Aujourd'hui, une nouvelle crise se cristallise à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. C'est cette fois la souveraineté territoriale même de l'Arménie qui fait l'objet des agressions impérialistes de son voisin, dont la présence militaire gagne impunément du terrain depuis dix-huit mois. Les 13 et 14 septembre derniers, des attaques armées azerbaïdjanaises ont endeuillé la région frontalière, faisant plus de 200 morts, 300 disparus et des centaines de blessés. À la suite de ces attaques, 7 000 personnes, dont 1 400 enfants, ont été déplacées.
Avez-vous déjà foulé et vu de vos propres yeux le sol d'un territoire démoli par la guerre ? Pour moi, sur la terre de mes ancêtres, c'était la première fois. J'ai vu les maisons détruites, soufflées par les obus, dans des villes fantômes que leurs habitants ont désertées sous la contrainte, la peur au ventre, marqués à jamais par le trauma de la guerre.
À Sotk, tout près de la frontière, d'où on entendait encore au loin les tirs d'armes lourdes, le maire m'a raconté combien le rapport de force est disproportionné s'agissant des moyens militaires, face aux drones azerbaïdjanais lanceurs d'obus, qui propagent dans l'air un acide qui ronge tout. À Vardenis, j'ai rencontré une petite fille qui m'a immédiatement fait penser à la mienne. J'ai rencontré ses parents et sa grand-mère, qui est un sosie de ma propre grand-mère, elle aussi arménienne et elle aussi issue de la guerre génocidaire. Ces rencontres avec les oubliés de la guerre, les non officiels, tous ces civils aux vies brisées, les véritables sacrifiés d'une guerre d'agression, sont celles qui m'ont le plus marqué. Je n'oublierai jamais leurs noms, leurs visages et leurs voix que personne, ou presque, n'écoute.