L'Arménie, le peuple arménien, la culture arménienne ont déjà failli disparaître au cours de l'histoire. Leur existence est contestée jusque dans le refus de reconnaître cette histoire tragique – je pense au génocide arménien. La faiblesse inquiétante des institutions internationales, l'insuffisance des volontés de règlement pacifique des conflits, l'indigence des réactions des États sont directement en cause dans la persistance des tensions. Nous connaissons pourtant la brutalité des nationalismes qui continuent de sévir dans la région.
En 2020, le monde de l'arménité a subi une agression guerrière, meurtrière, de la part de l'Azerbaïdjan dans l'enclave du Haut-Karabakh, constituée en République d'Artsakh depuis 1991. Depuis lors, dans les territoires conquis, c'est une opération d'effacement culturel et de nettoyage ethnique qui est à l'œuvre et les velléités nationalistes ne s'arrêtent pas là. Nul ne peut nier que ce territoire du Caucase est habité par des populations arméniennes. Celle de l'Artsakh a manifesté par deux référendums son désir de vivre libre et en paix. La France doit appeler à engager les processus de reconnaissance prévus par le droit international pour protéger et apaiser. Elle est d'autant plus fondée à le faire qu'elle appartient au groupe de Minsk, créé voilà trente ans maintenant pour créer les conditions d'une résolution pacifique et négociée. L'absence de cadre international ajusté à la réalité du pays fragilise l'ensemble de la région. Et il faudrait peut-être que l'ONU elle-même étudie l'opportunité d'une interposition.
À l'instar de celles de Robert Guédiguian et Simon Abkarian, des voix s'élèvent pour alerter sur la menace de disparition et sur l'ignorance qui entoure la cause arménienne. Selon le réalisateur du Voyage en Arménie, d'Une histoire de fou et de L'Armée du crime, « l'espèce arménienne a survécu à de multiples catastrophes. Pour cela elle a dû se disperser et renoncer à ses terres ancestrales. Il ne lui reste que l'Arménie du Caucase et le Karabakh au milieu de l'Azerbaïdjan… » Il compare l'Arménie à un enfant seul dans la cour de récréation.
Loin des feux médiatiques, les agressions se font de plus en plus menaçantes, dans le contexte d'une volonté de domination étendue du gouvernement turc sur la région, dont le gouvernement de l'Azerbaïdjan est l'une des pièces. Le rôle de la Russie, quant à lui, est trouble. Aussi l'Arménie doit-elle être protégée de multiples velléités d'asservissement. Mais les intérêts en question dépassent le simple cadre d'un conflit régional. L'Europe achète aujourd'hui du gaz azerbaïdjanais et enrichit par conséquent ce régime autocratique, comme si le gaz d'Azerbaïdjan, qui envahit l'Arménie, était plus acceptable que celui de la Russie, qui envahit l'Ukraine.