La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt-deux heures.
Hier soir, l'Assemblée a examiné les amendements tendant à rétablir l'article 1er , supprimé par la commission, ainsi que les sous-amendements qui s'y rapportent.
Je vous rappelle, chers collègues, que les scrutins publics ont déjà été annoncés sur les amendements n° 33 et identiques, 32 et identique, 331 et identiques.
Rappels au règlement
Je m'exprime sur le fondement de l'article 100, pour la bonne tenue de nos débats. Hier soir, nous avons passé un peu plus d'une heure et demie à étudier l'ensemble de ces amendements et leurs sous-amendements car ils sont au cœur du projet de loi, et la présidence – je l'ai dit en conférence des présidents – a décidé brusquement de lever la séance, juste avant les votes.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur de nombreux bancs du groupe SOC.
Je ne pense pas que M. Maillard remette en cause la présidence d'hier soir.
Certains de nos collègues s'offusquent alors qu'ils n'étaient pas présents.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous devons évidemment commencer la séance de ce soir par le vote, même si tout le monde n'est pas installé et que la dynamique dans laquelle nous étions hier a été cassée. Je demande ainsi une suspension de dix minutes, madame la présidente.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures dix.
La séance est reprise.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement.
Au titre de l'article 100, madame la présidente. Le président Chassaigne, dans un langage imagé lié à sa région d'origine, dit que, quand on veut monter au mât de cocagne, il faut avoir le cul propre. Et je ne suis pas certain que le président Maillard puisse monter au mât de cocagne : il suffit de se souvenir de la manière dont il a usé de tous les stratagèmes pour éviter que l'on débatte de l'indexation de la dotation globale de fonctionnement lors de la niche du groupe communiste.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, et SOC. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.
Mme la présidente coupe le micro.
Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur Jumel.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour un rappel au règlement. Au titre de quel article ?
Au titre de l'article 70, alinéa 3, relatif à la mise en cause personnelle, en l'occurrence celle visant la présidente de séance d'hier soir, Valérie Rabault.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Je n'admets pas, président Maillard, que vous ayez pu à ce point mettre en cause…
…la probité de la présidence d'hier soir. La séance a été levée régulièrement pour tenir compte du fait que la prochaine séance était ce matin, à neuf heures.
Mêmes mouvements.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES, LR et LIOT. – Le brouhaha est général.
Le bruit est tel que personne ne m'entend, mais je me refuse à élever la voix dans cette enceinte.
Monsieur Leseul, vous avez invoqué l'article 70, alinéa 3, mais M. Maillard n'a à aucun moment proféré d'insultes. Je lui ai d'ailleurs confirmé à l'instant qu'il n'était bien évidemment pas question de remettre en cause la présidence de notre collègue Rabault, que je salue.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Je propose à présent d'entendre les rappels au règlement de M. Tanguy, de M. Saint-Huile et de Mme Laernoes, puis nous passerons aux votes.
Je vous prie de faire de vrais rappels au règlement, mes chers collègues.
Au titre de l'article 100, alinéa 7. Sans remettre en cause sa présidence, je note qu'hier Mme Rabault avait promis une prise de parole par groupe mais qu'elle a oublié le Rassemblement national ,
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RE et LFI – NUPES
alors que j'avais beaucoup de choses désagréables à dire à mes collègues et que je souhaiterais pouvoir les dire. J'aimerais qu'on rétablisse l'équité et que le groupe Rassemblement national, qui est tout de même le premier groupe d'opposition, puisse s'exprimer sur ces amendements avant les scrutins publics.
Mêmes mouvements.
Nous avons entendu les litanies interminables des députés de la NUPES et après, comme par hasard, on a coupé le sifflet du Rassemblement national.
Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Monsieur Tanguy, hier, la présidence a bien indiqué que ce serait la fin des interventions après que chaque groupe a pu s'exprimer, et quatre l'ont fait.
Je suis au regret de vous indiquer, mon cher collègue, qu'on ne va pas rouvrir la discussion puisqu'il faudrait alors rendre à tout le monde la capacité de le faire, ce qui risquerait de dénaturer le débat.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur Saint-Huile, sur le fondement de quel article souhaitez-vous faire un rappel au règlement ?
Sur le fondement de l'article 100, alinéa 3, relatif à la bonne tenue des débats, madame la présidente.
Je parle sous le contrôle de la présidente Rabault : hier, nous avions demandé qu'on laisse les groupes exprimer leur position avant de voter, mais nous n'avons pas pu aller au terme du cycle des explications de vote. Je sais, monsieur Tanguy, qu'à vos yeux tout tourne autour de vous, mais vous n'êtes pas le seul à ne pas avoir pu vous exprimer.
Chers collègues, vous allez ce soir assister à un numéro de cascade rare et dangereux, réalisé par des professionnels du looping : le Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Il y a un an, ils étaient contre la fusion de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN),…
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur. – Les députés des groupes LFI – NUPES et SOC se lèvent pour applaudir.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour un rappel au règlement. Sur le fondement de quel article ?
L'article 100, alinéa 3, relatif à la bonne tenue des débats.
Le groupe Écologiste – NUPES était prêt à voter hier soir ; il est prêt à voter ce soir ;
Exclamations sur divers bancs
il sera prêt à siéger vendredi ou samedi, s'il le faut. Cependant, s'agissant de l'article 1er , relatif à la fusion de l'ASN et de l'IRSN, qui a été supprimé démocratiquement en commission du développement durable, il était essentiel de laisser le débat aller jusqu'à son terme. Des doutes se sont fait entendre, au-delà des rangs de la NUPES. Quand on traite de la sûreté nucléaire, le débat doit aller jusqu'au bout, et c'est ce que nous ferons – puisque ce n'est visiblement que la nuit qu'on peut délibérer d'un sujet aussi grave !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Discussion des articles
Sur l'amendement n° 68 , je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 33 , 243 , 298 , 296 , 68 , 32 , 92 , 241 , 221 , 151 , 140 , 331 , 152 , 156 , 198 , 220 , 234 ont donc été discutés hier soir.
Les amendements identiques n° 331 , 152 , 156 , 198 , 220 et 234 faisant l'objet des sous-amendements n° 357 , 358 , 359 , 352 , 353 , 367 , 368 , 369 , 371 , 347 , 374 , 376 , 370 , 362 , 351 , 343 , 363 , 372 , 360 , 375 , 365 , 366 , 361 , 354 , 344 et 373 ont également été présentés.
Nous passons donc au vote sur ces amendements en discussion commune.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 33 , 243 et 298 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue 160
Pour l'adoption 111
Contre 207
Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Puis-je vous demander de vous concentrer sur le vote ? Monsieur Tavel, je vous prie de ne pas crier.
L'amendement n° 296 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue 159
Pour l'adoption 110
Contre 206
L'amendement n° 68 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue 157
Pour l'adoption 107
Contre 206
Nous en arrivons aux amendements n° 331 et identiques, qui font l'objet de plusieurs sous-amendements.
Le vote à main levée n'ayant pas été concluant, il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue 158
Pour l'adoption 115
Contre 200
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue 162
Pour l'adoption 206
Contre 117
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 1er .
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l'amendement n° 154 .
Il vise à garantir que la démonstration de la sûreté des réacteurs nucléaires français repose pour l'essentiel sur une approche déterministe, ainsi qu'il est préconisé par la règle fondamentale de sûreté (RFS) relative au développement et à l'utilisation des études probabilistes de sûreté, actuellement en vigueur. Dans le cadre des auditions, le rapporteur et le Gouvernement ont mentionné que le modèle français devrait se rapprocher du système des pays anglo-saxons, dont les autorités utilisent une approche différente, davantage axée sur le probabilisme. C'est pourquoi nous souhaitons que le Gouvernement accepte de préciser dans le texte que nous maintenons la logique déterministe.
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis de la commission.
J'ai déjà répondu à cette proposition, tant hier soir qu'en commission, et j'ai déjà formulé un avis défavorable. D'abord, l'ASN travaille depuis sa création avec une approche déterministe. Surtout, il faut laisser les doctrines de sûreté nucléaire aux experts : ce n'est pas au législateur de les inscrire dans la loi. Mon avis sera tout aussi défavorable sur beaucoup d'autres amendements dont on a déjà débattu tant en commission qu'en séance, hier soir. Je sais que vous aimez la répétition, mais essayons d'être efficaces !
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
L'amendement n° 154 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 297 .
Il tend à préciser que le travail de sûreté fait l'objet d'un dialogue constant entre les exploitants d'installations nucléaires, les personnes responsables de l'expertise et celles qui sont chargées de la prise de décision. Évitons d'entrer dans un système à l'américaine et garantissons le maintien du système de sûreté français, reconnu partout dans le monde. Cette démarche correspond aujourd'hui à la pratique ; il s'agit de l'inscrire dans la loi pour éviter tout dérapage avec le temps qui passe.
Comme vous venez de le dire vous-même, monsieur Saint-Huile, le principe du dialogue technique entre exploitants, experts et décisionnaires existe déjà et n'est absolument pas remis en cause par la réforme. L'organisation de ce dialogue ne relève d'ailleurs pas de la loi. Avis défavorable.
Même avis. J'ajoute que vous introduisez une nouvelle notion juridique : le dialogue technique existe au quotidien entre différentes institutions, mais il n'est pas défini dans la loi. L'amendement crée donc un flou juridique. Comme il est satisfait, je suggère de le retirer.
Je veux réagir aux propos du rapporteur sur l'amendement précédent. Il a dit que, puisque le débat avait déjà eu lieu en commission, ce n'était pas la peine d'y revenir en séance.
Dans ce cas, il est déplorable que l'Assemblée nationale ait voté, au contraire de la commission du développement durable, le démantèlement de l'IRSN ,
Applaudissements quelques bancs du groupe SOC
en raison de ces girouettes du Rassemblement national qui votent une chose en commission, puis l'inverse en séance. Je voulais que ce soit dit.
M. Christophe Barthès s'exclame.
Oui, on refait le débat en séance publique, sur tous les amendements et tous les arguments !
L'amendement n° 297 n'est pas adopté.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 299 .
Ça va aller, monsieur Millienne ! Il faut accepter la contradiction : c'est la démocratie et cela ne devrait pas être un problème. On a quand même le droit de déposer des amendements !
Je suis vite perturbé, vous savez… Je disais donc que nous proposons d'inscrire dans le texte le principe de non-régression. En effet, comme nous sommes un certain nombre à l'avoir expliqué, cette réforme suscite des inquiétudes quant à notre système de sûreté. Vous faites la sourde oreille en oubliant qu'hier soir, des membres des groupes Horizons, Démocrate et Renaissance ont déposé des amendements en ce sens, relatifs notamment à la structuration juridique.
Nous vous proposons donc un amendement de convergence, voire de compromis, qui ne remet pas en cause la fusion que vous souhaitez. Il pose un principe de non-régression en matière de sûreté nucléaire, pour que la représentation nationale puisse prendre l'engagement que, malgré une organisation désormais différente de cette sûreté, la relance du nucléaire suivra ce principe simple. Il s'agit de rassurer l'opinion publique car je ne doute pas que nombreux sont ceux qui nous regardent en ce moment.
Le principe de non-régression n'a tout simplement pas à figurer dans la loi.
De plus, il est très mal défini. L'expertise en matière de sûreté nucléaire évolue régulièrement, la recherche faisant progresser les connaissances. Selon moi, ce principe doit faire l'objet d'échanges techniques entre les experts, les chercheurs et les décisionnaires. Cela ne relève pas de la loi. Il faut faire confiance aux experts. J'émettrai donc un avis défavorable car je sais qu'une demande de retrait ne serait pas suivie d'effet.
Je ne voudrais en aucun cas perturber ni M. Saint-Huile ni M. le rapporteur. Je vais toutefois m'éloigner un peu de l'analyse de ce dernier, tout en donnant le même avis que lui. « La protection de l'environnement ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. » Voilà ce que dispose l'alinéa 9 de l'article L. 110-1 du code de l'environnement.
Monsieur Saint-Huile, votre demande est satisfaite car déjà inscrite dans la loi. De plus, votre rédaction, différente, introduirait un flou juridique. Je vous engage donc vivement à retirer votre amendement, qui non seulement est superfétatoire mais en plus risquerait d'être contre-productif.
Je le maintiens car je ne suis pas tout à fait convaincu par le ministre.
Je soutiens cet amendement. À la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, ce principe de non-régression a été évoqué à de nombreuses reprises, sur des sujets différents. Il constitue un élément important de notre discussion, un des éléments de confiance que nous, parlementaires et membres du Gouvernement, devons donner à nos concitoyens. Vous nous renvoyez en permanence à un règlement intérieur ou à des précisions ultérieures…
Non, au code de l'environnement !
Je vous prie de me laisser terminer… Même si vous trouvez superfétatoire cette notion de non-régression, nous pensons qu'il vaut mieux la graver dans le marbre. En commission des affaires économiques, vous vous êtes systématiquement opposés aux amendements de précision apportés par le Sénat. Nous, nous vous demandons d'accepter cette précision sur la non-régression.
Cet amendement est l'exemple parfait de ce qui aboutit à des lois bavardes,…
…lesquelles entraînent une suradministration dont se plaignent les citoyens. Je suis désolé, messieurs Saint-Huile et Leseul : ce que vous demandez existe déjà – et dans le code de l'environnement, pas dans un règlement intérieur ! Je ne vois pas ce que vous pouvez rajouter d'utile. Votre demande est superfétatoire, et la maintenir ne servirait à rien si ce n'est à rendre la loi bavarde et à créer une suradministration bien inutile.
MM. Laurent Croizier et Didier Le Gac applaudissent.
L'amendement n° 299 n'est pas adopté.
Cet amendement du groupe GDR vise à réaffirmer dans la loi la responsabilité première de l'exploitant en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, notamment à l'égard des salariés appelés à travailler sur les sites de production énergétique.
Monsieur Jumel, cet amendement est satisfait. En effet, une réglementation détermine notamment les limites d'exposition en matière de radioprotection. Cette démarche porte ses fruits, et EDF a une volonté forte de diminuer les doses moyennes reçues par les personnels. Ces doses sont – et c'est heureux – bien en deçà des limites fixées et ont baissé de 50 % au cours de la dernière décennie. Par ailleurs, en cas de non-respect de cette réglementation, les exploitants sont évidemment responsables. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Même avis.
Depuis le début de l'examen de ce texte, j'ai l'impression que certains collègues prennent un peu par-dessus la jambe les effets de la radioactivité. L'IRSN estime que, chaque année, en France, 3 000 personnes meurent d'un cancer du poumon dû à l'inhalation de radon, un gaz radioactif. C'est un phénomène naturel, sans rapport avec les centrales nucléaires.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
On a compris que vous n'aimiez pas les publications de l'IRSN : c'est ce qui sous-tend ce texte. Mais ce n'est pas parce que c'est naturel qu'il faut laisser faire. La ciguë est une plante. C'est donc un produit naturel, mais aussi un poison, qu'on ne met pas au menu des cantines.
Chez les travailleurs du nucléaire…
M. Jean-Philippe Tanguy s'exclame.
Je sais bien que M. Tanguy n'aime pas qu'on lui rappelle ce que fait la radioactivité… Une longue étude a été menée aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France sur 310 000 travailleurs du nucléaire sous statut – les sous-traitants ne sont donc pas pris en compte, alors qu'en France, ils réalisent 80 % des tâches de maintenance et reçoivent ainsi 80 % des doses.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
La première conclusion de cette étude a été de dire qu'il faut, en matière de radioprotection, raisonner pour l'exposition fréquente aux faibles doses comme on le fait pour une exposition forte sur une courte durée. La seconde conclusion établit une corrélation entre l'exposition à de faibles doses, celle que subissent les travailleurs du nucléaire, et le développement de cancers solides – le lien était déjà connu pour les leucémies.
Il faut donc qu'existe une responsabilité de l'exploitant à propos du suivi médical en matière de radioprotection des salariés. C'est la raison pour laquelle nous soutenons l'amendement de M. Jumel.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Nicolas Sansu applaudit également.
Effectivement, chers collègues de la NUPES, je n'ai pas peur de la radioactivité naturelle et du radon. Si vous lisiez complètement les publications, vous sauriez que la Bretagne est naturellement l'une des régions les plus radioactives de France. Ma famille, bretonne depuis six siècles, a sans doute été suffisamment irradiée pour savoir que le radon est inoffensif.
Vous ne parlez que de peurs aux Français,…
…vous ne proposez jamais de solutions, vous ne vivez que de peurs antiscientifiques et d'obscurantisme de toutes sortes. On en a l'habitude.
À l'occasion de la discussion de cet amendement, je tiens à dire que, dans notre pays, la sûreté nucléaire n'est pas d'abord le fait de l'ASN ou de l'IRSN. M. Jumel le sait bien, elle tient avant tout à l'excellence de l'exploitant qu'est EDF, et avant lui des ingénieurs qui ont conçu notre parc nucléaire. Malgré cela, depuis hier, et depuis des années, vous ne parlez que des agences de surveillance, vous ne parlez que de bureaucratie. Vous êtes une caricature de ce que peut devenir d'une démocratie qui, dans une tendance illibérale, ne ferait pas confiance aux acteurs de terrain et à la science.
Depuis trente ans, vous agitez le moulin à prières en répétant que nous avons le meilleur modèle du monde, qu'il est parfait. La Russie, malheureusement, est en train de construire quarante-quatre réacteurs nucléaires quand nous n'arrivons pas en construire trois.
C'est votre bilan ! La « sur-surveillance » et la bureaucratisation que vous avez organisées ont une part de responsabilité considérable dans la paralysie du progrès en Occident.
Vous ne voulez pas l'entendre. Vous voulez vous faire plaisir, vous rassurer en laissant croire que vous inventez quelque chose ici. Vous n'avez jamais rien inventé ! Ceux qui inventent sont en dehors de l'hémicycle, sur le terrain, et ils permettent de faire tourner la France. Vous, vous ne faites qu'emmerder ceux qui savent faire quelque chose ,
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
ceux qui savent inventer, ceux qui ont du génie ! Depuis trente ans, vous êtes un poison contre le génie humain ! Il est temps de vous le dire
Applaudissements sur les bancs du groupe RN
car, pendant ce temps, les dictatures dans le monde avancent grâce à votre bêtise.
Mêmes mouvements.
Chers collègues, je vais m'inspirer de la présidente Fiat, qui vous rappelle régulièrement d'éviter de vous interpeller nominativement les uns les autres. Ainsi, nous pourrons continuer nos débats dans la sérénité et le calme.
L'amendement n° 76 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement n° 150 , qui fait l'objet de sous-amendements.
Il existe un fort risque que les marchands de savonnettes, ceux qui ne sont là que pour le business, se tournent vers les petits réacteurs modulaires de nouvelle génération, dits SMR, pour tenter de faire de l'argent à bon compte. Cela nous inquiète. L'idéal serait de garantir par la loi qu'EDF soit le seul exploitant possible des SMR, s'ils venaient à prospérer. À défaut, nous proposons, avec cet amendement, d'exiger de la future autorité qu'elle informe l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) lorsqu'un potentiel exploitant dépose son dossier de création d'une installation nucléaire de base (INB).
Il s'agit donc d'un amendement de précaution, né de l'audition de l'ASN, qui s'inquiète de la multiplication des acteurs dans le nucléaire et de leur méconnaissance totale de la doctrine en matière de sûreté et de sécurité.
Il s'agit d'un point capital du débat. En effet, quand nous avons posé des questions sur les éléments précis qui justifieraient, selon le Gouvernement, d'avoir une autorité indépendante unique et de supprimer l'établissement public d'expertise, la multiplication des opérateurs et des exploitants a été évoquée. Ce point n'a jamais été débattu par la représentation nationale. En France, EDF a un monopole de fait sur l'exploitation des réacteurs nucléaires.
L'expérience d'autres pays montre que multiplier les opérateurs n'est pas un gage de sûreté, bien au contraire. Nous ne sommes donc pas favorables à une forme de privatisation de l'exploitation des réacteurs nucléaires. C'est pourquoi nous soutenons l'amendement de M. Jumel et pensons qu'il doit être adopté. Il propose d'ailleurs non pas d'interdire qu'il y ait d'autres exploitants qu'EDF mais d'exiger que, dans ce cas de figure, le Parlement se prononce. Mes sous-amendements tendent à en améliorer la rédaction afin que nous votions tous en sa faveur.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Cet amendement ne me semble pas utile. En effet, la liste des INB est publique. En outre, au moment de la démarche de création d'une INB, l'Autorité de sûreté nucléaire – demain l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) – procède à une enquête publique, conformément à l'article L. 593-8 du code de l'environnement. Tout le monde en est informé et, à ce moment-là, l'Opecst ou les commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée peuvent lancer des auditions ou organiser un débat.
Selon moi, il n'est pas utile d'inscrire ce qui est proposé par cet amendement à cet endroit du code de l'environnement. J'y suis donc défavorable, ainsi qu'aux sous-amendements de Mme Batho. Certes, ce sont des précisions rédactionnelles, mais elles ne changent pas le fond de l'amendement. Je ne formule pas de demande de retrait car j'imagine qu'elle ne serait pas suivie d'effet. Encore une fois, je ne crois pas qu'il soit utile de saisir l'Opecst là-dessus car je pense qu'il s'autosaisira.
Les marchands de soupe vont investir le nucléaire. Vous êtes dangereux, à force !
Je voudrais rassurer la représentation nationale : toute demande d'autorisation, qu'elle émane d'un acteur établi ou nouveau, fait l'objet d'une analyse approfondie par les autorités compétentes. On s'assure que chaque business unit dispose des moyens techniques et financiers pour opérer en toute sûreté. On le fait pour EDF comme pour les acteurs de taille plus réduite. On le fait aussi lorsqu'un acteur existant, comme Orano, se restructure. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir de ce point de vue.
L'instruction relève du Gouvernement. Pour les très grandes installations, la loi prévoit que les demandes d'autorisation sont rendues publiques. Pour les autres, ce sont les décisions prises à l'issue de l'instruction qui sont rendues publiques.
Bien évidemment, le Parlement peut se saisir des demandes d'autorisation, en posant toutes les questions ou en organisant toutes les auditions qu'il souhaite. Je suis attaché à la séparation des pouvoirs, comme vous l'êtes, je suppose, vous aussi.
Le Gouvernement exécute ; le Parlement contrôle. C'est le cas aujourd'hui et ce sera le cas demain. Je suggère le retrait de l'amendement et des sous-amendements. À défaut, je leur donnerai un avis défavorable.
Je remercie notre collègue Sébastien Jumel de me donner l'occasion – c'est une première – de m'élever contre le monopole d'EDF, sujet dont nous avons longuement parlé ensemble. Selon moi, c'est une très bonne chose que de la recherche et développement se fasse en dehors d'EDF.
C'est une très bonne chose que des investissements privés puissent être consacrés à des technologies pour lesquelles il n'est pas sûr qu'il y ait un aboutissement – je pense par exemple aux réacteurs à sels fondus. EDF n'est pas structuré pour faire progresser une recherche de cette nature, et tel n'est pas son rôle.
Ma conviction est que le rôle d'EDF consiste à réussir le projet de grand carénage et la construction des réacteurs de type EPR 2.
De toute façon, comme l'a dit M. le ministre, l'ASN est garante de la sûreté pour l'ensemble de ces projets. Dès lors qu'une entreprise, start-up ou autre, tente de développer un tel projet, elle a l'obligation de démontrer à l'ASN qu'elle est compétente et rigoureuse en la matière.
Je pense d'ailleurs que vous ne rendez pas service à EDF en lui demandant d'être le seul opérateur pour les SMR. Le rôle d'EDF n'est pas celui-là.
Exclamations sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Le sens du grand service public qu'est celui de l'électricité, ce n'est pas d'exercer un monopole absolu sur la recherche et développement relative aux SMR.
Nous avons quelque peu l'impression que le SMR est une licorne, c'est-à-dire un animal magique qui n'existe pas mais qui pourrait rapporter quelques millions. Il y a six mois, on nous le vendait comme l'instrument de la décarbonation du pays dans les années qui viennent. Or, quand nous avons interrogé Agnès Pannier-Runacher à l'époque où elle était encore ministre de la transition énergétique, elle nous a fait valoir que cela intéresserait le législateur de 2035. Bref, avec les SMR, nous ne sommes pas près d'avoir la décarbonation !
Pour que tout le monde comprenne bien, les SMR seraient destinés à décarboner en particulier l'industrie lourde. Autrement dit, demain, on laissera des entreprises privées, contrôlées par des actionnaires qui veulent un retour sur investissement le plus rapide possible ,
M. Dominique Potier applaudit
exploiter des réacteurs nucléaires situés beaucoup plus près des zones d'habitation et des industries lourdes, le cas échéant de sites Seveso, que ne le sont les réacteurs actuels.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
Voilà ce qui se joue sur la question des SMR. Il faut donc déterminer qui les développe et, surtout, qui les exploite. Une entreprise qui cherche un retour sur investissement immédiat, ce n'est pas la même chose qu'un opérateur aux reins solides comme EDF – dont la dette s'élève certes à 65 milliards, mais dont 100 % des actions ont été rachetées par l'État. Nous allons donc soutenir l'amendement de Sébastien Jumel et les sous-amendements de Delphine Batho.
L'Opecst – dont je suis membre depuis le mois de septembre – a reçu à ce sujet non seulement des start-up, mais aussi l'IRSN et l'ASN, qui nous ont indiqué que les enjeux de sûreté et de sécurité n'étaient pas moindres pour les SMR, puisque ceux-ci vont stocker une grande quantité de combustible radioactif. On nous les vend comme une espèce de Thermomix qui tiendrait dans la cuisine,…
Un Thermomix fait en France !
…mais il ne s'agira pas du tout de cela. Il s'agira d'un petit réacteur nucléaire situé à proximité de zones d'habitation, peut-être dans le périmètre d'un site Seveso, et exploité par des acteurs qui veulent un retour sur investissement rapide. Bien évidemment, nous ne pouvons qu'y être opposés.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Le sous-amendement n° 346 n'est pas adopté.
Je le formule sur le fondement de l'article 100, alinéa 3, du règlement. Ce n'est pas possible !
Dans la discussion des articles, un principe s'applique : une fois que le rapporteur et le ministre ont donné leur avis, l'auteur de l'amendement peut apporter des éclairages.
Exclamations sur les bancs du groupe Dem.
…la présidence peut librement organiser une prise de parole par groupe politique, afin que l'Assemblée soit éclairée.
Oui, je remets en cause le fait que, sur un sujet aussi important, nous ne puissions pas nous exprimer.
Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.
Si vous remettez en cause ma présidence, monsieur Jumel, je vous préviens…
N'en rajoutez pas une couche, monsieur Maillard !
Soit on en reste là, et nous poursuivons l'examen des amendements. Soit vous continuez à vous opposer, monsieur Jumel, et je serai contrainte de vous rappeler à l'ordre.
Brouhaha.
Le sous-amendement n° 345 n'est pas adopté.
M. Sébastien Jumel, Mme Delphine Batho et M. Gérard Leseul brandissent le règlement.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante et une, est reprise à vingt-deux heures cinquante-trois.
Je le formule sur le fondement de l'article 100 et de l'article 58, alinéa 5, du règlement, madame la présidente.
Le débat porte sur la sûreté nucléaire, sujet sérieux et sensible. Nous n'avons pas choisi de faire de l'obstruction sur ce projet de loi…
…en multipliant les amendements ou les procédures. Nous souhaitons une discussion sereine, dans laquelle l'auteur de l'amendement ou l'orateur qui l'a défendu puisse, comme d'habitude, répondre à la commission et au Gouvernement. C'est ce qui se fait en général à l'Assemblée nationale. Si tel n'est pas le cas, nous allons devoir multiplier les demandes de suspension de séance et recourir aux diverses procédures.
Je ne pense pas que la qualité et la sérénité de la discussion y gagneraient.
Pour que les choses soient bien claires, je rappelle une nouvelle fois que l'auteur de l'amendement ne dispose pas d'un droit de réplique.
L'idée est notamment d'ouvrir le débat en permettant à des membres d'autres groupes de prendre la parole. C'est ce que nous faisons systématiquement. Je regrette, mais il n'y a absolument pas d'usage en ce sens.
Si ! Et j'en suis à mon quatrième mandat de députée ! Vous n'allez pas m'apprendre le fonctionnement des débats !
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Madame Batho ! C'est une attaque personnelle qui vise la présidente !
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement.
Je le formule, très sereinement, sur le fondement de l'article 100, alinéa 3, du règlement.
Lorsqu'un député fait un rappel au règlement, considérer qu'il remet en cause la présidence et le menacer,…
D'autre part, lorsque nous délibérons puis votons, l'usage veut que l'Assemblée soit éclairée. Cela implique que l'auteur de l'amendement puisse préciser quelles étaient ses intentions au moment où il l'a rédigé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je le dis au passage, je suis favorable au développement des SMR, mais je considère qu'on ne peut pas faire n'importe quoi en la matière.
Je souhaite que le débat puisse s'organiser. Sinon, nous disposons d'outils pour le ralentir. Comptez sur moi pour le faire.
Pour la sérénité de la discussion, je demande une suspension de séance de cinq minutes, afin d'évoquer les règles du débat.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-six, est reprise à vingt-deux heures cinquante-huit.
L'amendement n° 150 n'est pas adopté.
Sur l'amendement n° 112 , je suis saisie par le groupe Écologiste – NUPES d'une demande de scrutin public.
Sur les amendements n° 93 et identique, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement n° 117 , je suis saisie par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 112 .
Il vise à inscrire dans le code de l'environnement un standard international normalement respecté par la France, à savoir que les changements du cadre législatif et réglementaire en matière de sûreté nucléaire sont basés sur une méthode robuste de révision générale de sûreté et d'évaluation par les pairs.
Le Gouvernement présente cette réforme sans évaluation générale préalable du cadre de sûreté ni d'examen par les pairs. C'est pourtant la règle internationale pour laquelle la France, en la personne de Nathalie Kosciusko-Morizet, a activement milité après Fukushima, et que l'État applique avec constance depuis lors. Il y a aujourd'hui une rupture.
L'amendement n° 112 propose donc d'inscrire dans le code de l'environnement la phrase suivante : « Les résultats de l'évaluation et de l'examen international par les pairs sont transmis à l'[Opecst] préalablement à toute modification du cadre législatif en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection […]. »
Selon l'article L. 591-6 du code de l'environnement, « les ministres chargés de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et l'Autorité de sûreté nucléaire organisent conjointement, au moins une fois tous les dix ans, une évaluation du cadre réglementaire et législatif en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection […] et soumettent les éléments pertinents de cette évaluation à un examen international par des pairs en vue de l'amélioration continue de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Les résultats de ces évaluations par des pairs sont communiqués aux États membres de l'Union européenne et à la Commission européenne, lorsqu'ils sont disponibles. » Ils sont donc publics. De ce fait, les parlementaires – cela inclut l'Opecst – peuvent s'en saisir sans qu'il soit besoin de le préciser dans la loi.
L'Opecst est né il y a quarante et un ans. Ses premiers travaux portaient surtout sur la question du nucléaire. Les autres membres de l'Opecst présents ce soir – M. Laisney, M. Leseul, M. Bolo – peuvent témoigner que nous organisons régulièrement des réunions, des auditions et divers travaux sur ce sujet, y compris en matière de sûreté nucléaire.
Je comprends votre intention et je la partage, mais il n'est pas nécessaire de modifier la loi en la matière. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Pour compléter l'excellente réponse de M. le rapporteur, je dirai que l'amendement est satisfait : les dernières évaluations, celle de 2014 et le suivi de la mission de 2017, ont toutes deux été rendues publiques.
La rédaction de l'amendement risque par ailleurs d'entraver d'éventuelles initiatives parlementaires, comme des propositions de loi, lesquelles seraient rendues illégitimes du fait de la non-publication par l'État de rapports internationaux.
Je vous suggère vivement de retirer l'amendement, qui me semble superfétatoire sur le fond et risque d'être anticonstitutionnel sur la forme.
Je veux dire un mot pour soutenir cet amendement et, plus largement, tous les amendements qui, par des approches diverses, posent le problème des normes de sécurité. On sait très bien qu'il n'existe pas, à court terme, de projet de toucher aux normes. Néanmoins, un tel projet est possible. C'est donc une bonne chose de verrouiller le processus. N'oublions pas aussi que nous sommes sous le regard de l'opinion et que le nucléaire est un sujet d'opinion en débat permanent. Rien ne doit affaiblir l'opinion favorable au nucléaire. Il faut donc verrouiller les normes de sécurité pour rassurer l'opinion et nous prémunir contre de potentielles évolutions négatives.
Monsieur Jumel, je sais que vous vous sentez persécuté ce soir, mais je suis désolée : Mme Batho a levé la main avant vous.
La parole est à Mme Delphine Batho.
L'amendement n'est pas satisfait, monsieur le ministre. La preuve en est que la réforme en cours de la sûreté nucléaire ne procède pas d'une évaluation périodique et n'a fait l'objet d'aucun examen par les pairs. Depuis Fukushima, la bataille qu'a menée la France pour l'évolution des standards internationaux de sûreté nucléaire inclut le fait que chaque changement du cadre de sûreté, dans chaque pays, doit résulter une méthode d'expertise robuste et évidente qui veut qu'avant de changer quoi que ce soit, on évalue ce qui marche, ce qui marche moins bien et les domaines où l'on doit progresser, et que l'on écoute ce qu'en pensent les hautes autorités de sûreté, afin de faire des choix éclairés. La réforme que vous proposez ne respecte aucune de ces caractéristiques. Je maintiens donc l'amendement.
M. Sébastien Peytavie et M. Gérard Leseul applaudissent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 31
Contre 94
L'amendement n° 112 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de repli, car nous sommes foncièrement contre cette réforme de la sûreté nucléaire. Quand j'entends avec quelle ferveur le collègue Tanguy la défend, je me dis que nos collègues Renaissance devraient s'interroger sur sa dangerosité.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Votre objectif est d'adapter l'ASN, sans modifier sa structure, pour lui permettre d'inclure les activités de l'IRSN. Tout cela pour gagner du temps. Toutes les personnes auditionnées nous ont dit que le calendrier, qui fixe un démarrage en janvier 2025, était intenable, puisque vous désorganisez tout.
Il est peut-être encore temps de penser différemment. C'est pourquoi nous proposons, ici encore, de faire de l'ASNR une autorité publique indépendante. Si vous avez une meilleure idée, n'hésitez pas à la proposer. Nous savons que ce n'est pas la panacée, mais vous nous obligez à bricoler en essayant de faire entrer un carré dans un rond.
Nous voulons avant tout éviter le démantèlement de compétences rares et précieuses, en particulier celle concernant la dosimétrie, que vous voulez écarteler entre le CEA – Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives –, pour la dosimétrie externe, et l'ASNR, pour la dosimétrie interne. Il s'agit pourtant de compétences stratégiques qui fonctionnent ensemble et dont dépend notre capacité à réagir à un incident, voire à un accident nucléaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Ce n'est pas rien ! Les scientifiques commencent à s'en aller, complètement découragés par cette proposition.
L'amendement vise donc, s'agissant d'une compétence stratégique, à éviter la désorganisation complète et le départ des professionnels.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
C'est effectivement un amendement de repli. Nous souhaitons vivement que l'indépendance de la future autorité soit clairement signifiée dans le texte, ainsi que son caractère public.
Je rappelle que, contrairement à une autorité administrative indépendante (AAI), une autorité publique indépendante (API) est dotée de la personnalité morale et peut bénéficier de ressources propres, ce qui la rend financièrement indépendante : elle peut mener des recherches, y compris des recherches partenariales, délivrer des prestations commerciales rémunérées ou encore se voir affecter une part dédiée de recettes fiscales ou des subventions de l'État. Cette formule, qui a été proposée sur de nombreux bancs, conviendrait au but que vous assignez à la fusion de l'ASN et de l'IRSN.
Vous avez dit à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, comme M. le rapporteur, qu'il n'était pas possible de créer une API au motif que cela créerait un problème de recrutement, notamment pour le personnel fonctionnaire. Je rappelle que l'article 16 de la loi de 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes dispose, dans son chapitre Ier , que : « Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante peut employer des fonctionnaires civils et militaires, des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats placés auprès d'elle dans une position conforme à leur statut et recruter des agents contractuels. » Il n'y a donc aucune impossibilité de concilier les statuts actuels du personnel travaillant à l'IRSN et de celui travaillant à l'ASN.
C'est pourquoi nous insistons – un peu lourdement, je le reconnais – pour la création d'une autorité publique indépendante.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 117 .
Il va un peu moins loin que les amendements de mes collègues sur la question du statut juridique de l'ASNR.
Hier, par leurs sous-amendements, M. Jean-Louis Bourlanges et M. Philippe Bolo, M. Paul Christophe, Mme Mireille Clapot, issus des rangs de la majorité, s'interrogeaient sur l'hypothèse de l'API. Vous faites le choix de créer une AAI, ce qui est le statut actuel de l'ASN, pour des questions, dites-vous, de temps et d'impossibilité juridique.
Avant d'être parlementaire, je fus élu local. Quand on est élu et qu'on a un doute sur le chemin à emprunter, on demande à des professionnels de réaliser des études qui éclairent la décision de celles et de ceux qui sont aux responsabilités. L'amendement vise en conséquence à ce qu'un rapport étudie quelle structuration juridique serait la plus efficace pour atteindre les objectifs fixés par le texte.
Je ne vous cache pas que nous croyons l'API plus adaptée que l'AAI. Vous nous répondez l'inverse depuis hier. Très bien ! C'est le débat contradictoire. Cependant, plutôt que d'essayer de se convaincre les uns les autres, il me semble qu'un rapport détaillant la structuration juridique la plus performante nous permettrait de légiférer en nous fondant sur des bases solides.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Il est vrai que nous avons eu ce débat en commission, puis hier soir, sur l'amendement n° 171 de Mme Clapot et sur différents sous-amendements à l'amendement du Gouvernement rétablissant l'article 1er . J'ai rappelé que le statut d'AAI avait été choisi en 2006 pour l'ASN sur la base d'un rapport tel que celui que vous appelez de vos vœux, rapport remis par des parlementaires qui n'appartenaient pas tous à la majorité de l'époque.
Je peux en rappeler les arguments. Premièrement, le statut d'AAI est plus protecteur pour l'autorité créée, car l'État conserve la responsabilité juridique.
Deuxièmement, nous assumons de dire qu'il sera plus simple de rassembler dans le cadre d'une AAI le personnel de l'ASN, qui est une AAI, et celui d'une partie de l'IRSN, qui est un établissement public industriel et commercial (Epic). Alors que nos concitoyens demandent de la simplification, je ne vois pas pourquoi cela ne concernerait pas cette réforme.
Troisièmement, pour répondre à l'argument relatif à la dosimétrie, je rappelle que, dans tous les cas, l'ASNR sera une autorité indépendante, qu'elle soit une API ou une AAI – nous sommes au moins d'accord sur ce point. La dimension commerciale de l'activité de dosimétrie poserait donc un problème de déontologie et de droit de la concurrence. En effet, qu'il s'agisse d'une API ou d'une AAI, l'Autorité commercialiserait des dosimètres auprès d'industries placées sous son contrôle. Contrairement à votre souhait, on voit bien qu'il n'est pas souhaitable de conserver l'organisation de l'activité liée à la dosimétrie.
Hier soir, comme précédemment en commission, j'ai évoqué les plus de 400 fonctionnaires de l'ASN ; ce sont des scientifiques de très haut niveau.
Ils seraient mis en difficulté au sein d'une API. Cet après-midi, ils ont d'ailleurs publié un communiqué de presse intitulé « Fusion ASN-IRSN : le SNIIM – syndicat national des ingénieurs de l'industrie et des mines – exige le maintien d'une autorité administrative indépendante et refuse que le projet de loi condamne le statut de fonctionnaire dans une éventuelle future autorité ». On peut aussi les entendre !
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Mêmes mouvements.
Compte tenu des nombreux arguments que nous avons avancés en commission d'abord, puis hier soir, avis défavorable sur ces trois amendements.
Hier soir, lors de nos longs débats, nous avons apporté des réponses concernant la recherche, les brevets, les activités commerciales, les subventions européennes ou encore le budget. Elles vous ont manifestement convaincus puisque les amendements concernés ont été rejetés.
Je ne voudrais pas que ce débat entre API et AAI se réduise à un arbitrage pour ou contre les salariés de l'ASN ou de l'IRSN. Ces deux institutions emploient des personnels d'une très grande qualité…
…qui travaillent déjà ensemble. Nous souhaitons qu'ils travaillent encore mieux et encore plus ensemble demain.
Les personnels de l'ASN nous expliquent que si nous n'optons pas pour une AAI, leur statut de fonctionnaire en serait affaibli, puisque leur détachement auprès d'une API ralentirait leur avancement. Le choix d'une API constituerait donc pour eux un inconvénient. À l'inverse, si les articles 6 à 11 sont votés et si le texte est adopté – ce que je souhaite –, les salariés actuels de l'IRSN, qui sont, je le répète, d'une très grande qualité, conserveront leur statut et leur progression au sein de l'AAI ainsi constituée.
N'opposons pas les uns aux autres, mais faisons en sorte qu'à l'avenir, les collaborateurs de ces deux institutions exceptionnelles travaillent encore mieux ensemble. Avis défavorable.
Il y a quelques semaines, j'ai commis avec ma collègue Maud Bregeon un rapport sur l'application de la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes – loi que j'ai votée. Pour ce faire, nous avons auditionné de nombreux acteurs et entendus leur position sur les freins et les marges d'optimisation et d'accélération de la relance de la filière. Aucun d'entre eux n'a cité la fusion de l'ASN et de l'IRSN comme un facteur favorisant cette accélération.
Je souhaite revenir sur l'important sujet des SMR, puisque je n'ai pas pu en parler tout à l'heure. Lors de leur audition dans le cadre du rapport d'information que je viens d'évoquer, les représentants de l'ASN ont expliqué que la multiplication des acteurs, notamment privés, intéressés par les SMR, pouvait justifier votre mauvaise réforme. Ils se sont aussi aperçus que les acteurs privés n'utilisaient pas le même langage que ceux qui traitent des questions de sûreté nucléaire et de sécurité au quotidien, ce qui risque d'alourdir la charge de travail de l'ASN. Je souhaite appeler votre attention à ce sujet : faire appel à des marchands de savonnettes pour exploiter les SMR fragilisera profondément la sûreté et la sécurité nucléaires.
Imaginons une entreprise électro-intensive nécessitant la création d'un SMR pour décarboner son activité, ou une raffinerie, jouxtant un SMR, qui ferme – comme Petroplus en Seine-Maritime. Que se passera-t-il si ce SMR est exploité par un marchand de savonnettes uniquement préoccupé par la rentabilité à court terme – seulement soucieux de faire rapidement « juter » son investissement ? Que deviendra ce SMR, installé à côté d'une entreprise qui a fermé du jour au lendemain, sans avoir consulté l'exploitant avec lequel elle avait passé un contrat de production d'énergie ? L'enjeu des SMR, fragilisé par votre mauvaise réforme, nécessite un peu plus que deux ou trois minutes de débat dans l'hémicycle !
Habituellement, je donne la parole à un défenseur et à un opposant, mais toutes les demandes de parole que j'ai reçues sont en faveur des amendements. Y a-t-il des orateurs opposés aux amendements, afin de conserver un équilibre dans nos débats ?
Certes, mais il ne faudrait pas que l'exception complique nos débats par la suite !
Je donne la parole à Mme Julie Laernoes qui ne s'est pas encore exprimée sur ces amendements.
Afin d'éclairer le débat, permettez-moi de reprendre la proposition faite hier par notre collègue Philippe Bolo, lorsqu'il a défendu l'amendement de M. Jean-Louis Bourlanges. Il suffit de compléter l'article 1er du décret du 29 avril 1988 portant création et statut particulier du corps des ingénieurs de l'industrie et des mines, afin d'y ajouter les API. Ainsi, les fonctionnaires conserveraient leur statut au sein d'une API.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et SOC.
Vous développez un argument relatif à la personnalité morale, juridique et financière de l'autorité choisie, mais en dernier recours, c'est toujours l'État qui est responsable ,
M. Bruno Millienne s'exclame
quelle que soit la forme juridique de celle-ci.
Puisque nous évoquons les personnes chargées de la sûreté et la sécurité nucléaires, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'opposer les salariés de l'ASN à ceux de l'IRSN, ni de dévaloriser le travail des uns ou des autres. J'entends un argument selon lequel la fusion de ces deux institutions viendra pallier le manque de personnel qu'elles connaissent : il aurait été plus simple de le dire clairement. Mais les recrutements concernent des compétences et des métiers différents et ne s'appuient donc pas sur les mêmes profils.
Un étudiant qui sort d'une école d'ingénieur et souhaite faire de la recherche dans le nucléaire ne cherchera pas à travailler pour une autorité indépendante – cela nous a été rappelé. La création d'une AAI dispersera les chercheurs en sûreté nucléaire et leurs compétences. C'est précisément ce qui nous inquiète ; nous ne bataillons pas pour bloquer coûte que coûte cette réforme.
Tant mieux ! On aurait pu avoir cette impression hier soir.
Non seulement la structure juridique que vous avez choisie ne réglera pas le problème que vous prétendez résoudre, mais elle risque d'affaiblir durablement la recherche en matière de sûreté nucléaire, qui est indispensable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 32
Contre 100
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 133
Majorité absolue 67
Pour l'adoption 34
Contre 99
L'amendement n° 117 n'est pas adopté.
Il vise à renforcer l'article L. 592-1 du code de l'environnement. Il s'agit de préciser dans la loi que ce code est complété par les phrases suivantes relatives à la nouvelle autorité : « Ses décisions garantissent la priorité de la sûreté nucléaire et de la protection de la santé humaine sur la production d'énergie d'origine électronucléaire. Ses activités participent à l'atteinte et au maintien des plus hauts standards de sûreté nucléaire sur l'ensemble du territoire. »
J'entends l'aspect superfétatoire de cette proposition. Cependant, les propos qui ont été tenus à plusieurs reprises, lors des auditions et pendant nos débats en commission, ne nous ont pas rassurés quant aux arbitrages qui pourraient être finalement retenus, particulièrement à propos des SMR.
Votre prédécesseure, monsieur le ministre, nous a tout d'abord annoncé qu'elle allait faire appel à des start-up innovantes pour concevoir de nouveaux réacteurs et pour imaginer l'adaptation de technologies existantes – comme celle utilisée pour les sous-marins nucléaires par exemple. Au fil des mois, qu'avons-nous appris ? Que finalement, ces start-up – alors qu'elles avaient déjà procédé à des levées de capitaux et bénéficié de dotations de capitaux ou de garanties d'État – seraient également chargées de l'exploitation de ces nouveaux réacteurs, en plus de leur conception. C'est une autre paire de manches !
Maud Bregeon a indiqué tout à l'heure qu'EDF ne pouvait détenir le monopole de la conception de ces réacteurs mais conservait celui de l'exploitation. Nous ne souhaitons pas que de petits réacteurs soient exploités par d'autres entités qu'EDF, partout dans le territoire et jusque dans le jardin de M. Jean-Philippe Tanguy.
Sourires. – M. Maxime Laisney applaudit.
Il est ici question de hauts standards de sûreté. La sûreté nucléaire fait l'objet de dialogues techniques constants entre les exploitants, les experts et les décisionnaires, qui travaillent de concert, menant de nombreuses discussions dans différents cadres. Les exigences applicables aux installations nucléaires sont définies dans un chapitre dédié du code de l'environnement, qui reprend lui-même les exigences du droit international, notamment celles figurant dans la Convention sur la sûreté nucléaire adoptée en juin 1994, ou encore dans la directive Euratom de juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.
Ces exigences, déjà très élevées, prévoient un principe de progrès continu – ce qui semble évident –, afin d'intégrer les retours d'expérience et l'évolution des connaissances techniques issues de la recherche menée dans différents pays. Par conséquent, ce que cet amendement vise à inscrire dans la loi est déjà prévu par le droit européen et le droit français. Votre amendement étant satisfait, j'en demande le retrait – bien que j'ai peu d'espoir que vous suiviez mon conseil –, sans quoi mon avis sera défavorable.
Même avis.
Je ne suis pas un expert en matière de nucléaire, contrairement à certains, de l'autre côté…
…mais j'avoue que je ne comprends pas vos propos, monsieur Leseul. Il me semble évident que, quelle que soit l'installation nucléaire – un EPR, un EPR 2, un SMR, voire un XMR –, l'autorisation d'installation et d'exploitation n'est accordée qu'après l'avis favorable, de l'ASN aujourd'hui et de l'ASNR demain. Vous êtes presque en train de faire croire à nos concitoyens que les personnels de l'ASN ne font pas leur boulot, et qu'ils ne le feront pas non plus demain !
C'est pour le moins étrange, s'agissant de personnels dont on loue tant l'efficacité que le professionnalisme !
Il n'y aura ni installation ni exploitation de SMR sans que la sûreté nucléaire soit assurée, par l'ASN ou par l'ASNR ensuite.
À quoi rime d'attiser les peurs, comme vous le faites ? J'entends les inquiétudes que peuvent susciter les SMR et les XMR, mais croyez bien que l'ASN – celle d'aujourd'hui et ce qu'elle deviendra dans la nouvelle structure – veille au grain et qu'elle n'autorisera aucune exploitation qui présenterait le moindre danger.
Vous cherchez à effrayer la population sur la base de supputations qui sortent d'on ne sait où. Je ne comprends pas !
Nous soutenons évidemment l'amendement de Gérard Leseul, car le risque de voir d'autres considérations que celles relatives à la sûreté l'emporter est le risque majeur que fait courir ce texte.
J'en profite pour revenir sur des propos précédents. J'étais très contente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de vous entendre vous intéresser enfin à l'avis des salariés du nucléaire. On ne peut pas les opposer les uns aux autres, car je vous rappelle que dans leur grande majorité, ces travailleurs – que ce soient ceux de l'IRSN, ceux de l'ASN ou ceux du CEA – sont opposés à votre réforme.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Oui, c'est tout à fait vrai !
La preuve que votre réforme est bricolée et qu'elle ne marche pas, c'est que lundi prochain devait se tenir une réunion de la commission de concertation sur le projet de fusion, avec les organisations syndicales et la direction des entités concernées. Or la réunion a été annulée parce que les choses ne sont pas prêtes en raison précisément de l'incertitude réelle relative au futur système de gestion du personnel. Cela montre bien qu'avec une AAI, ça ne fonctionne pas ! En fait, les problèmes, c'est vous qui les créez avec votre réforme !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Moi, j'ai une solution toute simple, presque magique : renoncez, et les problèmes de statut, les problèmes de gestion, les problèmes de compétences dispersées et menacées disparaîtront !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Charles Fournier applaudit également.
L'amendement n° 233 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 226 .
À de très nombreuses reprises pendant le débat sur ce projet de réforme, nous nous sommes demandé : « Pourquoi ? » Pourquoi casser ce qui marche ? Pourquoi casser l'excellence française dans le domaine de la sûreté nucléaire ?
En fait, ces questions trouvent leur réponse dans l'intention inavouée – plus ou moins cachée, mais parfois un peu explicitée – du Gouvernement d'ouvrir la production d'électricité nucléaire à de nouveaux acteurs.
Approbations sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
En France, le groupe EDF détient le monopole de fait de la production d'électricité.
Il m'a par ailleurs été rapporté que ces fameux nouveaux acteurs s'étaient révélés les plus virulents à l'encontre de l'IRSN et de l'ASN lors des auditions, et que ce sont eux qui font entendre les discours désignant tous les enquiquineurs de la sûreté nucléaire aux normes et exigences excessives.
Soyons clairs : pour nous, c'est non ! C'est le sens de l'amendement n° 226 .
Monsieur Millienne, faire faire un dossier et des démarches auprès de l'autorité de sûreté nucléaire à tout un ensemble d'acteurs qui n'en ont pas les compétences – construire un réacteur nucléaire n'a en effet rien d'un travail d'amateur – pour qu'en définitive l'ASN refuse le projet, c'est perdre du temps et gâcher des moyens humains.
C'est bien pour ça que l'ASN est investie dès le départ ! C'est hallucinant.
C'est absurde. Mon amendement rappelle que les installations nucléaires doivent être confiées à des gens dont les compétences et l'expérience ont été acquises en travaillant dans des installations existantes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES. – Mme Anne Stambach-Terrenoir et M. Gérard Leseul applaudissent également.
Un sous-amendement similaire a été examiné hier soir et a reçu un avis défavorable, que je renouvelle donc aujourd'hui. M. le ministre précisera certainement notre position.
Aux excellents arguments développés par le rapporteur hier soir, j'ajouterai celui-ci : nous évoquons une autorité indépendante,…
… mais vous entendez donner à l'État la mission d'exiger de celle-ci des compétences.
Je lis votre amendement : « L'État veille également à faciliter l'exercice des missions de contrôle relevant de l'Autorité de sûreté nucléaire, en exigeant, pour la délivrance des autorisations… »
Protestations sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
C'est l'autorité indépendante qui évaluera et mettra en œuvre le cadre de sûreté tel qu'il est prévu, sachant – je le répète – qu'il n'est pas modifié par le projet de loi. Par ailleurs, l'Autorité continuera de remplir ses fonctions dans l'indépendance la plus totale. Notre avis est donc défavorable.
Monsieur le ministre, révisez vos fiches ! L'autorité émet un avis et l'État délivre une autorisation. Ainsi, un amendement visant à inscrire dans le droit que l'État subordonne cette délivrance à l'expertise et à l'expérience de ceux qui sollicitent un permis d'exploiter ou d'installer est conforme à ce que prévoit le droit.
Pour répondre à notre collègue Bruno Millienne, j'expliquerai à quoi tient ma relation de confiance avec le nucléaire. Je ne suis pas un béni-oui-oui et je n'entretiens aucune relation naïve avec ce mode de production, mais je connais l'histoire, la culture de l'entreprise et les compétences acquises au sein du fleuron qu'est EDF. Je suis également sensible au fait que cette entreprise publique n'est pas soumise à une logique actionnariale.
En effet, la logique d'actionnaires est incompatible avec la production nucléaire, car elle conduit à la recherche d'économies au détriment de la recherche, de l'innovation, du niveau de compétence des intervenants, de la maintenance ou de divers éléments de sûreté et de sécurité des installations, que votre projet tend à fragiliser.
Pourquoi le pronucléaire que je suis consacre-t-il beaucoup d'énergie à combattre le mauvais projet que vous présentez ? Car il est en fait le cheval de Troie qu'utilisent les libéraux que vous êtes pour accélérer le démantèlement, la privatisation, la mise sur le marché et la mise à l'encan d'une filière, au profit de ceux qui veulent faire leur beurre sur la production d'énergie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
C'est tout cela que nous découvrons au fur et à mesure que vous dévoilez les raisons intimes de ce mauvais projet, et c'est cela qui motive notre opposition.
Votre amendement vise à compléter l'article L. 592-25 du code de l'environnement, qui dispose que « l'Autorité de sûreté nucléaire est consultée sur les projets de décret et d'arrêté ministériel relatifs à la sécurité nucléaire ». M. le ministre a raison : ce n'est plus une autorité indépendante si vous formulez des « exigences » en fixant le cadre dans lequel elle doit agir.
Je ne vois donc pas dans quelle mesure votre amendement améliore le projet de loi. Que cherchez-vous ? À recadrer une autorité indépendante et à lui faire perdre ce statut ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l'adoption 45
Contre 89
L'amendement n° 226 n'est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.
La parole est d'abord à Mme Julie Laernoes.
Un moment particulier se présente à nous : alors que nous entendons qu'il faut simplifier et rendre la loi moins bavarde, nous ne pouvons que constater et déplorer que le projet de loi, tel qu'il a été préparé, appelle la représentation nationale à se prononcer sur… le règlement intérieur de la nouvelle autorité !
Avez-vous souvent, mes chers collègues, légiféré sur les règlements intérieurs des différentes autorités indépendantes ? Et pourquoi devons-nous à présent le faire ? Parce que nous n'avons pas inscrit dans la loi la nécessaire séparation entre l'expertise et la décision. Tel est pourtant notre devoir, bien différent de celui de légiférer sur un règlement intérieur.
Malgré une volonté affirmée de simplifier, de rendre la loi moins bavarde, celle-ci est complexifiée à l'envi. Les problèmes qui n'ont pas été réglés, les inquiétudes et les doutes qui ont été exprimés au Sénat comme ici au sein de tous les groupes, y compris ceux qui composent la majorité, se retrouvent confinés dans un fragile règlement intérieur. Or celui-ci pourra évoluer, bien plus facilement que la loi, puisque l'indépendance dont jouira la nouvelle autorité s'accompagne de la confiance accordée à ses experts – le ministre délégué et le rapporteur nous l'ont suffisamment répété. Je ferai bien volontiers confiance aux experts, mais seulement dans le cadre prévu et les missions définies par le législateur.
Nous ne votons malheureusement pas de manière éclairée et le débat que nous venons de vivre au sujet de l'attribution du statut d'AAI ou de celui d'API à la nouvelle autorité est, de ce point de vue, assez éloquent : nous n'avons même pas pu obtenir le rapport que demandait par amendement notre collègue Benjamin Saint-Huile, rapport qui aurait permis d'identifier la structure juridique la plus adaptée !
Selon moi, l'article 2 démontre toute l'ineptie et l'impréparation de ce projet de loi.
Nous sommes le 12 mars 2024 : cela fait donc treize ans et un jour que la catastrophe de Fukushima a commencé. Depuis, le parlement et le gouvernement japonais ont chacun installé une commission indépendante ; celle du gouvernement écrit que la responsabilité de l'accident réside principalement dans la négligence de Tepco, l'opérateur, et, plus en amont, dans l'absence d'indépendance de l'organe de réglementation et dans sa complaisance à l'égard de l'opérateur. Elle ajoute que la catastrophe n'a pas été naturelle, mais humaine.
Pourquoi partager cette conclusion avec vous ? Parce que le projet de loi que nous examinons contient les ingrédients de la catastrophe humaine qu'elle évoque. Nous réunirons deux organes en une seule entité, nous placerons l'expert sous l'autorité du décideur et nous conférerons tous pouvoirs à l'ASN existante.
Puisque nous allons examiner le règlement intérieur, j'évoquerai avec vous l'article de Mediapart paru en 2016 que j'ai déjà évoqué en réunion de commission la semaine dernière. Jusqu'où croire les journalistes, me demanderez-vous ? Je vous laisserai en juger.
Cet article évoque les agents de l'antenne de l'ASN de Caen travaillant sur le chantier de l'EPR de Flamanville, parmi lesquels deux ont déclaré un burn-out après avoir constaté plusieurs irrégularités et manquements d'EDF, voire des incidents. Ils ont souhaité les signaler, mais la direction de l'ASN a pris parti pour EDF plutôt que pour ses agents.
Le problème est donc que la direction de l'ASN s'oppose à ses agents à chaque fois qu'EDF le lui demande. Elle a permis à EDF d'enfreindre la loi, malgré l'intervention du procureur, et est même allée jusqu'à soutenir une révision de la réglementation qui, dans sa forme antérieure, n'arrangeait pas EDF, cet exploitant qui essayait tant bien que mal de construire son EPR à Flamanville.
Pour ces raisons, ma collègue Anne Stambach-Terrenoir soutiendra un amendement de suppression de l'article 2. Nous ferons tout pour défendre l'indépendance de l'expert vis-à-vis du décideur.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Nous n'avons toujours pas compris et, monsieur le ministre, vous n'avez toujours pas répondu à la question que nous avons posée à de nombreuses reprises : pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Pourquoi cette réforme ? Nous avons d'ailleurs demandé, au cours de la réunion de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, à prendre connaissance du rapport Verwaerde…
Ah ! Le fameux « on nous cache tout, on ne nous dit rien » !
…qui a, visiblement, fondé la décision que le Président de la République impose aujourd'hui au Gouvernement et à sa majorité minoritaire.
Comme vous n'avez pas répondu à cette demande et que ni les rapporteurs pour avis et au fond, ni la commission n'ont demandé communication de ce rapport, nous avons écrit en passant par la commission de la défense pour tenter d'obtenir gain de cause. Il faut bien que nous puissions disposer des informations nous permettant de prendre une décision éclairée !
M. Philippe Brun applaudit.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous avez rappelé à plusieurs reprises que le statut d'autorité administrative indépendante qui avait été finalement choisi en 2006 pour l'ASN était un bon statut. C'est négliger l'effet de votre propre projet de réforme, qui entend fusionner deux entités de natures différentes, mais conserver le statut de l'une d'entre elle, celui d'AAI. Cela me paraît déraisonnable.
Venons-en au cœur de l'article 2 : le Sénat, dans sa sagesse, a apporté des améliorations au texte et des précisions sur la séparation des activités de ces autorités de sûreté, pour que nous puissions avoir confiance. Or vous nous renvoyez systématiquement au règlement intérieur, et avez tenté sans relâche de supprimer les avancées obtenues par nos collègues sénateurs. C'est très regrettable, et nous voterons contre l'article 2 – mon collègue Dominique Potier défendra dans un instant un amendement de suppression.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je le dis avec gravité et solennité : il était possible de construire un consensus élargi sur la question de la relance du nucléaire. En effet, tant la lutte contre le réchauffement climatique que l'application d'une politique de production énergétique pilotable, visant à faire face à l'électrification des usages, sont des enjeux majeurs.
Dans le cadre de ce débat, votre comportement et votre incapacité à répondre aux questions de fond et à justifier cette réforme d'une manière sérieuse et convaincante sont en train de fragiliser le consensus.
Je vous le dis très tranquillement, mais très fermement : il y a un problème dans nos échanges. Par exemple, vous ne répondez pas à une question clé pour les cocos, pour lesquels EDF est également le garant de la sûreté et de la sécurité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Vous ne répondez pas aux questions, notamment celles relatives aux SMR. Vous êtes donc inconséquents et irresponsables.
Oui, et j'ai raison. Je parle en connaissance de cause. Il y a deux centrales nucléaires à côté de chez moi. La Normandie, ma région, est celle qui produit le plus d'énergie nucléaire en France. En ma qualité d'élu, ma responsabilité est de garantir, pour un mode de production énergétique donné, le plus haut niveau de sûreté et de sécurité pour les habitants et les salariés,…
…ainsi que la transparence, qui inclut le contrôle démocratique.
Nous recherchons à trouver cet équilibre en présentant des arguments sérieux, mais vos réponses ne sont pas au niveau.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Bien que je ne partage pas la passion pour le nucléaire de mon collègue et ami Sébastien Jumel, je pourrais reprendre tout son argumentaire. La transition énergétique sera un cauchemar ou une odyssée, comme l'a dit Boris Vallaud, le président du groupe Socialistes et apparentés. Pour qu'elle soit une odyssée, il faut absolument qu'il y ait de la démocratie et de la justice.
Or la démocratie est absente du projet de loi parce qu'il ne garantit pas la transparence. Cette réforme repose sur un rapport secret,…
…et son dessein demeure mystérieux après des dizaines d'heures de débat.
Toutes les études scientifiques menées dans d'autres domaines – je pense à la phytopharmacie ou au médicament – montrent qu'il faut séparer l'expertise de la décision. Cette dualité est la garantie de notre sécurité. Nous demandons donc la suppression de l'article 2.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Qui n'a rien à voir avec ça !
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l'amendement n° 69 .
Cet article est le symptôme de l'impréparation du projet de loi, élaboré à la va-vite, qui porte pourtant sur des enjeux majeurs. Tous les sujets structurants sont renvoyés à un règlement intérieur. Rendez-vous compte : on nous demande de nous prononcer sur un règlement sur lequel nous n'avons absolument pas la main et dont nous ne connaissons pas le contenu au moment où nous légiférons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Celui-ci sera rédigé par un collège de cinq personnes – le même que celui de l'ASN –, parmi lesquelles trois seront désignées par le Président de la République : vous n'avez pas voulu modifier le texte et vous essayez toujours de faire entrer un carré dans un rond.
Les sujets structurants auxquels je fais référence sont vraiment mineurs ! Le premier est celui de la séparation entre l'expertise et la décision ; on sait à quel point c'est important. Mon collègue Maxime Laisney a rappelé que la catastrophe de Fukushima était d'abord due à une erreur humaine, notamment à un manque d'indépendance de l'organisme de sûreté nucléaire qui était trop complaisant avec l'opérateur.
L'autre question capitale est celle de la transparence, à savoir l'information du public et la publication des expertises. Seront-elles publiées en amont de la décision ou bien une fois qu'elle sera prise, comme l'avait affirmé la ministre, Agnès Pannier-Runacher ? Cette question, qui est loin d'être secondaire, sera également tranchée dans le règlement intérieur.
Cet article rend toutes nos craintes concrètes. Il alimente tous nos doutes, ou plutôt, il renforce nos certitudes quant aux objectifs du texte : il s'agit de donner plus de pouvoir aux décideurs, ce qui fait courir un risque à la sûreté, sacrifiée au profit d'autres considérations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement n° 111 .
Il aurait été cohérent de demander la suppression de l'article 2 si l'article 1er , l'objet même de la réforme, avait été confirmé. Or vous avez souhaité le rétablir.
Je veux redire à quel point cette réforme, porteuse d'un risque de déstabilisation profonde, nous inquiète. Nous avons assisté à des fusions d'entités et à des réorganisations dans de nombreux secteurs. Or la sûreté nucléaire n'est pas un domaine dans lequel la France a le droit à l'erreur.
Dès lors que l'article 1er a été adopté, l'enjeu consiste à limiter les dégâts avec l'article 2 et à prendre le Gouvernement au mot. Tout à l'heure, il nous a dit qu'il respectait le principe de non-régression du droit de l'environnement et de la sûreté nucléaire : cela signifie qu'il faut conserver le cadre juridique actuel en matière de transparence et d'information du public. Il devra demain répondre aux mêmes standards que ceux actuellement en vigueur. Nous verrons bien. En attendant, l'amendement n° 111 est retiré.
L'amendement n° 111 est retiré.
Je vais le défendre, madame la présidente. L'article 1er nous tord le bras. Si l'on tient au principe d'indépendance de l'expertise et de la décision, il est nécessaire de l'inscrire dans la loi. Nous avons tendu la main, en déposant des amendements en ce sens. L'inscription de ce principe dans le seul règlement intérieur nous inquiète pour les raisons que j'ai déjà évoquées, même si cela reste important.
L'article 2 distingue les personnes chargées de l'expertise de celles responsables de la décision. Cette séparation est toutefois insuffisamment garantie ; la meilleure garantie serait que ces personnes soient membres de structures séparées et indépendantes – c'est la base. Le règlement intérieur ne garantit pas que l'expert soit libre de publier ses avis en amont de l'élaboration et de la prise de décision – nous y reviendrons plus tard dans le débat.
Aucune garantie n'est apportée quant à l'absence de lien hiérarchique entre le décideur et l'expert. La transparence n'est pas suffisamment assurée et le dialogue technique avec la société civile a disparu alors que c'est pourtant un élément déterminant parmi les grands principes de sûreté.
Messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre délégué, écoutez l'inquiétude sincère qui s'exprime sur ce sujet, et reconnaissez le travail accompli. Faute d'avoir inscrit ce principe dans la loi, faites preuve de sagesse et retenez nos amendements qui iront dans ce sens.
Étant donné que l'article 1er a été rétabli, par cohérence, je retire mon amendement de suppression. Montrez aussi votre sagesse ! Nous ne sommes pas là pour faire de l'obstruction, mais pour améliorer un texte qui nous inquiète sincèrement.
L'amendement n° 250 est retiré.
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile, pour soutenir l'amendement n° 304 .
Parce que nous souhaitions être cohérents – nous sommes opposés à la fusion –, nous avions proposé la suppression des articles 1er et 2. Or, dans son infinie sagesse, l'Assemblée a décidé de rétablir l'article 1er en adoptant un amendement de M. Fugit.
Nous devons désormais faire un choix : devons-nous maintenir l'amendement de suppression de l'article 2, article qui fixe le cadre et les règles de cette nouvelle autorité, ou le retirer afin de participer au débat ?
Notre collègue du groupe Écolo – NUPES vient d'expliquer qu'elle retirait son amendement. Je comprends la logique mais j'adopte une autre stratégie afin de plaire au ministre délégué. J'ai tendance à penser que si cet amendement de suppression était voté, il compliquerait l'application du projet de loi et entraverait en conséquence la fusion elle-même.
Sourires sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Christine Arrighi et Mme Julie Laernoes applaudissent.
L'article 2 fixe les règles de déontologie, d'indépendance et de transparence de la nouvelle autorité. Maintenant que nous avons rétabli l'article 1er , nos positions commencent à converger, nous devons fixer ces règles.
Le projet de loi initial renvoyait la fixation de ces règles au règlement intérieur, qui, du reste, sera rendu public – nous y reviendrons. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a fait évoluer le texte sur cette question : il a enrichi et élargi les dispositions de l'article 2, renforçant en quelque sorte leur crédibilité
En commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, j'ai souhaité m'inscrire dans cette droite ligne, en consolidant certains points – j'ai apporté plus de réponses que vous ne le pensez, et ne suis pas aussi irresponsable que vous le dites, monsieur Jumel.
En définitive, l'article 2 consacre le rôle des groupes permanents d'experts, crée une commission d'éthique et de déontologie, inscrit dans la loi le principe de publication des résultats d'expertise et élargit le champ du principe de distinction entre expertise et décision. Pour l'ensemble de ces raisons, je pense que nous devons examiner l'article 2. Avis très défavorable sur ces amendements.
Même avis.
Comme vous avez refusé de graver dans le marbre de la loi la dualité qui fait l'originalité du modèle français, comme vous vous êtes opposés à tous les arguments que l'opposition a soulevés lors de l'examen de l'article 1er , l'article 2 a une légitimité. En effet, vous renvoyez au règlement intérieur la définition du rôle du collège de l'ASNR, qui s'appuie sur une commission d'éthique et de déontologie. Vous faites de même avec les règles de partage entre les missions d'expertise et de contrôle lors de la saisine de l'autorité, ainsi qu'avec les modalités de publication des avis d'expertise.
Dans ces conditions, nous pensons qu'il ne faut pas supprimer l'article 2 et qu'il est préférable de travailler sur son contenu.
Du reste, j'appelle votre attention sur un point : dans le cadre de notre travail sur la sûreté et la sécurité nucléaire, nous devons tenir, comme à la prunelle de nos yeux, à la relation de confiance entre nos concitoyens, les salariés chargés d'appliquer et de contrôler la politique énergétique, et l'exploitant.
Pour que cette relation de confiance existe, il faudrait que, dans le cadre de l'élaboration de la loi, les amendements de l'opposition soient pris en considération.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Or, pour l'instant, vous êtes fermés comme des huîtres, ce qui n'est pas de nature à consolider la relation de confiance.
Ce n'est pas gentil pour les huîtres !
L'amendement n° 1 est retiré.
Il vise à poser un principe. Lors de la discussion du texte au Sénat, des collègues sénateurs ont insisté pour introduire dans le nom même de la nouvelle autorité l'adjectif « indépendante ».
Il s'agissait non pas de créer une autorité publique indépendante – API – mais de modifier l'intitulé de l'autorité pour la renommer « autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection ». Ils ont donc souhaité ajouter un « I », pour indépendance, à ASNR, et partout où c'était possible afin de réaffirmer le principe fondamental d'indépendance.
Nous considérons que le mot « indépendante » doit figurer dans l'intitulé de cette autorité fusionnée, bien qu'il n'apparaisse pas dans la dénomination d'autres autorités administratives indépendantes.
M. Fabrice Brun applaudit.
J'émets un avis très défavorable sur cet amendement. Nous avons voté l'article 1er . Il prévoit que cette entité est une autorité administrative indépendante : son statut suffit à lui conférer cette indépendance. Il existe dix-sept autres AAI en France, notamment la Commission de régulation de l'énergie ou la fameuse HATVP – Haute Autorité pour la transparence de la vie publique –, qui sont indépendantes bien que le terme « indépendant » ne figure pas dans leur dénomination. Il est donc inutile de l'ajouter ici.
L'amendement n° 337 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
Questions au Gouvernement ;
Présentation du rapport annuel de la Cour des comptes ;
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire ;
Suite de la discussion du projet de loi organique visant à modifier la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra