L'été insouciant se termine, mais pour les soignants, l'enfer se poursuit. La moitié des professionnels de santé présentent des signes d'épuisement professionnel, 30 % souffrent de dépression. On apprend que 2 000 postes d'infirmiers sont vacants à l'AP-HP, et que, dans le pays, 4 300 lits d'hospitalisation complète ont été fermés au cours de l'année 2021. Et durant tout ce temps, le ministre François Braun reste silencieux. Mais c'est Bruno le Maire, ministre de l'économie, qui vient rallumer le feu. Lorsque l'on nous présente le projet de loi de programmation des finances publiques, je me rue sur la partie santé : 3,5 milliards d'euros d'économies tous les ans à partir de 2024 ! Ironie de l'histoire : le lendemain, de nouveaux plans blancs sont appliqués dans les hôpitaux.
L'été s'éloigne, arrive l'automne : les jours raccourcissent et le ciel s'assombrit. Le budget de la sécurité sociale arrive. Nous publions notre rapport « Allô Ségur », fruit de trois mois d'enquêtes dans plus de quatre-vingt-dix établissements de santé. Pour préparer l'examen du projet de loi, nous élaborons avec les soignants et les patients des amendements pour proposer des ratios, un bouclier tarifaire, le paiement des heures sup'. Mais le 20 octobre, jour du début de la discussion en séance, c'est la déception : un premier 49.3. Pas de débat ! En parallèle, l'épidémie de bronchiolite explose en Île-de-France et replonge nos hôpitaux dans la crise. Le Collectif pédiatrie nous explique : « Même pendant le covid, on n'a jamais ventilé dans les services d'urgences. Aujourd'hui, quand les services d'urgences sont pleins, les enfants sont ventilés dans les couloirs. » Réponse du ministre : 150 millions d'euros pour l'hôpital et, selon ses mots, « du paracétamol pour faire baisser la fièvre ».
Arrive ensuite la fameuse deuxième partie du PLFSS, et nous obtenons quelques victoires. Mais là, tout s'effondre car la première ministre arrive et vient mettre un terme aux débats par un nouveau 49.3. Nous n'aurons parlé de rien ! Les soignants qui nous ont aidés sont dépités, et nous aussi. Le projet de loi qui concerne le principal poste de dépenses d'argent public aura donc été adopté sans aucun débat à l'Assemblée nationale !
Deux semaines plus tard, rebelote : Élisabeth Borne nous le dit : « Nous ne pouvons pas perpétuellement rejouer les débats qui ont déjà été tranchés. » Mais de quels débats parle-t-elle, nous n'en avons pas eus !
À l'extérieur, les mauvaises nouvelles continuent de pleuvoir : les pédiatres souffrent de plus en plus, ils nous alertent à propos du tri qu'ils sont obligés de réaliser entre les enfants hospitalisés ; des enquêtes sont ouvertes à Dijon et à Saint-Malo après que des décès sont survenus sur des brancards. Ce matin encore, 10 000 soignants tentent dans une tribune d'interpeller Emmanuel Macron dont ils dénoncent le silence assourdissant. C'est du jamais vu.
De mon côté, je terminerai en vous lisant le message que j'ai reçu la semaine dernière de la part d'Emma – l'infirmière qui avait mal au dos et qui voyait un psy à Saint-Louis : « Je voulais te remercier pour ton discours fait à l'Assemblée pour parler des soignants et de l'état de l'hôpital public. Ce que tu as évoqué est une bien triste réalité. J'ai le sentiment que nous ne sommes pas entendus. D'ailleurs, notre grève n'a mené à rien. Onze infirmières dans le service sont en arrêt maladie. Dont moi. » Emma, nous l'avons rencontrée en même temps qu'on faisait la connaissance de François Braun. Depuis, il répète qu'il est en train d'agir. Depuis, Emma, elle, n'a fait que subir. Aujourd'hui, il s'entête dans les économies. Aujourd'hui, Emma est en arrêt maladie.
Ce budget condamne notre système de santé et tous les soignants du pays.