France Insoumise (NUPES)
PCF & ultramarins (NUPES) PS et divers gauche (NUPES) EELV (NUPES)
Radicaux, centristes, régionalistes... LREM et proches (Majorité gouv.)
MoDem et indépendants (Majorité gouv.) Horizons (Majorité gouv.) LR et UDI
RN et patriotes
Non-Inscrits (divers gauche à droite sans groupe)
La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (n° 587).
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
Après plusieurs semaines denses de débat budgétaire,…
…nous débutons cet après-midi la lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Permettez-moi, à cette occasion, de vous dire pourquoi je suis fier,…
…en tant que ministre délégué chargé des comptes publics, du texte qui vous est soumis. Je le suis d'abord parce qu'il s'agit d'un texte qui finance nos services publics. En 2023, pour la première fois de son histoire, le budget de l'hôpital public dépassera 100 milliards d'euros. Mesurons l'effort que, ce faisant, la nation consent pour son hôpital : 100 milliards, c'est plus que l'ensemble des recettes que perçoit l'État au titre de l'impôt sur le revenu.
C'est un effort historique, que les débats parlementaires ont permis d'enrichir en majorant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2022 de 1 milliard d'euros par rapport au texte initial. À tous ceux qui disent que cela ne suffit pas,…
…je réponds : oui, on ne pourra pas tout résoudre par l'argent public, tant s'en faut. Mais jamais aucun gouvernement n'avait autant investi à l'hôpital.
Alors, lorsque des avancées ont lieu, sachons aussi les reconnaître.
Ensuite, je suis fier parce que ce PLFSS permet une avancée décisive pour nos politiques de prévention et de santé publique. Pour la première fois, un gouvernement et un parlement fixeront dans la loi l'objectif de faire converger – d'ici 2026 – la fiscalité sur les produits du tabac. Cela signifie que notre fiscalité n'incitera plus les fumeurs à se tourner vers des produits moins taxés, comme le tabac à rouler ou le tabac à chauffer, lorsque le prix des cigarettes manufacturées augmente. L'objectif est bien sûr d'inciter le maximum de fumeurs à sortir du tabagisme.
Depuis 2017, 2 millions de nos concitoyens ont ainsi arrêté de fumer quotidiennement. Le PLFSS prolonge et amplifie cette ambition, dont l'objectif est de parvenir à une première génération sans tabac. Soyons fiers de cette ambition et sachons la réaliser ensemble, au service de la santé des Français.
Le texte, par ailleurs, reste fidèle aux ambitions d'une politique économique qui a permis de créer depuis 2017 près de 1,5 million d'emplois, malgré les crises traversées par notre pays. Alors que des dizaines d'amendements proposaient d'introduire des taxes et des impôts divers et variés, nous avons choisi de garantir la stabilité fiscale et de poursuivre nos efforts pour rémunérer le travail. C'est ce choix qui a permis à la France de devenir le premier pays d'accueil des investissements étrangers en Europe, devant l'Allemagne et le Royaume-Uni. Oui, soyons fiers d'un tel résultat : l'an passé, ces investissements ont créé 45 000 emplois dans notre pays.
Sur le seul troisième trimestre 2022, c'est-à-dire de juillet à septembre dernier, notre économie a encore créé 89 000 emplois supplémentaires. C'est l'équivalent de 1 milliard d'euros de cotisations supplémentaires dans les caisses de la sécurité sociale. Alors cessons d'opposer l'économie et le social. C'est parce que nous avons une économie forte et attractive que nous pouvons continuer à financer notre modèle social ; de cela aussi, je suis fier !
Je rappelle que parallèlement, le Smic a augmenté de 8 % depuis un an, soit plus que l'inflation. Grâce à votre vote cet été du paquet « pouvoir d'achat », nous avons augmenté les prestations sociales et le point d'indice. Depuis la fin de 2021, nous avons engagé plus de 110 milliards d'euros pour protéger les Français face à la crise de l'inflation, dont plus de 70 milliards destinés au bouclier tarifaire sur l'énergie, qui a été jugé comme l'outil le plus efficace contre l'inflation. Sans ces mesures, la facture d'énergie des Français aurait augmenté de 150 à 200 euros par mois. Là encore, je le dis très clairement : c'est la politique sociale la plus protectrice d'Europe.
Aucun autre État n'a fait davantage pour sa population !
De la crise sanitaire à la crise de l'inflation, oui, les pouvoirs publics – État, sécurité sociale, collectivités locales – n'ont cessé de répondre présents pour protéger nos concitoyens. Soyons-en fiers !
Enfin, je suis fier de ce texte parce qu'il amorce un changement d'époque en matière de fraude. Plus un jour ne passe sans que des Français ne me disent combien la fraude – toutes les fraudes, fiscales et sociales – leur est devenue insupportable.
Nous détectons 1,5 milliard d'euros de fraude sociale chaque année, pour moitié des cotisations, pour moitié des prestations. Ne serait-ce que sur le travail informel, on estime pourtant que la réalité de la fraude aux cotisations se situe entre 5 et 6 milliards d'euros par an. Nous pouvons et nous devons faire mieux.
C'est pourquoi j'ai voulu que ce PLFSS sonne comme un rappel aux fondamentaux de notre République. Les sanctions contre les fraudeurs – j'insiste sur ce point, tous les fraudeurs, de l'employeur qui ne déclare pas ses salariés au professionnel de santé qui pratique la surfacturation dans son cabinet ou dans un centre de santé, en passant par les réseaux organisés qui viennent capter les aides sociales françaises, versées sur des comptes bancaires à l'étranger sous une fausse identité –, les sanctions contre toutes ces fraudes seront durcies et les moyens pour les détecter, renforcés, et ce de manière inédite.
Il y va de l'équité et même de l'acceptabilité de notre modèle social. Grâce à ce texte, je veux que nos classes moyennes puissent se dire que le fruit de leur travail ne s'évapore pas au profit des fraudeurs, mais sert bien à financer les services publics dont nous avons tant besoin.
Mesdames et messieurs les députés, alors que s'ouvre la lecture définitive du PLFSS, j'ai voulu vous dire pourquoi j'étais fier, en tant que ministre du budget, de défendre ce texte avec mes collègues du Gouvernement.
Nos concitoyens attendent beaucoup de leurs élus ; ils ont raison. Soyons une nouvelle fois à la hauteur de leurs attentes.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Je me trouve devant vous pour la lecture définitive du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au terme de son examen, nous avons réussi, je crois, à donner à nos concitoyens un budget de la sécurité sociale satisfaisant. Je souhaite aussi marquer la solennité de ce moment. Aujourd'hui, le budget de la sécurité sociale est le premier budget français, devant celui de l'État. Il répond à des préoccupations concrètes de nos concitoyens : trouver un médecin traitant près de chez soi, attendre moins longtemps aux urgences, trouver une aide à domicile pour son parent âgé ou en situation de handicap. Au-delà des clivages politiques, nous avons tous en commun de vouloir assurer aux Françaises et aux Français cette « sécurité », qui est au cœur de notre pacte républicain depuis 1945. Je tiens à ce titre à saluer le travail très constructif réalisé par la commission des affaires sociales, notamment concernant l'accès à la santé, et ce dans un cadre transpartisan. Merci pour tout ce travail.
Ce PLFSS, d'abord, investit résolument dans notre système de santé et prépare l'avenir. Investir durablement dans la santé de nos concitoyens implique en premier lieu de passer un cap en matière de prévention, et le texte permet d'organiser des parcours de prévention autour de rendez-vous fixés aux âges clés de la vie, notamment pour lutter contre toutes les inégalités de santé. Je veux ici saluer le travail transpartisan mené sur l'article 17, qui vient enrichir et préciser le contenu de ces rendez-vous de prévention. Il s'agit aussi d'améliorer la santé sexuelle, en élargissant le dépistage sans ordonnance et la gratuité de la contraception d'urgence, qui constitue bien sûr un enjeu essentiel pour la santé des femmes.
Investir durablement dans la santé de tous suppose ensuite que chacun, partout sur le territoire, puisse y avoir accès. Comme le Président de la République s'y était engagé, le PLFSS pose les premières avancées pour s'attaquer aux déserts médicaux, en simplifiant les aides à l'installation ,
M. Damien Maudet proteste
en rendant plus attractif le travail de régulation médicale ou encore en encadrant plus strictement l'intérim, qui fragile les collectifs de travail.
Sur ce sujet, les apports parlementaires transpartisans sont nombreux, et je tiens à les saluer. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous pouvons citer ceux qui concernent la permanence des soins ou encore les diverses expérimentations permettant l'établissement par les infirmiers des certificats de décès, l'accès direct aux infirmières en pratique avancée (IPA) et l'accès à des consultations médicales en zones sous-denses.
Grâce au report de la date limite de régularisation au 30 avril prochain, le texte contient aussi un engagement fort en direction des personnels de santé étrangers, ces femmes et ces hommes que l'on appelle les Padhue – praticiens à diplôme hors Union européenne. Le respect de cet engagement est une volonté forte du Gouvernement et une priorité de mon ministère. Comme j'ai déjà pu le dire, notre objectif n'est pas de pénaliser les hôpitaux et les patients au sein desquels ces praticiens jouent souvent un rôle essentiel dans la continuité des soins : nous voulons aussi et surtout sécuriser rapidement les situations individuelles de ces femmes et ces hommes.
Enfin, et cela a été trop souvent laissé de côté ces dernières décennies, investir dans la santé implique nécessairement de prendre soin de notre hôpital et de ses soignants.
C'est ainsi que ce PLFSS prévoit de continuer à mieux former nos professionnels de santé, notamment en créant une quatrième année d'internat de médecine générale afin, notamment, de mieux accompagner l'exercice des jeunes docteurs en ambulatoire.
Pour faire face au choc de l'inflation, permettre des revalorisations salariales dans le public et le privé, ou encore soutenir l'hôpital face aux épisodes hivernaux,…
S'il n'y a pas de chauffage dans les maisons de retraite, ça va poser un problème !
…ce PLFSS prévoit, dès 2022, une augmentation de plus de 1 milliard d'euros du budget de l'hôpital, dont 543 millions supplémentaires pour faire face aux surcoûts liés au covid-19, adoptés lors de l'examen dans cet hémicycle. C'est un engagement fort du Gouvernement, que nous assumons pour renforcer nos établissements de santé.
Ce texte, soumis à votre approbation définitive, est aussi un texte de responsabilité financière. Le vent a soufflé fort au cours de ces deux dernières années, en raison de la crise du covid-19, et nous avons déployé les moyens nécessaires pour y faire face. À présent, il nous faut tenir le cap du redressement des comptes sociaux, pour contribuer au retour sous les 3 % de déficit public d'ici à 2027.
Ce redressement sera le fruit d'un effort de prévention, d'organisation, de pertinence et de solidarité de l'ensemble de notre système social. Cela doit nous permettre de réduire le déficit, et de le faire passer de 17,8 milliards d'euros cette année à 6,8 milliards dès l'année prochaine.
Les mesures que nous proposons en la matière, vous les connaissez : mettre en place une transparence de l'information sur les charges associées à la radiologie ; engager une réforme de la biologie médicale ; rénover la régulation des produits de santé. Ce sont des mesures que nous jugeons justes et proportionnées.
Toutefois, si l'avenir de notre système de santé passe par le retour à l'équilibre, cela ne doit pas obérer nos efforts d'investissement pour soutenir nos priorités de long terme. C'est le pari que nous avons fait au cours des deux dernières années, notamment dans le cadre du Ségur de la santé. Avec ce PLFSS, nous continuons dans cette voie exigeante mais nécessaire.
Dans le prolongement de cette logique de responsabilité, nous voulons lutter contre les abus et la fraude sociale – enjeu majeur d'équité sociale. Cette volonté se traduit dans le PLFSS par des mesures fortes : l'octroi de pouvoirs de cyberenquête aux contrôleurs des caisses de sécurité sociale, afin qu'ils puissent mieux repérer et réprimer les fraudes à enjeu ; l'extension des facultés de déconventionnement à tous les professionnels de santé, en cas de fraude majeure ; la limitation des potentielles dérives en matière d'arrêts maladie prescrits par le biais de la téléconsultation.
S'il est important, le texte soumis à votre vote n'est qu'une première étape : nous devrons le compléter et le prolonger dans les mois à venir. C'est pourquoi je voudrais prendre un instant pour faire le point sur les perspectives qui nous attendent. Je pense bien sûr à la négociation conventionnelle entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, qui s'est ouverte récemment et doit s'achever avant la fin du premier trimestre 2023.
Dans la perspective de cette négociation, avec François Braun, nous avons fixé quatre axes structurants et cohérents avec les priorités de ce PLFSS : agir contre toutes les inégalités d'accès à la santé, qu'elles soient territoriales, sociales ou financières ; intégrer plus largement la prévention dans l'activité médicale et poursuivre l'amélioration des pratiques et de la qualité des soins ; libérer du temps médical afin de permettre aux médecins d'augmenter leur patientèle et de se concentrer sur les prises en charge qui requièrent un diagnostic médical ; s'accorder sur le déploiement de la feuille de route du numérique en santé, afin de faciliter l'accès à la santé de nos concitoyens et le travail des professionnels.
Tout l'enjeu sera de confirmer, avec les partenaires conventionnels, les avancées que comporte ce PLFSS. Ce sera essentiel pour convertir l'essai en ce qui concerne notamment les rendez-vous de prévention aux âges clefs de la vie, afin que les acteurs s'en saisissent pleinement.
Enfin, le Conseil national de la refondation (CNR) en santé sera aussi l'occasion de prolonger le travail engagé avec ce PLFSS. Vous connaissez notre position : cette concertation ne se substitue aucunement au travail parlementaire. Elle permet simplement de faire émerger des idées du terrain, au plus près des réalités de notre système de santé et de ses acteurs.
Les travaux du CNR en santé ont été lancés en octobre dernier, selon la méthode impulsée par le Président de la République. Nous devrons avancer dans ce cadre en fonction d'objectifs prioritaires qui, eux aussi, viennent prolonger et compléter les mesures de ce PLFSS : l'objectif d'avoir 10 000 assistants médicaux d'ici à 2025 ; l'accès à un médecin généraliste traitant pour tous, en particulier les personnes fragiles et en affection longue durée (ALD) ; le développement de l'exercice coordonné et de la coopération interprofessionnelle, avec notamment la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ; une responsabilité collective pour garantir la continuité des soins en tout point du territoire ; l'accompagnement des médecins proches de la retraite pour favoriser leur maintien en activité.
Dans le domaine de la santé comme dans d'autres, l'État peut beaucoup mais ne peut pas tout. C'est la raison pour laquelle les collectivités locales joueront un rôle très précieux à nos côtés, pour avancer sur tous ces sujets.
En un mot, le PLFSS qui vous est présenté en lecture définitive aujourd'hui est une page importante de l'histoire de notre système de santé.
Sourires.
D'autres viendront. Là encore, nous aurons à les écrire ensemble.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Nous arrivons au terme de l'examen de ce PLFSS. En dépit de certaines affirmations, je considère que le Gouvernement a su, au cours de l'examen parlementaire, écouter et intégrer à ce texte des propositions constructives ayant permis de l'enrichir et de l'améliorer.
Je tiens ainsi à vous remercier pour l'important travail effectué. Laissez-moi un instant revenir sur les chiffres.
L'objectif global de dépenses pour le secteur médico-social va augmenter de 5,2 % en 2023, une hausse inédite qui le portera à 30 milliards d'euros – cela représente près de 1,5 milliard de financements supplémentaires.
Cette hausse des moyens bénéficie en particulier aux personnels du secteur médico-social, auxquels je tiens à rendre hommage et que je remercie pour leur engagement auprès des personnes vulnérables. Prise en compte de l'inflation, revalorisations salariales, soutien de l'accueil à domicile, recrutement de soignants, voilà ce que PLFSS finance.
De plus, l'État a su écouter les besoins des territoires puisque 229 millions d'euros supplémentaires ont été alloués à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour compenser une partie des coûts des revalorisations salariales des aides à domicile assumés par les départements.
Je parlais d'enrichissement du texte lors de la navette parlementaire, en voici quelques exemples : report des heures non consommées de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ; indexation sur l'inflation du tarif plancher national par heure d'intervention des services prestataires d'aide à domicile ; suppression de la condition d'un recours minimal à seize heures par mois de garde d'enfant pour bénéficier du complément de libre choix du mode de garde (CMG).
Je profite de ce moment pour parler un peu plus longuement des mesures en faveur du handicap. Là aussi, ce PLFSS se caractérise par une augmentation inédite des crédits.
Sourires.
Quelque 730 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés, conformément aux engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap de 2020. Nous allons ainsi amplifier la mise en œuvre de grands objectifs et de politiques prioritaires.
Nous croyons en l'école pour tous, et ce budget contribue à l'amélioration de la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap, grâce notamment au déploiement des unités d'enseignement autisme à l'école maternelle et élémentaire et à l'approfondissement des coopérations opérationnelles entre l'école et les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS).
Ce budget finance également des mesures ciblées en direction de publics prioritaires : personnes polyhandicapées, personnes handicapées vieillissantes, politique du handicap en outre-mer, prévention des départs en Belgique – autant de domaines où nous avons un retard à rattraper.
Dernier grand bloc des actions financées par ce PLFSS : la poursuite des mesures concernant l'autisme et les troubles du neurodéveloppement. Nous étendons aux 7-12 ans la politique de détection précoce qui a permis, depuis trois ans, à près de 30 000 enfants d'être détectés à temps, et donc correctement accompagnés.
Voici donc un PLFSS résolument ambitieux pour le secteur du handicap, qui entend appuyer la dynamique des progrès accomplis depuis la dernière Conférence nationale du handicap, grâce à une hausse des moyens d'une ampleur inédite. Ce PLFSS prépare aussi le terrain afin que la prochaine Conférence nationale du handicap soit un vrai tremplin pour la suite de notre action.
Nous sommes en effet à quelques mois de la prochaine Conférence nationale du handicap, que nous préparons activement. Elle sera l'occasion de proposer un changement de paradigme à la hauteur des attentes des personnes en situation de handicap. Sous l'égide de la Première ministre, quatre grands axes ont été fixés : l'acte II de l'école et de l'université inclusives ; la mobilisation pour le plein emploi des personnes en situation de handicap ; la simplification des parcours des personnes et de l'offre médico-sociale ; l'accessibilité universelle.
Ces politiques, nous continuerons à les construire en concertation étroite avec l'ensemble des acteurs concernés. Je pense bien évidemment au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), mais également aux élus locaux, en particulier les départements.
Bien entendu, nous y associons la représentation nationale, car je sais que vous êtes nombreux à vous investir sur le sujet.
Ces perspectives d'avenir, que nous traçons ensemble, se matérialisent également dans la politique du grand âge, avec le CNR « Bien vieillir » sur tous les territoires, ou dans la branche famille, à travers les concertations en cours autour du service public de la petite enfance.
Ainsi, ce PLFSS est un premier jalon de la politique ambitieuse de solidarité que le Gouvernement entend mener, et pave le chemin pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.
Alors que l'examen de ce PLFSS pour 2023 s'achève, et que l'Assemblée nationale s'apprête à adopter ce texte définitivement, il m'apparaît indispensable de revenir quelques instants sur la configuration prise par nos débats.
Ils ont certes été heurtés par l'adoption de ce texte sans vote en séance publique.
Sourires.
Mais je crois que nous devons surtout retenir la qualité des travaux et des débats que nous avons eus en commission des affaires sociales et en amont de cet examen en commission. Tout ce travail a permis d'adopter un texte à la fois ambitieux et responsable.
De ces dernières semaines, j'en suis convaincue, nos concitoyens retiendront les mesures déterminantes que nous avons soutenues, et non les péripéties d'un triste spectacle politicien multipliant les motions de censure et autres entraves à l'avancée de nos travaux.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et GDR – NUPES. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.
Sans reprendre l'ensemble des dispositions de ce texte, je ne peux que vous rappeler sa triple ambition : un véritable virage de la prévention ; une amélioration de l'accès de nos concitoyens aux soins et aux prestations sociales ; des comptes sociaux tenus.
Le virage de la prévention, tout d'abord, est pris dans ce texte à de multiples égards. Les rendez-vous de prévention tout au long de la vie, largement enrichis par nos débats, permettront de lutter contre les addictions et l'apparition de maladies chroniques, et contribueront à anticiper la perte d'autonomie de nos aînés.
Nous avons aussi collectivement renforcé la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), et favorisé l'accès à la contraception.
Grâce à ce texte, nos concitoyens pourront également bénéficier d'un meilleur accès aux soins et aux prestations sociales. Qu'il s'agisse de la rationalisation des aides à l'installation ou de l'encouragement au cumul emploi-retraite des professionnels de santé, nous nous engageons en faveur de mesures fortes, immédiatement applicables et efficaces, au service des patients les plus éloignés de notre système de santé.
Les dispositions, que nous allons adopter, faciliteront l'accès aux prestations sociales. Dans la lignée de la revalorisation de l'allocation de soutien familial, à hauteur de 50 %, nous allons équilibrer l'accès aux modes de garde et augmenter la durée pendant laquelle les familles monoparentales pourront bénéficier du CMG. Je suis fière de ces mesures de justice sociale qui préfigurent notre engagement, devant les Français, en faveur d'un service public de la petite enfance.
Ce PLFSS traduit enfin l'ambition d'une plus grande efficacité de notre sécurité sociale, au service de nos concitoyens. La lutte contre la fraude aux cotisations comme aux prestations doit permettre la contribution de chacun, à bon droit, au financement de notre modèle social.
La justice et l'efficacité, tels sont les deux termes définissant ce PLFSS, y compris dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint. La justice et l'efficacité, tels devraient être également les maîtres mots qui inspirent nos travaux, non pas seulement au moment de l'examen des textes, mais également dans le contrôle de leur application.
Comme je l'ai déjà souligné, de nombreux apports, venant des oppositions de tous bords, ont été retenus dans le texte, notamment pour améliorer l'information des parlementaires par le Gouvernement dans les domaines de la famille, de l'autonomie, ou encore de la régulation des produits de santé. En tant que rapporteure générale, j'ai souvent indiqué, au cours des débats, que nous devrions nous approprier pleinement ces enjeux dans nos propres travaux de contrôle.
Le Printemps social de l'évaluation, initié au cours de la précédente législature, sera en 2023 l'occasion d'évaluer à leur juste mesure certaines des dispositions adoptées dans le cadre des PLFSS précédents. Seul un travail de ce type, approfondi et souvent transpartisan, est susceptible de nous prémunir contre des débats qui risqueraient, sinon, de tourner à l'affrontement stérile entre des postures dogmatiques préétablies.
En tant que parlementaires, nous sommes par ailleurs au plus près des professionnels : nous avons un rôle à jouer pour relayer leurs préoccupations. Nous entendons tout particulièrement, actuellement, les préoccupations manifestées par les soignants. Cette position nous oblige à agir, selon notre conscience, au profit de la sécurité sociale et de ceux qui œuvrent chaque jour pour le bien commun. Il est de notre responsabilité commune de continuer de faire de cette enceinte et de la commission des affaires sociales des lieux de débat éclairé, non seulement pour nous, mais surtout pour les citoyens que nous représentons.
Pour finir, je salue l'excellent travail de nos administrateurs
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR
et je remercie les conseillers des ministres pour la qualité de nos échanges, ainsi que les collaborateurs de chacun des groupes parlementaires, qui n'ont pas compté leurs heures dans le cadre de l'examen de ce PLFSS.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Que cela a dû vous être pénible, mesdames et monsieur les ministres délégués, de supporter que les députés s'expriment sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les critiques, comme les propositions, sont venues de tous les bancs. C'est peut-être cela, d'ailleurs, qui vous a le plus importunés.
Le 20 octobre au matin, l'Assemblée avait débuté l'examen de la première partie du PLFSS. Elle a voté contre, essentiellement en raison du manque de sincérité de votre présentation budgétaire. L'après-midi du même jour, à propos de la deuxième partie du PLFSS, la majorité de l'Assemblée – à ne pas confondre avec la minorité présidentielle – continuait de vous désavouer, notamment à cause de l'insuffisance des fonds que vous aviez prévus pour l'hôpital public. Et là, paf : vous avez dégainé le 49.3 !
Notez bien qu'on dit « dégainer le 49.3 » comme on dit « dégainer un revolver ». C'est très à propos : le 49.3 est une arme qui cible la démocratie et la nation ici assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Alors que la première journée de débat n'était même pas terminée, vous avez choisi la facilité : le 49.3 – le fameux 49.3 !
Cet article mal aimé de la Constitution est en quelque sorte une télécommande magique qui vous permet de couper le son.
Le 25 octobre, l'Assemblée a repris ses travaux pour examiner la quatrième partie du texte. Elle avait en effet beaucoup à dire. Nous aurions pu, par exemple, conformément aux recommandations du rapport de Caroline Fiat et de Monique Iborra sur les Ehpad, imposer un ratio minimal entre soignants et résidents, pour en finir avec la maltraitance dans ces établissements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous aurions aussi pu obliger les industries pharmaceutiques à prévoir un stock suffisant pour assurer la couverture en médicaments pendant au moins quatre mois. Tout cela, vous le refusez. Vous refusez même que nous en débattions. Donc, vous sortez votre télécommande maléfique.
Le 25 novembre, en nouvelle lecture, la Première ministre a battu un record historique en permettant un débat d'une durée de zéro heure, zéro minute et zéro seconde sur la quatrième partie avant d'utiliser le 49.3 !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Croyez-moi, vous n'en sortez pas grandis : les Français, qui ont volontairement élu les 577 parlementaires qui siègent ici, vous voient faire et ont bien compris que votre intention est de contourner, voire de nier leur vote.
Nous savons bien que vous auriez préféré que, conformément à la logique de la V
Alors que nous entamons la lecture définitive du PLFSS pour 2023, nous nous doutons bien que le Gouvernement aura une nouvelle fois recours au 49.3. Abrégeons ses souffrances en adoptant cette motion de rejet préalable ! Il nous faut ridiculiser le 49.3, qui est condamné par l'histoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Cet article n'a aucune justification politique : il s'agit tout simplement d'un abus de pouvoir légalisé par la Constitution de 1958, elle aussi condamnée par l'histoire.
Mêmes mouvements.
