Le présent texte était profondément nécessaire, car nous avons constaté des dérives dans certains centres de santé. Les scandales de Dentexia en 2016 et de Proxidentaire l'année dernière ont marqué tous les esprits. Surtraitement, surfacturation, mutilations, manquement à la déontologie : ces dérives ne sont tout simplement pas acceptables. C'est une question de qualité de l'offre de santé et de la prise en charge. C'est surtout une question de dignité pour les personnes soignées, qui méritent de l'être correctement, dans de bonnes conditions, sans risques d'escroquerie financière ou de mutilation. Enfin, une meilleure régulation des centres de santé constitue aussi une attente forte des professions concernées par ces dérives – je pense notamment aux chirurgiens-dentistes et aux ophtalmologistes. Le Gouvernement rejoint donc pleinement les signataires de la proposition de loi quant à la nécessité d'un encadrement renforcé des centres de santé. Le tour de vis était nécessaire.
À la suite du scandale Dentexia, un premier rapport a été réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en 2016. Elle y a recommandé la prise en charge rapide des patients concernés par les dentistes libéraux et hospitaliers, ainsi que l'instauration de mécanismes d'indemnisation financière exceptionnels assurés par la Cnam. Nous avons très rapidement appliqué l'une et l'autre de ces propositions. Cependant, certaines structures ont continué leurs pratiques déviantes – des surfacturations ont par exemple été observées dans les centres de santé ophtalmologiques. Un rapport de l'assurance maladie pour l'année 2021 révélait ainsi que le coût moyen annuel par patient en cabinet libéral était de 61 euros contre 91 euros en centre de santé ophtalmologique.
Il était donc nécessaire de revoir la régulation des centres de santé en amont, ainsi que les moyens de contrôle. C'est notamment ce que préconisait un second rapport de l'Igas. À ce titre, madame la rapporteure, vous aviez proposé d'encadrer davantage les pratiques déviantes des centres de santé l'an dernier, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notamment pour rétablir une autorisation préalable avant ouverture. Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré une partie de ces mesures, considérant qu'elles devaient faire l'objet d'une loi ordinaire et non financière.
Nous avons toutefois voulu prendre certaines mesures d'information ciblées, pour éviter de nouvelles victimes. Le ministère de la santé et de la prévention, avec l'Ordre des chirurgiens-dentistes, a ainsi élaboré en janvier dernier une charte des indispensables d'une bonne prise en charge bucco-dentaire, avec des points clés dont chacun peut vérifier le respect. Par ailleurs, les agences régionales de santé et le réseau de l'assurance maladie sont mobilisés pour prévenir les abus. Plus de cinquante centres dentaires font ainsi l'objet de contrôles pour suspicions de fraude. Ce travail est mené main dans la main avec les services d'enquêtes de police et de gendarmerie, les parquets et les ordres professionnels.
La présente proposition de loi propose d'aller plus loin et de fixer un cadre ambitieux, à la suite des amendements déposés sur le PLFSS pour 2022 que le Gouvernement soutient pleinement. Ces obligations concernent spécifiquement les centres de santé ayant une activité dentaire ou ophtalmologique. C'était nécessaire car les dérives évoquées étaient concentrées dans ce type de centres.
Ainsi, l'article 1er de la proposition de loi rétablira l'agrément délivré par l'autorité administrative, qui avait été supprimé en 2009. Le Gouvernement soutient cette proposition, qui renforcera le contrôle de l'administration sur l'ouverture des centres de santé pour limiter les dérives en amont. Cela permettra aussi d'éviter que des centres s'installent là où ce n'est pas nécessaire, dans l'objectif d'un maillage équitable du territoire.
L'article 2 de ce texte prévoit qu'un professionnel de santé référent sera nommé au sein de chaque centre, avec pour rôle de garantir la qualité et la sécurité des soins et des actes professionnels réalisés au sein de sa structure. Il devra informer l'ARS d'éventuels manquements et celle-ci pourra ainsi réagir rapidement. En effet, on l'a vu, la réactivité est essentielle dans ce genre de situations, or elle n'est possible que grâce à une meilleure information et responsabilisation des professionnels de santé qui exercent dans ces centres.
C'est également dans cet esprit que l'article 3 de la version initiale du texte prévoyait utilement de créer un circuit d'information entre les gestionnaires des centres de santé, les ARS et les conseils départementaux des ordres concernant les contrats de travail et les diplômes des praticiens. De manière bienvenue, le dispositif a finalement été intégré à l'article 1er de la proposition de loi lors de l'examen en commission.
Enfin, une fois qu'une dérive est identifiée, il est essentiel d'éviter qu'elle se répète et que les personnes concernées puissent contourner les sanctions déjà infligées. C'est pourquoi le Gouvernement est également favorable à la disposition prévue par l'article 4 de la proposition de loi : le directeur général de l'ARS pourra refuser à un gestionnaire l'ouverture d'un nouveau centre, dès lors qu'un autre de ses centres fait déjà l'objet d'une procédure de suspension ou de fermeture.
Au nom du Gouvernement, je soutiens pleinement ces propositions. Surtout, je veux à nouveau saluer le travail effectué lors de l'examen en commission. Le texte a été enrichi par des amendements venant de plusieurs groupes, afin de renforcer les modalités de contrôle. Je pense, sans être exhaustive, à l'amendement du groupe Écologiste – NUPES qui permettra de prévenir les situations de conflit d'intérêts, à celui du groupe Horizons et apparentés qui prévoit une procédure de traitement du stock de centres de santé existant, ou encore aux amendements du groupe Les Républicains visant à mieux détecter les fraudes et à mieux contrôler les comptes de ces centres de santé. Cette proposition de loi est donc le fruit d'un large travail transpartisan et le Gouvernement salue cette démarche, qui a d'ailleurs permis l'adoption à l'unanimité du texte en commission.
Vous l'aurez compris : le Gouvernement soutient cette proposition de loi. Pour éviter les dérives, pour assurer des soins de qualité, il était nécessaire de revenir à un encadrement plus strict. Mieux réguler, mieux contrôler : c'est précisément la clef d'un fonctionnement de ces centres de santé qui corresponde à leur philosophie profonde, à savoir renforcer l'accès à la santé de tous nos concitoyens, même les moins aisés – un fonctionnement, en somme, conforme à nos valeurs collectives. J'ai bien entendu, madame la rapporteure, votre demande d'une publication rapide des décrets d'application ; je m'y engage personnellement.