficile à modifier compte tenu de leurs modalités de gestion ; une minorité, significative, en malus mais pas au plafond, mobilise deux leviers – embauches en CDI d'une partie des intérimaires ; allongement de la durée des contrats d'intérim.
En complément du rapport intermédiaire, la Dares a publié un rapport sur l'impact de la réforme de la condition d'affiliation minimale à l'assurance chômage sur les comportements de retour à l'emploi et d'inscription à France Travail. Celui-ci suggère une accélération des retours à l'emploi après la montée en charge de ce dispositif, et de moindres inscriptions à l'assurance chômage.
Nous ne constatons pas d'effets de la réforme du salaire journalier de référence (SJR) sur le retour à l'emploi. En revanche, elle entraîne mécaniquement une baisse de l'allocation journalière et une hausse de la durée potentielle d'indemnisation.
Enfin, les travaux qualitatifs montrent que les bénéficiaires identifient les réformes comme très complexes et qu'ils sont, de ce fait, plus attentifs à leurs effets sur leur propre allocation qu'aux mécanismes sous-jacents.
Je m'arrête là. Il s'agit de travaux préliminaires ; le rapport final devrait être publié en fin d'année ou en début d'année prochaine.
Quelques rappels chronologiques pour commencer : en 2017, les partenaires sociaux négocient une nouvelle réforme de l'assurance chômage visant à réaliser un milliard d'économies. En 2018, le Gouvernement envoie une lettre de cadrage, déclenchant une nouvelle négociation, qui s'avère infructueuse. En conséquence, l'État prend la main et publie un décret de carence, détaillant les conditions d'ouverture des droits et le mode de calcul du SJR. La crise sanitaire interrompt le processus, renvoyant à 2021 la mise en œuvre de la réforme de 2019. En 2023, une nouvelle réforme, dite de contracyclicité, entre en vigueur. Le 1er
Ainsi, depuis 2017, ce sont trois systèmes d'assurance chômage et une crise sanitaire qui se sont succédé, rendant complexe l'observation de leurs effets et des comportements, même si l'Unedic, comme la Dares, est armée pour ce type d'analyses.
L'Unedic dispose en effet de compétences d'analyse fine des comportements des demandeurs d'emploi et du marché du travail, de compétences rédactionnelles juridiques, qui permettent d'établir des règles en lien avec les analyses, et de compétences financières – vous connaissez la situation financière de l'assurance chômage.
Parmi les nombreuses analyses publiées par l'Unedic, j'en citerai deux : une comparaison des systèmes européens d'assurance chômage, notamment en matière de durée et de générosité ; un document, commandé par le Conseil d'orientation des retraites (COR) et publié il y a deux semaines, sur l'articulation entre l'assurance chômage et les retraites. Y est interrogée l'existence d'un possible effet « horizon » dans le comportement des personnes avant leur passage à la retraite. En outre, l'Unedic a produit des notes d'impact – en novembre 2020, en avril 2021, aux mois de février 2022, 2023 et 2024 – analysant les effets de la réglementation, non pas sur les comportements – la Dares le fait – mais sur la durée d'allocation ou sur le nombre de personnes inscrites et indemnisées. Je pourrai détailler leur contenu si vous le souhaitez.
La parole est à M. Grégoire Lefebure, chargé de mission auprès du Médiateur national de France Travail.
Je représente M. Jean-Louis Walter, médiateur national. Le Médiateur national de France Travail a été créé par la loi du 1er août 2008 et son organisation est territorialisée. Chaque région compte un médiateur régional et une équipe – plus de 100 collaborateurs en tout.
En 2023, les médiateurs ont reçu et traité plus de 50 000 demandes, un volume en constante augmentation puisqu'en 2017, on ne comptait que 30 472 demandes de médiation. Plus de la moitié d'entre elles concernent l'assurance chômage, plus particulièrement l'indemnisation.
Dans ses rapports annuels, le Médiateur de France Travail fait toujours le constat de la complexité de la réglementation de l'assurance chômage. Les réformes successives, notamment des modalités de calcul du SJR, n'ont fait que la complexifier.
M. Valentie a rappelé qu'autrefois, les partenaires sociaux étaient liés par une convention et responsables de la réglementation de l'assurance chômage. En 2017, l'État a repris l'assurance chômage en main. On a ensuite plaqué des décrets sur la réglementation existante sans avoir de vision d'ensemble, ni mesurer les effets que ces changements auraient sur les demandeurs d'emploi. Ainsi, en 2023, la durée d'indemnisation a été raccourcie parce que la conjoncture économique s'était améliorée. Cette diminution a affecté le droit d'option des demandeurs d'emploi, qui est maintenant faussé. Jean-Louis Walter a adressé un courrier à la ministre pour l'alerter sur cet effet qui pénalise une catégorie de demandeurs d'emploi. C'est un exemple des dysfonctionnements qu'il consignera dans son rapport.
Je vous encourage à prendre connaissance des rapports présentés et publiés chaque année par le Médiateur car ils contiennent de nombreux éléments intéressants. Les préconisations, destinées à la direction générale de France Travail, sont aussi susceptibles de vous intéresser dans la mesure où certaines évolutions relèvent de la décision du législateur.
Le Médiateur de France Travail n'a pas d'idées préconçues sur les réformes. Sa mission consiste à recevoir les demandes de médiation, à les traiter et à identifier des dysfonctionnements quand les demandes de médiation sur un sujet spécifique se font récurrentes. Il consigne ses constats dans un rapport et formule des préconisations destinées aux décideurs : ce n'est pas à lui de les appliquer.
Nous en venons aux questions des députés. J'invite ceux qui souhaitent intervenir à s'inscrire auprès de la direction de la séance ; il n'y a pas de quotas par groupe. Je rappelle qu'est fixée à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse. Je vous remercie de préciser à quel intervenant vous souhaitez vous adresser.
Pour poser la première question, la parole est à M. Arthur Delaporte, dont le groupe est à l'initiative de ce débat.
Ce débat vise à faire le bilan des réformes de l'assurance chômage depuis 2017. La Dares a récemment publié un premier bilan de la réforme de 2018, entrée en vigueur en 2021. Olivier Dussopt déclarait que cette réforme avait été conçue pour « renforcer le retour à l'emploi rapide lorsque le marché de l'emploi est très dynamique ; en revanche, quand il y a moins d'emplois, il est nécessaire que les règles deviennent plus protectrices ».
Nous aurons l'occasion de revenir sur le bilan social de ces réformes. Monsieur le directeur de la Dares, quelle est l'efficacité de ces réformes d'un point de vue économique ? Ont-elles au moins atteint leurs objectifs en la matière ? Page 50 du rapport de la Dares, on lit en effet qu'« au cours de l'enquête qualitative sur l'effet de la réforme 2021, […] plusieurs allocataires avaient indiqué que le montant actuel de leur allocation chômage ne leur permettait plus de se former ».
Par ailleurs, avez-vous évalué la qualité des emplois repris, notamment à la suite de la mise en place de la dégressivité ?
Enfin, la page 52 du même rapport indique que « la moitié des répondants déclarent être prêts à des concessions sur le type de contrat ou les missions et […] sur le salaire ». Cela pourrait laisser penser – mais je vous mâche un peu le travail ! – que cette réforme cache une dégradation de la qualité de l'emploi. Comme vous l'avez indiqué dans votre propos liminaire, la réduction du montant de l'indemnisation – la réforme du SJR – n'a pour l'instant pas eu d'effets sur le retour à l'emploi.
À ce stade, nous ne disposons pas d'études quant aux effets de la réforme du SJR sur le retour à l'emploi car l'équipe chargée de cette mission travaille encore sur le sujet.
Le rapport donne cependant quelques éléments sur les effets potentiels du nouveau mode de calcul en se fondant sur la littérature scientifique existante. Nous étudions deux paramètres : une baisse de l'allocation journalière et un allongement de la durée d'indemnisation. Le premier a plutôt un effet positif sur le retour à l'emploi. L'allongement de la durée d'indemnisation a tendance à retarder l'insertion sur le marché du travail, mais surtout à la fin de la période. Si on additionne les deux mesures, on s'attend donc à un effet globalement positif à court terme sur l'emploi. À moyen et à long terme, c'est plus incertain.
S'agissant de la qualité de l'emploi, je souligne de nouveau qu'il s'agit d'un rapport intermédiaire, qui ne propose que des éclairages. Si M. Valentie m'y autorise, je préciserai que l'enquête menée par l'Unedic indique que des personnes sujettes à la dégressivité des allocations sont prêtes à faire des concessions sur le type de contrat et sur la rémunération associée. Mais, comme j'ai essayé de le dire tout à l'heure, les travaux quantitatifs et qualitatifs montrent que l'application du bonus-malus a eu l'effet inverse – certaines entreprises ont conclu davantage de CDI ou de contrats longs. Les études menées sur la nouvelle condition d'affiliation envoient des signaux quelque peu contradictoires : la moitié des retours à l'emploi correspondent à des emplois durables en CDI ou en CDD de plus de six mois, l'autre moitié s'effectuent dans le cadre de CDD courts ou de contrats d'intérim. Dans mon propos liminaire, j'ai indiqué que nous disposions d'éléments qui laissent penser que les mesures prises ont probablement permis d'accélérer les retours à l'emploi.
Ma question s'adresse à M. Valentie.
Le chômage est-il dû à la qualité de la protection sociale ? À l'inverse, la dégradation de notre protection peut-elle être la source heureuse d'une baisse du chômage ? Voilà les questions que je me pose. J'en ajoute quelques autres : est-il bon de procéder à une réforme tous les deux ans – en l'occurrence à une diminution des droits tous les deux ans ? Peut-on parler de bonne gestion paritaire ?
J'aimerais aussi avoir votre sentiment sur le profil de ceux – et surtout de celles, mais vous me le confirmerez – qui ont été victimes des dernières réformes : qui sont les perdants et combien sont-ils ?
Je commencerai par répondre à votre question portant sur le profil des personnes concernées. Rappelons que la réforme comprend trois éléments : la condition d'ouverture de droits, qui est passée de quatre à six mois, et la réforme du SJR touchent surtout les contrats courts ; la réforme de la contracyclité affecte plutôt les contrats longs, les CDI.
Nous disposons de quelques chiffres, qui sont publics. La réforme du SJR et la nouvelle condition d'ouverture de droits ont causé une baisse d'environ 30 000 ouvertures de droits par mois, soit une diminution de 14 % du nombre de personnes qui demandent à être indemnisées. L'indemnisation moyenne a baissé de 16 %, ce qui a amené 45 % des personnes indemnisées à percevoir une allocation inférieure à l'allocation journalière (AJ) dite minimale, contre 27 % avant la réforme. Ce sont surtout les petites allocations qui sont touchées par la réforme du SJR.
La durée des droits a été augmentée, puis baissée de 3,4 mois en vertu du système de la contracyclicité. Les personnes concernées sont les intérimaires, les personnes en CDD, les jeunes et les personnes peu qualifiées car ce sont eux – surtout les jeunes – qui enchaînent les contrats courts.
À l'inverse, la dégressivité a majoritairement touché les cadres, des hommes de plus de 45 ans, qui touchaient des salaires supérieurs à 7 000 euros – 90 000 personnes sont concernées.
La montée en charge de la réforme de 2021 est en cours. Aujourd'hui, environ deux tiers des gens sont concernés par la réforme de 2021, un peu moins d'un tiers par l'ancienne réforme, et 10 % par la réforme de 2023. Au milieu de l'année, 80 % des gens seront concernés par l'ensemble des réformes. Comme ce n'est pas encore le cas, nous ne disposons que d'éléments partiels sur les effets des différentes réformes.
Ce n'est pas à moi de juger s'il est bon de procéder à une réforme tous les deux ans. Je comprends cependant les propos de mon voisin sur les difficultés éprouvées par les demandeurs d'emploi – et j'y ajouterais les conseillers de France Travail – pour suivre des évolutions réglementaires qui se chevauchent et se contredisent parfois.
