France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle le débat sur les aides publiques aux entreprises. La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; dans un second temps, nous procéderons à une séance de questions-réponses.
La parole est à M. François Ruffin.
Hier après-midi, Mme la Première ministre, Élisabeth Borne, est apparue derrière son pupitre et, comme une juge, elle a prononcé sa sentence : ce sera deux ans. Deux ans de plus pour les auxiliaires de vie, pour les agents d'entretien, pour les caristes et pour toutes celles et tous ceux à qui le Président Macron promettait qu'« il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd'hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». Qu'a-t-il fait pour eux depuis ? Rien. Qu'a-t-il fait pour augmenter le salaire des manutentionnaires ou des ouvriers du secteur agroalimentaire ? Rien. Au contraire : c'est avant tout leur pouvoir de vivre que l'inflation vient rogner.
Et maintenant, la double peine : il faudra travailler jusqu'à 64 ans. Alors que, dans tous ces métiers, on s'est déjà fait opérer des épaules ou des genoux avant d'atteindre la soixantaine, qu'on a déjà les poignets usés, le dos brisé ou, pour d'autres, comme les soignants et les enseignants, le cerveau épuisé, ce sera donc 64 ans.
Suis-je hors sujet, monsieur Lescure ?
Mes propos n'auraient-ils aucun lien avec les aides aux entreprises dont nous sommes censés parler aujourd'hui ? Il n'y aurait aucun rapport ? Mais c'est précisément vous, le Gouvernement et le Président de la République, qui faites ce lien. Qu'on lise ce que j'appelle le programme caché de Macron, c'est-à-dire le programme de stabilité pour la période 2022-2027 que vous avez adressé à la Commission européenne en juillet dernier – ce n'est pas un régal de littérature, mais citons-le tout de même. Dès le deuxième paragraphe, vous promettez à Bruxelles une « baisse des impôts de production dès 2023 ». Baisse des impôts de production : l'expression revient dans le document comme une obsession, à quinze reprises.
À la page 56, vous vous faites plus explicite en indiquant : « afin de renforcer la compétitivité des entreprises […], le Gouvernement continuera d'alléger et de simplifier la fiscalité des entreprises. […] Le Gouvernement proposera une suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dès la loi de finances pour 2023. » C'est fait. C'est voté.
Plus précisément, cette mesure – une bagatelle à 8 milliards d'euros –, nous ne l'avons pas votée, puisqu'elle faisait partie du paquet de dispositions adoptées grâce aux 49.3. Mais comment financer cette baisse des impôts de production ? Le programme de stabilité que vous avez rédigé précise clairement que « la maîtrise des dépenses publiques repose principalement sur des réformes structurelles, la réforme des retraites notamment ».
Nous y voilà. C'est écrit noir sur blanc : vous allez prendre sur les retraites des gens pour donner aux entreprises. Ce recours au principe des vases communicants n'a rien de nouveau. Il s'inscrit même dans une certaine continuité. Le programme de stabilité mentionne ainsi les cadeaux déjà accordés précédemment : « l'année 2021 a été marquée par la […] réduction des impôts de production (– 9 milliards d'euros […]) [et] la nouvelle baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (– 3,7 milliards d'euros) ».
Ces sommes sont donc destinées aux entreprises. Mais auxquelles ? Parler des entreprises, en effet, c'est comme parler des poissons : on y trouve aussi bien les requins que les sardines. Alors à qui ces 13 milliards de cadeaux fiscaux ont-ils profité ? Aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ? Très peu. Ces aides ont représenté moins de 1 % de la valeur ajoutée des boulangers et des bouchers, soit 940 euros en moyenne. Elles ont en revanche constitué 1,5 % de la valeur ajoutée des plus grosses entreprises, pour une moyenne supérieure à 9 millions d'euros.
On arrose ainsi les entreprises avec des dizaines, voire des centaines de milliards d'euros, à tel point qu'un ancien cadre du Medef estime que l'État « est devenu un puissant dealer de subventions, un narcotique auquel les entreprises françaises aiment se shooter ». Plus de 30 % du budget de l'État, soit 6 % à 8 % du PIB, sont consacrés à ces aides publiques. C'est trois fois le budget de l'éducation et vingt fois celui de la justice. Même sans prendre en considération le covid et la guerre en Ukraine, ces subventions explosent, sans que l'État cible ou conditionne les aides versées. Parmi les entreprises, ce sont ainsi les requins qui ramassent la mise.
Ces chiffres, ces mesures et ces sigles – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), crédit d'impôt recherche (CIR), crédit d'impôt innovation (CII), CVAE –, la plupart des Françaises et des Français ne les connaissent pas. Mais ils en ressentent l'injustice et ils en éprouvent l'indécence. Avant-hier, les firmes du CAC40 ont versé à leurs actionnaires 80 milliards d'euros de dividendes, dont les deux tiers bénéficieront non pas aux 10 %, ni même aux 1 %, mais bien aux 0,1 % des familles les plus riches : c'est à elles, c'est à ces firmes que l'État distribue près de 200 milliards d'euros. Et il faudrait que l'assistante maternelle, le couvreur, l'employé travaillent deux années de plus, pour combler un déficit dix à vingt fois inférieur à ce montant !
Vous organisez le gavage des uns par le rationnement des autres. C'est pour cette raison que, reprenant les mots de Jaurès, nous appelons les Français à se réveiller contre « les cupidités serviles ».
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Sur proposition du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, nous évoquons cet après-midi les aides publiques aux entreprises. En cette période marquée par des difficultés majeures pour de nombreux artisans et commerçants, le sujet revêt une résonance toute particulière. Comment, en effet, ne pas penser à cet instant aux boulangers, aux bouchers-charcutiers et à de nombreux autres professionnels touchés de plein fouet par la hausse exponentielle du coût de l'énergie et, dans certains cas, confrontés à une impasse dans leur activité quotidienne ?
Comme de nombreux parlementaires, je suis quotidiennement interpellé par ces professionnels, qui lancent un véritable appel au secours. Je me dois de souligner, à cet égard, que les dispositifs créés par le Gouvernement sont bien souvent trop restrictifs et trop compliqués. Le Président de la République en convient lui-même. Toutefois, comment pourrions-nous laisser entendre que ces femmes et ces hommes, ces entrepreneurs qui se lèvent tôt chaque jour pour nous nourrir et pour faire vivre la France, qui fournissent des services indispensables, seraient les profiteurs d'un système – si tant est, d'ailleurs, qu'ils réalisent le moindre profit ?
En matière d'aides publiques aux entreprises, il me semble utile de rappeler deux principes. Le premier réside dans la définition même de l'aide : selon le dictionnaire Larousse, le terme désigne le fait de « donner une assistance momentanée » ou de porter un « secours financier » temporaire à des entreprises ou à des industries. Le second principe est dérivé du droit européen : on ne peut pas faire ce qu'on veut. L'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) interdit en principe les aides publiques aux entreprises, au motif qu'elles sont susceptibles de fausser la libre concurrence et donc le fonctionnement du marché intérieur.
Soyons donc clairs, chers collègues : je ne souhaite pas que le débat qui nous occupe cet après-midi soit l'occasion de tirer à boulets rouges sur les entreprises ni sur celles et ceux qui font vivre tant de nos compatriotes et qui continueront de le faire demain. Les entreprises font l'économie, les entrepreneurs font la croissance et leur activité permet de financer notre système social redistributif.
Les aides publiques ont un double objectif : soutenir celles et ceux qui en ont besoin à un moment donné, et investir pour l'avenir afin d'assurer la compétitivité des entreprises. Par ailleurs, l'essor de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), de la notation sociale ou environnementale, ou encore de la labellisation a accru ces dernières années la pression sur les entreprises pour les inciter à adopter un comportement vertueux. Cette évolution coïncide avec la volonté de faire en sorte que les acteurs privés agissent au service de l'intérêt général. C'est notamment grâce aux aides publiques que la France est le pays émettant le moins de CO
Un autre point mérite d'être évoqué à ce stade du débat, parce qu'il est trop souvent occulté. Il s'agit de l'importance des territoires. Les entreprises, particulièrement les entreprises de taille intermédiaire (ETI), les PME ou les TPE, fonctionnent en réseau sur des bassins d'activités et d'emploi. Même si la part du soutien apporté par les collectivités territoriales est minoritaire par rapport au total des aides publiques versées, leur participation joue un rôle important, voire crucial, dans la mise en œuvre des politiques de transition énergétique, de recyclage des déchets, de mise en place de l'économie circulaire ou, tout simplement, d'activités économiques en réseau. Les aides de l'État sont quant à elles fortement territorialisées.
Vous l'aurez compris, j'estime que ce débat doit porter sur la façon dont nous, parlementaires et membres du Gouvernement, pouvons aider les acteurs économiques de nos territoires à faire face aux enjeux d'aujourd'hui et de demain, et à aller de l'avant pour renouer avec la liberté d'entreprendre. Je ne souhaite pas que nos échanges se limitent à la dénonciation d'un prétendu gavage des actionnaires du CAC40 – accusation qui constitue le fonds de commerce de certains, qui semblent hélas préférer la démagogie à l'analyse réaliste du tissu économique. Soyons clairs : sans un interventionnisme raisonné de la part de l'État et des collectivités territoriales par le biais d'aides publiques parfois soumises à conditions, de nombreux secteurs, déjà en difficulté, auraient désormais totalement disparu.
La question n'est pas récente, comme en témoignent les nombreux rapports remis par le Parlement, la Cour des comptes et les inspections générales sur les aides aux entreprises et leur conditionnalité. J'ai moi-même présidé, il y a quelques mois, une mission d'information dont le rapport final contient vingt-trois propositions, visant notamment à subordonner le versement des aides publiques aux entreprises au respect d'un certain nombre de finalités. Il est clair que tout versement d'une aide publique doit être précédé de la vérification du respect, par l'entreprise bénéficiaire, de ses obligations sociales, fiscales et environnementales. Nous devons garantir à nos concitoyens que le versement des aides publiques est assorti de conditions et soumis au respect de certains principes et exigences, comme l'égalité entre les femmes et les hommes ou le partage de la valeur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous débattons cet après-midi des aides publiques aux entreprises qui, le plus souvent, accompagnent la création et le développement des entreprises, ou soutiennent des entreprises en difficulté. Ces aides représentant un montant de 140 milliards, il est parfaitement normal d'en évaluer la pertinence, d'autant que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a annoncé la semaine dernière qu'il présenterait un projet de loi visant à faire de la France la première nation industrielle verte d'Europe.
Une telle loi est nécessaire, tant notre pays souffre, à de trop rares exceptions près, d'un lent mouvement de désindustrialisation. Entre 1974 et aujourd'hui, la part de l'industrie dans le PIB a baissé de 25 % à 13,4 % et sa part dans l'emploi total a chuté de 25 % à 10,4 %. Les branches de l'industrie lourde, du textile et de la métallurgie, qui étaient autrefois les moteurs du développement des régions du Nord et de l'Est, ont quasiment disparu.
Cette tendance n'est pas propre à la France. On peut ainsi, schématiquement, dégager deux groupes de pays : d'une part, l'Allemagne, le Japon et la Corée du Sud, où la désindustrialisation a été contenue grâce à une montée en gamme des produits ; et, d'autre part, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis ou l'Italie, où la désindustrialisation a été rapide. Ce mouvement s'est aggravé depuis les années 2000. Le taux de marge des industries françaises ne leur permet plus d'investir massivement et leurs produits se sont trouvés trop souvent déclassés. Seule la compétitivité-prix a pu être partiellement sauvegardée, moyennant des efforts sur les marges.
La conséquence majeure de ce phénomène est un effondrement des exportations, qui accroît le déficit de la balance commerciale. Concrètement, le renouveau industriel de la France passera par l'activation de deux leviers publics : la fiscalité et les aides directes aux entreprises, orientées en fonction de nos objectifs en matière de transition écologique, de développement et d'innovation. Le renouvellement des centrales nucléaires constituera une occasion majeure d'intensifier l'industrialisation des territoires concernés. Je pense par exemple, dans ma circonscription, au parc industriel de la plaine de l'Ain, qui s'est développé autour de la centrale nucléaire de Bugey, laquelle a joué un rôle de locomotive pour créer de la valeur ajoutée dans cette zone. En cette période de vœux, je forme d'ailleurs le souhait, monsieur le ministre délégué, qu'un EPR – réacteur pressurisé européen – de deuxième génération soit installé dans ce secteur et irrigue l'industrie locale pendant de très longues décennies.
Un rapport parlementaire paru en 2021 estimait à 1 847 le nombre d'aides aux entreprises existant en France, pour un montant de 140 milliards d'euros. Il ressort des travaux effectués dans le cadre de cette mission d'information que l'évaluation des aides publiques aux entreprises pourrait être améliorée et que la création d'un office parlementaire commun d'évaluation des aides publiques nationales aux entreprises permettrait aux parlementaires de contribuer, à leur niveau, à la lisibilité et à l'efficacité de la dépense publique.
L'autre versant est l'allégement de la fiscalité – une nécessité qui a bien été prise en considération par l'exécutif sous cette législature et la précédente, puisque l'impôt sur les sociétés a été ramené à 25 % et que la CVAE sera prochainement supprimée, pour ne mentionner que ces deux exemples. Les impôts de production représentent 4,5 % du PIB en France, contre 0,7 % en Allemagne. Les charges sociales sont en outre les principaux freins à la croissance. D'une part, les impôts de production agissent comme une taxe à l'exportation, puisqu'ils touchent les biens fabriqués localement mais pas les biens importés, à l'inverse de la TVA, qui s'applique à tous les produits. D'autre part, le coût du travail ne permet pas à la France de produire de manière compétitive. En raison des distorsions économiques qu'ils entraînent sur toute la chaîne de valeur, les impôts de production sont les plus nocifs. L'industrie, qui acquittait avant la crise 19,2 % de leur montant alors qu'elle n'est à l'origine que de 13,6 % de la valeur ajoutée créée, en est la première victime.
J'aimerais d'ailleurs appeler votre attention sur le cas particulier de la contribution sociale de solidarité des sociétés, dite C3S, qui empoisonne particulièrement la vie des entreprises puisqu'elle taxe le chiffre d'affaires et non la valeur ajoutée.
La C3S crée donc un effet de cascade dans la mesure où chaque produit est de nouveau taxé s'il entre dans la composition d'un autre produit plus abouti, confectionné par une autre entreprise. En ce sens, la C3S est une taxe sur la taxe qui peut inciter les sociétés à se tourner vers des fournisseurs étrangers. La C3S, dont le taux réel est estimé à 0,11 %, comporte cependant un effet prix moyen augmentant les coûts globaux des biens fabriqués de 0,19 %. En somme, elle opère comme un droit de douane négatif s'appliquant aux biens produits nationalement, au bénéfice de ceux qui sont fabriqués à l'étranger.
En conclusion, les dépenses fiscales et les aides publiques directes aux entreprises seront donc les deux leviers publics de notre réindustrialisation. Elles doivent être combinées pour nous permettre d'atteindre nos objectifs économiques, climatiques et sociaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.
Le débat qui nous est proposé en ce début d'après-midi est ô combien important. Pourtant nous le menons à l'aveugle. En effet, il n'existe aucun document administratif qui unifie 1'ensemble des aides aux entreprises, aucun cadre harmonisé pour permettre une discussion démocratique de qualité ni une comparaison internationale efficace. Alors que le chiffre de 140 milliards avait été évoqué pour 2018, le ministre Bruno Le Maire nous expliquait, lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, que « les chiffres étaient trop difficiles à articuler », selon les termes de ses services.
Heureusement, des économistes du Clersé, le Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques, unité mixte de recherche de l'université de Lille et du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, nous ont éclairés, estimant ces aides à plus de 157 milliards d'euros en 2019, soit 30 % du budget de l'État, un montant qui a augmenté de façon spectaculaire depuis le début des années 2000 – elles s'élevaient alors à environ 30 milliards. Nous comprenons mieux l'opacité de nos gouvernants. On a dépensé, comme dirait le Président de la République, « un pognon de dingue » pour des résultats médiocres.
Ils sont médiocres, tout d'abord, du point de vue environnemental. Car, en ne conditionnant pas la plupart de ces aides, l'État se prive d'un levier puissant de transformation de notre économie. Ainsi, selon le Réseau action climat, on compte, parmi les aides aux entreprises, 67 milliards d'euros de dépenses néfastes pour le climat et la biodiversité.
Ils sont médiocres, ensuite, du point de vue de l'efficacité économique. Les rapports se succèdent pour montrer que les aides publiques ne permettent pas d'enrayer la désindustrialisation.
Ces aides sont également inefficaces sur le plan fiscal : non seulement leur poids sur le budget de l'État s'élève à plus de 30 milliards mais elles réduisent aussi considérablement ses recettes : nous renonçons à des prélèvements qui sont dus à l'État et privons également de recettes la sécurité sociale – à hauteur de 65 milliards en 2019 par exemple. Défiscalisation et désocialisation sont devenues l'alpha et l'oméga de la politique économique du Gouvernement.
En matière d'innovation, nous constatons la même inefficacité : les aides sont passées de 3 milliards par an en 2010 à près de 10 milliards aujourd'hui. Ces montants placent la France parmi les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont le niveau de soutien public à l'innovation est le plus haut. Pourtant, dans le même temps, la France continue de sous-investir dans la science. La part du PIB consacrée aux dépenses de R&D, recherche et développement, est en baisse depuis 2014, passant de 2,28 % à 2,19 %, ce qui nous place en quinzième position dans les comparaisons internationales. Nous décrochons – je rappelle qu'en 2000, nous figurions en neuvième position.
Ainsi, les aides publiques financent 28 % des dépenses de R&D en France contre 12 % en moyenne pour l'OCDE. La perfusion administrée à notre recherche présente manifestement une fuite. En effet, 1 euro d'aide fiscale induit 0,34 euro de dépense en France contre 3 euros dans certains pays. Notre effet levier est nul et même négatif.
Enfin, grâce au crédit d'impôt recherche, environ un tiers des dépenses de R&D déclarées par les entreprises sont prises en charge par la puissance publique. C'est la première niche fiscale de France.
Nous connaissons pourtant les causes de cet échec. L'efficacité des aides fiscales décroît de façon inversement proportionnelle à la taille des entreprises. Pour chaque euro d'aide fiscale reçue, les petites entreprises investissent plus de 1,4 euro dans la R&D, les moyennes entreprises 1 euro et les grandes entreprises seulement 0,4 euro. Pourtant, nous nous entêtons à offrir une niche fiscale aux grandes entreprises pour un résultat nul.
Nous visons mal. La Banque de France elle-même le reconnaît dans son rapport de 2022 sur le crédit d'impôt innovation : les conséquences positives des subventions sont extrêmement difficiles à évaluer car l'effet d'aubaine est massif. Autrement dit, un grand nombre d'entreprises qui connaissent le succès grâce à ce soutien l'auraient aussi rencontré sans lui. Comme toujours, le coût est public et le gain privé.
Les aides aux entreprises ressemblent bien souvent à un cadeau, sans portée stratégique ni efficacité économique. Nous nous entêtons à arroser des entreprises qui poussent très bien toutes seules.
Le plus scandaleux, c'est que ce sont les ménages qui paient la facture alors qu'ils n'en voient même pas les effets sur l'innovation dans le pays ni sur l'emploi. Les études sont claires. La diminution des prélèvements sur les entreprises a été compensée par un accroissement de ceux opérés sur les ménages – j'ajouterais, à la lumière de la politique fiscale du premier quinquennat : sur les ménages les plus modestes.
Alors ayons le courage de corriger le tir. Améliorons tout d'abord le suivi et la lisibilité des aides financières actuelles, notamment en corrigeant les doublons entre collectivités. Favorisons et utilisons plus efficacement la commande publique car elle permet à l'État d'orienter la production et d'enrichir la nation tout entière en engendrant une contrepartie matérielle.
Ce débat aura au moins le mérite de mettre en lumière un pan caché du budget de l'État, un État providence bis comme le disait Dominique Méda, un État providence que l'on n'accuse jamais de pratiquer l'assistanat.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Les aides publiques aux entreprises : voilà un très vaste sujet de débat auquel nous invitent nos collègues LFI – NUPES. Cette thématique est si large que chacun d'entre nous pourra confortablement rester dans son couloir, quitte à se caricaturer. Certains diront que ces aides sont indues et représentent un détournement du bien commun, d'autres qu'elles sont essentielles pour accompagner la croissance de nos entreprises. Finalement, il y aura une part de vrai dans chacun de nos exposés respectifs.
Qu'est-ce qu'une aide publique ? Est-ce une subvention ou une facilité accordée comme une garantie financière ? Est-ce un apport d'assistance technique ou un crédit d'impôt ?
Et que désigne-t-on quand on emploie la notion d'entreprise ? Une EURL, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, une SAS, une société par actions simplifiée, une SA, une société anonyme ? Le commerce employant dix salariés ou la holding cotée en Bourse ?
Nous pouvons donc aborder absolument tout dans ce débat sans risquer le hors-sujet mais, justement, l'étendue de la question limite la confrontation des idées et l'émergence de solutions partagées – permettez-moi à cet instant de le regretter.
La définition du périmètre des aides publiques aux entreprises, et, partant, de leur coût pour les finances publiques, est toujours très difficile à apprécier et à appréhender. Ces aides peuvent prendre la forme de subventions, de garanties financières, de prises de participation ou encore d'exonérations fiscales et/ou sociales.
Selon le rapport le plus récent sur le sujet, publié en octobre 2022 par l'Ires, l'Institut de recherches économiques et sociales, intitulé « Un capitalisme sous perfusion », et commandé par la CGT – vous le voyez, je ne m'interdis aucune bonne lecture –, il existe en France plus de 2 000 dispositifs de soutien, pour un montant avoisinant les 160 milliards par an. Je précise que ce chiffre ne prend pas en compte le plan de soutien aux entreprises lancé lors de la crise sanitaire.
Certains penseront, et l'exprimeront haut et fort dans l'hémicycle, que ces centaines de milliards d'euros d'argent public devraient être investis exclusivement dans les politiques publiques et que nos écoles, nos tribunaux, nos hôpitaux, nos commissariats ou encore nos casernes en ont cruellement besoin.
Ce raisonnement manichéen est une erreur. Il me semble au contraire que les aides ciblées vers des secteurs d'innovation, de production ou de réindustrialisation, qu'ils soient en difficulté, en mutation ou en devenir, représentent un transfert de richesse – pour reprendre l'expression consacrée de l'Inspection générale des finances (IGF) – essentiel pour notre compétitivité et notre prospérité, celle-ci étant synonyme de progrès pour chacun d'entre nous.
Pourtant, ne soyons pas naïfs mais, au contraire, ambitieux. Chaque euro dépensé par la Collectivité est un investissement. Je parle de collectivité avec un grand C car, aujourd'hui, de multiples acteurs publics financent, de la plus petite intercommunalité à l'Union européenne. C'est sur ce point que nous avons d'immenses progrès à réaliser, s'agissant d'abord de la lisibilité des aides proposées et de leur contrôle, ensuite de l'évaluation des dispositifs.
La nécessité d'une limitation du nombre d'interlocuteurs chargés de renseigner, d'accompagner et d'orienter les entrepreneurs semble évidente. Pourtant – nous le savons, pour en avoir des exemples concrets dans nos circonscriptions –, obtenir un panorama d'ensemble des aides et des conditions d'éligibilité revient à se lancer dans une véritable chasse au trésor. Soyons capables d'instituer des guichets uniques dans nos territoires en collaboration, par exemple, avec les chambres consulaires. C'est une question d'équité. Une ETI disposera toujours de la ressource interne pour démêler les procédures, il n'en va pas de même pour l'artisan ou la petite entreprise.
Au moment de la crise du covid-19, nous avons été confrontés dans nos territoires à ces difficultés lorsque nous avons souhaité aider à monter leurs dossiers des entrepreneurs se débattant avec la complexité des procédures. S'agissant de la conditionnalité des aides, nous avons tendance à penser que l'objectif premier est de ne pas complexifier les dispositifs ni de créer des usines à gaz en ajoutant des critères étrangers à l'objet de l'aide. Le pendant de cette souplesse est le contrôle, assorti de sanctions dissuasives. La délinquance en col blanc reste de la délinquance.
Enfin, il faut systématiquement évaluer l'impact et l'efficacité des dispositifs d'aides. Il ne doit y avoir aucun tabou à ce sujet. Chaque euro d'argent public ne doit pas être dépensé mais investi. Cessons d'empiler les aides, rendons-les plus adaptables en fonction de la conjoncture. Il s'agit là avant tout d'inviter l'administration à se décorseter.
Les entrepreneurs sont des femmes et des hommes qui n'attendent pas qu'on les prenne par la main ni qu'on leur mâche la tâche. Les aides ne sont ni une recette, ni un gain, ni un dû. La très grande majorité des entrepreneurs s'en passent quand ils le peuvent car recevoir des aides particulières n'est pas dans leur ADN. Ils ne souhaitent pas développer leur activité avec des subsides publics mais par leur travail, leur créativité, leur abnégation et, d'une certaine manière, leur génie.
Cependant, il est du devoir de l'État, principalement, de prévoir non des parachutes mais des amortisseurs en cas de turbulences. La politique de relance précoce et résolue menée dès le printemps 2020 a permis à la France de redémarrer économiquement plus vite que l'ensemble de ses voisins européens. C'est un bon exemple.
Au groupe Horizons et apparentés, nous pensons que les aides publiques aux entreprises ne sont pas un transfert de richesse indu mais un investissement ambitieux pour l'avenir de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.
Le recensement opéré à l'Assemblée nationale sous la précédente législature fait apparaître entre 1 800 et 2 000 dispositifs de soutien aux entreprises, qu'il s'agisse d'aides directes, d'annulations de dettes fiscales ou sociales, d'exonérations partielles ou totales de cotisations sociales ou encore de niches fiscales. La difficulté d'obtenir un chiffrage exact des dispositifs d'aide aux entreprises complique l'évaluation précise et à jour de leurs montants.
Si les objectifs poursuivis par les mesures de soutien aux entreprises peuvent être justifiés selon le contexte – on l'observe tout particulièrement en ce moment –, les questionnements relatifs à l'efficacité de ces aides ainsi qu'à notre capacité à en assurer le contrôle sont tout aussi pertinents, notamment en raison de la situation actuelle de nos finances publiques. Sans caricaturer, nous disons oui aux aides mais également oui au contrôle.
En 2007, selon un rapport de l'Inspection générale des finances, le montant des aides aux entreprises représentait 65 milliards. Pour 2018, le ministre de l'action et des comptes publics l'évaluait à 140 milliards. Selon le rapport de l'Ires cité par l'orateur précédent, ces aides atteindraient entre 200 et 205 milliards d'euros en 2019, soit l'équivalent de 8,4 % du PIB ou encore 41 % du budget de l'État. L'essentiel provient de niches fiscales, à hauteur de 109 milliards, des allègements de cotisations sociales – 64 milliards – et des dépenses budgétaires – 32 milliards.
Les aides aux entreprises constituent ainsi le premier poste de dépense de l'État, devant l'éducation nationale et loin devant les 70 milliards d'aides sociales qui représentent 3 % du PIB. Le silence relatif sur cette augmentation contraste d'ailleurs significativement avec le battage médiatique à propos des aides sociales et de leur coût.
Par ailleurs, si les aides aux entreprises ont augmenté, ont-elles été conditionnées au respect d'un certain nombre de critères sociaux, fiscaux ou écologiques ? La réponse est non, à l'évidence, ce qu'a confirmé le rapport de la mission d'information commune sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises de 2021 – n'est-ce pas, monsieur Viry ?
D'ailleurs, plusieurs exemples illustrent ce gâchis. C'est le cas du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Les travaux menés par France Stratégie montrent qu'il a été extrêmement coûteux au regard du faible nombre d'emplois créés ou sauvegardés. De même, d'après les premières analyses portant sur sa transformation en allègement de cotisations sociales, cette baisse de cotisations salariales, dont les effets étaient censés être positifs, n'a pas produit les résultats espérés.
Autre exemple, le coût du crédit d'impôt recherche, longuement évoqué tout à l'heure et devenu la première niche fiscale en France, dépasse les 7 milliards d'euros en 2022, pour un résultat très contrasté – pour le moins. Selon l'OCDE, « le crédit d'impôt recherche est l'un des soutiens publics à la recherche et au développement les plus généreux de tous les pays de l'OCDE ».
Mes chers collègues, toutes ces données permettent donc de largement relativiser l'image de l'entrepreneur que certains d'entre vous véhiculent ici : un solitaire écrasé de charges. La solidarité nationale joue un rôle fondamental dans le succès des entreprises, la mise en place de mécanismes de régulation des tarifs de l'énergie en cette période de crise en témoigne à son tour. Les entreprises ne profitent pas du système, monsieur Viry : c'est le système qui est défaillant et qui doit être adapté.
En effet, les soutiens publics majeurs que j'ai évoqués devraient justifier de demander des garanties de la part des entreprises en contrepartie des aides accordées. Cette conditionnalité relève fondamentalement d'un choix politique, en l'occurrence de l'orientation économique, sociale et environnementale que nous souhaitons donner à la dépense publique et au tissu économique ; elle permet de peser sur les choix stratégiques des acteurs économiques en faveur d'un avenir plus durable, plus écologique ; cela s'appelle la planification.
C'est dans cet esprit que les parlementaires ont adopté l'article 9 de la loi de finances rectificative du 25 avril 2020, qui a permis à Air France de bénéficier de deux dispositifs d'aide généreux pour un montant de 7 milliards, en contrepartie de l'obligation d'intégrer « pleinement et de manière exemplaire les objectifs de responsabilité sociale, sociétale et environnementale dans [sa] stratégie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ». Même si cet engagement n'a pas été respecté par l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'il est inscrit explicitement dans la loi – je reviendrai bientôt sur le sujet du contrôle du respect des engagements pris. De plus, la conditionnalité des aides offre la possibilité de vérifier l'efficacité de la dépense publique et de mesurer son impact économique, social et environnemental ; elle démontre plus que jamais, dans ce contexte de crise et de défiance sociale, la capacité du politique que nous sommes à définir et à impulser un changement de modèle.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
« Chaque euro compte pour un État qui a 3 000 milliards d'euros de dettes », a déclaré hier M. Bruno Le Maire. Voilà donc le message du Gouvernement à celles et ceux qui vivent de leur travail. Ils le savent bien d'ailleurs, tant ils sont nombreux à connaître des fins de mois toujours plus difficiles. Mais votre ministre de tutelle, monsieur le ministre délégué, a oublié de leur dire que chaque euro ne compte pas pareil : pour certains euros, on ne compte plus. Pourtant, si un euro compte, imaginez 156 milliards d'euros… Ce sont les bénéfices records réalisés par l'ensemble des entreprises du CAC40 en 2021, dont plus de la moitié reversée ou plutôt déversée sur les actionnaires, soit 80 milliards d'euros, 10 milliards de plus que l'année précédente.
Feu d'artifice et cascade de champagne ! Et il faudrait être fier que des gens soient si riches… Combien d'argent public a été accordé aux entreprises par un État pour qui chaque euro compte ? En 2019, 160 milliards d'euros, soit la moitié du budget des pensions de retraite, le double du budget de l'éducation nationale. Pour certaines, cela pouvait sans doute s'entendre, mais sur ces 160 milliards, combien pour les entreprises du CAC40, rarement en reste dans le partage du gâteau et qui ont dû en capter une part considérable ? Selon l'observatoire des multinationales, 100 % des groupes du CAC40 ont bénéficié d'aides publiques… et ce sans condition. C'est mieux qu'à la Française des jeux : 100 % de ceux qui ont tenté leur chance ont gagné. Alors, on ne compte plus, on n'y arrive plus, on fait péter le compteur quand il s'agit des dividendes : 80 milliards d'euros, provenant pour partie de l'argent public.
C'est pour cela qu'il faut travailler plus, plus longtemps, plus souvent, se serrer la ceinture : permettre ce partage des richesses… réservé à quelques-uns ! Les aides de l'État aux entreprises augmentent d'année en année, sur fond de discours qui tend à discréditer l'impôt et la cotisation, présentés comme étant par nature illégitimes et abusifs. Son obsession de la foire aux exonérations, votre ministre ne s'en cache pas, monsieur Lescure, il la formule à sa façon : « Il faut, dit-il, baisser les prélèvements obligatoires », baisser ce qu'il appelle « les impôts de production » et ce qu'il nomme « le coût du travail ». Or, parmi ce qu'il veut baisser, il y a de vrais morceaux de retraite des ouvriers, des employés, de bien d'autres salariés, de celles et ceux qui vivent de leur travail.
Toujours plus de cadeaux pour la finance, toujours plus de sacrifices pour le monde du travail. C'est une réalité et c'est une vieille histoire, monsieur le ministre délégué. Vous m'expliquerez que c'est du passé, qu'il ne faut pas faire de manichéisme… Mais c'est vous qui rendez chaque jour cette vieille histoire plus moderne, plus contemporaine. Toujours plus de ces euros qui ne comptent pas pareil selon que vous êtes puissant ou misérable : pour alimenter la finance, toujours prendre soit sur les salaires, soit sur la protection sociale, soit sur les services publics. Vous persistez dans vos choix. Pourtant, ces vieilles recettes ont fait la démonstration de leur inefficacité, et si souvent de leur nocivité sur notre pacte social, sur notre promesse républicaine et sur nos vies !
Cette manne financière ne cesse de grever les budgets de l'État et organise l'impuissance publique en réduisant les capacités des services publics et la protection des plus fragiles : l'hôpital public est au plus mal, l'éducation nationale manque d'enseignants, la justice souffre… Avec eux, vous et votre ministre êtes tout sauf généreux. En 2019, la Cour des comptes estimait à 91 milliards d'euros le montant des exonérations de cotisations sociales, en principe compensées sur le budget de l'État, donc financées par l'impôt. Cependant, il paraît que chaque euro compte.
J'en viens aux aides directes, monsieur le ministre délégué. Que l'État choisisse de soutenir des projets, des secteurs et des entreprises n'est pas problématique en soi, mais c'est la façon systématique, inconditionnelle, aveugle, avec laquelle il procède qui fait problème. L'intervention publique doit servir à orienter les choix vers les salaires, la formation, la recherche, l'investissement ou encore vers la transition écologique ; pas à payer des milliards de dividendes. Parce que chaque euro compte, n'est-ce pas ? Alors, il faut que ces aides ne soient pas toujours captées par les puissants.
L'argent public, lorsqu'il s'agit d'intérêts stratégiques, ne devrait pas être systématiquement donné, mais beaucoup plus investi en titres de propriété, en prises de participation, c'est-à-dire en leviers d'intervention dans la gestion des grandes entreprises.
Monsieur le ministre délégué, quand est-ce qu'on compte les euros pour le monde de la finance ? Quand est-ce qu'on arrête avec l'arrosage automatique ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Remercions le groupe LFI – NUPES d'être à l'initiative de ce débat que j'aborderai, une fois n'est pas coutume, plutôt comme professeur d'économie que comme député – si on peut ainsi segmenter les choses.
Nous connaissons tous les difficultés extrêmes que nous réserve la conjoncture. La coexistence du ralentissement de la croissance et de la hausse de l'inflation crée de redoutables difficultés pour les responsables de politiques publiques car la stagflation est objectivement un problème énorme. Une politique de relance serait susceptible de pousser la croissance et de réduire le chômage, mais au risque probable de doper l'inflation, et une politique de refroidissement obtiendrait probablement des résultats inverses. Par conséquent, dans pareil contexte, le soutien aux entreprises revêt une importance vitale car il constitue une politique contracyclique que l'on peut trouver vertueuse, insufflant de l'oxygène sans impact inflationniste direct et surtout parce qu'il se révèle, en ce climat peu porteur, indispensable à la vitalité du tissu entrepreneurial. Déjà, on le sait, les aides que le Gouvernement avait décidées en pleine crise covid, et que le groupe LIOT a systématiquement soutenues, se sont révélées indispensables en empêchant un effondrement, qui sans elles aurait été inévitable. Le contexte actuel est certes moins tendu, mais le soutien à l'économie apparaît tout de même essentiel.
La simple évocation du déficit commercial, de près de 160 milliards, suffit à illustrer la nécessité de renforcer la capacité productive et l'exigence d'un effort de réindustrialisation. Reste que l'état des finances publiques s'impose à nous : 3 000 milliards d'endettement, levés en partie à taux variables et souscrits en majorité par des non-résidents. Cela réduit de façon drastique les marges de manœuvre, d'autant plus que les plus de 50 milliards de charges d'intérêt constituent une hémorragie supplémentaire. La nécessité est donc grande de cibler les aides, c'est-à-dire de les ajuster en faveur de l'emploi et de la production de richesse en mettant du mieux possible de côté les passagers clandestins et en visant au maximum l'effet de levier. Toutes choses pas très simples mais inévitables, et que nous appelons de nos vœux. Le but de la politique publique, comme vient de le dire Pierre Darrhéville, devrait évidemment être aussi d'orienter toujours davantage la machine économique vers la solidarité sociale et la transition écologique, plus largement vers le développement durable.
Un autre aspect de la politique publique, lui aussi essentiel, est pour nous la territorialisation des aides. En effet, une des raisons d'être du groupe LIOT réside dans la prise en compte des réalités et des différenciations régionales. L'outre-mer, par exemple, a des problématiques particulières que nous soulevons régulièrement. Et les territoires métropolitains eux-mêmes sont de niveaux de vitalité économique et sociale très inégaux : il est des régions centrales motrices, à secteur secondaire relativement puissant, et des territoires périphériques fragiles et désindustrialisés. Ainsi, les PIB globaux des régions vont de 800 milliards d'euros en Île-de-France à 10 milliards pour la Corse, soit en PIB par habitant, le révélateur des richesses produites, respectivement de 59 000 euros à 27 000 euros.
Les richesses par habitant produites en Corse sont près d'un quart inférieures à la moyenne française, une donnée qui en dit long sur les erreurs, sur les abandons, sur les retards et les insuffisances dans la gestion passée de cette île. Quand nous avons débattu des aides conjoncturelles, j'avais déposé une série d'amendements conformes au vœu unanime des élus corses, qui préconisaient une adaptation aux conditions dégradées. Nous en sommes restés aux aides indifférenciées. Je voudrais donc attirer plus particulièrement l'attention du Gouvernement sur l'utilité qu'il y aurait à prendre en compte la diversité des conditions économiques et sociales, notamment s'agissant des territoires métropolitains les plus fragiles et de l'outre-mer.
Je voudrais en outre revenir sur une question plus particulière : j'ai au mois de juillet demandé, par courrier, à Bercy de bien vouloir me transmettre l'état des comptes régionaux de la Corse, demande que j'ai réitérée lors de la réunion de Beauvau, et je n'ai pour l'heure obtenu aucune réponse. M. Bruno Le Maire que vous représentez ici sait mieux que quiconque que l'on ne peut établir un projet de statut fiscal sans connaître la respiration financière du territoire concerné, quel qu'il soit. Ce projet est pourtant un point vital dans les discussions que nous souhaitons reprendre rapidement avec le Gouvernement. Je demande donc par votre entremise une nouvelle fois à votre ministre de tutelle de bien vouloir faire établir par ses services la matrice des agrégats et des flux financiers, et de bien vouloir me les transmettre. Ces comptes régionaux seront certainement aussi utiles au Gouvernement qu'aux élus de la Corse.
Les oppositions critiquent la stratégie du Gouvernement sur les aides publiques aux entreprises. Je vais pour ma part m'attacher à vous démontrer, mes chers collègues, à quel point elles sont vitales pour la France.
En 2018, un rapport parlementaire estimait que l'ensemble des aides publiques aux entreprises représentait un coût total de 140 milliards par an, soit le premier poste du budget de l'État, et la plateforme aides-entreprises.fr répertorie près de 2 000 aides publiques financières. Ainsi, le Gouvernement l'assume : sa priorité est le développement de nos entreprises et de notre industrie.
En tant que rapporteur spécial de la mission "Économie" et en particulier du programme Développement des entreprises et régulations, j'ai à cœur de défendre l'activité économique. Depuis plusieurs années, nous faisons face à un contexte économique bouleversé par la crise covid et maintenant par la guerre en Ukraine. Aussi, plus que jamais, les aides pour protéger nos entreprises sont-elles nombreuses et nécessaires. Elles ont permis de faire face à l'urgence à plusieurs reprises. Ainsi, durant l'épidémie covid, l'État a mis en place plusieurs dispositifs afin d'aider et d'accompagner au mieux les entreprises : prêts garantis par l'État – PGE –, Fonds de solidarité, report des cotisations sociales et chômage partiel. Par la politique du « quoi qu'il en coûte », les aides ont été massives et déployées très rapidement ; le Gouvernement n'a cessé de les améliorer pour tenir compte du préjudice subi par les professionnels. Autre situation d'urgence critique depuis : l'envolée des prix de l'énergie. À nouveau, les aides publiques sont au rendez-vous afin d'en limiter les conséquences sur les finances des entreprises. Ces aides ont évolué pour répondre aux besoins de toutes les entreprises : je pense en particulier aux PME, aux TPE et aux artisans. Ces derniers sont aujourd'hui, grâce à ces nouveaux mécanismes d'aide, les mieux protégés d'Europe.
À ce jour, les dispositifs d'aides sont aboutis avec, pour les particuliers et une partie des TPE, le bouclier tarifaire et, pour les autres, l'amortisseur électricité, auquel s'ajoute l'instauration du guichet d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz.
Les aides publiques servent aussi à préparer l'avenir de nos entreprises. Après la crise sanitaire, l'objectif était de relancer rapidement l'économie française. Ainsi, un plan de relance exceptionnel de 100 milliards a été déployé, articulé autour de trois volets : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion des territoires. Doté d'un budget total de 34 milliards, le volet relatif à la compétitivité des entreprises vise à accroître notre indépendance technologique et à créer de l'emploi de façon durable.
Le plan France 2030, quant à lui, représente un investissement de 54 milliards sur cinq ans, dont 20 milliards en 2023. Comptant une cinquantaine d'appels à projets, il se donne dix objectifs pour mieux produire, mieux vivre et mieux comprendre le monde. Entre autres, il vise à décarboner notre industrie, à produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides d'ici à 2030 et à faire de notre pays le leader de l'hydrogène vert. Ainsi, les aides publiques préparent nos entreprises au monde de demain.
Outre ces aides exceptionnelles, les aides publiques structurelles ont fait leur preuve pour soutenir le développement de notre économie, notamment en favorisant la création et la reprise d'entreprise. Mais au-delà des aides, qui font partie d'une stratégie globale du Gouvernement, c'est toute une politique à destination des entreprises que la majorité a engagée depuis 2017.
Depuis cinq ans, le Président de la République a fait des réductions d'impôts l'un des totems politiques de son action. Depuis 2017, nous avons en effet baissé les impôts de 54 milliards, dont la moitié concerne les entreprises.
Nous avons voté une diminution du taux de l'impôt sur les sociétés, le faisant passer de 33 % à 25 %.
La baisse de 10 milliards d'euros d'impôts de production est historique : elle comprend une réduction de moitié de la CVAE et une diminution de la cotisation foncière des entreprises (CFE) à hauteur de 1,5 milliard. Par ailleurs, cette année, dans le cadre du PLF pour 2023, nous avons voté la suppression totale de la CVAE sur deux ans, soit 8 milliards de baisses d'impôts.
En conséquence, la France est redevenue la première nation européenne sur le plan de l'attractivité : 50 000 emplois nets ont été créés dans l'industrie depuis 2017 ; le plein emploi est envisageable à l'horizon 2027.
Prochaine étape, le projet de loi de réindustrialisation verte, qui a été annoncé récemment par le ministre Bruno Le Maire. L'objectif est clair : faire de la France la première nation industrielle verte en Europe.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Les entreprises françaises, en particulier les artisans, les commerçants et les industries, sont en train de crever. Une agonie dont les boulangers sont devenus le symbole : près de 80 % d'entre eux risquent la faillite. Au nom des députés du Rassemblement national, je veux ici leur apporter notre plus fidèle soutien.
En un an, les défaillances d'entreprises ont explosé de 69 % et cette triste évolution va malheureusement s'amplifier en 2023. En effet, les faillites d'entreprises vont exploser car les échéances de remboursement des PGE et des reports de charges approchent. Elles vont exploser car les factures d'électricité et de gaz sont multipliées par deux, trois, quatre, cinq, six, sept, voire plus encore ! Elles vont exploser car les aides qui leur sont proposées sont insuffisantes, complexes, bureaucratiques et donc, bien souvent, inaccessibles.
Alors, monsieur le ministre délégué, le contraste entre les discours d'autosatisfaction de votre Gouvernement et la réalité que vivent les entreprises françaises nous amène à nous interroger : relève-t-il de l'incompétence, de la déconnexion des réalités ou d'une volonté de laisser mourir les TPE et les PME pour favoriser les grands groupes ?
Vos mesurettes contre l'explosion des prix de l'énergie témoignent de ce décalage. Vous invoquez des remèdes à des problèmes dont vous êtes responsables. En proposant le report du paiement des impôts et des cotisations sociales, vous adossez aux entreprises des bombes à retardement.
En demandant aux fournisseurs d'énergie de fixer leur tarif à 280 euros par mégawattheure, vous faites payer aux entreprises un prix quatre fois plus élevé que le coût de l'électricité en France. En annonçant un guichet et un amortisseur qui couvriront jusqu'à 40 % des hausses des factures énergétiques, vous laissez les entreprises assumer plus de la moitié de ces hausses tout en dilapidant plus de 100 milliards d'euros d'argent public.
Plutôt que de créer des usines à gaz qui ne traitent pas le problème à la racine, ayez le courage, monsieur le ministre délégué, de revoir les règles du marché européen de l'énergie !
Non seulement cette décision aura pour effet de baisser massivement la facture des entreprises, mais en plus elle sera indolore pour les finances publiques.
L'Espagne et le Portugal l'ont fait : ils paient leur électricité trois fois moins cher qu'en France. Vous le savez, nous vous le répétons et, pourtant, vous ne faites rien. En réalité, vous êtes prisonnier d'une Union européenne dont vous faites passer les intérêts avant ceux de la France et des Français.
Rappelons d'ailleurs que l'Union interdit le principe même des aides publiques aux entreprises et qu'elle impose au gouvernement français d'obtenir une autorisation pour en accorder. Alors qu'il existe près de 2 000 aides publiques aux entreprises dans notre pays, nous déplorons ce saupoudrage qui ne s'inscrit dans aucune stratégie nationale pour créer de la richesse.
Les députés du Rassemblement national défendent la création d'un fonds souverain français, qui permettrait d'orienter l'épargne des Français vers l'économie réelle et productive et qui développerait des filières de substitution aux principaux secteurs d'importation. À l'inverse, au lieu de soutenir l'emploi et les activités sur notre sol, et malgré un déficit commercial abyssal de plus de 159 milliards d'euros, vous continuez à accorder des aides publiques aux entreprises étrangères !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
En effet, en refusant de favoriser les productions françaises dans l'attribution des marchés publics, vous subventionnez les importations et les délocalisations.
Monsieur le ministre délégué, nos entreprises, en particulier nos artisans, commerçants et industries, sont en train de crever. Pour les sauver, votre gouvernement doit prôner un patriotisme économique et mener une véritable stratégie industrielle, au lieu de multiplier les aides hors-sol. Pour les sauver, il doit appliquer un prix de l'électricité français, cinq fois moins élevé que le prix européen. Pour les sauver, il doit laisser les entreprises vivre dignement de leur travail.
Votre gouvernement abandonne sciemment nos fleurons nationaux aux puissances étrangères. Le rachat d'Exxelia par un groupe américain la semaine dernière en témoigne. Tout comme j'avais demandé en octobre dernier à Bruno Le Maire d'agir pour sauver cette pépite industrielle – ce que vous n'avez pas fait –, je vous demande aujourd'hui d'agir : n'abandonnez pas les TPE, les PME et les ETI qui font vivre notre pays, n'abandonnez pas les entrepreneurs et les salariés qui créent de la richesse, n'abandonnez pas les femmes et les hommes qui font tenir le pays debout !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Où va l'argent ? C'est la question que se posent beaucoup de Français. Malgré les impôts et les taxes qu'ils paient, les RER sont bondés, les hôpitaux s'effondrent, les profs manquent, les étudiants galèrent et les retraités perçoivent des pensions de misère. Les Français vous le demandent donc : où va leur argent ?
Vous leur répondez que c'est la faute des étrangers, des chômeurs, des fonctionnaires ou encore des pensions de retraite. Pour leur répondre, vous évoquez tout ce qui relève de la dignité humaine, sans jamais citer le véritable scandale d'État : ces 200 milliards d'euros d'aides publiques versées chaque année aux grandes entreprises sans aucune contrepartie !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
À quoi correspondent ces 200 milliards ? À près de la moitié du budget de l'État ou à près de trois fois le budget de l'éducation nationale. Où vont ces 200 milliards d'argent public ? Quatre-vingts pour cent atterrissent dans les caisses des très grandes entreprises et de leurs actionnaires.
Mêmes mouvements.
Le gâteau pour le CAC40, des miettes pour les petites entreprises, les boulangers et les artisans !
Quelles sont ces aides aux entreprises ? C'est, par exemple, le CICE qui coûte 20 milliards d'euros à l'État par an depuis 2013, pour à peine une centaine de milliers d'emplois créés. Avec tout cet argent, nous aurions pu financer 500 000 emplois dans la santé et l'éducation, rémunérés 2 000 euros nets par mois.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Je le dis à ceux qui passent des journées entières aux urgences faute de soignants, à ceux dont les enfants n'ont pas de professeurs depuis des mois : les responsables sont ces gouvernements qui s'agenouillent devant les actionnaires tout en piétinant les intérêts du peuple.
Il y a deux mois, ce sont les mêmes qui ont supprimé la CVAE perçue par les communes ; il y a deux mois, ce sont encore eux qui ont offert des milliards aux grandes entreprises, pour ensuite mentir et affirmer qu'il n'y a pas assez d'argent pour financer les retraites. Ils osent aujourd'hui dire aux Français qu'il n'y a plus de sous et qu'ils devront travailler jusqu'à 64 ans, ou 67 ans, pour combler les caisses de l'État ! Mais ce n'est pas vrai ! Il n'y a pas de problème de financement des retraites !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.
Le Gouvernement l'a même reconnu dans un document officiel : cette réforme n'a qu'un seul but, compenser la baisse des impôts pour les plus grosses entreprises.
C'est écrit noir sur blanc dans l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2023, à la page 9 du document. Les Français doivent le savoir : vous voulez les faire travailler plus longtemps pour faire des économies qui serviront à gaver les actionnaires de la Société générale, de TotalEnergies ou encore de Carrefour avec l'argent de leurs retraites.
Mes chers collègues, tout est une question de volonté politique. Pourquoi, vous qui prétendez être les meilleurs amis des entreprises, êtes incapables de venir en aide aux petites et moyennes entreprises ? C'est simple : ce ne sont pas elles que vous cherchez à aider. Je le rappelle : 80 % des aides publiques sont accaparées par les très grandes entreprises. Combien sont-elles, ces multinationales qui, après avoir profité d'aides publiques, ont procédé dans la foulée à des licenciements massifs ? Ford, Goodyear, Continental, Bridgestone, Danone et j'en passe.
D'une main, le Gouvernement tente d'enterrer le système des retraites parce qu'« il n'y a plus de sous » et, de l'autre, il gave d'argent public les grands groupes, ces profiteurs de crise qui se foutent de l'emploi et ne se soucient que des profits de leurs actionnaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Résultat : les boulangers, les fleuristes, les plombiers ne voient qu'à peine la couleur de ces 200 milliards.
Alors, oui, j'assume de dire devant vous que ce sont eux que nous devrions aider en priorité, plutôt que Bolloré ou Pouyanné.
Aider les entreprises ? Oui, quand cela est nécessaire, mais pas sans contrepartie et certainement pas sans contrôle social et écologique. Lorsqu'un étudiant crève de faim, il doit, pour toucher sa maigre bourse, justifier de sa situation auprès du Crous, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires. Lorsqu'une personne est privée d'emploi, il lui faut aussi, pour bénéficier du RSA ou du chômage, justifier régulièrement de sa situation devant la caisse d'allocations familiales (CAF) ou Pôle emploi. En France, lorsqu'on dépense de l'argent public pour aider les gens, chaque euro est contrôlé ; en revanche, lorsqu'il s'agit d'aider les grands groupes, c'est open bar !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Laurence Maillart-Méhaignerie proteste.
De qui se moque-t-on ? Alors que, pour faire des économies, vous voulez imposer aux Français de travailler jusqu'à 64 ans, les entreprises du CAC40, elles, ont reversé près de 80 milliards d'euros à leurs actionnaires. Or toutes avaient reçu des aides publiques. Et si on faisait contribuer ces profits dopés aux aides publiques au financement des retraites plutôt que de reculer l'âge de départ ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors oui, je vous le dis, la retraite à 60 ans, c'est possible. Mais il faut que « chacun prenne sa part », comme le dit la Première ministre. Plutôt que de faire trimer les infirmières jusqu'à 64 ans, mettons les actionnaires à contribution et contrôlons les aides publiques !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Sourires.
Pour commencer, je souhaite remercier le groupe LFI – NUPES d'avoir demandé l'inscription de ce débat à l'ordre du jour. Il a donné lieu, dans l'ensemble, à des discussions intéressantes, focalisées sur un sujet extrêmement important, celui de l'utilisation des deniers publics, sans trop de caricatures – à une ou deux exceptions près.
Je suis, et j'espère que la plupart d'entre vous le sont aussi, très fier du modèle social français,…
…qui fait que la santé, l'éducation, les retraites, la recherche, la petite enfance sont financées grâce aux deniers publics, lesquels – il n'y a pas d'argent magique – proviennent pour l'essentiel de prélèvements obligatoires payés par celles et ceux qui travaillent,…
…les hommes et les femmes qui constituent les entreprises et, bien sûr, par les entreprises elles-mêmes.
J'ai bien compris qu'au cours des semaines à venir, on allait voir, sur certains bancs, chaque débat ramené à celui des retraites.
Puisqu'ils sont liés, j'aimerais rappeler que, parmi les prélèvements obligatoires, les cotisations retraite sont pour 80 % acquittées par les entreprises. Ces dernières financent donc l'essentiel d'un système auquel nous sommes tous très attachés.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons engagé une réforme, dont vous aurez tout le temps de discuter ici, visant à pérenniser le système des retraites sans alourdir de manière excessive les prélèvements qui pèsent déjà sur les entreprises et sur les ménages.
Si nous aidons beaucoup les entreprises, nous prélevons aussi énormément sur leurs revenus.
C'est le choix qui a été fait en France ; si nous dessinions aujourd'hui ensemble un nouveau dispositif de prélèvements et d'aides aux entreprises, sans doute les taxerions-nous et les aiderions-nous beaucoup moins. En tout état de cause, la sédimentation progressive des aides et des prélèvements – dont le nombre est très important, vous l'avez dit –, rend le système actuel assez compliqué, comme l'a dit M. Albertini, y compris quand il s'agit d'en évaluer l'efficacité. Je vous remercie donc de nous donner l'occasion d'ouvrir ce débat.
Monsieur Dharréville, vous disiez que 100 % des groupes du CAC40 avaient bénéficié d'aides publiques. J'ajoute que 100 % de ces groupes paient leurs impôts en France,…
…paient des cotisations sociales et des prélèvements obligatoires, et contribuent ainsi au financement du système de retraite que vous appelez de vos vœux.
Les impôts de production mentionnés par monsieur Daubié – notamment la C3S, dont je confirme qu'elle est assez perverse – représentent cette année, malgré les baisses que nous avons votées et que vous décriez, 4,5 % du PIB en France. C'est le deuxième taux le plus élevé de l'Union européenne. Nos entreprises paient trois fois plus d'impôts de production que leurs homologues allemandes. Par ailleurs, je le répète, les cotisations sociales, et notamment les cotisations retraite, représentent plus de 340 milliards, dont les trois quarts sont payés par les entreprises. Il est difficile de comparer précisément les aides accordées par les différents pays européens mais, pour prendre l'exemple des aides d'État, celles-ci se sont montées en France à 53 milliards en 2020, dont 30 milliards d'aides covid dans le cadre du « quoi qu'il en coûte » ; c'est le deuxième plus gros montant d'aides en Europe, après l'Allemagne.
Le problème, ce n'est pas le montant des aides, mais les conditions posées pour en bénéficier !
Si elles sont donc importantes, les aides publiques viennent en partie compenser, il faut le reconnaître, des prélèvements obligatoires qui le sont également. Elles permettent de mener des politiques stratégiques sur lesquelles je reviendrai et qui, de mon point de vue, sont efficaces. Elles constituent aussi un signal fort aux investisseurs, y compris aux investisseurs internationaux – lesquels, ne vous en déplaise, monsieur Loubet, viennent s'installer en France et y créer de l'emploi, y compris chez vous, en Moselle, où des dizaines d'emplois vont être créés par une entreprise allemande productrices de rails, lesquels permettront de reconstruire l'Ukraine.
Nous continuerons à aider de telles entreprises. Ce qui nous importe, c'est l'emploi et l'investissement en France, et accessoirement la reconstruction de l'Ukraine.
Ces aides publiques sont donc utiles. Elles contribuent à faire de la France est le pays le plus attractif d'Europe et, je le répète, compensent en partie les hausses d'impôts passées qui nous ont amenés à des niveaux de prélèvements obligatoires insupportables.
Cela veut-il dire pour autant qu'il ne faut pas évaluer l'efficacité des dépenses publiques ? Bien sûr que non. Comme l'a rappelé M. Viry, nous lancerons dès janvier une revue des dépenses publiques annuelles qui nous permettra d'identifier, avec toutes celles et ceux qui souhaitent y contribuer, les politiques publiques que nous souhaitons rendre plus efficaces. Les assises des finances publiques se tiendront en février 2023 à Bercy. Vous y êtes tous invités ; venez y contribuer, nous vous écouterons.
J'ai beaucoup entendu parler de conditionnalité des aides publiques. J'ai un scoop pour Mme Arrighi et MM. Dharréville, Brun et Ruffin :…
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
…mis à part le « quoi qu'il en coûte » – dont j'espère que vous reconnaîtrez qu'il a été très efficace et qu'il a permis de sortir la France de l'ornière dans laquelle la crise sanitaire l'avait jetée, bien mieux qu'ailleurs en Europe et dans le monde –,…
…les aides publiques sont, pour l'essentiel, soumises à conditions.
On peut débattre des critères, mais elles le sont : vous ne pouvez pas bénéficier du crédit d'impôt recherche si vous ne financez pas des dépenses de recherche et d'innovation ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
Les dépenses de recherche et d'innovation de la banque et de la grande distribution ?
…et vous ne pouvez pas bénéficier du crédit d'impôt innovation si vous ne financez pas des politiques d'innovation.
Je reste convaincu que le « quoi qu'il en coûte », voté par la majorité et repoussé par la plupart des groupes d'opposition, était une bonne politique menée au bon moment. Il était indispensable.
Mais toutes les entreprises qui en ont bénéficié ont licencié ! Voyez Sanofi !
Depuis, qu'avons-nous fait ? France relance. C'est cette politique qui fait qu'aujourd'hui, la croissance est positive en France alors que le reste de l'Europe est en récession, et que le chômage et l'inflation y sont au plus bas. Ce sont 100 milliards d'euros dont un tiers était fléché vers des dépenses environnementales, madame Arrighi, et dont la plus grande partie visait à améliorer la compétitivité et la cohésion de la France.
L'évaluation a montré que ces 100 milliards d'euros avaient permis à la France de sortir de l'ornière plus rapidement que par le passé, que France relance avait eu des résultats sur l'activité et sur l'emploi et que le plan avait mené à des réalisations concrètes en matière d'environnement. Actuellement, 18 % des véhicules vendus en France sont soit électriques, soit hybrides rechargeables ; c'est six fois plus qu'avant la crise. France relance a permis d'orienter les dépenses publiques vers des dépenses plus vertes. Vous devriez nous en féliciter et vous en satisfaire.
France 2030, comme l'a très bien dit le député Xavier Roseren, est un plan doté de 54 milliards pour transformer durablement des secteurs clés de notre économie, avec des priorités stratégiques bien définies. Pas moins de 60 % des fonds engagés, soit 11 milliards d'euros, sont destinés aux PME et 0 % aux grandes entreprises financières. Vous devriez vous en réjouir, monsieur Dharréville.
À M. Castellani, je rappellerai que 50 % de ces dépenses sont consacrées à la décarbonation de l'économie et de l'industrie. Grâce à France 2030, nous sommes en train de décarboner les cinquante sites les plus émetteurs, non pas en opposant les entreprises et l'argent public, mais les faisant travailler de concert. J'en profite pour préciser que je transmettrai au ministère de l'intérieur sa question sur les comptes régionaux, à laquelle je n'ai pas la réponse.
Enfin, beaucoup de remarques et de questions, voire de critiques – parfois un peu caricaturales –, ont été formulées s'agissant des aides que nous avons instituées il y a quelques semaines pour lutter contre la crise énergétique. Là encore, M. Roseren les a bien décrites : elles sont efficaces. Hier soir – je ne sais pas si vous étiez là, monsieur Loubet –, nous avons passé deux heures à débattre de la politique énergétique. Rappelons que l'Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché européen de l'énergie.
Ils subventionnent le prix de l'énergie d'une manière différente de la nôtre et récupèrent l'équivalent de cette subvention par l'intermédiaire de taxes.
On ne paie pas son électricité moins cher en Espagne ou au Portugal qu'en France ; les ordres de prix sont les mêmes,…
…et ils sont bien inférieurs en France à ce qu'ils sont ailleurs en Europe.
Nous sommes favorables à une conditionnalité intelligente et efficace, et c'est bien ce qui caractérise les aides françaises. Je le répète, le crédit d'impôt recherche est subordonné à l'investissement dans la recherche et le développement. On peut évidemment l'améliorer, et nous nous sommes engagés à le faire ; n'hésitez pas à nous faire des propositions à ce sujet.
N'oubliez pas cependant que le CIR fait désormais partie de la marque France et que c'est grâce à lui que de plus en plus d'investisseurs internationaux viennent y créer de l'emploi et améliorer la compétitivité de l'industrie française.
De même, le bénéfice du crédit d'impôt innovation ou du statut de jeune entreprise innovante, outre que ces dispositifs sont réservés aux PME, est lui aussi soumis à des conditions relatives à l'industrialisation et à la recherche et développement.
Monsieur Brun, vous parliez du bilan difficile de la France en matière d'innovation. Il est assez ironique que vous ayez pris 2014 comme année de départ : si je ne m'abuse, c'est l'année où votre groupe dominait entièrement la majorité.
Depuis, la France a progressé dans les classements internationaux. Nous sommes désormais classés à la douzième place mondiale en innovation et à la neuvième place en recherche. Cette progression récente a été saluée à Las Vegas dans le cadre du Consumer Electronics Show, où la France est désormais reconnue comme l'un des champions mondiaux de l'innovation.
Sourires sur les bancs des groupes LR et RN.
Eh oui, cela ne s'invente pas. Le CES, où la France est le pays le plus présent à l'exclusion des États-Unis, a lieu à Las Vegas depuis des années. Je vous assure, pour avoir été le député de cette circonscription, que ce n'est pas la ville la plus excitante du pays, mais c'est là que ça se passe.
Sourires sur les bancs des groupes RE, RN et LR.
Comme vous le savez, ce qui se passe à Las Vegas reste à Las Vegas…
Rires.
Retenons donc ensemble que la France aide beaucoup et taxe beaucoup ; c'est le modèle social que nous avons choisi ensemble, et il est efficace,…
…malgré des complexités administratives que je reconnais bien volontiers et que j'aimerais réduire.
Il est efficace car le chômage et l'innovation sont est au plus bas de la zone euro, car les émissions de gaz à effet serre baissent, car l'innovation accélère. Continuons à travailler en ce sens.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Philippe Gosselin applaudit également.
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à Mme Charlotte Leduc.
Selon un rapport de l'Ires paru en octobre 2022, les aides publiques aux entreprises représentent environ 156 milliards d'euros par an, soit 25 % de la masse salariale du secteur privé, ce qui équivaut à deux fois le budget de l'éducation nationale et à 33 % du budget de l'État ; ce serait le premier poste budgétaire de l'État si ces aides étaient comptabilisés comme telles. Le soutien aux entreprises a été multiplié par quinze depuis 1980, alors que la richesse produite n'a été multipliée que par quatre au cours de la même période. Les derniers chiffres connus portent sur l'année 2019, c'est-à-dire avant la pandémie et le « quoi qu'il en coûte ». On peut donc estimer sans risque que l'aide publique aux entreprises est encore plus colossale aujourd'hui. Certains économistes parlent déjà de 200 milliards par an.
Le rapport de l'Ires ne se contente pas de chiffrer le volume global des aides publiques aux entreprises, il essaie également d'évaluer leur efficacité. Et là, grosse surprise ? Pas vraiment. Ces aides n'ont pas fait baisser le coût du travail. Elles ne permettent donc pas d'augmenter la compétitivité-prix. Pire, les chercheurs décèlent un effet d'accoutumance : les entreprises ne voient plus ces aides comme des gains exceptionnels, mais comme une rentrée courante. En outre, un lien fort est établi entre distribution d'aides publiques et distribution de dividendes. Bref, actuellement, les aides publiques finissent dans les poches des actionnaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce que nous montrent ces chiffres fous, ce pognon de dingue, c'est que le capitalisme contemporain est un capitalisme de rente où des milliardaires sans talent particulier sont abreuvés d'argent public sans créer de richesse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Le scandale que représentent les 156 milliards d'aides publiques aux entreprises montre bien que l'État a les moyens d'investir s'il le souhaite. Face à l'inefficacité des dispositifs, ne serait-il pas temps de faire évoluer notre politique ? Pourquoi l'État n'investit-il pas directement dans les services publics et la bifurcation écologique – en passant par des nationalisations, si nécessaire – au lieu de déverser des aides publiques inefficaces et coûteuses ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cette situation montre une fois de plus la nécessité de soumettre les aides à des critères stricts. Je vous en propose un : l'interdiction de distribuer des dividendes pour une entreprise qui touche…
Mme la présidente coupe le micro de l'oratrice, dont le temps de parole est écoulé. –Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je crois avoir déjà répondu à plusieurs des questions que vous m'avez posées et qui recoupent certaines critiques déjà émises. Je n'ai vu nulle part ce chiffre de 200 milliards d'euros que vous mentionnez ; en réalité, le montant est plus proche de 150 milliards. C'est trois à quatre fois moins que le budget de la sécurité sociale, dont je rappelle qu'il est en grande partie financé par les entreprises elles-mêmes. Évaluons, évaluons, évaluons ; nous allons continuer à le faire dans le cadre des budgets à venir.
Je ne pense pas que l'État fera seul la transition écologique que vous appelez de vos vœux. Les entreprises sont prêtes à s'associer à lui dans le cadre de la stratégie de décarbonation que nous avons instituée.
Je le répète, le bénéfice de France 2030 est soumis à conditions, comme l'était celui de France relance, et nous continuerons à subordonner les aides à la définition de stratégies ambitieuses. C'est ce qui fait que la France reste le pays le plus redistributif d'Europe,…
…l'un des pays les plus dynamiques du continent et l'un des pays qui fait le plus d'efforts dans la voie de la décarbonation.
Ce débat sur les aides publiques aux entreprises démontre à quel point le système économique que vous avez construit est basé sur l'injustice, qui met en danger notre pays. À l'heure où vous criez que les caisses sont vides et qu'il va falloir se saigner au travail, rappelons que l'État français, l'un des plus riches du monde, distribuait, avant même la crise du covid, plus de 150 milliards d'euros par an aux grandes entreprises.
Qui reçoit cette fortune colossale ? Dans votre capitalisme féodal, ce sont les plus proches du pouvoir qui captent les aides. Lorsque l'on fait le compte de vos aides cachées et de vos défiscalisations, on constate que les TPE et les PME paient plus d'impôts sur les sociétés que les très grandes entreprises. En effet, les multinationales et leurs armées d'avocats et de fiscalistes n'ont qu'à pousser la porte des ministères pour être entendus tandis que nos artisans et nos commerçants – les boulangers en sont, en ce moment même, le meilleur exemple – sont seuls, isolés et abandonnés. Ils passent des dizaines de coups de fil et se noient dans la paperasse pour tenter d'obtenir un remboursement de 40 % sur une facture de 10 000 euros…
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Autant dire que leur commerce sera mort dans deux ou trois mois.
Rendez-vous compte : 170 milliards d'euros de profits pour le CAC40 en 2022 et 80 milliards versés aux actionnaires, qui redistribuent non pas aux acteurs du tissu économique français, mais à leurs enfants ! Pendant ce temps, les TPE et les PME ont perdu 11 points de trésorerie en six mois. Les trois quarts d'entre elles seront contraintes d'augmenter leurs prix en 2022, au détriment de tous les Français !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
L'économie est pilotée par et pour les rentiers. Il n'y a plus de méritocratie dans notre pays, mais une « héritocratie » !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
S'il fallait un exemple de décision qui mène le pays au chaos et à l'instabilité, c'est la transformation du CICE en exonération de charges, soit un coût de 20 milliards d'euros par an, c'est-à-dire le montant du déficit du système de retraite sur dix ans – si l'on en croit les chiffres que vous avancez pour justifier votre réforme des retraites et tuer les Français au boulot !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Merci, monsieur Guiraud, votre temps est écoulé.
La parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur Guiraud, décidément, nous ne connaissons pas la même France !
« En effet ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Veuillez, s'il vous plaît, cesser de tout caricaturer !
Je passe mes journées dans des entreprises industrielles à discuter…
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le député, à chaque fois que je me rends dans une usine, je rencontre les organisations syndicales. Voulez-vous un scoop ? Aucune d'elles ne m'a parlé de la réforme des retraites !
Exclamations et rires sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Eh oui !
De quoi me parlent-elles ? De la crise énergétique, du pouvoir d'achat et des aides !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Et savez-vous ce qu'elles me disent sur les aides, le « quoi qu'il en coûte » et le plan France relance ? « Merci, continuez ! »
Tout le monde vous aime, monsieur le ministre délégué, vous êtes parfait !
Alors je vous en prie, calmez-vous un peu sur le capitalisme féodal comme modèle de l'économie française ! Je le répète, notre économie est la plus redistributive en Europe et l'une des trois premières au monde en matière de taxation des entreprises. Elle possède par ailleurs, ce dont je suis très fier, un modèle social unique, que nous souhaitons pérenniser. Ne caricaturez donc pas les ministres et les députés !
Le capitalisme féodal en France ? Franchement, non. Nous ne vivons pas dans le même pays ! Celui que je connais travaille et investit. Très souvent, les salariés et les dirigeants d'entreprise y sont unis et cherchent ensemble à obtenir des protections supplémentaires.
Ce n'est pas un pays dans lequel l'embrasement est à tous les coins de rue
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
et j'espère que cela continuera comme cela, malgré la volonté de certains et de certaines de souffler sur les braises !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Chers collègues, s'il vous plaît !
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
La période du « quoi qu'il en coûte » préélectoral a engendré une profusion d'aides et de dépense d'argent public à crédit, ainsi que l'inflation. Les précédents orateurs l'ont dit, 157 milliards d'aides ont été distribuées aux entreprises en 2019, soit un tiers du budget de l'État – 32 milliards sous forme de subventions directes, 125 milliards sous forme de niches fiscales. Si ces aides n'existaient pas, 461 milliards seraient payés par les entreprises sous forme de prélèvements, soit un cinquième de la richesse nationale. Un record européen !
Vous l'avez souligné vous-même, monsieur le ministre délégué, le choix de votre gouvernement est de taxer beaucoup pour aider beaucoup. Or ces aides sont complexes, difficilement accessibles, instables, inéquitables et parfois inefficaces. D'où ma première question : comment comptez-vous les simplifier ? Réduire les prélèvements opérés par l'État permettrait de diminuer le nombre de dispositifs, actuellement proche de 2 000 ! L'enjeu est triple : la lisibilité des dispositifs pour le chef d'entreprise, la capacité pour lui de vivre des fruits de son travail et uniquement de ceux-ci, et l'attractivité de la France pour les investissements français et étrangers.
Ma deuxième question concerne l'apprentissage. L'objectif du Gouvernement est d'atteindre le chiffre de 1 million d'apprentis à la fin du quinquennat. Ils étaient 800 000 en 2022, mais ce chiffre est trompeur compte tenu du taux d'abandon des contrats d'apprentissage : 30 % d'entre eux sont abandonnés avant la fin du contrat et 53 % des ruptures à l'initiative des élèves sont justifiées par le manque d'activités formatrices. Auparavant, les aides aux entreprises étaient subordonnées à l'obligation pour le tuteur de consacrer une certaine période de formation à son apprenti. Ne devraient-elles pas l'être de nouveau, ce qui permettrait de réduire le nombre de procédures prud'homales et d'améliorer le taux de réussite des contrats d'apprentissage ?
Enfin, monsieur le ministre délégué, permettez-moi de vous interroger sur le dispositif d'aide aux TPE face à la hausse du prix de l'électricité. Avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, vous avez annoncé le plafonnement du prix du mégawattheure à 280 euros pour les entreprises de moins de dix salariés, mais il s'agit là d'un tarif annuel moyen, qui inquiète fortement les boulangers. En effet, un grand nombre d'entre eux s'organisent aujourd'hui pour cuire leur pain la nuit pendant les heures creuses. Ils craignent donc un lissage des prix par le haut, qui serait contre-productif. ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Il y a beaucoup de questions dans votre intervention, monsieur Di Filippo ! Vous avez subrepticement glissé que la préférence pour l'impôt était le fait de notre gouvernement. En France, on taxe plus qu'ailleurs, mais, rappelons-le, c'est notre majorité qui a appliqué une baisse d'impôts sans précédent, de 50 milliards, bénéficiant pour moitié aux entreprises et pour moitié aux ménages – vous avez voté contre ! « Ce n'est qu'un début, continuons le combat », comme diraient certains. Reste que c'est notre gouvernement qui a réduit les impôts dans de telles proportions !
Je partage votre volonté de simplifier les dispositifs. Nous le ferons notamment dans le cadre du plan France 2030, dont nous souhaitons que les mesures soient plus efficaces.
En ce qui concerne l'apprentissage, je vous avoue que je n'ai pas tout à fait saisi votre question. Je serai heureux d'y répondre par écrit si vous voulez bien me la transmettre.
M. Fabien Di Filippo acquiesce.
Soulignons toutefois que nous avons plus d'apprentis aujourd'hui en France que nous n'en avons jamais eus, et deux fois plus qu'il y a cinq ans. Ils sont 700 000 et seront bientôt un million. Il y a aujourd'hui plus d'apprentis en France qu'en Allemagne. C'est l'un des principaux succès du quinquennat précédent.
On peut sans doute améliorer le système et je suis prêt à me pencher sur la question que vous soulevez, mais convenons ensemble que l'apprentissage est aujourd'hui un succès dans notre pays, ce dont je suis très fier à titre personnel.
Quant au bouclier tarifaire, le plafonnement du prix du mégawattheure à 280 euros pour les entreprises de moins de dix salariés concerne en effet une moyenne sur l'année. Il est cumulable avec l'amortisseur et le guichet. Le montant réel des factures se situera donc évidemment au-dessous. Quant aux boulangers qui ont souscrit des contrats en heures creuses, ils ne se verront évidemment pas appliquer un prix du mégawattheure à 280 euros. Ces contrats permettent à une partie d'entre eux de bénéficier de tarifs préférentiels et c'est tant mieux !
Les aides publiques aux entreprises doivent permettre de maintenir leur viabilité face aux fluctuations conjoncturelles, de soutenir leur compétitivité globale et de garantir l'emploi. Depuis 2020, avec votre gouvernement, monsieur le ministre, elles ont été au rendez-vous. Je m'inscris donc en faux s'agissant de l'explosion des défaillances de PGE annoncée pour 2023 par notre collègue Alexandre Loubet. Ce matin, la commission des finances a auditionné le directeur général de la Banque publique d'investissement, BPIFrance, qui gère la plupart des PGE. Nicolas Dufourcq a annoncé un taux de sinistralité inférieur à 4 %. Ce que vous dites n'est pas vrai, monsieur Loubet !
Nous connaissons les écueils des aides publiques, mis en exergue durant l'épidémie de covid. Il s'agit notamment des effets d'aubaine ou de la fraude, et surtout du manque d'information. Les entreprises sont souvent éligibles à des aides dont elles ignorent l'existence. On l'imagine aisément, un entrepreneur confronté à des difficultés financières n'a pas forcément un rapport facile avec l'État et ses représentants. Nous avons la responsabilité de nous assurer que l'action publique en faveur des entreprises atteint chaque TPE et chaque PME, y compris dans les zones rurales et là où les gens sont moins à l'aise avec les démarches administratives. Les aides doivent aussi, ce qui n'est pas souvent le cas, être adaptées aux besoins qui ne rentrent pas forcément dans les cases. Il y a encore trop de laissés-pour-compte. Les aides ne vont pas toujours au bon endroit.
Les conseillers départementaux à la sortie de crise des directions départementales des finances publiques (DDFIP), désignés en 2021 dans le cadre du plan d'accompagnement aux entreprises fragilisées par la pandémie pour leur offrir un soutien personnalisé, pourraient constituer une solution intéressante, réactive et rationnelle. Même s'ils ne sont pas encore bien identifiés, malgré les efforts consentis pour travailler localement avec les chambres consulaires, ces points de contact permettent d'orienter les entrepreneurs qui font face à l'inflation. Pensez-vous utile de pérenniser ce dispositif et d'amplifier temporairement son déploiement en fonction des besoins des départements ? Quels sont aujourd'hui les retours des entreprises qui bénéficient de l'accompagnement des conseillers départementaux à la sortie de crise ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je vous remercie pour cette question, monsieur Lecamp, mais aussi d'avoir précisé que la situation des PGE est satisfaisante à ce stade. Les taux de défaut sont même inférieurs à ceux qui avaient été anticipés.
Pour l'instant, la situation est bonne !
Évidemment, on peut passer son temps à voir le verre à moitié vide, mais les PGE ont permis d'accompagner l'économie française pendant la crise et, je le répète, les taux de défaut sont inférieurs aux prévisions, ce dont nous devrions tous nous réjouir.
Vous avez raison, monsieur Lecamp, les conseillers départementaux à la sortie de crise ont une action très efficace. J'espère que nous sortirons tôt ou tard de la crise, ce qui réduira du même coup leur utilité. D'ici là, nous maintiendrons évidemment ce dispositif extrêmement utile, qui complète de manière opportune le système d'accompagnement existant. Celui-ci comprend d'abord les chambres consulaires, qui sont mobilisées pour informer les entreprises sur les aides auxquelles elles ont droit. Elles nous ont beaucoup aidés pendant la crise sanitaire et continuent de le faire pendant la crise énergétique. Les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés en entreprises (CRP) permettent également de soutenir les entreprises en difficulté, généralement de taille plus importante, dont les effectifs sont situés entre cinquante et quelques centaines d'employés. Enfin, le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), situé à Bercy, aide les plus grosses entreprises.
Au total, nous disposons d'un dispositif complet, qui permet d'accompagner les entreprises de manière efficace et utile, ce dont elles attestent régulièrement. N'hésitez cependant pas à nous faire connaître les difficultés spécifiques rencontrées dans vos territoires.
Déjà sous la présidence Hollande, Emmanuel Macron s'était fait remarquer pour sa politique obstinément tournée vers les entreprises, à travers notamment l'instauration du CICE. À l'époque, le dispositif représentait autour de 20 milliards annuels d'aides aux entreprises, sans condition. Le CICE préfigurait l'axe actuel de la politique du Gouvernement en matière d'aide aux entreprises : « un pognon de dingue », qui crée un effet d'aubaine et qui ne participe en rien à l'amélioration du pouvoir d'achat des Français.
Il est bon de rappeler qu'Emmanuel Macron était ministre de François Hollande !
Ma question porte sur le crédit d'impôt recherche. Avec un coût estimé à 7 milliards en 2023, en constante augmentation, le CIR sert à financer les programmes de recherche et d'innovation des entreprises, mais aussi, ce qui paraît moins légitime, leurs opérations de communication et de sous-traitance ou leurs frais d'assurance. Il existe en outre une fraude au CIR, qui n'est pas sans conséquences sur nos finances publiques, mais qui ne fait l'objet d'aucune évaluation sérieuse.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le groupe Socialistes et apparentés et les autres groupes de la NUPES avaient déposé plusieurs amendements visant à mieux encadrer le CIR et à le diriger vers des objectifs de transition écologique. Tous ont été balayés d'un revers de la main, avant même leur examen, lors de l'adoption brutale du projet de loi de finances par la procédure du 49.3.
En tant que rapporteur spécial du budget de la recherche, j'ai mené de nombreuses auditions et je me suis forgé une conviction : le CIR doit être profondément réformé. Il faut verdir ses objectifs, évaluer précisément ses effets sur l'innovation et l'investissement et prévoir des procédures de contrôle strictes pour mesurer sérieusement les phénomènes de fraude.
Le Gouvernement saisira-t-il la Cour des comptes pour obtenir des évolutions en ce sens ? La direction générale des finances publiques (DGFIP) dispose-t-elle déjà d'évaluations ? Si c'est le cas, quand seront-elles rendues publiques ? Si ce n'est pas le cas, le Gouvernement lancera-t-il rapidement une telle démarche ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le CIR. Je le répète, nous sommes prêts à évaluer ce dispositif dans le détail afin d'en mesurer l'efficacité et nous le ferons dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Mais, ne l'oublions pas, les investisseurs internationaux qui envisagent de s'installer en France y sont fortement incités par le CIR. Le dispositif rend la France compétitive car il réduit les coûts d'un ingénieur, d'un laboratoire ou d'un système de recherche pour les entreprises. Sans doute existe-t-il des abus. Quant aux fraudes, j'espère que la justice fait son travail pour les sanctionner.
En tout état de cause, nous sommes prêts à évaluer l'efficacité du CIR. Veillons cependant à ne pas bouleverser un dispositif dont je suis convaincu qu'il a fait ses preuves car il renforce l'attractivité de la France, en particulier dans des secteurs innovants.
Vous parlez d'en subordonner le bénéfice à des investissements verts ; pour ma part, je me méfie de l'utilisation d'un même instrument pour deux objectifs. Le crédit d'impôt recherche vise avant tout à encourager la recherche et l'innovation : concentrons-le à cette fin.
Faut-il par ailleurs envisager des crédits d'impôt destinés à renforcer le verdissement de l'industrie ? J'y suis personnellement favorable et nous pourrions le faire en supprimant certaines niches fiscales qui permettent – à l'inverse – de préserver des activités dommageables à l'environnement. Nous en discuterons dans le cadre de l'examen du projet de loi « industrie verte », dont Bruno Le Maire a annoncé le dépôt prochain ; la phase de concertation est en cours et n'hésitez pas à nous envoyer vos idées…
…quant à la manière de mieux inciter les entreprises françaises à verdir leur activité grâce à des crédits d'impôt – pourquoi pas ? N'oubliez tout de même pas que les États-Unis ont annoncé un plan de verdissement de leur économie très puissant et très efficace, et nous devons en tenir compte dans nos réflexions car c'est la compétitivité du territoire français qui est en jeu.
Le prêt garanti par l'État, que je vais évoquer à mon tour, constitue un dispositif exceptionnel que le Gouvernement a instauré il y a bientôt trois ans, non pour des raisons électorales, comme certains l'ont dit, mais parce que la pandémie touchait notre pays comme l'ensemble de la planète. Il a permis de soutenir, à hauteur de 300 milliards d'euros, le financement bancaire en faveur d'entreprises fragilisées par la crise. Entre mars 2020 et juin 2022, plus de 700 000 prêts garantis par l'État ont été accordés par les banques, pour un montant total dépassant 143 milliards d'euros ; ils ont permis à de nombreuses entreprises de tenir le coup pendant la pandémie et de renflouer leur trésorerie à des conditions avantageuses. Reçu comme une bouée de sauvetage par plus de 690 000 sociétés qui l'ont souscrit, le PGE s'est aussi avéré être un facilitateur de croissance, que ce soit pour les entreprises de taille intermédiaire ou pour les TPE et les PME.
Dès le début de l'année 2021, 45 % des PGE ont commencé à être remboursés et une grosse vague d'entreprises a entamé le paiement de leur échéance à partir du printemps 2022. Néanmoins, nombreuses sont les TPE et les PME, notamment dans les secteurs de la construction et de l'hébergement-restauration, qui sont confrontées à des difficultés de remboursement ; c'est d'autant plus le cas en ce moment, alors que la conjoncture économique a tendance à se tendre. S'il est indéniable que les pouvoirs publics ont massivement accompagné les entreprises et que le PGE s'érige en bouclier économique efficace, certains chefs d'entreprise font face à des mensualités encore trop importantes. Vous avez obtenu de la Commission européenne, en juin dernier, la possibilité pour les TPE et les PME de prolonger leur PGE de cinq à dix ans, et je salue cette avancée ; cependant, à ce jour, 9 % d'entre elles redoutent de ne plus être en mesure de rembourser leur prêt, selon le dernier baromètre trimestriel de BPIFrance.
Face aux difficultés rencontrées par certaines TPE et PME, quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour aider ces entreprises qui subissent une nette détérioration de leur trésorerie ? Et de manière plus générale – mais vous avez déjà apporté une réponse à ce sujet –, quel bilan pouvez-vous faire du PGE ?
Merci de votre question, monsieur le député Valletoux, qui complète certaines remarques précédentes. Le PGE a fonctionné : il est venu soutenir les entreprises qui se trouvaient dans une situation très difficile du fait de la crise de la covid – fermeture administrative pour beaucoup d'entre elles, disparition des clients pour la plupart –, et leur a permis de passer cette période délicate. Vous l'avez dit, les remboursements sont en cours et se déroulent plutôt bien. Les reports de charges ont eux aussi permis d'alléger la trésorerie des entreprises : sur les 28 milliards d'euros de reports de charges, 14 milliards ont déjà été remboursés. S'agissant des PGE, 40 milliards avaient été remboursés à la fin du mois d'août – je découvre que les chiffres dont je dispose sont un peu anciens et j'espère que nous en avons de plus récents.
Je le répète : globalement, nous n'avons pas de craintes fortes à ce sujet. En moyenne, le taux de défaut devrait sans doute atteindre 4 à 5 % ; c'est en tout cas ce que la Banque de France prévoit et c'est en fonction de ce chiffre que nous avons évalué le coût du PGE pour les entreprises – puisque, je le rappelle, le PGE a un coût pour elles. Ces moyennes peuvent cependant dissimuler des cas particuliers, notamment parmi les TPE et les PME, que nous devons soutenir. Je les incite à se rapprocher du Médiateur du crédit, car – vous le savez – nous avons obtenu de la Commission européenne de pouvoir rééchelonner certains PGE sur six à dix ans par son intermédiaire.
Quant aux entreprises de taille plus importante, elles doivent le cas échéant ouvrir une procédure de conciliation, qui est confidentielle, auprès du tribunal de commerce. Nous ne souhaitons pas rééchelonner de manière générale et automatique l'ensemble des PGE – je vous vois opiner de la tête, monsieur Valletoux. Ce serait à la fois contre-productif et potentiellement très coûteux pour les finances publiques, et cela conduirait surtout à une iniquité entre des entreprises qui vont bien et qui ont intérêt à rembourser leur PGE – nous avons tous intérêt à ce qu'elles le fassent –, et d'autres qui ont besoin d'un traitement particulier que nous continuerons à leur accorder – nous nous y engageons.
Vous ne cessez de dire que nous vous posons toujours les mêmes questions, mais – pardonnez-nous de le dire –, vos réponses ne sont pas très satisfaisantes ! Je vais formuler la mienne d'une manière un peu différente : en tant que citoyen et en tant que ministre, trouvez-vous normal que d'un côté, quelqu'un qui est au RSA, par exemple, doive justifier de ses revenus au centime près tous les trois mois, pour savoir quelle aide il va toucher ; que dans la moindre association, il faille remplir de nombreux dossiers, passer des heures en dialogue de gestion pour dresser des conventions d'objectifs et de gestion (COG), elles aussi contrôlées au centime près, en tenant compte d'indicateurs tous plus complexes les uns que les autres, confinant parfois à l'absurde ;…
On n'est pas dans un conseil départemental ! Ça ne se passe pas du tout de cette manière !
…que dans un certain nombre de services publics, il soit nécessaire de remplir plusieurs formulaires pour avoir accès à certains moyens et à certaines autorisations, tandis que d'un autre côté, pour ce qui est des aides aux entreprises, on soit dans le flou le plus total ? Ce n'est pas nous qui le disons, mais bien l'Inspection générale des finances, qui ne parvient pas à nous donner une évaluation précise de chacun des 2 000 dispositifs qui sont – plus ou moins – accessibles aux entreprises pour se faire aider.
Il y a là une question démocratique majeure : que faisons-nous de cet argent public ? Vous pouvez toujours nous répondre que tout va bien, que la France que vous observez est formidable et se porte parfaitement bien – visiblement, nous n'avons pas affaire à la même France ; quoi qu'il en soit, il faut maintenant cesser de donner cet argent public sans aucune justification et sans évaluation précise. C'est une question de justice ! Utilisons l'argent public avec mesure, avec efficacité, pour l'intérêt général, pour la justice sociale et pour la lutte contre les dérèglements climatiques, et arrêtons d'arroser le sable et de subventionner – c'est parfois le cas – les actionnaires !
Mme Christine Arrighi, M. Léo Walter et Mme Elsa Faucillon applaudissent.
Votre question, madame la députée Taillé-Polian, comporte deux volets. Vous démontrez d'abord, là encore de manière peut-être un peu caricaturale, une capacité inénarrable à opposer les entreprises, dont vous faites une sorte d'objet ou d'animal magique et malfaisant,…
…aux salariés qui en composent la réalité ou aux personnes – vous les avez mentionnées – qui ont besoin d'aides sociales et qui les méritent.
Ce n'est pas du tout ce que nous avons dit ! C'est vous qui caricaturez !
Derrière les entreprises, il y a des employés ;…
…derrière ces aides, il y a des investissements et des recrutements.
Derrière l'installation en France d'une entreprise américaine – quel gros mot, quelle horreur ! –, il y a aussi des actionnaires – eh oui !
Je plaide pour ma part depuis toujours pour qu'on aligne davantage les intérêts des actionnaires et ceux des salariés grâce à l'intéressement, à la participation.
Quand l'entreprise va bien, il faut permettre aux salariés de bénéficier davantage de primes d'intéressement et de participation, contre lesquelles vous votez systématiquement ! Alors arrêtons d'opposer les méchantes entreprises et les bons salariés :…
…nous avançons tous dans le même sens.
Quant à la conditionnalité des aides que vous mentionnez, la difficulté des tâches administratives, dont vous donnez l'impression qu'elle n'affecte que les seuls bénéficiaires du RSA et d'autres aides sociales, concerne aussi les chefs d'entreprise. Demandez-leur : ils nous reprochent régulièrement des procédures trop compliquées ! C'est un problème que nous rencontrons dans le cadre du plan France 2030. Nous sommes en train de simplifier les procédures, mais il y a des PME qui nous disent que demander des aides – qui sont, je le répète, soumises à conditions – est trop compliqué. Nous avons une appétence collective pour les formalités administratives, je suis prêt à le reconnaître, mais je pense que nous sommes tous égaux – entreprises, salariés et bénéficiaires de l'aide sociale – face à ces complexités.
Simplifions-les,…
…mais continuons à viser ensemble l'objectif commun de l'emploi partout et pour tous dans les territoires ; et pour cela, ne vous en déplaise, nous avons besoin de l'entreprise en France.
S'il vous plaît, chère collègue, je rappelle qu'au cours de ces débats – qui sont intéressants –, aucun droit de réplique n'est prévu, et certainement pas pendant que le ministre s'exprime.
En 2018, les aides aux entreprises représentaient l'équivalent de 5,6 % du PIB, ce qui correspondait à une augmentation de 215 % sur un peu plus de dix ans. C'est énorme, et l'augmentation s'est encore accrue au gré des aides d'urgence, des plans de relance et des aides contre l'inflation débloquées depuis mars 2020. On peut dire qu'elles sont rares, les grandeurs économiques qui augmentent à un tel rythme moyen pendant plus de dix ans, surtout quand il s'agit de dépenses publiques que tous les gouvernements successifs disent vouloir compresser ! Les aides publiques aux entreprises ont progressé trois fois plus vite que les aides sociales et cinq fois plus vite que le PIB entre 2007 et 2018, sans que cela n'émeuve grand monde, surtout pas celles et ceux qui sont si enclins à dénoncer le poids des dépenses sociales – ce « pognon de dingue ».
Mais surtout, l'augmentation des aides publiques aux entreprises ne s'est pas accompagnée d'une hausse proportionnelle de leur contribution aux finances publiques par la fiscalité ; c'est même exactement le contraire qui s'est produit. La tendance se retrouve à l'identique du côté du financement de la sécurité sociale : les ménages sont les premiers financeurs d'une sécurité sociale dont le budget est de plus en plus grevé par la généralisation des exonérations de cotisations pour les entreprises – nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat sur la réforme des retraites.
Et pourtant, il n'existe aucune évaluation publique systématique de l'efficacité de chacune de ces 2 000 aides publiques existantes. Elles représentent désormais plus de 8 % du PIB – 8 % ! – et croissent cinq fois plus vite que lui ! Nous préparons des questions mais, au lieu de nous répondre, vous nous dites que nous opposons entreprises et particuliers, public et privé ; mais quand l'Assemblée nationale disposera-t-elle annuellement et systématiquement des outils permettant d'évaluer ces aides publiques aux entreprises, qui croissent chaque année ? Voilà la réponse que nous attendons, monsieur le ministre délégué.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.
Vous donnez les chiffres, sans doute exacts, qui concernent les années 2007 à 2018.
Entre 2007 et 2018, les aides aux entreprises ont donc augmenté trois fois plus vite que les aides sociales : adressez-vous à ceux qui, sur vos bancs, étaient en charge de l'économie française entre 2012 et 2017, ou à ceux qui, en face, l'étaient entre 2007 et 2012 !
Nous avons obtenu des résultats économiques et sociaux dont nous rêvions tous, je pense, depuis des années, que ce soit en matière de chômage, d'attractivité de la France, d'investissement ou de recettes publiques – que nous avons enfin stabilisées, ce qui nous a permis de sortir d'une procédure de déficit excessif (PDE) dans laquelle nous nous trouvions depuis plusieurs années. Alors oui, il est possible d'améliorer les choses et je vous rejoins : ces 2 000 aides, comme les autres, doivent être mieux évaluées. Je le répète : nous nous engageons dès ce mois de janvier dans un processus d'évaluation systématique de toutes les aides concernant les entreprises mais aussi les ménages, d'ailleurs, auquel je vous invite à participer. Ce sera à Bercy, dans le courant du mois de janvier : venez, rejoignez-nous !
S'agissant du financement de notre modèle social, je le répète : 75 % des cotisations sociales sont payées par les entreprises.
Cela représente donc l'essentiel du modèle social français – retraites ou assurance maladie – et derrière chaque entreprise, il y a des salariés dont le travail permet de payer ces cotisations sociales.
Là encore, je ne souhaite pas opposer les uns et les autres. Encore une fois, les cotisations sociales versées par les employeurs financent aux trois quarts le modèle social français.
Je souhaite profiter de ce débat sur les aides publiques aux entreprises pour évoquer la question de la conditionnalité des aides et la façon dont nous les leur versons. Dans les périodes de crise que nous traversons, hier sanitaire et aujourd'hui énergétique, nos entreprises sont particulièrement exposées, au point que leur pérennité est désormais menacée. Or, pour un territoire rural, une entreprise qui ferme, c'est bien souvent un drame : lorsqu'une boulangerie ferme dans un village, c'est tout le quotidien des habitants qui s'en trouve affecté et cela génère une perte de lien social, qui constitue pourtant le ciment de nos sociétés.
Vous le savez, la crise actuelle de l'énergie touche toutes les entreprises. Certaines sont plus fragiles ou plus exposées que les autres, et il est nécessaire de pouvoir ajuster et calibrer les aides qui leur sont fournies. Il ne s'agit pas de remettre en question les mesures élaborées au sein de votre ministère, mais nous nous demandons si l'échelon central est véritablement le plus adéquat pour élaborer de telles décisions, puisqu'il ne permet pas de différenciation. En effet, en tant qu'élus de terrain, nous sommes très souvent sollicités dans nos permanences par les entrepreneurs de nos circonscriptions, parce qu'ils ne rentrent pas dans les cases prévues – à cause d'effets de seuil ou des clauses de conditionnalité.
Il me vient ainsi en tête un cas récent à propos duquel j'ai été interpellé, celui de l'éleveur porcin d'une exploitation familiale comprenant deux employés, dont le chiffre d'affaires est bien inférieur au seuil de 2 millions d'euros mais qui ne peut pas prétendre aux aides du bouclier tarifaire, car la puissance de son compteur électrique dépasse 36 kilovoltampères. Pourtant, dans cette exploitation, la facture d'électricité va être multipliée par huit sans possibilité de compenser la hausse de ce coût de production. Il est heureux que les députés puissent vous solliciter directement, et surtout que cet éleveur ait eu l'idée de me faire part de ses difficultés ; sinon, j'aurais pu ne rien en savoir. Nous l'avions déjà observé pendant le covid : il faut faire remonter énormément d'informations pour que les trous de la raquette se comblent. J'en viens donc à ma question : comment pourrions-nous être plus efficaces, afin d'éviter que certains passent à côté des aides ?
Merci, monsieur le député Molac, pour cette intervention très dense dans laquelle vous questionnez la conditionnalité des aides tout en reconnaissant leur grande utilité, et vous questionnez l'homogénéité de ces aides sur le territoire – à cet égard, je pense qu'il faut garder une certaine équité entre les différents territoires et éviter de rendre les aides trop dépendantes de la géographie.
Quant à l'entrepreneur auquel vous faites référence, il est désormais éligible au bouclier tarifaire fixé à 280 euros le mégawattheure dont nous avons généralisé l'application, ainsi qu'à l'amortisseur électricité et au guichet de l'aide gaz et électricité. Il est vrai que si sa consommation d'énergie dépasse le seuil de 36 kilovoltampères, il n'est pas éligible aux fameux tarifs réglementés de vente (TRV), qui concernent les ménages et tout de même les deux tiers des TPE françaises. Pour celles qui font partie du tiers restant, nous avons plafonné la facture depuis vendredi. Votre entrepreneur ne devrait donc pas voir sa facture multipliée par huit.
J'en viens au rôle que jouent les députés pour nous informer et nous alerter sur des problèmes. Je l'appelle de mes vœux : n'hésitez pas ! Certains députés de la majorité nous ont alertés très tôt sur les défauts de dispositifs que nous avons pu adapter en conséquence. Le Président de la République l'a fait de manière très volontaire et ambitieuse dès jeudi dernier. Je vous engage donc à continuer. Nous vous écouterons, de même que nous serons toujours à l'écoute des territoires.
Dans le contexte complexe qui affecte nos PME et ETI, notamment celles du secteur de l'artisanat, il est heureux que le Gouvernement ait mis en place des mesures de protection renforcée depuis plusieurs semaines. Mais ce contexte particulier, qui nous rappelle celui de la crise sanitaire, doit peut-être nous inviter à repenser plus globalement l'efficacité pérenne de notre système d'aides aux entreprises.
Un rapport, publié en mai 2022 par des économistes de l'université de Lille, souligne l'inefficacité de certaines aides publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, accordées depuis plusieurs décennies par les précédents gouvernements, notamment le CIR ou le CICE, qui ont coûté respectivement 6 et 19 milliards d'euros en 2019.
Plutôt que ces dispositifs, les auteurs du rapport proposent que l'État planifie ses aides aux entreprises par le biais de subventions à l'innovation à travers la commande publique, ce qui permettrait d'orienter la production, d'accélérer la relocalisation d'activités et la reconversion de notre économie à partir de critères environnementaux et sociaux, et d'enrichir la nation avec une contrepartie matérielle aux subventions.
Après les crises liées à la pandémie de covid-19 et à la hausse du coût de l'énergie, le Gouvernement serait-il prêt à repenser notre système d'aides aux entreprises, afin que celles-ci puissent tenir compte des enjeux de notre siècle tout en devenant réellement compétitives ?
Mme Maud Petit applaudit.
Merci, madame la députée, pour cette question à laquelle je réponds oui, trois fois oui ! J'ai déjà eu l'occasion de répondre sur les défis liés à l'évaluation et à l'évolution du CIR, même si je suggérerais de ne le toucher que d'une main tremblante, pour reprendre une célèbre formule. Transformons-le si cela peut conduire à plus d'innovations et de recherches puisque tel est son objet.
Quoi qu'il en soit, je tiens à rappeler que Bruno Le Maire et moi-même avons annoncé un projet de loi visant à réindustrialiser la France et à accélérer le verdissement de l'industrie française. Nous souhaitons en profiter pour revoir les dispositifs fiscaux dont certains favorisent les activités trop carbonées et n'incitent pas au verdissement de nos industries. Nous sommes donc prêts à ouvrir le champ des crédits d'impôt. N'hésitez pas à participer à la consultation.
Quant à la commande publique, là encore, trois fois oui ! C'est un sujet qui m'est cher. Dans ce domaine, nous sommes encore trop royalistes en France, et même plus royalistes que le roi.
Des dispositions permettant d'intégrer des considérations environnementales et de souveraineté dans la commande publique ont été adoptées dans cet hémicycle. Elles doivent nous permettre d'acheter davantage européen et français, mais les acheteurs publics ne s'en sont pas assez saisis. Si nous devons adopter de nouvelles mesures pour y remédier, nous le ferons avec grand plaisir. N'hésitez pas à nous faire des propositions.
J'aimerais commencer mon propos en rappelant une évidence : les aides publiques aux entreprises sont avant tout un soutien à l'activité économique, à la prise de risque, à la création de richesse et à l'emploi. N'en déplaise à certains, elles profitent à la société française tout entière, ce qui est le sens même de l'intérêt général. Comme dans le cas de l'apprentissage, les aides publiques permettent aux entreprises de s'engager pour le bien commun.
Avec la volonté du Président de la République, notre majorité a vraiment mis les moyens pour que le plan « 1 jeune, 1 solution » ne soit pas qu'un slogan. Les aides à l'embauche de jeunes alternants, que nous avons favorisées, portent leurs fruits.
Une étude publiée en décembre dernier par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) confirme que notre politique en faveur de l'apprentissage fonctionne. En effet, six mois après leur sortie d'étude en 2021, 65 % des apprentis étaient en emploi salarié dans le privé en janvier 2022. C'est, en moyenne nationale, un bien meilleur taux que les sorties de formation pour les demandeurs d'emploi.
Cela étant, nous ne devons pas perdre de vue que l'argent public n'est pas de l'argent magique. Les besoins sont immenses pour la santé, l'éducation, la sécurité et la justice. Dès lors, il est indispensable de soumettre les aides versées aux résultats et d'en évaluer l'efficacité chaque année.
Ma question porte sur le risque d'effet d'aubaine dont nous alerte la Fédération nationale des directeurs de centres de formation d'apprentis (Fnadir) au sujet de l'aide à l'embauche de 6 000 euros – que j'approuve – qui serait versée, en 2023 et les années suivantes, dès la signature du contrat d'apprentissage, alors que 15 à 20 % de contrats en moyenne sont rompus à l'issue de la première année. Comment le Gouvernement appréhende-t-il ce risque et quelles dispositions peut-on envisager pour limiter ces ruptures de contrat ?
Je vous remercie de rappeler la très grande efficacité de la politique de développement de l'apprentissage en France, qui va nous permettre de doubler le nombre d'apprentis : ils étaient 350 000 au début du quinquennat précédent, ils seront près de 700 000 à la fin de ce quinquennat, et nous espérons qu'ils seront bientôt 1 million.
Cette politique a permis d'amener le taux de chômage des jeunes en France à son plus bas niveau historique. Il faut la poursuivre, notamment à l'égard de ceux qui ont les niveaux de qualification les moins élevés. L'apprentissage s'est développé dans l'enseignement supérieur, nous devons poursuivre et élargir ce combat, notamment dans le cadre de la réforme du lycée professionnel.
Y a-t-il des effets d'aubaine ? À ce stade, nous n'en notons pas. Le taux de rupture de contrat après un an, qui est de l'ordre de 18 %, n'a pas augmenté avec la croissance très forte du nombre d'apprentis. Cela ne m'étonne pas : un entrepreneur qui investit dans la formation d'un jeune pendant un an n'a aucune volonté ou envie de s'en débarrasser, sauf si la conjoncture est difficile, ce qui est quand même le cas dans certains secteurs, ou si, comme cela arrive malheureusement, la personne recrutée n'est plus volontaire ou ne correspond plus aux raisons pour lesquelles elle avait été embauchée.
Nous nous engageons auprès de vous à continuer de suivre cet indicateur de près. Pour l'instant, le système a montré son efficacité et donné des résultats dont vous pouvez être très fiers puisque ces réformes ont été adoptées, au cours du quinquennat précédent, par des parlementaires dont vous étiez, monsieur le député.
Nul ne peut ignorer les difficultés que rencontrent les entreprises face à la hausse des coûts de l'énergie, mais nul ne peut ignorer non plus les aides publiques importantes annoncées récemment pour les boulangers et appréciées de la profession, ni le fait que plusieurs de ces aides sont désormais accessibles à de nombreuses TPE.
Je vous en remercie, monsieur le ministre délégué, car avec Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, vous avez été toujours à l'écoute au cours des derniers mois lorsque je vous alertais sur tel ou tel dossier concernant ma circonscription lilloise.
Cependant, nombre d'autres entreprises souffrent de la hausse du prix de l'électricité, et les augmentations parfois exponentielles suscitent chez elles beaucoup d'inquiétudes, malgré les efforts réguliers qu'elles font pour réduire leur consommation. Ces inquiétudes touchent en particulier les entrepreneurs qui viennent d'ouvrir ou de reprendre un fonds de commerce, et qui ne peuvent donc justifier ni des comptes de société ni de consommations d'électricité au cours des années précédentes.
Aussi, monsieur le ministre délégué, qu'en est-il pour ceux qui ont ouvert ou récupéré un fonds de commerce récemment ? C'est le cas de cette très belle fromagerie qui a ouvert en décembre à Lille, dans le quartier de quartier Saint-Maurice Pellevoisin. Ce commerçant m'a interpellée car il s'inquiète beaucoup de n'avoir accès à rien et de voir ses factures exploser.
Merci, madame la députée, pour votre question et surtout pour tous les efforts que vous avez faits pour nous alerter sur la situation d'entreprises de votre circonscription, ce qui nous a permis, comme je l'indiquais précédemment, d'améliorer et de compléter les dispositifs. La plupart des entreprises bénéficient désormais d'une protection grâce au bouclier tarifaire à 280 euros le mégawattheure, à l'amortisseur électricité et au guichet de l'aide gaz et électricité.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire longuement hier soir, dans le cadre du débat sur les aides énergétiques, nous faisons face à une guerre aux portes de l'Europe dont nous devons malheureusement subir collectivement les conséquences. L'État a montré qu'il savait prendre une bonne part de ces dommages à sa charge : la taxe sur les énergéticiens, votée dans le cadre du budget que vous avez adopté, permet de libérer quelques recettes pour ce faire.
Qu'en est-il des entreprises récentes ? Nous sommes en discussions avancées avec la Commission européenne pour les intégrer dans le dispositif d'aides, dont elles sont actuellement exclues puisque, par définition, elles ne peuvent pas fournir des données concernant l'année 2021, référence du calcul de ces aides.
J'espère pouvoir revenir très vite vers vous et surtout vers votre fromager, qu'il aura reçu les aides qu'il mérite et que nous pourrons déguster ensemble un bon vieux-lille ou un maroilles. Nous souhaitons accompagner les commerçants, anciens et nouveaux. Souhaitant accompagner le développement des entreprises, nous resterons à leurs côtés, ce qui suppose évidemment une discussion – déjà largement engagée – avec Bruxelles.
Cinq ans et six mois de macronisme, et la France n'a jamais connu un tel chaos : hausse du prix des hydrocarbures et des matières premières, crise énergétique, baisse du pouvoir d'achat, et ainsi de suite. Ce n'est pas le fruit du hasard mais bien d'une absence de stratégie politique nationale depuis que vous avez confié à Bruxelles les clefs de notre pays.
Compte tenu de vos constants changements de position, permettez-moi de m'inquiéter de votre politique d'aides publiques aux entreprises et encore plus de votre capacité à sortir de la crise financière qui touche notre pays. En 2022, d'après les données de la Banque de France, les faillites d'entreprises ont bondi de 48 % et les prévisions pour 2023 sont alarmantes puisqu'elles font état d'une hausse supplémentaire des défaillances d'entreprises. Pensez-vous sincèrement que de simples aides ponctuelles puissent permettre à nos entreprises d'avoir une vision sur le long terme ?
Gouverner c'est prévoir, ne rien prévoir c'est courir à sa perte. Si nos entreprises sont en crise, ayez le courage de reconnaître que cela résulte de votre manque d'anticipation et d'écoute. Marine Le Pen, lors de sa campagne présidentielle, avait anticipé toutes les difficultés qui touchent notre pays actuellement, y compris celles de nos entreprises.
Votre absence de stratégie vous oblige systématiquement à réagir dans l'urgence. Tel un pompier pyromane, vous tentez alors d'éteindre l'incendie. En plus d'être d'une efficacité plus que limitée, ces mesures augmentent considérablement une dette abyssale dont vous êtes les seuls responsables et qui devra être payée par les Français.
Cela fait près de six ans que vous jouez au Don Juan de l'économie, appliquant avec rigueur les paroles de Molière : « Tout le plaisir de l'amour est dans le changement. »
Évidemment, dans ce cas précis, nous parlons de changement de politique. Comptez-vous définir une véritable stratégie de développement économique et de soutien pérenne aux entreprises nationales ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Cela fait vingt-cinq ans que vous nous jouez Le Misanthrope, que votre parti se nourrit des difficultés économiques et sociales de nos concitoyens.
Je comprends que les améliorations notables enregistrées depuis cinq ans vous fassent du mal. Je comprends que, du coup, vous jouiez avec les chiffres pour continuer à laisser penser à nos concitoyens que la France est dans une crise historique digne du Moyen Âge, comme le disaient d'autres sur d'autres bancs. La réalité est toute autre.
En France, il y a bien sûr des gens qui rencontrent des difficultés et nous souhaitons continuer de les accompagner. Mais quand reconnaîtrez-vous que la performance économique et sociale de la France en 2022 est l'une des meilleures d'Europe ? Quand reconnaîtrez-vous que l'inflation en France est la plus faible d'Europe ? Quand reconnaîtrez-vous que le chômage des jeunes n'a jamais été aussi bas en France ?
Vous ne le reconnaîtrez sans doute jamais.
Vous dites des défaillances d'entreprises qu'elles ont connu une hausse importante en 2022 par rapport à 2021.
Or vous savez bien que le nombre de défaillances demeure de 20 % inférieur à ce qui avait cours avant la crise – si vous l'ignorez, c'est de l'incompétence, mais je ne vous ferai pas ce procès, contrairement, peut-être, à celui de la mauvaise foi.
Il est évident que les défaillances d'entreprises ont été empêchées pendant la crise : nous avons aidé tout le monde. Il est également évident que certaines des entreprises que nous avons aidées ne se redressent pas. Tout comme il est évident que nous devons accompagner tous les salariés concernés, ce que nous faisons.
Arrêtez donc de noircir systématiquement le tableau de l'économie française : vous vous en nourrissez, mais c'est terminé ! Nous continuerons à améliorer la situation des entreprises et des salariés français, dans l'objectif important de réduire vos scores électoraux.
Je m'y attacherai, comme je m'y attache depuis cinq ans.
Au-delà des tristes constats qui ont déjà été dressés, je tiens à vous rapporter certaines remontées réelles du terrain : celles du quotidien des entreprises que vous asphyxiez et que vous laissez crever sur le bord de la route.
Non, les différentes aides instaurées par le Gouvernement n'ont pas été salutaires pour les TPE-PME. Pourquoi ? Parce que les entrepreneurs n'ont pas le temps de remplir vos dossiers complexes de demande d'aide ou de subvention. Et parce qu'ils sont déjà submergés par vos normes et votre politique fiscale de plus en plus lourde et difficile à comprendre.
Ce dont les entrepreneurs ont besoin, c'est de plus de liberté d'action, d'une meilleure visibilité sur la politique gouvernementale, de formations en lien avec les besoins en main d'œuvre pour les jeunes de leur territoire, et de davantage de flexibilité dans l'emploi des salariés.
Voilà ce que vous sauriez si vous descendiez un peu plus sur le terrain. Mais du terrain, vous ne voyez que ce que vous voulez voir, et des problèmes des PME, vous n'entendez que ce que vous voulez d'entendre.
Eussiez-vous d'ailleurs l'humilité qu'il faut pour aller à la rencontre des TPE-PME que vous n'auriez ni l'idée ni la volonté de le faire. Les entrepreneurs ne viendront pas à vous d'eux-mêmes et ils n'auraient de toute façon probablement pas le temps de vous poser leurs questions, tant ils doivent être au charbon pour sauver leur entreprise.
On ne résout pas les problèmes avec ceux qui les ont créés. Quand écouterez-vous donc les propositions de bon sens que Marine Le Pen vous a déjà exposées à plusieurs reprises et qui pourraient sauver les entreprises françaises ? Il faut en effet revoir les règles du marché européen de l'énergie, choisir en priorité les entreprises françaises dans les marchés publics, et alléger les démarches administratives et fiscales.
Il est temps de prendre conscience de vos échecs et de changer radicalement de camp, pardon, de cap.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Au risque de vous décevoir, je ne compte changer ni de camp, ni de cap. Notre politique fonctionne, même si elle peut sans doute être améliorée, notamment, et je vous rejoindrai sur ce point, pour simplifier les démarches de nos très petites entreprises.
Ne me dites pas que je ne vais pas sur le terrain. Je me déplace partout en France deux à trois fois par semaine. Je rencontre des entreprises industrielles de toutes les tailles, qu'elles soient très petites, petites, moyennes, ou grandes. Chaque fois, je m'entretiens avec les salariés et les organisations syndicales, lesquels, je le répète, nous disent de continuer de les soutenir et nous remercient de ce que nous avons fait depuis trois, quatre, voire cinq ans pour les aider à surmonter les crises successives.
Aucune entreprise ne me parle de sortir du marché européen de l'énergie. À cet égard, j'encourage celles et ceux qui souhaitent encore surfer sur le fantasme de la sortie de l'Europe à traverser la Manche et à constater le désastre qu'est le Brexit – que Marine Le Pen, que vous avez citée, appelait ardemment de ses vœux il y a encore cinq ans. La mémoire est courte, chez vous ! Il y a cinq ans, votre présidente voulait sortir de l'Europe – tout comme, il y a dix ans, elle voulait sortir du nucléaire.
En ce qui nous concerne, nous n'avons pas la mémoire courte. Apprenez de vos erreurs et reconnaissez au moins certains des succès que le Gouvernement obtient. Je le répète, la situation de la France est certainement perfectible, mais les Françaises et les Français, quels qu'ils soient, sont les mieux protégés d'Europe face au choc énergétique. S'ils bénéficient d'une électricité bon marché et décarbonée, c'est grâce à notre politique, que nous allons continuer de mener.
Votez donc les prochains projets de loi qui vous seront soumis dans ce domaine. Nous allons continuer d'aider les TPE et, de ce point de vue, je crains que vous n'ayez d'ailleurs un épisode de retard – dans une série qui, je le reconnais, a commencé cet automne. En effet, à la suite des annonces faites par le Président de la République la semaine dernière, nous avons discuté avec les énergéticiens vendredi afin de les concrétiser. Il n'y aura pas de démarches à faire : un plafond de 280 euros le mégawattheure s'appliquera aux TPE, lesquelles, pour en bénéficier, n'auront qu'à déclarer leur statut sur l'honneur à leur fournisseur d'énergie.
Mme Maud Petit applaudit.
L'avantage – ou l'inconvénient – de parler en dernier est que toutes les questions ont déjà été posées. Pour ma part, je souhaitais vous interroger sur deux aides aux entreprises, que nous avons donc largement abordées et qui ont été remises en question par France Stratégie, institution rattachée à Matignon : il s'agit bien sûr du crédit d'impôt recherche et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
En effet, France Stratégie estime que ces deux dispositifs se sont révélés relativement inefficaces. À l'en croire, le CIR n'a pas eu « d'effet économique significatif en ce qui concerne les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises », alors que ce sont ces dernières qui en ont le plus bénéficié. Quant au CICE, il aurait permis la création d'environ 100 000 emplois par an, ce qui, toujours selon France Stratégie, « est faible rapporté [à son] coût, de l'ordre de 18 milliards d'euros en 2016 ».
Dans la mesure où vous avez déjà partiellement répondu aux questions relatives à ces deux crédits d'impôt, je vous interrogerai plus généralement sur les aides allouées à nos TPE-PME. Ma question est simple : quand remettrons-nous à plat le CIR et le CICE afin de les réserver aux entreprises qui en ont réellement besoin, c'est-à-dire les TPE-PME ?
Vous n'ignorez pas que la principale difficulté des petites entreprises est de pouvoir accéder aux aides. Nous l'avons vu durant la crise sanitaire et, à cet égard, je ne saurai trop vous recommander de vous appuyer, comme nous l'avions fait à Béziers, sur le réseau des experts-comptables, qui sont les plus fins connaisseurs de notre tissu économique.
Que prévoyez-vous pour privilégier nos TPE-PME dans l'accès aux aides publiques – je ne parle pas ici de l'accès des aides relatives à l'énergie, que vous avez détaillées – et pour simplifier au maximum les procédures et la diffusion des informations nécessaires pour en bénéficier ?
J'ai en effet l'impression que nous sommes dans Un jour sans fin et cette configuration me rappelle l'époque où je présidais la commission des affaires économiques : vous étiez déjà non inscrite et – c'est le lot des députés dans cette situation – vous parliez en dernier, en me reprochant gentiment d'avoir déjà répondu aux questions.
En l'occurrence, je me suis déjà amplement exprimé sur le crédit d'impôt recherche.
S'agissant du CICE, vous avez raison, et si nous l'avons supprimé, c'est en raison de sa complexité et de ses résultats décevants en matière de création d'emplois. Nous l'avons transformé en allègement de charges pérenne, allègement qui permet de réduire le coût du travail et qui, je le crois, contribue au niveau historiquement bas du taux de chômage.
En ce qui concerne les PME, je vous rejoins sur la nécessité de les soutenir dans l'accès aux aides. Vous avez évoqué les experts-comptables : sachez que la direction générale des entreprises à Bercy en anime un réseau et que ceux-ci, vous l'avez dit, sont présents auprès des TPE-PME pour leur faire bénéficier de leur expertise et les accompagner dans l'accès aux aides aux entreprises.
Quant à la nécessité de rendre les TPE et les PME prioritaires dans l'accès aux aides, nous en sommes tout à fait conscients. Vous le savez, le Président de la République a demandé qu'au moins 50 % des fonds du plan France relance soient consacrés aux petites et moyennes entreprises. À cet égard, sur les engagements déjà enregistrés au titre de l'année 2022, qui sont de l'ordre de 11 milliards d'euros, 60 % ont bénéficié aux TPE-PME, ce qui constitue un premier succès.
Nous nous assurerons qu'il en reste ainsi et que les petites et moyennes entreprises de nos territoires bénéficient de ces aides qui, je le répète, visent à construire la France de demain et d'après-demain et qui, je le répète également, sont soumises à conditions.
L'ordre du jour appelle les questions sur les oubliés du bouclier énergétique. La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
La parole est à M. Vincent Rolland.
L'augmentation folle des prix de l'électricité continue de toucher nos concitoyens et nos entreprises. Tous le savent, notre production d'électricité historiquement faible fait suite à l'abandon, depuis dix ans, de la filière nucléaire française. Résultat : alors que nous devrions exporter notre électricité à prix d'or, nous payons un prix absurde.
Quoi qu'il en soit, nous sommes désormais confrontés aux conséquences de cette erreur stratégique et le bouclier énergétique demeure, à court et moyen termes, indispensable.
Or les principaux acteurs concernés déplorent la complexité et l'insuffisance des aides qui ont été instaurées, qu'il s'agisse des formalités administratives ou des seuils retenus pour en bénéficier. La situation devient même critique pour nos industries électro-intensives. Il est désormais plus rentable d'arrêter nos fours de fusion et d'importer des produits de Chine.
C'est navrant pour l'emploi, pour la situation économique et, vous en conviendrez, pour notre bilan carbone !
Comme autre exemple, j'évoquerai les spécificités du secteur de la montagne. L'État a adossé le bouclier tarifaire sur l'exercice 2021, mais pour les acteurs de ce secteur, il s'agit d'un non-sens, car la saison 2020-2021 a été blanche en raison de la fermeture des remontées mécaniques, qui a entraîné une forte baisse de l'activité. Et je ne parle même pas de cet hôtel de ma circonscription qui a réduit de moitié sa consommation énergétique et qui, en parallèle, a vu sa facture multipliée par 4,5 alors qu'il doit rembourser un PGE – prêt garanti par l'État.
Comptez-vous donc changer les règles d'octroi des aides pour les entreprises ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
S'agissant du prix de l'énergie en Europe, comme vous le savez, le Gouvernement est mobilisé pour découpler les prix du gaz et de l'électricité, afin que nous puissions enfin bénéficier de prix correspondant aux coûts de production de l'électricité dans notre pays.
En ce qui concerne la complexité des aides, vous savez également que le Gouvernement a beaucoup travaillé pour simplifier les dispositifs, de même que pour faciliter l'accès de tous les entrepreneurs à leurs interlocuteurs que sont les conseillers départementaux à la sortie de crise, qui peuvent désormais être joints sur un numéro fixe, ainsi qu'un numéro de portable. Cette mesure s'ajoute à toutes les autres destinées à faciliter l'accès des entreprises aux aides – qui couvrent l'ensemble du spectre économique –, avec une protection encore plus appuyée pour les plus petites structures.
Quant aux entreprises du secteur de la montagne, à l'instar de celles créées après 2021 et qui ne disposent donc pas d'un bilan pour cet exercice, ces points ont bien été identifiés. Le Gouvernement échange et entend progresser avec les fédérations professionnelles concernées.
Je souhaite évidemment revenir sur les aides que vous avez instaurées pour accompagner nos boulangers, qui subissent une hausse exceptionnelle, voire spéculative, du coût de l'énergie – hausse qui causera la perte de nombre d'entre eux.
Vous avez simplifié et renforcé ces aides, mais elles demeurent insuffisantes pour de nombreux boulangers, que l'on peut dès lors compter parmi les oubliés du bouclier énergétique.
Nous avons tous des exemples dans nos circonscriptions.
J'évoquerai pour ma part la boulangerie Aux saveurs des Écrevolles à Pont-Sainte-Marie, au nom de laquelle j'ai contacté vos services, et qui subit une double peine. En effet, la facture d'électricité de cet artisan a été multipliée par quatre, passant de 3 000 à 12 000 euros, tandis que, malchance pour lui, c'est en 2022 qu'il a, avec son épouse, repris avec audace et courage l'entreprise dont il était salarié.
Ainsi, malheureusement, ce couple paye plein pot son audace d'entreprendre et son courage de créer de la richesse et des emplois, étant donné qu'il n'est pas éligible à la totalité des aides que vous avez instaurées. Ces personnes ne savent pas comment elles pourront payer leurs factures, ou plutôt si, elles le savent : elles vont être contraintes de réduire leur activité pour rester sous la barre fatidique des 36 kilovoltampères et ainsi bénéficier du tarif réglementé,…
…ou de vendre leurs baguettes de pain à plus de 4 euros pièce. Est-ce bien raisonnable ?
Mes questions sont simples : quand allez-vous supprimer le critère de l'année de référence pour soutenir les créateurs et repreneurs d'entreprises artisanales ? Quand allez-vous mettre en place un moyen législatif ou réglementaire afin que toutes les très petites entreprises (TPE) entrent dans les tarifs réglementés de l'énergie, même si elles dépassent 36 kilovoltampères de puissance ? Il y va de la survie de 30 % de nos boulangeries.
Il aurait été trop complexe et trop long d'inclure les TPE dépassant 36 kilovoltampères dans le dispositif du tarif réglementé. C'est la raison pour laquelle, vous le savez, nous avons conçu et mis en place celui de l'amortisseur. Malheureusement, ce dispositif n'est pas suffisant pour protéger nos boulangers. Vous avez cité le cas d'une entreprise de votre circonscription. Je pourrais citer celui d'une boulangerie située dans la circonscription dans laquelle j'ai été élu – la maison Bourgogne, à Viroflay – qui connaît des difficultés semblables. Le Gouvernement a donc annoncé la semaine dernière la mise en place d'un plafond garanti de 280 euros par mégawattheure en moyenne sur l'année 2023 pour les boulangers. Cette garantie leur sera offerte sous la forme d'une renégociation de leur contrat. Il est important que chacun prenne sa part et, en particulier, les énergéticiens.
Chère collègue, je suis navrée, il ne peut y avoir de réplique. Je vous suggère d'en discuter en dehors de l'hémicycle.
La parole est à M. Vincent Descoeur.
La remise sur le carburant accordée par l'État, qui était de 10 centimes par litre depuis le 16 novembre, a pris fin brutalement le 31 décembre et, avec elle, la ristourne de 10 centimes opérée par Total. Cela s'est immédiatement traduit par une hausse des prix à la pompe, qui atteignent, en ce début d'année, un niveau record, alors même que le prix du baril n'est pas au plus haut. Cette hausse a été de 13 centimes pour le gazole et de 17 centimes en moyenne pour le sans-plomb. Je rappelle, pour le déplorer, que la hausse a été bien supérieure dans les stations-services des zones rurales. Ainsi, dans le Cantal, dont je suis l'élu, le prix du gazole dépasse les 2 euros.
Le groupe Les Républicains aurait souhaité l'augmentation de cette remise afin de limiter à 1,50 euro le prix du carburant mais le Gouvernement a préféré la remplacer par une indemnité carburant sous la forme d'un chèque de 100 euros destiné aux 10 millions de travailleurs les plus modestes, pour reprendre l'expression de Mme la Première ministre. Cette aide, bien moins intéressante qu'une remise à la pompe, n'est pas suffisante à l'heure où le prix du carburant atteint des niveaux records. Plus ennuyeux encore, puisqu'elle ne bénéficie qu'à 10 des 40 millions d'automobilistes, elle laisse sur le bord de la route un grand nombre de Français qui n'ont pas d'autre solution que d'utiliser leur véhicule. Ainsi, de nombreux salariés, mais aussi des retraités, des bénévoles, des artisans et des PME, pourtant propriétaires de nombreux véhicules, ne pourront pas bénéficier de cette aide, ce qui est, à nos yeux, injuste. Le chèque carburant et ses critères d'attribution qui excluent une majorité de nos concitoyens ne constituent donc pas un réel bouclier tarifaire.
Quelle réponse comptez-vous apporter aux nombreux automobilistes laissés-pour-compte alors que le prix des carburants bat des records et pourrait continuer de grimper ? Cette sombre perspective demande une réponse plus forte pour l'ensemble des automobilistes.
Madame Bazin-Malgras, l'année de référence pour le guichet est un critère imposé par le cadre européen, ce qui peut poser problème aux stations de montagne pour lesquelles l'année 2021 n'a pas été une année de référence, ainsi qu'aux entreprises créées après 2021. Le Gouvernement travaille actuellement sur ces problèmes avec les fédérations.
Monsieur Descoeur, vous avez raison de souligner que la ristourne sur le prix à la pompe et ses versions successives ont permis, au cours de l'année 2022, d'amortir l'impact de la hausse des prix des carburants sur nos concitoyens. C'est une des raisons pour lesquelles la France figure parmi les pays dans lesquels l'inflation a été la plus faible en 2022.
L'indemnité carburant pour les grands rouleurs que vous citez est l'un des éléments venant se substituer à la ristourne. Le guichet sera mis en place à partir du 16 janvier et permettra d'alléger la facture. En complément, bien qu'ils ne ciblent pas spécifiquement les automobilistes, d'autres dispositifs de soutien aux particuliers ont été mis en place : le chèque énergie exceptionnel pour 12 millions de ménages modestes, à partir de décembre 2022 ; le chèque exceptionnel de 100 ou 200 euros pour les ménages modestes chauffés au fioul ; le chèque destiné aux ménages se chauffant au bois, mis en place depuis fin décembre 2022, et dont le montant varie entre 50 et 200 euros en fonction du mode de chauffage et des revenus du ménage.
L'inflation énergétique alarmante que nous vivons actuellement affecte tous les Français mais nombre de nos compatriotes restent exclus du bénéfice des mesures de soutien correspondant à l'impact qu'ils subissent.
Pour compléter les interventions de mes collègues, je souhaiterais tout d'abord évoquer les artisans du secteur de l'alimentaire au détail. Nous avons obtenu des mesures supplémentaires pour les boulangers. Si elles restent insuffisantes, elles représentent tout de même une avancée dont d'autres artisans devraient pouvoir bénéficier. Les bouchers-charcutiers, les pâtissiers et les fromagers devraient eux aussi pouvoir renégocier leur contrat d'électricité en cas de montants abusifs. Ces artisans subissent l'envolée de leur facture énergétique et, en même temps, la hausse de 12 % des prix de leurs matières premières alimentaires. Ils ne peuvent répercuter ces surcoûts sur les prix de leurs produits au risque de voir leur clientèle disparaître. Fragilisés par l'inflation, les artisans aux plus faibles trésoreries ne peuvent investir pour remplacer leurs équipements les plus énergivores.
Actuellement, 40 % des bouchers-charcutiers restent exclus du bouclier tarifaire et beaucoup ont dû, comme les boulangers, signer leurs contrats à la hâte. Rien ne justifie qu'ils restent privés du soutien de la puissance publique pour survivre à cette crise énergétique. Je pense également aux restaurateurs, qui sont nombreux à connaître une situation identique et, dans un tout autre registre, aux établissements d'enseignement. L'université de Strasbourg a ainsi dû garder ses portes fermées deux semaines cet hiver, pour faire face à l'inflation énergétique. De nombreux établissements scolaires privés ne bénéficient d'aucune mesure de soutien alors qu'ils doivent eux aussi assurer, au quotidien, l'accueil des élèves dans les meilleures conditions. Tout cela nécessite du chauffage et de l'électricité avec un coût difficile à supporter pour leurs budgets.
Allez-vous enfin inclure ces oubliés dans les dispositifs d'aide auxquels ils ont légitimement droit ?
Notre intention est de couvrir l'ensemble des entreprises : les TPE dont les compteurs électriques ont une puissance inférieure à 36 kilovoltampères bénéficient du tarif réglementé, les TPE et PME dont les compteurs ont une puissance supérieure à 36 kilovoltampères bénéficient du dispositif de l'amortisseur, et les entreprises plus importantes bénéficient des aides du guichet simplifié, vers lequel peuvent également se tourner les TPE et les PME.
Pour certaines TPE, notamment les boulangeries, l'amortisseur s'est révélé insuffisant. Le Gouvernement a donc annoncé la semaine dernière la mise en place d'un plafond garanti de 280 euros par mégawattheure en moyenne sur l'année 2023, qui englobera donc tous les artisans répondant aux critères de taille des TPE. J'ajoute qu'un pacte a été signé avec les acteurs de la grande distribution par lequel ceux-ci s'engagent vis-à-vis des artisans qui les fournissent à ne pas négocier, dans leur prix d'achat, les hausses de prix demandées du fait de la hausse des coûts de l'énergie.
Les universités, comme tout établissement public, ont accès au dispositif d'amortisseur. À la suite de la fermeture temporaire de l'université de Strasbourg que vous avez évoquée, un plan de 250 millions a été déployé pour soutenir ces établissements, qui subissent de plein fouet la hausse des prix de l'énergie.
Les inquiétudes grandissent partout dans nos circonscriptions. Le Gouvernement semble sourd aux témoignages désespérés d'artisans, de commerçants et de chefs d'entreprise. Ni les reports de charges ni l'amortisseur électricité ne constituent de vraies réponses durables. Ce sont des palliatifs qui ne feront que retarder les faillites de milliers de TPE et de PME. Les dispositifs prévus manquent encore cruellement de clarté et donnent le sentiment qu'il est trop difficile d'y être éligible. N'oubliez pas que les chefs d'entreprise n'ont pas de temps à perdre avec d'interminables démarches administratives. Je pense aussi à nos collectivités territoriales, qui souffrent de la situation actuelle. Le filet de sécurité mis en place apparaît beaucoup trop restrictif.
Les parlementaires du groupe Les Républicains ont formulé des propositions ambitieuses pour simplifier et élargir ces aides, comme celle d'un fond de sauvegarde énergie doté de 150 millions d'euros. Il aurait permis à l'État d'apporter une aide d'urgence aux communes qui n'arriveraient pas à faire face à l'augmentation du coût de l'énergie en 2023, mais vous avez fait le choix de la repousser.
Les Français attendent de vraies solutions pérennes – d'abord en sortant de quinze ans de renoncements successifs à une réelle stratégie nucléaire française. Mais l'urgence, nous vous le répétons, c'est d'agir au niveau européen. À l'instar du Portugal et de l'Espagne, mettons fin à l'aberrante indexation du prix de l'électricité sur celui du gaz !
Pouvez-vous relever sans tarder ces défis majeurs pour l'avenir de nos territoires, de notre économie et de notre indépendance énergétique ?
Le Gouvernement ne reste pas sourd à la situation des entreprises puisqu'il a déployé l'un des plans les plus protecteurs en Europe. Ce plan comprend, pour les PME, des subventions, sous la forme du dispositif de l'amortisseur, et des reports de charges, mesure de trésorerie demandée par les représentants des entreprises.
Vous avez raison de parler de la question de l'accès à ces mesures de soutien. Il vous appartient, mesdames et messieurs les députés, de rappeler aux entrepreneurs de vos territoires de ne pas hésiter à contacter les conseillers départementaux à la sortie de crise, dont les numéros sont disponibles sur le site impots.gouv.fr, et, pour les reports de charges de cotisation, les conseillers de l'Urssaf.
Je rappelle que 2,5 milliards ont été déployés pour soutenir les collectivités au titre de l'amortisseur et du filet de sécurité. Vous avez raison de souligner qu'elles sont durement éprouvées par la crise de l'énergie. Ces mesures viennent s'ajouter à la baisse de la TICFE – taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité – et au mécanisme de l'Arenh – accès régulé à l'électricité nucléaire historique.
Ensemble, toutes ces mesures doivent permettre d'amortir une partie de ce choc.
L'explosion des prix de l'énergie est la préoccupation majeure de nos concitoyens et entrepreneurs, comme nous l'avons tous martelé dans les différents débats d'hier et d'aujourd'hui. Nous avons réagi dès l'été avec la mise en œuvre du bouclier énergétique, qui a été prolongé, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre délégué. Cette solution mise en œuvre par le Gouvernement est un succès dans sa vocation protectrice, comme l'affirmaient sans détour les économistes de l'Institut des politiques publiques dès novembre. On ne le dira jamais assez : le bouclier énergétique a permis à la France d'avoir la plus faible inflation de la zone euro. Nous devons nous en féliciter.
Néanmoins, l'ampleur de la spirale inflationniste est telle que le bouclier ne protège pas tout le monde, en particulier tous ceux qui en auraient besoin. Le monde agricole, notamment, qui représente l'essentiel de l'activité économique de ma circonscription rurale, subit cette année de plein fouet l'augmentation du coût des intrants – de près de 30 % en un an – et les pertes de production liées à un climat instable, fait de sécheresse, de grêle et de gel, certes anticipées dans le budget du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. À cela s'ajoute l'explosion des factures énergétiques. Le secteur des fruits et légumes, par exemple, a besoin de machines très énergivores pour la réfrigération et la conservation des récoltes. De même, dans l'élevage, on utilise par exemple des trayeurs, indispensables pour la traite de vaches. Des mesures spécifiques sont-elles envisagées et des concertations ont-elles été engagées avec les énergéticiens pour protéger les agricultrices et les agriculteurs ?
Vous soulignez à raison l'impact de l'inflation, notamment celle des prix de l'énergie, sur la situation des agriculteurs. Je le rappelle, comme tous les entrepreneurs, ceux-ci sont éligibles aux dispositifs de droit commun – le bouclier tarifaire, l'amortisseur électricité ou le guichet de l'aide, selon les critères auxquels ils répondent.
Vous évoquez également les aléas climatiques et l'inflation du prix des matières premières, qui constituent une double peine pour les agriculteurs et aggravent leur situation. Le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a présenté en 2022 un plan de résilience d'un montant très significatif, prévoyant 480 millions d'euros d'aides pour l'alimentation animale et 150 millions d'euros de prise en charge des cotisations. Il permettra d'amortir les effets particuliers de la crise pour les agriculteurs.
En septembre, l'Insee confirmait l'efficacité des mesures de l'État visant à atténuer l'effet de l'inflation des prix du gaz, de l'électricité et du carburant. Le bouclier tarifaire a réduit de moitié l'impact de la flambée des prix de l'énergie. La hausse globale des prix à la consommation a aussi ralenti pour s'établir à 5,9 % en un an.
Avant d'en chercher les failles, il nous faut donc nous féliciter que le bouclier contribue à notre stratégie économique. Toutes les TPE qui ne sont pas protégées par le bouclier tarifaire et toutes les PME bénéficient en outre d'un nouveau dispositif, l'amortisseur électricité. Les boulangers, subissant la hausse des matières premières en plus de celle de l'énergie, sont désormais spécifiquement accompagnés. Les efforts ont été salués par M. Anract lui-même. Il faut être lucide et l'admettre, sans tomber dans l'autosatisfaction : la politique du bouclier tarifaire est un succès. En tant qu'élus, nous devons toutefois vous demander comment faire mieux pour la nation, même lorsque nous réussissons.
Si l'Institut des politiques publiques a confirmé les bons résultats du bouclier, il note que la flambée des prix de l'énergie pèse davantage sur le niveau de vie de ceux qui résident en dehors des aires urbaines, ou dans des aires urbaines de moins de 500 000 habitants, que sur celui du reste de la population. À revenus identiques, un ménage habitant en zone rurale, dans un pavillon chauffé au fioul et très dépendant de sa voiture, est nettement plus frappé par l'inflation qu'une famille urbaine résidant dans un habitat collectif et ayant accès aux transports publics.
Enfin, les associations, notamment sportives, subissent de plein fouet le poids de l'inflation, par exemple lors des déplacements que leurs membres doivent effectuer. En tant qu'élue de la ruralité attachée à la vie associative de ces territoires, je considère nécessaire d'agir. Comment servir mieux encore nos concitoyens ?
Je précise que l'indemnité sur le carburant pour les travailleurs évoquée dans la première partie de votre question concernera 10 millions de travailleurs et que son montant sera de 100 euros, soit l'équivalent du gain permis par la ristourne sur le carburant après une vingtaine de pleins, quand celle-ci était en vigueur. S'y ajoutent les dispositifs que j'ai déjà évoqués – le chèque énergie exceptionnel, ainsi les chèques énergie destinés aux ménages utilisant le fioul ou le bois.
Je précise en outre que les associations sont bien couvertes par les aides en matière d'énergie. Les associations de droit privé employant moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 50 millions d'euros ont droit à l'amortisseur électricité, au même titre que les PME et les associations de droit public ou privé dont les recettes provenant de financements publics, de dons ou de cotisations sont supérieures à 50 % des recettes totales. Dans les autres cas, les associations ont droit au guichet de l'aide « gaz et électricité », notamment si elles sont assujetties aux impôts commerciaux ou emploient un salarié au moins. N'hésitez évidemment pas à nous faire connaître des cas qui vous paraîtraient ne pas entrer dans ces différents critères.
J'associe Mme Untermaier à ma question. À l'occasion de la renégociation du contrat d'électricité avec leur fournisseur, les boulangers se retrouvent confrontés à une hausse vertigineuse des tarifs, ceux-ci passant dans certains cas de 120 à 580 euros le mégawattheure, soit une augmentation de 400 % environ.
Le bouclier tarifaire, qui limite à 15 % la hausse du prix de l'électricité en 2023 et dont le bénéfice est subordonné à la puissance du compteur électrique, exclut environ 80 % des boulangers. En effet, la majorité des boulangers disposent d'un compteur électrique d'une puissance supérieure à 36 kilovoltampères.
Certes, d'autres dispositifs sont prévus pour les boulangers exclus – je pense à l'amortisseur électricité, au guichet de l'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz et au plafonnement récent à 280 euros du prix du mégawattheure pour l'année 2023. La hausse de la facture sera ainsi limitée et se situera, selon les cas, entre 20 et 40 %. Malgré tout, ces aides, moins protectrices que le bouclier tarifaire, ne permettront pas aux boulangers de faire face à la hausse du coût de l'électricité et des boulangeries risquent de fermer. Nous rencontrons les boulangers dans nos circonscriptions : ils sont extrêmement préoccupés.
Nous réitérons donc notre demande d'appliquer en 2023 le bouclier tarifaire à toutes les boulangeries payant l'électricité au tarif réglementé, indépendamment de la puissance de leur compteur électrique. Les entreprises gagneraient en sérénité à une telle simplification, alors que les dispositifs actuels, avouons-le, sont complètement inintelligibles pour les professionnels comme les particuliers.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Le Gouvernement partage votre inquiétude s'agissant de la situation des boulangers. Vous avez rappelé les dispositifs dont ils bénéficient : le bouclier tarifaire, pour ceux dont le compteur est d'une puissance inférieure à 36 kilovoltampères ; l'amortisseur électricité, si sa puissance est supérieure à ce chiffre. Nous avons en outre récemment garanti que le prix moyen du mégawattheure ne dépassera pas 280 euros.
Selon vous, ces mesures ne suffiraient pas nécessairement à assurer la pérennité de certaines boulangeries de notre pays. Il convient que les entrepreneurs concernés prennent contact avec les conseillers départementaux à la sortie de crise. J'ajoute, comme m'y invite votre question, que notre démarche est également proactive. Alors que les chambres de commerce et d'industrie ont commencé à contacter 20 000 entreprises pour les informer au mieux sur les aides, les chambres de métiers et de l'artisanat appelleront les 33 000 boulangeries de notre pays – elles en ont déjà appelé 11 000 –, pour s'assurer que chacune utilise bien toutes les mesures à sa disposition.
Monsieur le ministre délégué, après avoir interrogé hier le ministre délégué chargé de l'industrie sur la situation des bouchers, boulangers, artisans, TPE et collectivités ainsi que sur l'opportunité d'un retour aux tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRV) pour tous, je souhaite aujourd'hui vous alerter sur la situation des copropriétés. Les dispositifs prévus pour leurs résidents sont beaucoup moins favorables que ceux destinés à d'autres consommateurs.
Selon les chiffres de l'Anah – Agence nationale de l'habitat –, 180 000 copropriétés, représentant 2,3 millions de logements, étaient déjà en situation de fragilité avant la crise de l'énergie. Dans les copropriétés, les charges ne sont pas payées à flux tendu, mais à l'issue d'un vote en assemblée générale, souvent annuel, éventuellement bisannuel. La plupart de leurs résidents ne percevront dont les effets de la hausse des prix que très tardivement et le coup de bambou lors des régularisations sera parfois violent, alors que bon nombre d'entre eux sont des retraités et des locataires modestes aux situations d'endettement compliquées, qui accumulent les impayés et, par ricochet, mettent en difficulté les copropriétés déjà fragilisées en les forçant à assumer les impayés en question.
Comptez-vous instaurer un dispositif complémentaire pour couvrir cet angle mort ? Il faut identifier les copropriétés fragiles, les accompagner et éviter leur décrochage. Leurs résidents sont impuissants car ils ont peu de contrôle sur le type d'offre d'électricité retenu et ne peuvent parfois choisir les TRV, au contraire de nos autres concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous l'avez rappelé, trois décrets relatifs à l'application du bouclier tarifaire en habitat collectif ont été publiés le 30 décembre 2022. Ils concernent l'application du bouclier tarifaire collectif sur l'électricité au titre du second semestre 2022, ainsi que l'application des boucliers tarifaires collectifs sur le gaz et l'électricité en 2023.
Ces dispositifs n'étant pas tout à fait suffisants, ils ont été renforcés pour couvrir efficacement le chauffage collectif, qu'il soit électrique ou au gaz. Ainsi, les structures ayant dû contractualiser à des prix extrêmement hauts au cours du second semestre 2022 bénéficieront d'une aide spécifique complémentaire à la compensation au titre du bouclier tarifaire sur le gaz et l'électricité. Le Gouvernement rencontre les représentants des copropriétés chaque semaine : ils ont globalement réservé un accueil positif à cette mesure complémentaire, voire s'y sont montrés très réceptifs.
Quant à la question des impayés que vous citez, le fonds de solidarité pour le logement doit y répondre.
Ma question s'inscrit dans la continuité de la précédente. Depuis plusieurs mois, l'envolée des prix de l'énergie inquiète certains de nos concitoyens, conscients que cette crise de l'énergie nous oblige à repenser notre consommation, car elle affecte grandement les ménages, en alourdissant leurs dépenses. Les nombreux plans d'aides ont permis de contenir une partie de la hausse des coûts supportée par les particuliers, entreprises et autres structures collectives. À ce titre, nous saluons le travail du Gouvernement, car nous sommes conscients que sans l'intervention de l'État, les tarifs auraient été plus élevés.
Cependant, certains bénéficiaires des aides sont encore trop lourdement affectés. Je pense à ceux résidant dans des habitats collectifs qui sont équipés de chaudières à gaz – dans ma circonscription, en Vendée, c'est le cas des 72 résidences, comptant en tout 6 500 logements, de l'un des principaux offices publics de l'habitat.
Les locataires font face à une situation difficilement acceptable, malgré le bouclier instauré par l'État. Les charges mensuelles ont parfois été multipliées par quatre depuis le mois de mai, passant de 35 à 140 euros, comme je l'ai constaté lundi dernier, au cours d'un rendez-vous dans ma circonscription. Les températures sont parfois abaissées à 17 degrés la nuit, afin de limiter l'impact financier. Alors que la situation a évolué ces dernières semaines notamment grâce au décret du 30 décembre 2022, pouvez-vous nous rappeler les dispositifs prévus pour ces situations et nous indiquer s'ils vous semblent suffisants ?
Comme je l'ai déjà indiqué, trois décrets concernant directement l'habitat collectif ont été pris récemment. Ils ont été rédigés en concertation avec les acteurs – notamment celui que vous citez en Vendée. Nous avons renforcé le bouclier, ce top up qui permet de diminuer la charge des offices publics de l'habitat (OPH) afin d'éviter des transferts de charges qui grèveraient le pouvoir d'achat de nos concitoyens. En outre, le Gouvernement contacte chaque semaine les acteurs de l'habitat collectif et des copropriétés pour s'assurer qu'aucune augmentation de prix trop importante ne reste non corrigée à la suite de ses décisions.
Ces dernières semaines, à l'issue d'intenses consultations, le Gouvernement a annoncé des mesures de soutien importantes pour les TPE et PME, notamment artisanales. Je tiens à le saluer. Semaine après semaine, il répond aux demandes des différents secteurs et il est au rendez-vous pour soutenir les Français et les entreprises qui en ont besoin. Début décembre 2022, dans le cadre de la campagne en faveur de la sobriété énergétique, il a fait des annonces concernant les Ehpad et les structures sociales et médico-sociales, y compris les associations à but non lucratif et les établissements publics opérant dans le secteur concurrentiel.
Comment évaluez-vous l'exécution de ces dispositifs au 31 décembre 2022, notamment en ce qui concerne la diffusion de l'information et le taux de réponse des structures ?
Je souhaiterais également appeler votre attention sur le secteur du logement accompagné. Frappé, comme l'ensemble des acteurs, par la hausse des coûts de l'énergie, il est dans l'impossibilité de la répercuter – même partiellement – en raison de la fixation administrative des redevances demandées aux occupants. Du fait de son rôle social et de l'importance du logement dans le parcours d'inclusion, un dispositif spécifique est-il envisagé pour le logement accompagné, ou est-il déjà couvert par ceux existants ?
Enfin, la communication du Gouvernement indiquait que les dispositions pour 2023 seraient arrêtées fin 2022. Les dispositifs annoncés fin 2022 se poursuivront-ils en 2023 ?
Bien sûr, nous souhaiterions toujours que les dispositifs soient déployés plus rapidement. C'est pourquoi le Gouvernement a beaucoup réfléchi à la simplification de l'accès aux aides. Comme je l'ai indiqué, il a confié aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) le soin de contacter 20 000 entreprises et aux chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) celui de contacter toutes les boulangeries.
Vous m'avez également interrogé concernant les résidences sociales et le logement accompagné. Les structures – plutôt que les résidents – pourront bénéficier de l'amortisseur et du chèque énergie, ce qui freinera l'incidence de la crise de l'énergie.
Certaines thématiques, et non uniquement certains publics, sont les oubliées du bouclier tarifaire : vision à long terme, sobriété et justice sociale. Pour notre groupe, le bouclier tarifaire est insuffisant. En effet, l'inflation touche aussi les produits de première nécessité et l'alimentation. Les Français les plus modestes en sont réduits à opérer des arbitrages entre fin du monde et fin du mois. Les dispositifs de rénovation thermique sont également insuffisants. Dans le parc public, comme privé, les travaux ne sont donc pas au rendez-vous et les investissements sont en recul dans les collectivités, les universités, etc. Certes, il faut parer au plus pressé, mais il faut aussi préparer l'avenir.
Qu'en est-il de la justice sociale et de la sobriété ? Le bouclier tarifaire, mesure d'urgence, a permis de contenir une partie de la hausse des factures d'énergie, mais sans différencier les consommations essentielles – auxquelles se limitent les familles modestes – et les consommations superflues, par exemple celles des très grands logements ou des résidences secondaires. En appliquant le bouclier à l'intégralité des consommations, on n'atteint ni la justice sociale, ni la sobriété, qui vise à consommer uniquement ce qui est vraiment indispensable et à diminuer la consommation de ce qui l'est moins. Nous devons nous interroger sur ces aspects.
Votre question me permet de rappeler que l'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, qui vise à simplifier leur installation et qui traduit notre vision à long terme : il s'agit de sortir des énergies fossiles, en renforçant notre parc nucléaire et en augmentant très significativement notre capacité de production d'énergies renouvelables.
De leur côté, les mesures de soutien visaient à répondre, dans l'urgence, à la crise énergétique provoquée par la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine. C'est toujours le cas – le texte adopté hier aborde le sujet.
Vous m'interpellez sur la question sociale. Mais, au cours de l'année 2022, le bouclier tarifaire a été l'un des plus protecteurs en Europe, ce qui nous a permis de mieux protéger qu'ailleurs nos concitoyens de la hausse des prix, et plus généralement de l'inflation. Le bouclier est maintenu en 2023 et, pour les ménages modestes, il est complété par des chèques énergie et par une indemnité exceptionnelle pour les foyers les plus modestes. La protection des plus fragiles est donc au cœur de nos politiques.
Je souhaite vous faire part de l'inquiétude des collectivités locales, qui ne bénéficient pas toutes du bouclier tarifaire ni du filet de sécurité. Avec la flambée des coûts de l'énergie, de nombreuses communes dont la situation financière est déjà très fragile doivent s'acquitter de factures dont le montant a doublé, voire plus que triplé, par rapport à l'année précédente.
Face à cette situation exceptionnelle, le soutien de l'État doit être inconditionnel. Pourtant, vous avez choisi d'appliquer le bouclier tarifaire aux seules collectivités comptant moins de dix agents salariés et encaissant moins de 2 millions d'euros de recettes annuelles. Les autres devront se satisfaire de l'amortisseur électricité et du filet de sécurité. Mais les montants débloqués au titre de ce dernier ne seront accessibles aux communes qu'en 2024, et si elles remplissent trois conditions : faible potentiel financier ; baisse de 15 % de leur épargne brute entre 2022 et 2023 et recettes de fonctionnement représentant une lourde charge par rapport aux dépenses d'approvisionnement.
Ce dispositif ne nous paraît pas suffisant : ses conditions d'octroi sont bien trop restrictives, contrairement à ce que nos collègues avaient proposé au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Monsieur le ministre délégué, la baisse des dotations de l'État a laissé des traces importantes au sein des exécutifs locaux et cette décision vient à nouveau entamer la relation de confiance, déjà altérée, entre les élus locaux et les gouvernements successifs. Les collectivités locales assurent le fonctionnement des services publics indispensables à nos concitoyens : donnez-leur les moyens de remplir leurs missions. Allez-vous mettre en place un dispositif plus favorable aux collectivités afin qu'elles puissent faire face à l'augmentation exceptionnelle de leur facture énergétique ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et Écolo – NUPES.
L'État a déjà apporté des aides aux collectivités en 2022, ce qui leur a permis – en moyenne, bien entendu – de disposer d'une épargne en hausse de 2,1 milliards d'euros, soit + 8 % par rapport à 2021. Vous citez quelques-unes des aides existantes dans votre question ; j'ajouterai celles qui n'y figurent pas. Il s'agit de deux mécanismes généraux : la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité, la TICFE, de 22,50 à 0,50 euros, et la hausse du volume de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l'Arenh.
En outre, vous l'avez rappelé, les plus petites communes – soit 30 000 sur 35 000 – ont bénéficié du bouclier tarifaire…
…qui a limité à 4 % en moyenne en 2022 la hausse des tarifs réglementés de l'électricité et la limitera à 15 % à partir du 1er février 2023. Enfin, vous l'avez également rappelé, dès l'été 2022, un filet de sécurité a permis de limiter les conséquences de la hausse des prix de l'énergie pour les collectivités les plus touchées. Ces deux derniers dispositifs représentent environ 2,5 milliards d'euros de soutien de l'État aux collectivités.
Comment ne pas souligner l'immense paradoxe de ce débat organisé à l'initiative de vos amis du groupe Les Républicains ? Les plus fervents défenseurs de l'ouverture des marchés de l'énergie se font aujourd'hui les hérauts de l'intervention financière de l'État pour étendre le bouclier tarifaire ! Combien d'entre eux ont voté les lois qui nous placent dans le chaos énergétique actuel, notamment la sinistre loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite Nome, du gouvernement Fillon en 2010 ?
Ce débat aurait dû être intitulé « les oubliés du néolibéralisme ». Car les déterminants de l'explosion des prix du gaz et de l'électricité, nous les connaissons ! C'est l'ouverture des marchés, la destruction minutieuse d'EDF et de GDF – devenu Engie – et la remise en cause continue des tarifs réglementés de vente du gaz (TRVG) et de l'électricité (TRVE). Comment aborder un tel débat sans partir de ce constat ? Est-il raisonnable d'élargir chaque semaine les boucliers tarifaires sans aucun contrôle des contrats proposés par les opérateurs ? Est-il responsable de faire financer par l'État – c'est-à-dire par les contribuables – des compensations tarifaires à des groupes qui spéculent à hauteur de 43 milliards d'euros pour la seule année 2023 ? Est-il soutenable de refuser, quoi qu'il en coûte, la seule mesure efficace dans l'urgence – le retour des tarifs réglementés de vente (TRV) pour tous ? Pendant des décennies, ces TRV ont constitué le pilier de la politique tarifaire française et permis l'accès à prix régulé à l'énergie à tous les usagers.
Est-il acceptable de maintenir, quoi qu'il en coûte, l'Arenh et ses cadeaux aux fournisseurs alternatifs, véritable scandale public ruinant EDF ? Est-il responsable de refuser le retour des tarifs réglementés de vente pour toutes les collectivités ? C'était une proposition de loi des sénateurs communistes, que la droite a rejetée au Sénat il y a quelques semaines ! Comment justifier le maintien de l'extinction programmée à partir du 1er juillet 2023, prévue par la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, des tarifs réglementés de vente du gaz pour tous les particuliers ? Monsieur le ministre délégué, j'aimerais vous entendre sur ces différents points.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES. – M. Benjamin Saint-Huile applaudit aussi.
Je regrette très sincèrement que nos amis qui sont à l'origine de ce débat n'aient pas eu la patience d'en attendre le terme.
Sourires.
Je vous remercie pour votre question et vous assure qu'au-delà des mesures de soutien qu'il prend dans l'urgence, le Gouvernement plaide pour des évolutions structurelles du marché européen de l'énergie, auquel nous sommes néanmoins attachés. Il faut améliorer les modalités de fixation du prix de l'électricité,…
…aujourd'hui fondées sur le coût de production de la dernière unité. La France a obtenu de la Commission qu'elle prévoie une réforme du marché européen de l'énergie cette année et la présidente de la Commission a indiqué réfléchir à un découplage entre le gaz et l'électricité. Le Gouvernement appelle de ses vœux une telle réforme, y travaille, tout en souhaitant, je le répète, rester dans le marché européen de l'énergie.
Angoisse, perplexité, incompréhension : tel est, résumé en quelques mots, l'état d'esprit de nombreux artisans, industriels, agriculteurs et habitants de nos circonscriptions face à la nébuleuse qu'est le bouclier énergétique.
Dans le Nord, dont je suis élu, j'échange depuis plusieurs semaines avec ceux qui subissent de plein fouet l'escalade des prix de l'énergie. Je pense, parmi d'autres, à ces commerçants dont le budget électricité est passé de 18 000 à 78 000 euros ; je pense aux industriels du textile et aux dentelliers, qui font la fierté du Cambrésis : leur coût de revient est lié au prix de l'électricité. Ils ont besoin d'être soutenus pour continuer à s'imposer sur les marchés mondiaux.
L'angoisse est ainsi celle des entreprises : au mieux, elles se résignent à augmenter leurs prix ; au pire, elles passent en activité partielle, voire licencient. Elle est aussi le lot de nombre de nos concitoyens, encore trop souvent logés dans des passoires thermiques : ils en sont réduits à ne plus beaucoup se chauffer en hiver.
La perplexité naît de l'absence de recours aux aides, trop complexes et trop changeantes. On ne compte plus les chefs d'entreprise, déjà submergés par les efforts à fournir quotidiennement pour maintenir leur affaire à flot, qui renoncent à les demander.
L'incompréhension, enfin, est la conséquence de mesures jugées inéquitables. Des boulangers, par exemple, me disent qu'ils ne remplissent pas toutes les conditions pour bénéficier du bouclier tarifaire. Que dire des bouchers, des fleuristes, des restaurateurs, qui restent au bord du chemin alors qu'ils sont eux aussi à la peine ?
N'est-il pas urgent de simplifier au maximum le recours au bouclier énergétique, afin d'éviter aux chefs d'entreprise de passer des heures à essayer de comprendre s'ils satisfont à tous les critères exigés, à réunir les justificatifs et à remplir des formulaires en ligne ?
Les délais accordés posent de trop nombreuses difficultés aux professionnels et aux comptables : comptez-vous y remédier ?
Pouvez-vous garantir que les points d'accueil qui seront installés dans chaque préfecture seront efficaces ?
Permettez-moi de réaffirmer que le Gouvernement a bien l'intention de couvrir l'ensemble des Français, qu'il s'agisse des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales.
Vous avez mentionné à plusieurs reprises le cas des entreprises : l'idée est bien de toutes les protéger, d'autant mieux qu'elles sont plus petites. Aussi avons-nous instauré un bouclier tarifaire pour les plus petites ; un amortisseur électricité pour celles qui le sont un peu moins ; un guichet d'aide au paiement des factures d'énergie pour celles qui sont plus importantes.
S'agissant de la complexité des dispositifs, le Gouvernement a travaillé cet hiver à en simplifier l'accès, en mettant à disposition des entrepreneurs les numéros de ligne directe et de téléphone portable des conseillers départementaux à la sortie de crise ; ces numéros sont publiés sur le site impots.gouv.fr. Nous avons également sollicité les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat afin qu'elles contactent directement les entreprises pour les aider à accéder aux aides.
Néanmoins, il est possible que certaines entreprises passent entre les mailles du filet : votre aide pour les identifier est la bienvenue, afin que nous ajustions les dispositifs au fil de l'eau, comme nous l'avons fait pendant la crise liée au covid.
Bonne année, monsieur le ministre délégué ! Si vous assistez aux cérémonies de vœux organisées par les maires, vous rencontrerez des élus inquiets. Dans le prolongement de celle de Mme Bourouaha, ma question est relative à l'accompagnement des collectivités territoriales. Vous le savez, la crise énergétique a sur elles de multiples incidences. Le Gouvernement tente d'y répondre, parfois immédiatement, parfois avec un peu de retard, chacun mesurant l'anticipation à la lumière de son expérience personnelle. Nous pourrions également évoquer le cas des restaurateurs ; ils ont été reçus à Bercy il y a quelques jours pour recevoir des réponses précises à leurs questions.
Vous citez le chiffre de 2,5 milliards, correspondant au bouclier tarifaire, au filet de sécurité et à l'amortisseur. À ce stade, cet argent est théorique – pardonnez-moi l'expression. Nous constaterons à la lumière de la réalité budgétaire de l'année 2022, et surtout de l'année 2023, ce que le Gouvernement aura été capable de faire. Je voudrais que vous nous donniez une photographie du recours exact aux dispositifs à ce jour.
Par le passé, vous avez souhaité faire disparaître la taxe d'habitation (TH) ; plus récemment, sans que personne ne vous l'ait demandé, vous avez décidé de supprimer la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; pour des raisons que l'on peut entendre, mais dont les conséquences sont importantes, vous avez refusé d'indexer sur l'inflation la dotation globale de fonctionnement (DGF). Ainsi, les communes sont dans une situation de doute critique – on en parle beaucoup, mais les intercommunalités sont dans le même cas. Or le bloc communal assume une part très significative de l'investissement public : un ralentissement de ce dernier, lié à une dégradation des résultats, est à prévoir. Vous évoquiez l'épargne de 2022 ; étant donné le relèvement à 15 % de la limitation de la hausse des prix, la situation de ces 30 000 communes sera malheureusement beaucoup moins évidente en 2023.
Je vous remercie donc de nous informer de la réalité et du pragmatisme des dispositifs que le Gouvernement a créés.
Vous avez raison : 2,5 milliards, ce n'est pas assez. Il faut ajouter à ce chiffre les 2 milliards du Fonds vert, les 2 milliards de l'habituelle dotation à l'investissement et les 7 milliards du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA), soit 11 milliards supplémentaires. L'ensemble fait progresser de 11 % le soutien à l'investissement des collectivités. C'est évidemment indispensable : nous avons besoin de l'investissement des collectivités pour des raisons économiques, ainsi que pour leur action en faveur de la transition écologique. Nous avons déjà évoqué la question de la rénovation thermique des bâtiments.
S'agissant du guichet d'aide, vous avez raison de signaler qu'il est peut-être insuffisamment utilisé. Une nouvelle fois, j'invite tous les députés à faire connaître les dispositifs de soutien, parallèlement à l'effort que déploient en ce sens les chambres de commerce et les chambres de métiers.
L'amortisseur, enfin, entrera en vigueur le 1er février, sur le fondement des factures de janvier. À ce moment-là, nous pourrons mesurer la connaissance que les entreprises ont du dispositif et la manière dont elles se le sont approprié.
Ces derniers mois, certains copropriétaires de résidences privées, de gestionnaires d'organismes d'habitat social, de foyers d'accueil médicalisés, d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et de résidences habitat jeunes ont vu leurs factures d'énergie augmenter considérablement, parce que le contrat conclu avec leur fournisseur d'énergie arrivait à terme avant la fin de 2022.
De plus, depuis le 1er janvier 2023, les copropriétés qui bénéficient du tarif dit jaune subissent les effets de la suppression du bouclier tarifaire.
Pour les copropriétés de résidences privées, après négociation, les prix d'achat du gaz ont été multipliés par trois, ceux de l'électricité par deux. Des mesures de protection contre l'augmentation du coût du gaz pourraient être adoptées dans les prochains mois. Dans leur majorité, ces copropriétaires ont économisé, ou économisent, pour acquérir leur résidence principale ; nombre d'entre eux n'ont pas les capacités financières pour amortir de telles hausses de charges.
Les gestionnaires d'organismes d'habitat social voient le montant des factures d'énergie se démultiplier, sans pouvoir répercuter la hausse sur leurs locataires ; les foyers d'accueil médicalisés et les Ehpad ne bénéficient d'aucune compensation, alors que l'augmentation du coût de l'énergie ne peut pas non plus être répercutée sur le prix de journée. Les prix des habitats jeunes comprennent les charges, notamment de chauffage. Ces résidences accueillent des jeunes actifs, âgés de 16 à 30 ans, qui perçoivent de faibles revenus. Elles ont un statut associatif et ne bénéficient pas du bouclier tarifaire sur l'électricité, ni des aides d'urgence destinées aux entreprises. Elles bénéficient du bouclier sur le prix du gaz, mais ne peuvent estimer l'incidence sur leur budget de hausses de plus de 900 %. Les bilans d'exploitation de la plupart de ces structures ne seront plus équilibrés, et les risques de défaillance sont très élevés.
Monsieur le ministre délégué, pouvons-nous espérer rapidement des mesures visant à protéger ces oubliés du bouclier énergétique ?
Je vous remercie pour votre question très précise. Je vais répondre à certains aspects ; mes services et moi nous tenons à votre disposition pour vous apporter des éclaircissements complémentaires.
S'agissant de l'habitat collectif, trois décrets ont été pris le 31 décembre 2022 ; ils concernent également les casernes, les Ehpad, les logements intermédiaires, les foyers de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Ils contiennent le fameux renforcement de l'aide aux copropriétés, notamment à celles – le quart d'entre elles – qui ont subi les plus fortes hausses du prix de l'énergie.
Comme je l'ai précédemment évoqué, des réunions ont été fréquemment organisées entre les représentants du secteur et le Gouvernement, afin de nous assurer de la bonne diffusion des dispositifs et de prévoir les aménagements nécessaires. Je le répète, je me tiens à votre disposition pour tout complément.
Il ne faut pas avoir peur de le dire : les Français sont mieux protégés que tous nos voisins européens. En raison de l'ampleur de la crise, de la complexité des dispositifs à déployer et de la diversité des situations des bénéficiaires, il faut toutefois veiller à éviter les omissions. Dans cette perspective, permettez à l'ancien ministre de la cohésion des territoires que je suis de vous parler de l'économie hivernale de la montagne, frappée de plein fouet par la crise énergétique. Je remercie le Gouvernement d'avoir inclus les régies publiques de remontées mécaniques parmi les bénéficiaires de l'amortisseur d'électricité : sans cette mesure, elles auraient été condamnées à fermer à court terme.
Monsieur le ministre délégué, je vous remercie également pour vos propos concernant l'année de référence : pour elles, il ne pourra s'agir de 2021, puisque les remontées mécaniques et la plupart des commerces étaient fermés administrativement.
Je crois néanmoins que les dispositifs doivent être mieux adaptés aux spécificités des territoires. Les remontées mécaniques sont un service public de transport, au sens de la loi d'orientation des transports intérieurs, la Loti ; elles relèvent donc du régime des délégations de service public (DSP), ce qui rend les ajustements tarifaires très difficiles, a fortiori dans un domaine concurrentiel à l'échelle internationale. En outre, leur consommation d'électricité connaît un pic hivernal ; le système d'écrêtement limite leurs droits aux taux d'Arenh, qui vont de 10 à 30 %, contre 50 % pour d'autres secteurs. Les récentes modifications d'EDF font craindre des scénarios plus catastrophiques encore. Ces entreprises sont d'autant plus en difficulté que leurs contrats d'électricité ont été signés sous les fourches caudines, avant l'ouverture de la saison, à des montants prohibitifs, parfois sous la menace des distributeurs, en particulier concernant le taux d'Arenh, et sans aucune clause de revoyure.
Outre la nécessité de faire en sorte qu'à terme les tarifs proposés soient adaptés au rythme saisonnier d'exploitation, si je devais ne formuler aujourd'hui qu'une seule demande, monsieur le ministre délégué, ce serait qu'après la crise inflationniste, et même dès maintenant, vous permettiez la renégociation des contrats, en imposant des clauses de revoyure. Toute l'économie des territoires concernés dépend de votre réponse.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit également.
Monsieur le député de la montagne ,
Sourires
vous avez raison de souligner que les régies publiques bénéficient de l'amortisseur, ou qu'elles y sont éligibles.
S'agissant de l'année de référence, le cadre juridique de l'aide est européen, mais la difficulté a été identifiée et le Gouvernement travaille à la lever. Le problème se pose également pour les entreprises créées après 2021, qui ne disposent pas non plus d'année de référence.
Quant aux opérateurs de stations de ski qui auraient signé des contrats à des prix démesurés, le dispositif du Gouvernement prévoit dans un premier temps de tenter de trouver un terrain d'entente avec les distributeurs, grâce au Médiateur national de l'énergie et aux conseillers départementaux à la sortie de crise.
Le Gouvernement connaît les multiples difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs de la montagne : il se tient à votre disposition pour y travailler et trouver une solution.
Dans le cadre du programme 345 de la loi de finances pour 2023, Service public de l'énergie, dont je suis le rapporteur spécial, le Gouvernement a plafonné la hausse des tarifs du gaz grâce au bouclier énergétique. En dépit de cette prise en charge, des disparités d'application sont apparues partout en France, en particulier en Meurthe-et-Moselle, notamment à Jarville-la-Malgrange. À l'initiative du maire, un dialogue a été établi ; les services de la préfecture ont établi un chiffrage des immeubles concernés dans l'ensemble du département. La situation était bien connue de l'Union sociale pour l'habitat (USH), avec laquelle j'ai pu entrer en contact grâce à la diligence des services et du cabinet du ministre délégué chargé de la ville – je les en remercie.
Après avoir pris la mesure du problème, le Gouvernement a constaté que ces hausses résultaient de contrats de gaz inappropriés, conclus en août 2022 pour l'année suivante au prix le plus haut, et surtout à prix fixe. Ces contrats ont été souscrits à la hâte, avec le seul énergéticien privé qui avait accepté de répondre à l'appel d'offres. Les gestionnaires de logements sociaux ont été amplement rassurés le 29 novembre dernier, avant les copropriétés collectives le 8 janvier. Cependant, les discussions se poursuivent et certains bailleurs se trouvent toujours engagés par de tels contrats. Par ailleurs, la question reste posée de la répartition des rôles entre énergéticiens dans ce type de situations. Le 18 janvier, la commission des finances auditionnera l'ensemble des acteurs à ce sujet.
Grâce à la diligence de vos services, nous avons pu cerner la nature des contrats souscrits, la façon dont les conseils ont été fournis, ainsi que le mode de prise de décision des gestionnaires de logements sociaux. Il s'agit de clarifier le mécanisme de soutien des contrats, de déterminer pourquoi ils n'ont pas été couverts par le dispositif initial de couloir tarifaire et comment ils le seront, y compris l'an prochain si des tensions nouvelles apparaissaient dans le secteur gazier. En un mot, il convient de répartir le soutien public entre les bailleurs et les énergéticiens, et d'inviter tous les fournisseurs à participer aux appels d'offres. C'est le sens du travail que vous avez engagé, monsieur le ministre délégué, et l'objet de ma question.
Vous appelez à juste titre l'attention sur une situation qui a été évoquée tout à l'heure par Mme Bellamy, députée de Vendée : des gestionnaires de logements sociaux et des copropriétés collectives ont signé des contrats d'approvisionnement en énergie à des prix prohibitifs. En revenant à 87 euros le mégawattheure au 31 décembre 2022, les prix du gaz ont retrouvé leur niveau de 2021. Cela permet d'espérer qu'au-delà du problème conjoncturel qu'il convient de résoudre, nous pourrons rétablir une situation à peu près normale.
Comme vous l'avez dit, les échanges entre les représentants du secteur, les élus et le Gouvernement ont conduit celui-ci à prendre trois décrets instaurant un dispositif de renforcement de l'aide. Vous avez évoqué l'audition prochaine par la représentation nationale des participants à ces échanges ; sachez que le réseau Batigère est particulièrement suivi par le ministère délégué de la ville et du logement.
En octobre 2021, le Gouvernement a instauré un plafond de 4 % pour l'augmentation des tarifs de l'électricité et du gaz, qui a été renouvelé et fixé à 15 % pour 2023 – nous l'avons voté dans le projet de loi de finances. Des remises sur les prix du carburant ont également été prévues pour soutenir les ménages face à la hausse des coûts énergétiques. Ce bouclier tarifaire, comme nous l'appelons, a permis de réduire de moitié l'impact de la hausse des prix sur l'inflation, ainsi que l'a récemment indiqué l'Insee. Cela fait de la France l'un des pays d'Europe où l'inflation a été la moins élevée.
Cependant, plusieurs structures précédemment évoquées, notamment les copropriétés et les HLM, n'étaient initialement pas couvertes par le bouclier tarifaire. Les ménages concernés ont continué à voir leurs coûts de chauffage collectif, qu'il soit au gaz ou à l'électricité, augmenter de manière importante. Il était donc nécessaire de trouver une solution rapide et adaptée pour les protéger, par le biais du bouclier tarifaire. C'est désormais chose faite grâce aux décrets pris ces dernières semaines.
Toutefois, la procédure peut apparaître relativement complexe pour certains de nos compatriotes, qui ne comprennent pas que le bouclier tarifaire ne s'applique pas de manière immédiate, comme pour ceux disposant de compteurs individuels. Ainsi, pour le gaz, l'aide est reversée par l'intermédiaire des fournisseurs, qui doivent présenter une demande pour le compte et au bénéfice des ménages concernés ; ils reversent ensuite les sommes perçues aux bailleurs, aux syndicats de copropriétaires ou aux régies, qui remboursent alors les copropriétaires ou les locataires des bailleurs sociaux. Cet enchevêtrement de remboursements peut être long et surtout coûteux pour les bénéficiaires, alors que le montant des appels de charges reçus ces dernières semaines a explosé.
Monsieur le ministre délégué, comment le Gouvernement envisage-t-il de simplifier les procédures de remboursement et d'en contraindre les délais, afin de ne pas placer nombre de nos concitoyens dans une situation financière tendue ? Un remboursement rétroactif est-il prévu pour les factures d'électricité des chauffages collectifs pour l'année 2022 ?
Vous soulignez à juste titre que les aides instaurées en 2022, après avoir été discutées et adoptées par cette assemblée, ont permis de limiter l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat des Français, de limiter l'inflation elle-même et de placer la France en tête des pays où les prix ont le moins augmenté.
Nous débattons cet après-midi des oubliés du bouclier tarifaire et vous évoquez le cas des copropriétés et des HLM. Après avoir rappelé les mesures prises suite aux échanges entre la profession et le Gouvernement, vous insistez sur un point important : ces aides doivent parvenir le plus vite possible à leurs destinataires.
Je peux d'ores et déjà vous communiquer deux éléments. Très prochainement, il ne sera plus nécessaire pour chaque organisme de se tourner vers l'Agence de services et de paiement (ASP) pour bénéficier de l'aide. Le mécanisme sera inversé : c'est l'ASP qui se rapprochera d'eux pour effectuer les versements. En outre, des avances, représentant 50 % du montant de l'aide au titre du second semestre 2022, pourront être négociées. Ces deux mesures accéléreront les processus et limiteront l'impact de l'attente du versement des aides sur les trésoreries.
Depuis la fin de la crise sanitaire, l'industrie française a vu sa consommation d'énergie augmenter et dépasser celle de 2019 dans quasiment tous les secteurs. Dans le même temps, les prix de l'énergie ont augmenté de plus de 46 % en 2021. Des mesures importantes ont été instaurées très tôt, comme le bouclier tarifaire pour les particuliers et les TPE ou encore l'amortisseur électricité pour les PME. Citons également le guichet d'aide au paiement des factures de gaz et d'électricité pour les ETI et les grandes entreprises. Ces mesures ont été prolongées en 2023.
Toutefois, ces dispositifs peuvent encore être améliorés et je souhaite interroger le Gouvernement à ce sujet. Quelles mesures supplémentaires ont-elles été instaurées pour les entreprises très consommatrices d'énergie, comme les forges et les fonderies ? Certaines d'entre elles ont été obligées d'arrêter leur activité ou de produire la nuit, pendant les heures creuses. Par ailleurs, quelles actions ont-elles été engagées pour les entreprises créées après le 1er décembre 2021, non éligibles à ces aides ?
De nombreux particuliers ne sont pas couverts par les tarifs réglementés et demeurent exclus des mesures de protection. L'Association nationale de défense des consommateurs et usagers demande de repousser de deux ans la fin du tarif réglementé de vente de gaz pour les 2,6 millions de ménages concernés, prévue le 30 juin 2023, en faisant valoir son caractère protecteur dans un marché devenu toxique. De même, les locataires ayant souscrit un abonnement collectif de chauffage ne bénéficient pas des mêmes mesures de protection que ceux disposant d'un abonnement individuel. Enfin, les banques alimentaires, qui ont un statut d'association, ne sont pas éligibles aux aides, au contraire des entreprises, des administrations ou des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre délégué, quelles solutions rapides et efficaces peuvent-elles être mises en place pour nos compatriotes exclus des dispositifs de protection en matière énergétique ?
Je réaffirme ici que notre intention consiste bien à couvrir l'ensemble des entreprises, en leur apportant une protection d'autant plus grande qu'elles sont petites. Ainsi, nous avons créé le bouclier pour les plus petites d'entre elles, l'amortisseur pour celles qui sont un peu plus grandes et le guichet pour les plus grandes. Ce dernier permet, selon certains critères, d'accéder à une aide plafonnée à 4 millions d'euros, mais aussi à des aides pouvant aller jusqu'à 50 ou 150 millions d'euros pour les entreprises les plus durement touchées par la crise de l'énergie, en particulier les entreprises industrielles et les grandes entreprises.
Pour les particuliers, le bouclier tarifaire limitera l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité à 15 % en moyenne pour l'année 2023. S'y ajoutent des chèques visant le chauffage, le carburant et l'inflation plus généralement, pour les foyers les plus modestes. Cela doit permettre d'assurer la meilleure protection à nos concitoyens.
Quant aux associations, je suis prêt à en discuter avec vous à l'issue de cette séance, mais les dispositifs concernant les entreprises s'y appliquent également ; elles devraient en principe y accéder. Si tel n'était pas le cas, je vous remercie de nous le faire savoir.
La crise énergétique menace de disparition les entreprises françaises, qui ont pourtant survécu à la crise sanitaire. Elles avaient alors été contraintes de s'endetter pour payer leurs charges, avec des PGE que beaucoup d'entre elles ne peuvent plus assumer. Cette crise énergétique est la conséquence de votre politique : la France produit l'électricité la moins chère d'Europe, qu'elle est contrainte de racheter au prix fort sur le marché européen de l'énergie. Vous avez fait le choix d'indexer le prix de l'électricité sur celui du gaz, alors que nous produisons de l'électricité nucléaire décarbonée à un prix défiant toute concurrence.
C'était compter sans l'ouverture à la concurrence de la distribution d'énergie et la fin des tarifs réglementés, qui ouvrent la porte à la spéculation et aux superprofits d'opérateurs financiers sans scrupules. Cette politique spoliatrice est une déclaration de guerre contre les Français, nos artisans, nos commerçants, nos agriculteurs et nos coopératives viticoles, qui, dans l'Aude, font face à une situation intenable. Elle est maintenue pour assurer la survie des centrales au gaz allemandes, non rentables. L'Allemagne ne supporte pas que la France tire de ses centrales nucléaires un avantage compétitif face au fiasco de choix énergétiques qui l'ont rendue dépendante au gaz russe. Combien d'entreprises françaises seront-elles sacrifiées pour sauver les centrales au gaz allemandes et enrichir un marché de l'énergie excessivement spéculatif ?
Dans votre novlangue habituelle, vous avez créé deux dispositifs : le bouclier tarifaire et le dernier-né, un obscur amortisseur électricité. Autrement dit, vous proposez de prélever des taxes pour distribuer des chèques, alors que les entrepreneurs veulent vivre de leur travail et non de l'assistanat.
Monsieur le ministre délégué, j'ai deux questions à vous poser. Pour parer à l'urgence et redonner confiance aux TPE et aux PME, pourquoi ne pas envisager de supprimer le segment C4 – ex-tarif jaune – et d'appliquer le tarif bleu à toutes les petites entreprises, simplifiant ainsi le traitement, pendant une période de dix-huit mois ? Et quand allez-vous prendre la seule décision sensée et pérenne dans cette crise, à savoir sortir du marché européen de l'énergie, comme l'ont fait l'Espagne et le Portugal ? Il n'y a pas de fatalité à cette crise. L'énergie est un bien collectif et stratégique, qui doit être géré dans le seul intérêt des Français et rester entre les mains d'un État stratège.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Ces dispositifs, qui sont bien dénommés en français et non en novlangue, font partie de l'ensemble des mesures qui ont permis depuis un peu plus d'un an de contenir les effets dramatiques de la hausse des prix de l'énergie sur le pouvoir d'achat des Français. Cette hausse est largement provoquée par la guerre déclenchée par la Russie de Vladimir Poutine contre l'Ukraine.
Il ne nous apparaît pas que la solution soit de sortir du marché européen de l'énergie, puisqu'il nous arrive d'exporter, mais aussi d'importer de l'électricité ; nous sommes très interconnectés avec les autres pays européens. En revanche, l'intention du Président de la République et du Gouvernement est ferme : réformer le marché de l'énergie pour découpler les prix du gaz et de l'électricité et faire en sorte de bénéficier de l'électricité à un prix plus proche de son coût de production en France. Par ailleurs, nous avons beaucoup d'ambition pour notre filière nucléaire : nous avons annoncé le déploiement de six EPR supplémentaires et la mise à l'étude de huit autres. Nous en débattrons prochainement au Parlement et je ne doute pas que nous pourrons compter sur votre soutien à ce moment-là.
Boulangers, bouchers, restaurateurs, TPE, PMI – petites et moyennes industries –, PME, vous les avez oubliés. Vous les avez plongés dans une détresse totale. Ils ne peuvent plus faire face aux factures d'électricité, multipliées jusqu'à dix, parfois plus. Si vous ne changez rien, l'endettement, les licenciements et les fermetures les attendent.
Je suis allé à la rencontre des boulangers de ma circonscription. Plus qu'une question, c'est une inquiétude qui se répète : « Comment vais-je payer la facture ? Jusqu'à quand vais-je pouvoir tenir ? » Les artisans des petites communes font vivre les territoires et leurs commerces sont souvent les derniers lieux de rencontre des villages. Que se passera-t-il quand votre politique aura eu raison d'eux ? Qu'avez-vous réellement derrière la tête pour malmener les artisans comme vous le faites ?
Vous avez passé les dernières semaines à promettre des ristournes soumises à conditions, mais nombre de personnes ne s'y retrouvent pas. Les artisans n'attendent pas de grands mots ou l'annonce d'un chèque : ce qu'ils veulent, c'est vivre sereinement de leur métier.
Une solution pragmatique consisterait à sortir du système européen du prix de l'électricité, comme l'Espagne et le Portugal. Ma question est simple : quand aurez-vous le courage de vous lever face à l'Allemagne ? Quand défendrez-vous les intérêts de notre pays et de ceux qui font sa richesse ? Monsieur le ministre délégué, la politique de l'autruche, cela suffit ! Assumez vos erreurs et prenez enfin des décisions justes et pérennes !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Parmi les décisions justes et pérennes figure l'adoption hier par votre assemblée du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
Je regrette que vous ne l'ayez pas voté, puisqu'il constitue l'une des réponses structurelles aux problèmes que nous connaissons.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
S'agissant des aides aux artisans et plus généralement aux entreprises, l'intention du Gouvernement est de protéger toutes les entreprises, en protégeant d'autant plus les plus petites d'entre elles – donc les TPE. Pour rappel, les entreprises qui réalisent moins de 2 millions d'euros de chiffre d'affaires et qui emploient moins de dix salariés sont éligibles au bouclier, qui limite la hausse du prix du gaz et de l'électricité à 15 % en moyenne, à condition que leur puissance ne dépasse pas 36 kilovoltampères. Celles dont la puissance est supérieure sont éligibles à l'amortisseur, qui permettra de limiter l'impact des prix de l'énergie.
Le Gouvernement a constaté que le dispositif de l'amortisseur était insuffisant pour nombre d'entreprises, en particulier pour les boulangers. C'est la raison pour laquelle il a obtenu des énergéticiens la garantie que le prix du mégawattheure ne dépasserait pas 280 euros en moyenne pour l'année 2023. Cette protection très forte, qui s'appliquera donc à toutes les TPE, est bienvenue.
J'aimerais vous alerter sur deux points. Tout d'abord, la détresse des agriculteurs de mon département, qui ont de nouveau manifesté le 14 décembre parce qu'ils ne bénéficient pas du bouclier tarifaire. Les agriculteurs se sentent totalement abandonnés. Pouvez-vous nous expliquer quels éléments vous ont conduit à leur refuser l'accès au bouclier tarifaire, alors même qu'ils sont ceux qui souffrent le plus de la situation actuelle ? Pour eux, l'augmentation du prix de l'énergie vient s'ajouter à l'inflation du prix des intrants, à l'augmentation du prix de l'alimentation animale, aux nombreuses crises comme la grippe aviaire chez les éleveurs, ou encore à l'alternance d'épisodes de gel et de sécheresse qui ont été particulièrement durs dans le Tarn-et-Garonne.
Tout à l'heure, vous nous avez dit que les agriculteurs percevaient des aides. Sachez que lorsque le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est venu au mois de novembre, il a effectivement proposé des aides aux agriculteurs, mais dont le montant était bien en deçà de leurs attentes et de leurs pertes réelles. Ils sont donc doublement oubliés.
Le second point concerne les modalités de financement du bouclier énergétique. Selon le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il a déjà coûté 100 milliards d'euros depuis trois ans. Est-ce de la dette ? Combien va-t-il nous coûter encore en 2023 ?
Mon sentiment est que depuis le confinement, vous n'êtes jamais sortis du « quoi qu'il en coûte ». Pourquoi n'avez-vous pas eu le courage de privilégier une solution beaucoup moins chère et beaucoup plus durable, à savoir négocier, comme le Portugal et l'Espagne, une dérogation au principe du coût marginal européen ? Voilà des mois que vous devriez avoir invoqué le cas de force majeure. Mais que de courage aurait-il fallu pour entamer le bras de fer nécessaire avec la Commission européenne, qui nous impose d'acheter l'électricité beaucoup plus cher qu'elle ne coûte en réalité à produire !
Alors, si votre politique est celle du chèque en blanc, dites-le clairement aux Français. Assumez que le bouclier tarifaire est une solution politique bas de gamme qui appauvrit l'État et endette nos enfants. Demain, ce seront eux les grands oubliés du bouclier tarifaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Comme toutes les entreprises de France, les agriculteurs sont éligibles aux aides qui ont été présentées. Lorsqu'elles ne suffisent pas à assurer la pérennité de l'entreprise, la bonne chose à faire est de prendre contact avec le conseiller départemental à la sortie de crise, afin de trouver des solutions, en demandant auprès de l'Urssaf le report des cotisations et des charges. Si des cas particuliers n'ont pas été identifiés, il ne faut pas hésiter à nous les faire remonter.
À cette réponse aux problèmes liés au prix de l'énergie viennent s'ajouter les aides que j'évoquais tout à l'heure, notamment 480 millions d'euros pour l'aide à l'alimentation animale.
Quant aux aides aux entreprises, qui s'élèvent au total à 12 milliards d'euros, c'est la contribution européenne demandée aux énergéticiens qui permettra de les financer cette année. Comme vous le savez, elle rapportera en effet au titre de l'année 2023 environ 12 milliards d'euros.
S'agissant de la sortie du marché européen de l'énergie, je tiens à préciser la réponse que j'ai donnée tout à l'heure. Parmi les bénéfices de l'interconnexion avec les autres pays européens figure la possibilité d'importer de l'électricité, comme c'était le cas il y a quelques mois lorsque notre parc rencontrait des difficultés pour produire la quantité d'électricité dont la France avait besoin, mais aussi d'exporter de l'électricité vers d'autres pays dans les mois qui viennent, ce qui contribuera évidemment à la croissance du nôtre.
La France compte un peu plus de 36 000 communes. Or un peu plus de 25 000 d'entre elles ne sont pas raccordées au gaz de ville. En raison de cette absence de raccordement, près de 600 000 foyers sont contraints de se tourner vers le gaz de pétrole liquéfié – GPL –, tel le propane, pour se chauffer, non par choix mais par nécessité, faute d'équipement adéquat sur leur territoire.
Au moment même où les prix du GPL enregistrent une hausse de 17 % et alors que la facture de gaz d'un foyer moyen s'élève à près de 2 000 euros par an, leur exclusion du bouclier tarifaire est profondément injuste. Nous parlons de ménages qui vivent en milieu rural, où le taux de pauvreté est supérieur à celui du milieu urbain, et où chauffer son domicile coûte plus cher compte tenu de la vétusté du parc immobilier. Dans ces régions rurales, ce ne sont pas vos chèques qui aideront ces personnes à se chauffer décemment et à sortir de la précarité énergétique.
Il est temps de mettre en place de vraies mesures pérennes, comme l'a déjà proposé Marine Le Pen : abaisser à 5,5 % le taux de TVA sur les énergies et sortir du marché européen.
Qu'attendez-vous pour enfin protéger les Français ? Quand cesserez-vous de mettre en œuvre des solutions cache-misère que les contribuables finiront par payer un jour ou l'autre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Non, nous ne croyons pas qu'une baisse de la TVA soit bienvenue ou soit le moyen le plus efficace : la dernière fois que cette mesure a été prise dans notre pays, les prix n'ont pas baissé. C'est la raison pour laquelle nous lui avons préféré l'instauration de boucliers sur les prix du gaz et de l'électricité ainsi que des aides directes aux ménages concernés, en particulier les plus modestes.
À ce stade de nos débats, je tiens à les rappeler. À compter du mois de décembre 2022, le chèque énergie exceptionnel a été attribué à 12 millions de familles modestes, pour un montant total estimé à 1,8 milliard d'euros. Un chèque exceptionnel de 100 ou 200 euros est versé aux ménages modestes qui se chauffent au fioul – environ la moitié des ménages qui y recourent y sont éligibles –, pour un montant total de 200 millions d'euros. Depuis la fin du mois de décembre, les ménages qui se chauffent au bois bénéficient d'un chèque spécifique d'un montant compris entre 50 et 200 euros, selon le mode de chauffage.
Par ailleurs, des aides sur le carburant ont été allouées. Entre le 1er avril et le 31 décembre 2022, l'aide à la pompe a représenté 7,6 milliards d'euros et une subvention spécifique aux entreprises de transport routier a également été attribuée, en fonction de la taille des entreprises, pour un montant de 400 millions d'euros. Enfin, en 2023, un chèque de 100 euros pour les dépenses de carburant sera distribué aux ménages éligibles pour un montant total de 1 milliard d'euros.
Vous citez l'exemple du gaz de pétrole liquéfié. Ce moyen de chauffage n'a pas fait l'objet d'un chèque spécifique, car son prix est resté très stable sur l'ensemble de cette période. Un soutien particulier n'était donc pas nécessaire.
Exclamations sur les bancs du groupe RN.
Le bouclier tarifaire, prolongé en 2023, promettait d'aider les plus précaires à faire face à l'augmentation des coûts de l'énergie. Or la hausse des prix de l'énergie pèse, encore une fois, beaucoup plus sur les citoyens les plus pauvres. Même dans un logement bénéficiant de tarifs réglementés, et donc du bouclier énergétique, il sera question cette année d'une augmentation de la facture de l'ordre de 300 euros par an. C'est clairement intenable.
Pour les citoyens les plus précaires, c'est la double peine. Les ménages les plus pauvres vivent dans les logements les plus vétustes et les moins bien isolés. Pour se chauffer, ils payent en moyenne leur abonnement de gaz 13 % plus cher que les ménages aux revenus moyens, du fait d'équipements moins performants et d'une mauvaise isolation. Certains locataires anticipent les charges de fin d'année et prévoient de ne pas remettre le chauffage en hiver, pour ne pas être défaillants au moment de la régularisation.
Par ailleurs, les hébergements collectifs, les copropriétés et les HLM qui ne bénéficient pas des tarifs réglementés voient leurs factures d'électricité exploser. Or les aides proposées sont loin d'absorber cette hausse. Depuis l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz il y a quelques années, la situation est catastrophique. Ma première question est donc la suivante : à quand le rétablissement des tarifs réglementés pour tous sur la vente de l'énergie ?
Enfin, plusieurs d'entre nous ont reçu des témoignages de copropriétés confrontées à des rappels de charges exorbitants pour 2022 car elles ne bénéficiaient pas du bouclier tarifaire. De la même manière, des bailleurs augmentent drastiquement les charges des locataires de HLM non protégés par le bouclier énergétique, parfois même de 150 % comme à Trappes – depuis des mois, mon groupe vous interpelle sur cette question. Les locataires les plus pauvres subissent de plein fouet la crise énergétique. Les logements collectifs ne sont pas protégés et ce sont les citoyens les plus précaires qui en pâtissent le plus. Que comptez-vous faire pour protéger efficacement les logements collectifs de la hausse des prix de l'énergie ?
Bien entendu, il faut se soucier des locataires, en particulier des plus modestes d'entre eux. Le Gouvernement a voulu apporter une réponse multidimensionnelle. La première mesure qui a été prise, vous vous en souvenez, est le plafonnement à 3,5 % de l'indice de revalorisation des loyers, qui a permis de contenir l'impact qu'aurait eu l'augmentation naturelle des prix sur les loyers, en particulier sur les ménages les plus modestes, pour lesquels le loyer représente une part importante du budget. Je citais tout à l'heure les divers dispositifs de chèques et d'indemnités qui ont été instaurés depuis l'automne 2021 pour améliorer le pouvoir d'achat, notamment celui des plus modestes.
Selon les instituts de statistiques, s'il existe un écart entre l'impact de la crise de l'énergie sur les foyers les plus modestes et sur les foyers les plus aisés, il est moins important en France qu'ailleurs. Cela étant dit, il faut continuer à essayer de résorber cet écart. Tel est l'objet de notre politique de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments, en particulier des logements. Dans ce cadre, nous avons ainsi augmenté le budget de l'Anah et affirmé l'ambition de faire progresser le dispositif MaPrimeRénov' pour mettre fin aux passoires thermiques, afin de protéger le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes de manière durable.
Vous avez évoqué la question de l'habitat collectif. Je l'ai rappelé, des décisions ont été prises en toute fin d'année 2022, en lien étroit avec les acteurs du secteur, pour limiter l'impact des prix et éviter qu'il soit répercuté sur les loyers des locataires concernés.
Les collectivités ne cessent d'alerter le Gouvernement sur les grandes difficultés auxquelles elles font face pour régler leurs factures d'énergie. Elles sont en effet confrontées à un choix cornélien : augmenter les impôts locaux, réduire la qualité des services publics en sabrant dans leurs dépenses ou augmenter les tarifs, excluant ainsi nombre de nos concitoyens de l'accès à ces services publics.
Contraint par les collectivités et les parlementaires, le Gouvernement a fait un geste en étendant le bouclier tarifaire aux petites communes, y compris celles qui ont des contrats en offre de marché. Ce geste est certes positif, mais outre que ce bouclier tarifaire entérine une hausse des prix de 15 %, il ne s'applique pas à l'ensemble des collectivités.
Il existe, me répondrez-vous, le filet de sécurité et l'amortisseur électricité. Mais ce filet de sécurité présente de nombreuses imperfections. Ainsi, ne peuvent en bénéficier que les communes dont l'épargne brute s'est dégradée d'au moins 25 %. Or leur taux d'épargne brute n'a chuté en moyenne que de 4,4 % en 2022. Les communes qui disposent d'une épargne stable sont ainsi exclues du dispositif.
En multipliant les dispositifs, le Gouvernement ajoute de la complexité à une situation déjà incertaine pour les collectivités. Celles-ci ont besoin de clarté ; elles doivent pouvoir se projeter. Dans ma circonscription, à Aulnay-sous-Bois, à Bondy ou aux Pavillons-sous-Bois, des projets pour la jeunesse ou les familles risquent d'être mis à l'arrêt, voire abandonnés.
Il nous faut donc étendre les tarifs réglementés d'électricité et de gaz à l'ensemble des collectivités, moyennes ou grandes. Des ressources sont disponibles pour cela ; je pense par exemple à la taxation des superdividendes et des superprofits, que vous avez refusée.
Qu'avez-vous prévu pour les collectivités qui ne pourront bénéficier du filet de sécurité au moment où elles en auront le plus besoin ? Comptez-vous revenir sur votre projet de mettre fin aux tarifs réglementés et les étendre à l'ensemble des collectivités ?
Vous avez indiqué que le taux d'épargne brute des collectivités était en chute de 4,4 % ; or, au dernier comptage, il est en hausse de 7,7 % par rapport à 2021. Il s'agit cependant d'une moyenne, qui recouvre des situations très diverses. C'est pourquoi les collectivités ont été rendues éligibles au dispositif amortisseur électricité et le filet de sécurité a été déployé, après avoir été adopté par votre assemblée.
S'ajoutent à ces deux dispositifs des mesures de soutien à l'investissement des collectivités, dont j'ai rappelé l'importance non seulement pour le dynamisme économique de nos territoires, mais aussi pour leur transition écologique. Je pense en particulier au Fonds vert, doté de 2 milliards d'euros, aux dotations d'investissement habituelles, à hauteur de 2 milliards, et au FCTVA, pour un montant de 9 milliards. Au total, le soutien à l'investissement des collectivités est en hausse de 20 % par rapport à 2022.
Les collectivités ont donc de quoi faire. Toutefois, si certaines d'entre elles passent entre les mailles des filets de sécurité déployés par le Gouvernement, il ne faut pas hésiter à nous les signaler.
Malgré le bouclier tarifaire, les tarifs de l'électricité et du gaz vont augmenter en 2023 de 15 % en moyenne, ce qui représente une charge annuelle supplémentaire de 300 à 600 euros pour les ménages.
Je veux insister à mon tour sur la catégorie de Français pour lesquels cette augmentation, déjà importante, sera bien plus lourde ; je veux parler des travailleurs de la première et de la deuxième ligne – les plus précaires –, à savoir les habitants des logements sociaux, en HLM ou en copropriété, qui ne sont pas concernés par le plafonnement prévu.
En effet, celui-ci ne s'applique qu'aux foyers ayant souscrit un contrat individuel de fourniture d'électricité ou de gaz. Or de très nombreux syndics de copropriété et bailleurs sociaux souscrivent des contrats collectifs ; ils ne peuvent donc pas bénéficier de tarifs plafonnés et devront acheter leur énergie au prix du marché. Selon l'Union des organismes HLM, la moitié des bailleurs vont renouveler leur contrat cette année et verront donc leurs factures augmenter de 200 % à 300 %. Cela concerne au bas mot 3 millions de familles.
Vous aviez choisi – décision incompréhensible alors que le prix de l'électricité est indexé sur celui du gaz – de n'appliquer le bouclier tarifaire qu'aux logements chauffés au gaz. Vous avez finalement étendu les compensations prévues à tous les types de chauffage ; c'est déjà ça ! Mais le dispositif est illisible, nous disent les bailleurs. Ces derniers, face à l'incertitude, répercutent d'ores et déjà les augmentations attendues sur les charges locatives. Les locataires devront ainsi s'acquitter cette année de charges jusqu'à quatre fois supérieures à celles qu'ils payaient il y a deux ans ou l'an dernier.
Puisque le Gouvernement refuse d'adopter la seule mesure efficace, lisible et pérenne dans ce contexte, à savoir le retour au tarif réglementé pour tout le monde, je souhaiterais savoir ce que vous comptez faire pour accompagner dans l'urgence ces Français qui sont, je le répète, parmi les plus précaires.
La protection des familles les plus fragiles est au cœur des dispositifs adoptés en faveur des ménages depuis la hausse des prix constatée l'an dernier. Je pense par exemple à l'allocation exceptionnelle de 100 euros qui a été versée au mois de septembre dernier à 10 millions de foyers, au chèque exceptionnel, dont le montant est compris entre 100 et 200 euros et qui a été perçu au mois de décembre par 12 millions de foyers, et, pour 2023, au chèque énergie, compris entre 70 et 280 euros, qui sera adressé à 3 millions de bénéficiaires au mois d'avril.
En outre, la hausse des loyers a été plafonnée. Cette mesure était en effet indispensable pour éviter que les ménages que vous avez évoqués dans votre question, pour lesquels le loyer constitue une part importante du budget, ne soient étouffés par une augmentation excessive.
Enfin, à la suite des échanges intervenus avec les élus et les représentants du secteur du logement social, de l'habitat collectif et des copropriétés, trois décrets ont été publiés le 31 décembre 2022, qui visent à renforcer la protection pour le quart des foyers le plus durement touché par la hausse des prix de l'énergie. Ce dispositif doit désormais être diffusé. Le Gouvernement rencontre régulièrement les représentants du secteur, et j'invite celles et ceux d'entre vous qui constateraient que la situation n'évolue pas à le faire savoir au Gouvernement.
Bien entendu, lorsque l'on évoque les oubliés du bouclier tarifaire, on pense d'abord aux artisans : nos boulangers, bouchers, fromagers, restaurants, traiteurs, blanchisseries, laveries, sans oublier nos vignerons, bref, tous ceux qui ont signé un mauvais contrat au mauvais moment et qui sont dans une situation insupportable. Mais on pense moins aux collectivités locales, qui se trouvent exactement dans la même situation que les très petites et les petites et moyennes entreprises. Pour celles de nos communes qui ont vu leur contrat de fourniture de gaz ou d'électricité arriver à échéance ces derniers mois – au mauvais moment –, l'addition est salée.
Certes, vous proposez quatre mesures, que vous avez détaillées, en faveur de nos collectivités : la baisse de la part d'accise sur l'électricité, le bouclier tarifaire pour celles qui comptent moins de dix employés, l'amortisseur électricité pour celles qui ne sont pas éligibles au bouclier et le filet de sécurité pour les communes et établissements de coopération intercommunale remplissant certains critères. C'est une bonne chose, même si pour beaucoup, ce ne sera pas suffisant.
Toutes ces mesures, indispensables, coûtent très cher. Mais si nous sommes dans l'obligation de les adopter pour aider notre tissu économique, c'est pour une raison : le marché européen de l'énergie. Ma question est donc simple : quand la France exigera-t-elle de sortir de ce marché, même de façon temporaire, comme l'ont fait l'Espagne et le Portugal ? À défaut d'en sortir, où en sont les négociations pour découpler le prix du gaz et celui de l'électricité ?
Comme l'a dit Bruno Le Maire lui-même lors de ses vœux au monde économique, la France doit refuser « de continuer de payer l'électricité nucléaire décarbonée au prix de l'électricité produite à partir des énergies fossiles ». Quand allons-nous enfin nous attaquer à la cause de nos problèmes ?
La France a fait savoir qu'elle souhaitait un découplage des prix de l'électricité et du gaz au niveau européen, et elle semble avoir emporté la conviction de la présidente de la Commission européenne, qui s'y est déclarée favorable. Mes collègues du Gouvernement, en particulier le ministre de l'économie et des finances et la ministre de la transition énergétique, s'attachent à tracer le chemin d'un consensus au niveau européen.
S'agissant des petites entreprises de votre département, l'Hérault, je rappelle que si la puissance de leur compteur est inférieure à 36 kilovoltampères, elles sont éligibles au bouclier tarifaire, qui limite l'augmentation des tarifs à 15 % pour 2023, les autres étant éligibles à l'amortisseur électricité et au guichet.
Encore une fois, il est important que les entreprises, si elles ont un doute concernant leur éligibilité, se tournent vers le conseiller départemental à la sortie de crise. Pour faciliter le contact avec ces conseillers, le Gouvernement a mis en ligne leurs numéros de téléphone fixe et portable. Ainsi le conseiller départemental à la sortie de crise de l'Hérault est joignable au 06 10 03 97 65.
Sourires.
Ces conseillers sont à l'écoute des entrepreneurs et peuvent leur apporter des solutions.
J'ajoute que des mesures ont été prises pour aller vers ces derniers ; je pense à la mission des chambres de commerce, qui ont appelé 20 000 entreprises, et aux chambres de métiers, qui ont appelé l'ensemble des boulangers de notre pays pour être certains qu'aucune entreprise ne reste au bord du chemin.
Nous avons terminé les questions sur les oubliés du bouclier énergétique.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Débat sur l'application de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra