Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mardi 6 février 2024 à 16h30

La réunion

Source

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)

La commission procède à l'audition de Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'Éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, prioritairement sur les questions liées à l'Éducation nationale.

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Madame la ministre de l'éducation nationale de la jeunesse des sports, des Jeux olympiques et paralympiques, vous avez déjà été auditionnée à plusieurs reprises par notre commission, mais uniquement au sujet des sports et des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Nous vous entendrons aujourd'hui à propos de votre feuille de route pour l'éducation nationale, dont vous avez désormais aussi la charge.

Les chantiers qui vous attendent sont nombreux et nous intéressent au premier chef : lutte contre le harcèlement scolaire ; renforcement de l'attractivité de la profession d'enseignant ; choc des savoirs ; inclusion des élèves en situation de handicap ; amélioration des performances scolaires. Plusieurs membres de notre commission travaillent sur certains de ces sujets.

Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a fait des annonces qui concernent en particulier la revalorisation des personnels scolaires médico-sociaux et la prise en charge par l'État de la rémunération des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) intervenant pendant la pause méridienne. Pouvez-vous nous présenter ces mesures et leur calendrier ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques

Je suis ravie de venir devant vous avec de nouvelles responsabilités étendues à l'éducation nationale, au service de la réussite de tous les élèves de toutes nos écoles.

On l'a vu avec une acuité particulière ces dernières semaines, les Français attendent beaucoup de leur école. Cette attente est légitime et je veux y répondre avec le plus de clarté, le plus d'énergie possible, en donnant du sens aux réformes que nous conduisons, y compris au sein de mon administration, afin d'aider au mieux nos élèves. Je veux exprimer aux personnels de l'éducation nationale ma confiance dans leur expertise, leur expérience et leur volonté de trouver, au plus près du terrain, les solutions propres à favoriser la réussite de nos élèves.

Vous êtes, mesdames, messieurs les députés, les relais de ces attentes, à travers les travaux que vous menez dans cette commission en vue de contrôler et d'éclairer l'action du Gouvernement. Je sais votre attachement à notre modèle d'école, à l'ensemble de nos écoles, tout particulièrement à l'école publique.

Avant de vous exposer les axes de ma feuille de route, je voudrais évoquer le soubassement de l'ambition que nous avons pour l'école, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même, à savoir un budget renforcé par la loi de finances pour 2024. Vous avez voté des crédits inédits pour l'éducation nationale, dont vous avez porté le budget à 63,8 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de près de 8 % en un an et de plus de 30 % depuis le début du premier quinquennat du Président Macron, soit 15 milliards d'euros de plus qu'en 2017, alors même que la démographie scolaire diminue. Il s'agit donc d'un effort tout à fait particulier, d'un investissement à la hauteur de cet enjeu historique : faire réussir tous les élèves de toutes les écoles.

J'ai choisi d'organiser ma feuille de route en trois axes, directement inspirés de ce qu'avait entrepris le Premier ministre dans l'exercice de ses précédentes fonctions.

Le premier de ces axes consiste – je reprends volontiers sa formule – à « remettre de l'exigence à tous les étages ». Cela revient d'abord à réaffirmer l'autorité des professeurs qu'il s'agisse de la vie de classe, du contenu de leur enseignement, des décisions de notation – dès la rentrée 2024, il sera mis fin aux correctifs académiques lors des épreuves du baccalauréat et du brevet –, mais aussi des décisions de redoublement, le dernier mot revenant dorénavant à l'équipe pédagogique.

Le pendant de cette autorité réaffirmée des professeurs, c'est le choc des savoirs. Celui-ci concerne tous les niveaux : école primaire, collège, lycée. Concernant le premier degré, nous continuons les efforts engagés depuis 2017, dont les résultats sont déjà source d'importantes satisfactions. Je pense au dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation prioritaire et prioritaire renforcé (REP et REP+), que nous parachevons en dédoublant les classes de grande section de maternelle. Nous allons plus loin, avec la révision des programmes de français et de mathématiques, l'introduction d'éléments inspirés de la méthode de Singapour en mathématiques, la labellisation des manuels de mathématiques et de français en CP et CE1 et, pour la première fois, la participation renforcée de l'État au financement desdits manuels avec 30 millions d'euros inscrits dans la loi de finances pour 2024.

Au collège, la mise en place de groupes de niveau représente sans doute la dimension la plus emblématique du « choc des savoirs ». Elle interviendra dès la rentrée prochaine pour les classes de sixième et de cinquième. La dégradation des résultats tant en français qu'en mathématiques, qu'établissent notamment les enquêtes du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), rend cette évolution nécessaire. Elle doit nous conduire à mettre en œuvre des méthodes pédagogiques innovantes et à proposer aux enfants des contextes d'apprentissage différents. Il s'agit d'aider les professeurs à gérer l'hétérogénéité des classes qui les contraint à faire le grand écart, le système actuel produisant plus d'élèves en difficulté et moins d'excellents élèves. Les groupes de niveau visent à éviter cet écueil et à remettre en marche l'ascenseur scolaire. Il ne s'agit surtout pas de mettre fin au collège unique puisque la totalité des élèves continueront de suivre la totalité du programme. Nous ne voulons pas non plus créer des classes de niveau, mais des groupes dévolus aux mathématiques et au français. Nous ne voulons pas davantage nous inscrire dans une logique de relégation scolaire. Au contraire, nous voulons permettre à chaque conseil de classe d'évaluer les besoins des élèves et de modifier la composition des différents groupes de niveau, suivant une logique de progrès. Pour ce faire, nous dotons les établissements de 2 330 équivalents temps pleins (ETP) supplémentaires.

La création de ce que Gabriel Attal a appelé la prépa-lycée, expérimentée dès la rentrée 2024 et généralisée à la rentrée 2025, constitue une autre mesure emblématique de ce « choc des savoirs ». Elle doit permettre aux élèves qui échouent au brevet de se remettre à niveau et de reprendre confiance en eux avant d'attaquer l'année de seconde. La refonte du brevet verra également le poids des épreuves terminales augmenter par rapport aux notes de contrôle continu.

La dynamique de « choc des savoirs » concerne aussi le lycée : une nouvelle épreuve anticipée de mathématiques interviendra dès la session de juin 2026 du baccalauréat, sur la base d'un programme révisé tant en seconde qu'en première. Certaines innovations, comme des banques numériques d'exercices de mathématiques et de français, seront mobilisées pour aider les élèves.

La réforme de la voie professionnelle, dont je sais qu'elle suscite des interrogations, participe de cette dynamique. Elle vise à promouvoir l'excellence, notamment grâce à l'augmentation du volume horaire des enseignements, l'attribution de mentions aux lauréats du CAP, la création de groupes de besoins, aux effectifs réduits, en mathématiques et en français. Le cycle terminal s'ouvrira en une sorte de « Y », offrant le choix entre la voie de la poursuite d'études et celle de l'insertion professionnelle.

Le « choc des savoirs » s'accompagne d'une attention sans précédent aux enfants en difficulté. C'est le sens de la montée en puissance du dispositif « Devoirs faits », déjà obligatoire en sixième, comme de celle des stages de réussite ou encore de la généralisation du dispositif d'accueil de huit à dix-huit heures (8-18) en éducation prioritaire, qui vise à accompagner les enfants en complément du temps scolaire. Les élèves en grande difficulté bénéficieront, pendant le temps scolaire, de parcours renforcés et se verront proposer des contrats d'objectif individualisés.

Le deuxième axe concerne l'attractivité des métiers de l'enseignement et l'amélioration de notre efficacité en matière d'organisation. Nous réinventons la formation initiale des enseignants : les candidats passeront le concours au niveau bac + 3, et non plus bac + 5 ; l'architecture des licences sera révisée et, avec ma collègue Sylvie Retailleau, nous proposerons au Premier ministre et au Président de la République d'y introduire de nouveaux contenus de formation, correspondant à cet objectif. Nous repenserons également la formation continue et le déroulement de carrière, en portant une attention particulière au milieu de carrière, marqué par le mal-être et les départs volontaires.

Nous portons également une attention particulière aux autres métiers du service public de l'enseignement. Vous le savez, nous nous mobilisons depuis plusieurs années pour les enfants en situation de handicap. Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) effectuent un travail considérable. Nous avons créé des postes, revalorisé leurs salaires et aménagé les carrières. Par exemple, nous pouvons désormais leur proposer des contrats à durée indéterminée après trois ans d'expérience, contre six auparavant. Le Premier ministre et moi nous engageons à prendre en charge la rémunération des AESH pour le travail effectué durant la pause méridienne, afin que l'État assume toutes ses responsabilités.

Nous sommes attachés à revaloriser les infirmiers scolaires, qui sont 7 500. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre s'est engagé à leur verser une prime de 800 euros dès mai 2024, puis à augmenter leur rémunération de 200 euros net par mois, et à autoriser le cumul de leur fonction avec un exercice libéral.

Nous voulons également renforcer l'action des assistants de service social, et mieux accompagner les contractuels, qui font un travail remarquable aux côtés des équipes pédagogiques, notamment en améliorant les conditions de leur recrutement et de leur formation.

L'organisation des remplacements constitue une priorité. Nous observons déjà des résultats probants s'agissant de ceux de courte durée, puisque le nombre d'heures remplacées a triplé. Il est essentiel de résoudre également le problème des remplacements de longue durée, en embarquant toute la communauté éducative, y compris celle exerçant dans le privé, pour y parvenir.

Le troisième axe de ma feuille de route consiste à bâtir, avec la représentation nationale et la communauté éducative, l'école de l'épanouissement républicain, où ni la peur ni le harcèlement n'auront leur place. Phare, le programme de lutte contre le harcèlement à l'école, a été créé il y a plusieurs années ; nous poursuivons le durcissement engagé par mon prédécesseur. Dans les tout prochains jours, nous rendrons compte de l'évolution des phénomènes de harcèlement et du déploiement de nouvelles mesures. Elles répondent à une triple logique : « 100 % prévention », avec des référents désignés dans les établissements et 150 ETP supplémentaires pour renforcer les équipes pédagogiques ; « 100 % détection », en faisant monter en puissance le numéro 3018 ; « 100 % solution », afin que même dans le premier degré, il soit possible de faire changer d'école l'élève harceleur, et non plus l'élève harcelé.

Dans cette école, les valeurs de la République seront mieux transmises encore, dans la perspective de protéger et de garantir la laïcité dans tous les établissements. Nous favoriserons également l'engagement, en renforçant le service national universel (SNU), que le Président de la République a l'ambition de généraliser.

L'école de l'épanouissement républicain sera attentive à la santé de l'enfant et à son bien-être. Aussi développerons-nous les cours d'empathie. Nous l'ouvrirons aux besoins des élèves, notamment concernant les apprentissages ; ils seront guidés dans la découverte d'eux-mêmes et de leur relation aux autres et recevront une éducation à la vie affective. Nous serons plus ambitieux que jamais en matière de mixité sociale et scolaire dans tous les établissements.

Cette école sera inclusive. Ensemble, nous en écrirons le deuxième acte, afin d'organiser les bonnes modalités d'accompagnement humain et matériel, d'ouvrir globalement l'accès des enfants en situation de handicap. Vous savez quels engagements le Président de la République a pris lors de la Conférence nationale du handicap.

Elle sera plus ouverte sur la société, en accordant la même considération à tous les parcours, y compris à la voie professionnelle, notamment en renforçant la découverte des métiers en cinquième et en organisant en fin de seconde un stage de quinze jours visant à aider les élèves à anticiper leur orientation.

Enfin, elle donnera toute leur place au sport et à la culture, en élargissant leur présence au cœur des enseignements et en favorisant leur découverte dans les temps périscolaires et extrascolaires. J'ai évoqué l'accueil de huit heures à dix-huit heures en zone d'éducation prioritaire ; j'ajoute que nous développerons les classes à horaires aménagés dans les champs sportif et culturel, pour que l'école sache reconnaître les singularités de nos enfants et fasse grandir leurs talents. Alors que les écrans sont si prégnants que leur usage vire à l'addiction, l'école, au sens le plus complet du terme, les dotera des centres d'intérêt qui feront le sel de leur vie.

Cette feuille de route s'inscrit tout entière dans la logique du ministère, au moment même où il prépare les Jeux olympiques et paralympiques et nourrit l'ambition forte que ceux-ci éclairent et inspirent notre jeunesse, qu'ils lui donnent l'exemple, grâce aux nombreuses initiatives qui permettront aux publics scolaires d'assister aux épreuves olympiques et paralympiques. Plus largement, ils mettront notre pays en valeur comme jamais.

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Nous en venons aux interventions des orateurs de groupe.

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Nous vous accueillons, madame, en tant que nouvelle ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Il s'agit pour vous d'un très grand ministère, dont l'intitulé a suscité beaucoup de commentaires. Si votre bilan dans le domaine du sport mérite des éloges particuliers en cette année olympique, un autre grand défi se profile devant vous : l'éducation de notre jeunesse – « la mère des batailles », selon les mots du Premier ministre. C'est sur le bilan de cette action qu'il faudra vous juger.

Vous êtes rompue à la devise olympique. Êtes-vous disposée à l'appliquer à l'éducation nationale ? « Plus vite » : il est urgent de rendre à l'école sa place centrale. Votre prédécesseur a déjà amorcé une trajectoire, avec pour jalons l'autorité du professeur, le respect de l'institution et le renforcement des savoirs fondamentaux. Confirmez-vous que tous les acteurs partagent ces objectifs et que les mesures pour les atteindre sont déjà appliquées ? Il faudra également aller « plus haut » – parce que nous étions tombés très bas –, en continuant à faire progresser le budget de votre ministère. La rémunération des enseignants, des AESH et de tous les autres acteurs de l'éducation a déjà connu une hausse sans précédent. Pourriez-vous dresser un bilan des augmentations liées au déploiement du pacte enseignant, qui n'a pas toujours été accueilli favorablement sur le terrain ? Nous devons agir « plus fort », car nous avons souvent fait preuve de faiblesse. L'école doit participer à réaffirmer les valeurs de la République, en particulier la laïcité. Comment ferez-vous pour que l'école demeure une forteresse imprenable et apprenne à nos enfants comment devenir des citoyens éclairés et engagés ? Pouvez-vous nous en dire plus concernant le déploiement des cours de théâtre, l'expérimentation de la tenue unique et la lecture des grands textes ? La nouvelle devise olympique se termine par le mot « ensemble » : quelle politique comptez-vous mener pour les territoires les plus fragiles, notamment ruraux ? En effet, la baisse démographique entraîne toujours un risque de suppression de postes ou de fermeture d'écoles.

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Comme bon nombre de Français, nous sommes inquiets pour l'avenir de nos enfants, en raison du niveau catastrophique que l'on observe. Les résultats de la dernière enquête Pisa ont été publiés en décembre dernier : le bilan est affligeant s'agissant de la France. Septième puissance mondiale, elle se classe péniblement vingt-troisième des pays de l'OCDE et connaît un net recul. Les élèves sont particulièrement à la peine en mathématiques et en compréhension de l'écrit. Vous avez dit vouloir vous saisir du problème et annoncé, pour les résoudre, quelques mesurettes relatives aux mathématiques. Malgré leur médiocrité au regard de l'ampleur de la tâche, nous aurions pu saluer cette petite avancée si le Premier ministre n'avait pas en même temps annoncé, triomphalement, un nouveau programme d'éducation à la vie affective et sexuelle. Laissez nos enfants tranquilles ! Apprenez-leur plutôt à lire, à écrire et à compter !

L'effondrement du niveau dans toutes les disciplines ne peut que nous affliger. En histoire, par exemple, seuls 60 % des jeunes âgés de 16 à 24 ans savent que la Révolution française a eu lieu en 1789. Les petites mesures que vous annoncez et les odieuses normes sociétales que vous souhaitez implanter ne sont pas à la hauteur. C'est faire preuve de mépris envers les élèves et les générations futures que de laisser perdurer un système aussi inefficace. Votre prédécesseur éclair affirmait sa volonté de réformer ; les quelques mesures nécessaires qu'il avait énumérées en ce sens étaient toutes puisées dans le programme du Rassemblement national. Cela surprit ceux qui, enfermés dans de vulgaires querelles politiciennes, préfèrent brandir des symboles que s'atteler à éduquer les enfants et à bâtir leur avenir.

Madame la ministre, nous attendons des garanties. Aurez-vous le courage de lutter contre l'idéologie d'une gauche extrémiste aux abois, qui gangrène l'enseignement ? Aurez-vous la volonté politique de prendre les mesures nécessaires pour lutter concrètement contre les résultats médiocres que les classements internationaux affichent à la face du monde ?

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Je vous parlerai d'une femme engagée, injustement attaquée sur ses valeurs et son sens du service public. L'argent n'a jamais été son moteur ; elle s'investit par passion. Chaque jour, elle agit, pour faire réussir tous les élèves, au service de l'éducation nationale. Elle est heureuse quand les enfants, formés avec exigence à la maîtrise des savoirs fondamentaux, sont épanouis, qu'ils ont des amis, qu'ils sont bien, qu'ils se sentent en sécurité et en confiance. Quand elle rapporte sa rémunération au volume d'heures qu'elle « s'enfourne » chaque semaine, en travaillant souvent le week-end et même pendant les deux petits mois d'été, elle trouve qu'elle n'est pas bien payée. Mais elle sait qu'elle remplit une mission fondamentale ; passionnée par ses responsabilités, elle s'y consacre entièrement. Cette femme est professeure, ou AESH, ou assistante d'éducation, ou conseillère principale d'éducation (CPE). Elle croit en l'école publique, l'école de la République, mais voilà : la réalité lui donne tort. Elle a beau avoir l'amour du travail bien fait et le goût de l'effort, contrairement aux étiquettes que beaucoup voudraient lui coller, elle a beau avoir bien du mérite, elle est fatiguée. Blessée par le discrédit que vous avez jeté sur l'école publique, ulcérée par le séparatisme scolaire et les privilèges que les épisodes des derniers jours ont révélés, inquiète de la dégradation supplémentaire que le « choc des savoirs » de Gabriel Attal infligera au service public d'éducation, elle a fait grève jeudi dernier et aujourd'hui. Après dix, vingt ou trente ans d'exercice de ce métier qu'elle adore mais qu'elle ne reconnaît plus, elle songe, elle, à démissionner. Elle nous écoute, madame la ministre : qu'avez-vous à lui dire ?

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Cette audition est particulière, tant la situation est inhabituelle et, pour dire le vrai, assez critique. Le périmètre déraisonnablement élargi de vos fonctions ; les polémiques qui ont accompagné vos premiers pas dans un ministère qui vous est inconnu ; l'accession de votre prédécesseur au poste de Premier ministre, vous laissant une feuille de route qui ne porte pas votre marque ; la grève récente, et celles qui s'annoncent ; les bruits qui courent de votre possible départ : tout cela rend votre tâche très difficile, pour ne pas dire impossible. Pourtant, jamais l'école n'a eu tant besoin d'une action forte, d'une ligne claire ni, surtout, qu'on restaure la confiance de la nation, qui s'érode un peu plus à chaque publication d'une évaluation internationale du niveau dans des disciplines fondamentales, le français et les mathématiques, puisque nous nous trouvons relégués à un rang humiliant au sein de l'OCDE.

Pour créer le « choc des savoirs » espéré, mais déjà contesté, il faudra de la détermination et du savoir-faire. Les fermetures de classes, très nombreuses en milieu rural, rendent le contexte plus difficile encore, soulevant partout la colère des parents, des enseignants et des élus locaux.

Nous avons entendu votre feuille de route mais, vous le savez, tout est dans la capacité d'exécution. Comment comptez-vous rétablir le dialogue avec les enseignants ? Comment comptez-vous empêcher que renaisse l'opposition entre le public et le privé, que vos déclarations ont malheureusement ranimée, sans doute malgré vous ?

Je vous pose directement la question, madame la ministre : pensez-vous être à même d'exercer votre fonction ministérielle ?

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Nous considérons qu'il est urgent d'élever le niveau de tous les élèves, de redonner de l'attractivité au métier de professeur et de restaurer l'autorité des enseignants. Il faut repenser le système éducatif pour renouer avec l'égalité des chances. Pour y parvenir, nous défendons le modèle d'un collège qui s'adapte aux besoins de chacun. Il n'est pas question de revenir sur le collège unique, mais sur le collège uniforme, dont les difficultés sont connues, afin de proposer des parcours individualisés.

L'organisation des groupes de niveau semble poser des difficultés aux principaux de collège. Comment comptez-vous concrètement les résoudre ?

Il n'y a pas d'école sans professeurs. Ils ont besoin de reconnaissance et de soutien. Pour redonner de l'attractivité à leur métier, il faut poursuivre la revalorisation salariale et améliorer leurs conditions de travail, étroitement liées aux conditions d'apprentissage des élèves.

Nous avons proposé, d'une part, de voter une loi de programmation pluriannuelle de revalorisation salariale et, d'autre part, de profiter de la baisse démographique pour réduire les effectifs des classes. Quelles sont vos intentions en la matière ?

Enfin, nous souhaitons des enseignants experts de leur domaine, mieux formés, notamment en pédagogie, et mieux préparés à la réalité du terrain. Nous privilégions le retour du concours à bac + 3, suivi de deux ans en tant que fonctionnaire stagiaire, donc le maintien d'un diplôme de bac + 5. Cette réforme sera-t-elle appliquée à la rentrée 2024 ?

Le groupe Démocrate est très exigeant s'agissant de l'accomplissement des annonces du Gouvernement, et déterminé à vous accompagner. Nous le devons à notre école, à nos élèves et à nos professeurs.

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Lorsqu'on assume des responsabilités politiques, certains choix personnels ou familiaux peuvent soulever des questions, notamment lorsqu'ils dessinent un rapport particulier au domaine de la scolarité. Madame la ministre, quel est votre rapport à l'école publique ? Comment envisagez-vous les questions de la mixité sociale et du séparatisme scolaire – le fait que certains établissements cumulent toutes les difficultés, quand d'autres n'en connaissent aucune ? Comment construire une nation d'égaux, quand les enfants ne grandissent pas ensemble ? La question se pose avec plus de pertinence encore lorsqu'on prétend affermir la cohésion nationale et préparer le « réarmement civique ». Quelle sera votre politique en la manière ? Aucune action n'a été menée depuis sept ans. Quelle part entendez-vous confier au privé ?

Vous plaidez pour une école de l'épanouissement républicain. Quel rapport entretenez-vous avec les valeurs de la République ? Comment concevez-vous la pédagogie de la laïcité ? Comment veillerez-vous à ce qu'elles soient scrupuleusement enseignées, dans le privé comme dans le public ?

Comment envisagez-vous l'égalité des sexes et des genres, et l'éducation à la sexualité ? Le Conseil supérieur des programmes a rédigé un rapport relatif à ces sujets. Depuis décembre, il est sur le bureau de votre prédécesseur – le vôtre, désormais. Entendez-vous le rendre public ? Si les établissements ne remplissaient pas leur devoir d'appliquer les programmes en vigueur, quelle sanction prendriez-vous ?

Vous avez évoqué les moyens de l'éducation nationale. Quelle différence faites-vous entre des groupes de niveau et des groupes de besoins ? Quels moyens consacrerez-vous à la création des groupes de niveau ? Depuis 2017, 6 500 postes ont été supprimés ; si on tient compte de l'inflation, le budget de l'éducation nationale a diminué de 1,8 % entre 2017 et 2022. Vous n'avez pas augmenté les moyens de l'éducation, vous les avez baissés.

