Les aides publiques aux entreprises : voilà un très vaste sujet de débat auquel nous invitent nos collègues LFI – NUPES. Cette thématique est si large que chacun d'entre nous pourra confortablement rester dans son couloir, quitte à se caricaturer. Certains diront que ces aides sont indues et représentent un détournement du bien commun, d'autres qu'elles sont essentielles pour accompagner la croissance de nos entreprises. Finalement, il y aura une part de vrai dans chacun de nos exposés respectifs.
Qu'est-ce qu'une aide publique ? Est-ce une subvention ou une facilité accordée comme une garantie financière ? Est-ce un apport d'assistance technique ou un crédit d'impôt ?
Et que désigne-t-on quand on emploie la notion d'entreprise ? Une EURL, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, une SAS, une société par actions simplifiée, une SA, une société anonyme ? Le commerce employant dix salariés ou la holding cotée en Bourse ?
Nous pouvons donc aborder absolument tout dans ce débat sans risquer le hors-sujet mais, justement, l'étendue de la question limite la confrontation des idées et l'émergence de solutions partagées – permettez-moi à cet instant de le regretter.
La définition du périmètre des aides publiques aux entreprises, et, partant, de leur coût pour les finances publiques, est toujours très difficile à apprécier et à appréhender. Ces aides peuvent prendre la forme de subventions, de garanties financières, de prises de participation ou encore d'exonérations fiscales et/ou sociales.
Selon le rapport le plus récent sur le sujet, publié en octobre 2022 par l'Ires, l'Institut de recherches économiques et sociales, intitulé « Un capitalisme sous perfusion », et commandé par la CGT – vous le voyez, je ne m'interdis aucune bonne lecture –, il existe en France plus de 2 000 dispositifs de soutien, pour un montant avoisinant les 160 milliards par an. Je précise que ce chiffre ne prend pas en compte le plan de soutien aux entreprises lancé lors de la crise sanitaire.
Certains penseront, et l'exprimeront haut et fort dans l'hémicycle, que ces centaines de milliards d'euros d'argent public devraient être investis exclusivement dans les politiques publiques et que nos écoles, nos tribunaux, nos hôpitaux, nos commissariats ou encore nos casernes en ont cruellement besoin.
Ce raisonnement manichéen est une erreur. Il me semble au contraire que les aides ciblées vers des secteurs d'innovation, de production ou de réindustrialisation, qu'ils soient en difficulté, en mutation ou en devenir, représentent un transfert de richesse – pour reprendre l'expression consacrée de l'Inspection générale des finances (IGF) – essentiel pour notre compétitivité et notre prospérité, celle-ci étant synonyme de progrès pour chacun d'entre nous.
Pourtant, ne soyons pas naïfs mais, au contraire, ambitieux. Chaque euro dépensé par la Collectivité est un investissement. Je parle de collectivité avec un grand C car, aujourd'hui, de multiples acteurs publics financent, de la plus petite intercommunalité à l'Union européenne. C'est sur ce point que nous avons d'immenses progrès à réaliser, s'agissant d'abord de la lisibilité des aides proposées et de leur contrôle, ensuite de l'évaluation des dispositifs.
La nécessité d'une limitation du nombre d'interlocuteurs chargés de renseigner, d'accompagner et d'orienter les entrepreneurs semble évidente. Pourtant – nous le savons, pour en avoir des exemples concrets dans nos circonscriptions –, obtenir un panorama d'ensemble des aides et des conditions d'éligibilité revient à se lancer dans une véritable chasse au trésor. Soyons capables d'instituer des guichets uniques dans nos territoires en collaboration, par exemple, avec les chambres consulaires. C'est une question d'équité. Une ETI disposera toujours de la ressource interne pour démêler les procédures, il n'en va pas de même pour l'artisan ou la petite entreprise.
Au moment de la crise du covid-19, nous avons été confrontés dans nos territoires à ces difficultés lorsque nous avons souhaité aider à monter leurs dossiers des entrepreneurs se débattant avec la complexité des procédures. S'agissant de la conditionnalité des aides, nous avons tendance à penser que l'objectif premier est de ne pas complexifier les dispositifs ni de créer des usines à gaz en ajoutant des critères étrangers à l'objet de l'aide. Le pendant de cette souplesse est le contrôle, assorti de sanctions dissuasives. La délinquance en col blanc reste de la délinquance.
Enfin, il faut systématiquement évaluer l'impact et l'efficacité des dispositifs d'aides. Il ne doit y avoir aucun tabou à ce sujet. Chaque euro d'argent public ne doit pas être dépensé mais investi. Cessons d'empiler les aides, rendons-les plus adaptables en fonction de la conjoncture. Il s'agit là avant tout d'inviter l'administration à se décorseter.
Les entrepreneurs sont des femmes et des hommes qui n'attendent pas qu'on les prenne par la main ni qu'on leur mâche la tâche. Les aides ne sont ni une recette, ni un gain, ni un dû. La très grande majorité des entrepreneurs s'en passent quand ils le peuvent car recevoir des aides particulières n'est pas dans leur ADN. Ils ne souhaitent pas développer leur activité avec des subsides publics mais par leur travail, leur créativité, leur abnégation et, d'une certaine manière, leur génie.
Cependant, il est du devoir de l'État, principalement, de prévoir non des parachutes mais des amortisseurs en cas de turbulences. La politique de relance précoce et résolue menée dès le printemps 2020 a permis à la France de redémarrer économiquement plus vite que l'ensemble de ses voisins européens. C'est un bon exemple.
Au groupe Horizons et apparentés, nous pensons que les aides publiques aux entreprises ne sont pas un transfert de richesse indu mais un investissement ambitieux pour l'avenir de notre pays.