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Intervention de Amélie Oudéa-Castéra

Réunion du mardi 6 février 2024 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques :

Je suis ravie de venir devant vous avec de nouvelles responsabilités étendues à l'éducation nationale, au service de la réussite de tous les élèves de toutes nos écoles.

On l'a vu avec une acuité particulière ces dernières semaines, les Français attendent beaucoup de leur école. Cette attente est légitime et je veux y répondre avec le plus de clarté, le plus d'énergie possible, en donnant du sens aux réformes que nous conduisons, y compris au sein de mon administration, afin d'aider au mieux nos élèves. Je veux exprimer aux personnels de l'éducation nationale ma confiance dans leur expertise, leur expérience et leur volonté de trouver, au plus près du terrain, les solutions propres à favoriser la réussite de nos élèves.

Vous êtes, mesdames, messieurs les députés, les relais de ces attentes, à travers les travaux que vous menez dans cette commission en vue de contrôler et d'éclairer l'action du Gouvernement. Je sais votre attachement à notre modèle d'école, à l'ensemble de nos écoles, tout particulièrement à l'école publique.

Avant de vous exposer les axes de ma feuille de route, je voudrais évoquer le soubassement de l'ambition que nous avons pour l'école, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même, à savoir un budget renforcé par la loi de finances pour 2024. Vous avez voté des crédits inédits pour l'éducation nationale, dont vous avez porté le budget à 63,8 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de près de 8 % en un an et de plus de 30 % depuis le début du premier quinquennat du Président Macron, soit 15 milliards d'euros de plus qu'en 2017, alors même que la démographie scolaire diminue. Il s'agit donc d'un effort tout à fait particulier, d'un investissement à la hauteur de cet enjeu historique : faire réussir tous les élèves de toutes les écoles.

J'ai choisi d'organiser ma feuille de route en trois axes, directement inspirés de ce qu'avait entrepris le Premier ministre dans l'exercice de ses précédentes fonctions.

Le premier de ces axes consiste – je reprends volontiers sa formule – à « remettre de l'exigence à tous les étages ». Cela revient d'abord à réaffirmer l'autorité des professeurs qu'il s'agisse de la vie de classe, du contenu de leur enseignement, des décisions de notation – dès la rentrée 2024, il sera mis fin aux correctifs académiques lors des épreuves du baccalauréat et du brevet –, mais aussi des décisions de redoublement, le dernier mot revenant dorénavant à l'équipe pédagogique.

Le pendant de cette autorité réaffirmée des professeurs, c'est le choc des savoirs. Celui-ci concerne tous les niveaux : école primaire, collège, lycée. Concernant le premier degré, nous continuons les efforts engagés depuis 2017, dont les résultats sont déjà source d'importantes satisfactions. Je pense au dédoublement des classes de CP et de CE1 en réseaux d'éducation prioritaire et prioritaire renforcé (REP et REP+), que nous parachevons en dédoublant les classes de grande section de maternelle. Nous allons plus loin, avec la révision des programmes de français et de mathématiques, l'introduction d'éléments inspirés de la méthode de Singapour en mathématiques, la labellisation des manuels de mathématiques et de français en CP et CE1 et, pour la première fois, la participation renforcée de l'État au financement desdits manuels avec 30 millions d'euros inscrits dans la loi de finances pour 2024.

Au collège, la mise en place de groupes de niveau représente sans doute la dimension la plus emblématique du « choc des savoirs ». Elle interviendra dès la rentrée prochaine pour les classes de sixième et de cinquième. La dégradation des résultats tant en français qu'en mathématiques, qu'établissent notamment les enquêtes du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), rend cette évolution nécessaire. Elle doit nous conduire à mettre en œuvre des méthodes pédagogiques innovantes et à proposer aux enfants des contextes d'apprentissage différents. Il s'agit d'aider les professeurs à gérer l'hétérogénéité des classes qui les contraint à faire le grand écart, le système actuel produisant plus d'élèves en difficulté et moins d'excellents élèves. Les groupes de niveau visent à éviter cet écueil et à remettre en marche l'ascenseur scolaire. Il ne s'agit surtout pas de mettre fin au collège unique puisque la totalité des élèves continueront de suivre la totalité du programme. Nous ne voulons pas non plus créer des classes de niveau, mais des groupes dévolus aux mathématiques et au français. Nous ne voulons pas davantage nous inscrire dans une logique de relégation scolaire. Au contraire, nous voulons permettre à chaque conseil de classe d'évaluer les besoins des élèves et de modifier la composition des différents groupes de niveau, suivant une logique de progrès. Pour ce faire, nous dotons les établissements de 2 330 équivalents temps pleins (ETP) supplémentaires.

La création de ce que Gabriel Attal a appelé la prépa-lycée, expérimentée dès la rentrée 2024 et généralisée à la rentrée 2025, constitue une autre mesure emblématique de ce « choc des savoirs ». Elle doit permettre aux élèves qui échouent au brevet de se remettre à niveau et de reprendre confiance en eux avant d'attaquer l'année de seconde. La refonte du brevet verra également le poids des épreuves terminales augmenter par rapport aux notes de contrôle continu.

La dynamique de « choc des savoirs » concerne aussi le lycée : une nouvelle épreuve anticipée de mathématiques interviendra dès la session de juin 2026 du baccalauréat, sur la base d'un programme révisé tant en seconde qu'en première. Certaines innovations, comme des banques numériques d'exercices de mathématiques et de français, seront mobilisées pour aider les élèves.

La réforme de la voie professionnelle, dont je sais qu'elle suscite des interrogations, participe de cette dynamique. Elle vise à promouvoir l'excellence, notamment grâce à l'augmentation du volume horaire des enseignements, l'attribution de mentions aux lauréats du CAP, la création de groupes de besoins, aux effectifs réduits, en mathématiques et en français. Le cycle terminal s'ouvrira en une sorte de « Y », offrant le choix entre la voie de la poursuite d'études et celle de l'insertion professionnelle.

Le « choc des savoirs » s'accompagne d'une attention sans précédent aux enfants en difficulté. C'est le sens de la montée en puissance du dispositif « Devoirs faits », déjà obligatoire en sixième, comme de celle des stages de réussite ou encore de la généralisation du dispositif d'accueil de huit à dix-huit heures (8-18) en éducation prioritaire, qui vise à accompagner les enfants en complément du temps scolaire. Les élèves en grande difficulté bénéficieront, pendant le temps scolaire, de parcours renforcés et se verront proposer des contrats d'objectif individualisés.

Le deuxième axe concerne l'attractivité des métiers de l'enseignement et l'amélioration de notre efficacité en matière d'organisation. Nous réinventons la formation initiale des enseignants : les candidats passeront le concours au niveau bac + 3, et non plus bac + 5 ; l'architecture des licences sera révisée et, avec ma collègue Sylvie Retailleau, nous proposerons au Premier ministre et au Président de la République d'y introduire de nouveaux contenus de formation, correspondant à cet objectif. Nous repenserons également la formation continue et le déroulement de carrière, en portant une attention particulière au milieu de carrière, marqué par le mal-être et les départs volontaires.

Nous portons également une attention particulière aux autres métiers du service public de l'enseignement. Vous le savez, nous nous mobilisons depuis plusieurs années pour les enfants en situation de handicap. Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) effectuent un travail considérable. Nous avons créé des postes, revalorisé leurs salaires et aménagé les carrières. Par exemple, nous pouvons désormais leur proposer des contrats à durée indéterminée après trois ans d'expérience, contre six auparavant. Le Premier ministre et moi nous engageons à prendre en charge la rémunération des AESH pour le travail effectué durant la pause méridienne, afin que l'État assume toutes ses responsabilités.

Nous sommes attachés à revaloriser les infirmiers scolaires, qui sont 7 500. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre s'est engagé à leur verser une prime de 800 euros dès mai 2024, puis à augmenter leur rémunération de 200 euros net par mois, et à autoriser le cumul de leur fonction avec un exercice libéral.

Nous voulons également renforcer l'action des assistants de service social, et mieux accompagner les contractuels, qui font un travail remarquable aux côtés des équipes pédagogiques, notamment en améliorant les conditions de leur recrutement et de leur formation.

L'organisation des remplacements constitue une priorité. Nous observons déjà des résultats probants s'agissant de ceux de courte durée, puisque le nombre d'heures remplacées a triplé. Il est essentiel de résoudre également le problème des remplacements de longue durée, en embarquant toute la communauté éducative, y compris celle exerçant dans le privé, pour y parvenir.

Le troisième axe de ma feuille de route consiste à bâtir, avec la représentation nationale et la communauté éducative, l'école de l'épanouissement républicain, où ni la peur ni le harcèlement n'auront leur place. Phare, le programme de lutte contre le harcèlement à l'école, a été créé il y a plusieurs années ; nous poursuivons le durcissement engagé par mon prédécesseur. Dans les tout prochains jours, nous rendrons compte de l'évolution des phénomènes de harcèlement et du déploiement de nouvelles mesures. Elles répondent à une triple logique : « 100 % prévention », avec des référents désignés dans les établissements et 150 ETP supplémentaires pour renforcer les équipes pédagogiques ; « 100 % détection », en faisant monter en puissance le numéro 3018 ; « 100 % solution », afin que même dans le premier degré, il soit possible de faire changer d'école l'élève harceleur, et non plus l'élève harcelé.

Dans cette école, les valeurs de la République seront mieux transmises encore, dans la perspective de protéger et de garantir la laïcité dans tous les établissements. Nous favoriserons également l'engagement, en renforçant le service national universel (SNU), que le Président de la République a l'ambition de généraliser.

L'école de l'épanouissement républicain sera attentive à la santé de l'enfant et à son bien-être. Aussi développerons-nous les cours d'empathie. Nous l'ouvrirons aux besoins des élèves, notamment concernant les apprentissages ; ils seront guidés dans la découverte d'eux-mêmes et de leur relation aux autres et recevront une éducation à la vie affective. Nous serons plus ambitieux que jamais en matière de mixité sociale et scolaire dans tous les établissements.

Cette école sera inclusive. Ensemble, nous en écrirons le deuxième acte, afin d'organiser les bonnes modalités d'accompagnement humain et matériel, d'ouvrir globalement l'accès des enfants en situation de handicap. Vous savez quels engagements le Président de la République a pris lors de la Conférence nationale du handicap.

Elle sera plus ouverte sur la société, en accordant la même considération à tous les parcours, y compris à la voie professionnelle, notamment en renforçant la découverte des métiers en cinquième et en organisant en fin de seconde un stage de quinze jours visant à aider les élèves à anticiper leur orientation.

Enfin, elle donnera toute leur place au sport et à la culture, en élargissant leur présence au cœur des enseignements et en favorisant leur découverte dans les temps périscolaires et extrascolaires. J'ai évoqué l'accueil de huit heures à dix-huit heures en zone d'éducation prioritaire ; j'ajoute que nous développerons les classes à horaires aménagés dans les champs sportif et culturel, pour que l'école sache reconnaître les singularités de nos enfants et fasse grandir leurs talents. Alors que les écrans sont si prégnants que leur usage vire à l'addiction, l'école, au sens le plus complet du terme, les dotera des centres d'intérêt qui feront le sel de leur vie.

Cette feuille de route s'inscrit tout entière dans la logique du ministère, au moment même où il prépare les Jeux olympiques et paralympiques et nourrit l'ambition forte que ceux-ci éclairent et inspirent notre jeunesse, qu'ils lui donnent l'exemple, grâce aux nombreuses initiatives qui permettront aux publics scolaires d'assister aux épreuves olympiques et paralympiques. Plus largement, ils mettront notre pays en valeur comme jamais.

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