Les institutions de la V
Chers ministres délégués, en empêchant comme vous l'avez fait l'examen du PLFSS pour 2023, vous avez accéléré la mutation démocratique dont la France a besoin. Oui, il faut débarrasser la Constitution de l'article 49.3 ! Et vous en avez apporté la preuve.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Je m'adresse aux soignants, aux patients, aux résidents, aux aidants, à toutes les personnes angoissées à l'idée de ne pouvoir accéder à des soins, à tous ceux qui se sacrifient au travail pour maintenir en vie la grande idée de sécurité sociale qui fait de nous un peuple uni et solidaire : si nous nous y mettons tous, nous sortirons démocratiquement et pacifiquement de cette monarchie présidentielle. Vive la sécu, vive la souveraineté du peuple et vive la démocratie !
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – Plusieurs députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent.
Le Gouvernement s'oppose évidemment à l'adoption de cette motion, vous l'imaginez bien.
Sourires sur quelques bancs du groupe RE.
Deux choses m'ont marqué dans votre intervention.
D'abord, vous êtes revenue sur ce qu'il s'est passé lors de l'examen du texte en première lecture, au cours duquel l'Assemblée a rejeté la première partie du PLFSS et voté, dans la deuxième partie, une disposition entraînant une très forte diminution des moyens alloués à la médecine de ville. Nous sommes revenus sur cette décision en utilisant l'article 49.3, car nous soutenons les médecins et les professionnels de santé en ville.
À l'occasion de ce vote, vous avez opposé ce que vous appelez la minorité présidentielle à ce que vous qualifiez de majorité de l'Assemblée.
Mais qui constitue cette « majorité de l'Assemblée » dont vous vous réclamez désormais ?
Vous et le Rassemblement national – vous ne vous en cachez même plus !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Voilà pour mon premier motif d'étonnement.
La deuxième chose qui m'a surpris, madame Garrido, c'est que vous disposiez aujourd'hui d'une tribune : vous aviez la possibilité et le temps de vous exprimer – et c'est heureux, en démocratie.
On ne va pas vous demander la permission de parler, vous êtes à l'Assemblée, ici !
Or, en défendant cette motion de rejet préalable, vous n'avez pas eu un mot pour les politiques de santé et de solidarité, pas un mot pour les soignants ,
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES
pas un mot pour l'hôpital de la République,…
…pas un mot pour les professionnels de santé en ville, pas un mot pour les Ehpad, pas un mot pour les politiques de prévention !
Vous n'avez pas parlé une seule fois de nos politiques de santé ! Laissez-moi vous dire que nous sommes fiers de permettre l'adoption d'un texte qui fera progresser très concrètement les droits des Français.
Nous sommes fiers de présenter un texte qui, pour la première fois dans l'histoire de la République, prévoit un budget de plus de 100 milliards d'euros pour l'hôpital public – du jamais vu !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Les moyens sont au rendez-vous. C'est cette majorité qui leur permet de se déployer. Je suis donc, évidemment, défavorable à votre motion de rejet préalable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Nous en venons aux explications de vote. Je rappelle que chaque orateur peut s'exprimer pour une durée maximale de deux minutes et doit s'être inscrit au préalable.
La parole est à Mme Farida Amrani.
Nous achevons l'examen du budget de la sécurité sociale. Rien n'aura été épargné à la représentation nationale ces dernières semaines, ni sur la méthode, ni sur le fond.
S'agissant tout d'abord de la méthode, nous ne pouvons que déplorer le passage en force de l'exécutif et son utilisation systématique du 49.3. Vous avez cherché à empêcher l'Assemblée nationale de débattre et de s'exprimer, alors même qu'elle n'est plus, ne vous en déplaise, la chambre d'enregistrement des décisions du Gouvernement.
Sur le fond, l'exécutif est, hélas, resté sourd aux préoccupations du secteur hospitalier. Qu'en est-il des moyens nécessaires au bon fonctionnement des hôpitaux, des services de pédiatrie et du secteur médico-social ? Dans un contexte de forte inflation, à l'heure où les hôpitaux craquent, vous gravez dans le marbre la limitation des moyens financiers indispensables à leur bon fonctionnement. Aucune des propositions qui vous ont été soumises par les différents groupes n'a trouvé grâce à vos yeux. En ce sens, comment pouvez-vous encore prétendre vouloir négocier pour légiférer ?
La seule chose que ce Gouvernement nous aura épargnée, c'est une réforme des retraites, qu'il garde bien au chaud pour le mois de janvier. Face à un Gouvernement sourd aux aspirations de nos concitoyens et aux revendications du personnel médical, nous n'avons d'autre choix que d'afficher notre opposition à votre politique d'austérité. C'est donc sans état d'âme que notre groupe votera en faveur de cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Voter pour la motion de rejet préalable reviendrait à refuser à l'Assemblée nationale d'étudier le texte. Or, les élus du groupe Les Républicains veulent travailler dans l'intérêt des Français, des patients, des professionnels de santé, des aidants, mais surtout de tous les hommes et de toutes les femmes qui font quotidiennement fonctionner le système, dans les domaines de la santé, des maladies professionnelles, de l'emploi et de la famille.
Ce PLFSS reste insincère, méprisant pour les acteurs de terrain et déconnecté de la réalité. Comme je l'avais demandé par le biais de l'amendement n° 913 , qui n'a pas été examiné en première lecture, nous devrions remettre à plat le fonctionnement du système de santé pour offrir aux soignants des conditions de travail plus valorisantes, avec des missions centrées autour du patient, en diminuant le poids de l'administration.
C'est pourquoi nous, les élus du groupe Les Républicains, voterons contre cette motion de motion de rejet, afin de débattre et de mener un travail de fond qui devrait être notre priorité à tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mme Garrido a expliqué avec force et conviction combien elle tient à la démocratie.
Je rappelle que le groupe Démocrate n'a pas choisi son nom par hasard et que nous sommes évidemment attachés, nous aussi, à la démocratie et au débat.
Mais adopter la motion de rejet préalable que vous avez présentée, chère collègue, reviendrait à dire : « circulez, il n'y a rien à voir, le débat est clos ».
Telle n'est pas notre conception des choses.
J'adhère à votre théorie. Je répéterai d'ailleurs, au cours de mon intervention en discussion générale, que nous devrons bien, un jour ou l'autre, parvenir à construire différemment les budgets soumis à notre examen. Mais ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'ils vous fassent ! Vous avez réussi un exploit formidable : proposer d'écarter 550 milliards d'euros de budget par le biais d'une motion de rejet préalable – un record ! Bravo : ce n'était jamais arrivé sous la V
Deuxièmement, en dehors d'une référence aux Ehpad – vous avez d'ailleurs mentionné alors un rapport parlementaire –, moi qui vous ai bien écoutée, je n'ai pas entendu de votre part un semblant de point de vue sur l'architecture du système de santé.
Or, chaque fois qu'une motion de censure est déposée sur le sujet – je vous remercie d'ailleurs pour cette raison –, cela permet à chaque groupe politique d'exprimer sa vision de l'architecture du système de santé.
J'aurais donc aimé que vous la donniez devant tout le monde. Malheureusement, vous ne l'avez pas fait. Nous ne voterons donc pas pour votre motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
« Oh » sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
Calmez-vous, tout va bien. Je vais vous expliquer pourquoi nous la voterons. D'ailleurs, à l'instant, M. Vigier nous a invités à exprimer notre point de vue.
Lorsque j'avais défendu, à deux reprises, des motions de rejet préalable sur le même sujet, j'avais développé la vision du PLFSS alternatif que nous proposions. Vous nous aviez alors reproché de défendre une motion qui nous empêcherait d'avancer dans l'examen du texte. Donc, lorsque nous défendons une motion de rejet préalable, vous n'êtes jamais contents,…
…y compris lorsqu'elle porte sur la forme, comme celle qu'a présentée aujourd'hui Raquel Garrido. Or elle a eu raison car cette lecture définitive intervient au terme d'un processus qui, à coups de 49.3, a totalement évacué le débat – et alors qu'un nouveau 49.3 sera utilisé tout à l'heure –, ce qui pose réellement problème.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et GDR – NUPES.
Ma deuxième remarque s'adresse à M. le ministre délégué Gabriel Attal. À la suite des propos de Raquel Garrido, vous êtes revenu sur l'amendement qui est à l'origine du déclenchement du premier 49.3. Je veux parler de celui que nous avions réussi à faire adopter et qui visait à abonder de 1 milliard d'euros les crédits pour l'hôpital.
Mme Sonia Chikirou applaudit.
C'est un terrible gâchis car, depuis, en faisant voter deux amendements – l'un que vous avez accepté au Sénat, l'autre que le ministre Braun a déposé ici –, vous avez validé, avec un mois de retard, ce milliard que nous proposions de mettre sur la table depuis le mois d'octobre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Vous le voyez, chaque fois que nous sommes intervenus, nous nous sommes efforcés d'enrichir le texte. Or vous avez balayé d'un coup le débat et écarté nos propositions.
Enfin, vous avez affirmé que nous ne nous préoccupions pas des soignants, des Ehpad et de la politique de santé. Mais je tiens à vous faire remarquer que la réponse des soignants à votre PLFSS se trouve à la une du Monde paru aujourd'hui : dans une tribune, 10 000 soignants s'adressent au Président pour lui dire que son silence, à propos de leur désespoir et des difficultés qu'ils vivent, est « assourdissant ». Voilà la meilleure réponse à l'inanité de votre PLFSS.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thomas Mesnier.
La France insoumise, membre de la NUPES, « dégaine » – je cite Mme Garrido – une nouvelle fois une motion de rejet préalable. À chaque lecture du texte, vous en avez dégainé une.
Au fond, pour chaque texte, depuis juin, vous dégainez une motion de rejet préalable. Heureusement, vous tirez toujours à côté. Quand aurez-vous compris que vous n'avez pas gagné les élections législatives de juin dernier ?
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Quand aurez-vous compris que les groupes qui soutiennent l'action du Président de la République sont majoritaires à l'Assemblée et que vous y êtes minoritaires ?
Vous voulez ridiculiser le 49.3 et par là même, peut-être, une partie de notre Constitution. Finalement vous ridiculisez uniquement le principe des motions de censure et de rejet mais aussi vous-mêmes ainsi qu'une partie de notre belle institution.
Vous aviez manifestement l'intention de formuler des propositions. Vous avez notamment évoqué le rapport Fiat-Iborra. Nous aurions aimé que vous fassiez plus de propositions en commission.
Protestations sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.
La semaine dernière, une journée de niche parlementaire était consacrée aux propositions de loi de La France insoumise. Vous avez choisi de mettre au programme une proposition de loi visant à augmenter le Smic, mais avez refusé d'en débattre…
…ainsi qu'un texte visant à interdire la corrida mais, là encore, vous avez refusé d'en débattre. La seule proposition de loi dont vous ayez souhaité discuter, c'est celle qui prévoyait de réintégrer les soignants non-vaccinés, pour aller chercher les complotistes.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, RE et Dem.
Nous pensons aux soignants et à l'hôpital public en proposant un budget historique, sans commune mesure avec les précédents, qui prévoit plus de 100 milliards d'euros pour l'hôpital public l'an prochain. Nous rejetterons donc cette motion et soutiendrons avec force le PLFSS.
Mêmes mouvements.
Nous aurions adoré débattre à propos de l'hôpital, de ses difficultés, de la réforme, de fond en comble, dont il a absolument besoin, du financement des soins, de la T2A, la tarification à l'activité, de l'état d'épuisement de ses personnels, des démissions en masse et des salaires indécents de certaines catégories de personnel soignant.
Nous aurions adoré parler du grand âge, de la réforme nécessaire sur cette question, de l'autonomie, du statut des personnes qui travaillent dans le secteur et, là encore, de leur rémunération, de leurs horaires de travail, de la pénibilité,…
…mais aussi des moyens mobilisés pour les organismes privés ou publics et des outils permettant de vérifier comment l'argent public est utilisé par les organismes privés. Je salue au passage le lauréat du prix Albert-Londres, Victor Castanet, auteur du livre qui a dénoncé la situation au sein du groupe Orpea.
Nous aurions également adoré parler du handicap, de l'autonomie, des AESH, les accompagnants d'élèves en situation de handicap, des personnels des établissements qui accueillent les personnes en situation de handicap et des associations qui n'arrivent même plus à accueillir tout le public concerné.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES.
Dans ma circonscription, dans le 13
Nous aurions adoré parler de financements innovants de notre système de sécurité sociale et de protection sociale, du service public et de l'argent qui est attribué respectivement au secteur privé lucratif et au service public.
Brouhaha sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.
Même si tous ces débats n'ont pas pu avoir lieu parce que vous les refusez obstinément, nous devons écouter patiemment votre satisfecit permanent à propos des réformes que vous menez, toutes plus libérales les unes que les autres, et qui détruisent, petit à petit, notre système de sécurité sociale.
Oui, nous allons avoir droit à un nouveau 49.3. Cela a été décidé, nous le savons tous et toutes ici.
Exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Nous voudrions simplement vous dire que nous en avons marre d'être pris pour des pantins.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR – NUPES.
Jamais, peut-être, une motion de rejet préalable n'avait si bien porté son nom que celle qui a été déposée pour cette lecture définitive. Car nous avons le sentiment que nous ne sommes qu'au tout début de la discussion sur le budget de la sécurité sociale puisque, même si j'ai entendu certains vanter, à la tribune, le caractère « constructif » – entre autres adjectifs employés – des débats, en réalité ceux-ci n'ont pas eu lieu.
Monsieur le ministre délégué, vous avez dit à plusieurs reprises combien vous étiez fiers du budget que vous nous avez présenté. C'est un peu la méthode Coué. Je comprends que vous souhaitiez vous adresser à la majorité afin de resserrer les rangs en montrant à quel point ce budget est formidable. Or ce n'est pas le cas. Ce budget brille par tout ce qui n'y figure pas, par son manque d'ambition pour la santé et pour la sécurité sociale.
J'ai une pensée pour les personnels soignants qui se retrouvent en difficulté dans l'ensemble des centres hospitaliers de notre pays et sont confrontés chaque jour à une situation de crise. Je pense aussi aux personnels des Ehpad. Il serait nécessaire de construire un véritable service public de l'autonomie, de donner un nouveau souffle à l'hôpital, de lutter contre les déserts médicaux, contre la marchandisation de la santé et contre les inégalités de santé, lesquelles s'accroissent dans notre pays. Il faudrait aussi peut-être créer un pôle public du médicament à l'heure où les pénuries s'enchaînent à une vitesse galopante et prévoir une meilleure prise en charge par la sécurité sociale.
De manière plus générale, en matière de protection sociale dans notre pays, nous devrions lutter contre les maladies professionnelles et les accidents du travail, lesquels font l'objet de vives préoccupations dans notre société.
Le problème, c'est que votre budget ne prévoit rien de tout cela. Avec ce PLFSS, vous poursuivez l'assèchement des finances de la sécurité sociale. Vous en profitez chaque fois pour jouer à la foire aux exonérations de cotisations. Votre budget est insincère puisque vous avez déjà annoncé qu'un projet de loi rectificatif était prévu en janvier prochain.
Pour toutes ces raisons, nous voterons évidemment pour cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Si nous sommes critiques à l'égard du PLFSS qui nous est présenté aujourd'hui en lecture définitive, nous souhaitons néanmoins que le texte puisse être discuté une dernière fois par chaque groupe et que nous puissions aller au bout de la discussion. Je regrette bien sûr l'arrivée prochaine, plus que probable, d'un 49.3. Toutefois, nous ne voterons pas cette énième motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Je dois bien avouer que, malgré la constance de vos méthodes, je ne cesse d'être surprise par l'obstination avec laquelle vous voulez faire barrage à nos débats.
M. Charles Rodwell applaudit. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
À force de déposer des motions de rejet préalable, vous avez sans doute oublié que l'adoption de celles-ci a pour effet de clore la discussion avant même qu'elle ne débute.
Vous allez annoncer un 49.3 dans quelques minutes ! C'est vraiment incroyable !
Laissez-moi vous dire que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est très attendu par l'ensemble de nos concitoyens.
M. Sylvain Maillard applaudit.
Il est attendu par l'hôpital public, à qui sera versé un demi-milliard d'euros de moyens supplémentaires pour 2022. Il est attendu par les personnels, avec la montée en charge des mesures issues du Ségur de la santé et de la conférence des métiers.
M. Éric Coquerel brandit la une du journal Le Monde.
Il est également attendu par nos aînés, auxquels nous voulons assurer des conditions de vie dignes et par les – nombreuses, nous le savons – familles monoparentales, à qui nous apporterons le soutien dont elles ont besoin au quotidien.
Il est enfin attendu par des femmes et par des jeunes à qui nous proposons des mesures ambitieuses afin de protéger leur santé – comme la gratuité de la contraception d'urgence ou l'extension du dépistage sans ordonnance à l'ensemble des infections sexuellement transmissibles.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Les Français attendent beaucoup de nous. Tout ce que vous leur proposez, comme à votre habitude, ce sont des paroles, des paroles, des paroles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Je reprendrai les mots prononcés ici même, avant-hier, par notre collègue Claire Guichard : « Vous n'avez pas le monopole de la ténacité. » Nous nous opposerons à notre motion de rejet.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.
Alors que des millions de Français n'ont pas accès aux soins et que notre système de santé est malade, le Gouvernement s'obstine et écrase la représentation nationale.
Vendredi dernier, la Première ministre a « dégainé » un énième 49.3. Outre le fait qu'il est l'aveu d'un échec cinglant pour la majorité – laquelle n'est que relative –, il exprime une défiance à l'égard des oppositions, donc à l'égard de millions de Français. Prétextant un calendrier législatif contraint et le caractère répétitif des débats, le Gouvernement s'est assis sur toute discussion.
Toutes les voix dissidentes ont été étouffées. Cette méthode, qui n'a surpris personne, pose problème sur le long terme, à l'échelle de la législature. Les Français qui regardent avec espoir et attention les débats, ou du moins ce qu'il en reste, à l'Assemblée nationale expriment une profonde exaspération vis-à-vis des méthodes du Gouvernement car ils ont souhaité mettre le pouvoir exécutif sous contrôle – pour ainsi dire, sous notre contrôle. Tel est en effet l'enseignement des dernières élections législatives, ne l'oubliez pas.
Les députés du groupe Rassemblement national souhaitent agir en ayant le sens des responsabilités. La désinvolture du Gouvernement à l'égard du Parlement ne peut plus durer. Quand se rendra-t-il à l'évidence et acceptera-t-il d'écouter l'opposition et d'entendre ainsi le message que les Français lui ont adressé dans les urnes ?
Vous ne tenez pas compte de nos propositions, donc vous ne tenez pas compte des attentes légitimes des Français. Par conséquent, nous voterons cette fois la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 303
Nombre de suffrages exprimés 303
Majorité absolue 152
Pour l'adoption 107
Contre 196
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Nous en venons à la discussion générale.
Je prie mes collègues qui quittent l'hémicycle de le faire rapidement et en silence.
Aujourd'hui, j'aimerais vous raconter une histoire, celle des débats que nous n'avons pas eus sur la refonte de notre système de santé, l'histoire des débats que nous aurions dû avoir, l'histoire des débats qui vont être écourtés par un nouveau 49.3.
Elle débute avant l'été. À la fin du mois de mai, en pleine campagne législative, Emmanuel Macron confiait à François Braun une mission flash pour sauver nos urgences. Ne le connaissant pas à l'époque, je fais mes petites recherches et découvre la pensée de cet homme. Je cite : « Un plan Macron pour les urgences s'impose pour que l'hôpital public retrouve sa place en tant que pilier de la République. » Moi et mon groupe, La France insoumise, aurions pu prononcer les mêmes mots. Mais pas si naïfs, nous décidons de mener notre propre enquête sur l'hôpital : cinq jours après les élections législatives, nous partons dans les établissements pour rencontrer les soignants, c'est le début de l'opération « Allô Ségur ». Et les résultats sont accablants : Stéphane, à Limoges, me raconte se sentir obligé de s'excuser auprès des patients car il n'a plus jamais le temps d'exercer son métier correctement ; Emma, à Saint-Louis, infirmière depuis trois mois et déjà une des plus anciennes du service, a commencé à consulter un psy et souffre de douleurs au dos. Pendant ce temps, François Braun, promu ministre de la santé, sort les conclusions de sa mission : pas d'amélioration des conditions de travail, pas de plan de recrutement massif, pas de logique de ratios… mais une fermeture des urgences.
Début août, la crise se poursuit. Pourtant, le ministre refuse de l'affronter et reste dans le déni : « Il n'y a pas de fermetures d'urgences, je crois qu'il faut arrêter avec ce terme qui est tout le temps utilisé […]. Il n'y a pas de fermeture, il y a un accès régulé […]. » Malchance pour notre cher ministre, le même jour, Samu-Urgences de France, son ancien syndicat, publie une enquête qui montre que quarante-deux établissements ont été contraints de fermer leur service des urgences. C'est tout de même ballot !
L'été insouciant se termine, mais pour les soignants, l'enfer se poursuit. La moitié des professionnels de santé présentent des signes d'épuisement professionnel, 30 % souffrent de dépression. On apprend que 2 000 postes d'infirmiers sont vacants à l'AP-HP, et que, dans le pays, 4 300 lits d'hospitalisation complète ont été fermés au cours de l'année 2021. Et durant tout ce temps, le ministre François Braun reste silencieux. Mais c'est Bruno le Maire, ministre de l'économie, qui vient rallumer le feu. Lorsque l'on nous présente le projet de loi de programmation des finances publiques, je me rue sur la partie santé : 3,5 milliards d'euros d'économies tous les ans à partir de 2024 ! Ironie de l'histoire : le lendemain, de nouveaux plans blancs sont appliqués dans les hôpitaux.
L'été s'éloigne, arrive l'automne : les jours raccourcissent et le ciel s'assombrit. Le budget de la sécurité sociale arrive. Nous publions notre rapport « Allô Ségur », fruit de trois mois d'enquêtes dans plus de quatre-vingt-dix établissements de santé. Pour préparer l'examen du projet de loi, nous élaborons avec les soignants et les patients des amendements pour proposer des ratios, un bouclier tarifaire, le paiement des heures sup'. Mais le 20 octobre, jour du début de la discussion en séance, c'est la déception : un premier 49.3. Pas de débat ! En parallèle, l'épidémie de bronchiolite explose en Île-de-France et replonge nos hôpitaux dans la crise. Le Collectif pédiatrie nous explique : « Même pendant le covid, on n'a jamais ventilé dans les services d'urgences. Aujourd'hui, quand les services d'urgences sont pleins, les enfants sont ventilés dans les couloirs. » Réponse du ministre : 150 millions d'euros pour l'hôpital et, selon ses mots, « du paracétamol pour faire baisser la fièvre ».
Arrive ensuite la fameuse deuxième partie du PLFSS, et nous obtenons quelques victoires. Mais là, tout s'effondre car la première ministre arrive et vient mettre un terme aux débats par un nouveau 49.3. Nous n'aurons parlé de rien ! Les soignants qui nous ont aidés sont dépités, et nous aussi. Le projet de loi qui concerne le principal poste de dépenses d'argent public aura donc été adopté sans aucun débat à l'Assemblée nationale !
Deux semaines plus tard, rebelote : Élisabeth Borne nous le dit : « Nous ne pouvons pas perpétuellement rejouer les débats qui ont déjà été tranchés. » Mais de quels débats parle-t-elle, nous n'en avons pas eus !
À l'extérieur, les mauvaises nouvelles continuent de pleuvoir : les pédiatres souffrent de plus en plus, ils nous alertent à propos du tri qu'ils sont obligés de réaliser entre les enfants hospitalisés ; des enquêtes sont ouvertes à Dijon et à Saint-Malo après que des décès sont survenus sur des brancards. Ce matin encore, 10 000 soignants tentent dans une tribune d'interpeller Emmanuel Macron dont ils dénoncent le silence assourdissant. C'est du jamais vu.
De mon côté, je terminerai en vous lisant le message que j'ai reçu la semaine dernière de la part d'Emma – l'infirmière qui avait mal au dos et qui voyait un psy à Saint-Louis : « Je voulais te remercier pour ton discours fait à l'Assemblée pour parler des soignants et de l'état de l'hôpital public. Ce que tu as évoqué est une bien triste réalité. J'ai le sentiment que nous ne sommes pas entendus. D'ailleurs, notre grève n'a mené à rien. Onze infirmières dans le service sont en arrêt maladie. Dont moi. » Emma, nous l'avons rencontrée en même temps qu'on faisait la connaissance de François Braun. Depuis, il répète qu'il est en train d'agir. Depuis, Emma, elle, n'a fait que subir. Aujourd'hui, il s'entête dans les économies. Aujourd'hui, Emma est en arrêt maladie.
Ce budget condamne notre système de santé et tous les soignants du pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Sourires.
Voilà comment se termine l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 : bien mal. Six 49.3 en l'espace de deux mois, des milliers d'amendements jetés à la poubelle, des heures de débats ensevelis dans le silence. C'est la triste réalité.
Pourtant, le chaos sanitaire est réel. Demain, 70 % à 90 % des médecins libéraux seront en grève pour quarante-huit heures. Il en sera de même des médecins biologistes, et 95 % des laboratoires seront fermés. Ce PLFSS menace en effet 400 laboratoires de proximité,…
…ce qui va encore aggraver la situation des déserts médicaux.
L'hôpital est quant à lui au bord de l'implosion : manque de personnel, déprogrammations, urgences à bout de souffle – comme chez moi, à Grenoble. Et comment ne pas évoquer la crise des urgences pédiatriques ? Vous avez répondu ici même, madame la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, que les enfants n'étaient pas en danger. Je crois que vous devriez lire la tribune publiée aujourd'hui dans Le Monde, dans laquelle 10 000 soignants, dont 400 chefs de service, vous disent le contraire. Autre bombe à retardement, la psychiatrie et la pédopsychiatrie sont les éternelles variables d'ajustement des politiques du ministère. Les internes, quant à eux, continuent leur mobilisation contre une quatrième année décriée même dans les rangs de la majorité. Et les services de soins palliatifs manquent toujours dans près de trente départements.
Voilà où en est l'état de la santé en France en 2022. Le groupe Les Républicains le répète une énième fois : votre budget est insincère. Les établissements de santé, les hôpitaux et les Ehpad ne pourront pas se serrer la ceinture plus longtemps.
En plus, vous mettez nombre de nos compatriotes à contribution. Les familles, d'abord : la branche est ponctionnée de 2 milliards au profit de la branche maladie. Thibault Bazin l'a dénoncé : les couples avec des enfants et qui travaillent sont totalement oubliés dans ce PLFSS ! Dans un contexte inflationniste, vous oubliez également les industriels du médicament, à qui vous infligez une régulation à coups de rabot alors même que nous manquons de médicaments – antibiotiques, paracétamol. À l'heure où nous n'avons plus aucune souveraineté sanitaire, pas sûr que votre pari soit gagnant !
Quant à l'autonomie, nous n'avons pas trouvé trace d'une quelconque réponse au vieillissement de la population et aux besoins d'accompagnement de nos aînés. On ne s'attendait à rien, mais on est quand même très déçus !
Mes chers collègues, je me suis aussi permis, pour conclure, de mettre en miroir, d'un côté le budget insincère de votre PLFSS, et de l'autre la lettre ouverte du collège de la Haute Autorité de santé publiée en mars 2022. Dans cette lettre, l'HAS alerte sur la nécessité d'une réponse structurelle et urgente face aux difficultés qu'éprouvent les professionnels à délivrer aux patients les soins attendus. Force est de constater qu'elle n'a pas été entendue. Les appels se multiplient de la part des professionnels de santé. Ce matin encore, cela a été rappelé, 10 000 soignants ont publié une tribune soulignant le silence assourdissant du Président de la République. Au début de ce mois, un collectif qui regroupe économistes et intellectuels adressait au ministre un appel pressant à réaliser une réforme systémique de la santé, prévenant que dans cinq ans, il serait trop tard.
Enfin, je conclurai en témoignant d'une rencontre que j'ai faite ce week-end dans ma circonscription, en Isère : un habitant m'a raconté la triste nuit du mois d'août où sa femme a fait un infarctus à trois heures du matin, puis a attendu trois heures l'ambulance pour finalement n'être prise en charge qu'en milieu de matinée, et elle est toujours en rééducation cardiaque. C'est cela aussi, les effets non mesurés de vos réformes de santé, et cela vaut aussi en cancérologie et en neurochirurgie.
Votre politique n'est pas du tout à la hauteur de vos responsabilités. Vous pensez qu'elle est satisfaisante, mais vous êtes bien les seuls ! Nous sommes, mes chers collègues, à la veille d'un véritable Fessenheim de la santé. Il est encore temps de l'éviter à condition d'écouter les professionnels de santé, les industriels, les responsables d'établissement – Ehpad, établissements pour handicapés, hôpitaux. Nous ne voulons pas être complices de ce massacre ;…
…le groupe Les Républicains ne votera donc pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Et ne soupirez pas quand je m'adresse à vous alors que cela fait des semaines que nous essayons de vous faire passer des messages ! Cette attitude est insupportable !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.
Cher Jérôme Guedj, s'agissant d'un montant de 550 milliards d'euros – plus important encore que celui du budget général –, on ne peut pas se permettre de court-circuiter la démocratie. L'enjeu est trop important : il y va de la santé de nos concitoyens. Les membres du groupe Démocrate ont ainsi fait en sorte que la réforme des retraites ne soit pas examinée dans ce PLFSS.
Quant à la politique de la famille, chère à Thibault Bazin, le sujet mérite plus que de s'envoyer à la figure telle ou telle remarque. Et c'est la raison pour laquelle je redis à Raquel Garrido, elle qui est attachée à la démocratie, que je ne comprends pas pourquoi elle emprunte le chemin de la motion de rejet tout en reprochant au Gouvernement de suivre celui du 49.3.
En tout cas, je l'ai encore dit vendredi dernier, nous ne sommes pas des grands adeptes du 49.3 qui, d'une certaine façon, est le signe d'un échec collectif.
Venons-en au fond.
S'agissant de ce grand corps malade – pour paraphraser notre collègue Neuder –, c'est-à-dire la sécurité sociale et les hôpitaux, la responsabilité est collective.
Va-t-on, oui ou non, faire preuve d'intelligence collective pour trouver les remèdes ? C'est la seule question qui vaille. Pierre Dharréville le sait très bien : en commission, nous sommes allés au bout des débats. C'est dans l'hémicycle, au Sénat comme à l'Assemblée, que tout se crispe : plus rien, terminé, circulez il n'y a rien à voir, motion de rejet préalable et 49.3. Cela doit inviter chacun à réfléchir. Quant à nous, sous l'égide de Jean-Paul Mattei, le président du groupe Démocrate dont vous connaissez le franc-parler et la liberté d'action, nous souhaitons emprunter un autre chemin.
À cet égard, mesdames les ministres déléguées, vous connaissez très bien les problèmes qui se posent. Je pense par exemple à la délégation de tâches.
Ce matin, j'étais surpris d'apprendre que le Conseil de l'Ordre des médecins commence seulement à étudier la possibilité de déléguer à une infirmière la capacité de signer un certificat de décès. Il faut absolument qu'on y arrive, il faut aller plus loin. Osons !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.
S'agissant de l'accès aux soins, j'ai en tête une proposition du groupe GDR – vous voyez que je prends mes références un peu partout : notre collègue Nicolas Sansu a un centre de santé dans sa ville avec des médecins salariés, et il propose que ceux-ci puissent exercer une activité libérale. Mais cela coince encore ! Sommes-nous, oui ou non, en capacité de résoudre le problème ? la réponse doit être collective, et positive.
Quant aux Padhue, je sais qu'Agnès Firmin Le Bodo s'est emparée de la question. Mais, bon Dieu, qu'attend-on ?
Sur le médicament, j'entends bien qu'il y a une grande différence entre le Rassemblement national et les Insoumis. Monsieur Dharréville, vous ne parlez que d'un pôle public du médicament ; selon nous, il faut du public et du privé. C'est une différence entre nous : cultivons-la ! Je suis persuadé que nous pouvons tous nous retrouver sur la nécessité de constituer une filière industrielle du médicament.
Je pourrais continuer comme ainsi au sujet de nombreuses politiques.
Nous sommes bientôt en 2023. Un groupe de travail transpartisan sur l'accès aux soins a été créé au sein de la commission des affaires sociales. Faudra-t-il continuer à jouer en permanence au chat et à la souris pour savoir qui a la meilleure proposition de loi ? Non ! Les personnels soignants, dont on reconnaît le formidable engagement tout au long de l'année, méritent mieux.
Il en est de même de la question du handicap. Je ne pense pas que, sur ce sujet, il y ait de part et d'autre de l'hémicycle des volontés si différentes.
J'appelle en conséquence à un sursaut collectif. Nous y serons prêts dès le début de l'année 2023. N'attendons pas le mois de juillet ou d'août et l'arbitrage ministériel sur les enveloppes ! Jérôme Guedj a parlé, il y a un instant, de l'amendement qui attribuait 1 milliard d'euros supplémentaires à l'hôpital, mais il sait très bien qu'il piquait cette somme aux soins de ville – sans cela, ce n'était pas possible. Cela n'a pas de sens de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Ensuite, lorsque le ministre de la santé et de la prévention a proposé en séance d'attribuer 540 millions d'euros à l'hôpital,…
Votre attitude m'a déçu car vous êtes quelqu'un de raisonnable et responsable.
Essayons de bâtir le PLFSS pour 2024 avec notre intelligence collective ! Ce n'est pas l'ego de chacun qui y gagnera, mais les Françaises et les Français et notre système de sécurité sociale que le monde entier regarde.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.
Simule et dissimule, tels sont les deux premiers préceptes que le cardinal Mazarin, dans son Bréviaire des politiciens, adresse à ces derniers. Manifestement, quelques-uns parmi vous l'ont lu avec gourmandise. Ces deux verbes résument en effet parfaitement les choix du Gouvernement dans ce PLFSS – je suis vraiment désolé de devoir faire ce constat.
Sourires.
D'un côté, il simule le compromis et, de l'autre, il tente, mais un peu en vain, de dissimuler les béances, les carences et les insuffisances manifestes du texte.
Vous avez simulé le compromis un peu comme un mauvais joueur de foot cherche, dans la surface de réparation, à obtenir le penalty.
Vous aviez d'emblée l'idée que ceux qui siègent sur les bancs de la gauche étaient par principe hostiles à la coconstruction du PLFSS.
Pour la troisième fois, monsieur Maillard, puisque vous ne cessez de répéter cela, je vous mets au défi de trouver une seule parole publique dans laquelle nous aurions affirmé que nous serions par principe hostile à ce PLFSS. Ce n'est pas parce que je dépose une motion de rejet préalable après un travail en commission dont j'estime qu'il n'a pas permis d'aller assez loin dans la coproduction du projet que j'y suis hostile.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe RE.
Si vous considérez la diversité et la richesse des amendements que nous avons déposés et la manière dont ils ont été balayés d'un revers de main, vous constaterez que c'est nous qui avons subi d'emblée les conséquences d'une vision dogmatique et fermée – j'ai failli dire sectaire –…
…du PLFSS.
D'une certaine manière, les 49.3 que vous déposez à chaque étape confirment ce qu'est votre état d'esprit. Je reprends l'exemple que citait Philippe Vigier : dès le mois d'octobre, nous affirmions en commission que les crédits des hôpitaux n'étaient pas suffisants pour financer les surcoûts liés à la crise sanitaire, à l'inflation et aux épidémies naissantes. Vous avez rejeté nos amendements en réfutant notre analyse qui, selon vous, ne correspondait pas à la réalité. Nous sommes pourtant des parlementaires ancrés dans la réalité de nos territoires ; certains d'entre nous siègent au conseil de surveillance d'un hôpital, et nous pouvons transmettre ce qui remonte du terrain – c'est bien cela la vertu de la complémentarité entre le travail du Parlement et celui du Gouvernement et de la direction générale de l'offre de soins, que je respecte évidemment.
En séance, quand nous arrivons à faire passer un amendement similaire, vous mettez en cause son financement. Bien évidemment, cher Philippe Vigier, nous sommes obligés de prévoir un gage, mais vous savez mieux que nous que le Gouvernement peut lever le gage. C'est d'ailleurs, en quelque sorte, ce qu'il décide rétrospectivement en faisant adopter des crédits qu'ils ne financent pas par un transfert de ceux consacrés aux soins de ville – encore qu'il les utilise aussi –, mais en laissant un peu filer le déficit. Nous avions donc raison avant l'heure.
Au-delà de la simulation du compromis, il y a aussi dissimulation des béances. Je m'arrête sur cet aspect qui me paraît fondamental. Au moment où vous allez… J'allais dire « au moment où vous allez voter ce PLFSS », mais vous ne voterez pas : dans quelques minutes, à seize heures cinquante, juste avant la deuxième mi-temps du match de foot, Mme la Première ministre franchira les portes de l'hémicycle pour dégainer un nouveau 49.3.
Je reviens aux béances de ce texte. Toutes vos arguties n'y changeront rien : après révision, l'Ondam 2022, soit la somme que la communauté nationale décide de consacrer en 2022 à la politique de santé et de soins, est de 247 milliards d'euros au total, alors que l'Ondam 2023, tel qu'il figure dans le texte qui nous est soumis, s'élève à 244,1 milliards.
Autrement dit, votre objectif de dépenses pour 2023 est inférieur à ce qui était déjà insuffisant pour boucler l'année 2022. Pour cette simple raison, vous êtes dans l'impasse, vous êtes dans l'hypocrisie et tout cela est insuffisant.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Mêmes mouvements.
C'est normalement la dernière fois que nous nous retrouvons pour débattre du PLFSS pour 2023 dont l'examen a été particulièrement inhabituel par rapport aux exercices précédents. Il est vrai que nous nous attendions à un changement à la suite de l'adoption, il y a quelques mois, d'une loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Elle nous a permis de disposer du texte plus tôt et d'obtenir davantage d'informations – même si certaines sont arrivées plus tard que d'habitude –, mais reconnaissons que la différence tient surtout aux 49.3 à la fois itératifs et nécessaires en raison de l'alliance des oppositions.
Oui, chère collègue, c'est la démocratie ! De la même façon, le rejet de vos motions de censure, c'est aussi la démocratie.
Nos débats ont permis de modifier le texte, notamment en commission – j'en profite pour saluer sa présidente. Il ne faut pas s'arrêter à l'usage de l'article 49.3 : le PLFSS a évolué depuis son dépôt par le Gouvernement. Il reste le PLFSS qui tient les engagements de campagne du Président de la République,…
…et celui qui propose certaines avancées. Comme les membres du Gouvernement l'ont dit tout à l'heure à la tribune, il permet de consacrer à l'hôpital public un budget d'un montant jamais vu, au-delà de 100 milliards d'euros. Est-ce que cela résout tous les problèmes ? Non ! C'est pour cela que, dans les prochains mois, nous devrons continuer le travail afin de poursuivre les réformes structurelles – nous pourrons même en reprendre certaines déjà lancées mais percutées par la pandémie, comme le plan Ma santé 2022.
Nous avons aussi avancé en matière de prévention, ce qui se traduit dans le changement de dénomination du ministère. Je pense en particulier aux consultations de prévention aux âges clés de la vie.
Nous avons avancé en prenant une mesure dont on parle trop peu : le 100 % santé pour les prothèses des patients atteints de cancer qui suivent une chimiothérapie. Il s'agit d'un réel progrès pour les Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
Nous avons avancé en matière de politique familiale – je salue le travail du rapporteur pour cette branche, Paul Christophe – et d'autonomie. Mesdames les ministres déléguées, vous avez rappelé les nombreux progrès que contient ce PLFSS en la matière.
Il comporte également un pan très important, qui parlera à certains bancs de l'hémicycle plus qu'à d'autres, relatif à la lutte contre la fraude sociale, fléau que nous devons combattre à chaque instant.
Dans ce contexte, le groupe Horizons salue plusieurs avancées qu'il a défendues. Je pense notamment au contrôle des Ehpad, suite à l'affaire Orpea et à la parution de l'ouvrage Les Fossoyeurs. Grâce à l'amendement que nous avons pu faire voter au cours des débats dans l'hémicycle, avant que le 49.3 soit déclenché en première lecture,…
Sourires.
…les groupes spécialisés seront contrôlés par les grands corps d'inspection de l'État et par la Cour des comptes afin d'éviter de nouveaux scandales du même type.
Nous avons aussi prolongé l'expérimentation de l'usage du cannabis thérapeutique pour un certain nombre de malades. Nous avons engagé l'extension à toute la population du dépistage néonatal de la drépanocytose – voyez la dernière prise de position de la Haute Autorité de santé. Nous avons œuvré en faveur de la transparence et de l'éthique dans le numérique en santé.
Bien sûr, cela ne résout pas tous les problèmes. Nous devons les regarder en face. Nous ne pourrons pas le faire sans un grand débat sur l'accès aux soins, notamment sur les questions du premier recours.
Nul doute que les prochaines « semaines de l'Assemblée » ou les prochaines niches parlementaires, pour peu qu'on les utilise à bon escient,…
…permettront de progresser. Il s'agit typiquement de sujets sur lesquels nous devons avancer de façon transpartisane pour la santé des Français.
Voilà, mes chers collègues, ce que l'on pouvait dire à l'occasion de ce dernier examen – du moins, je l'espère – du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Le groupe Horizons et apparentés soutiendra ce texte sans réserve.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE.
Lundi, lors des débats sur la motion de censure, on nous a reproché de ne pas avoir parlé du texte examiné. Pourtant, nous ne faisons que cela depuis des semaines. Comme c'est le cas pour un certain nombre d'entre nous, c'est mon premier mandat. J'ai travaillé, mon équipe a travaillé, mes collègues ont travaillé. Nous avons déposé des amendements, nous avons débattu en commission, nous avons discuté avec les rapporteurs et avec les députés de tous les groupes. Parfois nous sommes même parvenus à dégager des consensus, et nous avons déposé ensemble, pour en discuter en séance publique, des amendements destinés à améliorer nos politiques de santé, au bénéfice de nos soignants et nos soignantes, et de tous les patients et patientes de notre pays. C'est la preuve que l'opposition, que vous voulez bête et stérile, ne l'est pas tant que cela.
Ce qu'a suggéré la Première ministre lundi est insultant, j'irais même jusqu'à dire grotesque parce que cette tentative de retourner la situation ne dupe personne.
Vous savez pertinemment que nous aurions pu voter avec vous plusieurs avancées.
J'en cite quelques-unes : les rendez-vous de prévention aux trois âges clés de la vie, disposition que nous avons même enrichie pour que le repérage des violences sexuelles devienne automatique ; le dépistage des infections sexuellement transmissibles ; le remboursement de la pilule du lendemain ou encore le remboursement des implants capillaires pour les femmes atteintes de cancer…
Toutefois, le budget de la sécurité sociale que vous présentez, c'est aussi, par exemple, la fin des arrêts de travail prescrits à l'occasion d'une téléconsultation.
On compte 5 millions de Français sans médecin traitant, et 6 millions vivent dans des déserts médicaux où ils doivent attendre en moyenne dix jours pour rencontrer un médecin. De plus, l'épidémie de covid-19 n'est toujours pas résorbée. Dans ce contexte, en proposant une telle mesure, le Gouvernement vise un unique objectif budgétaire et méconnaît les impératifs sanitaires. Je pense que nous aurions pu trouver une majorité pour supprimer cette disposition.
Il y a aussi, selon nous, d'importants manques dans ce budget de la sécurité sociale. Il n'y a rien sur la psychiatrie. Hier, mon collègue Jean-Claude Raux a interrogé le Gouvernement sur le sujet : près de 30 % des postes de psychiatres sont vacants en France – et je n'ose évoquer l'état de la pédopsychiatrie.
Il n'y a rien sur la santé environnementale, alors même que les cancers, notamment pédiatriques, sont en hausse, et que 40 000 personnes en France meurent chaque année de la pollution de l'air. Vous n'apprenez visiblement rien de la crise liée au covid-19 ; vous refusez d'investir massivement dans la santé environnementale, et donc dans la prévention des zoonoses à venir.
Il n'y a rien non plus sur les accidents du travail, alors qu'en France, deux salariés en meurent chaque jour. En la matière, notre pays porte le bonnet d'âne à l'échelle européenne, avec 656 000 accidents du travail en 2019 !
En début de semaine, la majorité nous disait que nous n'étions pas les seuls à pouvoir relayer la voix des soignants. Je partage ce constat : chacun d'entre nous, ici, est légitime à le faire, en vertu du mandat qu'il a reçu de ses électeurs et de ses électrices. Mais, aujourd'hui, c'est bien la majorité qui a un bilan à défendre ; c'est elle qui dit avoir compris, avoir écouté les professionnels. Vous êtes au pouvoir depuis 2017. Or les hôpitaux sont toujours plus débordés, les personnels soignants épuisés et déconsidérés et des bébés transférés chaque jour en raison du manque de places. C'est cela, avoir compris ? C'est cela, porter la voix des soignants depuis cinq ans ?
On nous a reproché de faire courir des rumeurs sur une nouvelle réforme des retraites introduite en catimini dans le PLFSS. Pour rappel, c'est bien la droite sénatoriale qui a ajouté au texte des mesures d'âge. Honnêtement, tout le monde se demandait ce que la majorité allait en faire.
Hier soir, nous avons appris, par voie de presse, que le Gouvernement pourrait présenter sa loi sur les retraites à la mi-décembre, soit quelques jours avant la suspension de nos travaux et les fêtes de fin d'année.
Ni vu, ni connu. C'est cela, votre nouvelle méthode ! Et quelle loi vous nous proposez là ! Vous entendez faire passer l'âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans. Or, à 62 ans, un quart des 5 % des hommes les plus pauvres en France sont déjà morts !
Mme Raquel Garrido applaudit.
Le 49.3 va s'abattre pour la dernière fois sur ce texte, avec la régularité d'un métronome, comme la fin attendue d'une mauvaise pièce de théâtre. Je parie que, depuis la première fois qu'il a été déclenché, rien n'a vraiment changé : la majorité applaudira sans honte la Première ministre pour célébrer l'affaiblissement du débat démocratique. On se souviendra longtemps de la tristesse infinie de cette séquence, du désaveu de ce gouvernement qui aura été incapable, en cette première année de mandat, de prendre le virage du parlementarisme. On se souviendra de votre hypocrisie, de votre mensonge sur le changement de méthode, de votre mépris constant pour le travail parlementaire.
Une fois de plus, c'est un silence assourdissant sur les bancs de la majorité !
Je terminerai en posant de nouveau cette question, à laquelle j'aimerais sincèrement que vous répondiez, monsieur le ministre délégué : que ferez-vous l'année prochaine ? Allez-vous dégainer le 49.3 sur chaque texte budgétaire ?
Ça dépend de ce que vous en ferez !
Il est encore temps de changer. Si vous refusez de le faire, vous resterez dans l'histoire comme la majorité présidentielle qui n'aura pas été à la hauteur, ni du service public, ni des premiers de corvée, ni de la précarité qui s'installe partout dans le pays, ni du changement climatique, ni de l'effondrement de la biodiversité, ni même du débat parlementaire !
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.
Sourires.
Depuis cette tribune, je vous ai déjà dit, à deux reprises, ce que je pensais du budget de la sécurité sociale. J'ai bien essayé de formuler quelques propositions, mais j'ai ressenti une forme d'embarras. Vraiment, je ne voudrais pas gêner.
Sourires.
Je croyais, en arrivant ici, devoir discuter du budget, des choix, des recettes, des dépenses, des perspectives.
J'ai compris que ce n'était pas tout à fait le cas et que j'étais ici, en réalité, pour dire : « Oui, monsieur le ministre » ; « Vous avez raison, madame la ministre » ; « Bravo, monsieur le ministre » : « Pardon, madame la ministre » ; « Merci, monsieur le ministre ».
J'ai passé en revue ce que j'allais pouvoir dire aujourd'hui, à la tribune, et voici ce qui m'est venu. Pardon d'avoir osé déposer des amendements, non seulement pour défendre des idées et formuler des propositions, mais aussi pour me faire le relais de la colère des personnels soignants que je rencontre dans ma circonscription. Je sais combien cela a contrarié Mme la Première ministre.
Pardon d'avoir voté ou d'avoir fait voter des amendements : j'ai largement outrepassé mon mandat de député en agissant de la sorte !
Sourires.
Pardon d'avoir mis en danger la subtile cohérence de votre projet de loi : avant la séance, nous n'avons pas bien révisé les points sur lesquels vous vous étiez efforcés de nous faire entendre raison en commission.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Pardon d'avoir voulu vous voler un temps précieux en vous parlant d'hôpital,…
…de pédiatrie, de psychiatrie, de maladies professionnelles – et que sais-je encore !
D'autant que derrière – la Première ministre n'a pas manqué de le rappeler –, nous devions procéder à l'examen du budget de l'État qui, lui, devait prendre du temps. Mme la Première ministre a dit qu'elle croyait au débat lorsqu'il était mené de bonne foi. De tout cœur, merci pour votre bonne foi !
Rires.
À la bonne foi, je réponds toujours par la bonne foi. À la désinvolture, je ne réponds pas toujours par de la désinvolture.
Je préfère, en l'occurrence, faire preuve d'un peu d'ironie amère et féroce. Mais je vous rassure tout de suite : cet après-midi, ce n'est pas le cas.
Merci pour la qualité de votre écoute et de nos échanges. Alors que s'achève la discussion du PLFSS, nous avons le sentiment qu'elle n'a jamais véritablement commencé ou qu'elle a débuté hier. C'est dire l'intensité de nos débats – c'est fou comme le temps passe vite !
Rires.
J'ai l'impression que, au fur et à mesure des séances, Mme la Première ministre a fini par prendre goût à l'exercice du 49.3.
C'est une appréciation tout à fait personnelle. Mais elle a tout de même rappelé que des débats ont eu lieu en séance à l'Assemblée nationale et au Sénat et que, à chaque fois, ils ont été constructifs. Merci pour ces débats si constructifs. Merci pour ce foisonnement, cette pluie, ce camaïeu, ce dégradé de 49.3, qui donne tant de saveur à nos débats !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Vous connaissez sans doute le conte populaire Le Vaillant petit tailleur : un humble tailleur se vante, à propos des mouches qui sont attirées par la marmelade, d'en abattre sept d'un coup. Pour votre part, vous en avez abattu cinq d'un coup, des 49.3 !
Mme Raquel Garrido applaudit.
C'est déjà une belle performance, que je veux évidemment saluer ici. Je crois qu'on aura rarement aussi peu débattu des enjeux de santé et de protection sociale depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Merci pour ce moment rare, ce moment de magie, de grâce, lorsque Mme la Première ministre est arrivée dans l'hémicycle pour dégainer un 49.3 juste après la discussion d'une motion de censure ! Merci pour ce budget qui, en valeur absolue, est inférieur à celui de l'année dernière. Sa beauté et sa pertinence résident sans doute dans l'indigence, les manques, les défauts, les insuffisances, les fausses bonnes idées. Il semble que je n'ai pas su l'apprécier à sa juste valeur.
Pour agrémenter mon propos, je voudrais citer les paroles d'une chanson de Jean-Louis Aubert : « Voilà, c'est fini / On a tant ressassé les mêmes théories / On a tellement tiré chacun de notre côté / Que voilà, c'est fini… » Nous arrivons enfin au bout de cette belle discussion. C'est quand même beau une démocratie dans laquelle le Parlement joue son rôle, dans laquelle il est vraiment respecté.
Je ne voudrais pas abuser de mon temps de parole. Aussi me suis-je permis de vous préparer un petit dossier : comme vous prévoyez d'opérer des modifications dès le mois de janvier, j'ai compilé quelques suggestions que vous n'avez sans doute pas eu le temps d'examiner vraiment. Il est à votre disposition ici, si vous avez le temps de le compulser. Bien sûr, vous pouvez le regarder vaguement, en passant ; vous n'êtes pas obligé d'en tenir compte. De toute façon, s'il y a un problème, vous dégainez un 49.3 – pas de chichi entre nous !
Allez, je vous laisse. Vraiment, je ne voudrais pas déranger !
Les députés des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES se lèvent et applaudissent. – Quelques députés du groupe RN applaudissent également.
C'est un exercice frustrant que de rejouer le même scénario pour la troisième fois en un mois, celui d'une discussion générale qui tourne à vide, avant de tourner court. Nous n'avons jamais vraiment pu entrer dans les détails de ce texte, défendre nos amendements, tenter de vous convaincre. Vous avez décidé arbitrairement des concessions, minimes, pour satisfaire les oppositions. Soyons honnêtes : ce ne sont là que de petites avancées.
Je le disais dès la première lecture de ce texte : ce que nous attendions du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette nouvelle législature, c'était un cap, une vision pour les cinq prochaines années. Mais la trajectoire qui se dessine ne laisse pas présager d'une grande ambition pour assurer l'avenir de notre système de protection sociale. Au fond, la principale critique à formuler contre ce projet de loi, c'est sa faiblesse à répondre à des enjeux pourtant essentiels, ce sont les blancs qu'il laisse, là où nous attendons des réponses fortes, aussi bien en matière d'équilibre budgétaire qu'en matière de propositions concrètes pour renforcer les droits sociaux.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires reconnaît toutefois des points positifs. La prévention fait ainsi l'objet de mesures bienvenues, telles que les rendez-vous de prévention, l'accès facilité à la vaccination et au dépistage des IST ou encore la contraception d'urgence. L'encadrement de l'intérim et les contrôles dans les Ehpad sont aussi des dispositions attendues, après le scandale Orpea. Mais elles ne sont que des pansements appliqués sur une hémorragie qui ne faiblit pas, celle des personnels.
Ces points positifs se heurteront à un problème majeur, que vous n'abordez pas, celui de la désaffection pour les métiers du soin et du lien. Je l'ai dit à de nombreuses reprises : quel signal souhaitez-vous réellement envoyer en n'annonçant que 3 000 postes supplémentaires dans les Ehpad l'an prochain, alors que nous comptons 7 500 établissements ! C'est très insuffisant, surtout après les drames que nous avons connus et compte tenu de l'épuisement des personnels, auquel vous n'apportez aucune solution.
Les autres avancées sont nées du travail transpartisan des députés : je pense à l'organisation de consultations par l'ordre des médecins dans les zones sous-doutées et à l'accès direct aux IPA. Bien qu'elles soient satisfaisantes, il faudra aller bien plus loin en ce qui concerne la désertification médicale. Ne nous voilons pas la face : nous ne ferons pas de la quatrième année d'internat en médecine générale une solution à ce problème. Vous avez refusé d'entendre nos alertes sur ce sujet. Il aurait fallu au minimum proposer un statut plus rémunérateur aux internes.
Nous craignons que cette proposition, telle qu'elle est présentée, ne soit une fausse bonne idée. Surtout, nous en attendions bien plus pour soutenir les établissements de santé face à une crise sanitaire qui s'éternise. C'est à peine si le budget proposé compensera les coûts de l'inflation. Vous annoncez des rallonges budgétaires dans la précipitation, pour finir l'année tant bien que mal. Mais ensuite, qu'adviendra-t-il ? C'est d'autant plus problématique que la situation s'est aggravée : à l'épidémie de covid-19 se sont ajoutées celles de la grippe et de la bronchiolite. Et que dire de la psychiatrie ? Un an après les assises de la santé mentale et de la psychiatrie, les services hospitaliers se sentent encore abandonnés et les villes désertées.
Je ne peux que déplorer le manque d'ambition en ce qui concerne l'autonomie. C'est pourtant le grand défi que nous aurons à relever ces prochaines années. Pour la première fois depuis sa récente création, la branche autonomie ne sera consolidée par aucune mesure. Les propositions que nous avons tenté de défendre pour trouver des financements supplémentaires sont peut-être imparfaites, mais elles n'en ont pas moins le mérite d'exister. Ce fut malheureusement en vain. Encore une occasion manquée, alors que nous n'avons plus de temps à perdre sur ce sujet !
Au-delà de la question du financement, c'est d'une vraie loi d'ampleur dont nous avons besoin, celle par laquelle nous déciderons de ce que nous sommes collectivement prêts à faire pour garantir la dignité de tous, à tous les âges de la vie. Vous nous renvoyez à une énième concertation : le CNR « Bien vieillir ». Nous ne pouvons accepter de repousser sans cesse ce sujet, c'est maintenant qu'il faut agir !
Voilà les grandes lacunes de ce texte. Aujourd'hui, le secteur sanitaire et médico-social, véritable pilier de notre société, traverse une crise majeure. Il compte pourtant des professionnels qui ont vocation à prendre soin de chacun d'entre nous, à tous les âges, et se trouve au cœur de la promesse républicaine d'égalité des chances. La pédiatrie, la psychiatrie, les urgences, les Ehpad et tant d'autres structures de santé attendent de nous des solutions.
Nous sommes parfaitement conscients des enjeux financiers et budgétaires complexes qui se posent. Toutefois, nous estimons que nous sommes encore loin de donner un budget solide et ambitieux à notre sécurité sociale. Je ne me risquerai pas à avancer une position commune pour mon groupe quant au vote final de ce texte, car nous savons tous ici qu'il n'aura pas lieu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.
Nous voilà au terme du processus législatif d'examen et d'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale. C'est un moment important pour les parlementaires, que je voudrais éviter de tourner en dérision, car il s'agit véritablement d'un travail de fond, de nature décisionnelle, sur la mise en œuvre des politiques sociales et le contrôle de l'équilibre des branches de la sécurité sociale. C'est aussi l'occasion de fixer les grandes orientations de la politique sociale pour répondre aux enjeux de santé.
Si les deux précédents budgets de la sécurité sociale ont été marqués par des dépenses exceptionnelles – 18,3 milliards d'euros en 2021 et 11,5 milliards en 2022 –, liées à la crise sanitaire et aux revalorisations salariales du Ségur, l'exercice 2023 acte un retour progressif à l'équilibre des comptes annuels de la sécurité sociale, grâce à un Ondam stabilisé et à une dette sociale en voie de résorption.
Ce budget de transition est marqué par de grandes orientations stratégiques positives. L'enfance était l'une des priorités du premier quinquennat et reste au cœur de notre politique sociale. Dans la continuité des réformes du plan « 1 000 premiers jours », en réponse à la préoccupation des parents, la garde pour enfants, notamment des tout-petits, sera facilitée : le complément du mode de garde sera identique quel que soit le type de garde. S'y ajoute la revalorisation de 50 % de l'allocation de soutien familial (ASF) destinée aux parents isolés, dont le montant passera de 123 euros à 185 euros par mois et par enfant. Les familles monoparentales bénéficieront du complément de libre choix du mode de garde jusqu'aux 12 ans de l'enfant et, en cas de garde alternée, chacun des parents en bénéficiera.
Nous poursuivons les efforts consentis pour les personnes en perte d'autonomie en favorisant l'attractivité des métiers concernés : 3 000 professionnels supplémentaires seront recrutés dans les Ehpad en 2023 et 50 000 sur l'ensemble du quinquennat. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale crée deux heures de vie sociale pour permettre aux personnes en perte d'autonomie bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie de créer du lien. De plus, il renforce le contrôle des Ehpad et la lutte contre les dérives avec l'édiction de nouvelles règles de transparence et de régulation financière : un plan de contrôle des 7 500 Ehpad a déjà été lancé et des mesures réglementaires ont été prises. Pour répondre à l'attente des personnes âgées de vieillir chez elles, 4 000 places seront créées dans les services d'aide à domicile en 2023 et la réforme de la tarification de ces services sera poursuivie. Le dispositif MaPrimeAdapt' sera déployé pour aider les personnes âgées à adapter leur logement.
La lutte contre les abus et la fraude sera renforcée, avec le non-remboursement des arrêts de travail prescrits en téléconsultation par un médecin non traitant ou par un médecin non vu au cours des douze derniers mois.
Sur le volet santé, la prévention sera considérablement étendue afin d'améliorer les conditions de vie des Français avec la mise en place de rendez-vous préventifs aux âges clés de la vie : c'est une excellente avancée. Le suivi et la prise en charge de la santé sexuelle et reproductive seront améliorés, avec la gratuité de la contraception d'urgence et l'accès facilité au dépistage des infections sexuellement transmissibles. La lutte contre le tabagisme est accentuée.
Prévenir, c'est aussi se protéger pour éviter la maladie avec le recours à la vaccination. L'extension des compétences vaccinales aux pharmaciens, aux sages-femmes et aux infirmiers permettra de mieux assurer la protection de l'ensemble de la population. Cette mesure attendue permettra de libérer du temps médical tout en s'inscrivant dans le mouvement de reconnaissance des professionnels de santé.
Pour lutter contre les déserts médicaux, le groupe de travail transpartisan sur l'accès aux soins a formulé plusieurs propositions reprises dans ce texte. La première est l'ajout d'une quatrième année de médecine générale pour accompagner les futurs médecins vers une installation adaptée. La deuxième est l'expérimentation, dans plusieurs territoires, de l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée pour les maladies bénignes, lequel est actuellement conditionné par un rendez-vous préalable avec un médecin. Cette mesure facilitera le parcours du patient dans les zones où il est difficile d'obtenir un rendez-vous avec un médecin dans des délais raisonnables. L'expérimentation autorisant les infirmières à signer des certificats de décès a, elle aussi, été retenue. Elle apporte une réponse à la situation actuelle et permet de réduire le délai d'obtention, de respecter la dignité des personnes décédées, d'autoriser les familles à effectuer les démarches et de libérer rapidement les forces de l'ordre. Ces avancées permettront la reconnaissance des compétences des infirmières et l'amélioration de leurs conditions d'exercice, en complémentarité avec les autres professionnels de santé dans le parcours de soins.
Au total, nous préservons notre modèle de protection sociale et nous améliorons l'accès de tous à la santé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.
Et de sept ! C'est ce que nous risquons de dire dans peu de temps : sept 49.3 pour décider du système social des Français pour l'année à venir et, en partie, pour les années suivantes, années ô combien charnières, compte tenu de la situation sociale invraisemblable dans laquelle Emmanuel Macron nous a conduits après plus de dix ans aux manettes de notre pays. Emmanuel Macron, conseiller économique de François Hollande dès juin 2012, puis son ministre des finances pendant près de quatre ans, Emmanuel Macron, lui-même président des Français depuis plus de cinq ans, avait très largement les moyens d'anticiper, d'intervenir et d'agir en profondeur. Il n'a rien fait. C'est pourquoi les Français n'ont jamais eu autant besoin de leur sécurité sociale.
Or la France macronienne croule sous le déficit de nos trois budgets – celui de l'État, celui de la sécurité sociale et celui des collectivités territoriales – pour un total de près de 3 000 milliards d'euros de dettes. Ces dettes ont été creusées par la politique de _« quoi qu'il en coûte », alors que la France n'a été confinée que deux mois il y a deux ans, deux petits mois qui nous ont déstabilisés et ont été révélateurs d'un déséquilibre devenu structurel, comme en témoigne la crise de l'énergie que nous connaissons depuis le début de l'année 2021, et d'une fragilité qui bascule à la moindre nouvelle crise, comme celle de la bronchiolite ou de la grippe.
En matière de sécurité sociale, Emmanuel Macron a consciencieusement continué de fabriquer la pénurie de soignants, de médecins au premier chef. S'il avait plaidé dès 2012 pour la fin du numerus clausus de tous les professionnels de santé, nous ne perdrions pas des heures ici à tordre l'équation du transfert de tâches ou à parler des modalités rocambolesques de l'installation des médecins. Nous aurions tout notre temps pour envisager sereinement les réformes nécessaires de notre système de santé. Surtout, nous n'aurions pas à apprendre qu'un deuxième enfant est mort à l'hôpital Trousseau, la semaine dernière, faute de moyens, comme tous ces patients qui meurent sur des brancards. En ambulatoire, tous les patients souffrant d'une ALD auraient un médecin attitré et nous pourrions sans réticence aller consulter à temps pour bénéficier d'un diagnostic précoce : ce n'est plus le cas. Nous ne ferions pas le constat que plus de 30 % d'étudiants en santé ne pratiquent pas, ou trop peu, leur profession.
Pour cela, il aurait fallu qu'Emmanuel Macron rende ces professions attractives et valorisantes. Il préfère une médecine à bas coût, par laquelle des infirmières, aux compétences certes indéniables dans leur domaine, pourront, au bout de cinq ans d'études, pratiquer à moindres frais un exercice qui n'est autorisé aux généralistes qu'au terme de leur dixième année d'études. Ne demandez pas aux professionnels de santé de régler, sous la contrainte, la quadrature du cercle des déserts médicaux qui résultent du quadruple abandon dont vous êtes seuls responsables : abandon agricole, abandon médical, abandon industriel et abandon des services publics. Avec Marine Le Pen, nous ne cessons d'appeler à la reprise en main de nos territoires.
En matière familiale, si Emmanuel Macron l'avait voulu, l'augmentation régulière des salaires aurait pu être supportée par les employeurs et certaines mères ne seraient pas obligées de travailler pour compléter le salaire trop bas de leur conjoint, elles qui ne peuvent même pas obtenir des allocations familiales à la hauteur de la protection de leurs enfants.
En matière de retraite, ce sont les grands-parents que vous maintenez au travail alors que leur corps n'en peut plus. C'est tout le contraire de l'enjeu du XXI siècle : vivre longtemps en bonne santé. Ce projet de retraite retardée devient un scandale sanitaire et social. Vous n'entendez rien de ce que vous disent les parlementaires, à l'Assemblée comme au Sénat, lequel soutenait pourtant le projet de report de départ à la retraite – Sénat que vous avez humilié en rejetant ses nombreux amendements de bon sens.
Allez-vous balayer une fois de plus d'un revers de main autoritaire et méprisant toutes ces heures de travail parlementaire et couper court à toute discussion ? Dans ce cas, soyez cohérents et représentez-vous directement devant les Français : ils pourront vous dire alors à quel point ils sont fatigués de votre politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance de dix minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Yaël Braun-Pivet.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Le 26 septembre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a été déposé auprès du bureau de l'Assemblée nationale. Depuis, par deux fois, le texte a été examiné, puis adopté, par la commission des affaires sociales.
Des débats se sont tenus en séance publique à l'Assemblée et au Sénat.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
En première comme en nouvelle lecture, le texte a été adopté après le rejet de toutes les motions de censure déposées.
Exclamations sur les bancs des groupes LFI – NUPES et LR.
Depuis le 26 septembre, le projet de loi a évolué grâce à vous et grâce à vos collègues sénateurs. Nous avons repris des amendements de la majorité comme des oppositions.
À chaque étape, le texte a été enrichi et amélioré. Aujourd'hui, à l'issue de son examen et à quelques jours du terme du délai constitutionnel, je regrette une nouvelle fois que les positions soient restées figées et que, malgré les avancées, chaque groupe d'opposition ait réaffirmé sa volonté de s'opposer au projet de loi, quoi qu'il contienne et quel qu'il soit. Je l'ai encore entendu lundi.
Or après le vote d'une motion de rejet au Sénat,…
…le texte n'a pas bougé d'une virgule par rapport à la version de lundi dernier. Nous devons garantir que la sécurité sociale dispose des moyens nécessaires pour accomplir sa mission et protéger les Français. Lorsque l'enjeu est si important, je ne me dérobe pas devant mes responsabilités.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – « Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Avec le Gouvernement et la majorité, nous ne reculons pas quand il s'agit de protéger les Français.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous nous engageons à augmenter de 43 milliards les moyens de l'hôpital par rapport à 2019. Nous nous engageons à lutter contre les inégalités de santé et à prendre le tournant de la prévention. Nous nous engageons pour les personnes âgées, grâce à une augmentation des heures d'accompagnement et au renforcement des contrôles des Ehpad. Nous nous engageons pour les personnes en situation de handicap, grâce à des investissements en leur faveur. Nous nous engageons pour les jeunes femmes, qui pourront accéder gratuitement à la contraception d'urgence.
Nous nous engageons pour les patientes atteintes de cancer, dont les prothèses capillaires seront remboursées. Nous nous engageons pour les mères seules, en facilitant la garde d'enfants. Pour protéger et accompagner tous les Français, notamment les plus fragiles et les plus exposés, nous nous engageons.
C'est pourquoi, sur le fondement de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ,
« Ah » sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES
j'engage la responsabilité de mon Gouvernement sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
L'Assemblée nationale prend acte de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement, conformément aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le texte sur lequel la Première ministre engage la responsabilité du Gouvernement sera annexé au compte rendu de la présente séance.
En application de l'article 155, alinéa 1er , du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu. Le projet de loi sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée avant demain, dix-sept heures quinze, est votée dans les conditions prévues à l'article 49 de la Constitution.
Dans l'hypothèse où une motion de censure serait déposée, la conférence des présidents fixera la date et les modalités de sa discussion.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Hélène Laporte.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution visant à exiger la fin de l'agression de l'Azerbaïdjan à l'encontre de l'Arménie et à établir une paix durable dans le Caucase du Sud (n° 388).
En préambule, je veux remercier, pour sa présence parmi nous dans la tribune, Mme Hasmik Tolmajian, ambassadrice de la république d'Arménie en France.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.
En octobre 2020, il y a un peu plus de deux ans, dans une guerre qui a duré quarante-quatre jours, l'Azerbaïdjan a fait pleuvoir sur les Arméniens du Haut-Karabakh bombes au phosphore et bombes à sous-munitions, faisant 6 500 morts et autant de blessés, lesquels tentent désormais de se reconstruire, avec un courage et une résilience hors du commun.
Aussi, les 13 et 14 septembre derniers, lorsque le régime de Bakou a choisi de bombarder massivement le sud et le sud-est de l'Arménie, au mépris du respect de ses frontières souveraines, le Haut-Karabakh est-il apparu comme le signe avant-coureur d'une agression d'une plus grande ampleur. Aujourd'hui encore, plusieurs dizaines de kilomètres carrés du territoire souverain de l'Arménie sont occupées et des tirs et des explosions continuent de retentir quotidiennement.
Deux ans après l'annexion d'une partie du Haut-Karabakh, c'est l'Arménie elle-même qui est en danger. Il est urgent de sonner l'alerte ! « Le destin de l'Arménie ne concerne pas l'Arménie seule. Si on la considère comme une extension, une ombre projetée de l'Europe au seuil de la steppe, un éclat de nous-mêmes fiché dans l'Orient, alors c'est nous-mêmes qui sommes frappés par ses tourments. » Ces mots de l'écrivain voyageur Sylvain Tesson disent tout de notre lien à l'Arménie, notre lien en tant que Français et en tant qu'Européens. Nous partageons avec ce pays une histoire millénaire, une culture et des valeurs fondamentales : celles de la démocratie et de la liberté, celle aussi de la laïcité.
Ce lien indéfectible s'est affermi quand, durant les années qui ont suivi le génocide, l'exil a conduit les survivants en France, en particulier à Marseille, où ils ont inscrit leur empreinte et leur vie. Ce lien indéfectible s'est écrit avec le sacrifice de Missak Manouchian et de son groupe de francs-tireurs, devenus des héros de la Résistance.
Or, cent ans après le génocide arménien, l'histoire ressurgit et le peuple arménien craint de nouveau pour sa survie, face à des voisins, la Turquie et l'Azerbaïdjan, plus hostiles et puissants que jamais. Petit confetti démocratique et chrétien au cœur d'une grappe d'États autoritaires, l'Arménie est pour ses voisins expansionnistes le verrou qu'il faudrait faire tomber, pour faire aboutir un projet plus vaste, le panturquisme. Ce projet prévoit aussi l'effacement d'un peuple et d'une culture : la destruction du patrimoine arménien en atteste. Les mots sont là, aussi clairs que violents : « Chasser les Arméniens de [leur] terre comme des chiens ! ». Les crimes de guerre sont là, photographiés et célébrés par leurs auteurs : tortures, décapitations, viols, répertoriés dans le rapport du défenseur des droits de l'homme arménien. La menace est là, quotidienne et réelle, encore ces derniers jours.
En tant que coprésidente du groupe de Minsk, la France doit pleinement jouer son rôle de médiateur. C'est le souhait de l'Arménie, mais c'est surtout le gage d'une médiation équilibrée, alors que la Russie, malgré ses 8 000 soldats présents en Arménie, a démontré son incapacité à faire respecter le cessez-le-feu de 2020.
De premiers efforts diplomatiques ont été entrepris en ce sens et nous saluons la rencontre qui a eu lieu à Prague le 6 octobre dernier, à l'initiative notamment du Président de la République. Elle a permis de réunir toutes les parties concernées. Nous sommes également satisfaits qu'un poste d'attaché militaire de défense ait été créé auprès de l'ambassade de France à Erevan et qu'une coopération s'engage.
Toutefois, il convient d'accentuer cet élan pour établir une paix durable dans le Caucase du Sud : or cela ne pourra aboutir qu'en coopération étroite avec l'Union européenne et les États-Unis. L'Union doit donner de la voix pour éviter un nouveau conflit meurtrier aux confins de notre continent. Comme la présente proposition de résolution le souligne, il faut d'abord que soit mis fin à l'occupation du territoire arménien par les troupes azerbaïdjanaises et que l'intégrité des frontières de l'Arménie soit respectée, comme son indépendance.
Nous appelons également à ce que les termes du cessez-le-feu de novembre 2020 soient honorés et à ce que les prisonniers de guerre arméniens soient libérés. Des familles attendent depuis deux ans de revoir les leurs ou d'obtenir le corps d'un proche pour l'enterrer dignement. Au-delà, il faut que la sécurité des populations arméniennes présentes dans le Haut-Karabakh soit effectivement garantie.
Par ailleurs, des témoignages et des vidéos font état d'infractions répétées au droit international humanitaire : elles sont commises par des soldats azerbaïdjanais sur des civils et des militaires arméniens, en particulier des femmes. Afin qu'une enquête internationale et indépendante puisse être conduite, nous invitons la république d'Arménie à adhérer à la Cour pénale internationale pour lutter contre l'impunité.
Si les tensions et les agressions devaient se poursuivre, il importe que l'Organisation des Nations unies (ONU) réagisse et envisage le déploiement d'une force d'interposition internationale capable d'assurer la fin des hostilités dans le Caucase du Sud et la sécurité des populations civiles.
Mme Sophia Chikirou et M. Sébastien Delogu applaudissent.
Malgré les réticences russes, la France, comme ses alliés américains et britanniques, doit continuer à défendre cette option. Il y va de la stabilité de toute la région.
Eu égard à l'histoire et aux valeurs que l'Arménie et la France ont en partage, la représentation nationale doit porter haut le soutien aux Arméniens et afficher un message de paix.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Yves Bony applaudit également.
C'est une question d'honneur ; c'est le sens de cette résolution. Aucun renoncement n'est envisageable. Les Arméniens nous regardent : il est de notre devoir d'être rassemblés et unis pour leur montrer le soutien et la mobilisation des députés français. De Erevan à Goris, de Stepanakert à Vardenis en passant par Kapan, les Arméniennes et les Arméniens comptent sur nous !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe LR.
Le 9 avril 1916, alors que le gouvernement des Jeunes-Turcs massacre la minorité arménienne de l'empire ottoman, perpétrant ainsi le premier génocide du XX
Il y a deux ans, l'Azerbaïdjan, aidé et même piloté par la Turquie, a lancé une offensive contre le Haut-Karabakh. Violant toutes les conventions internationales, le régime d'IIham Aliyev a conquis une grande partie de ce territoire historiquement peuplé d'Arméniens. Depuis, malgré un accord de cessez-le-feu, l'Azerbaïdjan a plusieurs fois violé les frontières internationalement reconnues de la république d'Arménie : en mai et en novembre 2021, ainsi que les 13 et 14 septembre derniers. Pendant deux jours, les forces armées azerbaïdjanaises ont bombardé sans relâche de nombreuses localités arméniennes, visant des infrastructures civiles comme des écoles et des zones résidentielles.
Désormais, près de cinquante kilomètres carrés du territoire souverain de l'Arménie se trouvent sous occupation azerbaïdjanaise. Plus que jamais, l'Arménie est menacée dans son existence même. Si nous en sommes arrivés là, c'est aussi en raison du silence assourdissant de la communauté internationale, en particulier de l'Union européenne : or c'est précisément ce que vous oubliez de rappeler dans votre proposition résolution.
N'oublions pas que l'Union européenne a toujours mis sur le même plan l'Azerbaïdjan et l'Arménie, l'agresseur et l'agressé. Elle n'a jamais eu le courage de se dresser face aux provocations du président Erdo?an. Souvenez-vous, chers collègues, que Mme von der Leyen était à Bakou il y a quelques mois pour négocier de nombreux contrats d'importation de gaz, allant jusqu'à qualifier M. Aliyev de « partenaire fiable » : des milliards d'euros pour remplacer le gaz russe, des milliards qui, non seulement, n'ont pas arrêté la guerre en Ukraine, mais qui ont encouragé l'Azerbaïdjan à agresser l'Arménie. Comment sanctionner – à juste titre – Vladimir Poutine d'un côté et encenser Ilham Aliyev de l'autre ? Comment condamner – à juste titre – l'autoritarisme et l'emploi de la force d'une part, et les encourager d'autre part ? C'est cette hypocrisie que le peuple arménien ne supporte plus.
Le peuple arménien, que nos dirigeants – de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron – ont toujours qualifié de « nation sœur », attend désormais autre chose que de simples déclarations. Le temps est à l'action et à des mesures fortes pour apporter une aide concrète à l'Arménie. Le pétrole et le gaz azerbaïdjanais auraient-ils une meilleure odeur que le pétrole et le gaz russes ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.
Quand on observe les réactions des uns et des autres, on est en droit de se poser la question.
Votre résolution omet également de rappeler le rôle central de la Turquie et du président Erdo?an dans ce conflit. Rappelons-nous qu'en 2020, l'attaque azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh avait été précédée d'importantes livraisons d'armes turques. Rappelons-nous aussi que la Turquie avait organisé le transfert de djihadistes de Syrie vers le Haut-Karabakh pour soutenir cette agression. Ne nous y trompons pas : Ilham Aliyev n'agit pas seul. S'il se montre si vindicatif, c'est qu'il sait pouvoir compter sur le soutien inconditionnel de celui qu'il aime appeler son frère : Recep Tayyip Erdo?an. Là aussi, il est urgent de prendre des mesures fortes pour arrêter les visées expansionnistes de la Turquie.
Malgré tous les non-dits de cette proposition de résolution, nous voterons en sa faveur, pour affirmer une nouvelle fois notre attachement à l'Arménie et notre volonté d'une paix durable, qui ne peut s'établir que dans la vérité.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Aujourd'hui, une nouvelle crise se cristallise à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. C'est cette fois la souveraineté territoriale même de l'Arménie qui fait l'objet des agressions impérialistes de son voisin, dont la présence militaire gagne impunément du terrain depuis dix-huit mois. Les 13 et 14 septembre derniers, des attaques armées azerbaïdjanaises ont endeuillé la région frontalière, faisant plus de 200 morts, 300 disparus et des centaines de blessés. À la suite de ces attaques, 7 000 personnes, dont 1 400 enfants, ont été déplacées.
Avez-vous déjà foulé et vu de vos propres yeux le sol d'un territoire démoli par la guerre ? Pour moi, sur la terre de mes ancêtres, c'était la première fois. J'ai vu les maisons détruites, soufflées par les obus, dans des villes fantômes que leurs habitants ont désertées sous la contrainte, la peur au ventre, marqués à jamais par le trauma de la guerre.
À Sotk, tout près de la frontière, d'où on entendait encore au loin les tirs d'armes lourdes, le maire m'a raconté combien le rapport de force est disproportionné s'agissant des moyens militaires, face aux drones azerbaïdjanais lanceurs d'obus, qui propagent dans l'air un acide qui ronge tout. À Vardenis, j'ai rencontré une petite fille qui m'a immédiatement fait penser à la mienne. J'ai rencontré ses parents et sa grand-mère, qui est un sosie de ma propre grand-mère, elle aussi arménienne et elle aussi issue de la guerre génocidaire. Ces rencontres avec les oubliés de la guerre, les non officiels, tous ces civils aux vies brisées, les véritables sacrifiés d'une guerre d'agression, sont celles qui m'ont le plus marqué. Je n'oublierai jamais leurs noms, leurs visages et leurs voix que personne, ou presque, n'écoute.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes RE, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
J'ai aussi pu entendre des voix qui portent un peu plus : celles de défenseurs des droits de l'homme, de colonels, d'élus, d'associations. Leur travail, accompli sans relâche dans des conditions inimaginables, donne à voir ce que personne ne veut voir, à savoir le décompte insoutenable des violations commises par l'Azerbaïdjan : les captures de prisonniers, les enlèvements, les mutilations, les viols, les décapitations et les assassinats. C'est grâce à eux que j'ai compris aussi la dimension psychologique d'une guerre inégale qui brise tout espoir de résistance.
Des ONG ont officiellement identifié les exactions commises par les soldats azerbaïdjanais comme des crimes de guerre, lesquels s'inscrivent dans un macabre historique d'actes de barbarie qui ensanglante les trois dernières décennies. À ce jour, aucune enquête internationale indépendante n'a été menée sur ces crimes de guerre ; il y a urgence. Les Arméniens se sentent oubliés et abandonnés : je peux témoigner qu'ils le sont. Cette impuissance générale laisse l'Arménie devenir le jouet des caprices impérialistes des autocraties voisines et réactive le souvenir vivace du génocide de 1915.
Le Gouvernement se doit d'afficher une indignation non moins grande que concernant les crimes de guerre constatés en Ukraine, sous peine d'être légitimement soupçonné de partialité ou d'appliquer deux poids, deux mesures. Tout récemment – la semaine dernière ! – a enfin eu lieu un revirement historique. Le pouvoir de Vladimir Poutine a été solennellement désavoué par l'Arménie lors du sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) à Erevan. Pour nous, le moment n'a jamais été plus propice à agir.
Pour la France, l'une des données complexes de ce conflit est l'épineuse question énergétique. L'invasion de l'Ukraine a poussé l'Union européenne à se tourner vers le gaz azerbaïdjanais. Or, depuis plus de trente ans, c'est précisément la rente énergétique du clan Aliyev qui finance son armée et concrétise les discours arménophobes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Il est temps, par cette résolution, d'encourager le Gouvernement à tout entreprendre pour renverser ce rapport commercial.
Le Gouvernement doit condamner cette agression intolérable qui menace concrètement tout un peuple, une ethnie, une communauté, une histoire et un patrimoine millénaire, de disparition silencieuse.
Ce proverbe arménien semble nous être adressé : « Mieux vaut ne pas avoir d'argent que de ne pas avoir d'âme ».
Les députés du groupe LFI – NUPES se lèvent et applaudissent, ainsi que Mme Sandrine Rousseau et M. Pierre Dharréville. – Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem.
« Je n'ai pas tant eu peur pour ma vie qu'à l'idée de ne jamais revoir mes parents ni mon frère » : ce sont les paroles glaçantes d'une jeune femme arménienne au lendemain des attaques des l2 et 13 septembre derniers à Sotk, village situé à l'intérieur de la république d'Arménie, à dix kilomètres de la frontière avec l'Azerbaïdjan. Ce fut le premier acte d'une agression massive par l'Azerbaïdjan en territoire souverain de la république démocratique d'Arménie depuis la signature en 2020 du cessez-le-feu mettant fin à la guerre des Quarante-quatre Jours au Haut-Karabakh.
Déjà, en 2020, dans la région autonome enclavée du Haut-Karabakh, les Arméniens, majoritaires à 95 %, avaient été victimes d'une agression féroce de l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie. Cette agression, disproportionnée en nombre d'hommes et en matériel, avait été menée au mépris du droit international.
Depuis ces terribles jours de septembre dernier, la barbarie s'est de nouveau installée en terre arménienne : au Haut-Karabakh, encore, et maintenant à l'intérieur des frontières souveraines de la république d'Arménie. Les violations du cessez-le-feu sont, depuis, quotidiennes. Aux violences militaires s'ajoutent des actes de cruautés, sur les hommes comme sur les femmes, militaires ou civils, ainsi que des violences psychologiques visant à intimider et à déstabiliser les populations arméniennes, en diffusant par exemple, au moyen de haut-parleurs placés à la frontière, des messages de haine et des menaces, aux cris d'Allahou akbar, sans oublier la présence volontairement visible et provocante des soldats azerbaïdjanais.
Depuis 2020, ce sont des milliers de morts militaires et civils, des centaines de prisonniers détenus dans des conditions d'humiliation contraires au droit international de la guerre et des milliers de déplacés que nous devons déplorer en république d'Arménie et dans la région du Haut-Karabakh – oui, mes chers collègues, que nous devons déplorer : ils sont nos morts, nos déplacés, nos prisonniers.
Mme Justine Gruet et M. Maxime Minot applaudissent.
L'alliance turco-azerbaïdjanaise et ses mercenaires djihadistes veulent en effacer les traces, notamment dans le Haut-Karabakh où le patrimoine ancestral arménien est volontairement détruit depuis deux ans et où les Arméniens doivent être protégés par des policiers pour se rendre dans leurs églises – lorsqu'ils le peuvent. L'Arménie est la première nation à avoir adopté le christianisme. Bastion de l'Occident dans le Caucase du Sud, elle est plus que jamais menacée d'anéantissement historique, géographique et culturel.
C'est bien l'Europe qui est menacée par ce conflit qui s'inscrit dans une stratégie globale impérialiste ottomane dans cette zone du monde aux enjeux géopolitiques majeurs. Ce sont également la démocratie, nos valeurs et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes qui sont mis à mal, comme en Ukraine.
Et pourtant ! Pour quelle raison la cause arménienne ne mobilise-t-elle pas autant que la légitime cause ukrainienne ?
Pour quelle raison les communautés européenne et internationale, ainsi que la France, ont-elles mis autant de temps à dénoncer ces agressions et à envoyer une mission d'observation, dont nous attendons d'ailleurs les premiers résultats ?
À ce moment précis, je pense à tous nos amis arméniens qui sont aujourd'hui meurtris et qui attendent un engagement fort de la France. Notre pays a une grande tradition d'amitié, de culture et de fraternité avec l'Arménie. Nous sommes le premier grand pays à avoir reconnu le génocide des Arméniens sous la présidence de Jacques Chirac.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – MM. Moetai Brotherson et Jean-Philippe Tanguy applaudissent également.
Je pense aussi aux 500 000 citoyens français d'origine arménienne, descendants des rescapés du génocide de 1915, une des plus importantes communautés dans le monde. Nous ne pouvons, une fois encore, nous satisfaire de dénoncer : nous devons agir. Des sanctions fermes et fortes doivent être prononcées à l'égard des dirigeants azerbaïdjanais, afin de les empêcher de poursuivre leur funeste vœu d'anéantissement des Arméniens et de l'Arménie. Aujourd'hui, il n'est plus envisageable que l'Europe finance indirectement l'agresseur azerbaïdjanais en doublant ses importations de gaz.
Alors, bien entendu, les députés du groupe Les Républicains soutiendront et voteront en faveur de cette résolution. Ils demandent solennellement que l'ONU soit saisie, afin d'envoyer une force d'interposition qui permettra de poursuivre des pourparlers solides en vue d'établir une paix durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et de rétablir les frontières souveraines de la République démocratique d'Arménie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
En déposant cette proposition de résolution, nous manifestons notre volonté de contribuer au règlement pacifique d'un conflit terriblement meurtrier qui dure, hélas, depuis trop longtemps. Je salue les interventions des orateurs qui m'ont précédé à la tribune.
Nous, parlementaires français, sommes viscéralement attachés aux valeurs qui fondent le droit international et permettent d'édifier une société des nations respectueuse du droit des peuples. Cette guerre lointaine, passée sous silence, met en lumière une situation très préoccupante. Nous défendons le principe d'autodétermination des peuples et nous condamnons fermement les agressions meurtrières lancées par l'Azerbaïdjan, cet État qui n'a jamais respecté les accords de cessez-le-feu qu'il a pourtant signés en 1994 et en 2020. Et c'est bien lui qui a déclenché, en Artsakh, la guerre des Quatre Jours en 2016, la guerre des Quarante-quatre Jours en 2020 et, encore, les attaques meurtrières des 13 et 14 septembre 2022, cette fois dirigées contre des villes et villages d'Arménie.
Paix trompeuse nuit plus que guerre ouverte, dit-on. Nous le savons, la seule issue est une paix juste et durable, dont les protagonistes seront les acteurs. Elle doit absolument se construire dans l'acceptation de l'autre.
La culture arménienne est l'une des plus anciennes au monde, et le Haut-Karabakh, l'un des berceaux de l'humanité. La société azerbaïdjanaise est, historiquement, fondée sur le dialogue des cultures, même si la laïcité y est en net recul. Nous respectons l'identité de chaque peuple, de chaque minorité et particulièrement celle des Arméniens qui, de par leur histoire, ont eu à subir des persécutions. Mais comment faire respecter le droit par des États qui ne le reconnaissent pas et qui, de surcroît, détiennent l'arme du gaz ?
Face à la realpolitik, au jeu d'influence des grands acteurs de la région et à une oligarchie qui s'est approprié les richesses de l'Azerbaïdjan, nous ne sommes pas naïfs. Il est indéniable que l'influence de la Russie pèsera encore longtemps sur la région du Caucase du Sud : ainsi, la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont donné l'occasion à l'Azerbaïdjan de rouvrir les hostilités. L'Azerbaïdjan menace aujourd'hui gravement la sécurité des populations de l'Arménie et de l'Artsakh. La question du statut de cette petite république autoproclamée est posée, tout comme le respect de la souveraineté territoriale et de l'indépendance de la république d'Arménie.
L'Europe doit donc s'affirmer comme un médiateur, et la France, plus encore, en tant qu'amie – s'il en est – de l'Arménie, a le devoir d'agir en puissance garante de sa souveraineté. Du reste, elle s'est efforcée de le faire, dans le cadre du groupe de Minsk. Il faut saluer l'initiative du Président de la République en ce sens qui, à Prague, au mois d'octobre dernier, a réussi à réunir le Président de la République Aliyev, le Premier ministre Pachinian, et le président du Conseil européen Michel. Le déploiement par l'Union européenne d'une mission d'observation du côté arménien de la frontière internationale avec l'Azerbaïdjan est une première étape. Nous souhaitons que cette mission puisse être prolongée.
Celle-ci ne nous dispense pas, aux côtés de l'Union européenne, de montrer notre pleine détermination à obtenir le rétablissement d'une paix juste et durable et de la sécurité pour les peuples de cette région, sous l'égide de l'ONU. Mais des sanctions contre les criminels, et pas seulement contre les auteurs des crimes commis sur les théâtres d'opérations, devront être prises. S'il appartient à une enquête internationale et indépendante d'établir les faits, des sanctions économiques et financières s'imposent. Enfin, nous appelons de nos vœux la libération et rapatriement immédiat des prisonniers de guerre arméniens.
L'Assemblée nationale s'est toujours tenue aux côtés de l'Arménie pour exprimer sa solidarité et promouvoir une solution diplomatique à ce conflit : en témoignent les différentes résolutions adoptées au fil des législatures. En cet instant, permettez-moi d'évoquer l'action de notre ancien collègue, mon ami François Rochebloine, qui a été rapporteur de la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.
Cette fois encore, en votant cette proposition de résolution, le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) est au rendez-vous.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR. – Mme Emmanuelle Anthoine applaudit également.
Je tiens à commencer mon intervention en exprimant ma profonde et sincère amitié au peuple arménien.
Le 27 septembre 2020, l'Azerbaïdjan a rompu le cessez-le-feu avec l'Arménie qui prévalait depuis 1994, en attaquant le territoire du Haut-Karabakh, territoire ancestral du peuple arménien. Lors de cette opération, l'Azerbaïdjan a bénéficié du soutien matériel et militaire de la Turquie. Cette guerre des Quarante-quatre Jours a fait plus de 6 500 morts, dont plus de 4 000 Arméniens, pour partie des jeunes de 18 à 20 ans. C'est aussi sans compter les nombreux prisonniers dont nous réclamons la libération.
Le 9 novembre 2020, après ce conflit des Quarante-quatre Jours, un cessez-le-feu a été conclu sous la forme d'une déclaration trilatérale, sous l'égide de la Russie qui s'était instituée médiatrice. Une force d'interposition russe de plusieurs milliers de soldats était censée le faire respecter. Depuis, les Azerbaïdjanais n'ont de cesse de mener de nombreuses attaques et de commettre de nombreuses exactions sur le terrain. La population et les villages arméniens font l'objet de harcèlements presque quotidiens, voire d'attaques meurtrières. Le gazoduc qui alimente les habitants de l'Artzakh depuis l'Arménie a été endommagé au mois de mars 2022, plongeant dans le froid une population déjà soumise à des conditions de vie d'une grande dureté.
Les 13 et 14 septembre derniers, un pas supplémentaire a été franchi avec l'offensive militaire de l'Azerbaïdjan contre le territoire de la république d'Arménie, qui a causé la mort de plus de 200 personnes. Une nouvelle fois, l'Azerbaïdjan a agressé l'Arménie. Je salue le fait que notre assemblée puisse dénoncer avec vigueur la reprise des hostilités et que nous puissions collectivement exprimer notre totale solidarité avec le peuple arménien.
Ce pays est une démocratie menacée dans une région où existent de multiples conflits gelés, dans un contexte historique de reprise de guerre hybride et de haute intensité dans le monde. Le cessez-le-feu de 2020 n'aura finalement été qu'une pause dans ce conflit : il s'est, hélas, traduit sur le terrain par une suite ininterrompue d'incidents et de drames humains.
À plusieurs reprises, je me suis rendue en Arménie et au Haut-Karabakh, notamment au mois de décembre 2020 avec Olivier Faure, pour constater non seulement les conséquences de cette guerre, mais aussi et surtout le courage et la résilience du peuple arménien si durement éprouvé. Au mois de novembre de la même année, les sénateurs et, au mois de décembre, les députés de tous bords, ont respectivement voté une résolution pour affirmer haut et fort notre soutien à la protection du peuple arménien. Notre détermination n'a pas changé. Je le dis solennellement : notre assemblée doit appeler à une reconnaissance des frontières d'avant le 27 septembre 2020.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et RE.
Une médiation internationale, qui irait au-delà des puissances régionales influentes de la région que sont la Russie et la Turquie, doit être instaurée. Elle constitue la seule voie opportune. Il est impératif de constituer une force internationale de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
La proposition de résolution demande le retrait immédiat et définitif des forces armées azerbaïdjanaises du territoire internationalement reconnu de l'Arménie. J'appelle le Gouvernement à tirer toutes les conséquences de la violation de la souveraineté de l'Arménie, en prenant des sanctions économiques, ainsi qu'en soutenant l'ouverture d'une enquête – dont nous n'avons pas de nouvelles – par la Cour pénale internationale sur les crimes de guerre qui sont connus et référencés.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.
Je demande au Gouvernement non seulement d'apporter à l'Arménie une aide humanitaire, mais aussi de lui fournir l'aide militaire dont elle a besoin, dont des drones de surveillance et de défense stratégique.
Dans ce conflit, il y a un agresseur et un agressé. Des sanctions s'imposent donc et la France, avec l'Europe, doit prendre des mesures. Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous voterons donc cette proposition de résolution qui mérite que nous soyons tous rassemblés aux côtés du peuple arménien qui souffre tant. À cette même tribune, le 3 novembre 1896, Jean Jaurès dénonçait le prélude du génocide des Arméniens. Alors, entrons dans les pas de l'histoire et soutenons avec force cette proposition de résolution pour dire haut et fort notre soutien indéfectible au peuple et à nos amis arméniens. Ils savent qu'ils peuvent compter sur moi à leurs côtés.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Josiane Corneloup applaudit également.
Le 9 novembre 2020, un accord de cessez-le-feu conclu entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, en présence de la Fédération de Russie, mettait fin à une guerre de quarante-quatre jours au Haut-Karabakh. Le cessez-le-feu n'aura duré que deux ans. Les 13 et 14 septembre derniers, en seulement deux jours, l'Azerbaïdjan a renié l'ensemble de ses engagements et violé les frontières de la république d'Arménie. En seulement deux jours, des bombardements ont touché plus de trente villes et villages arméniens. En seulement deux jours, l'armée azerbaïdjanaise a envahi près de 50 kilomètres carrés du territoire arménien qu'elle occupe encore aujourd'hui.
La guerre est revenue dans le Caucase du Sud. Alors qu'il est trop tard pour l'empêcher, il est encore temps de l'arrêter. Il faut redoubler d'efforts pour parvenir à un accord de paix durable entre les deux nations – un accord de paix, d'abord, par l'arrêt définitif des combats. Nous appelons à la fin des hostilités. La France doit continuer d'agir avec ses partenaires au sein du Conseil de sécurité des Nations unies pour le déploiement de casque bleus dans la région. Nous appelons l'armée azerbaïdjanaise à libérer les territoires occupés depuis le mois de septembre. La souveraineté territoriale de l'Arménie ne saurait être une nouvelle fois menacée.
L'accord de paix devra, ensuite, préserver durablement les frontières. Sur ce sujet le dialogue a été rétabli sous l'impulsion du Président de la République, lors de la première réunion de la Communauté politique européenne (CPE). Les députés du groupe Horizons et apparentés ont déjà salué le succès de cette rencontre historique dans cet hémicycle. Elle a permis le déploiement d'une mission civile de l'Union européenne qui contribue à la stabilisation sur le terrain et à la délimitation des frontières.
L'accord de paix devra, enfin, permettre à l'Arménie d'obtenir les réparations nécessaires. L'Azerbaïdjan porte une lourde responsabilité dans ce conflit : celle d'avoir transgressé ses engagements par l'occupation militaire de territoires arméniens ; celle d'avoir autorisé que des exactions – tortures, viols, exécutions – soient commises contre des prisonniers de guerre. Les responsables de ces crimes de guerre doivent être punis. Aussi appelons-nous l'Arménie à adhérer à la Cour pénale internationale.
La France, patrie des droits de l'homme, ne peut rester indifférente à la souffrance d'un peuple ami. L'accord de paix que nous appelons de nos vœux doit garantir les conditions d'existence de l'Arménie. Il doit aussi garantir la subsistance des populations et la conservation du patrimoine culturel et religieux arménien sans cesse menacé dans le Haut-Karabakh.
Oui, un accord de paix est nécessaire car, au-delà de la stabilité de la région, c'est la sécurité de toute l'Europe qui est en jeu. Rappelons-le : l'Arménie est un pays enclavé, un îlot de démocratie dans une région de plus en plus instable. À l'ouest, la Turquie : avec l'Azerbaïdjan, les Turcs nient l'existence même du génocide arménien de 1915. L'invasion de l'Arménie comme l'invasion de l'Ukraine manifestent la volonté de puissance d'États autoritaires, aux portes de l'Europe. Au nord, la Russie : pendant trop longtemps, nous avons laissé la sécurité d'Erevan entre les mains de Moscou. La Russie s'était, en 2020, portée garante du cessez-le-feu pour mettre fin à la guerre au Haut-Karabakh. Or que fait la Russie aujourd'hui ? Comment, face à une agression sur son territoire, l'Arménie pourrait-elle encore accepter la médiation d'un État ayant, de manière éhontée, remis en cause l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine ? La Russie n'est plus un partenaire crédible.
Face au désengagement de Vladimir Poutine, la France, l'Union européenne et leurs alliés doivent maintenant prendre toute leur part dans la préservation de la sécurité dans la région. C'est donc un message fort que l'Assemblée doit envoyer aujourd'hui. Ce que dit cette proposition de résolution, c'est la constance de nos engagements. Dans le combat pour la défense des valeurs universelles, protectrices des libertés et des droits fondamentaux, nous n'oublierons personne. Nous nous engageons à préserver la paix dans le Caucase du Sud. En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem et sur quelques bancs du groupe SOC.
La présente proposition de résolution fait suite à l'offensive militaire lancée sur le territoire arménien, qui a déjà fait plus de 200 morts. Cette attaque azerbaïdjanaise doit être condamnée avec force. Je tiens à assurer le peuple arménien de l'entier soutien du groupe Écologiste – NUPES. La souveraineté de l'Arménie doit à tout prix être préservée. Cette nouvelle flambée meurtrière survient alors que la Russie, médiatrice traditionnelle, a démontré son incapacité totale à œuvrer pour la stabilité de la région : elle a au contraire largement contribué à son déséquilibre et a favorisé l'opportunité pour le régime d'Aliyev de lancer une nouvelle attaque.
Notre objectif, le seul, doit être la paix. En ce sens, il faut encourager la poursuite des discussions afin d'assurer l'efficacité du cessez-le-feu et de favoriser la construction d'une paix durable dans le Haut-Karabakh. En ce sens, une série de pourparlers entre les dirigeants azerbaïdjanais et arméniens se sont tenus sous l'égide du président du Conseil européen Charles Michel. Les réunions de Prague, auxquelles a participé le président Emmanuel Macron, ont entrouvert la perspective de la paix, avec une ouverture des deux pays pour la reconnaissance mutuelle de leurs territoires.
En parallèle, Vladimir Poutine a récemment opéré une tentative de volte-face en se rendant la semaine dernière à Erevan pour le sommet annuel de l'OTSC. Cette alliance politico-militaire, qui réunit autour de la Russie cinq anciennes républiques socialistes soviétiques – outre l'Arménie –, est censée permettre au président russe de réaffirmer son rôle d'arbitre local. Toutefois, l'ensemble des membres de cette organisation sont critiques envers la tentative d'invasion de l'Ukraine et doutent de la capacité de Moscou à conduire de réelles opérations. La pensée globale est résumée par le président du Kazakhstan, selon qui la Russie est devenue une puissance déstabilisatrice et néfaste pour l'équilibre régional et mondial.
Rappelons-le ici : de très nombreux Russes sont hostiles à la guerre menée en Ukraine par leur dirigeant. C'est notamment le cas d'une grande partie de la communauté russe en Arménie. Alors que Vladimir Poutine maintient à l'heure actuelle encore 2 000 hommes au Karabakh, protégeant notamment le très convoité couloir de Latchine, l'Union européenne a obtenu qu'une mission d'observation se rende dans la zone de conflit. Alors que le président russe a tenté de récupérer son appui dans le Caucase, l'émergence d'un nouveau leadership est nécessaire pour que l'Occident ne laisse pas la Russie transformer cette région du monde en son arrière-cour. La France et l'Europe doivent conserver une influence tant au sein du camp occidental que vis-à-vis de voisins tels que la Turquie.
L'Azerbaïdjan et la Turquie profitent de cette instabilité. Bakou a, dès le début du conflit russo-ukrainien, proposé de compenser la rupture d'approvisionnement en gaz russe en augmentant ses exportations vers l'Union européenne. Celle-ci a cédé en signant un accord allant en ce sens. Cet accord, qui ne fait que transférer notre dépendance aux hydrocarbures d'un pays autoritaire vers un autre, doit être fermement condamné.
Il est désormais nécessaire que les Nations unies jouent pleinement leur rôle diplomatique. Il faut par conséquent dépasser le cadre de Minsk, obsolète, et trouver un consensus au sein de l'ONU pour faire voter une résolution dont les termes permettront aux deux parties de sceller un accord durable. Tout effort que la France entreprendra en ce sens sera à saluer, car il permettra de mettre un terme à ce conflit qui dure depuis bien trop longtemps et qui a coûté bien trop de vies humaines. C'est pourquoi les députés du groupe Écologiste – NUPES voteront la proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Anne-Laurence Petel applaudit également.
L'Arménie, le peuple arménien, la culture arménienne ont déjà failli disparaître au cours de l'histoire. Leur existence est contestée jusque dans le refus de reconnaître cette histoire tragique – je pense au génocide arménien. La faiblesse inquiétante des institutions internationales, l'insuffisance des volontés de règlement pacifique des conflits, l'indigence des réactions des États sont directement en cause dans la persistance des tensions. Nous connaissons pourtant la brutalité des nationalismes qui continuent de sévir dans la région.
En 2020, le monde de l'arménité a subi une agression guerrière, meurtrière, de la part de l'Azerbaïdjan dans l'enclave du Haut-Karabakh, constituée en République d'Artsakh depuis 1991. Depuis lors, dans les territoires conquis, c'est une opération d'effacement culturel et de nettoyage ethnique qui est à l'œuvre et les velléités nationalistes ne s'arrêtent pas là. Nul ne peut nier que ce territoire du Caucase est habité par des populations arméniennes. Celle de l'Artsakh a manifesté par deux référendums son désir de vivre libre et en paix. La France doit appeler à engager les processus de reconnaissance prévus par le droit international pour protéger et apaiser. Elle est d'autant plus fondée à le faire qu'elle appartient au groupe de Minsk, créé voilà trente ans maintenant pour créer les conditions d'une résolution pacifique et négociée. L'absence de cadre international ajusté à la réalité du pays fragilise l'ensemble de la région. Et il faudrait peut-être que l'ONU elle-même étudie l'opportunité d'une interposition.
À l'instar de celles de Robert Guédiguian et Simon Abkarian, des voix s'élèvent pour alerter sur la menace de disparition et sur l'ignorance qui entoure la cause arménienne. Selon le réalisateur du Voyage en Arménie, d'Une histoire de fou et de L'Armée du crime, « l'espèce arménienne a survécu à de multiples catastrophes. Pour cela elle a dû se disperser et renoncer à ses terres ancestrales. Il ne lui reste que l'Arménie du Caucase et le Karabakh au milieu de l'Azerbaïdjan… » Il compare l'Arménie à un enfant seul dans la cour de récréation.
Loin des feux médiatiques, les agressions se font de plus en plus menaçantes, dans le contexte d'une volonté de domination étendue du gouvernement turc sur la région, dont le gouvernement de l'Azerbaïdjan est l'une des pièces. Le rôle de la Russie, quant à lui, est trouble. Aussi l'Arménie doit-elle être protégée de multiples velléités d'asservissement. Mais les intérêts en question dépassent le simple cadre d'un conflit régional. L'Europe achète aujourd'hui du gaz azerbaïdjanais et enrichit par conséquent ce régime autocratique, comme si le gaz d'Azerbaïdjan, qui envahit l'Arménie, était plus acceptable que celui de la Russie, qui envahit l'Ukraine.
Parmi les intérêts en jeu, on ne saurait éluder ceux liés au commerce des armes. La Russie, Israël et la France vendent des armes à l'Azerbaïdjan. Notre pays caracole depuis plusieurs années en tête des vendeurs d'armes du monde. Pour être si haut dans ce terrible classement, sommes-nous bien regardants sur nos clients et sur l'usage des armes ? En 2019, la France a vendu pour 150 millions d'euros d'armes à l'Azerbaïdjan, alors même qu'existe un embargo sur les ventes d'armes à ce pays ainsi qu'à l'Arménie depuis l'entrée en vigueur en 1993 de la résolution 853 du Conseil de sécurité des Nations unies. Si nous ne dénonçons pas ces ventes d'armes, alors les larmes que nous versons risquent bien d'être des larmes de crocodile.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES et sur de nombreux bancs du groupe SOC. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Jérémie Iordanoff applaudissent également.
Entendez ce qu'il y a de colère contenue dans ma voix. On ne peut pas, d'une part, contribuer à financer le régime de Bakou en lui achetant du gaz, lui vendre des armes, et, d'autre part, pleurer le sort des Arméniens.
Faut-il se prêter à ce double jeu ? Je pose ici cette question afin qu'elle soit publique. Et j'affirme que malgré cela nous voterons cette proposition de résolution. Les souffrances du peuple arménien et les horreurs de la guerre nous obligent à nous hisser à la hauteur des enjeux, à affirmer à tout moment notre totale solidarité avec ceux qui meurent et qui souffrent, à pousser en chaque occasion la France à prendre une position forte et si possible cohérente.
Je l'avais déjà dit le 3 décembre 2020 à l'occasion d'une proposition de résolution pour la protection du peuple arménien : « La guerre ne résout rien, elle n'est qu'une défaite du dialogue, de la politique, de l'humanité. » Nous sommes comptables de ce que nous faisons ou ne faisons pas pour écarter son spectre. À l'époque, on nous avait opposé exigence de neutralité. Or cette neutralité ne règle rien et encourage les velléités bellicistes. La proposition de résolution a donc le mérite d'envoyer un signal qui n'est pas neutre. Nous disons avec force que nous voulons le respect du peuple arménien, que nous tenons son apport à l'humanité comme aussi essentiel que celui des autres, que nous voulons la liberté, le droit pour le peuple arménien, la paix pour les peuples d'Arménie, d'Azerbaïdjan, de Turquie, pour les peuples d'Ukraine, de Russie. Pour les peuples du monde entier, nous voulons la paix.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE, LR et Dem.
En septembre dernier, alors que nos yeux étaient rivés depuis plusieurs mois sur l'Ukraine, de nouveaux incidents meurtriers ont touché un autre pays à la frontière de l'Europe. Personne ne peut être indifférent au drame qui frappe l'Arménie : déjà des centaines de soldats morts au combat, déjà des milliers de civils déplacés et des citoyens qui vivent dans la peur.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires rejoint donc pleinement les objectifs de la présente proposition de résolution qui s'attache à la recherche d'une paix durable. Je tiens à témoigner tout mon soutien face aux nouvelles souffrances auxquelles doit faire face le peuple arménien – un peuple déjà malmené par l'histoire. Victime d'un génocide, que la communauté internationale a trop tardé à reconnaître, il est depuis une trentaine d'années sous le coup d'un conflit territorial qui touche la région montagneuse du Haut-Karabakh. Les combats avec l'Azerbaïdjan se cristallisent à nouveau, comme en 2020, faisant alors plus de 6 500 morts. Il est de notre devoir de les arrêter sous peine de revenir deux ans en arrière.
Voilà le bilan depuis septembre dernier : trois mois et déjà 105 soldats arméniens morts au combat ; trois mois et déjà 7 500 déplacés pour fuir les attaques. Les civils sont de plus en plus menacés. Jusqu'où faudra-t-il aller avant une véritable réponse européenne et internationale ?
Face aux manquements de la Russie à mettre en œuvre ses engagements de garante du cessez-le-feu et face au soutien actif de la Turquie à l'Azerbaïdjan, notre groupe est convaincu que seule une action des pays européens pourra aboutir à une solution pacifique. Si nous devons appeler de nos vœux les deux pays à revenir à la table des négociations, il est indéniable que l'Azerbaïdjan porte seul la responsabilité de ce regain de violences. L'Azerbaïdjan continue de défendre la thèse de représailles contre de supposées provocations arméniennes, ce qui nous paraît infondé. La vérité est qu'aucune véritable attaque armée n'a été lancée par l'Arménie.
Ce qui se joue en Arménie n'est pas simplement un différend entre deux gouvernements, c'est avant tout un drame humain. Dans l'est arménien, les habitants accrochés à leurs montagnes sont contraints de vivre sous la menace constante de l'Azerbaïdjan. Ils craignent de se voir déposséder de leurs terres, de leur culture, de leur identité. C'est en fait leur existence même qui est menacée.
Face à cette dérive, le groupe LIOT soutient les démarches entamées par les Nations unies, à l'initiative de la France. Les équipes des pays de l'ONU en Arménie sont en contact permanent avec les autorités locales et se tiennent prêtes à répondre aux besoins humanitaires urgents.
Pour trouver une solution, la France a un rôle essentiel à jouer. Le lien privilégié qui unit la France à l'Arménie nous honore autant qu'il nous oblige. Le premier ministre de l'Arménie insiste lui-même pour que le Président de la République soit présent à la table des négociations. Cette marque de confiance doit nous conduire à œuvrer diplomatiquement pour défendre le peuple arménien. Il faudra que cette influence française soit relayée à l'échelle européenne et à l'échelle internationale. Sur ce point, notre groupe rejoint donc pleinement les intentions de cette résolution, afin de faire pression sur l'Azerbaïdjan, quitte à aller jusqu'à des sanctions économiques individuelles.
Nos collègues du Sénat ont eux-mêmes adopté il y a quelques semaines une résolution pour favoriser toute initiative visant à rétablir la paix. La diplomatie doit désormais activer tous les leviers à sa disposition : exhorter le pays agresseur à respecter ses obligations et à revenir au cessez-le-feu du 9 novembre 2020, exhorter à un retour des deux pays à la table des négociations et assurer une aide humanitaire à la hauteur des enjeux. Seule cette voie nous permettra d'espérer un règlement pacifique de la situation.
Chers collègues, je le dis ici avec beaucoup de gravité, le peuple arménien a souffert à bien des reprises de tels drames et a dû consentir à de nombreux sacrifices : aussi nous appartient-il désormais de lui apporter notre soutien.
Les mois à venir seront déterminants et je préfère croire que nous sommes non pas au commencement d'un nouveau flot de violences mais plutôt au début d'un long chemin, tortueux certes, mais devant nous conduire à la réconciliation. La guerre ne résout rien, elle n'est que la défaite de la diplomatie et de l'humanité. Avec ces conflits nous avons tout à perdre et rien à gagner. Notre groupe votera donc ce texte.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LIOT, RE, Dem, SOC et GDR – NUPES.
« Quoi ! Le silence complet. […] Quoi, devant tout ce sang versé, devant ces abominations et ces sauvageries, devant cette violation de la parole de la France et du droit humain, pas un cri n'est sorti de vos bouches, pas une parole n'est sortie de vos consciences, et vous avez assisté, muets et, par conséquent, complices, à l'extermination complète. » Voilà ce que dénonçait déjà Jean Jaurès, le 3 novembre 1896, devant la Chambre des députés, alors que l'Arménie était attaquée par l'Empire ottoman. Plus d'un siècle plus tard, si peu semble avoir changé.
Dans la nuit du 12 au 13 septembre 2022, l'Azerbaïdjan a déclenché une offensive de grande ampleur sur différents points de sa frontière avec l'Arménie. Cette attaque est une nouvelle violation des frontières souveraines et internationalement reconnues de l'Arménie. Elle appelle de notre part une réaction qui ne peut plus être que de principe. La guerre en Ukraine, pour tragique et terrible qu'elle soit, ne doit pas occulter une situation géopolitique, politique et humanitaire qui ne cesse de s'envenimer dans le Caucase du Sud.
Déjà en 2020, la violence des combats avait fait plus de 8 000 morts et des dizaines de milliers de déplacés. Les accords fragiles du 9 novembre 2020 n'auront servi qu'à donner du répit aux Arméniens : ils n'ont depuis cessé d'être violés.
La France se doit d'agir. Elle l'a déjà fait par le passé et le peut encore.
Depuis 1994, le groupe de Minsk, que la France copréside, a œuvré en ce sens mais, n'en déplaise à certains, il ressemble désormais trop à une coquille vide.
Pire, alors que nous condamnons à juste raison la Russie pour avoir envahi l'Ukraine en violant le droit international, comment justifier qu'en juillet dernier, les grandes instances européennes se soient tournées, comme de naturel, vers l'Azerbaïdjan pour acheter du gaz, lequel, comble de l'hypocrisie, vient pour partie de Russie ? Était-ce alors par schizophrénie qu'Ursula von der Leyen affirmait vouloir faire de l'Azerbaïdjan un partenaire stratégique ? Voulons-nous vraiment être les nouveaux dupes du jeu dangereux qui mine le Caucase ?
Cernée par la Russie qui, sous couvert de la protéger, rêve de l'annexer, et par la Turquie d'un Recep Tayyip Erdo?an qui se rêve en héraut du panturquisme, coincée entre l'irrédentisme de l'Azerbaïdjan et les mollahs iraniens, l'Arménie est une proie qui doit se faire entendre et qui doit être défendue.
Ne nous y trompons pas : le gouvernement autocratique qui siège à Bakou et qui vient d'infliger un camouflet au président Macron en mettant fin aux pourparlers ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Son objectif n'est pas simplement de reconquérir l'enclave arménienne du Haut-Karabakh, mais de joindre la mère patrie et le Nakhitchevan en passant par la bande montagneuse du Syunik.
Pour le président azerbaïdjanais Aliyev, le conflit ne sera clos que par la disparition, corps et biens, de l'Arménie et de son peuple. L'épuration culturelle a déjà commencé, sous nos yeux souvent indifférents. Faudra-t-il attendre un nouveau génocide pour réagir ?
L'Arménie est l'une des plus anciennes nations du monde et la France doit se souvenir des liens multiséculaires qui l'unissent à elle. Ils sont de ceux qui honorent notre pays et dont nous pouvons être fiers. Ces liens sont spirituels, linguistiques, commerciaux et littéraires. « Paris, capitale de France et d'Arménie » : voilà ce qu'on peut lire sur le plus ancien manuscrit arménien copié en France, en 1707. Et que dire de Corneille, qui met en scène un martyr arménien dans sa tragédie Polyeucte, de Molière, évoquant la rudesse de la langue arménienne dans L'Étourdi ou les Contretemps, de Rousseau, s'habillant en Arménien, ou de l'Arménien Zadig, chez Voltaire ?
La France sera peut-être seule, mais elle se doit d'agir : c'est affaire d'honneur.
En conclusion, je vous laisserai avec l'interrogation de Marina Dédéyan, romancière d'origine arménienne, dont les mots, un siècle plus tard, font écho à ceux de Jaurès. « Combien nous coûtera le sacrifice d'un peuple qui a joué, dans toute son histoire, le rôle de médiateur entre l'Occident, l'Orient et l'Asie ? Combien nous coûteront l'indifférence, la lâcheté, la corruption, les tortueuses stratégies diplomatiques ou économiques ? De quel prix devrons-nous payer ce reniement de nous-mêmes ? Quand la civilisation consent à la barbarie, elle renonce à s'appeler civilisation. »
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LR et Dem.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
Je remercie l'Assemblée d'avoir inscrit à son ordre du jour la question des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, par l'intermédiaire de cette proposition de résolution. C'est un enjeu crucial aussi bien pour la stabilité en Europe, alors que la région est profondément déstabilisée par l'agression russe contre l'Ukraine, que pour les valeurs que nous défendons.
Le Caucase du Sud a récemment été le théâtre de graves tensions. En effet, les affrontements survenus les 13 et 14 septembre à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont de nouveau entraîné une forte montée des tensions entre les deux pays. Nous avons condamné ces affrontements et, dès les premières heures du conflit, à la suite de l'avancée des forces azerbaïdjanaises, la position du Gouvernement a été claire : nous avons appelé au respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie.
Avec nos partenaires européens et américains, nous restons toutefois convaincus qu'une occasion se présente à nous de parvenir à une paix durable dans le Caucase, grâce à un règlement négocié du conflit qui oppose l'Arménie et l'Azerbaïdjan depuis leur indépendance. Cette occasion est fragile, mais nous estimons qu'il ne faut pas la laisser passer.
Elle résulte de la volonté et de l'intérêt des parties à s'engager dans un règlement négocié de l'ensemble des litiges hérités de la chute de l'Union soviétique et qui demeurent sans réponses à ce jour.
Du côté azerbaïdjanais, le président Aliyev a proposé il y a près d'un an la conclusion d'un traité de paix entre les deux pays. Il convient de saluer et d'appuyer cette démarche, mais évidemment sans rien renier de nos principes, ni de notre attachement au droit international. Des négociations ont été amorcées entre les parties, et ont donné lieu à un premier échange de textes.
Du côté arménien, le premier ministre Nikol Pachinian a fait des déclarations courageuses s'agissant du Haut-Karabakh et proposé d'aborder cette question sous l'angle des droits et des garanties de sécurité pour la population arménienne.
Cette approche constructive des deux parties est saluée et soutenue par la communauté internationale. Cependant, le niveau de tension et de méfiance entre les parties demeure très élevé et les risques d'escalade préoccupants ; ils nous conduisent à appeler sans relâche au dialogue et à agir pour les prévenir.
Dans ce contexte instable et complexe, la France est mobilisée aux côtés de ses partenaires. Nous le sommes à la fois pour contribuer à faire respecter le cessez-le-feu sur le terrain et pour soutenir les négociations sur les différents volets de la normalisation des relations entre les deux pays.
À deux reprises, le Président de la République a réuni les dirigeants des deux parties, en présence du président du Conseil européen Charles Michel, afin d'appuyer les efforts de l'UE dans son rôle de facilitateur. Ces réunions ont produit des résultats concrets, notamment la libération de prisonniers de guerre arméniens.
La réunion quadrilatérale de Prague, le 6 octobre, a abouti à deux avancées importantes. Premièrement, l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont confirmé leur attachement à la Charte des Nations unies et à la déclaration d'Alma-Ata de 1991, par laquelle ils reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté. Deuxièmement, l'Union européenne a décidé de déployer une mission d'observation de deux mois – effective à compter du 17 octobre –, afin de stabiliser la situation le long de la frontière séparant les deux pays – mission qui a contribué à faire baisser significativement les tensions sur le terrain.
La France a également mobilisé les Nations unies. En effet, nous avons mis à profit notre présidence du Conseil de sécurité, au mois de septembre, pour organiser deux débats dans cette enceinte. La France a alors appelé au strict respect du cessez-le-feu, à un retour immédiat des forces azerbaïdjanaises sur leurs positions initiales et au plein respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Jocelyn Dessigny applaudit également.
Nous restons naturellement actifs, en coordination étroite avec les États-Unis : ce dossier doit en effet être abordé par le Président de la République et le président Biden dans les prochaines heures à Washington.
La France continue d'encourager les parties à aller de l'avant dans les négociations. C'est le message qu'a adressé le Président de la République au président Aliyev lors de leur conservation téléphonique du 12 novembre, et au premier ministre Pachinian lors de leur entretien du 19 novembre à Djerba.
La France continuera également d'œuvrer pour définir des droits et des garanties pour la population arménienne du Haut-Karabakh. L'objectif du Président de la République, qui mobilise l'ensemble de la diplomatie française, est très clair : œuvrer pour une paix juste et durable. Pour que la France continue de jouer un rôle utile et productif, il nous faut garder un certain cap : maintenir le contact avec les deux parties, mais aussi écouter attentivement ce que nous disent les autorités arméniennes, car personne ne saurait prétendre savoir mieux qu'elles ce qui est bon pour l'Arménie.
À cet égard, Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, a rencontré son homologue arménien le 11 novembre et lui a demandé ce que son pays attendait de la France, ce à quoi il a répondu de continuer d'être un médiateur juste.
Bien sûr, notre participation aux efforts de médiation n'impose pas de rester muets face aux faits objectifs. Lorsque la France, face aux avancées des forces azerbaïdjanaises, demande que l'intégrité territoriale de l'Arménie soit respectée, il ne s'agit pas d'un parti pris ni d'un biais en faveur de ce pays, mais un rappel des principes de base du droit international. Il en va de même lorsque la France demande, comme nous continuons à le faire, ainsi que d'autres pays, la libération de tous les prisonniers de guerre arméniens.
Et si nous sommes attachés au respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie, il convient aussi de tenir compte des attentes légitimes de l'Azerbaïdjan, qu'il s'agisse du sort des personnes disparues ou du déminage des territoires qui lui ont été restitués. À ce titre, nous soutenons notamment l'action entreprise par le Comité international de la Croix-Rouge.
Il nous faut préserver le dialogue avec l'Azerbaïdjan, dialogue qui doit être à la fois exigeant et constructif et qui est entretenu par le Président de la République lui-même. Sans dialogue, il ne peut en effet y avoir de capacité à agir, à convaincre. Si l'Azerbaïdjan décidait de rompre ce dialogue, il nous faudrait en tirer les conséquences, mais ce n'est certainement pas notre volonté.
De ce point de vue, le Gouvernement ne peut pas souscrire à certaines mesures que la proposition de résolution soumise à votre examen recommande d'adopter. Je pense notamment à la demande d'adoption de sanctions économiques, qui se ferait nécessairement au niveau européen. Sanctionner l'Azerbaïdjan aurait pour conséquence immédiate de priver la France et l'Europe de toute possibilité de jouer le rôle de médiation que l'Arménie attend de nous et de poursuivre le dialogue afin de peser concrètement sur l'issue de ce conflit.
Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement entend pleinement votre appel à la solidarité avec l'Arménie. L'engagement de la France en faveur du processus de paix, sans compromission sur les principes et les valeurs que nous défendons, est le meilleur moyen d'y répondre. Ce que nous demande l'Arménie, c'est de l'aider à bâtir une paix juste et durable. Ce chemin est particulièrement difficile dans le contexte géopolitique actuel, mais la France le défendra jusqu'au bout.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Sur la proposition de résolution, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je vous rappelle les règles des explications de vote : un orateur par groupe, préalablement inscrit, pour une durée de cinq minutes
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Le sujet qui est à l'ordre du jour de notre assemblée me renvoie à ma propre histoire familiale ainsi qu'à l'engagement qui est le mien depuis vingt ans, celui de la défense du peuple arménien.
L'histoire de ce peuple plurimillénaire, riche de sa culture unique, n'est qu'une succession d'événements tragiques, avec en point d'orgue, la pire des injustices, celle d'un génocide demeuré impuni. Ce peuple, victime d'une haine raciale et d'une volonté d'extermination qui perdurent depuis 150 ans, trouve aujourd'hui, à la faveur des bouleversements internationaux, l'occasion de s'exprimer et, pourquoi pas, de mettre un point final à l'œuvre funeste de cette haine, comme l'atteste l'attaque des 13 et 14 septembre.
J'ai fait partie de la délégation qui s'est rendue le mois dernier en Arménie et je peux vous garantir que le peuple arménien est prêt à résister pour protéger les deux petits berceaux d'arménité que sont les 29 000 kilomètres carrés de la république d'Arménie et les 3 000 kilomètres carrés restants de la république autoproclamée d'Artsakh.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.
Peu importe que l'Azerbaïdjan viole quotidiennement le cessez-le-feu, peu importe que les habitations des villageois ou que les cours d'école soient à portée de tir des snipers azerbaïdjanais, la détermination du peuple arménien à vivre sur ces terres est totale.
Ce peuple polytraumatisé ne tiendra pas seul face à la pétrodictature azerbaïdjanaise d'une part et à la puissance militaro-impérialiste turque d'autre part. Si la représentation nationale se doit d'agir, c'est bien sûr au nom de la défense de la démocratie à travers le monde, mais c'est aussi au nom de l'amitié ancestrale qui lie la France et l'Arménie et c'est enfin au nom de sa propre histoire.
Il y a tout juste 126 ans – certaines de mes collègues l'ont rappelé avant moi –, alors que s'achevaient les premiers massacres de masse contre les Arméniens dans l'Empire ottoman, un des plus éminents de nos prédécesseurs, le député Jean Jaurès, montait à cette tribune pour dénoncer l'inaction de l'Europe qui avait pourtant pris « l'engagement solennel de protéger la sécurité, la vie, l'honneur des Arméniens ». À l'époque, personne ne vint en aide au peuple arménien. Personne ne vint non plus à son aide en 1915, ni il y a deux ans quand 5 000 hommes, pour la plupart âgés de 18 à 20 ans, perdaient la vie pendant la guerre dite des Quarante-quatre jours.
Aujourd'hui, nous appelons la France et l'Europe à tenir l'engagement que Jaurès rappelait à la tribune il y a 126 ans et, à ce titre, à condamner l'occupation azerbaïdjanaise, à sanctionner le régime et à apporter une aide matérielle et défensive, indispensable pour rééquilibrer les forces dans la région.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.
L'Arménie n'a ni gaz ni pétrole, elle ne constitue pas un marché majeur, elle n'a rien à vendre. Nous n'avons donc certainement pas grand-chose à gagner en l'aidant, si ce n'est notre honneur, notre dignité et notre humanité. Aussi, c'est avec honneur, dignité et humanité et dans un immense élan de fraternité que le groupe Renaissance et, je l'espère, chacun d'entre vous, voteront pour cette proposition de résolution de soutien au peuple arménien.
Les députés des groupes RE et Dem se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Écolo – NUPES.
Cette résolution est utile car elle nous donne l'occasion de dire, en tant que représentants de la nation et du peuple français, au peuple arménien, à travers son ambassadrice, présente en tribune, que nous sommes des peuples frères
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
et que le peuple français pense au peuple arménien. Il n'y a pas d'intérêt supérieur à celui des peuples à vivre en paix et en liberté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES – M. Olivier Faure applaudit également.
Aucun intérêt n'est supérieur à ces droits fondamentaux – ni les intérêts économiques ni les intérêts commerciaux.
Aucun de ces intérêts ne doit primer sur l'intérêt du peuple arménien à vivre en paix. C'est ce que nous souhaitons affirmer avec cette proposition de résolution, que le groupe La France insoumise va naturellement voter.
Je rappelle que 100 000 Arméniens vivent en danger dans le Haut-Karabakh. Il est urgent de les mettre à l'abri. L'intervention d'une force de l'ONU est indispensable pour les protéger.
Je rappelle aussi que le peuple azerbaïdjanais n'est pas libre : il vit sous le joug d'une oligarchie qui le terrorise et l'exploite.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Je rappelle enfin qu'en ces temps de guerre en Europe, 300 000 réfugiés russes se trouvent en Arménie après avoir fui le régime de Poutine. La solidarité de l'Arménie à l'égard de ces réfugiés est exemplaire et doit être respectée.
Madame l'ambassadrice ,
Mme Sophie Chikirou se tourne vers les tribunes. – Protestations sur les bancs du groupe LR
dites au peuple arménien que le peuple français l'aime et le soutient,…
…dites-lui que le peuple français, plus encore que ses dirigeants, est aux côtés des Arméniens !
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Madame Chikirou, je vous rappelle que les députés ne peuvent s'adresser aux tribunes.
Le groupe du Rassemblement national votera, comme il l'a annoncé, en faveur de la proposition de résolution qui est certes imparfaite, mais indispensable. L'unanimité de la représentation nationale lors du vote de cette résolution en fera sa force.
J'ai une pensée particulière pour les 200 000 Arméniens de mon département, les Bouches-du-Rhône, dont 150 000 sont marseillais. Ils sont les enfants et les petits-enfants de celles et ceux qui ont survécu au génocide. Nous penserons à eux à l'heure du vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 256
Nombre de suffrages exprimés 256
Majorité absolue 129
Pour l'adoption 256
Contre 0
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble de la proposition de résolution.
Mmes et MM. les députés se lèvent, se tournent vers la tribune diplomatique où se trouve Mme l'ambassadrice de la république d'Arménie et applaudissent longuement.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Fadila Khattabi et plusieurs de ses collègues visant à améliorer l'encadrement des centres de santé (n° 514, 361).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l'article 107-3 du règlement, nous entendrons les interventions de la rapporteure de la commission et du Gouvernement, puis les explications de vote des groupes. Nous passerons ensuite directement au vote sur l'ensemble du texte adopté par la commission.
La parole est à Mme Fadila Khattabi, rapporteure de la commission des affaires sociales.
C'est avec une émotion toute particulière que je me retrouve devant vous pour vous présenter, en tant que rapporteure, cette proposition de loi attendue par toutes et tous, les citoyens comme les représentants institutionnels. Eu regard aux graves dérives constatées depuis plusieurs années, la présente proposition de loi vise à mieux encadrer les centres de santé dentaire et ophtalmologique. Elle est particulièrement attendue car elle remédie à un problème concret qui s'est développé sous nos yeux et qui n'a malheureusement pas pu être totalement résolu malgré les ordonnances de 2018 qui visaient, entre autres, à mettre un terme au conventionnement systématique et à renforcer la qualité des soins dispensés dans ces centres de santé.
Ce texte est avant tout le fruit d'un long travail d'échange avec les associations de victimes de centres déviants et avec de nombreux acteurs tels que les agences régionales de santé (ARS), les ordres ou la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), pour ne citer qu'eux. Il est aussi le fruit d'un travail que nous avons mené ensemble, la semaine dernière en commission. Le texte que je vous présente aujourd'hui a en effet été enrichi par plusieurs de vos amendements,…
…de la majorité comme de l'opposition. J'en profite pour saluer la qualité des débats et du travail mené lors de son examen.
Ce texte constitue une réponse concrète face aux graves manquements dont ont fait preuve certains centres de santé, mais il me paraît important de préciser qu'il ne s'agit, en aucune manière, de jeter l'opprobre sur l'ensemble des centres, dont un très grand nombre effectuent un travail de qualité au service de la santé de nos concitoyens. Je pense notamment aux centres mutualistes et à ceux qui relèvent des collectivités territoriales. Ces centres permettent à un grand nombre de Français d'accéder à des soins de qualité, à des coûts abordables et remboursés par la sécurité sociale.
La loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST) de 2009, dite loi Bachelot, avait supprimé l'obligation d'un agrément préalable à l'ouverture de tout centre de santé. Elle visait précisément à en favoriser le développement sur le territoire national, notamment dans les zones en sous-densité médicale, afin de faciliter l'accès aux soins de nos concitoyens. Cependant, malgré la bonne intention qui inspirait cette démarche, l'objectif de cette loi n'a pas été atteint. Force est de constater que, plusieurs années après son adoption, un certain nombre de centres de santé ont ouvert dans des zones où l'accès aux soins n'était pas un problème.
Nous nous sommes également rendu compte que certains centres ont recouru à des pratiques totalement déviantes. Les soins qui y ont été prodigués ont pu causer des dommages parfois irréversibles aux patients, ont parfois été surfacturés alors qu'ils étaient injustifiés voire n'avaient jamais été effectués, sachant que leur coût financier, ne l'oublions pas, représente un poids considérable pour les comptes de la sécurité sociale. Selon la Cnam, les préjudices financiers s'élèveraient à plus de 12 millions d'euros pour les seules activités dentaires et ophtalmologiques, au vu des contrôles actuels.
Des personnes, disons-le, mal intentionnées ont vu dans l'ouverture de ces centres un moyen de faire des affaires – oui, des affaires ! –, détournant la raison sociale des associations sans but lucratif qui gèrent ces centres. Par conséquent, elles ont créé de véritables machines à cash – permettez-moi cette formule – sans se soucier de l'éthique médicale, ni de la qualité des soins pour les patients.
Premier électrochoc, l'affaire Dentexia, en 2016, nous a permis à tous de découvrir avec effroi les pratiques peu scrupuleuses d'un gestionnaire de centre de santé dentaire ayant profité de la faiblesse de patients en détresse et de l'absence d'éthique de certains chirurgiens-dentistes. L'histoire est grave, puisque ce gestionnaire a mis en danger la santé de centaines de personnes, tout en menant à bien son projet de montage financier sur le dos de la sécurité sociale.
Bien sûr, les pouvoirs publics ont répondu avec l'ordonnance du 12 janvier 2018, comme je l'indiquais en préambule. Malheureusement, au vu de l'ampleur du problème, celle-ci s'est révélée insuffisante. Preuve en est qu'un nouveau scandale a éclaté en 2021, concernant cette fois-ci deux centres Proxidentaire, l'un situé dans ma circonscription à Chevigny-Saint-Sauveur, l'autre à Belfort. Certes, l'ordonnance a permis aux acteurs de l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté, dont je salue l'action, de prononcer la fermeture définitive des centres concernés, mais les victimes que j'ai rencontrées à plusieurs reprises, avec lesquelles j'ai échangé pendant de longues heures, restent dans un désarroi indescriptible, tant sur le plan physique et psychologique que social. Ce que j'ai vu, mes chers collègues, est innommable : des bouches mutilées, des soins bâclés, des surtraitements, mais aussi de la surfacturation.
Il m'a donc fallu faire preuve de réactivité avec un seul objectif, la protection de nos concitoyens. Chers collègues, c'est tout l'état d'esprit de cette proposition de loi que je vous propose de voter, car je sais que ce sujet vous importe à toutes et tous.
J'en profite pour remercier tout spécialement MM. Mesnier et Bazin, avec qui nous avions déjà amorcé ce combat commun sous la précédente législature. Mes chers collègues, la présente proposition de loi a été significativement améliorée lors de l'examen en commission, grâce à vos nombreux amendements, qui permettront de renforcer le contrôle et de préciser le contenu de l'agrément, pierre angulaire de ce texte. Les mesures votées permettront également de renforcer la transparence autour de l'activité de ces centres et la traçabilité des actes facturés, mais aussi de mieux responsabiliser les professionnels de santé, notamment à travers la création d'un comité médical ou dentaire qui garantira la sécurité et la qualité des soins dispensés.
Il est également prévu de créer un répertoire national des gestionnaires sanctionnés sur le plan ordinal ou pénal, afin d'éviter qu'ils aient recours à des échappatoires – nous l'avons constaté, certains d'entre eux pratiquent le nomadisme, en passant d'une région à une autre. Enfin, il nous faudra mener une réflexion indispensable sur les moyens dont disposent les ARS pour mener à bien leur mission de contrôle et d'instruction des dossiers. Sur ce point, je m'en remets à vous, madame la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé,…
…puisque cette proposition de loi prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur ce sujet ô combien important. J'appelle également votre attention sur l'urgence de la situation. Aussi, j'espère que cette proposition de loi, une fois adoptée et promulguée, fera l'objet d'un décret d'application rapide. Je sais que nous pourrons compter sur le suivi et la réactivité des services du ministère de la santé et de la prévention, afin d'agir au plus vite pour protéger nos concitoyens. Je tiens également à remercier les services de la commission des affaires sociales, qui nous ont accompagnés durant l'examen de cette proposition de loi.
Je ne peux conclure cette intervention sans la dédier à toutes les victimes de ces centres frauduleux, qui, en ce moment même, nous regardent. Elles nous obligent, car elles attendent beaucoup de la représentation nationale. Faisons en sorte qu'il n'y ait plus d'autre victime. Je formule le vœu que cette proposition de loi que nous adopterons, j'espère, à l'unanimité, y parviendra.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et Écolo – NUPES.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Nous examinons une proposition de loi importante et nécessaire, qui vise à améliorer l'encadrement des centres de santé. Parfois, trop de liberté peut être néfaste et en matière d'accès à la santé, nous ne pouvons l'accepter. C'est d'ailleurs ce qu'écrivait avec sagesse Shakespeare : « La liberté sans frein est toujours mariée avec le malheur ». Je remercie donc la rapporteure et présidente de la commission des affaires sociales, Fadila Khattabi, ainsi que l'ensemble des députés signataires de la proposition de loi. Bien sûr, le travail a déjà été réalisé dans le cadre de la procédure de législation en commission. Mais cet examen est l'occasion pour moi d'exprimer tout le soutien du Gouvernement à ce texte.
Il part d'une évidence : l'accès égal à des soins de qualité n'est pas négociable, c'est une composante à part entière de notre contrat social. Nous ne pouvons pas faire de concessions là-dessus. La philosophie première des centres de santé est précisément de renforcer l'accès à la santé, en garantissant aux patients des conditions de prise en charge financière favorables. Les centres de santé reposent par ailleurs sur une organisation des soins qui permet de dégager du temps médical grâce à l'exercice regroupé et à la spécialisation des tâches. C'est la raison pour laquelle ce régime avait été assoupli, en 2009, en supprimant l'obligation, pour les centres de santé, d'obtenir un agrément auprès d'une autorité administrative pour ouvrir. L'idée, simple, visait à renforcer l'accessibilité de l'offre de soins, partout sur le territoire et à faciliter le développement de ces centres.
Je tiens à souligner avec force que la majorité des centres de santé jouent le jeu de la déontologie et de la solidarité. Ils constituent des atouts essentiels de notre système de santé, dans lesquels une prise en charge de qualité est assurée pour nos concitoyens. C'est aussi la raison pour laquelle le nombre de ces structures augmente. Je tiens également à rappeler que, malheureusement, les problèmes de qualité des soins ne sont pas le seul fait des centres de santé. La récente affaire qui a eu lieu à Marseille, où le tribunal correctionnel a condamné deux chirurgiens-dentistes libéraux à respectivement huit et cinq ans de prison ferme pour avoir mutilé 350 patients et escroqué la sécurité sociale, vient tristement nous le rappeler.
Le présent texte était profondément nécessaire, car nous avons constaté des dérives dans certains centres de santé. Les scandales de Dentexia en 2016 et de Proxidentaire l'année dernière ont marqué tous les esprits. Surtraitement, surfacturation, mutilations, manquement à la déontologie : ces dérives ne sont tout simplement pas acceptables. C'est une question de qualité de l'offre de santé et de la prise en charge. C'est surtout une question de dignité pour les personnes soignées, qui méritent de l'être correctement, dans de bonnes conditions, sans risques d'escroquerie financière ou de mutilation. Enfin, une meilleure régulation des centres de santé constitue aussi une attente forte des professions concernées par ces dérives – je pense notamment aux chirurgiens-dentistes et aux ophtalmologistes. Le Gouvernement rejoint donc pleinement les signataires de la proposition de loi quant à la nécessité d'un encadrement renforcé des centres de santé. Le tour de vis était nécessaire.
À la suite du scandale Dentexia, un premier rapport a été réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en 2016. Elle y a recommandé la prise en charge rapide des patients concernés par les dentistes libéraux et hospitaliers, ainsi que l'instauration de mécanismes d'indemnisation financière exceptionnels assurés par la Cnam. Nous avons très rapidement appliqué l'une et l'autre de ces propositions. Cependant, certaines structures ont continué leurs pratiques déviantes – des surfacturations ont par exemple été observées dans les centres de santé ophtalmologiques. Un rapport de l'assurance maladie pour l'année 2021 révélait ainsi que le coût moyen annuel par patient en cabinet libéral était de 61 euros contre 91 euros en centre de santé ophtalmologique.
Il était donc nécessaire de revoir la régulation des centres de santé en amont, ainsi que les moyens de contrôle. C'est notamment ce que préconisait un second rapport de l'Igas. À ce titre, madame la rapporteure, vous aviez proposé d'encadrer davantage les pratiques déviantes des centres de santé l'an dernier, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notamment pour rétablir une autorisation préalable avant ouverture. Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré une partie de ces mesures, considérant qu'elles devaient faire l'objet d'une loi ordinaire et non financière.
Nous avons toutefois voulu prendre certaines mesures d'information ciblées, pour éviter de nouvelles victimes. Le ministère de la santé et de la prévention, avec l'Ordre des chirurgiens-dentistes, a ainsi élaboré en janvier dernier une charte des indispensables d'une bonne prise en charge bucco-dentaire, avec des points clés dont chacun peut vérifier le respect. Par ailleurs, les agences régionales de santé et le réseau de l'assurance maladie sont mobilisés pour prévenir les abus. Plus de cinquante centres dentaires font ainsi l'objet de contrôles pour suspicions de fraude. Ce travail est mené main dans la main avec les services d'enquêtes de police et de gendarmerie, les parquets et les ordres professionnels.
La présente proposition de loi propose d'aller plus loin et de fixer un cadre ambitieux, à la suite des amendements déposés sur le PLFSS pour 2022 que le Gouvernement soutient pleinement. Ces obligations concernent spécifiquement les centres de santé ayant une activité dentaire ou ophtalmologique. C'était nécessaire car les dérives évoquées étaient concentrées dans ce type de centres.
Ainsi, l'article 1er de la proposition de loi rétablira l'agrément délivré par l'autorité administrative, qui avait été supprimé en 2009. Le Gouvernement soutient cette proposition, qui renforcera le contrôle de l'administration sur l'ouverture des centres de santé pour limiter les dérives en amont. Cela permettra aussi d'éviter que des centres s'installent là où ce n'est pas nécessaire, dans l'objectif d'un maillage équitable du territoire.
L'article 2 de ce texte prévoit qu'un professionnel de santé référent sera nommé au sein de chaque centre, avec pour rôle de garantir la qualité et la sécurité des soins et des actes professionnels réalisés au sein de sa structure. Il devra informer l'ARS d'éventuels manquements et celle-ci pourra ainsi réagir rapidement. En effet, on l'a vu, la réactivité est essentielle dans ce genre de situations, or elle n'est possible que grâce à une meilleure information et responsabilisation des professionnels de santé qui exercent dans ces centres.
C'est également dans cet esprit que l'article 3 de la version initiale du texte prévoyait utilement de créer un circuit d'information entre les gestionnaires des centres de santé, les ARS et les conseils départementaux des ordres concernant les contrats de travail et les diplômes des praticiens. De manière bienvenue, le dispositif a finalement été intégré à l'article 1er de la proposition de loi lors de l'examen en commission.
Enfin, une fois qu'une dérive est identifiée, il est essentiel d'éviter qu'elle se répète et que les personnes concernées puissent contourner les sanctions déjà infligées. C'est pourquoi le Gouvernement est également favorable à la disposition prévue par l'article 4 de la proposition de loi : le directeur général de l'ARS pourra refuser à un gestionnaire l'ouverture d'un nouveau centre, dès lors qu'un autre de ses centres fait déjà l'objet d'une procédure de suspension ou de fermeture.
Au nom du Gouvernement, je soutiens pleinement ces propositions. Surtout, je veux à nouveau saluer le travail effectué lors de l'examen en commission. Le texte a été enrichi par des amendements venant de plusieurs groupes, afin de renforcer les modalités de contrôle. Je pense, sans être exhaustive, à l'amendement du groupe Écologiste – NUPES qui permettra de prévenir les situations de conflit d'intérêts, à celui du groupe Horizons et apparentés qui prévoit une procédure de traitement du stock de centres de santé existant, ou encore aux amendements du groupe Les Républicains visant à mieux détecter les fraudes et à mieux contrôler les comptes de ces centres de santé. Cette proposition de loi est donc le fruit d'un large travail transpartisan et le Gouvernement salue cette démarche, qui a d'ailleurs permis l'adoption à l'unanimité du texte en commission.
Vous l'aurez compris : le Gouvernement soutient cette proposition de loi. Pour éviter les dérives, pour assurer des soins de qualité, il était nécessaire de revenir à un encadrement plus strict. Mieux réguler, mieux contrôler : c'est précisément la clef d'un fonctionnement de ces centres de santé qui corresponde à leur philosophie profonde, à savoir renforcer l'accès à la santé de tous nos concitoyens, même les moins aisés – un fonctionnement, en somme, conforme à nos valeurs collectives. J'ai bien entendu, madame la rapporteure, votre demande d'une publication rapide des décrets d'application ; je m'y engage personnellement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.
Les centres de santé sont des inventions sociales qui ont révolutionné l'accès aux soins et la pratique de la médecine en ville. Pour faire face aux besoins, des municipalités, des mutuelles et des médecins se sont organisés, en inventant des réponses nouvelles : une médecine coordonnée, une prise en charge globale des patients, des dynamiques de prévention, la pratique du tiers payant généralisé. Les centres de santé sont de grandes inventions sociales et pourraient constituer une partie de la réponse à la désertification médicale, mais ils ne sont pas à la mode.
Alors comment ne pas être en colère lorsqu'en outre, des charlatans utilisent cette appellation pour commettre leurs délits et plonger des patients dans une situation dramatique ? Comment ne pas s'alarmer du fait que cela ait été possible, et que les effectifs des ARS ou de la sécurité sociale, notamment ceux dédiés au contrôle, soient si insuffisants ? Il faut dire que le charlatanisme, qui n'a pas d'autre objectif que le profit, peut prendre des formes très variables. La question des moyens consacrés au contrôle demeure dans l'ombre. Je sais que ce n'est pas ce que vous pensez puisque vous avez dit le contraire lors de votre intervention, madame la rapporteure – j'en profite pour saluer votre travail –, mais tout cela amène d'une certaine manière à stigmatiser les centres de santé, comme s'ils étaient par nature des établissements à risque.
Je regrette que nous n'ayons pas saisi cette occasion pour relancer une dynamique de création et de développement des centres de santé.
M. Damien Maudet applaudit.
Vous vantez les mérites de la liberté inaliénable d'installation pour les médecins libéraux, et vous établissez ici un agrément pour l'exercice collectif. Nous ne nous opposons pas à cette idée, mais nous nous interrogeons sur les critères qui vont fonder l'octroi de cet agrément, en particulier en ce qui concerne la compatibilité du projet « avec les objectifs et besoins définis dans le cadre du projet régional de santé », comme mentionné à l'article 1er , ce qui donne lieu à un pouvoir d'appréciation discutable. Or le code de la santé publique permet déjà au directeur général de l'ARS, en cas de manquement, de prononcer une suspension ; les sanctions devraient d'ailleurs faire l'objet d'une publication par les ARS.
Vous créez ensuite un comité médical qui vient s'intercaler entre la responsabilité pénale du gestionnaire et la responsabilité individuelle du praticien. Cela revient à créer une instance à vrai dire un peu floue, parallèle aux CSE – comités sociaux et économiques –, ne regroupant qu'une partie du personnel – les médecins –, alors même que l'esprit collectif et le retour critique en vue de l'amélioration des pratiques sont déjà présents par nature dans les centres et inscrits dans l'accord national des centres de santé.
J'ai déposé il y a quelque temps une proposition de loi visant à renforcer les droits des salariés sur l'organisation du travail, devant leur permettre de se réunir par collectifs de travail dans l'entreprise, et je crois qu'il faut creuser dans cette direction, mais faut-il vraiment le faire de la sorte ?
Enfin, en 2018, votre majorité a autorisé la création de centres à but lucratif, venant ainsi dénaturer l'esprit des centres de santé. Cela ne concourt pas à installer la confiance : une telle mesure sert la marchandisation de la santé et organise la concurrence entre de grands groupes privés et d'autres acteurs dans le domaine de l'offre de soins de ville, dentaires et optiques. Nous savons que cela ne répondra pas aux besoins. Nous ne voulons pas entraver le parcours de cette proposition de loi, mais nous souhaitons que ces questions puissent être entendues par la suite.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – MM. Gérard Leseul et Damien Maudet applaudissent également.
La présente proposition de loi est particulièrement attendue. Elle l'est avant tout par les Françaises et les Français de tous les territoires, y compris ultramarins, qui aspirent légitimement à accéder à des soins de qualité, sûrs et abordables. Elle est également attendue – et plébiscitée – par tous les acteurs auditionnés ces dernières semaines, les associations de protection des victimes, la Fédération nationale des centres de santé – associatifs et mutualistes –, les ordres et syndicats des chirurgiens-dentistes, les ARS et la Cnam.
Dans le contexte de l'époque, la suppression par la loi Bachelot de 2009 de l'agrément délivré aux centres de santé semblait être une bonne idée. Le chemin de l'enfer est malheureusement pavé de bonnes intentions et l'on constate aujourd'hui qu'il n'en est rien, car certains centres associatifs, initialement ciblés, ont abusé de cette mesure.
Les conséquences sont connues de tous : des charlatans – le terme « mafieux » a même été prononcé lors des auditions –, animés par le seul appât du gain, ont exploité cet assouplissement réglementaire. J'appelle votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas ici de viser l'ensemble des centres de santé. Les centres mutualistes, municipaux et associatifs créés après la seconde guerre mondiale remplissent ainsi parfaitement leur rôle social ; ils reçoivent les enfants, facturent en secteur 1 et prennent en charge les patients munis de la carte CMU – couverture maladie universelle, devenue protection universelle maladie (Puma) –, bien souvent refusée par les praticiens libéraux.
Les centres corrompus dont nous parlons se propagent dans les grandes agglomérations, investissent les centres-villes de quartiers huppés, bien dotés en praticiens, et évitent avec aplomb les zones attendues. L'opération marketing est très simple : local attrayant, accueil accrocheur et rassurant ; les patients sont conquis. Confiants, ils remettent leur carte de mutuelle et les soins les plus rentables sont alors appliqués. Les enfants, non rentables, sont bien souvent exclus du dispositif – certains centres ferment même le mercredi ! On extrait plutôt que de soigner et en un tournemain, des devis exorbitants sont signés. D'aucuns vous diront avoir vécu l'enfer : les malheureuses victimes, mutilées, souvent en situation de surendettement, sont alors entraînées dans une spirale infernale. Quelle est l'issue ? Porter plainte ? Certains ont essayé, mais contre qui ? En l'absence de praticien attitré, il n'y a pas de responsable ; surtout, ils trouvent en face d'eux une armée d'avocats.
C'est le pot de fer contre le pot de terre ; les victimes, désemparées, sont épuisées psychologiquement et bien souvent ruinées. Bon nombre d'entre elles continuent de payer des crédits engagés sur place, qui peuvent s'élever jusqu'à 30 000 euros ! Elles se trouvent démunies et cherchent en vain un recours. Ce n'était d'abord qu'une rumeur, mais la réalité a dépassé les bruits de couloir.
Madame la rapporteure, vous avez été témoin de cette situation intolérable dans votre circonscription. Vous avez alors cherché à en savoir plus, vous avez passé des appels, toqué aux persiennes, laissé grandes ouvertes les portes de votre permanence. Et vous avez écouté, encore et encore.
On a l'habitude de dire qu'il ne faut pas légiférer sous l'émotion et en réaction à un fait divers, mais votre réflexe fut le bon : c'est bien à un problème systémique que vous vous attaquez. La preuve en est que si cinq ans séparent les affaires Dentexia et Proxidentaire, ces deux scandales obéissent à la même logique, celle du profit réalisé aux dépens de la santé des patients. Notre rapporteure connaît parfaitement le sujet,…
…puisque dès l'examen du PLFSS pour 2022, elle alertait le législateur sur la nécessité d'intervenir. Tenace, à l'image de notre majorité, elle est revenue à la charge en déposant cette proposition de loi qui n'a cessé de s'étoffer au fil des mois.
Ce texte est l'aboutissement de centaines d'heures passées dans sa circonscription à écouter les associations de victimes et les institutions locales, de plus de trente heures d'auditions menées avec les différents acteurs que j'ai précédemment cités, donc d'un travail collectif par lequel la rapporteure nous invite, nous, ses collègues, à la réflexion. Il est ensuite le résultat du travail que nous avons accompli tous ensemble en commission, en examinant des amendements qui sont venus l'enrichir en provenance de tous les bancs. Ce texte, mes chers collègues, c'est donc le nôtre, au sens large : nous l'avons peaufiné ensemble et nous avons abouti à cette belle et noble loi…
…qui répond aux attentes des Françaises et des Français, que nous nous sommes engagés à protéger.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
L'accès aux soins et la qualité de la santé constituent un pilier fondamental de notre pays. Au cours de nos débats, nous avons fait le constat de la dégradation globale et nationale de l'offre de santé : elle est irréfutable. En effet, depuis maintenant plusieurs semaines, nous avons régulièrement débattu de la pénurie de professionnels de santé et des conditions dans lesquelles les soins sont pratiqués dans le pays. Nous ouvrons aujourd'hui le sujet de l'encadrement et du contrôle des centres de santé.
Après le scandale Dentexia, objet de plus de 1 000 plaintes entre 2012 et 2016, après la fermeture de deux centres Proxidentaire, l'un en Côte-d'Or, l'autre dans le Territoire de Belfort, il faut maintenant légiférer en se fixant pour unique but l'amélioration de la qualité des soins. D'autres centres du même type, usant de pratiques douteuses, s'ajoutent à ces scandales et en 2022, plus de quarante-cinq d'entre eux se trouvent sous le contrôle de l'assurance maladie.
La présente proposition de loi répond à une logique évidente : après les divers scandales, il est important de disposer de nouveaux moyens de régulation et de contrôle des centres médicaux, qu'ils soient ophtalmologiques, dentaires ou éventuellement gynécologiques. Elle doit non seulement garantir le maintien d'un service de qualité, mais aussi permettre d'éviter de nouvelles défaillances dans ces centres. Lors des débats en commission des affaires sociales, le texte s'est enrichi jusqu'à sa réécriture par Mme la rapporteure. Un grand nombre de propositions ont été reprises dans le texte actuel ; toutefois, nous restons convaincus qu'il ne faut pas donner aux ARS le plein pouvoir du contrôle des centres de santé, pour plusieurs raisons.
La première est une question de confiance : jusqu'ici, les contrôles effectués par les ARS sont insuffisants, faute de moyens en personnel. En effet, seuls 0,4 % du personnel des ARS sont affectés au contrôle des centres urbains. En outre, les défaillances des ARS lors de la crise sanitaire ont montré un besoin de réforme de ces agences. Il est donc essentiel de remettre la responsabilité de ces établissements à un directeur régional des affaires sanitaires et sociales, ce qui permettra un contrôle de l'État associé à une implication cohérente et généralisée de chaque agence.
La seconde raison a trait à la qualité du contrôle. Comment est-il possible que nous encadrions le fonctionnement des centres de santé sans intervention des conseils départementaux des ordres concernés ? Nous souhaitons donc que ces conseils deviennent partie prenante de l'accompagnement et du contrôle des centres de santé. L'idée n'est pas de remplacer le contrôle administratif des ARS mais d'améliorer la qualité du contrôle exercé sur ces centres par des professionnels de santé, selon des critères objectifs qui doivent permettre de parvenir à un contrôle ordinal ; or les critères ordinaux ne sont pas de la compétence des ARS.
Notre assemblée doit considérer les maux des professionnels de santé, qui se caractérisent par une véritable pénurie sur le territoire. Posons-nous donc la question : pourquoi notre pays subit-il une perte considérable en la matière ? La réponse réside en partie dans l'augmentation pléthorique de la bureaucratie dans la profession. Or la présente proposition de loi et l'omniprésence de l'ARS ne résoudront en rien ces difficultés. En accentuant les démarches administratives, elles risquent de permettre à des non-professionnels de santé de contrôler la qualité du travail des médecins exerçant au sein des centres médicaux, ce qui est incohérent. C'est pour cela que nous avons proposé de rendre le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes et celui des médecins parties prenantes de l'implantation, de la nomination, de l'encadrement et du contrôle des centres de santé, pour simplifier et – probablement – accélérer l'aide et l'accompagnement des professionnels de santé, pour maintenir leur implantation sur le territoire et pour éviter toute redondance administrative.
Bien qu'imparfaite, cette proposition de loi agit dans l'intérêt de nos concitoyens et pour la protection de notre santé. Il est urgent que nous légiférions pour faire cesser les abus de certains centres médicaux ; nous soutiendrons donc le texte, mais nous espérons aussi avoir prochainement, sur ces bancs, un débat pour trouver des solutions aux maux des professionnels de santé. Si nous n'agissons pas pour eux rapidement, notre pays prend le risque de voir survenir une crise majeure de la santé et de son exercice.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Nous nous réunissons aujourd'hui pour aborder la question des centres de santé et de leur réglementation. Nous avons affaire à un texte légitime et qui répond à une urgence, pour toutes les raisons qui ont été évoquées précédemment, mais nous le jugeons assez inopérant, en l'absence de moyens donnés aux ARS. C'est pour cette raison que notre groupe s'abstiendra, bien que nous soutenions l'objectif de fond de la proposition de loi.
Cet objectif est louable, en effet, mais notre assemblée doit-elle se limiter à cette seule ambition ? Lorsque j'ai consulté votre texte, en vérité, je m'attendais à ce qu'il traite de la lutte contre les déserts médicaux, du développement des centres de santé non lucratifs et de la nécessaire réforme de leur financement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
En effet, nous savons tous quels sont les besoins existants : chaque semaine, nos concitoyens viennent déplorer l'absence de médecins ; des maires jouent les secrétaires médicaux et les mairies reçoivent des dizaines d'appels téléphoniques, toute la journée, pour aider leurs habitants à prendre des rendez-vous. Mais non, dans le texte, rien, pas un mot n'est consacré aux déserts médicaux.
Je n'incrimine pas cette proposition de loi, mais je déplore le fait que l'Assemblée nationale, du fait notamment des 49.3 successifs, ne débattra jamais des déserts médicaux. Et pourtant, il y aurait de quoi ! Alors j'utiliserai les cinq minutes dont je dispose pour amener ce débat dans l'hémicycle.
« Ici, dire aux gens qu'ils doivent passer chez le généraliste avant d'aller aux urgences, c'est complètement insensé : ils viennent aux urgences parce qu'on n'a plus de généralistes. » Ces mots, on les a entendus à Orléans, mais on aurait pu les entendre à Limoges, à Vierzon ou même en Seine-Saint-Denis. Ces mots répondaient à ceux du ministre de la santé, celui qui, cet été, laissa fermer les urgences et demanda aux citoyens d'aller plutôt voir leur généraliste. Le ministre de la santé ignorait donc qu'en France, voir un généraliste est devenu un luxe.
Dans quel état sont notre médecine et notre système de santé ? Il y a un peu plus de vingt ans, lorsque je suis né, notre pays avait le meilleur système de santé du monde, envié par tous, une fierté nationale. Vingt ans plus tard, les soignants partent, les urgences ferment, les enfants sont ventilés dans des couloirs, et il arrive même que des gens meurent sur des brancards. Vingt ans plus tard, c'est parfois une mission impossible d'avoir simplement accès à un généraliste.
La réalité, la voici : en France, 6 millions de personnes n'ont pas de médecin traitant ; 19 millions doivent payer des dépassements d'honoraires pour voir un généraliste.
Il a été beaucoup question des services pédiatriques des hôpitaux récemment, mais la saturation touche aussi cette spécialité en médecine de ville : un quart des enfants n'ont pas accès à un pédiatre. En pleine crise de la pédiatrie, François Braun disait que la médecine de ville devait prendre sa part. Nous avons donc appelé les pédiatres. « Je travaille de neuf heures à dix-neuf heures sans pause, c'est-à-dire dix heures non-stop chaque jour. Je ne peux pas faire plus. On est à bloc », m'a expliqué une pédiatre.
Nous avons passé les débats sur le PLFSS à parler de prévention. Comment être crédible en matière de prévention quand 600 000 malades chroniques n'ont pas de médecin traitant ?
Notre système de santé est aux abois, ce qui aura forcément des conséquences dramatiques. Citons le témoignage de Daniel, qui vit dans le centre de la France. « J'ai eu cette tumeur il y a quelques années, et ça vient de se remettre à enfler. Je ne suis pas du genre inquiet, mais j'ai préféré consulter, voir un spécialiste », dit-il. Et d'expliquer que son médecin étant parti à la retraite, il ne parvenait pas à avoir un rendez-vous car les autres praticiens n'avaient pas de disponibilités avant deux semaines ou ne prenaient pas de nouveaux patients. « J'ai appelé la clinique, mais elle ne prenait pas sans ordonnance. Je suis allé faire la queue chez SOS Médecins. Au bout de plusieurs heures, j'ai été reçu et j'ai enfin eu mon ordonnance. Mais le médecin m'a expliqué qu'il ne pourrait pas assurer mon suivi. Si c'est la tumeur qui revient, il n'y aura donc personne pour me suivre », raconte Daniel.
Comment a-t-on pu passer du meilleur système de santé à celui qui ressemble de plus en plus à l'hospice ? Les causes sont politiques. Comme la pénurie de médicaments, la pénurie de médecins ne tombe pas du ciel mais résulte de choix politiques. Depuis vingt ans, nous savons qu'une pénurie nous frapperait. Nous y voilà. Nous payons les conséquences de ce laisser-faire politique.
Les réponses, elles aussi, seront politiques. Si M. le ministre organise dans tout le pays des concertations, si l'on entend chaque jour des débats télévisés sur les déserts médicaux, si chaque semaine, nous nous faisons interpeller par nos concitoyens, il y a un endroit où nous sommes privés de débat sur les déserts médicaux : l'Assemblée nationale. Nous devons ce débat aux Français. Je regrette donc que la Première ministre le refuse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. André Chassaigne applaudit également.
Enfin, nous allons améliorer l'encadrement des néo-centres de santé, dont la prolifération en zones déjà bien dotées s'accompagne parfois de fraudes à la sécurité sociale et d'atteintes à la déontologie. La révélation de scandales en atteste, il y a urgence à renforcer notre arsenal pour lutter contre ces abus.
Tous les acteurs auditionnés au cours des dernières semaines le confirment. Mais que de temps n'avons-nous pas perdu ! Il y a trois ans et demi, j'avais rédigé et défendu avec mes collègues du groupe Les Républicains une proposition de loi visant à réinstaurer un agrément. Nous avons ensuite repris notre proposition sous forme d'amendements aux textes législatifs sanitaires – en vain. Le Gouvernement et la majorité les ont toujours rejetés, objectant qu'un tel problème n'existait pas.
Certes, tous les centres de santé ne sont pas concernés par ces abus, il est important de le préciser. Cependant, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ces abus. Face à notre insistance, le Gouvernement nous avait indiqué : « L'ordonnance du 12 janvier 2018 relative aux centres de santé a créé un corpus réglementaire de nature à empêcher les agissements dénoncés. » Voilà la réponse du Gouvernement à ma question écrite, publiée au Journal officiel du 14 avril 2020.
Alors que de nombreux Français étaient victimes d'abus, entraînant pour certains des stigmates dont ils porteront les traces à vie, votre cécité volontaire a perduré jusqu'à ce que des abus soient révélés à la fin de 2021 dans la région de notre présidente-rapporteure, Mme Khattabi. Vous m'avez alors rejoint dans ma conviction qu'il faut réguler l'installation des néocentres de santé, qui s'accompagne parfois d'entorses aux règles déontologiques, de fraudes à la sécurité sociale, de soins non pertinents et de mauvaise qualité.
Cela étant dit, je me réjouis de l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de notre assemblée. Ce texte contient de réelles avancées : le rétablissement de l'agrément, délivré par le directeur de l'ARS ; l'obligation pour le gestionnaire de transmettre les contrats de travail des praticiens à l'ARS ; l'obligation pour l'ARS de communiquer ces contrats de travail aux ordres.
Nos travaux en commission ont d'ailleurs participé grandement à améliorer votre texte. J'aimerais citer trois des avancées obtenues et remercier la rapporteure d'avoir repris les propositions des députés Les Républicains.
Premièrement, nous avons obtenu l'introduction d'une obligation pour le représentant légal de l'organisme gestionnaire d'informer dans les sept jours le directeur général de l'ARS, le directeur de la caisse locale d'assurance maladie et le président du conseil départemental de l'ordre compétent, en cas de fermeture d'un centre de santé ou de l'une de ses antennes. Une telle mesure viendra apporter une réponse à la problématique des cartes de professionnels de santé continuant à circuler sans contrôle, alors que les centres de santé dans lesquels exerçaient les professionnels de santé avaient fermé.
Deuxièmement, nous avons fait introduire dans cette proposition de loi l'obligation pour les professionnels de santé salariés d'un centre de santé d'être identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant la structure de leur activité. Ce numéro personnel, ainsi que le numéro identifiant la structure au sein de laquelle l'acte, la consultation ou la prescription ont été réalisés, figureront ensuite sur les documents transmis aux caisses d'assurance maladie, en vue du remboursement ou de la prise en charge des soins dispensés par ces praticiens.
Je voudrais que chacun mesure bien l'importance d'avoir introduit une telle disposition. Ce numéro personnel identifiant les professionnels de santé permettra tout aussi bien de lutter contre les fraudes à l'assurance maladie que de réduire le risque de pratique illégale de la médecine, notamment de l'art dentaire : l'assurance maladie pourra désormais contrôler que ce sont bien des professionnels de santé, respectant les conditions légales d'exercice comme la qualification où l'inscription à leur ordre, qui ont pratiqué les actes facturés.
Troisièmement, je suis heureux que la commission ait accepté l'obligation annuelle de transmission des comptes du gestionnaire au directeur général de l'ARS, comme je le demandais.
Il s'agit d'un pas important dans notre combat contre la financiarisation excessive des centres de santé.
En clair, vous l'aurez compris, les députés Les Républicains ont eu à cœur de renforcer l'efficacité pratique de cette proposition de loi.
Cette efficacité, nous la devons à nos compatriotes. C'est dans cet esprit et sur notre proposition que le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur les moyens à allouer aux ARS, afin de leur permettre de réaliser les opérations prévues dans le présent texte.
Pour conclure, je dirai que certaines interrogations, notamment sur la question clé du champ d'application, n'ont pas été levées par ce texte. Les centres d'imagerie médicale ou d'orthoptie ne seront pas concernés. Est-ce une bonne chose ? Il est permis d'en douter car la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) s'était prononcée en faveur de son intégration dans le champ de cette loi. De même, une meilleure intégration des ordres aux contrôles aurait été possible par le vote de nos amendements. Disons-le clairement, ce texte n'est pas parfait. Espérons que la navette permettra de l'améliorer. Il faudra aussi évaluer l'effet de ces mesures et peut-être adapter encore notre arsenal.
Nous soutiendrons pourtant cette proposition de loi ainsi amendée parce que la régulation de l'installation des centres de santé – trop souvent synonymes d'entorses aux règles déontologiques, de fraudes à la sécurité sociale, de soins non pertinents – est un combat que Les Républicains mènent de longue date.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous ne serez pas surpris si je vous dis que le groupe Démocrate va voter pour ce texte, aboutissement d'un travail mené sous votre égide, madame la rapporteure et présidente de la commission des affaires sociales. Voyez que nous sommes capables du meilleur lorsqu'un vrai travail est effectué en commission, comme l'ont rappelé quasiment tous les orateurs, notamment Thibault Bazin et Pierre Dharréville.
Chacun a apporté sa pierre à l'édifice car il fallait vraiment légiférer sur un tel sujet. Nous avons tous en tête les fameux scandales Dentexia et Proxidentaire. Dans cette affaire, madame la rapporteure, vous avez un peu joué un rôle de lanceuse d'alerte. Sur les Ehpad, il avait fallu la parution d'un livre, après quoi votre commission s'est saisie du problème. Cette fois, nous montrons que nous pouvons donner un coup d'arrêt aux dérives constatées dans certains centres de santé, sur lesquelles je ne reviens pas.
Comme nos collègues du groupe GDR, notamment le président Chassaigne qui est toujours présent parmi nous, je suis attaché aux centres de santé, qui sont particulièrement nombreux dans certains départements tels que la Seine-Saint-Denis. C'est dans ce genre de structure que j'ai réalisé mes premiers actes. Les centres de santé jouent un rôle indispensable dans l'offre de soins, à côté des maisons de santé pluridisciplinaires, des maisons médicales et des cabinets médicaux.
Cher collègue Maudet, voyez que je parle des déserts médicaux, en considérant que ces centres font partie du panel. Votre abstention me surprend car elle revient à laisser en activité des centres qui fonctionnent mal et dans lesquels des dérives inacceptables sont constatées.
C'est inacceptable car la qualité des soins n'est pas négociable. Il faut donc avoir le courage de dire qu'il faut fermer la boutique quand cela ne fonctionne pas. Face à des charlatans, face à des gens qui pratiquent des dépassements d'honoraires ou n'observent même pas les pratiques médicales de base, il faut être absolument intransigeant.
Madame la présidente, vous avez souhaité la création d'un répertoire national de ces mauvais praticiens – je me souviens de discussions sur le sujet avec Thibault Bazin en commission. Ceux qui ont mal agi porteront cette marque indélébile et jamais – j'insiste : jamais – ils ne pourront aller exercer ailleurs, car on ne peut pas laisser passer cela. Je sais, madame la ministre déléguée, que vous y serez particulièrement attentive.
M. Maudet a aussi regretté que, dans le cadre de cette proposition de loi, on n'encourage pas les collectivités ou autres à créer des centres de santé. Ce n'est pas l'objet du texte ! Bien sûr que nous les encourageons : qu'il s'agisse de collectivités, de départements ou encore de mutuelles, toute initiative visant à améliorer l'offre de soins est bonne à prendre.
J'en viens à des mots d'importance : qualité, traçabilité, transparence. Pour ma part, je serais favorable à l'idée d'accréditer ces professionnels, comme ceux du secteur de la biologie médicale. L'accréditation suppose un processus un peu technique, mais elle permettrait une véritable traçabilité des actes. Le professionnel est accrédité pour certains actes qu'il maîtrise bien ; s'il ne les maîtrise plus, il ne peut plus les pratiquer. Cette voie d'exigence est la bonne parce qu'on ne peut pas jouer avec la santé des gens.
Ces contrôles supposent évidemment des moyens, comme l'ont souligné les députés de mon groupe en commission. Madame la ministre déléguée, je sais que ce n'est pas simple. Lorsque vous étiez sur les bancs des parlementaires avec nous, la directrice générale de l'ARS d'Île-de-France ne nous avait-elle pas expliqué qu'elle n'avait pas les moyens de contrôler les Ehpad ? Oui, il faut contrôler, comme l'a dit le collègue du Rassemblement national. Le contrôle n'est ni une punition ni une sanction, il est légitime concernant des professionnels qui sont responsables de la santé des gens.
Pour conclure, je répète que nous allons voter plutôt deux fois qu'une pour ce texte, enrichi par les contributions des uns et des autres. C'est une belle réponse que nous pourrons probablement dupliquer car nous devrions aussi nous retrouver sur d'autres sujets comme l'accès aux soins ou les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Sur le vote de l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
.La parole est à M. Laurent Panifous.
Comme beaucoup, j'ai été révolté par les récents scandales survenus dans certains centres de santé, particulièrement dans des centres dentaires et ophtalmologiques. Dans certains cas, ils ont causé des dégâts importants, irréversibles sur la santé des usagers. C'est intolérable.
Au-delà des scandales médiatiques, il s'agit plus largement d'éviter les abus et fraudes recensés par l'assurance maladie, qui ont malheureusement accompagné le développement de ces centres. Cela implique donc de lutter plus sévèrement contre l'exercice illégal de la profession, les surfacturations et autres surtraitements.
Certains gestionnaires malintentionnés ont dévoyé la dimension sociale de ces centres associatifs, censément non lucratifs, en s'orientant vers des soins et des prothèses plus rémunérateurs. Dans un esprit de rentabilité financière, certains s'installent dans de grandes villes au lieu de s'implanter dans des territoires ruraux et moins dotés, délaissant ainsi la vocation première de ces centres.
Aussi le groupe LIOT estime-t-il que cette proposition de loi apporte une réponse bienvenue, d'autant que certaines de ses interrogations ont trouvé réponse. La proposition initiale ne prévoyait rien pour les centres déjà ouverts. Cet oubli est désormais comblé, ce qui était nécessaire.
Il fallait également revenir sur les référents que vous proposiez de désigner au sein des centres : faire reposer la responsabilité de la qualité des soins sur une seule personne n'était pas tenable. Une responsabilité collective est plus pertinente et permettra d'impliquer davantage les praticiens dans la politique visant à assurer la qualité et la pertinence des soins.
Nous continuons de nous interroger sur le choix d'appliquer les nouvelles mesures d'encadrement aux seuls centres dentaires et ophtalmologiques : cela signifie-t-il que nous partons du principe que les autres centres ne sont pas concernés par de possibles dérives ? Nous regrettons aussi le caractère facultatif de la visite de conformité, qui sera effectuée de manière arbitraire dans le cadre de la procédure d'autorisation. Nous comprenons bien sûr la raison de ces choix : c'est le potentiel manque de moyens des ARS qui devront assurer tous ces contrôles. L'adoption de la proposition de loi créera en effet des tâches supplémentaires pour les ARS, alors que celles-ci subissent depuis des années des réductions d'effectifs. La même question a été soulevée au lendemain du scandale Orpea et continue de se poser concernant les Ehpad.
Nous en convenons tous : l'assouplissement de la procédure encadrant l'ouverture de ces centres doit être revu à l'aune des dérives constatées. La qualité des soins et la sécurité des patients doivent être la priorité, d'autant que les centres de santé sont souvent fréquentés par des publics vulnérables. Le recours accru à ces centres doit aussi nous interroger sur ce qu'il dit de notre système de santé : un grand nombre de personnes renoncent à se soigner en raison de coûts trop élevés. C'est notamment le cas pour les soins dentaires. Un tel constat doit nous inciter à généraliser le tiers payant.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires insiste toutefois sur la nécessité de ne pas jeter l'opprobre sur un secteur sanitaire tout entier : les dérives de certains centres ne doivent pas remettre en question leur existence même, la majorité d'entre eux exerçant dans des conditions sûres et réalisant des missions indispensables. Les centres de santé sont une solution au problème de la désertification médicale, dans la mesure où le salariat répond à l'aspiration de jeunes médecins, qui sont de plus en plus nombreux à rejoindre ces structures. C'est précisément pour cette raison qu'un grand nombre de collectivités territoriales se sont emparées de cette possibilité. Ne nous privons pas de cet outil.
En tout état de cause, notre groupe soutiendra cette proposition de loi. Mais l'instauration de ce nouveau régime supposera d'accorder des moyens humains renforcés aux ARS. Nous attendons un engagement clair et concret du Gouvernement sur ce point, faute de quoi ce texte risque d'être inapplicable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur les bancs de la commission.
Nous étrennons, dans cette législature, la procédure de législation en commission, qui intervient dans l'hémicycle après un très beau travail en commission, que je salue. Nous y avons débattu de l'accès aux soins. Nous le faisons encore aujourd'hui à travers nos différentes prises de parole et nous devons continuer en ce sens pour faire avancer les choses.
Faire avancer les choses, c'est précisément l'objet de la présente proposition de loi. Alors que l'accès aux soins constitue une priorité des Français, il se trouve que certaines personnes, parfois des soignants, se sont malheureusement mises à faire n'importe quoi, pour de basses raisons financières. Tromperie, blanchiment, escroquerie, fraude fiscale et sociale : voilà ce à quoi renvoient, dans l'imaginaire collectif, Dentexia, Proxidentaire et tant d'autres. La majorité avait déjà agi, pendant le quinquennat précédent, notamment à travers les ordonnances prises par le Gouvernement en 2018. J'avais eu l'occasion de soutenir certaines mesures avec vous, madame la rapporteure, en tant que rapporteur général sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Elles allaient dans le bon sens, mais il fallait parachever le travail. Je crois que cette proposition de loi le permet amplement.
Grâce au travail effectué en commission, nous avons encore enrichi le texte, en faisant en sorte que la transmission d'informations sur les professionnels exerçant dans les centres aux agences régionales de santé et aux ordres soit nécessaire non seulement pour obtenir l'agrément, mais surtout pour le conserver dans le temps. Vous avez en outre été très ouverte aux propositions visant à améliorer les dispositions relatives non seulement au flux – les nouveaux centres qui demandent l'agrément –, mais aussi au stock, c'est-à-dire aux très nombreux centres qui sont déjà ouverts et ne doivent pas être exemptés de la procédure créée dans la proposition de loi. Le groupe Horizons avait d'ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens.
Je salue le travail collectif qui a été mené pour aboutir à ce texte. C'est bien la preuve que nous sommes capables, en commission des affaires sociales, d'œuvrer de façon transpartisane pour l'intérêt et la santé des Français. Il n'est pas nécessaire de s'étendre davantage : nous avons travaillé pour améliorer le texte, que le Sénat enrichira encore probablement. Le groupe Horizons soutiendra de façon unanime cette très belle proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur les bancs de la commission. – M. Vincent Bru applaudit également.
Les différents scandales qui ont émané de centres de santé dentaire entre 2016 et 2021 nous ont conduits à modifier la loi pour éviter des récidives et d'autres dérives. Dans un monde idéal, notre système de santé n'aurait pas besoin de centres de santé privés pour être efficace : le service public garantirait à chaque citoyen des soins de qualité, où qu'il se trouve sur le territoire national.
Malheureusement, notre fonction nous oblige à regarder la réalité telle qu'elle est, et non telle que nous la voudrions. Les Français ont besoin de centres de santé performants et contrôlés par l'État, qui est le seul et unique garant de leur sérieux. Ces centres sont complémentaires des services publics de santé. La proposition de loi prévoit de mieux encadrer leur activité afin d'éviter les dérives. Responsables et réalistes, les députés socialistes ne peuvent que soutenir un texte qui vise à améliorer notre système de soins.
De plus, l'examen du texte en commission a permis de l'enrichir, de nombreux amendements, issus aussi bien de la majorité que des oppositions, ayant été adoptés. Nos échanges ont aussi permis de répondre à la plupart des interrogations que nous avions soulevées lors de la discussion générale en commission, la semaine dernière.
Ainsi, les centres de santé seront à l'avenir mieux contrôlés par l'État, notamment par les ARS. Afin que les dispositions prévues dans ce texte ne restent pas lettre morte, il me semble essentiel d'augmenter les moyens humains dévolus aux ARS : sans personnel supplémentaire, elles ne pourront pas assurer leur nouvelle mission de contrôle et d'agrément. Or ces contrôles demeurent la seule garantie, pour nos concitoyens, que les soins dispensés dans ces centres seront de bonne qualité.
Le groupe Socialistes et apparentés fera preuve de responsabilité en soutenant cette proposition de loi. Soyez toutefois assurée, madame la rapporteure, que nous resterons très vigilants quant aux moyens alloués aux ARS, afin qu'elles puissent remplir leur nouvelle mission d'encadrement de ces centres.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur les bancs de la commission.
Je prends la parole au nom de mon collègue Sébastien Peytavie et j'en profite pour saluer la qualité du travail effectué par ses équipes, dont chacun a pu constater l'utilité en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES.
Cette proposition de loi visant à encadrer les centres de santé était l'occasion de dire : plus jamais – plus jamais de victimes de ces actes ignobles commis par des médecins mafieux qui ont sali le serment d'Hippocrate ; plus jamais de patients qui souffrent le martyre pendant des mois, n'arrivent plus à manger et perdent leurs dents du jour au lendemain ; plus jamais de braquage de la sécurité sociale par des groupes gestionnaires à but lucratif, qui se font de l'argent sur le dos de patients en détresse. Il y avait urgence : le scandale sanitaire et social lié au groupe Proxidentaire n'est pas la première affaire de mutilations et de fraude à toucher les centres dentaires. Chacun garde en mémoire le scandale des centres Dentexia, qui ont escroqué et mutilé des patients par centaines.
Cette proposition de loi plus que nécessaire est aussi l'occasion de comprendre que si nous en sommes arrivés là, c'est bien parce que la privatisation croissante du système de santé a permis à certains groupes de préférer la recherche du profit à la recherche du bien-être des patients. Sur ce point, le groupe Écologiste est clair : pas de lucrativité dans la santé – car nous avons constaté, au gré des auditions, que toutes les méthodes étaient bonnes pour faire de l'argent. On ne cesse de dénoncer les fraudes aux prestations sociales ou aux arrêts maladie mais, par ces débats, nous avons voulu montrer que si ces groupes génèrent des millions d'euros chaque année, c'est parce que beaucoup profitent du système. Rien qu'en 2020, 22 millions d'euros ont ainsi été volés à la sécurité sociale. À l'heure où l'hôpital se trouve dans une extrême détresse financière, c'est autant de moins pour notre système de soins.
Ce texte était attendu par les milliers de femmes et d'hommes victimes de ces abus. Le fait de le défendre vous honore, madame la rapporteure, parce qu'il va dans le bon sens et que de réelles avancées ont été obtenues au cours de nos débats en commission. Le groupe Écologiste aura d'ailleurs été force de proposition pour rendre justice à Mme Beaudeau, présidente du collectif des usagers de Proxidentaire, à Marine, à Séverine et aux centaines de victimes.
D'une part, nous avons permis de mieux prévenir les conflits d'intérêts en interdisant au dirigeant d'un centre de santé d'exercer une fonction dirigeante dans une structure gestionnaire lorsqu'il présente un lien d'intérêt avec une entreprise privée délivrant des prestations rémunérées à cette structure. Cette avancée permettra d'empêcher les groupes gestionnaires à but lucratif de contourner le principe de non-lucrativité des centres dont ils assurent la gestion.
D'autre part, même si, comme nous l'avons indiqué en commission, nous aurions aimé obtenir des sanctions plus lourdes et plus dissuasives, l'adoption d'un amendement et d'un sous-amendement que nous avions déposé a permis de renforcer les sanctions à l'égard des centres frauduleux en doublant le plafond des amendes infligées et en rallongeant le délai maximal avant qu'un groupe gestionnaire sanctionné puisse à nouveau ouvrir un centre.
Notre groupe a toutefois un regret : ces débats auraient pu être l'occasion de prendre de la hauteur et de nous interroger plus largement sur le mode de financement dont nous voulons pour notre système de santé – un mode de financement qui remette au cœur du système la qualité des soins et non, comme actuellement, la politique du chiffre et des coupes budgétaires.
C'est dans ce sens qu'allaient nos amendements visant à inclure les centres de santé dans le dispositif d'incitation financière à la qualité. Car les centres de santé sont bien des piliers de l'accès aux soins et de la lutte contre les déserts médicaux. Un tel mode de financement aurait permis de leur redonner des marges de manœuvre financières, notamment aux centres de santé publics, tout en permettant un contrôle plus étroit de leurs activités – ce qui nous semblait être l'objectif de cette proposition de loi. Malheureusement, ces amendements ont été déclarés irrecevables et n'ont pu être examinés, ce qui nous a contraints à formuler des propositions moins ambitieuses en commission.
Ce texte est donc un premier pas vers l'encadrement de dérives trop souvent constatées. Le groupe Écologiste le soutiendra, comme il l'a fait en commission des affaires sociales. Nous aurions néanmoins aimé aller plus loin. Il nous appartiendra donc de nous saisir à nouveau de la question pour apporter notre pierre à l'édifice, en assurant aux centres de santé un financement qui leur permette d'être réellement au service des patients et qui fasse enfin de la santé un bien commun.
Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES et GDR – NUPES, ainsi que sur les bancs de la commission.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 179
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue 81
Pour l'adoption 161
Contre 0
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de résolution affirmant le soutien de l'Assemblée nationale à l'Ukraine et condamnant la guerre menée par la Fédération de Russie ;
Discussion de la proposition de résolution appelant à un accord ambitieux lors de la quinzième conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique ;
Suite de la discussion de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra