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Intervention de Amélie Oudéa-Castéra

Réunion du mardi 6 février 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Amélie Oudéa-Castéra, ministre :

Depuis avril 2022, de nombreuses mesures visant à améliorer les conditions salariales des enseignants ont été prises. C'était indispensable et attendu. Désormais, un enseignant en début de carrière ne peut pas gagner moins de 2 100 euros net, 2 460 euros net en REP. Cette augmentation de 11 % résulte à la fois des efforts que nous avons consentis sur le socle de la rémunération en septembre 2023 et des revalorisations du point d'indice dans la fonction publique, en particulier avec l'octroi de cinq points d'indice majorés en janvier 2024.

Par ailleurs, nous avons pris des mesures tendant à fluidifier les carrières. Par exemple, nous avons porté le taux de promotion au deuxième grade de 18 % en 2022 à 22 % en 2024. Comme nous nous y étions engagés, nous avons également supprimé l'accès fonctionnel au troisième grade, la classe exceptionnelle, à partir de 2024, afin d'améliorer l'attractivité des débuts de carrière.

Nous devrons prendre d'autres initiatives spécifiques au milieu de carrière. C'est essentiel, car c'est le moment où la motivation et le bien-être au travail diminuent. Près de 40 % des enseignants sont prêts à changer de métier ; un tiers d'entre eux ne trouvent plus de sens à leur mission. Je veux les accompagner en les écoutant davantage, en prenant mieux en considération les problèmes affectant leur bien-être et les difficultés auxquelles ils sont confrontés, de la taille des classes au logement, en passant par l'action sociale et par la gestion des programmes informatiques, qui rendent le travail trop complexe. Je veux être à leurs côtés pour résoudre tous ces petits, moyens et grands problèmes du quotidien, qui leur pèsent, même si leur amour du métier reste immense – ce dont nous pouvons nous réjouir et les remercier.

Les AESH, qui ont trop souvent et trop longtemps subi des conditions précaires, constituent une autre de nos priorités. Nous avons commencé par créer des postes – 7 000 depuis 2022, dont 3 000 à la rentrée 2023. Sur le moyen terme, nous avons augmenté leur salaire de 40 %, nous venons d'accorder entre 10 % et 13 % de revalorisation salariale de la dernière tranche, en complément de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (Pepa). Nous avons également majoré de 10 % l'indemnité des référents, qui apportent un soutien précieux aux AESH nouvellement nommés. Je ne reviens pas sur la réforme de l'accès au CDI. Nous savons qu'ils attendent une meilleure reconnaissance et nous réfléchissons à leur statut et à leurs besoins d'accompagnement et de formation. Nous nous sommes engagés à nous consacrer pleinement à ce chantier en déployant l'acte II de l'école inclusive, que je préfère appeler l'école pour tous.

Nous évaluerons le pacte enseignant au cours du mois de février, comme le Premier ministre s'y est engagé dans la déclaration de politique générale. Nous avons déjà retenu la date du 14 février pour communiquer aux organisations syndicales les premiers éléments quantitatifs sur son adoption. Il s'agit d'un outil utile pour favoriser l'innovation pédagogique et pour améliorer l'organisation, afin notamment d'assurer les remplacements de courte durée, qui sont la première mission que les enseignants assurent dans ce cadre. Il permet également de diversifier leurs engagements. Nous savons déjà qu'un tiers des enseignants l'ont conclu et que les taux dans le second degré sont supérieurs à ceux dans le premier degré. Grâce à lui, les professeurs des écoles peuvent assurer des missions de soutien scolaire, en particulier dans le cadre du dispositif « Devoirs faits », qu'ils plébiscitent largement.

Lors de sa conférence de presse de rentrée, le Président de la République a indiqué que des cours de théâtre seraient dispensés. Rachida Dati, ministre de la culture, et moi-même avons déjà décidé de mobiliser l'ensemble des associations et des professionnels de théâtre pour élargir les passerelles avec les établissements scolaires. Dans le même esprit, nous ouvrirons des clubs de théâtre là où il n'en existe pas encore, pour offrir aux collégiens une première initiation à sa pratique. Dans un second temps, nous ferons en sorte que l'éducation artistique et culturelle permette de mieux nous organiser afin de ne pas reculer sur le terrain de la musique et des arts plastiques, tout en donnant au théâtre la place attendue au cœur des maquettes scolaires. Il en ira de même pour l'histoire des arts, comme le Président de la République nous l'a également demandé.

Vous avez raison, nous devons continuer à nous engager en faveur des territoires ruraux. Ils réunissent 34 % des écoles de la République et 18 % des élèves, le taux d'encadrement y est donc plus élevé – parfois supérieur de deux points à la moyenne nationale. En revanche, il faut améliorer la visibilité des perspectives liées à la carte scolaire, en la portant par exemple à trois ans. Lorsque les prévisions démographiques sont défavorables, il faut mieux anticiper et renforcer la concertation avec les élus, tout en transposant, de manière adaptée, les initiatives que nous avons prises dans les réseaux d'éducation prioritaire en créant les cités éducatives. C'est tout le sens du programme Territoires éducatifs ruraux (TER). À la rentrée prochaine, ces derniers seront au nombre de 191. Ils nous permettront de coordonner les services de l'État, les élus et les acteurs associatifs, afin de proposer des solutions pédagogiques innovantes et adaptées. Dans un autre registre, le Conseil national de la refondation (CNR) nous permet également de nous y employer, avec 500 millions d'euros mobilisés sur cinq ans pour faire émerger des projets, y compris dans de très petits établissements. Ainsi, nous renouvellerons le métier et les savoirs de nos enfants.

L'éducation à la sexualité est essentielle pour que nos enfants puissent bien grandir. C'est une dimension essentielle de la construction de l'éducation du citoyen. La mise en place des trois séances annuelles consacrées à cette question étant beaucoup trop hétérogène, le Conseil supérieur des programmes a été saisi pour mieux définir les contenus d'enseignement et les compétences attendues. Nous avons reçu un premier rendu de ces travaux et avons demandé, avec le directeur général de l'enseignement scolaire, la poursuite de ce travail, qui sera soumis à la concertation au printemps et à la rentrée scolaire 2024, afin que les professeurs puissent avoir de la visibilité et des repères communs pour dispenser une éducation à la vie affective, à la vie relationnelle et à la sexualité qui soit adaptée au niveau et à l'âge de nos élèves.

En matière de taux d'encadrement, les premiers résultats sont déjà probants. Dans le premier degré, le nombre d'élèves par classe est passé de 23,2 en 2017 à 21,5 à la rentrée 2023. Corrélativement, le ratio P/E a augmenté ; les professeurs sont désormais plus nombreux devant nos élèves. Ce ratio, qui était de 5,54 équivalent temps plein pour cent élèves en 2017, est aujourd'hui supérieur à 6 et l'on estime qu'il sera de 6,03 à la rentrée 2024. Cette année, pour la première fois, la loi de finances pour 2024, revenant sur le schéma d'emplois initialement prévu, recrée des effectifs dans le second degré, à hauteur de 574 unités.

Ces moyens sont notamment mis au service de la création des groupes de niveau – ce qui n'est nullement, je le répète, une renonciation au collège unique ni l'instauration de classes de niveau, qui créeraient un système à plusieurs vitesses. Nous cherchons, au contraire, à donner plus de plasticité au système et à valoriser les progrès des enfants. Pour répondre à une question qui m'a été posée tout à l'heure, je ne fais pas de différence entre des groupes de niveau et des groupes de besoins – et même des groupes de progrès. La sémantique est en effet importante et peut évoluer en la matière. De tels groupes de progrès ou de besoins ont été créés avec succès dans des pays comme la Suisse ou le Danemark. À l'inverse, les classes de niveau ne fonctionnent pas et, partout où elles ont été expérimentées, elles ont créé des impasses.

Nous voulons remettre en marche l'ascenseur scolaire, car on ne peut pas se contenter de regarder d'un air navré les résultats des évaluations Pisa sans tenter autre chose. Ce serait folie que de reproduire toujours les mêmes méthodes face au même problème en espérant un résultat différent. Nous voulons donc innover et le faire avec les chefs d'établissement et les enseignants, qui auront tout notre appui, grâce aux cellules créées par les rectorats et les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen), au vade-mecum élaboré par la direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), et au « Dgesco Tour » assuré par les équipes d'Édouard Geffray, qui permettront de disposer, au plus près des territoires, d'une analyse des besoins et, si nécessaire, de réallouer certains moyens. Parmi les 2 330 ETP que j'évoquais tout à l'heure, 830 seront spécifiquement affectés dans les établissements qui comptent le plus grand nombre d'élèves en difficulté.

Les valeurs de la République sont pour moi un enjeu absolument majeur et je me félicite des résultats obtenus en la matière dans le cadre du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN) qui s'est tenu récemment autour du Président de la République. La fermeté paye. Gabriel Attal a pris la décision d'interdire le port de l'abaya et du qamis, et nous observons une baisse drastique des atteintes à la laïcité liées au port des tenues et des signes contraires à la loi de 2004. Nous fêterons, le 15 mars prochain, le vingtième anniversaire de cette dernière et nous aurons à cœur de le faire de manière digne et engagée, notamment dans le cadre d'une initiative que j'ai évoquée avec Dominique Schnapper, présidente du Conseil des sages de la laïcité, consistant à créer un groupe de travail dans les établissements privés pour nous assurer qu'ils appliquent pleinement et effectivement le principe de laïcité.

Nous surveillons comme le lait sur le feu les autres atteintes à la laïcité que sont les violences verbales, l'apologie du terrorisme ou le refus de se soumettre à certains enseignements. Sur tous ces plans aussi, la réponse des équipes pédagogiques et des chefs d'établissement est à la hauteur. Parmi les 1 812 cas d'atteinte à ce principe qui nous sont remontés en novembre, 40 % ont donné lieu à dépôt de plainte, 208 mesures conservatoires d'interdiction d'accès à l'établissement ont été prononcées et 120 élèves ont été exclus définitivement. Nous continuerons dans cette voie de fermeté. Dans ce domaine comme dans ceux de la promotion de la place des femmes, du combat pour l'égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre toutes les discriminations, je pense avoir assez prouvé dans mon mandat ministériel des vingt derniers mois mon engagement absolu, y compris lorsqu'il a fallu l'affirmer au Qatar.

Face à la crise des vocations, et en réponse à la commande que nous a passée le Président de la République, nous engageons une révision des mécanismes de formation initiale, afin d'anticiper le passage du concours du niveau bac+5 à celui de bac+3, en créant des parcours de licence pour le professorat des écoles et pour les professeurs certifiés, et en améliorant, pour les deux années de master, le panachage entre la finalisation de la formation disciplinaire et les besoins spécifiques de la pratique et de la gestion de la vie de classe. Cette réforme structurante est très importante. Le Président de la République a dit sa volonté de voir émerger ces nouvelles écoles normales du XXIe siècle et nous reviendrons vous présenter des propositions étayées, qui sont en cours d'arbitrage auprès du Premier ministre.

Quant à la mixité sociale et scolaire, j'ajouterai à ma réponse précédente que je veillerai à la qualité des contrôles financiers, administratifs et pédagogiques visant les établissements privés, ainsi qu'à la pleine application des dispositions prévues par le protocole signé en mai 2023 avec le secrétariat général de l'enseignement catholique, ce qui suppose un suivi des conditions d'accès aux établissements et la transparence de l'accueil des élèves à besoins particuliers, y compris des élèves en situation de handicap. Il s'agit également d'aller au bout de nos engagements, qui prévoient l'augmentation de 50 % en cinq ans du nombre d'établissements proposant une modulation des contributions familiales en fonction des revenus des familles, et un doublement du taux d'élèves boursiers partout où les établissements peuvent disposer des mêmes aides fournies par les collectivités locales. Pour toutes les dispositions qui forment ce plan d'action, nous avons déjà engagé des discussions à propos de toutes les dispositions de ce plan d'action, et poursuivrons cette démarche afin qu'il soit pleinement appliqué.

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