J'ai aussi pu entendre des voix qui portent un peu plus : celles de défenseurs des droits de l'homme, de colonels, d'élus, d'associations. Leur travail, accompli sans relâche dans des conditions inimaginables, donne à voir ce que personne ne veut voir, à savoir le décompte insoutenable des violations commises par l'Azerbaïdjan : les captures de prisonniers, les enlèvements, les mutilations, les viols, les décapitations et les assassinats. C'est grâce à eux que j'ai compris aussi la dimension psychologique d'une guerre inégale qui brise tout espoir de résistance.
Des ONG ont officiellement identifié les exactions commises par les soldats azerbaïdjanais comme des crimes de guerre, lesquels s'inscrivent dans un macabre historique d'actes de barbarie qui ensanglante les trois dernières décennies. À ce jour, aucune enquête internationale indépendante n'a été menée sur ces crimes de guerre ; il y a urgence. Les Arméniens se sentent oubliés et abandonnés : je peux témoigner qu'ils le sont. Cette impuissance générale laisse l'Arménie devenir le jouet des caprices impérialistes des autocraties voisines et réactive le souvenir vivace du génocide de 1915.
Le Gouvernement se doit d'afficher une indignation non moins grande que concernant les crimes de guerre constatés en Ukraine, sous peine d'être légitimement soupçonné de partialité ou d'appliquer deux poids, deux mesures. Tout récemment – la semaine dernière ! – a enfin eu lieu un revirement historique. Le pouvoir de Vladimir Poutine a été solennellement désavoué par l'Arménie lors du sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) à Erevan. Pour nous, le moment n'a jamais été plus propice à agir.
Pour la France, l'une des données complexes de ce conflit est l'épineuse question énergétique. L'invasion de l'Ukraine a poussé l'Union européenne à se tourner vers le gaz azerbaïdjanais. Or, depuis plus de trente ans, c'est précisément la rente énergétique du clan Aliyev qui finance son armée et concrétise les discours arménophobes.