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Madame la ministre, votre prédécesseur avait reçu l'aval de nombreux enseignants, grâce à des directives claires qui devaient être appliquées sans ambiguïté. Les attentes sont grandes et justifiées : le climat est sensible, en raison notamment de la diminution du niveau des élèves. Priorité a été donnée à la revalorisation des salaires des enseignants et des autres catégories de personnel, à laquelle s'est ajouté le pacte enseignant. Cet outil permet aux professeurs d'être payés lorsqu'ils s'investissent davantage, par exemple en organisant des voyages scolaires, ce qui n'était pas le cas. Il peut constituer un levier efficace pour renforcer d'autres missions mal ou non rémunérées. Toutefois, il ne remporte pas une adhésion suffisante. Comment y remédier ?

Mardi dernier, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé des réformes complémentaires, comme la refonte de la formation des enseignants avec la création des écoles normales du XXIe siècle, et la prise en charge par l'État de la rémunération des AESH pendant la pause méridienne, afin de garantir la continuité de l'accompagnement des milliers d'élèves en situation de handicap. Nous pouvons aller plus loin en reconnaissant davantage le travail de ces professionnels indispensables.

Votre prédécesseur avait également fait de la lutte contre le harcèlement une priorité, en prenant enfin de multiples mesures. Quelques mois après, où en sommes-nous réellement ?

L'instauration des groupes de niveau est un des principaux motifs de la grève d'aujourd'hui. Ils ne semblent pas compris comme une chance de renforcer l'égalité ou de pouvoir enseigner différemment. Ils offrent pourtant l'occasion de procéder autrement avec des élèves en difficulté, en différenciant la pédagogie pour donner une chance à chacun. Il faut clarifier la mesure. Comment comptez-vous emporter l'adhésion des enseignants ?

Le groupe Horizons et apparentés restera très attentif à l'éducation et à la formation des enseignants, et mobilisé en leur faveur.

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Une classe d'école publique est composée de garçons et de filles qui se côtoient, se confrontent, se bagarrent ou s'aiment, au gré des heures et des jours. Ils portent des baskets neuves ou trouées, partent en vacances ou n'ont jamais vu la mer, ont un excellent niveau ou rament. La plupart mangent à leur faim trois fois par jour, d'autres ne mangent qu'à la cantine. Face à eux se trouvent des enseignants qui « s'enfournent » des heures et qui aiment leur métier. De toute façon, ils ne l'exercent pas pour l'argent ; contrairement à vous, ils ne négocient ni leur salaire ni des jetons de présence. Chaque jour, ils se démènent pour leurs élèves, pour tous leurs élèves, différents mais égaux. À leurs côtés travaillent des chefs d'établissements, des CPE, des assistants d'éducation (AED) ; aussi polyvalents que des couteaux suisses, ils courent, jonglent, consolent, s'épuisent – ils tiennent grâce aux collègues et aux enfants. Tous sont fiers de servir l'éducation nationale. Pour tous ces personnels engagés qui luttent avec peu de moyens, qui écument les brocantes pour acheter du matériel pour leur classe, qui organisent des ventes de gâteaux pour financer les sorties scolaires, chacune de vos prises de parole est un coup de poignard dans le dos. Depuis votre entrée en fonction, vous leur montrez que tout roule pour les enfants de la caste des privilégiés, pour ceux qui peuvent payer 3 500 euros une année de scolarité en demi-pension.

Madame la ministre, j'aurais préféré vous interroger sur les nombreux vrais problèmes de l'école – les 200 000 enfants en situation de handicap déscolarisés, les plafonds qui tombent, les classes où il fait trop chaud l'été. Mais nous en sommes à vous rappeler ce qu'est l'école publique, celle que je défendrai bec et ongles, celle que vous méconnaissez, méprisez et contournez. Il est des moments dans une vie où l'on s'honore à savoir reconnaître un échec et l'incapacité d'exercer une fonction. Arrêtons le massacre ! Chaque jour vous apporte son lot de souffrances, de casseroles, de désaveux. Devant vous, il n'y a qu'un mur, avec une porte de sortie : prenez-la !

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Une crise des vocations frappe cruellement notre pays, et concerne plus spécifiquement le recrutement des enseignants. Le nombre des candidats aux concours connaît une baisse très inquiétante, qui tend à s'aggraver d'année en année. Ils sont parfois moins nombreux que les postes à pourvoir. Les proportions sont alarmantes, qu'il s'agisse du concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) ou des concours du second degré – certains certificats d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes) sont en déshérence. Tout aussi préoccupant, le nombre des démissions aurait triplé entre 2013 et 2018.

Plusieurs facteurs matériels et symboliques peuvent expliquer cette désaffection. Le premier est le faible niveau de rémunération au regard des diplômes exigés. Douze années de gel quasi-complet ont figé le salaire du premier échelon des certifiés. Ensuite, les difficultés du métier ne sont pas assez reconnues, les conditions de travail se sont dégradées, les réformes ont bureaucratisé le métier et lui ont fait perdre son sens. Le déficit de considération est fortement ressenti. Enfin, la formation des enseignants est pointée du doigt, perçue comme trop prescriptive et en décalage avec la réalité.

Quelle politique salariale et sociale comptez-vous appliquer pour résorber le déficit d'enseignants, en redonnant envie aux étudiants d'exercer ce qu'on appelait communément le plus beau métier du monde ? Pensez-vous que la formation initiale prépare correctement les jeunes professeurs ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Depuis avril 2022, de nombreuses mesures visant à améliorer les conditions salariales des enseignants ont été prises. C'était indispensable et attendu. Désormais, un enseignant en début de carrière ne peut pas gagner moins de 2 100 euros net, 2 460 euros net en REP. Cette augmentation de 11 % résulte à la fois des efforts que nous avons consentis sur le socle de la rémunération en septembre 2023 et des revalorisations du point d'indice dans la fonction publique, en particulier avec l'octroi de cinq points d'indice majorés en janvier 2024.

Par ailleurs, nous avons pris des mesures tendant à fluidifier les carrières. Par exemple, nous avons porté le taux de promotion au deuxième grade de 18 % en 2022 à 22 % en 2024. Comme nous nous y étions engagés, nous avons également supprimé l'accès fonctionnel au troisième grade, la classe exceptionnelle, à partir de 2024, afin d'améliorer l'attractivité des débuts de carrière.

Nous devrons prendre d'autres initiatives spécifiques au milieu de carrière. C'est essentiel, car c'est le moment où la motivation et le bien-être au travail diminuent. Près de 40 % des enseignants sont prêts à changer de métier ; un tiers d'entre eux ne trouvent plus de sens à leur mission. Je veux les accompagner en les écoutant davantage, en prenant mieux en considération les problèmes affectant leur bien-être et les difficultés auxquelles ils sont confrontés, de la taille des classes au logement, en passant par l'action sociale et par la gestion des programmes informatiques, qui rendent le travail trop complexe. Je veux être à leurs côtés pour résoudre tous ces petits, moyens et grands problèmes du quotidien, qui leur pèsent, même si leur amour du métier reste immense – ce dont nous pouvons nous réjouir et les remercier.

Les AESH, qui ont trop souvent et trop longtemps subi des conditions précaires, constituent une autre de nos priorités. Nous avons commencé par créer des postes – 7 000 depuis 2022, dont 3 000 à la rentrée 2023. Sur le moyen terme, nous avons augmenté leur salaire de 40 %, nous venons d'accorder entre 10 % et 13 % de revalorisation salariale de la dernière tranche, en complément de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Pepa). Nous avons également majoré de 10 % l'indemnité des référents, qui apportent un soutien précieux aux AESH nouvellement nommés. Je ne reviens pas sur la réforme de l'accès au CDI. Nous savons qu'ils attendent une meilleure reconnaissance et nous réfléchissons à leur statut et à leurs besoins d'accompagnement et de formation. Nous nous sommes engagés à nous consacrer pleinement à ce chantier en déployant l'acte II de l'école inclusive, que je préfère appeler l'école pour tous.

Nous évaluerons le pacte enseignant au cours du mois de février, comme le Premier ministre s'y est engagé dans la déclaration de politique générale. Nous avons déjà retenu la date du 14 février pour communiquer aux organisations syndicales les premiers éléments quantitatifs sur son adoption. Il s'agit d'un outil utile pour favoriser l'innovation pédagogique et pour améliorer l'organisation, afin notamment d'assurer les remplacements de courte durée, qui sont la première mission que les enseignants assurent dans ce cadre. Il permet également de diversifier leurs engagements. Nous savons déjà qu'un tiers des enseignants l'ont conclu et que les taux dans le second degré sont supérieurs à ceux dans le premier degré. Grâce à lui, les professeurs des écoles peuvent assurer des missions de soutien scolaire, en particulier dans le cadre du dispositif « Devoirs faits », qu'ils plébiscitent largement.

Lors de sa conférence de presse de rentrée, le Président de la République a indiqué que des cours de théâtre seraient dispensés. Rachida Dati, ministre de la culture, et moi-même avons déjà décidé de mobiliser l'ensemble des associations et des professionnels de théâtre pour élargir les passerelles avec les établissements scolaires. Dans le même esprit, nous ouvrirons des clubs de théâtre là où il n'en existe pas encore, pour offrir aux collégiens une première initiation à sa pratique. Dans un second temps, nous ferons en sorte que l'éducation artistique et culturelle permette de mieux nous organiser afin de ne pas reculer sur le terrain de la musique et des arts plastiques, tout en donnant au théâtre la place attendue au cœur des maquettes scolaires. Il en ira de même pour l'histoire des arts, comme le Président de la République nous l'a également demandé.

Vous avez raison, nous devons continuer à nous engager en faveur des territoires ruraux. Ils réunissent 34 % des écoles de la République et 18 % des élèves, le taux d'encadrement y est donc plus élevé – parfois supérieur de deux points à la moyenne nationale. En revanche, il faut améliorer la visibilité des perspectives liées à la carte scolaire, en la portant par exemple à trois ans. Lorsque les prévisions démographiques sont défavorables, il faut mieux anticiper et renforcer la concertation avec les élus, tout en transposant, de manière adaptée, les initiatives que nous avons prises dans les réseaux d'éducation prioritaire en créant les cités éducatives. C'est tout le sens du programme Territoires éducatifs ruraux (TER). À la rentrée prochaine, ces derniers seront au nombre de 191. Ils nous permettront de coordonner les services de l'État, les élus et les acteurs associatifs, afin de proposer des solutions pédagogiques innovantes et adaptées. Dans un autre registre, le Conseil national de la refondation (CNR) nous permet également de nous y employer, avec 500 millions d'euros mobilisés sur cinq ans pour faire émerger des projets, y compris dans de très petits établissements. Ainsi, nous renouvellerons le métier et les savoirs de nos enfants.

L'éducation à la sexualité est essentielle pour que nos enfants puissent bien grandir. C'est une dimension essentielle de la construction de l'éducation du citoyen. La mise en place des trois séances annuelles consacrées à cette question étant beaucoup trop hétérogène, le Conseil supérieur des programmes a été saisi pour mieux définir les contenus d'enseignement et les compétences attendues. Nous avons reçu un premier rendu de ces travaux et avons demandé, avec le directeur général de l'enseignement scolaire, la poursuite de ce travail, qui sera soumis à la concertation au printemps et à la rentrée scolaire 2024, afin que les professeurs puissent avoir de la visibilité et des repères communs pour dispenser une éducation à la vie affective, à la vie relationnelle et à la sexualité qui soit adaptée au niveau et à l'âge de nos élèves.

En matière de taux d'encadrement, les premiers résultats sont déjà probants. Dans le premier degré, le nombre d'élèves par classe est passé de 23,2 en 2017 à 21,5 à la rentrée 2023. Corrélativement, le ratio P/E a augmenté ; les professeurs sont désormais plus nombreux devant nos élèves. Ce ratio, qui était de 5,54 équivalent temps plein pour cent élèves en 2017, est aujourd'hui supérieur à 6 et l'on estime qu'il sera de 6,03 à la rentrée 2024. Cette année, pour la première fois, la loi de finances pour 2024, revenant sur le schéma d'emplois initialement prévu, recrée des effectifs dans le second degré, à hauteur de 574 unités.

Ces moyens sont notamment mis au service de la création des groupes de niveau – ce qui n'est nullement, je le répète, une renonciation au collège unique ni l'instauration de classes de niveau, qui créeraient un système à plusieurs vitesses. Nous cherchons, au contraire, à donner plus de plasticité au système et à valoriser les progrès des enfants. Pour répondre à une question qui m'a été posée tout à l'heure, je ne fais pas de différence entre des groupes de niveau et des groupes de besoins – et même des groupes de progrès. La sémantique est en effet importante et peut évoluer en la matière. De tels groupes de progrès ou de besoins ont été créés avec succès dans des pays comme la Suisse ou le Danemark. À l'inverse, les classes de niveau ne fonctionnent pas et, partout où elles ont été expérimentées, elles ont créé des impasses.

Nous voulons remettre en marche l'ascenseur scolaire, car on ne peut pas se contenter de regarder d'un air navré les résultats des évaluations Pisa sans tenter autre chose. Ce serait folie que de reproduire toujours les mêmes méthodes face au même problème en espérant un résultat différent. Nous voulons donc innover et le faire avec les chefs d'établissement et les enseignants, qui auront tout notre appui, grâce aux cellules créées par les rectorats et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen), au vade-mecum élaboré par la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), et au « Dgesco Tour » assuré par les équipes d'Édouard Geffray, qui permettront de disposer, au plus près des territoires, d'une analyse des besoins et, si nécessaire, de réallouer certains moyens. Parmi les 2 330 ETP que j'évoquais tout à l'heure, 830 seront spécifiquement affectés dans les établissements qui comptent le plus grand nombre d'élèves en difficulté.

Les valeurs de la République sont pour moi un enjeu absolument majeur et je me félicite des résultats obtenus en la matière dans le cadre du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN) qui s'est tenu récemment autour du Président de la République. La fermeté paye. Gabriel Attal a pris la décision d'interdire le port de l'abaya et du qamis, et nous observons une baisse drastique des atteintes à la laïcité liées au port des tenues et des signes contraires à la loi de 2004. Nous fêterons, le 15 mars prochain, le vingtième anniversaire de cette dernière et nous aurons à cœur de le faire de manière digne et engagée, notamment dans le cadre d'une initiative que j'ai évoquée avec Dominique Schnapper, présidente du Conseil des sages de la laïcité, consistant à créer un groupe de travail dans les établissements privés pour nous assurer qu'ils appliquent pleinement et effectivement le principe de laïcité.

Nous surveillons comme le lait sur le feu les autres atteintes à la laïcité que sont les violences verbales, l'apologie du terrorisme ou le refus de se soumettre à certains enseignements. Sur tous ces plans aussi, la réponse des équipes pédagogiques et des chefs d'établissement est à la hauteur. Parmi les 1 812 cas d'atteinte à ce principe qui nous sont remontés en novembre, 40 % ont donné lieu à dépôt de plainte, 208 mesures conservatoires d'interdiction d'accès à l'établissement ont été prononcées et 120 élèves ont été exclus définitivement. Nous continuerons dans cette voie de fermeté. Dans ce domaine comme dans ceux de la promotion de la place des femmes, du combat pour l'égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre toutes les discriminations, je pense avoir assez prouvé dans mon mandat ministériel des vingt derniers mois mon engagement absolu, y compris lorsqu'il a fallu l'affirmer au Qatar.

Face à la crise des vocations, et en réponse à la commande que nous a passée le Président de la République, nous engageons une révision des mécanismes de formation initiale, afin d'anticiper le passage du concours du niveau bac+5 à celui de bac+3, en créant des parcours de licence pour le professorat des écoles et pour les professeurs certifiés, et en améliorant, pour les deux années de master, le panachage entre la finalisation de la formation disciplinaire et les besoins spécifiques de la pratique et de la gestion de la vie de classe. Cette réforme structurante est très importante. Le Président de la République a dit sa volonté de voir émerger ces nouvelles écoles normales du XXIe siècle et nous reviendrons vous présenter des propositions étayées, qui sont en cours d'arbitrage auprès du Premier ministre.

Quant à la mixité sociale et scolaire, j'ajouterai à ma réponse précédente que je veillerai à la qualité des contrôles financiers, administratifs et pédagogiques visant les établissements privés, ainsi qu'à la pleine application des dispositions prévues par le protocole signé en mai 2023 avec le secrétariat général de l'enseignement catholique, ce qui suppose un suivi des conditions d'accès aux établissements et la transparence de l'accueil des élèves à besoins particuliers, y compris des élèves en situation de handicap. Il s'agit également d'aller au bout de nos engagements, qui prévoient l'augmentation de 50 % en cinq ans du nombre d'établissements proposant une modulation des contributions familiales en fonction des revenus des familles, et un doublement du taux d'élèves boursiers partout où les établissements peuvent disposer des mêmes aides fournies par les collectivités locales. Pour toutes les dispositions qui forment ce plan d'action, nous avons déjà engagé des discussions à propos de toutes les dispositions de ce plan d'action, et poursuivrons cette démarche afin qu'il soit pleinement appliqué.

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Nous en venons aux questions des autres orateurs.

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Depuis 2017, notre majorité a déployé des efforts de grande ampleur pour améliorer la scolarisation des élèves en situation de handicap et des élèves à besoins particuliers. Permettre à l'école de la République d'être pleinement inclusive est un chantier prioritaire pour relever le défi de la lutte contre les inégalités.

Du terrain remontent de nombreux problèmes liés au manque de moyens matériels et humains, aux difficultés de recrutement des AESH, à la formation souvent insuffisante des personnels enseignants et non-enseignants et à la surcharge de certaines classes, peu propice à une prise en charge optimale des élèves à besoins particuliers.

Face à ces difficultés, il nous faut déclencher l'acte II de l'école inclusive, que vous avez appelé Pacte pour tous, conformément à l'engagement pris en avril 2023 par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap, laquelle a prévu une série de mesures destinées à renforcer la dimension inclusive de notre école. Nous devons avancer en la matière en actant des mesures telles que la remise en cause des pôles inclusifs d'accompagnement localisé (Pial) ou le rapprochement entre le médico-social et l'éducation nationale. Quelle est votre feuille de route en la matière ?

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J'ai sous les yeux une offre d'emploi publiée sur le site Le Bon Coin : « Recherche professeur de collège. Urgent. Collège Hubert Fillay de Bracieux ». Voilà trois mois que ce collège n'a pas de professeur de français. Ma question porte donc sur le remplacement de courte durée – et même de longue durée – dans le second degré.

Le pacte, comme vous devriez commencer à le percevoir, ne peut pas fonctionner, car il est affecté d'un défaut de conception : on ne peut pas remplir une obligation de moyens si on n'emploie que des volontaires. Lorsque cent professeurs sont absents et qu'il n'y a que trente volontaires, le taux de non-couverture est évidemment de 70 %. Cela porte atteinte au bon fonctionnement du service public et à son image. Dans le privé, les choses sont plus simples, puisque les établissements bénéficient d'un petit volant de contractuels qu'ils utilisent à leur gré, mais ce n'est pas le cas pour l'enseignement public.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour assurer, comme le souhaite le Président de la République, 100 % de remplacements immédiatement ?

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À la fin de la procédure 2023 de Parcoursup, sur 917 000 bacheliers, 148 étaient sans affectation, contre 160 en 2022, 239 en 2021 et 591 en 2020. Ces chiffres sont en constante amélioration, grâce notamment au travail des professionnels investis dans les commissions académiques d'accès à l'enseignement supérieur, que je tiens à saluer. Ils montrent néanmoins que de jeunes bacheliers ont toujours des difficultés à trouver les formations qui leur conviennent. Certaines filières sont largement surdemandées, alors que d'autres manquent de candidats. Malgré les classes de troisième prépa-métiers et autres stages, le déséquilibre persiste dans de nombreuses formations entre le nombre des candidats et celui des places disponibles, souvent par manque de connaissance des possibilités d'orientation.

Qu'en est-il de l'accompagnement personnalisé de nos lycéens tout au long de l'année, notamment au mois de juin ? Plus en amont, que pouvez-vous nous dire de la mise en œuvre de la découverte des métiers au collège, destinée à lutter contre les a priori ?

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Si l'on en croit les sondages, le port de l'uniforme semble bien faire fureur chez les plus de 55 ans. Les élèves, en revanche – c'est-à-dire ceux qui sont concernés –, sont beaucoup moins enthousiastes. À Marseille, au Mans ou à Plouisy, les jeunes et la communauté éducative ont clairement dit non à cette expérience voulue par votre ministère. Nous attendons donc avec impatience votre liste de la centaine d'établissements volontaires pour mener cette expérience, car vous semblez être un peu à la peine.

Ces tenues coûtent 200 euros et vous vous êtes engagée à ne pas faire payer les familles : où allez-vous trouver cet argent ? Si, cette année, vous prenez en charge ce coût pour les établissements qui participent à l'expérience, assumerez-vous également – peut-être, d'ailleurs, de façon rétroactive – le coût des tenues uniques actuellement à la charge des familles dans les écoles publiques qui l'imposent depuis longtemps, par exemple en Guadeloupe, à la Martinique ou à La Réunion ? Enfin, si l'uniforme est imposé partout en France en 2026, comme vous le préconisez, où trouverez-vous les 2 milliards d'euros que cela coûtera ?

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Dans la circonscription du département de l'Oise dont je suis élu, neuf fermetures de classes sont annoncées. Certaines me paraissent légitimes, du fait notamment de la baisse démographique, et je n'ai pas pour habitude de défendre l'indéfendable. Je citerai toutefois deux cas concrets.

Le premier concerne l'école Jean-Gautier de Sacy-le-Grand, où le nombre d'élèves par classe, qui se situe actuellement à une moyenne raisonnable d'un peu plus de 21, passerait, après fermeture, à plus de 25, ce qui ne respecte déjà pas l'engagement du Président de la République, qui promettait 24 élèves par classe partout sur le territoire national. Or cette école compte plus de 100 heures de présence d'AESH par semaine, soit près d'une dizaine d'AESH présentes dans l'établissement. Après fermeture, les classes compteraient donc plus d'une trentaine de personnes.

Second cas concret : à l'école du Parc d'Agnetz, l'effectif moyen par classe, qui est actuellement de 21,6, sera de près de 24 après fermeture. Ce chiffre est certes conforme aux engagements, mais cet établissement a vu fondre le nombre de ses élèves, non pas seulement à cause de la baisse démographique, mais aussi du fait de l'implantation d'un établissement privé sous contrat à 400 mètres. L'école publique doit assurer un service de qualité dans un cadre serein et apaisé.

Quand l'éducation nationale examinera-t-elle les situations au cas par cas pour fixer une carte scolaire juste ?

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Votre prédécesseur a annoncé des mesures fortes visant à améliorer le niveau et le bien-être des élèves, qui ont suscité une large adhésion de la part des Français et que je ne peux que saluer. Il convient désormais de les mettre en application, notamment pour ce qui est de l'organisation des groupes de niveau en français et en mathématiques au collège. La volonté de prendre en compte les difficultés de chacun pour permettre l'épanouissement et la réussite de tous est salutaire, mais elle réclame, dans chacun de nos établissements, une organisation fine et des moyens importants.

Quelle marge de manœuvre entendez-vous laisser aux établissements pour mettre en place ces groupes ? À quelle hauteur seront-ils accompagnés par le ministère, tant en termes de moyens humains qu'au niveau organisationnel ?

Dans mon département des Hauts-de-Seine, le directeur académique a pu travailler avec chacun des collèges afin d'évaluer et de répartir les besoins en vue de la constitution des groupes de niveaux, avec une priorité donnée au groupe 1, celui des enfants les plus en difficulté. Cette montée en puissance progressive serait parfaitement compréhensible compte tenu du temps nécessaire pour évaluer les besoins financiers et en ressources humaines que suppose la création de groupes de niveau, mais elle pose avec encore plus d'acuité la question de l'adaptation locale.

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En juillet 2017, Emmanuel Macron faisait la promesse qu'aucune classe ne serait contrainte à la fermeture en milieu rural. Voilà quelques jours encore, dans l'hémicycle, vous déclariez : « Je ferai de la place de l'école dans nos ruralités l'une de mes priorités. » Que dites-vous aujourd'hui aux parents d'élèves et aux enseignants de Villevallier, Malay-le-Grand, Joigny, Rosoy, Véron, Villeneuve-la-Guyard, Villeneuve-sur-Yonne, Domats, Montacher-Villegardin Saint-Clément et Sens, qui voient la nouvelle carte scolaire faire disparaître l'une de leurs classes ? En dix ans, dans mon département de l'Yonne, 232 classes ont été purement et simplement supprimées.

La qualité de l'instruction dispensée à tous nos enfants – et pas seulement à ceux des quartiers dits prioritaires – ne doit pas être dictée par des ratios, des statistiques ou de la comptabilité. Quand arrêterez-vous votre politique de casse scolaire ? Quand arrêterez-vous de fragiliser la ruralité ? Quand arrêterez-vous d'appliquer une logique comptable, au détriment de l'intérêt éducatif de nos enfants, qui est le seul qui compte ?

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L'Assemblée nationale a lancé, à l'initiative de mon collègue Yannick Monnet, une évaluation des politiques publiques visant à favoriser l'accès à la culture des personnes en situation de handicap, dont je suis co-rapporteure. Nous interrogerons notamment le bureau de l'école inclusive de la Dgesco.

Quelle est la place donnée à l'accès à la culture dans le cadre de l'école inclusive ? Quelle est votre évaluation et que comptez-vous accomplir en la matière, au sens large ? Pour ce qui est de la formation des enseignants et de l'accessibilité des outils pédagogiques dont ils disposent pour favoriser l'accès des élèves en situation de handicap à la culture, quel constat dressez-vous et quelles sont vos ambitions ?

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Madame la ministre, j'avais prévu de vous interroger sur les groupes de niveau, mais je ne peux pas vous laisser dire d'énormes contrevérités sur le programme d'éducation à la vie affective et à la sexualité. Le 14 décembre dernier a été remis sur le bureau du ministre de l'éducation nationale un programme voté à l'unanimité par le Conseil supérieur des programmes (CSP) et qui avait fait l'objet d'un travail colossal au long des six mois d'auditions auxquelles nous avons procédé – du mois de juin, quand nous avons été saisis par Pap Ndiaye, jusqu'au mois de décembre.

Or, contrairement à ce que vous venez de dire, il n'est prévu à aucun moment de retravailler sur ce programme. Le CSP n'a pas du reste été saisi jusqu'à aujourd'hui de projets en ce sens – je le sais, puisque j'en fais partie. Que voulez-vous faire de ce programme ? Si vous voulez l'enterrer, il faut nous le dire clairement.

Ma deuxième question porte sur les groupes de niveau. Les moyens sont constants et la marge de la dotation globale horaire est utilisée par les chefs d'établissement comme une souplesse pour l'établissement. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, dans ma circonscription, une fois constitués les groupes de niveau, il ne reste plus d'heures pour monter des groupes de langue de vingt élèves ni pour faire du latin ou du grec. Comment comptez-vous faire ?

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Les écoles rurales, qui sont les piliers de nos territoires ruraux et contribuent au dynamisme de nos communes rurales, sont souvent le dernier service public. En avril dernier, la Première ministre a annoncé une nouvelle méthode, reposant sur une carte scolaire à trois ans et un conseil de la concertation. Force est de constater que, dans de nombreux départements, comme le Calvados, dont je suis élu, ces conseils de la concertation n'ont pas été réunis et nous n'avons toujours pas de visibilité à trois ans de la carte scolaire.

À partir de quand ces conseils de la concertation devront-ils obligatoirement se réunir et à partir de quand la carte scolaire à trois ans entrera-t-elle en vigueur ? Compte tenu des fermetures annoncées pour la rentrée 2024, cette méthode sera-t-elle généralisée partout en France pour la rentrée 2024 ?

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Le 5 décembre dernier, Gabriel Attal, alors chargé de l'éducation nationale, présentait son plan d'action intitulé « choc des savoirs », visant à offrir aux élèves un accompagnement personnalisé et à les doter ainsi des savoirs fondamentaux nécessaires pour affronter leur vie professionnelle.

Vous avez voulu, à juste titre, vous saisir de ces questions primordiales et poursuivre dans cette voie. Cependant, comme toute réforme, celle-ci s'accompagne de questionnements sur le terrain. Plus précisément, le « choc des savoirs » annonce l'introduction de groupes de niveau en français et en mathématiques, à propos desquels des enseignants en section d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) de ma circonscription m'ont fait part de leurs interrogations – je pense notamment aux enseignants du collège Jean-Jaurès d'Étaples-sur-Mer.

Enseignant certifié pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap, j'ai pu constater le besoin qu'ont ces derniers d'un suivi individualisé. La Segpa constitue d'ailleurs une sorte de groupe de besoins permettant aux élèves en difficulté de progresser en toute sérénité. Les enseignants se demandent donc si le « choc des savoirs » s'appliquera aux Segpa, et selon quelles modalités. Ces élèves seront-ils intégrés aux groupes de niveau en mathématiques et en français ?

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Madame la ministre, je salue tout d'abord vos efforts pour mettre en mouvement les personnels de l'éducation nationale : ils sont descendus dans la rue aujourd'hui encore, après la semaine dernière, pour demander votre démission.

Avant cette probable démission, j'aimerais vous interroger au sujet de l'école privée, que vous avez particulièrement mise à l'honneur dès votre prise de fonctions. Selon vous, devrait-elle continuer à bénéficier des fonds publics, au motif qu'elle participerait de l'école de la République ? La République implique le refus de discriminer les individus en fonction de l'origine sociale, du genre, de l'orientation sexuelle ou de la religion.

Comptez-vous contraindre ces établissements privés qui reposent fondamentalement sur un tri social et scolaire, comme Stanislas, à remplir des objectifs de mixité scolaire et sociale ? Si oui, comment ?

Comptez-vous interdire cette aberration, heureusement fort rare, que sont les classes non-mixtes qui existent dans certains établissements privés sous contrat, comme Stanislas ?

Quelles sanctions prévoyez-vous pour les établissements privés qui véhiculent des stéréotypes sexistes et homophobes et enfreignent la laïcité jusque dans leurs enseignements et leur règlement intérieur, comme Stanislas ?

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Je salue l'action des enseignants et du personnel éducatif, qui se battent tous les jours avec passion et conviction, dans des conditions parfois difficiles, pour nos enfants de France.

Les dédoublements de classe et les nouveaux moyens alloués ne sont pas pour la ruralité. Je n'ai pas l'intention d'opposer milieu urbain et milieu rural mais dans ma circonscription de Seine-et-Marne, une nouvelle classe de petite commune va encore fermer à la rentrée prochaine. Pour vos services, un élève égale une place, mais pour ces communes, c'est tout un écosystème qui vit grâce à l'école. Les parents tremblent dans l'attente de la confirmation de la sentence et les maires se demandent comment ils vont organiser l'école. Les classes comptent souvent trois niveaux et les regroupements d'écoles obligent les parents à faire plusieurs dizaines de kilomètres, le pire étant que, si l'annonce de la décision intervient au premier semestre, il faut attendre le mois de juin, voire la rentrée de septembre, pour savoir si la fermeture est, ou non, confirmée.

Quand comptez-vous prendre en compte les spécificités de la ruralité dans votre modèle de gestion des fermetures de classes ?

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Madame la ministre, je voudrais appeler votre attention sur les grandes difficultés que rencontrent les élèves des lycées professionnels pour trouver des stages en entreprise. Ces stages ont une durée obligatoire de quatorze semaines en CAP et de vingt-deux semaines pour le cursus bac pro. Les élèves concernés sont majoritairement mineurs, or de nombreuses entreprises refusent de prendre des stagiaires mineurs.

Plusieurs responsables d'établissement, ainsi que des élèves et des familles de ma circonscription du Pas-de-Calais, m'ont alertée. Mon propre fils, qui était en bac pro métiers de la sécurité, a lui-même été confronté à cette difficulté. C'est à la fois injuste et démotivant. Pour beaucoup de jeunes qui ne bénéficient ni de passe-droit ni de piston, le système ne fonctionne pas. Que proposez-vous ?

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En décembre dernier, ma collègue Francesca Pasquini et moi-même avons présenté un rapport relatif à l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques, que cette commission nous avait confié. Il traitait de l'ensemble de ce vaste sujet, de la nécessaire rénovation du bâti scolaire à l'alimentation, à l'introduction de la sobriété, aux transports et, de manière significative, à l'aspect pédagogique.

En la matière, nous préconisons notamment de renforcer les dimensions transversales et concrètes de l'éducation au développement durable dans les programmes, d'instituer une validation de parcours obligatoire en classe de troisième pour cette matière et de sanctuariser un temps de classe dehors, ainsi que d'inciter les enseignants à cette pratique qui comporte de nombreux aspects positifs pour l'enfant.

Madame la ministre, quel sera votre engagement à cet égard et, plus globalement, comment entendez-vous agir pour que l'école puisse répondre à l'urgence climatique et être motrice des transitions nécessaires ?

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Voilà quelques jours, ma collègue Annie Genevard et moi avons présenté ici même les conclusions de la mission d'information sur l'apprentissage de la lecture. Les chiffres sont très alarmants. Vous les connaissez et je ne citerai que celui de la journée défense et citoyenneté, qui fait apparaître que deux jeunes sur trois seulement présentent des acquis solides en termes de lecture et de compréhension.

Pour lutter contre cet état de fait, nous sommes convaincus que de nombreuses réponses se trouvent au cœur même des classes et de l'enseignement. Nous avons donc formulé trente-cinq préconisations, que nous viendrons prochainement vous présenter dans le détail et qui portent sur les méthodes d'apprentissage en classe de CP, sur la refonte de la formation initiale des enseignants, sur la labellisation et le renouvellement complet des manuels de lecture en CP, sur le soutien aux bibliothèques et sur le développement de la lecture partagée en dehors de l'école.

L'enseignement de la lecture est le plus fondamental, car tous les autres en découlent. Quelle sera votre action en la matière ?

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Madame la ministre, lorsque vous parlez de mixité sociale, vos propos sonnent faux. Vous avez beau égrener vos éléments de langage, vous ne convainquez personne, car vos mots ne résistent pas aux faits.

La baisse du nombre d'élèves par classe, que vous évoquez, est une moyenne, et le dédoublement de quelques classes a mécaniquement augmenté le nombre d'élèves des autres classes, comme nous l'observons sur le terrain. Si vous étiez allée dans une école ou un collège publics ces derniers mois ou ces dernières années, et pas seulement ces derniers jours, vous le sauriez.

Vous sauriez aussi que la réforme des groupes de niveau n'est pas seulement néfaste, mais qu'elle est aussi impossible à mettre en œuvre aujourd'hui, avec les moyens donnés au collège, sans supprimer des options comme le latin ou des demi-groupes qui permettent d'avoir accès aux travaux pratiques en sciences.

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À propos des groupes de niveau, permettez-moi d'évoquer l'exemple d'un collège public en Bretagne, dont la principale, constatant que la dotation horaire globale (DHG) ne permettait pas de créer ces groupes au-delà des deux classes par niveau existantes, a annoncé aux enseignants qu'il n'y aurait plus ni latin ni allemand ni groupes de sciences expérimentales à la prochaine rentrée. La professeure de lettres classiques de ce même établissement, le cœur brisé, alerte : dans un contexte aussi concurrentiel que le nôtre et compte tenu de la force du privé dans cette région, on ne s'y prendrait pas mieux si on voulait tuer l'enseignement public !

Cette professeure évoque aussi les déplacements entre établissements qu'induira pour les enseignants la « mise en barrette » des cours dans ce petit établissement, ainsi que les risques routiers et la surcharge de travail auxquels ils seront exposés.

Pouvez-vous rassurer cette professeure de latin, dont l'investissement est reconnu mais qui m'a confié son envie de jeter l'éponge, et nous assurer de la volonté de votre ministère de préserver le latin et l'allemand, enseignements qui sont gages de réussite et dont la rigueur, prisée notamment par les établissements privés, doit bien évidemment rester accessible à tous. Ce sont de puissants moteurs d'ascenseur social, dont j'ai moi-même bénéficié et qu'il nous faut défendre.

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Nous devons absolument réussir l'acte II de l'école inclusive. Sans reprendre les douze mesures annoncées par le Président de la République, je reviendrai rapidement sur les trois axes principaux.

Le premier est le déploiement d'un grand plan de formation initiale et continue des équipes pédagogiques. Le deuxième, l'amélioration des fonctions des AESH, qui pourront travailler plus et mieux, y compris, comme cela a été dit à plusieurs reprises, sur le temps méridien, avec la prise en charge par l'État de leur temps de travail. Ce sera aussi l'amélioration du travail mené avec les équipes médicosociales qui seront positionnées auprès des écoles, des collèges et des lycées pour intervenir en soutien des élèves et des équipes pédagogiques. Au-delà d'une meilleure organisation collective et d'un renforcement des conditions de travail pour nos AESH, il s'agit bien de garantir l'accessibilité, y compris sur le plan matériel et numérique, pour faire réussir cette école pour tous.

Pour ce qui est de l'accessibilité de la culture pour les élèves en situation de handicap, deux situations assez différentes se présentent aujourd'hui. Dans les établissements, la part collective du pass culture est un outil majeur qui, avec 57 millions d'euros mobilisés, donne aux établissements les moyens d'embarquer les élèves dans les activités culturelles. Ce n'est pas le cas, en revanche, dans les instituts médico-éducatifs (IME). J'ai demandé à la Dgesco d'y travailler et de faire en sorte qu'à tout âge scolaire, de la sixième à la terminale, les enfants en situation de handicap puissent bénéficier de cet accès à la culture. Je sais que les professionnels de la culture sont très engagés à nos côtés pour garantir cet accès.

Vous avez raison de souligner le problème des remplacements, qui est à la fois un symptôme de difficultés d'organisation et une cause de pertes de chance pour nos élèves. Aucun autre gouvernement avant nous ne s'est autant attaqué au problème des remplacements de courte durée (RCD). En agissant sur l'organisation, notamment de la formation continue, nous pouvons ramener à 25 % seulement le volume de causes endogènes, c'est-à-dire générées par notre propre organisation, indépendamment des professeurs et de leur situation. D'après les tableaux de bord créés spécialement à cet effet, 11,52 % des heures sont aujourd'hui remplacées, contre 4,5 % un an plus tôt, soit un triplement entre le dernier trimestre 2022 et le dernier trimestre 2023.

Il faut aussi mentionner le recul d'un peu plus d'un point, sur la même période, du nombre d'heures non assurées. Je rappelais tout à l'heure le succès du pacte et le fait que la mission RCD, prioritaire dans l'allocation des parts de pacte, permettait déjà de dégager un volant d'heures supérieur à 1,3 million. Nous devons aller plus loin pour améliorer l'ensemble de ces points et je ferai, dès cette semaine, des propositions en ce sens au Premier ministre et au Président de la République.

S'agissant de la découverte des métiers, la situation était qu'à la fin du collège, nos élèves ne connaissaient en moyenne que dix métiers. Parce que nous voulons qu'ils en connaissent au moins cinquante, cet enseignement de découverte sera déployé entre la cinquième et la troisième, partout, pour la rentrée de 2024. Le déploiement est prévu en deux temps : une phase d'expérimentation puis une phase de généralisation, en cours, qui se traduit par la présence d'au moins un coordinateur de cet enseignement par collège et des actions telles que des rencontres de professionnels ou des visites d'entreprises.

Dans la même logique, nous voulons généraliser le stage de quinze jours à la fin de la seconde. Plus de 200 000 offres sont déjà proposées sur une plateforme du site « 1 jeune, 1 solution » : tous les élèves pourront y trouver des stages pour découvrir davantage de métiers et améliorer leurs conditions d'orientation.

La tenue commune, elle, est encore en phase d'expérimentation. En aucun cas la généralisation ne peut être décidée sans que la soutenabilité de son coût ait été évaluée. L'État s'est engagé à partager ce coût pour moitié avec les collectivités ; ainsi se justifie le fléchage de 2 millions d'euros dans les moyens du fonds d'innovation pédagogique (FIP) pour accompagner 100 écoles. L'expérimentation commence à monter en puissance : plus d'une centaine d'établissements ont manifesté leur volonté de s'engager, et la dynamique se poursuivra. Nous examinerons de près les répercussions de la tenue unique sur les inégalités sociales, le climat scolaire ainsi que le sentiment d'appartenance et d'unité qu'elle peut procurer aux élèves des établissements concernés.

Pour ce qui est de la saisine du CSP, j'ai évoqué les points que vous soulevez lors de deux échanges nourris avec Marc Sherringham, ainsi qu'avec la Dgesco. Le CSP n'a pas achevé son travail : le programme n'est pas encore publié, et nous avons demandé certaines évolutions. Les discussions suivront leur cours normal pour de tels travaux.

S'agissant de la carte scolaire, la France possède le maillage territorial le plus fin en écoles, avec 15 000 écoles d'une à trois classes. Il faut préserver cette richesse, cette densité. Les territoires ruraux comptent 34 % des écoles publiques, dans lesquelles sont scolarisés 18 % des élèves. Comme je l'ai déjà souligné, le taux d'encadrement y est donc favorable – dans certaines collectivités, il dépasse même de deux points la moyenne nationale. De ce point de vue, je veux d'ailleurs rappeler à la fois nos efforts pour le premier degré en zone d'éducation prioritaire et, plus largement, les évolutions favorables du ratio d'encadrement. Entre 2017 et 2023, il est passé de 24 à 21,7 élèves par classe en maternelle et de 23 à 21 élèves par classe dans l'élémentaire, sur le plan national. Ces évolutions sont encore plus marquées dans le réseau d'éducation prioritaire, où le ratio a diminué de 23 à 17,4 en REP+ et à 18,4 en REP. Ce sont là des résultats significatifs.

Au-delà de la refonte du cycle terminal, nous nous attachons à améliorer les conditions d'insertion des jeunes et les liens avec les entreprises, notamment par la création des bureaux des entreprises, qui ont pour vocation d'appuyer la recherche de stages et animer les liens entre un établissement et son tissu économique. Nous déployons également le dispositif Ambition emploi, par lequel le jeune n'est plus laissé à lui-même en juillet, après le bac. Il est recontacté par l'établissement, qui peut l'inscrire de septembre à décembre de l'année suivante, afin d'effectuer des stages ou de parfaire sa formation.

La mission d'information conduite par M. Le Vigoureux et Mme Genevard l'a montré, la lecture est l'un des apprentissages fondamentaux sur lequel s'appuie la scolarité. Il faut en sécuriser la maîtrise. Les évaluations de CP, de CE1, de CM1 comme de sixième et de quatrième ont mis en évidence une progression ; il faut continuer. C'est le sens du dédoublement des classes en REP et en REP+ ainsi que de la révision des programmes des cycles 1 à 4 dans le cadre du « choc des savoirs » et de la labellisation des manuels de français, avec la contribution financière de l'État.

Les Segpa ne sont pas concernées par l'instauration des groupes de niveau. La question de l'égalité des chances y est abordée avec l'attention qu'elle requiert pour ces élèves à besoins éducatifs particuliers.

Les instances de concertation et de dialogue avec les élus des territoires ruraux ont bien été créées à la fin de l'année 2023. Elles ne sont toutefois pas mises en œuvre de manière homogène dans l'ensemble du territoire. J'enverrai à ce sujet un courrier aux recteurs et aux Dasen afin que cette nouvelle instance soit instaurée dans tous les départements. Elle joue un rôle majeur dans la conduite de notre politique éducative en faveur des territoires ruraux.

Trois dispositions visent à renforcer la mixité sociale et scolaire dans l'enseignement privé. D'abord, la constitution d'une base de données publique qui garantira la transparence sur les conditions d'accès à ces établissements et l'évolution de la mixité. Ensuite, le renforcement de l'accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers. Enfin, l'engagement d'augmenter d'au moins 50 % en cinq ans le nombre d'établissements privés proposant des contributions familiales modulées en fonction des revenus.

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Nous en venons à la deuxième salve de questions.

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L'épanouissement républicain, une de vos priorités, participe autant à l'émancipation individuelle qu'à la cohésion de notre société. Pouvez-vous revenir sur l'expérimentation des cours d'empathie, son cadre, son calendrier et les ressources données aux enseignants ?

Le colloque « De l'empathie à la mixité sociale : apprendre l'altérité à l'école », que j'ai organisé à l'Assemblée nationale avec La Fabrique du nous, a mis en avant les expérimentations qui cultivent le goût de l'autre. Des jumelages entre écoles d'une même ville à la « montée alternée » dans les collèges, les ressources sont nombreuses. Quels moyens entendez-vous mettre à disposition pour élargir leur diffusion ?

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Parce qu'elle ne respecte pas les quotas d'emploi de personnes en situation de handicap, l'éducation nationale a acquitté, en 2022, 31,8 millions d'euros de pénalités, alors qu'elle n'en investit que 6,3 millions dans l'adaptation de son matériel et de ses infrastructures pour son personnel handicapé. Voilà bien des moyens gaspillés pour ne pas laisser enseigner des personnes qui en sont parfaitement capables à l'heure où le manque de professeurs est le problème récurrent de notre système éducatif.

M. Attal avait listé les principales mesures prises pour y remédier : politique d'allègement de service, adaptation des postes, constitution de réseaux de conseillers, plan quinquennal pour les années 2023 à 2027 tendant à simplifier les démarches administratives pour ces personnels enseignants. Quelle est votre position ?

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En août 2023, le Président de la République avait souhaité « réinventer nos bonnes vieilles écoles normales ». Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a confirmé cette ambition en annonçant que le Gouvernement présenterait, d'ici à la fin du mois de mars, une réforme de la formation des enseignants.

Dans notre rapport pour avis sur les crédits de la mission Enseignement scolaire pour 2023, Philippe Fait et moi-même avions noté les avancées de notre majorité, telles que la professionnalisation du concours de recrutement et de la maquette du master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (Meef). Nous préconisions également des améliorations : une meilleure lisibilité de l'écosystème de la formation ainsi qu'une réforme de son contenu pour qu'elle apporte savoirs disciplinaires et pédagogiques. Une formation plus professionnalisante tout au long du parcours apparaît en effet plus efficace et attractive. Le groupe de travail transpartisan, animé par Cécile Rilhac et Céline Calvez, proposait en plus d'avancer le concours de recrutement à la fin de la troisième année d'études. Le Gouvernement semble considérer cette option. Pourriez-vous faire un point d'étape sur la réforme en construction ?

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« Si je suis un symbole de quelque chose, c'est de la volonté d'avancer », avez-vous déclaré vendredi. Vous êtes plutôt celui d'un autre monde, bien loin du quotidien des professeurs et des élèves de l'école publique. J'ai enseigné vingt-cinq ans en lycée professionnel, où les catégories socioprofessionnelles des familles étaient très éloignées de celles du 6e arrondissement. Mon travail et celui de mes collègues n'étaient pas aussi prestigieux que les fonctions que vous avez occupées, mais peut-être pas moins utile ou fatigant. Il était, en tout cas, beaucoup moins rémunérateur : je gagnais par an 26 fois moins que vous à la Fédération française de tennis et 72 fois moins que vous chez Carrefour. Je vous rassure, je n'ai jamais fait perdre de « paquet d'heures » aux élèves qui m'étaient confiés et n'ai croisé que des collègues riches de leur passion, qui n'étaient pas reconnus ou récompensés à la hauteur de leur engagement.

Alors que tout crédit semble irrémédiablement perdu, comment pourrions-nous croire en votre ambition pour l'éducation nationale et ses personnels ?

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Les enseignants et les familles de ma circonscription sont inquiets des fermetures de classes annoncées dans la Loire, notamment à Sury-le-Comtal et à Saint-Georges-Haute-Ville. Pourtant, le 17 juillet 2018, lors de la première Conférence nationale des territoires, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé : « Les territoires en particulier les plus ruraux ne peuvent plus être la variable d'ajustement d'économie. C'est pourquoi d'ici là en particulier, il n'y aura plus de fermeture de classes dans les écoles primaires. » Plus que jamais, cette promesse doit être tenue.

Demanderez-vous aux Dasen de revoir leur copie ?

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En octobre 2023, les services du ministre de l'éducation nationale Gabriel Attal déclaraient travailler à un système de gestion des mobilités des enseignants plus humain, plus individualisé et offrant un meilleur accompagnement. Depuis plusieurs semaines, je suis saisi dans ma circonscription de requêtes s'agissant de demandes de mutation instruites défavorablement ou rejetées malgré leur bien-fondé. Des enseignants et leurs familles me font part du sentiment d'injustice que suscite ce système rigide de barème favorisant l'ancienneté alors que les enseignants plus jeunes sont davantage enclins à changer de territoire. L'équilibre familial et le projet personnel des jeunes professeurs s'en trouvent fragilisés, ce qui les conduit souvent, malgré le dévouement quotidien et la passion avec lesquels ils exercent leur métier, à démissionner.

Nous voulons garder nos jeunes professeurs et sommes conscients des difficultés à réformer un tel système. Quelles avancées pouvez-vous nous communiquer ?

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En déplacement, en mars 2023, Élisabeth Borne et Pap Ndiaye avaient annoncé une carte scolaire pensée de manière pluriannuelle, avec une visibilité à trois ans, dès la rentrée 2024. Il s'agissait d'éviter l'effet yo-yo d'ouvertures et de fermetures de classes, qui pèse sur l'organisation des communes, en particulier rurales, inquiète les élus et laisse s'installer l'impression d'un désintérêt de l'État, en décalage avec l'action globale du Gouvernement pour l'école.

Dans le Lauragais, treize à quinze fermetures de classes sont à nouveau attendues à la rentrée de 2025, comme l'année dernière. Ces fermetures conduisent souvent à la création de classes à double ou triple niveau, ou à la dévitalisation de nos campagnes. Si elles se justifient parfois, ne pensez-vous pas qu'une pause serait nécessaire afin d'élaborer cette planification sur trois ans ?

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« L'école inclusive, un système qui craque » titre aujourd'hui Le Monde. Oui, les équipes enseignantes, les parents, les enfants craquent. Comment mener une politique d'inclusion des enfants en situation de handicap quand ils ne sont pas comptabilisés dans les effectifs des classes par vos services, au moment d'établir la carte scolaire et de calculer la DHG. Sont-ils des variables d'ajustement ? Comment mener une politique d'inclusion quand ces élèves rejoignent des classes déjà surchargées du fait de vos suppressions de postes, qui ne permettent pas aux enseignants de leur consacrer le temps nécessaire ?

Dans l'école publique Saint-Cricq d'Oloron, une classe sera supprimée à la prochaine rentrée. La classe de CE2 compte déjà 29 élèves, dont 2 en inclusion ; celle de CM2, 26 élèves et 5 en inclusion. Ils seront 24 en CP, 21 en CM1. Nous sommes pourtant un territoire éducatif rural.

Dans le collège Amikuze de Saint-Palais, il y aura deux suppressions de classe. Trois classes à 31 élèves, en quatrième ; deux classes à 33, en troisième. Et je ne compte pas les AESH.

Les murs de classe ne sont pas extensibles ; le dévouement et la passion des équipes éducatives et des parents, non plus.

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Il y a quelques mois, votre prédécesseur a fait un choix fort et attendu en fixant les épreuves écrites de spécialité du bac au mois de juin. Des professeurs de sciences économiques et sociales m'ont alertée sur la lourdeur du programme et l'impossibilité de le traiter en entier pour le mois de juin : alors que le nombre de chapitres évaluables était de sept lorsque les épreuves se tenaient en mars, il est de douze, avec un trimestre de plus. Cela implique une course contre la montre, des cours à la va-vite adjoints de polycopiés, l'absence de temps pour évaluer et corriger ce qui doit l'être.

De toute évidence, un programme trop lourd nuit à la qualité des apprentissages et à l'épanouissement des élèves ; celui nuit aussi à l'attractivité du métier ainsi qu'aux conditions de travail. Le registre de santé et de sécurité au travail en témoigne : il était indispensable que les épreuves de spécialité aient lieu en juin. Il est désormais essentiel que les lycéens arrivent bien préparés, avec les mêmes chances au départ et les mêmes enseignements véritablement maîtrisés. Quelles réponses votre ministère apporte-t-il à ces demandes et revendications ?

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La généralisation à tous les élèves de seconde des stages en entreprise est une excellente décision, susceptible de faciliter l'orientation. Cependant, ces stages se limitent souvent à de l'observation, alors qu'il serait plus utile à ces jeunes de pouvoir mettre la main à la pâte au cours de ces quinze jours. Or les entreprises sont contraintes par le code du travail, très restrictif.

Envisagez-vous un travail transversal afin que les élèves soient acteurs de leur stage ?

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Encore une fois, c'est la calculette qui a décidé de la fermeture de classes ! Dans ma circonscription de Corrèze, la maire de la commune de Saint-Cyr-la-Roche, formant un regroupement pédagogique intercommunal (RPI) avec celle de Vars-sur-Roseix, a appris dans la presse la fermeture d'une de ses classes ; elle n'a jamais été consultée par le Dasen. La réalité est beaucoup moins idyllique que vous voulez bien le dire. Vous voulez changer les choses, mais si vous prenez toujours en considération les mêmes éléments, vous ne rassurerez ni nos enseignants ni nos parents d'élèves. Venez sur le terrain, on vous expliquera !

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Dans tous les établissements, les personnels constatent des baisses de moyens. Les dispositifs de dédoublement de classes, de groupes de sciences et de langues sont sacrifiés ; les suppressions de postes se multiplient et de nouveaux professeurs sont obligés de partager leur service entre plusieurs établissements. En sixième, les élèves perdent encore une heure de cours. Les personnels, qui connaissent déjà le désastre de la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer, ne veulent pas des groupes de niveau. Quant aux classes préparatoires à la classe de seconde, les recalés au brevet qu'elles accueilleront auraient été en droit d'en attendre un enseignement renforcé. Or, bien au contraire, ces élèves auront droit à seulement 18,5 heures d'enseignement, et ceux qui opteront pour l'apprentissage ne seront pas astreints à cette prépa-lycée. Bref, il s'agit d'un choc contre le savoir, d'une opération de sélection et de déqualification de la jeunesse.

Par pitié, madame la ministre, fichez la paix aux enseignants et aux élèves, abandonnez ces mesures qui suscitent la colère des personnels et rétablissez les milliers de postes supprimés depuis qu'Emmanuel Macron est au pouvoir !

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Le Conseil national de la refondation, lancé le 8 septembre 2023 par le Président de la République, apporte un soutien unique aux professeurs portant des projets visant à améliorer les performances des élèves. À ce jour, 12 531 projets ont été déposés et la commission académique en a approuvé 5 548 au bénéfice de 1,9 million d'élèves, pour un montant de 88,7 millions d'euros. L'acte Ier du CNR a entamé une transformation profonde de l'organisation de l'éducation nationale ; son acte II vise à encourager l'innovation pédagogique. La démarche, en appui du « choc des savoirs », doit se consacrer pleinement à la réussite des élèves et à l'acquisition des connaissances fondamentales.

Quel bilan tirez-vous de l'action du Conseil national de la refondation durant ses cinq premiers mois ?

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Nos programmes sont les plus chargés qui soient. En sciences économiques et sociales (SES), les professeurs doivent traiter douze chapitres dans l'année – c'est délirant ! Au mieux, ils ont 2,5 semaines à consacrer à chaque chapitre ; en pratique, bien des enseignants ne peuvent pas achever le programme. L'Association des professeurs de SES vous a interpellée, comme d'ailleurs vos prédécesseurs, à ce sujet.

Nous vous demandons de lancer une évaluation de ces programmes. Interrogez les inspecteurs généraux, ils vous expliqueront à quel point il est nécessaire de procéder sans attendre à un allègement. Surtout, écoutez ceux qui font l'école, à commencer par les enseignants.

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Il importe d'accompagner le parcours des enfants en situation de handicap à l'école, dans le milieu ordinaire comme spécialisé, et de leur offrir un panel de solutions diversifiées et adaptables. En vertu du principe d'inclusion, la scolarisation en milieu ordinaire est systématiquement recherchée. Vous avez indiqué que l'État financerait la prise en charge de ces enfants sur le temps périscolaire : c'est une excellente nouvelle, car, jusqu'à une période récente, de nombreux maires se heurtaient à des difficultés pour appliquer ces mesures sans rupture dans l'accompagnement. Pouvez-vous apporter des précisions sur les modalités de cette prise en charge ?

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Lors de sa conférence de presse, le Président de la République a affirmé qu'il avait réussi à résoudre le problème des absences longues des professeurs durant son premier quinquennat – des « résultats formidables », s'est-il félicité. Or, dans ma circonscription drômoise, je déplore des absences longues non remplacées, parfois depuis la rentrée. Vous-même avez fustigé « les paquets d'heures pas sérieusement remplacées », accusation infondée dans votre cas mais bien réelle partout en France. Le taux de couverture des absences longues a reculé de trois points depuis 2017 : il est de 78 % dans le primaire, contre plus de 90 % en 2006, signe d'une réelle dégradation.

Reconnaissez-vous qu'il existe un problème concernant les absences de longue durée ? Quelles solutions préconisez-vous pour remédier à la dégradation de notre système scolaire ?

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Dans le cadre de l'ouverture des groupes de niveau, je souhaite connaître les moyens alloués aux petits établissements ruraux. Le compte n'y est pas, d'où la crainte que les financements soient pris ailleurs, notamment au détriment d'options comme le latin ou l'allemand, voire des Segpa, souvent fermées et dont on redoute la disparition. Ce mouvement va à l'inverse de ce qui est prôné pour les groupes de niveau : la fermeture des Segpa entraîne des difficultés pour les enseignants et les élèves. Elle est injuste eu égard aux résultats qu'obtiennent ces sections : 80 % de leurs élèves poursuivent leur parcours en lycée professionnel et 40 % obtiennent un bac pro ou un CAP. Quelle est votre position sur le maintien du dispositif ?

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Comme la plupart de mes collègues, je suis dans l'incertitude : nous ne savons pas si vos réponses valent pour un temps limité ou si elles engagent le Gouvernement au-delà du remaniement.

Lors des questions au Gouvernement, vous avez soutenu que si une classe compte un nombre d'enfants trop réduit, l'émulation est remise en question. Ces propos sont aussi lunaires que la situation. Demandez aux parents qui ont les moyens pourquoi ils choisissent des cours particuliers ou une scolarité dans le privé, et si l'apprentissage doit se dérouler dans de petits groupes voire en situation individuelle.

Vous avez détruit le dispositif « Plus de maîtres que de classes » ; vous avez refusé de revaloriser les AED, les AESH.

Entendez-vous la colère qui gronde ?

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Les territoires éducatifs ruraux, créés par vos prédécesseurs pour aider les zones rurales à affronter leurs nombreuses difficultés dans le domaine scolaire, reçoivent des moyens inférieurs à ceux des cités éducatives, alors que Gabriel Attal disait il y a quelques semaines encore que les deux dispositifs étaient équivalents. Pourquoi cette différence de moyens ?

Le 31 mars dernier, Mme Borne avait indiqué que les fermetures de classes, notamment en milieu rural, seraient annoncées trois années à l'avance. Pour la rentrée de 2024, donnerez-vous des consignes en ce sens à vos services ?

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Concernant les trente minutes de sport par jour à l'école, il nous revient que le matériel manque, que les professeurs sont insuffisamment formés, que les lieux ne sont pas forcément adaptés, au point que la quasi-totalité du temps prévu serait consommée dans leur installation. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait réaménager cette pratique et prévoir l'intervention d'associations extérieures, avec des entraîneurs diplômés ? Pour ma part, je pense que cette seule initiative ne suffira pas à donner le goût du sport à notre jeunesse, qu'il faut faire appel au milieu associatif et encadrer les pratiques. Quelles conclusions tirerez-vous de ces premiers retours d'expérience ?

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Dans certaines zones de départements frontaliers telles que la Pointe de Givet dans les Ardennes, encerclée par nos amis belges, nombre de familles décident de scolariser leurs enfants en Belgique en cas de fermetures de classes. D'autres territoires peuvent être concernés, même si ce territoire de la Pointe de Givet n'a pas d'équivalent en France. Ne serait-il pas souhaitable d'envisager, sinon une politique particulière, du moins une attention redoublée en matière de fermeture de classes à proximité de nos voisins européens ?

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Amélie Oudéa-Castéra, ministre

Contrairement à ce d'aucuns ont pu dire, l'amélioration des taux d'encadrement dans le primaire ne vaut pas que pour les zones REP et REP+ : le nombre d'élèves par classe est passé de 24 à 22,5 depuis 2017, ce qui marque une amélioration d'un point et demi, hors éducation prioritaire. Il me semble très important de le marteler lorsque l'on se réfère aux chiffres globaux, sachant que cette amélioration vaut aussi bien pour la maternelle que pour l'élémentaire.

Les cours d'empathie sont, en effet, une belle innovation dont les perspectives sont enrichies par des travaux de la Fondation Jean-Jaurès. Alors que notre objectif initial était d'y engager une école par département, plus de 1 200 établissements se sont lancés depuis janvier 2024 dans l'expérimentation de ces pratiques destinées à travailler sur la découverte de l'altérité et à développer les compétences psychosociales de nos enfants. Lors de l'évaluation de cette expérimentation, nous interrogerons les élèves et les personnels. Nous chercherons aussi à mesurer ses effets sur le climat scolaire : le développement des relations de confiance à l'échelle de la classe et au sein de la communauté éducative doit favoriser l'apaisement et améliorer la qualité du climat scolaire, pas seulement prévenir le harcèlement et y remédier.

S'agissant des mutations, quelque 26 000 enseignants du second degré participent à des opérations de mobilité, le processus d'affectation tenant compte d'abord de leur parcours professionnel mais aussi de leur situation personnelle et familiale. Pour être au plus près des besoins, nous voulons développer l'accompagnement par des ressources humaines de proximité dans les rectorats. Quelque 41 % des enseignants ayant participé à des opérations de mobilité ont obtenu satisfaction. Afin de continuer dans cette voie, nous avons engagé une réflexion destinée à favoriser une plus grande fluidité dans les parcours et dans le développement des mobilités, ce qui peut contribuer à l'attractivité du métier.

Vous avez raison de souligner nos difficultés à atteindre le pourcentage voulu de personnels handicapés, dues à deux raisons principales : trop souvent, les personnels concernés n'osent pas déclarer ce handicap et demander les aménagements auxquels ils auraient pourtant droit – ce n'est d'ailleurs pas spécifique à l'éducation nationale ; par ailleurs, nous ne parvenons pas suffisamment à attirer ces personnels et à faire tomber les appréhensions et les plafonds de verre. Afin de répondre à cet enjeu collectif pour notre société, il nous faut prendre des initiatives telles que le DuoDay, en faveur duquel je me suis beaucoup engagée dans le monde du sport.

En ce qui concerne les fermetures de classes en milieu rural, je m'engage une nouvelle fois à faire un travail de prospective à trois ans sur la carte scolaire, associant toutes les instances de dialogue et de concertation entre les services des rectorats et les élus. Il s'agit de développer les TER, de fédérer tout le monde autour des élèves, sur le modèle des cités éducatives dans les zones d'éducation prioritaire, qui donnent des résultats probants. Lors de la rentrée prochaine, nous aurons près de 195 TER, auxquels nous allons consacrer 6 millions d'euros, soit environ 30 000 euros par territoire.

Revenons sur les apports du CNR Éducation. Nous avons investi 500 millions d'euros sur cinq ans pour que chaque établissement puisse construire son projet pédagogique, innover et proposer des évolutions locales dans les approches pédagogiques. La dynamique est très bien enclenchée : plus de 12 000 projets ont été déposés ; près de 6 000 d'entre eux ont été validés par la commission académique, au bénéfice de quelque 2 millions d'élèves, pour un montant d'environ 90 millions d'euros. Un appel à projets national a été lancé auprès des académies. Nous communiquerons bientôt sur les projets les plus innovants, afin de soutenir une démarche qui nous permettra aussi de répondre à certaines des orientations prises dans le cadre du « choc des savoirs » – je pense notamment à notre volonté de renforcer l'enseignement des mathématiques en nous inspirant d'une méthode qui a fait ses preuves à Singapour. Nous voulons un projet CNR dans chaque école ou établissement, sans fixer des contraintes temporelles excessives mais en affirmant notre confiance dans ces dispositifs, pilotés par la Dgesco et le préfet Christian Abrard, auxquels je suis particulièrement attentive.

Il n'y aura pas, je le répète, de groupes de niveau dans les classes de Segpa, qui offrent une réponse pédagogique adaptée aux besoins des élèves de la sixième à la troisième. Nous ne voulons pas modifier cette organisation qui permet déjà de s'inscrire dans la logique de progrès pour tous les élèves concernés. Le fonctionnement et les enseignements des Segpa ne seront donc pas concernés par la nouvelle organisation qui se mettra en place à la rentrée prochaine. L'expertise des professeurs exerçant en Segpa est précieuse dans le cadre des travaux d'équipe ; elle se prolongera dans ce changement profond dans les pratiques pédagogiques et les modalités de leur évaluation. Les professeurs de français et de mathématiques pourront profiter de l'expérience solide et reconnue de leurs collègues, surtout dans les premiers temps de la mise en place de cette innovation.

Reportée en juin comme les autres épreuves de spécialité, celle de SES évaluera en effet l'intégralité des connaissances et des compétences qui doivent être maîtrisées par les élèves. C'est ambitieux, engageant, impliquant. Pour tenir compte de la difficulté, une réflexion va être engagée afin de définir les contours du programme de cette discipline.

S'agissant des AESH qui interviennent sur le temps de la pause méridienne, ils doivent être payés par la collectivité, conformément à une décision du Conseil d'État de 2021. On estime que 8 % des élèves ont besoin d'une aide humaine pendant la pause méridienne. Pour assurer la continuité de la prise en charge et faire en sorte que l'État puisse aller au bout de ses responsabilités dans un cadre stabilisé, le Gouvernement a annoncé sa volonté d'assumer ce besoin. Nous prendrons le temps nécessaire pour arrêter les arbitrages concernant les effectifs supplémentaires qui pourraient être nécessaires.

Oui, nous avons encore du chemin à faire en matière de remplacements de longue durée, même si le Président de la République a pu noter avec satisfaction que nous avons d'ores et déjà un système de professeurs remplaçants et des brigades dédiées dans les écoles, ainsi que des titulaires sur zone de remplacement dans les collèges et lycées, ce qui nous permet de mobiliser des moyens supplémentaires pour affronter cette problématique très importante pour les familles.

Les associations ont évidemment un rôle à jouer dans les dispositifs que nous créons pour encourager le sport à l'école, que ce soit les trente minutes par jour dans le primaire ou l'expérimentation de deux heures supplémentaires pour les collégiens. Nous cherchons à développer des passerelles vers le mouvement sportif et associatif. Le nombre de collèges impliqués dans l'expérimentation est passé de 200 à 700, et nous allons mobiliser 14 millions d'euros supplémentaires pour l'étendre à 2 000 collèges volontaires.

S'agissant de la prise en compte des besoins spécifiques de l'école publique, mon réflexe a été d'aller à la rencontre des enseignants lors de plusieurs visites de terrain, afin d'évoquer divers sujets avec eux : le renforcement de leur autorité concernant la vie de classe, les notations, les décisions de redoublement et la maîtrise de leur enseignement ; le déploiement plein et entier du « choc des savoirs » dans ses différentes dimensions pour affirmer une exigence et remettre l'ascenseur scolaire en marche ; le développement des dispositifs de suivi renforcé pour les élèves. J'ai évoqué les parcours en sixième et cinquième, le concours apporté par des professeurs des écoles et le pacte enseignant. Citons aussi la montée en puissance du dispositif « Devoirs faits » et des stages de réussite. Pour les élèves de troisième, j'ai en effet souhaité mettre l'accent sur les mathématiques, là encore dans une logique de mixité. L'idée est de viser l'excellence, mais aussi d'apporter un appui spécifique aux jeunes filles dans cette matière.

Sachez que je veillerai à toutes les composantes du bien-être des enseignants. L'attractivité des concours sera renforcée par la révision des parcours de formation initiale, sur laquelle des arbitrages seront rendus dans les prochaines semaines. Une plus grande attention sera aussi accordée aux résultats des enquêtes, au déroulement des carrières – à cet égard, je vais faire des propositions concernant les milieux de carrière. La mise en place des groupes de niveau vise aussi à répondre à la sensation d'écartèlement exprimée par nombre d'enseignants, confrontés à une hétérogénéité des classes, difficile à gérer. Interrogés dans le cadre des travaux sur l'exigence dans les savoirs, ils disent avoir du mal à faire remonter le niveau des élèves en difficulté tout en remédiant à l'ennui de ceux dont les rythmes d'apprentissage sont plus soutenus. C'est notamment pour les aider à mieux gérer cette hétérogénéité que nous voulons, avec eux, créer ces groupes de niveau, de progrès, de besoins. D'un conseil de classe à l'autre, ces groupes seront réajustés en fonction du ressenti des équipes pédagogiques sur le déploiement du dispositif.

Concernant les enfants en situation de handicap, je rappelle qu'ils sont de plus en plus nombreux à être scolarisés en milieu ordinaire : la hausse a été de 40 % depuis 2017. Dans le même temps, nous avons augmenté de moitié le nombre des AESH, grâce aux 7 000 recrutements déjà évoqués, ce qui s'est traduit par une progression de 40 % des crédits de rémunération associés. Cet effort inégalé s'est accompagné de l'ouverture de 300 à 400 unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis) par année. Nous confirmons aussi le dispositif des Segpa. Il s'agit d'avoir une réponse à la hauteur pour tous ces enfants à besoins éducatifs particuliers.

S'agissant des stages en entreprise, 200 000 offres sont déjà postées et disponibles. Je vais mobiliser toutes les entreprises, mais aussi les associations, les établissements et services publics pour qu'un très large éventail de stages puisse être proposé aux élèves.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, madame la ministre, pour ces réponses. Nous vous recevrons bientôt pour une nouvelle audition, cette fois consacrée au sport.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, M. Rodrigo Arenas, Mme Bénédicte Auzanot, M. Philippe Ballard, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, Mme Sylvie Bonnet, M. Idir Boumertit, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, M. Roger Chudeau, M. Laurent Croizier, M. Inaki Echaniz, M. Philippe Emmanuel, M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Philippe Fait, Mme Estelle Folest, Mme Martine Froger, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, Mme Catherine Jaouen, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Virginie Lanlo, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Julie Lechanteux, M. Jérôme Legavre, Mme Sarah Legrain, M. Stéphane Lenormand, M. Christophe Marion, M. Stéphane Mazars, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Julien Odoul, Mme Caroline Parmentier, Mme Francesca Pasquini, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, Mme Isabelle Périgault, Mme Lisette Pollet, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Cécile Rilhac, M. Bertrand Sorre, Mme Sophie Taillé-Polian, M. Boris Vallaud, M. Léo Walter

Excusés. – Mme Ségolène Amiot, Mme Soumya Bourouaha, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, Mme Claudia Rouaux

Assistaient également à la réunion. – Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Pierre Cordier, M. Arthur Delaporte, M. Fabien Di Filippo, M. Patrick Hetzel, M. Nicolas Ray, M. Jean-Pierre Taite