Remercions le groupe LFI – NUPES d'être à l'initiative de ce débat que j'aborderai, une fois n'est pas coutume, plutôt comme professeur d'économie que comme député – si on peut ainsi segmenter les choses.
Nous connaissons tous les difficultés extrêmes que nous réserve la conjoncture. La coexistence du ralentissement de la croissance et de la hausse de l'inflation crée de redoutables difficultés pour les responsables de politiques publiques car la stagflation est objectivement un problème énorme. Une politique de relance serait susceptible de pousser la croissance et de réduire le chômage, mais au risque probable de doper l'inflation, et une politique de refroidissement obtiendrait probablement des résultats inverses. Par conséquent, dans pareil contexte, le soutien aux entreprises revêt une importance vitale car il constitue une politique contracyclique que l'on peut trouver vertueuse, insufflant de l'oxygène sans impact inflationniste direct et surtout parce qu'il se révèle, en ce climat peu porteur, indispensable à la vitalité du tissu entrepreneurial. Déjà, on le sait, les aides que le Gouvernement avait décidées en pleine crise covid, et que le groupe LIOT a systématiquement soutenues, se sont révélées indispensables en empêchant un effondrement, qui sans elles aurait été inévitable. Le contexte actuel est certes moins tendu, mais le soutien à l'économie apparaît tout de même essentiel.
La simple évocation du déficit commercial, de près de 160 milliards, suffit à illustrer la nécessité de renforcer la capacité productive et l'exigence d'un effort de réindustrialisation. Reste que l'état des finances publiques s'impose à nous : 3 000 milliards d'endettement, levés en partie à taux variables et souscrits en majorité par des non-résidents. Cela réduit de façon drastique les marges de manœuvre, d'autant plus que les plus de 50 milliards de charges d'intérêt constituent une hémorragie supplémentaire. La nécessité est donc grande de cibler les aides, c'est-à-dire de les ajuster en faveur de l'emploi et de la production de richesse en mettant du mieux possible de côté les passagers clandestins et en visant au maximum l'effet de levier. Toutes choses pas très simples mais inévitables, et que nous appelons de nos vœux. Le but de la politique publique, comme vient de le dire Pierre Darrhéville, devrait évidemment être aussi d'orienter toujours davantage la machine économique vers la solidarité sociale et la transition écologique, plus largement vers le développement durable.
Un autre aspect de la politique publique, lui aussi essentiel, est pour nous la territorialisation des aides. En effet, une des raisons d'être du groupe LIOT réside dans la prise en compte des réalités et des différenciations régionales. L'outre-mer, par exemple, a des problématiques particulières que nous soulevons régulièrement. Et les territoires métropolitains eux-mêmes sont de niveaux de vitalité économique et sociale très inégaux : il est des régions centrales motrices, à secteur secondaire relativement puissant, et des territoires périphériques fragiles et désindustrialisés. Ainsi, les PIB globaux des régions vont de 800 milliards d'euros en Île-de-France à 10 milliards pour la Corse, soit en PIB par habitant, le révélateur des richesses produites, respectivement de 59 000 euros à 27 000 euros.
Les richesses par habitant produites en Corse sont près d'un quart inférieures à la moyenne française, une donnée qui en dit long sur les erreurs, sur les abandons, sur les retards et les insuffisances dans la gestion passée de cette île. Quand nous avons débattu des aides conjoncturelles, j'avais déposé une série d'amendements conformes au vœu unanime des élus corses, qui préconisaient une adaptation aux conditions dégradées. Nous en sommes restés aux aides indifférenciées. Je voudrais donc attirer plus particulièrement l'attention du Gouvernement sur l'utilité qu'il y aurait à prendre en compte la diversité des conditions économiques et sociales, notamment s'agissant des territoires métropolitains les plus fragiles et de l'outre-mer.
Je voudrais en outre revenir sur une question plus particulière : j'ai au mois de juillet demandé, par courrier, à Bercy de bien vouloir me transmettre l'état des comptes régionaux de la Corse, demande que j'ai réitérée lors de la réunion de Beauvau, et je n'ai pour l'heure obtenu aucune réponse. M. Bruno Le Maire que vous représentez ici sait mieux que quiconque que l'on ne peut établir un projet de statut fiscal sans connaître la respiration financière du territoire concerné, quel qu'il soit. Ce projet est pourtant un point vital dans les discussions que nous souhaitons reprendre rapidement avec le Gouvernement. Je demande donc par votre entremise une nouvelle fois à votre ministre de tutelle de bien vouloir faire établir par ses services la matrice des agrégats et des flux financiers, et de bien vouloir me les transmettre. Ces comptes régionaux seront certainement aussi utiles au Gouvernement qu'aux élus de la Corse.