Je défends le modèle du paritarisme et de l'intégration des compétences pour aboutir à des règles cohérentes. On me disait toujours que les règles élaborées par les partenaires sociaux étaient compliquées ; maintenant, les agents de France Travail me disent que c'est encore pire. Du temps du paritarisme, une convention d'assurance chômage durait trois ou quatre ans, il y avait donc moins de changements. Dans les six dernières années, on a vécu la crise sanitaire et deux, voire trois réformes, ce qui perturbe quelque peu le système.
Comme tout le monde, je constate que les réformes du chômage se succèdent et que le système coûte cher aux finances publiques. Parallèlement, le chômage se maintient à un haut niveau, alors que beaucoup de patrons se plaignent de ne pas réussir à embaucher.
Mes questions sont simples : quels sont, selon vous, les freins à une réduction réelle du chômage ? Comment expliquer l'inadéquation entre l'offre et la demande en matière d'emploi ? Quel est l'impact des réformes de l'assurance chômage ? À ce sujet, les avis divergent : certains estiment qu'une indemnisation généreuse constituerait un soutien à la demande et conduirait à une réduction du chômage, alors que d'autres considèrent qu'une telle indemnisation conduirait à réduire la motivation à rechercher un emploi. J'aimerais entendre vos réponses à ces questions fréquentes.
Les freins au retour à l'emploi sont multiples. Les enjeux de l'adéquation entre la formation et l'emploi sont couramment évoqués, mais d'autres freins existent du point de vue des demandeurs d'emploi, ayant trait à la santé notamment. L'accessibilité de l'emploi – en particulier sa proximité géographique – est aussi une condition importante pour trouver du travail relativement facilement. Les discriminations, fondées sur le lieu de résidence ou les origines, peuvent également jouer un rôle important. Des travaux assez convaincants montrent les effets de ces différents facteurs.
S'agissant de l'inadéquation entre l'offre et la demande, le taux de chômage a sensiblement baissé, mais des difficultés de recrutement persistent. Il me semble nécessaire d'avoir un regard assez global : après avoir abordé le sujet du point de vue des demandeurs d'emploi, il convient d'adopter celui des entreprises. Les freins concernent alors la nature de l'emploi proposé, les conditions de travail, les horaires ou la rémunération.
Des travaux cherchent à déterminer quels freins ont le plus d'impact, entre ceux relatifs à l'offre et ceux qui ont trait à la demande ; ils concluent à la nécessité de tenir compte des deux aspects. La réforme ayant donné naissance à France Travail semble s'inscrire dans cette logique.
Depuis 2017, nous avons modifié le système d'assurance chômage. Je suis convaincu que nous devons maintenant aller un peu plus loin, c'est-à-dire réduire la durée d'indemnisation et allonger la durée d'affiliation.
Cependant, ma question porte sur la particularité de l'assurance chômage des travailleurs frontaliers. Ces derniers perçoivent des salaires et paient des cotisations sociales du côté de la frontière où ils travaillent. Mais en cas de perte d'emploi, le droit européen impose l'application des règles de l'assurance chômage du pays de résidence.
Cela pose le problème suivant : le coût de l'indemnisation du chômage des frontaliers a explosé, passant de 540 millions à 920 millions d'euros entre 2012 et 2020. S'agissant des frontaliers travaillant en Suisse, le montant des indemnisations s'élève à 667 millions, alors que la Suisse ne rembourse que 150 millions.
Par ailleurs, le droit suisse permet aux employeurs de licencier facilement les frontaliers, y compris les seniors. La France doit alors les indemniser, sur la base de salaires souvent deux fois supérieurs à la moyenne française. Il est anormal que cette dépense soit si importante en période de plein emploi en Suisse et sur une partie du territoire français. Comment rééquilibrer la situation avec les pays frontaliers ? Au-delà de la révision des accords bilatéraux, des propositions peuvent-elles être faites dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage pour résorber ce déséquilibre ?
L'Unedic souscrit à votre diagnostic sur ce déséquilibre important, qui a plus que doublé en quelques années ; les chiffres que vous citez sont récents. Il est fréquemment question des frontaliers dans le cadre de l'Union européenne, mais le pays à l'origine des principaux versements d'indemnisation est la Suisse, qui n'en fait pas partie. Les salaires en Suisse n'ont rien à voir avec les salaires français – le salaire minimum s'établit autour de 4 300 euros bruts –, mais ce sont les règles françaises qui s'appliquent, ce qui crée ce fort déséquilibre.
Lors des négociations de novembre, les partenaires sociaux ont essayé d'introduire une modification, directe ou indirecte, de la réglementation de l'assurance chômage des frontaliers, afin de rééquilibrer la situation. L'État les en a découragés, car le droit européen interdit de créer une différenciation.
Nous travaillons avec la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ; celle-ci est en contact avec le correspondant permanent de la Commission européenne – que j'ai moi-même rencontré l'année dernière –, afin de pousser ce dossier. Cela fait plus de dix ans qu'il doit être soumis à la Commission européenne ; il a failli être examiné, mais la Belgique s'y est opposée – le système en place lui est aussi favorable.
Une politique publique, défendue par l'État, devrait pousser les partenaires européens à procéder à cette révision, et adopter le principe selon lequel les indemnisations sont versées par le pays dans lequel le travailleur a cotisé, non par le pays de résidence.
L'indemnisation des chômeurs frontaliers a pris une ampleur considérable : elle représente presque 800 millions d'euros de déficit annuel pour l'assurance chômage et le phénomène ne fait que croître. Malheureusement, cela échappe complètement aux règles de l'assurance chômage ; des analyses juridiques nous ont montré qu'il est impossible de régler ce problème dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage.
Faire le bilan des réformes de l'assurance chômage depuis 2017 est un exercice assez difficile, compte tenu de la rapide succession des réformes. Toutefois, si je me base sur les chiffres publiés par l'Unedic en mars 2024, ce bilan est sans appel : le nombre d'allocataires indemnisés a augmenté de 5 % en un an ; plus de 6 millions de demandeurs d'emploi sont inscrits à France Travail, soit 10 % de la population active – sans compter ceux qui n'y sont pas inscrits ; 51 % des allocataires travaillent ; l'allocation mensuelle moyenne nette s'élève à 1 033 euros ; enfin, 57 % des chômeurs ne sont pas indemnisés.
Ne serait-il pas pertinent de publier le taux d'emploi, plutôt que le taux de chômage ? Il est toujours compliqué de calculer combien de personnes sont privées d'emploi et de déterminer si elles relèvent des catégories A, B ou C. Disposer du taux d'emploi de ces dernières années nous permettrait de savoir combien de personnes sont employées et bénéficient d'un salaire digne.
Enfin, au-delà de ces chiffres, qui sont intéressants, je suis particulièrement intéressé par le bilan comptable de toutes ces réformes. Quel est leur coût budgétaire ?
Vous avez raison s'agissant du taux d'emploi. Pour avoir une vision complète du marché du travail, il est nécessaire d'avoir des informations tant sur les personnes en emploi que sur les personnes privées d'emploi. Le taux d'emploi est une bonne façon d'appréhender la situation des personnes en emploi. L'Insee fournit une estimation trimestrielle, à partir de l'enquête emploi ; elle est rendue publique. N'ayant pas tous les abaques avec moi, je ne peux malheureusement pas en vous communiquer le chiffre exact, mais je suis en mesure de vous présenter la tendance de ces dernières années : une hausse assez sensible du taux d'emploi produite par deux effets majeurs, le développement de l'apprentissage chez les jeunes et le report progressif de l'âge de départ à la retraite pour les seniors.
Le taux d'emploi est pour nous très important, puisqu'il correspond au nombre de cotisants. La courbe de l'emploi était mauvaise à ses deux extrémités : l'emploi des jeunes et celui des seniors. Les plus de 60 ans ont un taux d'emploi faible, mais jusqu'à 59 ans, la France se situe dans la moyenne européenne.
Dans les prévisions financières de l'Unedic, publiées en février, figure un tableau synoptique présentant des éléments financiers qui répondront certainement à vos interrogations. On estime que les différentes réformes de 2021 et de 2023 ont entraîné de moindres dépenses à hauteur de 23 milliards d'euros ; je ne parle pas d'économies, car il s'agit bien de dépenses qui n'ont pas eu lieu. Pendant la crise covid, l'assurance chômage a versé 18 milliards pour la prolongation des droits en raison de l'activité partielle. De plus, le déficit lié au covid s'est élevé à 8 milliards. L'effort du système d'assurance chômage s'est donc élevé à 26 milliards. Enfin, la conjoncture a permis une amélioration du solde de 11 milliards.
Le débat organisé ce soir à la demande du groupe Socialistes et apparentés nous permet d'évoquer l'Unedic, sa gouvernance, ses acteurs et ses comptes, pour faire le bilan de l'assurance chômage et figurer le rôle de France Travail dans la quête du plein emploi.
Compte tenu de vos fonctions et de votre expertise, pensez-vous que l'assurance chômage est un outil de la politique de l'emploi ? Doit-elle être un levier pour concourir à l'objectif politique qu'est le plein emploi ? Par ailleurs, notre système, tel qu'il fonctionne, peut-il conduire au plein emploi ? Demeure-t-il un système assurantiel ou a-t-il dérivé vers un système de droit social ? Le cas échéant, ne faudrait-il pas revenir, techniquement, à son fonctionnement initial ?
J'ai pris connaissance du rapport intermédiaire du comité d'évaluation de la réforme de l'assurance chômage, publié en février par la Dares. Compte tenu du marché du travail, notre système d'assurance chômage est-il un amortisseur ou un acteur des politiques de l'emploi ? L'Unedic est-elle un simple guichet délivrant des prestations ou doit-elle être l'instrument d'une politique sociétale ? Je dois l'avouer : je m'y perds. J'entends la nécessité de faire bouger les lignes, mais les réformes sont très nombreuses et je crains que nous ne perdions notre latin à essayer de savoir où cela nous mène. Enfin, en matière d'accompagnement individuel, l'Unedic applique-t-elle une logique de comptabilité ? Ne devrait-elle pas intégrer une politique d'insertion tenant compte du profil des bénéficiaires des allocations ?
Je vous remercie de poser ainsi les termes du débat. Tout d'abord, le système d'assurance chômage est bien assurantiel, mais de façon décalée désormais, en raison de différents ajouts. Cela justifie que l'on s'interroge sur sa nature. Il s'agit d'un amortisseur social très puissant : de tous les systèmes de protection sociale, il présente le taux de redistribution le plus élevé. Sa qualité redistributive a fait l'objet d'une évaluation : en période de crise ou de conjoncture défavorable, il permet aux gens de subvenir à leurs besoins ; en cela, il est bien un système assurantiel et non de solidarité.
Concourt-il à la politique de l'emploi ? Pas dans sa construction, mais dans son mode de fonctionnement. Suivant la manière dont les bénéficiaires sont indemnisés, ils peuvent adopter des comportements différents. Il y a donc des effets de comportement, ou d'implication, sur le marché du travail. Cela ne signifie pas pour autant que le système doive être plus généreux, ou moins généreux.
Il faut voir le bénéfice d'un tel système qui, comme je l'ai dit, opère une forte redistribution. Les bénéficiaires de l'assurance chômage, parmi lesquels on compte beaucoup de jeunes, des personnes peu qualifiées ou en fin de carrière, souvent exclues du marché de l'emploi, disposent ainsi d'un revenu de remplacement qui leur est utile pour se former, retrouver un emploi, repartir vers d'autres missions. Certes, ce bénéfice est difficile à mesurer, mais il n'en existe pas moins.
Pour répondre à votre question, l'assurance chômage assume les deux fonctions : elle participe donc d'une politique de l'emploi tout en étant un régime assurantiel.
Comme l'a dit M. Lefebure au sujet de la médiation, l'implication des partenaires sociaux au sein de l'Unedic pour construire des règles à peu près claires et compréhensibles, qui ont un sens, dans la durée et en prenant en considération leur impact, permet d'anticiper certains besoins. C'est ainsi que les partenaires sociaux ont inventé l'activité partielle ou la démission pour reconversion professionnelle en 2018.
Enfin, sur la question de l'accompagnement par France Travail, les partenaires sociaux viennent de se mettre d'accord sur une convention tripartite avec l'État et France Travail sur la conduite des orientations stratégiques de l'opérateur. Ils sont également au conseil d'administration et portent donc un regard sur les modalités d'application de la politique publique.
Ma question s'adresse à M. Grégoire Lefebure.
Dans son rapport 2022, publié le 29 mars 2023, le Médiateur de France Travail déplore « un système de sanctions inadapté aux besoins des conseillers » et une « gradation rigide des sanctions ». Pourriez-vous détailler ce système de sanctions ? Est-il renforcé par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi ?
Le Médiateur écrit : « La réalité fait (…) remarquer des situations de radiation systématique si le téléphone n'est pas décroché au premier appel. Chacun a cependant pu expérimenter les aléas des zones blanches, du réseau faible ou d'une absence fugace à l'instant précis où sonne le téléphone. » Je peux en témoigner : certains jours et sans qu'on sache pourquoi, on ne capte rien, même avec la fibre – c'est le bonheur de la vie à la campagne ! Tout le monde s'accorde pour reconnaître qu'il faudrait s'adapter. Le Médiateur conclut ainsi : « Bon sens et bienveillance devraient en conséquence guider la gestion de ces incidents. Mais ce n'est hélas pas toujours le cas. » Pouvez-vous nous donner des exemples de ces pratiques ? Ont-elles été renforcées par la direction de Pôle emploi, puis de France Travail ?
Enfin, de combien d'équivalents temps plein (ETP) disposez-vous ? Combien de temps passez-vous en moyenne pour traiter une demande de médiation ?
On ne peut jamais évaluer précisément le temps qu'une médiation prendra, car cela dépend de la complexité du problème que rencontre le demandeur d'emploi. Disons que cela prend environ un mois en moyenne.
Comme je l'ai expliqué, le médiateur national coordonne les activités des médiateurs régionaux qui sont eux-mêmes assistés par des équipes, lesquelles comptent environ 120 collaborateurs.
Comme en fait état le rapport du 29 mars 2023, la gradation des sanctions pose problème aux médiateurs du fait de son manque de souplesse : elle prévoit une radiation d'un mois, de trois mois puis de quatre mois avec suppression des allocations, ou encore de six à douze mois avec suppression définitive des allocations. Je vous donne un exemple : un demandeur d'emploi sanctionné pour la première fois parce qu'il n'a pas déclaré à temps une période de travail se voit radié pour six mois, avec suppression du revenu ; il reconnaît le manquement, dit qu'il est désolé, que c'est la première fois et qu'il se trouve dans une situation personnelle difficile. Le médiateur ne prend pas de décision, il intervient entre le demandeur d'emploi et France Travail. Mais il lui est impossible d'obtenir que la radiation soit ramenée à trois mois : en effet, la sanction étant fixée par la loi, on ne peut que la lever ou la maintenir, non la réduire.
Enfin, certaines agences appliquent trop strictement la radiation : il suffit parfois qu'un demandeur d'emploi n'ait pas répondu à un appel de France Travail pour que la sanction tombe. Nous préconisons au contraire la bienveillance.
Monsieur Valentie, vous avez déjà répondu à ma première question, en confirmant que les économies réalisées s'élèvent à 23 milliards d'euros.
Vous avez bien fait de rappeler les réformes successives et leurs dates d'application, car on pourrait s'y perdre. Nous avons du mal à obtenir des estimations précises. Je souhaiterais connaître les pertes annuelles de recettes pour l'Unedic que les différents allégements généraux de cotisations sociales patronales d'assurance chômage ont entraînées. Quel est l'impact des différentes ponctions réalisées par l'État au profit de France Travail, d'une part, et des opérateurs de compétences (Opco), d'autre part, sur les caisses de l'Unedic ?
Enfin, quelle analyse faites-vous de la réforme de la gouvernance de l'assurance chômage réalisée par les ordonnances Pénicaud, qui prévoient l'envoi d'un document de cadrage par le Gouvernement aux partenaires sociaux et une reprise en main par décret de carence si ces derniers échouent à négocier ?
La prévision financière de l'Unedic établit que les ponctions, c'est-à-dire l'absence de compensation des exonérations de charges, représenteront 2 milliards d'euros en 2023, 2,6 milliards en 2024, 3,4 milliards en 2025 et 4,1 milliards en 2026.
Les effets que j'ai évoqués, dont le total s'élèverait à 23 milliards, devraient se concentrer sur 2026 et 2027, même s'ils sont évalués à partir de 2023. Concrètement, l'excédent de 3,6 milliards, l'an dernier, doit être mis en balance avec le fait que 2 milliards d'euros sont partis par non-compensation des exonérations. Afin de rembourser les 3 milliards que nous devions sur nos emprunts, nous avons donc dû réemprunter 1,9 milliard.
En 2024, la situation est un peu plus difficile car le montant des exonérations non compensées s'élève à 2,6 milliards ; les prévisions de février évaluaient l'excédent à 3,7 milliards, mais étant donné la tendance économique actuelle, cette différence de 1,1 milliard pourrait disparaître et nous contraindre à emprunter la totalité des 4 milliards que nous devons rembourser.
Une bonne partie des 12 milliards de ponctions annoncées sera prélevée en début de période, selon la trajectoire économique que le gouvernement a annoncée l'été dernier. L'Unedic a fait ses propres analyses de trajectoire économique en septembre 2023 et a fait savoir qu'il était en désaccord avec les éléments transmis par le gouvernement. Notre évolution budgétaire est conforme à la trajectoire que nous avions établie, pas à celle que le gouvernement a présentée.
Cela me permet d'aborder la question de la gouvernance. En effet, l'instauration d'un véritable dialogue entre l'État et les partenaires sociaux sur ce sujet est difficile : même si la lettre de cadrage a été un peu discutée en amont, les partenaires sociaux ont jugé qu'elle laissait des marges de manœuvre limitées, voire inexistantes. Que l'État veuille conduire une politique publique d'emploi en utilisant ainsi l'assurance chômage pose la question de la gouvernance. Les partenaires sociaux, dans leur ensemble, ont soulevé cette question.
Ma question s'adresse à M. Houdebine.
La lecture de la presse est souvent instructive, parfois plus que les questions au Gouvernement. Plusieurs notes de la Dares sont ainsi sorties dans la presse. Une première note fait état de seulement 10 % de retour à l'emploi grâce à une réforme consistant à réduire la durée d'indemnisation, notamment celle des seniors. Je souhaiterais que vous confirmiez ce chiffre.
Une seconde note porte sur la réforme modifiant le coefficient réducteur de la durée d'indemnisation. Je voudrais que vous confirmiez ce que nous avons lu dans Mediapart et ce que nous avons compris de la lecture de la note transmise à Claude Raynal et à Jérôme Guedj : remplacer le coefficient réducteur de 0,75 par un coefficient de 0,6 précipiterait la fin des droits de 400 000 personnes. Le confirmez-vous ? Tandis qu'on nous assure que l'objectif de la réforme n'est pas financier, qu'il s'agit de renvoyer dans l'emploi tous ceux qui s'abîmeraient dans le confort des allocations, confirmez-vous qu'une telle réduction du coefficient de contracyclicité entraînerait une réduction des dépenses d'assurance chômage de l'ordre de 3 milliards par an ?
Je vérifie simplement les chiffres donnés dans ces notes, effectivement relayées par la presse, pour ne pas dire de bêtise.
Je peux vous confirmer que 400 000 personnes environ seraient concernées chaque année par la réduction du coefficient de contracyclicité, ce qui entraînerait des économies de l'ordre de 3 milliards.
Je tiens simplement à signaler que l'impact sur les 400 000 demandeurs d'emploi concernés est très hétérogène : cela peut aller de quelques jours d'indemnisation jusqu'à une durée bien plus importante en fonction de la situation de chacun.
Pour être tout à fait franc, je ne suis pas sûr d'avoir compris d'où vient le chiffre de 10 % que vous avez donné. S'il s'agit du rapport entre les personnes qui retourneraient vers l'emploi du fait de cette réforme et l'ensemble des personnes qu'elle affecterait, il me semble qu'il faut tenir un raisonnement plus prudent sous deux aspects.
D'abord, s'il est assez simple de calculer le nombre de personnes touchées par la réforme, évaluer l'effet de celle-ci sur le retour à l'emploi dépend beaucoup des hypothèses sous-jacentes au calcul. Pour vous donner un éventail des différentes évaluations, cela va du simple au quintuple. Les chiffres donnés dans cette note sont donc très incertains.
Ensuite, il est préférable de ne pas rapporter les effets sur le retour à l'emploi à la population touchée. Prenons un exemple simple pour nous faire comprendre : supposons une réforme qui touche 1 000 personnes en une heure et qui crée 100 emplois ; dans une telle situation, 10 % des personnes touchées par la réforme retournent vers l'emploi, ce qui pourrait conduire à considérer qu'elle est assez efficace. En revanche, si les 1 000 personnes sont touchées pendant plusieurs mois, il est plus compliqué de conclure qu'elle est efficace. Il faut donc faire attention aux hypothèses sous-jacentes à l'établissement de ce ratio.
Je vous remercie, messieurs, pour les éclairages et les réponses que vous nous avez apportés, ainsi que pour votre participation à nos travaux.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Évoquer le bilan des réformes de l'assurance chômage depuis 2017, c'est rappeler que le bilan de notre action est guidé par un fil rouge : libérer le travail et l'esprit d'entreprise.
La France doit retrouver durablement le chemin de la croissance. Notre objectif est que tous ceux qui le peuvent puissent retrouver un travail qui leur convient, un travail de qualité, porteur de sens et d'émancipation. En effet, le travail est le meilleur outil d'émancipation, notamment en termes de pouvoir d'achat.
Quand un chômeur retrouve un emploi, c'est aussi une respiration pour nos comptes sociaux. Le meilleur indicateur de notre santé économique est le taux d'emploi global, bien sûr, mais aussi le taux d'emploi des jeunes et celui des seniors.
La majorité a mené une action résolue en ce sens. Je pense à la transformation en profondeur de notre droit du travail ; à la préservation de l'emploi et de l'industrie pendant la crise du covid, en particulier grâce à l'activité partielle ; à l'investissement massif dans la formation – compte personnel de formation, plan d'investissement dans les compétences des demandeurs d'emploi, développement historique de l'apprentissage ; et, enfin, à la volonté de valorisation du travail, afin qu'il soit plus rémunérateur.
L'amélioration de notre système d'assurance chômage a été au cœur des efforts. Avec la réforme de l'assurance chômage de 2019, l'objectif était de mieux encourager à la reprise d'un emploi. Permettez-moi de citer le bonus-malus appliqué à la cotisation employeur, qui a permis d'encourager les entreprises les plus utilisatrices de contrats courts à réduire leurs roulements de main-d'œuvre.
De plus, le mode de calcul de l'indemnité chômage a été revu, afin de ne pas encourager l'alternance de contrats courts et de périodes de chômage. Pour avoir droit à une indemnisation, il faut désormais avoir travaillé six mois au cours des vingt-quatre derniers mois alors qu'auparavant, il fallait avoir travaillé quatre mois sur une période de vingt-huit mois.
La situation financière du régime a été assainie : déficitaire hier, l'assurance chômage est aujourd'hui excédentaire, de 3,6 milliards d'euros en 2023. Notre objectif est de continuer sur cette trajectoire.
Les estimations de l'effet de cette réforme sur la reprise d'emploi sont positives. La réforme de 2019 a aussi permis de faire en sorte que le travail paye mieux que l'inactivité : pour les salaires supérieurs à 4 500 euros bruts par mois, l'allocation baisse de 30 % à partir du septième mois.
Depuis le 1er février 2023, l'assurance chômage est aussi plus incitative à la reprise d'emploi. Elle est plus stricte quand trop d'emplois sont non pourvus – on en compte 340 000 aujourd'hui.
Le déploiement de France Travail, financé en partie par les excédents de l'assurance chômage, permet d'accélérer le retour vers l'emploi, avec l'instauration de droits et de devoirs, d'un accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA, assorti de mesures de suivi et de contrôle.
C'est une logique d'investissement social. Il est important de rappeler qu'une personne indemnisée par l'assurance chômage coûte en moyenne 23 200 euros, une personne au RSA, 13 600 euros. L'objectif est de les accompagner afin que l'une et l'autre retournent vers l'emploi.
Il y a des résultats : le taux de chômage, qui était de 9,6 % début 2017, est à son niveau le plus bas depuis 2008 ; plus de deux millions d'emplois ont été créés. Bien que la situation économique se soit dégradée depuis le second semestre 2023, on peut toujours considérer qu'il est possible d'atteindre le plein emploi d'ici la fin du quinquennat, pour la première fois en quinze ans. Atteindre cet objectif est une priorité absolue.
Il faut donc faire plus. On le sait, le taux de chômage structurel reste élevé en France. Au quatrième trimestre 2023, il s'élevait à 7,5 %, contre 3,1 % en Allemagne. Des difficultés de recrutement se font déjà ressentir dans la santé, le social, les aides à domicile, le transport de voyageurs, mais aussi certains secteurs industriels ; les métiers qui devraient connaître une expansion à l'horizon 2030 se trouvent dès maintenant en tension.
Le taux d'emploi reste particulièrement bas chez les jeunes : il est de 32,2 % en France, contre 50 % en Allemagne. Chez les seniors – 50 ans à 64 ans –, il est de 66 %, contre 78 % en Allemagne. La part des jeunes âgés de 15 ans à 29 ans ni en emploi ni en formation est trop importante : elle est de 11,9 %, contre 8,2 % en Allemagne.
Notre pays a longtemps subi le chômage de masse et, les études le prouvent, plus on passe de temps au chômage, plus il est difficile de retrouver un emploi.
Permettez-moi de rappeler les priorités annoncées par le Premier ministre. La première est de poursuivre la réforme de l'assurance chômage. Notre système d'indemnisation du chômage, qui fait l'objet d'un décret de jointure jusqu'en 2024, peut être tourné davantage encore vers la reprise d'emploi. Il reviendra aux partenaires sociaux d'élaborer de nouvelles règles. Du fait de la dégradation de la situation économique, il est probable qu'une nouvelle lettre de cadrage leur sera envoyée, leur demandant d'identifier des pistes de réforme qui incitent au retour rapide à l'emploi. Le Premier ministre a évoqué trois leviers possibles : réduire la durée d'indemnisation ; modifier les règles d'ouverture des droits ; réduire les montants d'indemnisation – cette dernière option n'a pas notre préférence. Ne nous empêchons pas d'être créatifs, d'échanger avec les partenaires sociaux et d'examiner toutes les pistes possibles. L'objectif est le retour rapide en emploi.
Deuxième priorité, nous devons continuer d'investir massivement dans la formation. La productivité, qui décroche en part relative par rapport à l'Allemagne et aux États-Unis depuis les années 2000, doit être améliorée. La formation des demandeurs d'emploi, des salariés, des jeunes et des seniors doit faire l'objet d'investissements importants et durables. Cela passe par l'apprentissage – l'objectif est de 1 million d'apprentis en 2027 –, par la réforme des lycées professionnels et par l'amélioration de notre système de formation, qui doit faciliter les transitions professionnelles. Les personnes qui travaillent doivent pouvoir valoriser l'expérience qu'ils ont acquise en situation de travail – les salariés croient souvent qu'ils ne peuvent acquérir des diplômes que par la formation continue.
Améliorer l'accompagnement vers l'insertion professionnelle constitue une autre priorité. Avec France Travail, nous devons renforcer l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Nous devons aussi répondre très concrètement aux difficultés rencontrées par nos concitoyens en matière d'accès aux transports, au logement et à la garde d'enfants, qui constituent des freins majeurs au retour à l'emploi.
Enfin, nous devons continuer à faire en sorte que le travail paye mieux. La semaine dernière, j'ai installé le Haut Conseil des rémunérations, de l'emploi et de la productivité. Il faut stimuler encore les négociations sur les salaires dans les branches professionnelles. Nous avons demandé aux partenaires sociaux de négocier rapidement sur les questions de partage de la valeur, afin de trouver le bon équilibre entre rémunération du capital et rémunération du travail. Enfin, nous devons trouver de nouveaux modes d'action pour lutter contre le travail à temps partiel subi, source de précarité.
Il faut redonner du sens au travail. Hier, j'évoquais avec les partenaires sociaux les assises du travail, mises en place dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR), que nous réunirons avant l'été. Il s'agit de mener ensemble des réflexions sur le rapport au travail, son organisation – télétravail, nouvelles formes d'emploi, démocratie au travail, mise en place du compte épargne temps universel.
Ce fut une semaine singulière, madame la ministre, puisque vous avez passé votre temps à répéter, comme à l'instant, que vous ignoriez ce que vous alliez faire demain.
Ce soir, nous discutons du bilan des actions entreprises par les ministres du travail depuis 2017, qui ont conduit le médiateur national de France Travail, M. Jean-Louis Walter, à écrire dans son rapport de 2022 que « [f]ace à des textes sans cesse plus nombreux et compliqués, les demandeurs d'emploi, les citoyens d'une manière plus large, se sentent de plus en plus démunis, perdus » et son représentant, M. Grégoire Lefebure, à évoquer devant nous un traitement brutal. M. Christophe Valentie, de l'Unedic, vient d'expliquer à quel point la reprise en main, depuis 2017, des règles de l'assurance chômage par le gouvernement avait complexifié le système, l'avait rendu de plus en plus illisible et, au-delà, avait eu des effets sociaux et économiques délétères.
Vous vous targuez toujours d'avoir amélioré la situation du marché du travail, mais il suffit de regarder la courbe du taux de chômage pour constater qu'après avoir atteint 10,5 % en 2014, le taux de chômage a baissé de façon continue entre 2016 et 2020. Votre première réforme de l'assurance chômage a commencé à avoir des effets en 2021, alors même que le taux de chômage était à 7,5 %. M. Michel Houdebine, de la Dares, indiquait tout à l'heure qu'il était impossible d'évaluer l'effet économique de vos réformes. Affirmer que c'est grâce à elles que le marché du travail s'améliore, c'est non seulement un mensonge, mais aussi une marque de mépris envers les citoyens.
Ma question sera simple. Partagez-vous le constat accablant que dresse la Dares dans son rapport, selon lequel la réforme de l'assurance chômage touche avant tout les plus précaires – comme toutes vos réformes du reste ?
Permettez-moi de revenir sur des éléments concrets. Au premier trimestre 2017, on comptait 27,8 millions d'emplois et au quatrième trimestre 2023, 30,2 millions d'emplois, soit 2,4 millions d'emplois supplémentaires, ce qui est très important. Sur la même période, le taux de chômage est passé de 9,6 % à 7,5 %, tandis que le taux d'emploi augmentait de 65,1 % à 68,4 %, soit une hausse de 3 points. Ces chiffres montrent que la rénovation de la formation professionnelle et le développement de l'apprentissage ont amélioré l'employabilité. Le renforcement des incitations au retour à l'emploi en 2018, en 2019 et en 2021 se traduisent aussi dans les chiffres. ll y a bien une hausse du nombre de créations d'emplois et une baisse de plus de 20 % du chômage.
Depuis 2017, le Gouvernement affirme que la cause du chômage réside dans le haut niveau de la protection sociale, notamment de l'assurance chômage. Par conséquent, il faudrait, selon lui, rendre le chômage plus terrible encore et dégrader les conditions de protection sociale pour créer de l'emploi. Nous ne pensons pas que le ressort du chômage soit celui-là, ni qu'il y ait 6 millions d'emplois à pourvoir – or, environ 6 millions de personnes sont privées d'emplois dans notre pays. D'ailleurs, à la suite de vos réformes, de plus en plus de chômeurs et de chômeuses ne sont pas indemnisés.
Le Gouvernement prétend que le chômage baisse grâce à ses mesures. Cette affirmation relève du sophisme. Alors que nous constatons une remontée du chômage qui pourrait laisser penser que vos mesures sont inefficaces, vous nous annoncez vouloir aller plus loin dans le durcissement des règles d'indemnisation pour essayer de régler le problème. En réalité, il n'y a plus de jus dans le citron. La question qui se pose est de savoir quelle protection sociale nous voulons et quel droit au chômage nous souhaitons garantir à celles et ceux qui travaillent. Je rappelle en effet que l'assurance chômage est un droit des salariés.
Une réforme et un rétrécissement des droits tous les deux ans, est-ce une bonne chose ? De plus, on vient de nous dire que les lettres de cadrage ne laisseraient aucune marge de manœuvre à la négociation des partenaires sociaux. La prochaine réforme n'est pas écrite mais j'imagine qu'elle est en train d'être élaborée et cette manière de procéder nous préoccupe. Je m'interroge sur la véritable marge qui sera laissée aux partenaires sociaux pour décider de l'avenir de la protection sociale.
La cause du chômage n'est évidemment pas l'indemnisation des demandeurs d'emploi. Elle est à chercher dans le contexte économique mondial : nous pouvons tous partager ce constat. Notre différence d'appréciation repose plutôt sur la manière dont nous entendons accompagner les chômeurs. À cet égard, la volonté du Gouvernement est de les aider à remonter le plus vite possible dans le train de l'emploi. Les chiffres dont nous disposons tous montrent en effet que plus la personne est au chômage longtemps et plus elle a un âge avancé, plus il lui est difficile de retrouver un emploi.
L'assurance chômage a donc deux vocations : l'indemnisation – c'est bien normal – mais aussi la formation, afin de permettre au chômeur de renforcer son employabilité. Dès lors, la question que nous devons collectivement nous poser est la suivante : quels sont les leviers que nous pouvons utiliser et quels sont leurs impacts ? Les trois leviers utilisés jusqu'à présent ont été la limitation de la durée d'assurance, le durcissement des conditions d'affiliation et la dégressivité des indemnités. Il faut évaluer leur impact sur l'emploi et les dépenses, mais aussi, comme vous le suggérez, mesurer leurs effets sur les publics les plus fragiles. C'est la raison pour laquelle mon engagement et les réflexions menées avec France Travail – j'aurai l'occasion d'y revenir – portent en priorité sur la formation et l'accompagnement parce que c'est la seule vraie solution.
Nous avons réussi collectivement à faire baisser le chômage car nous nous sommes attaqués en même temps à tous les freins à l'emploi. Des secteurs, comme l'hôtellerie et la restauration, ont fait des efforts sur les conditions de travail et de rémunération. Un budget sans précédent a été consacré à la formation professionnelle et à l'apprentissage, même si nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Nous nous sommes aussi penchés sur l'assurance chômage afin qu'elle ne constitue pas un frein à la reprise d'emploi. Pourtant, plus on se rapproche du plein emploi, plus le chemin qu'il nous reste à parcourir est difficile.
J'appelle votre attention sur le cas des seniors et des saisonniers. Dans les Hautes-Pyrénées, 67 000 emplois sur 400 000 sont saisonniers. Or, parmi les leviers de réforme de l'assurance chômage, le durcissement des conditions d'affiliation touche particulièrement les travailleurs saisonniers, en les faisant évoluer vers l'emploi durable : c'est sans doute le but recherché mais cela crée des problèmes au secteur touristique. Dans mon département, les questions des saisonniers et des seniors se conjuguent d'ailleurs, avec le tourisme spirituel à Lourdes mais aussi dans les stations de montagne, l'été comme l'hiver.
Si je partage bien entendu vos objectifs, je voudrais connaître l'effet des dernières réformes sur les travailleurs saisonniers, et savoir ce qui est envisagé pour prendre en compte la question de l'emploi saisonnier, si les partenaires sociaux devaient réformer à nouveau l'assurance chômage.
J'ai bien noté vos remarques à propos des progrès réalisés en matière de conditions de travail ou de formation professionnelle. Comme vous, j'examine les résultats dans le détail. Le taux de chômage moyen ne permet pas d'appréhender les disparités entre les départements, qu'il s'agisse de l'Hexagone ou des départements et régions d'outre-mer (Drom) : certains d'entre eux connaissent encore un taux de chômage à deux chiffres. S'agissant des seniors, l'employabilité est un enjeu si important que, dans le cadre de la préparation de l'accord national interprofessionnel (ANI) par les partenaires sociaux, un travail est mené sur le bilan à mi-carrière, dont l'objectif est de faire un tour complet, qualifié parfois de 360 degrés, sur la santé, les aspirations et les besoins éventuels de formation du salarié. L'enjeu est précisément d'anticiper la deuxième partie de carrière et de renforcer l'employabilité du senior, soit par la formation continue soit par l'évolution professionnelle pour ceux qui veulent changer de métier.
Je dois à la vérité de vous dire que je n'ai pas de chiffres relatifs aux saisonniers. Je sais qu'il s'agit d'un choix de vie pour certains – c'est moins évident pour d'autres. Dans le cadre des assises du travail, nous pourrons aborder ce sujet, qui relève de la question des temps et des choix de vie, parce qu'il a des conséquences sur la continuité de l'emploi tout au long de l'année.
Le bilan des réformes de l'assurance chômage depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron tient en trois axes : culpabilisation des Français, stigmatisation des chômeurs et dégressivité des indemnités. Un rapport de l'Unedic publié en février dernier a entrepris le suivi des précédentes réformes de l'assurance chômage. Le constat est sans appel : plus de 1 million de personnes chaque année, principalement des jeunes, ont vu leur allocation baisser. Cette politique de saccage social n'est pas encore terminée car, après avoir réduit la durée d'indemnisation de vingt-quatre à dix-huit mois, le Gouvernement envisage de la faire passer à douze mois.
Dans ma circonscription, l'exclusion sociale liée à la fragilité de l'offre de mobilité demeure un frein à l'emploi. Si en Gironde, les offres d'emploi ont augmenté de 3 % en 2023, il faut garder à l'esprit que les emplois sont très largement concentrés dans la métropole bordelaise et ne profitent pas aux habitants situés dans la ruralité. Ainsi, les offres d'emploi dans les secteurs de l'agriculture et du commerce ont diminué respectivement de 16 % et de 14 % en Haute-Gironde l'an dernier.
Pour alerter sur la persistance du chômage, notamment de longue durée, dans les communes rurales de Gironde, la communauté de communes de l'Estuaire a organisé en novembre dernier, pour la huitième fois, la journée de la grève du chômage. Les communes de Braud-et-Saint-Louis, Étauliers, Reignac, Saint-Aubin-de-Blaye et Val-de-Livenne se sont associées au projet dans le but de lutter contre la privation durable d'emplois qui touche de nombreux habitants de ma circonscription. Au-delà de la politique de rabais et de rabot, le Gouvernement compte-t-il enfin s'attaquer au chômage et non aux chômeurs, plus particulièrement aux personnes privées d'emploi qui habitent dans des zones rurales ?
Les mots ont un sens. Il ne s'agit pas de culpabiliser les chômeurs mais de les accompagner pour retourner vers l'emploi. Or quel est le meilleur service à rendre à quelqu'un qui recherche un emploi ? Doit-on le laisser essayer seul de remonter dans le train de l'emploi ou au contraire mobiliser tous les moyens pour l'aider à régler les problèmes que vous avez évoqués – logement, garde d'enfant, mobilité – afin de lui apporter des solutions ? Pour ce qui est des difficultés des personnes éloignées de l'emploi, voyez l'exemple des mamans solos, dont les enfants sont gardés par les crèches à vocation d'insertion professionnelle (Avip), pendant qu'elles ont rendez-vous à France Travail pour se former et réfléchir à leur orientation.
Par ailleurs, je vous rappelle que la dégressivité des indemnités touche uniquement, à partir du septième mois d'indemnisation, les demandeurs d'emploi qui touchaient un revenu supérieur à 4 500 euros brut par mois. Je ne suis pas certaine que la mesure concerne les personnes que vous venez d'évoquer.
Enfin, France Travail reçoit désormais des personnes bénéficiaires du RSA pour identifier les facteurs qui empêchent un retour au travail, pour lever ces contraintes et pour proposer une immersion qui permette à la personne de se projeter vers l'activité désirée. Parallèlement à cette démarche, France Travail contacte les entreprises du bassin d'emploi car c'est à l'échelle du territoire que le retour à l'emploi peut se réaliser. L'approche est donc totalement personnalisée et adaptée à chaque demandeur d'emploi.
Six millions de personnes sont toujours inscrites à France Travail et le chômage repart à la hausse. Pourtant, le Premier ministre a déclaré au journal télévisé de TF1 : « Il y aura une réforme de l'assurance chômage cette année ; une vraie réforme, plus globale. » Or, depuis 2017, vous n'avez pas chômé – si je puis dire. Depuis 2019, les radiations à Pôle Emploi sont devenues systématiques : le fait de ne pas aller à un rendez-vous avec un conseiller de Pôle Emploi entraîne deux mois de radiation – auparavant, c'était deux semaines – puis deux refus à une offre raisonnable entraînent la suppression de l'allocation pendant un mois. L'accès aux allocations a été durci : un chômeur doit avoir travaillé au moins six mois – au lieu de quatre précédemment – au cours des vingt-quatre derniers mois.
Un rapport intermédiaire publié en février dernier par le comité d'évaluation de la réforme de l'assurance chômage considère que ces mesures ont privé des salariés de l'accès au chômage, les conduisant à « accepter plus systématiquement les offres d'emploi qui leur sont proposées, au détriment de la qualité de l'emploi retrouvé ». L'an dernier, vous avez continué à restreindre les droits. Selon la Dares, toutes ces réformes n'ont eu aucun impact positif sur l'emploi. Il est admis qu'un chômeur sur quatre a perdu plus de 10 % d'allocation et que les réformes ont fait baisser de 17 % le niveau des indemnités. Une récente note produite par la Dares et la direction générale de l'emploi et de la formation, publiée dans la presse, considère, après les déclarations du Premier ministre, « qu'il paraît dès lors complexe de justifier un tel durcissement dans un contexte de chômage stagnant et même en légère hausse ».
Le bilan est là et les chiffres de l'Unedic relatifs à l'assurance chômage sont clairs : 42,6 % seulement des demandeurs d'emploi inscrits sont indemnisés et le montant moyen d'allocation est de 1 033 euros. Désormais, 45 % des allocataires vivent sous le seuil de pauvreté, soit deux fois plus qu'en 2019.
Votre objectif est de récupérer 3 milliards d'euros d'économies – vous l'avez avoué ou presque –, ce qui précipiterait 400 000 allocataires supplémentaires en fin de droit, dont 100 000 basculeraient vers le RSA. Tout cela contribue non seulement à une suppression des droits mais contribuerait aussi à une pression à la baisse sur les salaires. Au vu de tels chiffres émanant de votre propre administration, pourquoi persévérez-vous ?
La réforme de 2019 visait essentiellement à lutter contre la précarité, en incitant les chômeurs à reprendre un emploi durable. C'est la raison pour laquelle le mode de calcul du salaire journalier de référence a été réformé, afin de décourager l'alternance entre de courtes périodes de chômage et de courtes périodes d'emploi – ce qui constituait l'une des grandes caractéristiques de notre pays. C'est également ce qui explique l'instauration du bonus-malus, que j'ai évoquée tout à l'heure. La réforme avait aussi pour objectif de favoriser la reprise rapide d'un emploi pour les salariés les moins éloignés du marché du travail, l'idée étant de maintenir leur employabilité. Tel était le sens de la dégressivité des allocations.
L'évaluation de la réforme est en cours et nous ne disposons, à ce stade, que de premières constatations, puisque les conclusions du rapport que vous avez mentionné ne seront rendues qu'à la fin de l'année 2024. Toutefois, le comité scientifique du comité d'évaluation de la réforme, dans son rapport intermédiaire, relève que seul un nombre limité de dispositifs, tels le bonus-malus ou l'allongement de la durée minimale d'affiliation, fait l'objet d'une analyse d'impact – laquelle montre que le bonus-malus a permis de réduire la rotation de la main-d'œuvre dans les entreprises les plus utilisatrices de contrats courts, et que l'allongement de la période minimale d'affiliation a permis d'augmenter la probabilité de retrouver un emploi dans les deux mois qui suivent l'inscription à France Travail.
Le rapport intermédiaire ne présente pas encore d'analyse bouclée des effets de la réforme sur l'emploi et le taux de chômage ; toutefois, ce qui est certain, c'est que ce dernier a diminué tout au long de la période.
Les analyses descriptives relatives à la baisse du montant de l'allocation pour certains types de publics, tels que les jeunes ou les femmes, ne peuvent pas, à ce stade, être prises en compte isolément. La réforme du mode de calcul du salaire journalier de référence a conduit à diminuer l'indemnisation moyenne des personnes qui alternent contrats courts et périodes de chômage. Cependant, lorsqu'on prend un peu de recul, on constate que le taux de chômage a baissé pour les publics concernés : par exemple, pour les jeunes, il est passé de 23,9 % à 17,6 %. Le rapport intermédiaire démontre donc que le principal effet de la réforme est d'accompagner les personnes privées d'emploi vers un emploi de qualité.
Votre majorité s'est longtemps prévalue de succès dans le domaine de l'emploi ; ce n'est désormais plus possible puisque la situation se dégrade. L'une des causes majeures, que vous n'avez pratiquement pas évoquée dans votre propos, c'est la baisse du pouvoir d'achat des Français. Nos concitoyens se sont très sensiblement appauvris, en raison du prix de l'énergie et de bien d'autres choses. Les commerçants le constatent : le montant du ticket moyen a diminué. Cette situation produit des effets, en particulier dans les commerces de centre-ville : combien de boulangeries, de magasins d'alimentation, de commerces de textile sont-ils désormais en redressement judiciaire ? J'ajoute que nous serons également confrontés demain à un autre problème, très lourd : celui de la montée du chômage dans le secteur du bâtiment, puisque la construction neuve est à l'arrêt. Il faudra aussi prendre des mesures dans ce domaine.
Une autre raison de la montée du chômage est que le développement de projets industriels, qui sont créateurs d'emplois durables, est devenu très compliqué, en particulier du fait de certaines réglementations : je pense à l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), qui freine la construction de nouvelles usines. Nous avons été frappés, en Bretagne, par l'arrêt d'un très beau projet, pourtant créateur d'emplois, du groupe Le Duff ; nous avons cherché d'autres terrains susceptibles d'accueillir le site industriel, mais ce n'était pas possible en pratique, ce qui a conduit le groupe à se tourner vers l'étranger, notamment.
Tous nos collègues ont reçu une note du Medef qui démontre très clairement que l'industrie, en particulier celle liée à l'énergie, est sur le point de se délocaliser en Amérique. L'activité industrielle dépend étroitement du prix de l'énergie – intégrons bien cette notion dans notre raisonnement. Or, actuellement, le prix de l'énergie est dissuasif pour les industriels.
Enfin, dernier point, vous mettez l'accent, madame la ministre, sur les efforts demandés aux chômeurs âgés. J'étais, il y a peu, dans ma circonscription, où j'ai croisé l'un d'entre eux, qui devait avoir la soixantaine : il a travaillé et cotisé dès l'âge de 15 ans, et il craint de se voir appliquer des mesures nouvelles, puisque c'est ce type de personnes que vous choisissez comme cibles. Il faudrait expliquer aux gens ce qu'il en est.
Vous avez évoqué plusieurs points, dont la situation économique actuelle. Vous avez raison, et je vous remercie d'en parler car c'est précisément la raison qui nous conduit à réfléchir à nouveau à la question de l'assurance chômage. La situation au mois d'avril 2024 n'est pas celle de septembre 2023, lorsque la précédente lettre de cadrage avait été adressée aux partenaires sociaux. Nous souhaitons travailler de nouveau sur ce sujet parce que nous avons conscience d'une difficulté liée à des recettes inférieures aux prévisions, comme l'a expliqué le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – je n'y reviendrai pas.
Vous savez comme moi que le corollaire de la baisse de l'impôt sur les sociétés, c'est celle des plans sociaux dans les entreprises – on le voit arriver assez vite. Or les plans sociaux impliquent un accompagnement particulier des salariés concernés, afin de connaître leurs aspirations et de déterminer le meilleur moyen de les aider, pour répondre à l'enjeu des fameux 340 000 emplois non pourvus actuellement. C'est d'ailleurs le sens de la mission confiée à France Travail – nous parlions, en d'autres temps, des maisons de l'emploi, que vous avez bien connues, monsieur Le Fur : quels sont, à l'échelle d'un bassin d'emploi, les besoins du territoire et quels sont, en face, les besoins de main-d'œuvre.
Les besoins du territoire et les besoins de main-d'œuvre, c'est la même chose !
Vous avez évoqué, à juste titre, les projets industriels. Or, quelle est la première question que pose l'industriel ? Celle de la qualité du bassin d'emploi.
Enfin, vous avez mentionné la note adressée par le président du Medef, que j'ai lue tout comme vous puisque j'en ai reçu une copie : l'un des sujets de fond concerne la capitalisation, puisque des capitaux partent aux États-Unis. Cette note aborde un deuxième élément : celui de la productivité,…
…dont la dégradation est une menace pour notre économie.
Grâce aux éléments chiffrés présentés ce soir, nous avons pu prendre la mesure des grandes tendances qui caractérisent l'évolution de la période récente, en particulier sur le bilan des réformes volontaristes engagées depuis plus de six ans concernant le cadre légal du travail, s'agissant des entreprises, l'assurance chômage ou encore les conditions d'indemnisation. Vous avez brossé, madame la ministre, un tableau rapide et complet des initiatives prises par les gouvernements successifs depuis 2017. Nous sortions d'un cycle très long de chômage structurel élevé et nous n'avions pas d'autre choix que d'explorer de nouvelles voies de réforme. Et lorsqu'on est prisonnier d'une conjoncture, il faut tenir compte d'éléments objectifs.
Permettez-moi de dire un mot sur les demandeurs d'emploi, qui sont souvent éloignés du marché du travail. Nous savons qu'il faut lever certains freins, tels que ceux liés à la mobilité, à la santé ou au handicap, ou encore à la prise en charge des enfants. Mais il faut tenir compte aussi de la fracture numérique qui touche profondément certains territoires – j'en suis le témoin. On exige beaucoup des demandeurs d'emploi, qui ne sont pas toujours à même de s'adapter à la situation. C'est pourquoi un véritable accompagnement humain est nécessaire.
Il ne faut ni dramatiser ni caricaturer la situation, parce que ce ne serait pas rendre service aux demandeurs d'emploi eux-mêmes. Le système français d'indemnisation a certes été pensé comme un amortisseur, mais qui a atteint ses limites ; il est donc nécessaire de réfléchir à la suite.
Ma question porte sur la formation professionnelle : alors que tout le monde s'inquiète sur les moyens qui lui seront consacrés, que comptez-vous faire ? Avons-nous des solutions alternatives autres que d'investir massivement dans la formation et l'adaptation, afin de favoriser l'employabilité ?
Vous avez complètement raison : il n'est pas question de caricaturer qui que ce soit. Tout comme vous avez raison d'évoquer la fracture numérique qui ne fera que s'accentuer. Il y a deux semaines, nous assistions à la remise d'un rapport sur l'intelligence artificielle, dont il nous a été annoncé qu'elle provoquerait presque le même mouvement que celui que nous avons connu avec l'arrivée d'internet – c'est dire à quel point les difficultés de certains de nos concitoyens risquent de s'accroître.
C'est précisément ce qui m'amène à votre question : la formation professionnelle est essentielle. Nous travaillons ainsi sur le financement des plans d'investissement dans les compétences (PIC) et leurs déclinaisons régionales (Pric), qui sont, par définition, des dispositifs qui permettent de privilégier la montée en compétences. Nous travaillons également sur le compte personnel de formation (CPF), qui constitue un bon outil pour s'engager dans une démarche de formation professionnelle, d'autant qu'elle peut correspondre à un souhait de changement de vie.
Enfin, je ne peux pas ne pas parler de l'apprentissage. J'ai connu l'époque où l'on nous expliquait que la France était très en retard en la matière.
Notre objectif était d'atteindre 1 million d'apprentis : nous en sommes actuellement à 853 000. Or 72 % des apprentis obtiennent un CDI au bout de deux ans. L'apprentissage apporte donc un véritable accompagnement et offre une vraie capacité de formation. Je partage d'ailleurs votre analyse selon laquelle la formation est le meilleur garant de l'employabilité. Tout comme la formation tout au long de la vie : les plans de formation instaurés dans les entreprises permettent non seulement de préserver l'emploi des salariés, mais aussi de favoriser la compétitivité des entreprises.
Je vous ai écouté attentivement, madame la ministre, comme j'ai écouté, au cours de précédentes auditions, les collaborateurs de vos services qui nous ont confirmé – comme vous l'avez fait vous-même – que nous ne disposons pas d'analyse de l'impact et des conséquences de la réforme de l'assurance chômage de 2019. Pourtant, vous annoncez déjà une nouvelle réforme, supputant les effets des précédentes. En réalité, vous réformez pour réformer.
Pouvez-vous confirmer ce que nous avons pu lire dans Mediapart, qui a fait état d'une note de la Dares adressée à votre prédécesseur, monsieur Dussopt, note que nous nous sommes procurée depuis. Selon celle-ci, « la conjoncture incertaine du marché du travail n'appelle pas un durcissement immédiat des conditions d'indemnisation ». Cette même note indique qu'avec « une stagnation du taux de chômage en 2023 puis une augmentation à l'horizon 2024-2025 », il paraît « complexe de justifier un tel durcissement dans un contexte de chômage stagnant ou en légère hausse ». Elle ajoute : « La légalité de la mesure envisagée reste très incertaine. […] La mesure ayant été introduite très récemment, les éléments d'évaluation ne sont pas encore disponibles. Il serait opportun d'attendre d'observer les effets de la mesure sur un an (données disponibles en 2025) avant d'envisager une éventuelle évolution des paramètres. » Enfin, dernière citation : « Dans un tel contexte d'incertitude et de risque de retournement du taux de chômage, un renforcement de la contracyclicité paraît peu opportun ».
Pouvez-vous nous indiquer ce qui commande cette nouvelle réforme, si ce n'est la recherche à toute force d'économies parce que les finances publiques ont été très mal gérées, ou parce que vous êtes dominés par des préjugés qui ne correspondent à aucune réalité ni statistique ni économique ?
La note de la Dares publiée par Mediapart répondait à une commande faite dans le contexte de l'automne 2023 – celui d'un possible échec de la négociation paritaire sur la convention d'assurance chômage. Les partenaires sociaux n'ayant pas achevé cette fameuse négociation, ils ont proposé au Gouvernement, au mois de novembre, d'associer la négociation de l'assurance chômage à celle sur le pacte de vie au travail. C'est ainsi que le Gouvernement a accepté de prendre le décret de jointure, qui nous amène jusqu'au 30 juin 2024. Et c'est à partir du fruit de ces travaux que nous devrions avoir, la semaine prochaine, une réponse des partenaires sociaux. Je souhaitais simplement rappeler cet élément de contexte car il est important d'être d'accord sur ce dont nous parlons.
Chacun s'accordera sur le fait que le contexte a changé : nous ne sommes en effet plus du tout dans la même situation qu'à l'automne 2023.
Le Gouvernement a fait connaître son intention d'agréer l'accord issu des discussions paritaires, dès lors qu'il respecterait les engagements pris sur la réforme de la filière seniors.
La note que vous avez sous les yeux est centrée sur le scénario d'un durcissement de la contracyclicité et ne traite pas du tout des autres leviers de la réforme de l'assurance chômage. Elle ne parle absolument pas des conditions d'éligibilité ni de l'indemnisation.
Vous voulez bien que je termine ?
La note de la Dares ne se prononce pas sur l'opportunité de modifier les différents paramètres. Comme je l'ai indiqué, différents leviers peuvent encore être examinés, et la lettre de cadrage peut évoluer – vous le savez. Conformément à l'article L. 1 du code du travail, le projet de réforme fait d'abord l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux. Il est possible ensuite de discuter à partir d'une nouvelle lettre de cadrage. À ce jour, aucun des éléments que vous mettez en avant n'est mentionné dans une note de cadrage – celle-ci n'est pas rédigée à l'heure où je vous parle.
Depuis 2017, nous avons modifié le système d'assurance chômage et nous avons sorti la France du chômage de masse. Nous sommes persuadés que le travail doit mieux payer que l'inactivité en toutes circonstances. Je me réjouis des résultats obtenus : 2,4 millions d'emplois ont été créés et le taux de chômage se situe à son niveau le plus bas depuis vingt-cinq ans. Nous devons aller plus loin : au moins réduire la durée d'indemnisation et allonger la durée d'affiliation.
J'aborderai la spécificité de l'assurance chômage des frontaliers. Ils perçoivent des salaires et paient des cotisations sociales dans l'État où ils travaillent, mais, en cas de perte d'emploi, en vertu du droit européen, ce sont les règles de l'assurance chômage du pays de résidence qui s'appliquent. Le problème est que le coût d'indemnisation du chômage frontalier a explosé : il est passé de 540 millions à 920 millions d'euros entre 2012 et 2020.
En ce qui concerne les travailleurs frontaliers en Suisse, 667 millions d'euros d'indemnités ont été versés et la participation de ce pays est faible – de l'ordre de 150 millions d'euros. En outre, le droit suisse permet de licencier facilement les frontaliers, y compris les seniors. Il revient alors à la France de les indemniser, sur la base de salaires souvent deux fois supérieurs à la moyenne française. Il est anormal que ces dépenses soient si importantes dans une période de plein emploi dans ces territoires frontaliers en France et en Suisse.
Comment pouvons-nous rééquilibrer la situation avec nos voisins ? Au-delà de la révision des accords bilatéraux, qu'il est urgent de renégocier en s'appuyant sur l'Union européenne, quelles sont vos propositions dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage à venir ?
Je vous remercie pour vos commentaires sur les choix du Gouvernement depuis 2017 en la matière. En ce qui concerne les droits aux allocations chômage des travailleurs frontaliers, les élections européennes constituent un enjeu majeur. La France a malheureusement perdu l'arbitrage. Comme vous le savez, ces éléments ont été examinés sous la présidence belge – qui prendra fin prochainement. Les droits aux allocations chômage des frontaliers sont régis par le règlement CE n° 883/2004. Malheureusement, nous n'avons pas été entendus. La seule stratégie possible consiste à rouvrir ce dossier après les élections européennes, sous la prochaine présidence. Nous mesurons son importance pour les régions frontalières – celles limitrophes de la Suisse et plus largement celles de l'est de la France. Ce point nécessite effectivement d'être retravaillé.
J'évoquerai un aspect qui a tout de même son importance. Nous savons qu'il existe une relation entre le niveau de formation des personnes et le taux de chômage. Les chômeurs sont souvent des personnes peu qualifiées, qui ont des difficultés à engager des démarches administratives : c'est un problème – même si ce n'est pas le seul. Au-delà des décisions qui vous incombent – celles relatives au niveau et à la durée d'indemnisation, à la formation ou autre –, quelles mesures envisagez-vous pour faciliter les relations des chômeurs peu qualifiés avec l'administration et la résolution des aspects strictement administratifs ?
Pour une partie de nos concitoyens, il est très important de maintenir les moyens des réseaux accompagnant les personnes les plus éloignées de l'emploi – comme les dispositifs d'insertion par l'activité économique, les acteurs chargés du repérage et de la remobilisation des personnes les plus vulnérables, ou encore les dispositifs d'insertion par le sport. Les actions menées en partenariat avec les collectivités territoriales, notamment dans le cadre des missions locales, s'adressent à ces personnes dans une démarche d'« aller vers ».
Par ailleurs, nous finançons l'expérimentation d'un accompagnement rénové des allocataires du RSA dans quarante-neuf départements – le Premier ministre a annoncé il y a trois semaines l'extension de l'expérimentation France Travail. En 2024, 55 millions d'euros seront alloués au renforcement des effectifs des conseillers en insertion et au développement de solutions pour lever les freins périphériques à l'emploi. Nous poursuivons l'effort de financement d'actions de formation dans le cadre des Pric. Je partage votre analyse : l'accompagnement et la levée des freins à l'emploi sont des sujets majeurs.
Quand direz-vous la vérité aux Français ? Quand prendrez-vous au sérieux le problème de l'emploi ? Nous devons revenir sur les vrais problèmes. Nous avons évoqué le nombre de chômeurs. Vous affirmez que nous avons atteint le plein emploi et que l'offre est supérieure à la demande. C'est un mensonge, madame la ministre.
Vous avez ubérisé l'emploi. Vous avez transformé les chômeurs en travailleurs Uber qui travaillent trois à quatre heures par jour tout en continuant à cotiser au chômage et au RSA. Vous avez désindustrialisé le pays, contrairement à ce que prétend le baromètre industriel de l'État, qui indique un solde positif de cinquante-sept usines en 2023. Vous savez comme moi que pour obtenir un tel chiffre, vous avez réduit le nombre de fermetures d'entreprises en excluant celles des entreprises de moins de cinquante salariés.
Je veux bien que nous nous racontions des histoires encore pendant des heures et des jours et que vous nous expliquiez que le chômage coûte trop cher. Ce sont les fermetures d'entreprises industrielles qui coûtent cher. Si l'investissement et les installations industriels reculent, c'est parce que la France n'est plus compétitive. Les charges salariales sont en effet trop élevées pour les entreprises et le seul levier concurrentiel dont elle disposait, le coût de l'énergie, se réduit comme une peau de chagrin, grâce à vous et à vos amis européens.
Il est désormais le même en République tchèque, en Allemagne et en France, ce qui a conduit le groupe Mondelez à délocaliser directement en République tchèque la production des gâteaux Pépito de l'usine Belin-Lu à Château-Thierry. Le groupe paiera moins cher pour la main d'œuvre et le même prix pour l'énergie. Il n'a aucun intérêt à rester en France. Je vous préviens : Mondelez détient neuf usines en France. Deux d'entre elles ont fermé en moins de deux ans et les sept autres suivront. Prenez les choses au sérieux et travaillons un peu pour l'emploi s'il vous plaît.
L'emploi est un sujet suffisamment important pour que nous ne tombions pas dans la caricature. Je n'ai jamais affirmé que l'offre était supérieure à la demande. J'ai dit qu'il y avait d'un côté des demandeurs d'emploi et de l'autre 340 000 emplois non pourvus – ce n'est pas tout à fait la même chose. S'il y avait 340 000 chômeurs en France, nous ne serions pas là ce soir pour en parler. Après avoir connu pendant vingt ans un chômage de masse, le taux de chômage s'élève à 7,7 %. Les chiffres sont là…
…et ils sont éminemment vérifiables. Le plein emploi est atteint quand le taux de chômage est de 5 %,…
…ce qui signifie qu'il reste les fameux 2 %, qui sont difficiles à résorber.
C'est la raison pour laquelle nous devons nous mobiliser. Le coût du travail au niveau du Smic est plus faible en France qu'en Allemagne.
Ne dites pas qu'il est nécessairement plus élevé. La question est celle des salaires – c'est un autre sujet.
Augmenter un salarié au Smic de 100 euros coûte 220 euros à l'entreprise et le solde net perçu pour le salarié n'est que de 45 euros, après déduction de l'impact sur ses autres revenus. C'est une question importante.
En ce qui concerne l'énergie, la France a eu le courage de conserver le nucléaire, ce qui n'est pas le cas de tous les pays. Le nucléaire apporte incontestablement des réponses en matière d'énergie. L'enjeu est celui de l'attractivité – la démarche de réindustrialisation de la France a commencé, mais il y a des cycles industriels.
Je situe très bien l'usine Belin-Lu de Château-Thierry à laquelle vous avez fait allusion, et je comprends la difficulté pour le département de l'Aisne dont le taux de chômage est élevé.
Le besoin d'accompagnement des chômeurs est évident mais nous ne devons pas généraliser à partir d'un événement – même s'il mérite toute notre attention.
J'aimerais que pour une fois, nous soyons réalistes et honnêtes. Votre vision de l'assurance chômage s'appuie exclusivement sur des mensonges. Les chiffres de la Dares nous apprennent que la France compte 350 000 emplois vacants et 2,3 millions de chômeurs. Le Gouvernement prétend qu'ils pourraient trouver du travail s'ils le voulaient vraiment. Vous mentez. Certes, pour vos anciens ministres et vos anciens députés, il suffit d'un appel téléphonique pour les recycler dans des sociétés de conseil que votre gouvernement inonde d'argent public. Pour les citoyens et citoyennes, la situation est différente.
Vous avez indiqué que vous souhaitiez que le travail soit davantage rémunérateur. Je vous rappelle qu'à l'Assemblée votre majorité – avec le groupe Rassemblement national – a voté contre la hausse du Smic proposée par la NUPES. Les Français ont du mal à se loger et à se nourrir. Tout le monde sait que le travail ne paie pas – demandez aux femmes de ménage qui nettoient vos bureaux, aux travailleurs faussement indépendants d'Uber qui livrent vos repas, ainsi qu'aux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), aux assistants d'éducation (AED) et aux assistantes sociales qui s'occupent de nos enfants dans les écoles. Le travail ne paie pas, je le répète, et ne protège pas, tout le monde le sait.
Lorsque vous empêchez les chômeurs de s'inscrire à Pôle emploi et que vous diminuez et le montant et la durée de leur indemnisation, ils quittent les statistiques du chômage pour rejoindre celles de la misère et de la pauvreté. La réforme du 1er février 2023 a entraîné le basculement de 400 000 chômeurs vers le RSA ou vers l'ASS – l'allocation de solidarité spécifique. Malgré tous les mensonges et les hypocrisies, le taux de chômage repart à la hausse. Quand prendrez-vous acte de votre échec ?
Dans cette salle, il n'y a pas les gens honnêtes d'un côté et les malhonnêtes de l'autre. Nous sommes là pour travailler ensemble. Je ne dis pas qu'il suffit de vouloir un emploi pour en trouver un. L'enjeu, c'est l'accompagnement vers l'emploi. La démarche n'est pas tout à fait la même. Vous dites que nous avons refusé d'augmenter le Smic. Or, depuis 2021, il a été augmenté sept fois – pour une augmentation totale de 13,5 % –, je le rappelle. Vous pouvez trouver que c'est insuffisant mais c'est une réalité – les faits sont là. Cette majorité a créé la prime de partage de la valeur, elle a revalorisé la prime d'activité et elle a diminué le montant des cotisations salariales.
En ce qui concerne l'accompagnement des demandeurs d'emploi, nous avons favorisé l'inscription à Pôle emploi et surtout le suivi. Nous ne souhaitons pas que les personnes au chômage le restent – personne en France ne le souhaite. Le meilleur moyen de les accompagner et de les ramener vers l'emploi est de les suivre – de les appeler, de leur proposer de les rencontrer, de définir un plan d'action avec elles. Ces actions concrètes visent à leur permettre de retrouver un emploi – personne n'a envie de vivre des allocations, chacun préfère vivre du fruit de son travail.
Ma question rejoint celle de mes collègues : les indicateurs publiés par les principaux instituts prévisionnistes montrent que le chômage augmentera cette année. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) avance même un taux de chômage de 8,5 %. Les dégâts budgétaires que nous constatons sont imputables à une croissance inférieure aux prévisions, aboutissant à des destructions d'emplois plus nombreuses.
Nous pouvons nous interroger sur l'intérêt qu'il y aurait à réduire l'indemnisation des chômeurs alors que le nombre des demandeurs d'emploi va augmenter. Les chiffres montrent l'importance des faillites survenues l'an dernier – quelque 4 000 pour les seules boulangeries. Les greffes des tribunaux de commerce ne cessent de se remplir sous le double effet de la fin des mesures de protection liées au covid et du début du remboursement des prêts garantis par l'État (PGE).
L'heure est à l'assainissement des bilans et aux arbitrages forts, notamment dans le secteur industriel. Nous voyons bien qu'il y a une augmentation des plans sociaux : notre collègue citait la fermeture de l'usine Belin à Château-Thierry, non loin de votre région, madame la ministre ; eh bien, chez moi, dans l'Eure, il y a eu cinq plans sociaux depuis trois mois.
Nous vous interrogeons donc à nouveau sur l'opportunité de cette baisse de l'indemnisation du chômage et de la suppression de l'ASS alors qu'une logique contracyclique devrait pousser à maintenir le système actuel pour garantir un filet de sécurité à tous les nouveaux demandeurs d'emploi qui arriveront devant les portes de France Travail dans les prochains mois.
Je vous ai tous écoutés avec beaucoup d'attention ce soir. Vous évoquez l'augmentation du chômage, le remboursement des PGE, les arbitrages que doivent faire certaines entreprises. La baisse de l'impôt sur les sociétés a été suivie par l'arrivée de plans de sauvegarde d'entreprise (PSE), comme je l'ai rappelé. D'une certaine manière, nous sommes donc d'accord sur le constat : la situation a changé. Le contexte d'avril 2024 n'est plus celui de la lettre de cadrage de septembre 2023.
Il est important que les uns et les autres en prennent acte.
Cela implique de retravailler sur ce sujet. C'est précisément le sens de la discussion avec les partenaires sociaux. Comme vous le savez, le code du travail est précis sur le calendrier à respecter. Les partenaires sociaux vont donner une réponse la semaine prochaine et s'il y a un accord, il y aura une transcription. Celle-ci donnera lieu à une négociation, avant une éventuelle nouvelle lettre de cadrage qui permettra de rouvrir les discussions. C'est précisément le changement de situation économique qui conduit à ce processus.
Il ressort du rapport de la Dares auquel vous faisiez allusion que quelques tensions de recrutement demeurent. Même si elles ont tendance à se réduire, elles sont plus importantes qu'avant la crise sanitaire, ce qui est un point à souligner. Cette étude établit par ailleurs que le taux d'emplois vacants dans les entreprises de plus de dix salariés dans le privé reste à des niveaux élevés, supérieur même à celui constaté en 2019 : c'est le cas dans l'industrie – 2,2 % contre 1,5 % – ou le tertiaire marchand – 2,5 % contre 1,5 %. Je ne vais pas reprendre l'ensemble des chiffres mais, vous le voyez, plusieurs indicateurs montrent la nécessité d'un accompagnement par la formation en vue d'assurer un retour vers l'emploi.
Notre objectif depuis 2017, c'est l'emploi. Reprendre une activité professionnelle permet de retrouver sa dignité, de vivre de son travail et de faire vivre sa famille. Pour atteindre ces objectifs, l'accompagnement a été grandement nécessaire et il importe de le renforcer. La formation à tous les âges et tout au long de la vie n'a toutefois pas été totalement menée à bien car, malheureusement, elle ne bénéficie pas à tout le monde. Nous pouvons en revanche nous réjouir du dispositif mis en place en vue d'organiser une réorientation en deuxième partie de carrière comme de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA vers l'emploi ou encore de la montée en charge du travail en alternance et de l'apprentissage, même si certaines des aides qui lui sont dédiées pourraient être revues car elles paraissent excessives.
Dans mon département du Maine-et-Loire – je suis peut-être chanceuse –, le taux de chômage est de 4,2 % et comme tous les métiers sont en tension, les entreprises recrutent des seniors et des personnes en situation de handicap, en partenariat avec France Travail. Néanmoins, la France est marquée par d'importantes inégalités territoriales et alors que trois réformes se sont déjà succédé dans une période courte et que le chômage stagne – je ne dirai pas qu'il augmente –, nous nous interrogeons – même si vous avez pour partie répondu – sur le caractère qui pourrait paraître précoce d'une nouvelle réforme.
Vous avez raison, madame la députée, de souligner l'importance de la formation. Il n'y a pas de politique publique qui ne mérite pas d'être évaluée. Les résultats de l'apprentissage en ce qui concerne l'accès à l'emploi sont très positifs mais nous pouvons toujours nous poser des questions sur les formations et les accompagnements. Cela fait partie des questions sur lesquelles nous travaillons, notamment avec ma collègue Sylvie Retailleau. Nous examinons en particulier les résultats des établissements en matière d'accès à l'emploi et prenons en compte les coûts par contrat.
Vous avez dit avoir la chance d'être élue dans un département où le taux de chômage est inférieur à 10 %, et même à 5 %, et avez souligné les conséquences favorables que cela avait pour l'embauche des seniors et des personnes en situation de handicap. Je forme le vœu qu'il en soit de même dans toute la France. L'emploi des seniors renvoie à la notion de compagnonnage dans l'apprentissage : il est gage de transmission de l'expérience et des savoirs, j'ai pu le constater pas plus tard que la semaine dernière en visitant une grande entreprise française qui met l'accent sur cette dimension. Il est d'une importance particulière pour les seniors, qui trouvent ainsi leur place, comme pour les jeunes qui peuvent acquérir une expérience positive pour l'avenir de l'entreprise à laquelle ils appartiennent.
Ce qui justifie à vos yeux ces réformes et contre-réformes, c'est le travail, le travail et encore le travail. Je voudrais savoir quelle signification a ce mot pour vous. Prenez-vous en compte la qualité du travail et les conditions de travail ? Je rencontre de plus en plus de gens qui souffrent, qu'ils travaillent, qu'ils soient privés d'emploi ou qu'ils soient à la retraite.
Vous avez mis en avant le nombre d'offres d'emploi non pourvues : 340 000 actuellement. Selon l'Unedic, le nombre de demandeurs d'emploi dépasse les 6 millions de personnes. Livrons-nous à un calcul : si 340 000 personnes retrouvaient chacune un emploi, il en resterait tout de même 5,8 millions, soit 95 % du total. Que faire alors ? Eh bien, il y a une solution, c'est de créer des emplois. Envisagez-vous de recruter des professeurs, des postiers, des cheminots, des enseignants, de revenir à la retraite à 60 ans, d'instituer une sixième semaine de congés payés, de passer à la semaine de quatre jours – projet dont j'ai entendu parler mais qui doit pour nous s'accompagner d'une réduction du temps de travail hebdomadaire à vingt-huit heures ?
Je partage votre préoccupation pour les conditions de travail. Il y a un sujet que vous n'avez pas évoqué, ce sont les accidents de travail. Ils provoquent dans notre pays la mort de deux personnes chaque jour et on ne peut pas se satisfaire de cette situation.
Si j'ai souhaité lancer avant l'été les assises du travail, c'est entre autres pour travailler sur cette question cruciale.
Prenons aussi en considération l'évolution des temps de travail. Si nous n'avons pas la même conception de la semaine de quatre jours – pour nous, les 35 heures hebdomadaires continueraient de s'appliquer –, nous pouvons peut-être nous accorder sur le constat suivant : les modes de vie ont changé et nos concitoyens réclament du temps. Avec la garde alternée, beaucoup d'entre eux aspirent à moduler leur temps de travail pour travailler moins quand leurs enfants sont chez eux et plus quand ils n'y sont pas. Réfléchissons aux modifications à apporter.
Vous avez mis en regard des chiffres. Notre objectif est d'atteindre 5 % de taux de chômage contre 7 % aujourd'hui. Ne soyons pas idéalistes : il ne sera jamais égal à zéro. Ce que nous essayons de faire, c'est d'amener le plus de nos concitoyens possible vers l'emploi. C'est le sens du travail que nous menons, notamment autour de la formation.
En ce qui concerne les créations d'emplois, notamment dans la fonction publique, vous connaissez, monsieur le député, la situation de nos finances publiques. Il faut donc trouver une adéquation entre le nombre de postes le plus adapté et une situation des finances publiques la plus saine possible. Cette articulation n'est pas facile à établir mais nous devons avancer – et nous savons tous que l'école reste une priorité indispensable pour l'avenir du pays.
Depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017, les réformes du marché du travail, de l'assurance chômage se sont succédé. L'objectif affiché par le Gouvernement était de flexibiliser, de libérer les énergies – Dieu sait combien de fois nous avons entendu ces mots ! – et de réduire les contraintes. En réalité, vous étiez en train de détruire le modèle social français, modèle dont nous sommes extrêmement fiers et qui est désormais en grand danger.
À vouloir sans cesse taper sur ceux qui ont le moins, vous avez appauvri la France. Les réformes de l'assurance chômage ont conduit à une explosion du nombre de travailleurs pauvres. Chez moi, à Saint-Gaudens, le nombre des bénéficiaires des Restos du cœur a augmenté de 40 % en seulement deux ans. Ces nouveaux précaires travaillent tous, qu'ils soient travailleurs à temps partiel, travailleurs à temps complet ou en intérim, et tous subissent vos réformes depuis sept ans.
Leurs droits au chômage ont été drastiquement réduits et les chômeurs d'hier sont devenus les travailleurs pauvres d'aujourd'hui. Un demandeur sur deux a vu ses indemnités baisser, en particulier les jeunes, les moins diplômés et les plus précaires. Les principaux secteurs concernés sont – cherchez l'erreur – l'agriculture et l'hôtellerie-restauration.
Nous sommes dans la même situation que le Royaume-Uni après Thatcher. Et tout cela pour quoi ? Pour financer la flat tax – le prélèvement forfaitaire unique –, la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et les cadeaux sans contrepartie faits aux entreprises.
Nous apprenons qu'une nouvelle réforme de l'assurance chômage est à l'étude. Or même les membres de votre majorité y sont hostiles, de l'ancienne Première ministre Élisabeth Borne à la présidente Braun-Pivet ou au président Mattei. Madame la ministre, quand comprendrez-vous que c'est n'est pas en faisant les poches des chômeurs et des précaires que nous redresserons la situation financière de la France mais en taxant davantage ceux qui ont le plus ?
Pour ce qui est du modèle social français, nous devons nous interroger sur les conditions de sa pérennité,…
…surtout si l'on prend en considération le tournant démographique actuel. Nous assistons à une baisse des naissances – il y en a eu moins de 680 000 en 2023 –…
…et le nombre des actifs est appelé à diminuer considérablement dans les dix ans à venir.
C'est l'ensemble de notre modèle social qui est en jeu, au-delà de l'indemnisation du chômage. Quels que soient nos bords politiques, je crois que nous sommes nombreux à partager la volonté de maintenir ce modèle social.
Il y a incontestablement des moyens sur lesquels il faut se mobiliser.
Quant à la réforme du mode de calcul du salaire journalier de référence, elle a conduit à réduire l'indemnisation moyenne des personnes alternant contrats courts et périodes de chômage. Vous semblez oublier la réforme du bonus-malus. Très concrètement, l'application de ces nouvelles règles a permis de pénaliser les entreprises ayant recours aux contrats courts…
…lesquels, nous le savons tous, ont un impact sur l'emploi des plus précaires.
Ce n'est pas la seule catégorie concernée par ce phénomène. Nous voyons bien que le taux de chômage a baissé pour les publics plus précaires. C'est ainsi que le chômage des jeunes est passé de 23,9 % à 17,6 %.
Sauf que ce n'est pas un effet de vos réformes de l'assurance chômage !
Faisons donc preuve de lucidité : regardons les choses calmement et apportons des réponses là où les dispositifs mis en place n'ont pas porté tous leurs fruits.
Notre collègue l'a rappelé, notre majorité a un cap : atteindre le plein emploi d'ici à 2027. Nous sommes conscients que la tâche sera dure mais, malgré les crises et les difficultés économiques qui s'annoncent, nous devons tenir ce cap sans faiblir. Il convient de rappeler qu'améliorer le taux d'emploi est la meilleure façon d'alléger la dette publique.
Le marché du travail reste dynamique. Néanmoins, des entreprises peinent encore à recruter des candidats. Ces difficultés ne concernent pas uniquement des métiers pénibles ; je pense par exemple à des postes très bien rémunérés dans le secteur de l'industrie. Compte tenu des moyens disponibles pour former les demandeurs d'emploi, il ne faut pas relâcher l'effort.
C'est pourquoi nous devons étudier, sans tabous et avec justesse, la question de l'assurance chômage. Je souhaite évoquer en particulier les ruptures conventionnelles, qui pèsent lourdement sur les finances de l'Unedic. En effet, les allocations versées à la suite d'une rupture conventionnelle représentent un tiers des dépenses totales d'allocations chômage et concernent 500 000 allocataires.
La rupture d'un commun accord, qui permet de mettre fin à un contrat dans l'intérêt des deux parties, constitue bien sûr un acquis précieux, mais je pense qu'elle pourrait être traitée différemment sur le plan assurantiel. En effet, on peut s'étonner de constater que les allocataires sortant d'une rupture conventionnelle consomment autant de droits que la moyenne – à savoir 60 % de leurs droits –, mais passent plus de temps au chômage. Ainsi, en 2019, ils restaient au chômage pendant quatorze mois en moyenne, contre douze mois en moyenne pour l'ensemble des allocataires. Selon mon analyse, il convient donc d'étudier de près les circonstances particulières qui caractérisent le chômage faisant suite à une rupture conventionnelle ; on comprend aisément la nécessité d'indemnisation qui découle d'une fin de contrat ou d'un licenciement économique, mais je pense qu'un salarié qui décide de rompre son contrat de travail doit avoir une perspective de rebond.
Enfin, le financement de la création d'une entreprise grâce aux moyens de l'Unedic me semble poser un problème de clarté.
Vous avez raison : des entreprises peinent à recruter dans tous les domaines, particulièrement dans l'industrie. Je pense par exemple aux responsables de ligne. Un de vos collègues évoquait tout à l'heure la réindustrialisation ; dans plusieurs entreprises que j'ai visitées récemment, on m'a expliqué que, faute de candidats compétents, les futurs responsables de ligne étaient recrutés en fonction de leur savoir-être puis formés au métier par l'entreprise elle-même. Je souscris donc à votre constat.
En ce qui concerne les 500 000 allocataires indemnisés à la suite d'une rupture conventionnelle, j'ai écouté votre analyse avec grand intérêt. Comme je l'ai dit, la lettre de cadrage relative à la réforme de l'assurance chômage invitera les partenaires sociaux à faire preuve de créativité et à présenter leurs propres propositions. Vous comprendrez donc que je ne souhaite pas, avant même d'avoir envoyé cette lettre, leur fermer quelque voie que ce soit. La grande force du dialogue social réside précisément dans la possibilité de négocier en prenant en considération tous les éléments.
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Discussion de la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées ;
Discussion de la proposition de loi visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole ;
Discussion de la proposition de loi constitutionnelle pour un article 49 respectueux de la représentation nationale ;
Discussion de la proposition de loi visant à protéger la liberté éditoriale des médias sollicitant des aides de l'État ;
Discussion de la proposition de loi visant à instaurer de nouveaux objectifs de programmation énergétique pour répondre concrètement à l'urgence climatique ;
Discussion de la proposition de loi visant à reconnaître et protéger la santé menstruelle et gynécologique dans le monde du travail ;
Discussion de la proposition de loi visant à protéger les Français des risques climatiques et financiers associés aux investissements dans les énergies fossiles ;
Discussion de la proposition de loi portant dépénalisation de l'accès à la nature.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra