La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics.
Mes chers collègues, je vous présente les excuses du président Éric Coquerel, qui nous rejoindra dans quelques minutes. L'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen de la commission d'évaluation des politiques publiques relatives à la à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
Discussion unique sur l'exécution budgétaire (M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées et Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance)
Je suis très heureux de vous retrouver ce matin, car cette audition va permettre de rappeler la richesse de cette mission Solidarité, ainsi que l'importance des actions qu'elle permet de financer. Cela fut d'autant plus le cas durant l'année 2022, année marquée par d'importantes évolutions sur lesquelles je voudrais insister.
Nous avons considéré qu'il ne pouvait en être autrement dans un contexte de forte inflation. La hausse des prix, notamment des denrées alimentaires, frappe en effet durement certains de nos concitoyens. Face à cela, la mission Solidarité a pleinement joué son rôle d'amortisseur social, grâce à la fois aux mesures qu'elle finance en gestion habituelle et aux traductions, inscrites en cours d'exercice, de l'intervention accrue décidée par le gouvernement pour faire face à la crise.
Ce temps de la loi de règlement permet d'en prendre pleinement conscience. Je tiens à citer un exemple pour commencer : la revalorisation anticipée du montant des prestations sociales de 4 % intervenue au 1er juillet 2022, en vertu des dispositions de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
Cette décision s'est traduite pour la mission Solidarité par une ouverture de crédits de plus de 387 millions d'euros, qui a permis, une fois complétée par la revalorisation légale intervenue au 1er avril dernier, de porter l'augmentation totale de ces prestations à 5,6 %, soit un montant proche de l'inflation sur un an.
Cette revalorisation, qui a concerné la prime d'activité, le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation financière d'insertion sociale (Afis), s'est accompagnée, de l'aide exceptionnelle de solidarité destinée aux foyers modestes et qui, pour un montant total de 1 130 millions d'euros, a représenté un versement moyen de 160 euros par ménage concerné. Ces deux mesures illustrent, autant que celles visant à contenir la hausse des prix de l'énergie, la détermination du gouvernement à agir pour atténuer les conséquences de l'inflation sur les plus modestes. Nous poursuivons bien sûr cet effort, avec par exemple le trimestre anti-inflation que portent Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et Madame Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.
Concernant les enjeux alimentaires, je souhaite détailler les évolutions, budgétaires apportées au cours de l'année 2022 et traduites dans la mission Solidarité. Au total, trois mouvements distincts et d'importance ont été opérés.
Les deux premiers sont issus de la loi de finances rectificative (LFR) du 16 août 2022. Tout d'abord, une enveloppe exceptionnelle de 40 millions d'euros a été ouverte pour soutenir les associations d'aide alimentaire. Ces montants ont permis de compenser la quasi-intégralité de leur perte de ressources liée aux marchés européens infructueux (28,5 millions d'euros déployés pour financer des achats directs auprès des producteurs) et de doubler les crédits locaux disponibles en soutien des associations de proximité (11,5 millions d'euros).
La LFR a aussi ouvert une enveloppe de 15 millions d'euros en faveur de l'aide alimentaire en outre-mer, afin de tenir compte de la vulnérabilité particulière de ces territoires. Enfin, le troisième mouvement de l'année porte sur une nouvelle enveloppe de 40 millions d'euros, qui a été ouverte par voie d'amendement lors de l'examen de la seconde LFR, promulguée le 2 décembre dernier.
Ces crédits ont notamment permis d'affecter en urgence 10 millions d'euros à l'aide alimentaire à destination des étudiants. Les 30 millions d'euros restants sont en cours de déploiement et doivent permettre aux associations de faire face à la hausse des dépenses énergétiques, à l'inflation des prix des denrées et à l'accroissement du nombre de bénéficiaires.
Au total, 95 millions d'euros ont été ouverts en lois de finances rectificative pour 2022. Les crédits de l'État en faveur de l'aide alimentaire ont donc été portés à 140 millions d'euros au total en 2022, soit près de trois fois plus que le montant initialement inscrit.
Il s'agit bien sûr de crédits d'urgence, mais ils permettent également d'engager des transformations profondes, ce dont permet aussi de rendre compte ce printemps de l'évaluation. Vous savez ainsi que la lutte du gouvernement contre la précarité alimentaire se concrétise en 2023 par la création d'un fonds pour une aide alimentaire durable au travers du programme « Mieux manger pour tous ». Ce fonds d'amorçage, doté de 60 millions d'euros en 2023, a vocation à financer des approvisionnements supplémentaires en denrées de qualité des associations habilitées à l'aide alimentaire et à promouvoir de nouvelles solidarités alimentaires au niveau local.
Ces moyens nouveaux s'inscrivent dans la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (loi Egalim) et sont ancrés au sein du comité de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa).
La mission Solidarité porte bien sûr de nombreuses autres transformations profondes. Certaines ont d'ailleurs un impact budgétaire déjà conséquent. Je pense par exemple à l'expérimentation de recentralisation du RSA : 749 millions d'euros sont mobilisés par l'État pour avancer en ce sens, depuis le 1er janvier 2022, avec les départements de la Seine-Saint-Denis et des Pyrénées-Orientales. Cette démarche suscite beaucoup d'intérêt et d'attentes, puisque l'expérimentation a été étendue à compter du 1er janvier 2023 au département de l'Ariège.
Une autre transformation particulièrement conséquente concerne la réforme de la solidarité à la source, dont l'impact budgétaire n'est à ce stade pas encore visible mais qui le sera dans les années à venir, et dans des proportions très importantes. Le programme 304, et plus particulièrement son action pour l'ingénierie, les outils de la gouvernance et les expérimentations, porte des crédits permettant de financer les travaux en cours visant à la modernisation de la délivrance du RSA et de la prime d'activité.
Il s'agit là d'une étape majeure de la réforme globale, dont je rappelle les grands objectifs :
- faire[WB1] baisser le non-recours aux prestations de solidarité ;
- simplifier les démarches de demande et de renouvellement des prestations ;
- calculer le juste droit, c'est-à-dire lutter contre la fraude, les indus et les rappels ;
- garantir que travailler rapporte toujours significativement plus que ne pas travailler.
Avec cette réforme, le plan anti-fraude annoncé par le ministre délégué chargé des comptes publics, Monsieur Gabriel Attal, mais aussi la mise en place de France Travail, nous menons une transformation profonde de notre protection sociale, pour un meilleur accès au juste droit et plus d'efficacité.
Je pourrais continuer longtemps à évoquer les nombreuses politiques fondamentales financées par cette mission. Je pourrais bien sûr mentionner les points principaux de bilan du programme 157 Handicap et dépendance, mais je ne veux pas être trop long dans ce propos liminaire.
Par ailleurs, il me semble qu'il serait peut-être plus approprié de les rattacher aux annonces faites récemment à l'occasion de la Conférence nationale du handicap. Je l'évoquerai justement cet après-midi au Sénat, et j'aurai plaisir à répéter l'exercice ici à l'Assemblée nationale. Je pense par ailleurs qu'il sera tout particulièrement intéressant d'évoquer la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH) qui sera effective au plus tard le 1er octobre.
Enfin, il me semble important de revenir sur un dernier point, concernant le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales. L'année 2022 présente des particularités qui sont parfaitement détaillées dans le rapport annuel de performance (RAP). Ainsi, plusieurs mouvements ont impacté le programme :
- les suites de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, avec des rapprochements qui se révèlent d'ores et déjà très positifs pour les publics bénéficiaires ;
- le prolongement de la crise sanitaire, avec une cellule de crise en administration centrale maintenue et renforcée ;
- les conséquences du conflit en Ukraine, avec l'accueil de près de 100 000 réfugiés qui a bien sûr mobilisé de nombreux services et conduit à des recrutements en renfort.
Là-encore, l'évolution des crédits consommés est précisément détaillée dans le RAP. Elle traduit également des mesures telles que la convergence indemnitaire des catégories administratives A et B, la hausse du point d'indice de la fonction publique, ou encore, pour les crédits hors titre 2, des opérations immobilières de grande ampleur
L'enfance constitue une priorité pour le gouvernement. Cette politique est éminemment interministérielle et je réunirai dans deux semaines le second comité interministériel de l'enfance pour faire un point sur l'avancement des priorités fixées par la Première ministre, notamment s'agissant de la lutte contre les violences, le numérique et l'enfance, la santé des enfants, l'égalité des chances et enfin le service public de la petite enfance.
Les crédits de la politique de l'enfance sont répartis parmi différentes missions et différents ministères, raison pour laquelle vous avez voté la création d'un jaune budgétaire lors du projet de loi de finance (PLF) 2023. Je me réjouis qu'il soit en co-construction entre le ministère du budget et mon propre ministère. Nous attendons ce document avec impatience.
S'agissant de la mission Solidarité, j'ai autorité sur les crédits spécifiquement dédiés à la politique de protection de l'enfance. Ils comprennent divers transferts vers les départements à divers titres, notamment la gestion des mineurs non accompagnés (MNA) ou la protection maternelle infantile, mais aussi quelques crédits de subvention et la ligne contractualisation, ou à tout le moins son volet sur le budget de l'État. Il convient également de citer deux plans majeurs, la lutte contre les violences et la lutte contre la prostitution des mineurs, ainsi que la politique des 1 000 premiers jours.
Pour revenir sur l'évolution des dépenses de 2022, je voudrais m'arrêter sur trois actions majeures. La première concerne la contractualisation. Ainsi, 2022 était la dernière année de la contractualisation lancée en 2020. Au total, 91 départements ont contractualisé en 2022, pour une consommation de l'enveloppe à 95 %. 100 millions d'euros ont été dépensés sur mon budget, auquel il faut également ajouter les financements PLFSS mobilisés, à hauteur de 131 millions d'euros. Au-delà de cette contractualisation, le budget de l'action 17 permet de financer certains transferts vers les départements : l'évaluation et la mise à l'abri des mineurs non accompagnés pour 33 millions d'euros, la compensation des extensions de compétences des départements pour la prise en charge des jeunes majeurs pour 50 millions d'euros ou encore la compensation du Ségur pour 15 millions d'euros.
Le deuxième point concerne les plans de lutte contre les violences faites aux enfants et contre la prostitution des mineurs. Le déploiement de ces plans est achevé et l'on constate un fort taux de mise en œuvre des mesures annoncées (plus de 90 %). Le soutien financier concerne la généralisation des unités d'accueil pédiatrique, qui continuera sur les exercices suivants, pour créer 21 unités chaque année, ainsi que les appels à projet, à hauteur de 3 millions d'euros sur la lutte contre la prostitution des mineurs. Ces deux plans sont en cours d'évaluation et les suites feront l'objet d'annonces prochainement, puisque je rendrai compte au Président de la République le 7 juin. Je vous annonce d'ores et déjà le lancement d'une grande campagne de sensibilisation sur ces violences sexuelles, en lien avec le ministre de l'éducation nationale, à la rentrée prochaine.
Le dernier point a trait à un sujet qui me tient à cœur : les 1 000 premiers jours. L'action 17 concerne la grande mobilisation du précédent quinquennat sur les 1 000 premiers jours. Nous travaillons actuellement collectivement avec le ministre des solidarités et le ministre de la santé sur les actions que nous devons continuer à porter dans ce cadre, au-delà de la garantie essentielle d'accueil au jardin d'enfants.
– Mission Solidarité, insertion et égalité des chances (Mme Perrine Goulet, rapporteure spéciale)
Je vous remercie, Monsieur et Madame les ministres, pour votre présentation de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances et de son exécution budgétaire au cours de l'année 2022. En tant que rapporteure spéciale des crédits de cette mission, je tenterai de compléter vos propos en me concentrant sur les aspects de l'exécution qui me paraissent essentiels.
Je rappelle que la mission Solidarité porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles. Son rôle dans le contexte inflationniste que nous avons traversé en 2022 est donc crucial. Avec près de 28 milliards d'euros, cette mission représente 4 % des crédits de paiement du budget général votés en loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Les crédits exécutés s'élèvent à un peu moins de 31 milliards d'euros tant en autorisations d'engagement (AE) qu'en crédits de paiement (CP), ce qui correspond à une augmentation significative de 10 % par rapport à l'exercice 2021.
Entre 2020 et 2021, les dépenses de la mission avait déjà progressé de 15 %, notamment du fait des différentes mesures gouvernementales prises pour préserver le pouvoir d'achat des Français les plus modestes. Les dépenses de cette mission sont donc très dynamiques.
De manière générale, il faut souligner qu'en 2022 la mission Solidarité a parfaitement joué son rôle pour soutenir les plus démunis face à la crise. Je mentionnerai tout d'abord les ouvertures de crédits dans le cadre des deux lois de finances rectificatives. Je crois qu'elles illustrent assez bien l'importance de la mission Solidarité dans le contexte économique difficile que nous traversons. Au total, à l'échelle de la mission, 2,42 milliards d'euros ont été ouverts en cours d'année, soit 9 % des crédits budgétés en LFI. Ces moyens supplémentaires ont principalement permis d'apporter un soutien aux Français les plus fragiles, notamment pour leur permettre de faire face à l'inflation.
Je note également la création de deux nouvelles aides exceptionnelles de solidarité. La première, à destination des ménages les plus modestes, a vu son montant s'élever à 100 euros par foyer et 50 euros par enfant à charge. Cette aide a représenté un effort budgétaire de plus d'un milliard d'euros. La seconde concerne les bénéficiaires de la prime d'activité, pour un montant de 28 euros par foyer et 14 euros par enfant à charge. Le coût du versement de cette aide s'est élevé à 100 millions d'euros.
Il convient également de rappeler et de saluer la décision de revaloriser de façon anticipée les prestations sociales. La prime d'activité a en effet été revalorisée au 1er juillet 2022 à hauteur de 4 %. Fin 2022, le montant forfaitaire de cette prime s'élève désormais à un peu moins de 600 euros, en sachant qu'il varie selon la composition du foyer. Au total, la dépense de prime d'activité pour 2022 s'élève environ à 10 milliards d'euros.
La revalorisation des prestations a également concerné l'allocation aux adultes handicapées (AAH) : 192,4 millions d'euros supplémentaires ont en effet été ouverts par la loi de finances rectificative (LFR) d'août 2022 afin de financer la revalorisation anticipée de 4 % de cette allocation. Le montant maximum de l'AAH est désormais de 956 euros. Je rappelle que plus d'un million de Français bénéficient de cette prestation, qui représente une dépense totale de près de 12 milliards d'euros sur la mission Solidarité. À ce titre, Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser l'état d'avancement de la mesure de déconjugalisation de l'AAH ? Une entrée en vigueur au 1er octobre 2023 vous parait-elle toujours envisageable ?
Les crédits ouverts en LFR ont apporté un soutien aux associations d'aide alimentaire face à l'inflation, à hauteur de 80 millions d'euros au total. Les associations de ce secteur essentiel ont en effet subi directement la hausse des prix, alors qu'elles ont dû faire face simultanément à un afflux conséquent de nouveaux demandeurs. Il convient de rappeler que les tensions sur les marchés alimentaires ont été particulièrement importantes depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. De nombreux marchés se sont révélés infructueux, ce qui a nécessité l'ouverture de moyens supplémentaires en cours d'année.
Je note également que l'expérimentation de recentralisation du RSA se poursuit en 2022. L'entrée du département des Pyrénées-Orientales dans l'expérimentation a nécessité l'ouverture de 143,7 millions d'euros supplémentaires. Enfin, au titre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, l'année 2022 s'est essentiellement traduite par un soutien accru à l'alimentation des enfants des familles les plus modestes, avec une montée en charge de la tarification sociale des cantines.
S'agissant du programme 137, qui porte les crédits destinés à l'égalité entre les femmes et les hommes, son budget a augmenté de 22 % par rapport à 2021. Cette augmentation a notamment permis à la plateforme d'écoute téléphonique 3919 pour les femmes victimes de violence d'être désormais accessible 7 jours sur sept et 24 heures sur 24.
Enfin, sur le programme 124, qui regroupe les moyens de fonctionnement, les emplois et la masse salariale des ministères sociaux, je note essentiellement une augmentation du plafond d'emplois des Agences régionales de santé (ARS) pour faire face à la crise sanitaire et au renforcement des missions d'inspection des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Il s'agit d'une mesure bienvenue.
Enfin, les documents budgétaires ne présentent pas la répartition des postes entre les administrations centrales et les services déconcentrés régionaux et départementaux. Nous sommes convaincus que les besoins sont dans nos territoires. Monsieur le ministre, accepteriez-vous la création d'un tel indicateur, qui différencierait le suivi des personnels à tous les niveaux de l'administration ? Quelle est votre volonté concernant le réarmement des services de l'état en département ?
Pour conclure je souhaite remercier les agents qui rédigent les RAP toujours très précis, ainsi que les administrateurs qui m'ont accompagné sur l'exécution budgétaire et sur le printemps de l'évaluation.
J'ai relevé pour ma part un élément sur lequel je souhaiterais avoir une réaction de votre part. En 2022, d'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), 34 % des personnes éligibles au RSA n'y ont pas eu recours, ce qui correspond à un montant de 3 milliards d'euros, soit trois fois plus que la fraude sociale estimée par Gabriel Attal. Je considère qu'il s'agit là d'un grave problème et souhaite savoir comment vos ministères comptent appréhender cette question.
Je salue à mon tour l'exécution des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, en augmentation de 10 %, soit 30 milliards d'euros, en AE et en CP en 2022 par rapport à 2021. Je souligne la dynamique de deux programmes : le programme 157 Handicap et dépendance, qui connaît une augmentation continue depuis plusieurs années, et le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui a vu ses dépenses augmenter de manière significative, notamment avec la création de deux nouvelles allocations exceptionnelles de solidarité votées en LFR, à destination des ménages les plus modestes, afin de les aider à lutter contre les effets de l'inflation.
Pouvez-vous nous dire comment a évolué le nombre d'allocataires du RSA entre 2021 et 2022 ; ainsi que nous indiquer le montant global du RSA ? Ensuite, le président de la Seine-Saint-Denis se déclare volontaire pour la recentralisation du RSA. Quand pourrons-nous disposer d'un bilan de l'expérimentation de cette recentralisation ? Existe-t-il des effets que nous n'avions pas anticipé sur ce sujet ? Ma troisième question porte sur la solidarité à la source, qui poursuit deux objectifs : éviter le non-recours et la fraude sociale. Où en sommes-nous dans ce processus long et compliqué ? Quelles perspectives pouvez-vous nous donner ?
Je partage, Monsieur le président, votre insatisfaction sur la situation de non-recours au RSA, qui constitue une injustice forte de notre système de protection sociale. J'ai fait de la lutte contre le non-recours une des priorités de mon action, qui motive en partie le projet de solidarité à la source et la transformation de notre système de versement des prestations et allocations sociales, au même titre que la lutte contre la fraude et les industries. Un des volets vise à automatiser le pré-remplissage de formulaires pour les demandes de prestations, afin de sécuriser le système, en plusieurs étapes. Dès le mois de juillet, les salariés verront apparaître sur leur fiche de paye une nouvelle ligne, le montant net social, qui est le montant à déclarer pour pouvoir obtenir une aide. Les entreprises transmettront cette information directement aux caisses. À partir de 2024, nous expérimenterons dans une dizaine de départements les formulaires préremplis sur le RSA et la prime d'activité. L'extension sur l'ensemble du territoire se fera à partir de 2025. Nous étudions également la possibilité de continuer travailler d'ici 2027 sur l'harmonisation des bases ressources, pour aller plus loin dans la simplification et travailler sur l'efficience du système de prestations sociales.
J'ai lancé en mars un appel à manifestations d'intérêt pour lancer l'expérimentation du programme « Territoires zéro non-recours » dans une dizaine de départements. Il s'agit de pouvoir accéder à des personnes qui ne sont pas connues de nos administrations, ni des caisses de sécurité sociale. Nous allons travailler avec les acteurs locaux sur les territoires et nous établirons la liste des départements retenus dans quelques semaines. Enfin, j'ai installé un comité de coordination de la lutte contre le non-recours, qui produira une stratégie spécifique.
Ensuite, la déconjugalisation de l'AAH aura bien lieu le 1er octobre. Le premier versement sera donc effectif le 5 novembre pour les droits du mois d'octobre. Je rappelle que nous avions mis en place un groupe de travail avec Madame Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée en charge des personnes handicapées, pour pouvoir rédiger le décret qui encadre cette automatisation de la déconjugalisation. À partir du moment où la déconjugalisation sera plus favorable pour l'allocataire, il basculera automatiquement dans le système déconjugalisé. Les nouveaux allocataires rentreront directement dans ce système déconjugalisé. Pendant un certain temps, le système vivra avec les deux prestations, avant l'extinction progressive de l'ancienne prestation.
On m'a confirmé que la mise en place technique s'effectuera correctement et que les systèmes d'information fonctionneront bien. Les CAF mènent un travail important contre le non-recours. Les personnes qui se sont vu refuser depuis 2021 l'allocation en raison du dépassement du plafond de ressources seront contactées par leur caisse. Tout au long de l'année, une série d'information sera effectuée auprès des centres communaux d'action sociale, des services sociaux et des personnes potentiellement concernées.
Cette action territoriale concernant l'administration déconcentrée doit être renforcée. Nous avons ainsi demandé le renfort des ARS en 2022 pour l'inspection et le contrôle des Ehpad. Nous avons en effet pris l'engagement de contrôler l'ensemble des Ehpad de notre pays dans les deux ans. C'est la raison pour laquelle la majorité des demandes d'équivalents temps plein supplémentaires que nous portons concernent les services déconcentrés de l'État. La proposition de création d'un indicateur est intéressante, même si elle est confrontée à quelques limites en termes de méthode. Il faudrait sans doute l'élaborer sur une échelle plus large que sur la seule mission dont j'ai la responsabilité.
Ensuite, en février 2023, il y avait 1,89 million d'allocataires du RSA, soit 195 000 de moins qu'en 2021. Enfin, nous avons prévu une évaluation six mois avant la fin de l'expérimentation de recentralisation, notamment en Seine-Saint-Denis, c'est-à-dire à la mi 2026. Les départements qui bénéficient de cette recentralisation ont d'ores et déjà constaté une augmentation réelle des moyens qu'ils pouvaient allouer à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.
Je salue à mon tour la hausse des crédits de 6,6 % de la mission en AE et de 8,3 % en CP, par rapport à 2022. La mission atteint désormais plus de 23 milliards d'euros pour 2023. Preuve que la solidarité est au cœur des priorités du gouvernement, près de 2,4 milliards d'euros supplémentaires ont été ouverts afin de financer l'aide aux ménages les plus modestes. Vous nous avez longuement exposé l'aide alimentaire et je tiens à saluer les 95 millions d'euros supplémentaires qui ont été inscrits en LFR l'année dernière. Afin de faciliter l'aide aux plus précaires, le gouvernement a par ailleurs ouvert la voie à la recentralisation de la gestion du RSA, avec une expérimentation sur les deux départements de la Seine-Saint-Denis et des Pyrénées-Orientales. Pourriez-vous nous préciser si d'autres départements se sont manifestés pour participer à cette expérimentation ?
La lutte contre les violences faites aux femmes représente également une priorité de la présente mission. Du fait de la crise sanitaire et des confinements, les moyens matériels et financiers ont été particulièrement renforcés, à l'image du déploiement 24 heures sur 24 du numéro d'urgence 3919. Le gouvernement se fixait des objectifs de 85 % et 75 % d'appels traités pour 2022 et 2023. Pourriez-vous nous donner les chiffres définitifs de 2022 et la tendance pour 2023 ? Enfin, dans le but de favoriser le retour à l'emploi, le gouvernement déploie de nombreux efforts qui portent leurs fruits. On constate ainsi depuis 2020 une hausse continue du retour à l'emploi des allocataires de RSA. Pouvez-vous nous confirmer cette tendance sur 2023 ?
Au nom de mon groupe, je tiens à mettre en lumière un point de plus en plus préoccupant. Au fil des années des associations à but non lucratif, dites associations « intermédiaires » se sont développées pour accompagner des personnes éloignées de l'emploi. En Alsace, il en existe dix-huit, qui salarient chaque année près de 3 000 personnes dans le cadre de parcours d'insertion. Ces associations contribuent à la montée en compétence des personnes en difficulté, assumant ainsi une mission de solidarité et une mission d'insertion professionnelle.
Malheureusement, elles nous indiquent que les financements se réduisent au bénéfice du secteur privé lucratif et que les missions qu'elles assument ne bénéficient pas de soutien à la hauteur de leurs engagements. La loi inclusion a eu pour effet d'augmenter les contraintes pesant sur ces associations, sans pour autant qu'il y ait eu une revalorisation de l'aide de l'État pour la réalisation de parcours vers l'emploi durable. Que comptez-vous faire pour éviter la fragilisation des associations intermédiaires qui ont fait leurs preuves et se trouvent aujourd'hui en difficulté ?
L'année 2022 a été marquée par une forte progression des dépenses de la mission. Cette progression est portée en grande partie par l'évolution des dépenses du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui enregistre une hausse de 2,64 milliards d'euros. Dans ce programme figure aussi la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui a accueilli les crédits alloués au lancement de la nouvelle expérimentation dans douze départements à la fin de l'année 2022. Cette expérimentation doit permettre de mieux détecter et d'accompagner les personnes susceptibles de basculer dans la spirale du surendettement.
Pouvez-vous nous faire un point sur cette expérimentation à mi-parcours ? Comment se matérialise-t-elle dans les départements et quels en sont les résultats ? Comment envisagez-vous la suite après l'expérimentation ? D'autre part, ce programme contient des crédits alloués à la protection juridique des majeurs. Dans une volonté de modernisation, cette protection se transforme numériquement, à travers le projet Mandoline. Pouvez-vous nous fournir un point d'étape sur ce programme de transformation numérique ? Qu'a-t-il permis et que permettra-t-il à l'avenir ?
Le dernier point concerne le dispositif d'accueil des mineurs non accompagnés. Il semblerait que l'exécution des crédits alloués ne dépasse pas 50 % en AE et en CP. Comment expliquez-vous cette situation et quelles sont les pistes d'amélioration possibles ?
Monsieur le ministre, vous avez mentionné le nouveau fonds d'amorçage « Mieux manger pour tous » créé en 2023 et doté de 60 millions d'euros. Pouvez-vous faire un point sur la consommation à ce jour ? Pensez-vous que ce montant sera suffisant pour boucler l'année 2023 ?
Ensuite, le doublement des crédits du 3919 est prévu en 2023. Allez-vous tenir ce doublement ? De plus, je me souviens qu'en 2021, le taux d'appels traités était en baisse. Qu'en est-il en 2022 ?
Par ailleurs, nous avons déjà évoqué le taux de non-recours au RSA ce matin ; il s'élève à plus de 3 milliards d'euros. De même, il existe un taux de non-recours important sur le minimum vieillesse. Vous avez évoqué les actions que vous comptiez mener dans les deux ans à venir, notamment sous la forme d'expérimentations. Je souhaite que vous alliez plus vite et que vous réfléchissiez en termes de simplification et d'harmonisation entre les allocations.
Enfin, le taux d'exécution du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes est légèrement en deçà de celui de 2021. Je m'en étonne, tant il reste à faire sur le sujet.
La mission Solidarité, Insertion et Égalité des chances connaît une forte progression des dépenses. Le taux de consommation des crédits disponibles s'approche des 100 % pour l'année 2022. Je souhaite revenir sur l'exécution des crédits du RSA recentralisé. Les documents transmis par votre ministère indiquent un reliquat s'élevant à plusieurs millions d'euros. L'expérimentation de la recentralisation du RSA est importante car ses résultats orienteront la manière dont sera mis en place le dispositif à l'avenir. Elle va dans le sens d'une amélioration des politiques d'insertion et d'une meilleure gestion de la solidarité nationale. Par ailleurs, elle préfigure un chantier important pour votre ministère : la mise en place du dispositif de solidarité à la source.
Cette utilisation partielle des crédits ouverts est-elle due à une surestimation du budget devant être alloué ou est-elle le témoignage de l'efficacité du dispositif ? Dans quelle mesure ces crédits seront-ils amenés à évoluer dans le prochain budget, afin de prendre en compte les nouvelles mesures de recentralisation et la mise en place de la solidarité à la source ?
La pauvreté touche près de 15 % de la population selon l'Insee, si l'on définit le seuil de pauvreté comme le niveau de vie inférieur à 60 % du niveau de vie médian de la population française. L'inflation n'arrange rien à l'affaire et elle devrait rester élevée en 2023. Elle a d'abord concerné l'énergie puis s'est portée dans le domaine alimentaire : en 2022, l'alimentation était le deuxième poste de dépenses des ménages interrogés par le réseau des banques alimentaires, en augmentation de 14 % par rapport à 2020.
En effet, les banques alimentaires ont accompagné pas moins de 2,4 millions de personnes fin 2022, soit trois fois plus qu'il y a dix ans. Concernant l'énergie, 89 % des foyers interrogés par le médiateur national de l'énergie déclaraient être préoccupés par leur consommation d'énergie et plus d'un foyer sur cinq a souffert du froid, selon le baromètre 2022 du médiateur.
En juillet dernier, France stratégie a formulé vingt-quatre recommandations pour tenter de limiter la progression de la pauvreté. Il est ainsi recommandé d'indexer sur l'inflation l'ensemble des prestations de soutien qui sont dédiées aux plus démunis et de revoir les leviers mobilisés pour la mise en œuvre du plan « Logement d'abord » qui rencontrent des difficultés . Ainsi, quelle portée allez-vous donner à ces propositions, notamment dans le cadre de la prochaine publication de votre pacte de solidarité ?
En 2022, les dépenses de la mission Solidarité atteignaient 30 milliards d'euros en AE et en CP, en hausse par rapport à 2021, notamment en raison de la multiplication des aides pour faire face à l'inflation. Je pense notamment à l'indemnité inflation et aux deux allocations exceptionnelles de la solidarité. Ces indemnités, bien que d'un montant modeste, ont constitué pour nombre de nos concitoyens une bouffée d'air non négligeable. Cependant, la multiplication des aides différentes à chaque fois crée un certain nombre de problèmes. Je n'en citerai qu'un exemple, celui des effets de bord sur l'indemnité inflation, pour laquelle les revenus de référence sont appréciés au niveau de la personne et non du foyer.
De manière plus générale, je m'interroge sur ces dispositifs qui se multiplient. À l'heure où il existe des chèques pour se chauffer ou se nourrir, lorsque l'on touche certaines prestations, certains niveaux de pension ou de salaires, cela signifie que ces derniers ne sont pas suffisants. Dès lors, ces aides vous permettent surtout de vous exonérer à peu de frais au lieu de vous interroger sur le rapport salarial de notre société et de remettre en cause le partage de la richesse toujours plus inéquitable. Nous ne pouvons plus nous satisfaire d'une société qui ne permet plus à ces concitoyens d'effectuer les activités les plus essentielles avec leurs salaires ou leurs revenus de remplacement, dans certains moments de leur vie.
Dans ces conditions, l'existence de ces aides ponctuelles symbolise une aide d'urgence essentielle pour nombre de nos concitoyens dans la situation actuelle. Quand pensez-vous agir pour le partage de la richesse et pour accroître les salaires ?
S'agissant de l'extension de l'expérimentation de la recentralisation du RSA, l'Ariège est entrée en 2023 le nouveau dispositif. La Meurthe-et-Moselle avait également candidaté, mais ce département ne répondait pas aux critères pour pouvoir y participer. À ma connaissance, aucun autre département ne souhaite à l'heure actuelle entrer dans cette expérimentation.
Ensuite, je n'ai pas encore de chiffres sur les tendances 2023 du nombre d'allocataires du RSA, qui sont variables d'un département à l'autres. Dans certains départements, les bénéficiaires du RSA diminuent, quand la tendance est inverse dans d'autres. Nous suivons cependant la situation de près et nous verrons comment elle évolue dans les mois à venir.
L'expérimentation « Aide-budget » a été mise en place à la suite des travaux menés par le député Chassaing. Elle vise à repérer le plus en amont possible la dégradation de certaines situations financières des ménages, pour pouvoir les accompagner. Il s'agit de mettre autour de la table tous ceux qui peuvent y contribuer, qu'il s'agisse des banques, des bailleurs sociaux ou d'autres services et de pouvoir accompagner les ménages très en amont, en renforçant notamment les Points conseil budget, qui sont aujourd'hui au nombre de 500 sur le territoire. Cette expérimentation ayant été mise en place à la fin de l'année 2022, il est un peu trop tôt pour faire un retour d'expérience à ce stade.
Vous m'avez également interrogé sur Mandoline, le projet de transformation numérique de la protection juridique des majeurs, en cours de déploiement. Il vise notamment à simplifier les échanges et à sécuriser le processus de gestion et de suivi des mandataires individuels. Il permet également de moderniser le processus d'habilitation des trois types de mandataires et de préciser le pilotage de la protection juridique des majeurs. Ce programme a permis de mettre à disposition de toutes les parties prenantes un site dédié, « eMJPM ». Une première vague de déploiement a été conduite en direction des agents des directions régionales et départementales, afin de faire découvrir le nouveau logiciel et de faciliter sa prise en main progressive. Des ateliers de présentation ont en outre été réalisés dans des départements : l'idée consiste à renforcer au maximum la disponibilité de la plateforme pour les mandataires judiciaires. Enfin, nous avons à cœur de l'évaluer.
Mme Pires Beaune, vous m'avez interrogé sur le programme « Mieux manger pour tous », doté de 60 millions d'euros en 2023. Au niveau national, 40 millions d'euros serviront aux grandes associations d'aide et de distribution alimentaires, afin qu'elles puissent se fournir en fruits, légumes, légumineux et produits sous labels de qualité. Ensuite, 20 millions d'euros permettront de développer les initiatives locales. J'étais par exemple hier avec l'association Solaal pour une opération de glanage solidaire, action que nous essayerons de développer car elle permet de mettre en relation des producteurs, des coopératives, des associations d'aide et de distribution alimentaires sur les territoires.
J'ai entendu vos remarques concernant la lutte contre le non-recours. Le projet de solidarité à la source consiste à aller vers les bénéficiaires et à simplifier l'ensemble de notre système. Dans ce cadre, la partie dédiée au back-office aura tout son sens, notamment à travers l'harmonisation des bases ressources, qui permettront de faciliter les modalités de calcul des prestations et de mieux mesurer l'efficience des politiques publiques en matière sociale.
La programmation budgétaire s'étalera sur les années à venir : nous avons inscrit des crédits dans la trajectoire des finances publiques, notamment pour accompagner l'accès aux droits renforcés sur le RSA et la prime d'activité.
Nous continuons de lutter contre l'inflation à la source. À ce titre, les chiffres publiés ce matin par l'Insee sont plutôt encourageants, puisque l'inflation a décru pour atteindre 5,1 % sur an, en deçà de la hausse des prestations sociales (5,6 % depuis le mois d'avril). Nous continuons à aider les familles modestes et je rappelle que les entreprises ont également augmenté les salaires de plus de 5 % en 2022. De fait, la majorité est pleinement engagée sur la question du partage de la valeur en entreprise et traduira dans la loi les accords qui ont été négociés par les partenaires sociaux.
M. Hetzel, j'ai bien noté votre question sur les associations intermédiaires. Nous vous y répondrons plus précisément, mais soyez convaincu que notre objectif vise bien à soutenir ces associations, qui réalisent un travail remarquable pour accompagner vers l'emploi et l'insertion les personnes qui en sont aujourd'hui éloignées.
S'agissant des mineurs non accompagnés et des décalages entre AE et CP, les départements demandent traditionnellement des remboursements à n+1, le temps que les frais opérés par les associations leur remontent. Par ailleurs, la budgétisation s'est fondée sur 2019 et non sur les années 2020 et 2021, qui étaient des années particulières en raison de la crise sanitaire. Nous observons une reprise des flux, mais l'année 2022 n'a pas atteint les niveaux de 2019.
On peut imaginer que le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité, qui a été rendu obligatoire par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, puisse connaître une évolution, en liant bien financement et inscription. Cependant, les départements ne sont pas particulièrement demandeurs à ce jour. On peut imaginer que la reprise des flux fera évoluer leur position.
Discussion sur la thématique d'évaluation : La contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance (Mme Perrine Goulet, rapporteure spéciale ; M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées)
Les politiques sociales de solidarité mises en œuvre par les départements font l'objet d'une contractualisation avec l'État, avec d'un côté les conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (CALPAE) depuis 2019 et, de l'autre, les contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance (CDPPE) depuis 2020. C'est le principe même d'égalité républicaine qui conduit l'État à accompagner les départements dans leurs compétences, si fondamentales pour la cohésion sociale de notre pays. Ainsi, comment pourrions-nous justifier qu'un enfant de l'ASE dans la Nièvre soit moins bien traité qu'un enfant de l'ASE en Côte d'Or ?
À partir de ce constat simple, la question est de savoir si la contractualisation, logique en théorie, a été réellement efficace dans les faits. Dans sa globalité, le bilan me semble positif, bien que comme pour tout dispositif contractualisé, l'intérêt et l'efficacité de ces contractualisations varient sensiblement selon les départements. Il est important de poursuivre cette démarche de contractualisation à l'avenir, notamment pour les CALPAE qui doivent s'achever en 2023, mais aussi pour les CDPPE.
Les CALPAE et les CDPPE ont permis de rapprocher les services de l'État, à savoir les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), des départements. Échange d'informations, regards croisés, partages d'expérience : ce dialogue est bénéfique pour l'État comme pour les départements. Tout ce qui peut renforcer le dialogue entre les collectivités et l'État déconcentré va dans le bon sens.
Un deuxième point positif doit être mentionné : même si les financements apportés par l'État peuvent paraître modestes – 149 millions d'euros ont été consommés en 2022 au titre des CALPAE et 134 millions d'euros au titre des CDPPE sur le programme 304 –, les acteurs rencontrés constatent un effet levier réel, quoiqu'il ne soit pas aisé de l'objectiver. En effet, les crédits budgétaires de l'État ont permis aux départements d'initier de nouvelles actions et d'en renforcer d'autres par exemple dans le champ de l'insertion, de la lutte contre les sorties sèches de l'ASE ou dans l'accompagnement des familles avec des enfants en situation de handicap.
Un troisième point positif peut être relevé : l'existence de résultats positifs pour plusieurs objectifs socles des CALPAE. Les indicateurs d'accompagnement des bénéficiaires du RSA sont tous en hausse : 57 % de nouveaux entrants au RSA ont ainsi été accompagnés en moins d'un mois en 2021 par les départements contre 46 % en 2019. Les indicateurs de prévention des sorties sèches de l'ASE, sortis des CALPAE et ayant intégré les CDPPE en 2022, témoignent également d'une nette progression : à titre d'exemple, le taux de jeunes sortant de l'ASE en parcours professionnel et scolaire atteint ainsi 74 % en 2021 contre 67 % en 2020.
Une fois ces points positifs soulignés, il faut s'attarder sur les limites de ces contrats et les axes de progrès. En ce qui concerne spécifiquement les CDPPE, on ne peut que constater les difficultés de dialogue entre les départements et les ARS, et parfois même entre les ARS et les DDETS. Les départements ont jugé l'action des ARS parfois infantilisante et, a contrario, tous les départements n'ont pas joué le jeu de la co-construction des actions à mener pour poursuivre les objectifs inscrits dans les contrats. En réalité, les difficultés avec les ARS me semblent dépasser le cadre contractuel propre des CDPPE : lorsque les départements regrettent le retrait des ARS sur leurs compétences propres (la santé mentale des enfants par exemple), on sait qu'il s'agit d'un phénomène qui n'est malheureusement pas nouveau, et qui n'est pas spécifiquement lié à la question des CDPPE.
Par ailleurs, du côté de l'État, le travail de coordination sur ces contrats entre DDETS et ARS ne se fait pas correctement, chacun restant dans son silo de compétence. En outre, une vraie question se pose pour les CDPPE : les DDETS sont-elles en mesure de parfaitement accompagner et « challenger » la mise en œuvre de l'action des départements en faveur de la petite enfance ou de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ? Contrairement aux politiques de lutte contre la pauvreté et pour l'insertion, l'État a complétement abandonné le champ de la politique de la petite enfance depuis les lois de décentralisation de 1983 : les effectifs des DDETS, déjà peu étoffés, n'ont plus toutes les compétences qui étaient celles des DDASS il y a plusieurs dizaines années. Il est crucial de réarmer l'État déconcentré par des formations renforcées et une augmentation des effectifs, pour réinvestir le champ de la petite enfance et de l'ASE.
Par ailleurs, des critiques communes, qui constituent autant d'axes d'amélioration possibles, sont adressées aux CALPAE comme aux CDPPE. Au regard du niveau modeste des financements apportés par l'État – les CALPAE représentent par exemple 0,2 % des dépenses d'insertion des départements –, les exigences de suivi et de reporting sont très élevées pour les départements, à qui incombent seuls cette charge. Les indicateurs, jusqu'à près de soixante dans certains départements, sont jugés trop nombreux.
Les changements de référentiel – la définition d'un nouvel entrant au RSA a ainsi été modifiée en cours d'exécution des CALPAE – ont complexifié le suivi pour les départements et parfois occasionné des dépenses supplémentaires d'adaptation des systèmes d'information. Certains indicateurs ont fait l'objet d'une compréhension différente selon les territoires, rendant impossible l'agrégation des données au niveau national, comme ce qui concerne l'objectif relatif au référent de parcours.
Cette lourdeur ne s'accompagne pas d'un contrôle réel des services de l'État : l'ensemble des données transmises par les départements sont purement déclaratives et les rapports d'exécution des départements contiennent de nombreuses erreurs et incomplétudes, ce qui rend d'autant plus complexe l'agrégation des résultats au niveau national. La simplification et la réduction du nombre d'indicateurs peut et doit s'accompagner d'une vigilance accrue sur les données renseignées par les départements. Il me semble aussi important d'encadrer la valorisation des crédits et de s'assurer, département par département, que les dépenses en faveur des politiques concernées par les contrats ne diminuent pas avec le soutien des crédits de l'État.
De surcroît, faute d'un diagnostic commun partagé au préalable, les départements ont souvent eu le sentiment, aussi bien pour les CALPAE que les CDPPE, que les objectifs jugés obligatoires au niveau national ne correspondaient pas nécessairement à la réalité du terrain. Il faudrait davantage de souplesse et de fongibilité dans les actions menées par les départements. L'instauration d'objectifs obligatoires identiques sur tout le territoire n'est pas toujours pertinente : la réussite des actions d'initiative départementale pour les CALPAE est plutôt la preuve du contraire.
Ensuite, il est crucial de donner davantage de visibilité pluriannuelle aux départements sur le programme 304, comme les financements de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) le permettent davantage sur les CDPPE. Faute de visibilité pluriannuelle, le montant des crédits délégués dépend du dialogue de gestion aboutissant à un rapport d'exécution, dont la préparation par le département est relativement chronophage, le tout devant nécessairement précéder la signature des avenants. En conséquence, la délégation des crédits, souvent tardive à l'automne, est source d'insécurité pour les départements alors qu'ils engagent certaines actions pour plusieurs années dans le cadre de partenariats avec des associations ou avec des recrutements.
L'analyse annuelle des indicateurs de performance n'est d'ailleurs pas toujours pertinente pour évaluer la qualité de l'action des départements : un recrutement retardé ou un congé maladie peuvent suffire à dégrader certains résultats. La pluriannualité doit permettre aux départements de déployer une action dans la durée et d'évaluer ses résultats à moyen terme. Mais cette souplesse à donner aux départements nécessite également un partage des données « en temps réel » renforcé. Les données mériteraient d'ailleurs d'être mieux partagées entre administrations centrales et déconcentrées d'un côté, et entre les opérateurs de l'État et les départements de l'autre.
Enfin, je me fais l'écho des réflexions des acteurs rencontrés concernant la gouvernance des contrats : Faut-il élaborer un contrat des contrats qui porte sur les politiques sociales afin d'avoir une vision transversale des dispositifs subventionnés ? Faut-il intégrer de nouveaux acteurs aux contrats comme les ministères de la justice et de l'éducation nationale pour les CDPPE d'un côté ; et les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), Pôle emploi, les caisses d'allocation familiales (CAF), les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) pour les CALPAE d'un autre côté ? Gardons à l'esprit que ces dispositifs doivent rester les plus souples possibles : si la cosignature d'autres acteurs peut alourdir le processus de contractualisation, la participation de nouveaux acteurs peut aussi prendre d'autres formes, par exemple celle d'un meilleur partage des données ou d'une participation aux instances de pilotage.
Monsieur le ministre, nous sommes à la fin d'un cycle. Vous préparez actuellement les futurs pactes locaux de solidarité qui succèderont aux CALPAE. A la lumière des propos que je viens de tenir, pouvez-vous nous faire un point sur ces pactes de solidarité ? Prendrez-vous en considération la demande des départements d'avoir plus de flexibilité et moins d'indicateurs ?
Madame la ministre, concernant les CDPPE, la nécessité de faire participer d'autres acteurs est en réflexion. Pouvez-vous nous faire un point sur ces travaux au regard de l'analyse que je vous ai livré, à savoir que les deux cosignataires actuels travaillent chacun en direct avec les départements sans concertation ? Quelle est votre feuille de route pour redonner la capacité au DDETS de piloter ces contrats ? Bien entendu, il ne me viendrait pas à l'esprit que les CDPPE soient interrompus.
Madame la rapporteure spéciale, je vous remercie d'avoir retenu cette année comme thématique d'évaluation La contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, dans le cadre à la fois de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, sur laquelle j'aurai plaisir à m'exprimer, et de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance, sur laquelle bien sûr je laisserais ma collègue Charlotte Caubel vous répondre.
Si elle est en bien sûr une facette très importante, la contractualisation entre l'État et les collectivités, qu'il s'agisse des départements ou des métropoles, ne résume pas à elle seule l'ambition de la stratégie de lutte contre la pauvreté menée par l'État. Il me semble d'ailleurs important, devant vous, de revenir sur l'exécution budgétaire 2022 de cette stratégie, que j'ai volontairement gardée pour cette seconde prise de parole.
En la matière, 2022 représente une nouvelle année de déploiement des principaux dispositifs de la stratégie. Je pense par exemple au soutien accru à l'alimentation des enfants de familles modestes avec une forte montée en charge de la tarification sociale des cantines. En 2022, cinq fois plus d'élèves ont bénéficié des tarifs à 1 euro ou moins que l'année scolaire précédente. Finalement, notre objectif d'atteindre 1 400 communes fin 2022 a été largement dépassé, puisque 1 888 communes ont bénéficié de ce dispositif. Le même constat de réussite s'applique aux petits-déjeuners gratuits à l'école, avec 245 151 élèves bénéficiaires contre 100 138 en 2021.
J'en viens maintenant au sujet précis de votre rapport thématique : la contractualisation entre l'État et les collectivités locales. L'année 2022 a constitué la dernière itération des contrats entre l'État et les conseils départementaux, les métropoles et quelques régions, en tout cas dans leur forme originelle.
Je rappelle qu'un nombre important des mesures de la stratégie de lutte contre la pauvreté passent par la contractualisation. Je pense notamment aux mesures suivantes :
- la garantie d'activité départementale pour les bénéficiaires du RSA, 200 000 d'entre eux ayant été concernés en 2021 ;
- le développement des plateformes de mobilité pour faciliter l'accès à l'emploi des publics qui en sont les plus éloignés ;
- la prévention des sorties sèches de l'ASE.
Evidemment, s'agissant d'une approche aussi innovante et aussi ambitieuse, l'évaluation a été à la fois indispensable et éclairante. Je retiens d'ailleurs de nombreux éléments de l'évaluation menée par l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la contractualisation, et partage par ailleurs très largement vos recommandations, madame la rapporteure.
Pour l'avenir, je souhaite ainsi refonder la démarche contractuelle afin de conclure de véritables pactes locaux des solidarités, autour des départements et des métropoles. Les précédents contrats ont permis de renouer un dialogue entre l'État et les collectivités, qui s'était fortement distendu sur les politiques sociales. Cette nouvelle dynamique de partenariat s'est construite autour de projets portés en commun et à forte plus-value sociale pour nos concitoyens.
Mais ils souffraient de quelques « défauts de jeunesse » qui en ont rendu la mise en œuvre souvent trop lourde, et le rapport de l'IGAS a sur ce point été éclairant. C'est pourquoi je pense comme vous, madame la rapporteure, que nous devrons nous améliorer sur plusieurs points. Il s'agit tout d'abord de réduire le nombre d'indicateurs. Nous devons nous concentrer au maximum sur la définition d'objectifs partagés plutôt que sur des indicateurs de moyens, car ce sont eux qui peuvent parfois conduire à des relations vécues comme un contrôle trop tatillon qui n'a bien sûr pas lieu d'être.
Je pense ensuite à la visibilité et la robustesse de notre partenariat. Nous devons aller vers une contractualisation pluriannuelle, qui donne de la visibilité à chacun, à l'échelle du quinquennat. Enfin, je souhaite évoquer l'adaptation à la diversité des territoires. Nous devrons trouver le meilleur équilibre entre deux éléments. Il s'agit d'une part de la définition d'éléments de cadrage construits à l'échelle nationale. Nous sommes d'ailleurs en train d'y travailler avec les représentants des collectivités. Il s'agit d'autre part de la nécessité d'élaborer des contrats réellement adaptés à la grande variété des réalités locales. C'est pourquoi les futurs contrats seront fondés sur des diagnostics territoriaux précis, en cours de formalisation. Au-delà du binôme État/collectivités, ils associent l'ensemble des parties-prenantes : caisses de sécurité sociale, Pôle Emploi, ARS, grandes associations de lutte contre la pauvreté, ainsi que d'autres acteurs le cas échéant, comme les entreprises.
Ces diagnostics nous permettront de nous appuyer sur la vision la plus précise et la plus complète des besoins des territoires, et de construire des réponses associant le plus grand nombre d'intervenants. Mon objectif consiste à finaliser ces contrats avant la fin de l'année, afin qu'ils soient applicables à compter du début de l'année 2024, en cohérence avec les calendriers budgétaires des collectivités.
J'ai décidé la reconduction de la contractualisation dédiée à la protection de l'enfance, pour maintenir les actions ayant débuté et prendre le temps d'évaluer la première vague de contractualisation. Celle-ci a ainsi permis de réunir autour de projets priorisés un certain nombre d'acteurs qui avaient tendance à ne plus se parler. Je pense notamment aux préfets, qui avaient moins investi le champ de la protection de l'enfance.
Nous avons déjà prévu d'inscrire pour 2023 et 2024 un soutien accru aux départements qui expérimentent les CDPPE, pour leur donner des moyens supplémentaires et leur laisser une marge de manœuvre. Madame la rapporteure spéciale, vous avez raison de faire le lien entre gouvernance, moyens et contractualisation, afin que nous agissions vraiment dans le cadre d'une stratégie territoriale.
Un président de département nous a demandé la totale liberté dès lors que les décisions étaient prises dans le cadre du comité départemental de protection de l'enfance (CDPE). Cette question essentielle mérite d'être expertisée. La richesse de la protection sociale de l'enfance tient à la conjonction d'une dimension sociale très importante et d'une dimension régalienne non négligeable, puisque la justice, la santé et l'éducation nationale interviennent. Nous soutenons également les projets interdépartementaux, puisque certains sujets peuvent être pris en compte au-delà des frontières de chaque département. Les départements du Pas-de-Calais et du Nord ont ainsi formulé une proposition en ce sens.
J'ai également la volonté d'élargir ces contractualisations à l'éducation nationale et à la justice, à la fois pour mobiliser d'autres fonds, mais aussi d'autres acteurs et moyens pour résoudre notamment la problématique des « cas complexes », ces jeunes qui passent d'un dispositif à l'autre et pour lesquels nous ne trouvons pas toujours de solutions à leurs difficultés. En résumé, je relance la contractualisation en 2024, en y accordant une priorité plus forte, déterminée notamment dans les CDPE, et un élargissement à tous les acteurs de l'enfance, notamment la CAF et la CPAM sur un certain nombre d'aspects. Vous avez évoqué la fongibilité des enveloppes mais celle-ci est relativement difficile à mettre en œuvre lorsque l'on place dans la même enveloppe l'ONDAM, le PLF et le PLFSS.
La pluriannualisation des financements de l'État est importante pour sécuriser les projets. Les associations demandent elles-mêmes une telle pluriannualisation au niveau des départements. Par ailleurs, il me paraît évident de limiter le nombre d'indicateurs, à l'aide de référentiels plus clairs.
Dans le domaine de la protection de l'enfance, il existe un véritable enjeu en matière de données à disposition des acteurs au niveau du territoire ou de l'État. Telle est l'ambition du groupement d'intérêt public « France enfance protégée ». J'ajoute que la Drees a conservé à notre demande une compétence propre dans ce domaine, qui représente un enjeu d'avenir et constitue une de mes priorités.
Dans la contractualisation sur la protection de l'enfance, nous nous sommes rendu compte que nos financements ont parfois financé des actions qui existaient déjà. Il est donc important que la contractualisation constitue le levier d'une meilleure synergie et une d'meilleure priorisation.
L'ensemble de ces sujets exige de renforcer les DDETS sur les enjeux de contrôle, mais aussi les enjeux de contractualisation avec les départements. Par exemple, on ne peut pas avoir 0,80 équivalent temps plein travaillé (ETPT) dans les Bouches-du-Rhône dédié à l'enfance. Nous avions obtenu des effectifs pour 2023 et j'ai demandé que les DDETS soient renforcées pour les départements volontaires sur le CDPPE. Il existe en outre un enjeu d'articulation sur la place des DDETS, des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et des commissaires à la pauvreté. Je veille à les associer aux CDPE. Il nous faut impérativement placer les compétences existantes dans nos services déconcentrés au bon endroit et les renforcer, pour répondre à ces enjeux de contractualisation.
Je tiens tout d'abord remercier Mme la rapporteure spéciale pour la qualité du rapport qu'elle vient de nous présenter. Afin de territorialiser sa stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et celle de la prévention et de la protection de l'enfance, le gouvernement a souhaité s'appuyer sur deux contrats avec les départements : les conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et l'accès à l'emploi, et les contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance.
Les CALPAE semblent avoir de réels effets positifs sur les objectifs fixés comme l'accompagnement des bénéficiaires du RSA ou le soutien à la mobilité des demandeurs d'emploi. S'agissant du RSA, les actions mises en place via ces contrats portent leurs fruits. À titre d'exemple, 57 % des nouveaux entrants au RSA ont été accompagnés en 2022, contre 49 % en 2019. Concernant les CDPPE, les résultats semblent plus mitigés, même si plusieurs actions ont été développées par les départements, grâce au financement de ces contrats.
Un des écueils concerne le suivi de l'action des départements en matière de protection maternelle et infantile et d'aide sociale à l'enfance confié aux DDETS. Un renforcement de leurs moyens humains est-il à l'ordre du jour pour améliorer le suivi ? De manière générale, les objectifs portés par les CALPAE et les DDETS s'inscrivent dans le temps long. Or les financements ne bénéficient pas d'une visibilité pluriannuelle, ce qui fragilise la réussite des objectifs fixés. Mr le ministre, un financement pluriannuel est-il à l'étude ?
Enfin, la réalité varie selon les territoires. Dès lors, les objectifs nationaux devraient pouvoir varier plus librement en fonction des spécificités des départements. Une plus grande flexibilité en la matière est-elle à l'étude ?
Concernant cette mission d'évaluation, mes interrogations porteront sur trois points. La première concerne l'évolution des dépenses sociales et des dépenses de RSA dans les départements. Depuis douze ans, le nombre d'allocataires du RSA a été multiplié par 1,5. Les revalorisations successives décidées par l'État entraînent en outre un surcoût pour les départements et représentent pour certains plus de la moitié de leur budget.
Ensuite, les indicateurs de retour à l'emploi sont très mauvais : sept personnes sur dix ne reviennent pas vers l'emploi bien des années après leur entrée dans le dispositif du RSA. De fait, le RSA se révèle être une prison destructrice en termes d'assistanat. N'y a-t-il pas de conclusions à tirer sur le fait que des générations rentrent dans les dispositifs d'insertion et n'en ressortent jamais ?
Enfin, ma dernière remarque concerne l'ASE. Quand les enfants continuent d'aller dans leur famille d'origine, le lien entre la famille d'accueil et la famille d'origine pose des difficultés, y compris dans les dispositifs d'ASE. Pour peu qu'elles voient l'enfant quelques jours dans l'année, les familles d'origine continuent de toucher un certain nombre de prestations sociales. Ne faudrait-il pas le remettre en cause ?
Je remercie la rapporteure pour son excellent exposé. Dans le cadre des CDPPE, certaines actions sont obligatoires pour chaque département, alors même qu'elles ne sont pas aussi nécessaires d'un territoire à l'autre. Comment traitez-vous cette réalité dans vos évaluations de mise en œuvre différenciées, département par département ? Comment pouvons-nous mieux territorialiser les missions des départements dans la protection de l'enfance ?
Ensuite, les CALPAE seront bientôt remplacées par les pactes locaux des solidarités. À quels changements peut-on s'attendre dans le périmètre des missions, compte tenu de l'évolution du partenariat avec les collectivités ? Quels seront les cosignataires de ces pactes ?
La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté lancée en 2018 a pris fin en 2022. Budgétairement, cette transition s'est manifestée par une diminution de 328 millions à 252 millions d'euros des crédits du programme 304 entre 2022 et 2023.
Ce plan entre en effet dans une année de transition, au cours de laquelle les conventions seront renouvelées. Vous aviez annoncé que le pacte des solidarités, initialement annoncé pour janvier, serait publié à la mi-mars. Or nous sous sommes fin mai et aucune nouvelle stratégie n'a été publiée. Que devient le pacte des solidarités ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer que vous avez pris en compte les voix qui se sont élevées dans le monde associatif pour demander que le pacte gagne en ambition ? Le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CLNE) a quant à lui demandé à être plus écouté, de même que les personnes directement concernées par la pauvreté.
Enfin, que répondez-vous à Noam Leandri, qui rappelle que les étrangers, les familles monoparentales et les jeunes sont les trois catégories les plus touchées par la pauvreté et qui espère en ce sens que des mesures très favorables aux étrangers puissent être prévus dans le projet de loi sur l'immigration ? Avez-vous travaillé de concert avec le ministère de l'intérieur sur ce sujet, dans le cadre des travaux préparatoires au projet de loi ?
Je remercie à mon tour Mme la rapporteure spéciale. La situation de la protection de l'enfance est préoccupante dans notre pays. Je pointe également le manque de places dans l'ASE ainsi que le manque criant d'assistantes familiales et d'éducateurs.
La contribution de l'État à travers le CDPPE et la lutte contre la pauvreté ne règle pas dans l'immédiat les questions d'urgence mais elle permet au moins de réunir les différents acteurs (ARS, éducation nationale, État) autour d'une table. Je souligne également la mise en place des CPDE dans les départements. Enfin, le travail de prévention sur les questions de l'enfance fait défaut dans notre société. Un grand travail de prévention doit être mené, tant au niveau de l'enfance que sur celui de la parentalité, tant les manques sont grands dans ces domaines.
Vous m'avez interrogé sur l'avenir de la stratégie de lutte contre la pauvreté et le pacte des solidarités. J'ai effectivement entendu les remarques effectuées par les acteurs (départements et associations de lutte contre la pauvreté), qui nous ont demandé de prendre plus de temps pour pouvoir élaborer ce pacte et travailler à une inclusion et une participation plus fortes des personnes concernées dans son élaboration. En conséquence, nous avons pris quelques semaines supplémentaires, mais je rappelle que l'objectif sera tenu, puisque l'année 2023 est une année de transition. Nous travaillons d'ores et déjà avec les collectivités sur les modalités de déploiement et de mise en œuvre de cette nouvelle stratégie.
Les annonces qui seront faites dans les semaines à venir tiendront bien compte de cette réalité. Il s'agit d'un engagement important du gouvernement, au niveau interministériel. En effet, ce pacte a pour objectif d'assembler les politiques publiques qui vont œuvrer pour lutter contre la pauvreté. Je pense à la mise en place d'un service public de la petite enfance dans la continuité des 1 000 premiers jours, qui comportera une dimension forte de prévention, d'accompagnement et de lutte contre la pauvreté des enfants. Nous allons continuer à lutter de manière méthodique contre la reproduction sociale de la pauvreté et les inégalités de destin.
En outre, nous avons fait du plein emploi un axe majeur de la lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, nous allons continuer de travailler en articulation avec France Travail. Ainsi, la contractualisation que nous porterons avec les collectivités au niveau territorial recoupera aussi le périmètre de France Travail. De plus, le pacte devra spécifiquement lutter contre la très grande pauvreté et à ce titre aller chercher les publics les plus éloignés, qu'il s'agisse des migrants, des jeunes ou des enfants.
Les familles monoparentales constituent en outre une autre de nos priorités et nous avons déjà pris de nombreuses mesures pour les soutenir. Elles représentent aujourd'hui 25 % des familles dans notre pays et 30 % d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.
Un quatrième axe visera à faire de la transition écologique une transition solidaire en travaillant sur les postes de dépenses contraintes des ménages les plus modestes, comme la mobilité, le logement, l'accès à l'énergie ou l'alimentation, dont je vous ai déjà parlé.
S'agissant de la politique d'accès à l'emploi, les dépenses qui ont augmenté concernent l'accompagnement de bénéficiaires du RSA Dans un marché du travail qui se tend, plus nous allons réduire le nombre de bénéficiaires du RSA, plus nous allons trouver des personnes très éloignées de l'emploi. Notre investissement pour les accompagner vers le retour à l'emploi se poursuivra dans les années à venir.
La relation entre l'État et les départements est parfois difficile. J'ai mis en place un comité des financeurs, pour pouvoir discuter avec les départements en amont des décisions que le Parlement ou le gouvernement sont conduits à prendre. Il s'agit de faire en sorte que chacun puisse, à la hauteur de ses besoins, prendre ses responsabilités Ainsi, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie participe aujourd'hui au financement d'une compétence exclusive des départements, la politique du maintien à domicile de nos ainés et des personnes en situation de handicap, pour plus d'un milliard d'euros. L'État prend donc sa part.
J'ajoute que d'autres discussions interviendront, notamment dans le cadre du groupe de travail que j'ai institué sur l'avenir du modèle économique des Ehpad. La question des Ehpad est assez compliquée car les capacités contributives sont très divergentes d'un département à l'autre. Ces discussions existent et nous continueront à y travailler.
Les cosignataires des pactes locaux de solidarité relèvent du choix des collectivités. Pour ma part, j'invite à élaborer une contractualisation très large, qui associe les services de l'État, les collectivités, les grandes et petites associations sur le territoire, mais aussi d'autres acteurs comme les entreprises et les entrepreneurs sociaux.
Nous partageons tous le même objectif, qui allie l'homogénéité d'un certain nombre de priorités et une différenciation territoire par territoire. Tel est l'objet de la contractualisation.
En matière de protection de l'enfance, il y avait trente objectifs mais seulement quatre ou cinq étaient obligatoires, par exemple les rendez-vous médicaux prénataux et post-nataux. Ensuite, les départements devaient en choisir huit sur les trente proposés. Cette souplesse initiale doit être maintenue, tout en affichant des priorités. Le fait d'inscrire le préfet et l'autorité judiciaire aux côtés du président dans les conseils départementaux de protection de l'enfance a permis de transmettre les impulsions de l'État, au plus près des territoires.
M. Di Filippo, vous avez évoqué la sortie des dispositifs de l'ASE. Il s'agit de mon indicateur de performance personnel. Nous avons inscrit 50 millions d'euros pour accompagner les départements. En la matière, je considère qu'un partenariat est essentiel entre les départements et l'État, lequel doit être au rendez-vous sur un certain nombre de thématiques, comme la santé, le logement ou le travail.
Vous avez aussi mentionné le sujet de la juste attribution des différentes allocations aux familles ou aux enfants. Le système actuel, très opaque, est normalement à la main des magistrats pour les enfants suivis par l'autorité judiciaire. Or les magistrats ne se prononcent pas systématiquement, ce qui est un problème en soi. De plus, lorsqu'ils se prononcent, ils ont tendance à privilégier, ce qui est normal, le maintien du lien avec la famille, ce qui entraîne un maintien de l'allocation des ressources à la famille. Je considère que cela pose un problème pour un bon nombre d'enfants. De manière générale, la question des allocations constitue un chantier prioritaire sur lequel nos équipes travaillent, pour effectuer des propositions d'allocations ou de réallocations au plus juste.
En résumé, les contractualisations constituent de bons dispositifs, qui doivent être maintenus. Du côté des CDPPE, la nécessité d'une coordination est évidente et il me semble pertinent de l'effectuer à travers les CDPE. J'appelle à leur généralisation et à un déploiement plus large.
Je comprends la volonté d'élargir le nombre de signataires. Il me semble utile d'associer tous les acteurs dans un comité de pilotage, mais la cosignature devrait se limiter aux financeurs. Par ailleurs, je souligne à nouveau que les départements manquent de fonctionnaires pour mener bien toutes ces missions.
Enfin, les printemps de l'évaluation sont de bons dispositifs qui doivent se poursuivre. Nous devons continuer à les développer. Je tiens à remercier les acteurs qui ont répondu à nos interpellations, qu'il s'agisse des départements, des métropoles, des services de l'État en administration centrale ou dans les départements.
J'interroge la commission afin qu'elle autorise la publication de ce rapport d'information sur la thématique d'évaluation du rapporteur spécial.
En l'absence d'objections, la publication du rapport d'information est autorisée.
Puis la commission examine le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale
Avant d'aborder l'examen pour avis du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, M. le rapporteur général a demandé la parole pour un point d'actualité.
Hier, monsieur le président, vous avez déclaré recevable la proposition de loi n° 1164 visant à abroger la réforme des retraites. Ce n'est pas le lieu d'aborder le fond du sujet, même si je reste à votre disposition pour cela. Tout le monde, ici, fait de la politique. C'est un droit mais, de votre côté, vous avez un rôle institutionnel de représentation de notre institution à jouer. Il serait important que vous l'ayez en tête lorsque vous intervenez !
Passons sur le fait que vous ayez refusé que le bureau se réunisse pour examiner cette situation exceptionnelle. C'était votre droit. Vous avez également pris le temps d'expliquer à de nombreuses reprises aux journalistes, avant même de donner votre avis à la présidente de la commission des affaires sociales, que vous essayeriez par tous les moyens de trouver des arguments en faveur de la recevabilité de la proposition de loi. C'est également votre droit même si le procédé prête à discussion.
En revanche, vous avez franchement dépassé les limites ce matin lorsque vous avez déclaré, sur une station de radio, que n'étaient opposés à votre avis juridique que des arguments d'autorité. C'est faux ! À la suite de votre avis, j'ai publié, en ma qualité de rapporteur général, un avis au moins aussi étayé sur le plan juridique que le vôtre. Je vous demande, ce qui est la moindre des choses, de le reconnaître. Même si mon avis diffère du vôtre et que je ne partage pas votre appréciation de l'article 40 de la Constitution, j'aimerais qu'il ne soit pas nié et que le débat reste ouvert.
Nous n'allons pas en discuter ici car, vous l'avez dit, ce n'est pas le lieu et nous avons des textes à examiner. Je me permettrai simplement de vous donner deux explications.
J'ai refusé que le bureau de la commission des finances examine la recevabilité de cette proposition de loi car cela aurait été contraire à l'esprit de la révision constitutionnelle de 2008 et de la réforme du Règlement de 2009, qui a chargé le président de la commission des finances du soin de décider de la recevabilité d'un texte pour la simple raison que ce président est issu de l'opposition alors que le bureau de la commission est essentiellement composé de députés de la majorité. J'ai donc refusé car le bureau de la commission ne peut pas se prononcer sur la recevabilité d'un texte. À cet égard, je n'ai jamais fui le dialogue et lors de la réunion de bureau au cours de laquelle vous avez soulevé ce sujet, tous les membres ont pu donner leur avis sur la recevabilité du texte.
Pour ce qui est de la conférence de presse que j'ai donnée à LCP, je vous ferai remarquer que j'avais pris la peine de donner ma réponse à la présidente de la commission des affaires sociales juste avant. Surtout, j'ai moi-même été saisi de cette demande de recevabilité par cette même présidente seulement deux minutes avant de l'apprendre par LCP. Vous voyez, ce sont des pratiques largement partagées !
J'ai répondu ce matin à la plupart des arguments d'autorité qui ont été publiés sur les réseaux sociaux par des collègues de la majorité ou des membres du Gouvernement. Ceux-ci étaient, en effet, dépourvus de toute valeur juridique. Je reconnais qu'il en va différemment de l'avis que vous avez publié, monsieur le rapporteur général, et je vous sais gré de vous en être donné la peine. J'y répondrai et ma réponse sera portée à la connaissance de tous les membres de la commission.
La majorité des membres du bureau a signé le courrier par lequel nous vous demandions de réunir le bureau, non pas pour juger de la recevabilité de la proposition de loi sur le fondement de l'article 40 de la Constitution mais pour discuter des modalités de son utilisation et de l'usage que nous en faisions tous collectivement, au sein de cette assemblée. Les mots ont un sens et le contexte politique actuel impose de rétablir la vérité. Ne mélangez pas tout et ne détournez pas les demandes qui ont été à nouveau exprimées par la majorité des membres du bureau puisque, lors d'une précédente réunion, je vous ai demandé de réunir à nouveau le bureau avant de prendre la moindre décision, non pas pour nous prononcer sur la recevabilité de la proposition de loi mais, je le répète, pour discuter des modalités de l'utilisation de l'article 40.
Vous parliez d'apprécier la recevabilité, souvenez-vous ! Afin de clarifier la situation, j'enverrai aux membres de la commission une copie de la réponse que j'ai apportée au courrier que vous mentionnez. Vous faisiez référence aux propos que le rapporteur général avait tenus lors de la dernière réunion du bureau et qui visaient à examiner la recevabilité du texte. Je vous renvoie au compte rendu officiel de cette réunion.
Au-delà de ces considérations, le problème du gage de cette proposition de loi reste entier puisqu'elle sera coûteuse non seulement pour les finances sociales mais aussi pour les finances de l'État.
Je répondrai aux arguments détaillés du rapporteur général. Nous en reparlerons lors d'une prochaine réunion du bureau de la commission.
Puis la commission examine pour avis le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 (n° 1268).
Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2022, déposé mercredi dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il s'agit du premier exercice pour lequel un projet de loi d'approbation des comptes spécifique, distinct du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l'année à venir, est déposé. Jusqu'à présent, l'approbation des comptes de l'année écoulée intervenait en effet dans le cadre de l'examen du PLFSS, par l'intermédiaire de l'examen de sa première partie.
J'ai dû déclarer irrecevable un amendement qui visait à demander un rapport car il méconnaissait les exigences de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. En effet, le champ des propositions d'un PLACSS est beaucoup plus limité que pour un projet de LFSS initiale ou rectificative.
Nous nous retrouvons pour un nouveau rendez-vous autour de l'exécution des finances sociales. Si le budget de l'État est depuis bien longtemps approuvé dans un véhicule juridique distinct, la loi de règlement, à la suite d'un examen par notre commission dans un cadre spécifique, ce n'était pas le cas jusqu'à cette année pour les comptes sociaux.
Nous examinions en effet les recettes et les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et de leurs satellites au titre de l'année précédente dans le cadre de la première partie du PLFSS. Or, il faut bien le reconnaître, cette étape de constat et d'approbation faisait souvent l'objet d'un examen rapide et était concurrencée par les parties suivantes du PLFSS, qui portent quant à elles des mesures pour l'année en cours et celle à venir.
Afin d'accorder à l'analyse et à l'approbation des comptes de la sécurité sociale l'attention qu'elles méritent, la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, défendue par notre ancien collègue Thomas Mesnier, a introduit une nouvelle catégorie de loi de financement, les lois d'approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS).
Je vous présenterai tout d'abord les principaux constats relatifs au solde, à la dette et aux recettes pour 2022, puis j'en viendrai aux dépenses.
Concernant le champ des administrations de sécurité sociale (ASSO), plus large que celui des régimes sur lesquels je concentrerai mon propos par la suite, nous constatons en 2022 un excédent de 0,3 % du produit intérieur brut (PIB), soit 9,2 milliards d'euros. S'agissant des régimes de base, le déficit pour 2022 s'élève à 21 milliards d'euros. Il résulte d'un déficit de 21 milliards d'euros pour la branche maladie et de 3,8 milliards d'euros pour la branche vieillesse, compensés par un excédent de 1,7 milliard d'euros pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), de 1,9 milliard d'euros pour la branche famille et de 0,2 milliard d'euros pour la branche autonomie, qui termine son deuxième exercice.
Si l'on y ajoute l'excédent de 1,3 milliard d'euros qu'affiche le fonds de solidarité vieillesse (FSV), nous obtenons un déficit de 19,6 milliards d'euros en 2022. Pour mémoire, il s'établissait à 1,7 milliard d'euros en 2019 avant de plonger à 39,7 milliards d'euros en 2020 et 24,3 milliards d'euros et 2021.
Le déficit doit être analysé parallèlement à la dette. Celle de la sécurité sociale est divisée en deux compartiments, l'un à court terme et l'autre pour les échéances de plus d'un an.
Pour le premier, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui centralise la trésorerie du régime général, affiche à la fin de 2022 un endettement net de 12,5 milliards d'euros, ce qui représente une très nette amélioration par rapport à 2021, grâce notamment aux reprises faites en application de la loi organique que nous avons votée en août 2020. Cette année, l'excédent de l'ACOSS devrait s'élever à 6 milliards d'euros environ.
Le second volet de la dette est géré par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). En 2022, elle a apuré 19 milliards d'euros, au-dessus de l'objectif initialement fixé à 18 milliards d'euros puis révisé à 18,6 milliards d'euros.
Cela signifie qu'au 31 décembre dernier, elle avait déjà remboursé 224,3 milliards d'euros et que 136,2 milliards d'euros restaient à son bilan, pour des transferts totaux de 360,5 milliards d'euros.
Venons-en aux recettes du régime de base et du FSV. Elles ont atteint 572 milliards d'euros en 2022, contre 538 milliards d'euros en 2021 et une prévision de 549 milliards d'euros. C'est donc une hausse de 6,3 % et de 4,2 % par rapport à ces deux bases, ce qui tient surtout à la progression de la masse salariale de 8,7 %.
Les cotisations de sécurité sociale représentent toujours plus de la moitié des recettes, 57,8 %, soit 330,4 milliards d'euros, et leur hausse a été de 5,7 %.
Du côté des impositions affectées, la contribution sociale généralisée (CSG) progresse de 8,1 %.
J'en viens aux constats et à l'approbation des dépenses des ROBSS pour l'année 2022. Elles atteignent 591,6 milliards en 2022, ce qui est supérieur de 3,7 % à la prévision initiale fixée par la LFSS pour 2022 et surtout de 4,3 % aux dépenses pour 2021.
Cette croissance importante confirme la capacité de notre sécurité sociale à faire face aux enjeux du temps et s'explique par deux raisons principales.
La première est la revalorisation exceptionnelle de 4 % des prestations servies par les différentes branches, votée dans le cadre de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. En venant s'ajouter à la revalorisation annuelle traditionnelle et en s'appliquant à un grand nombre de dépenses, par exemple à plus de 80 % des dépenses de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), cette revalorisation anticipée a concouru très nettement à la croissance des dépenses des ROBSS. L'effet de cette double revalorisation a été particulièrement significatif pour la branche vieillesse, en raison de l'importance du volume des prestations servies. Cette branche est en effet la plus importante en termes de dépenses : celles-ci atteignent 262,8 milliards d'euros en 2022.
Ensuite, plusieurs mesures nouvelles ont soutenu le dynamisme des dépenses de sécurité sociale. Ainsi, les revalorisations salariales décidées dans le cadre du « Ségur de la santé » ont entraîné 2,7 milliards d'euros de dépenses supplémentaires pour la branche maladie.
Concernant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), dont je rappelle qu'il est un agrégat de dépenses assurées par les branches maladie, AT-MP et autonomie, il s'établit pour 2022 à 247,2 milliards d'euros, soit 10,4 milliards d'euros de plus que la prévision fixée par la LFSS pour 2022.
Ce dépassement de l'ONDAM s'explique par le cumul des dépenses de soins de ville, notamment d'indemnités journalières, excédant la prévision, du financement de 2,7 milliards d'euros de mesures de compensation de l'inflation ayant principalement bénéficié aux établissements de santé, et de 700 millions d'euros de dépenses liées à des mesures exceptionnelles visant à renforcer l'attractivité des emplois proposés par ces mêmes établissements. Les dépenses liées au covid-19, si elles sont en net reflux par rapport à 2020 et 2021, ont également excédé la prévision de 6,8 milliards d'euros.
Un élément significatif me semble devoir être souligné : si l'ONDAM, toutes dépenses comprises, a crû de 2,9 % entre 2021 et 2022, l'ONDAM hors dépenses liées à la crise sanitaire a progressé quant à lui de 6 %. Deux conclusions peuvent en être tirées : tout d'abord, c'est la baisse des dépenses liées au covid-19 qui explique le ralentissement de la croissance de l'ONDAM. Ensuite, en excluant ces dépenses, la croissance de l'objectif reste extrêmement soutenue et bien plus rapide qu'avant la crise sanitaire.
Je souhaiterais enfin évoquer les dépenses de la branche autonomie. Si le dépassement de la prévision n'est que de 800 millions d'euros, les dépenses excèdent de 8 % celles enregistrées au titre de l'année 2021. Le financement des établissements sociaux et médico-sociaux a été tiré à la hausse par les extensions successives du « Ségur de la santé » et les financements affectés à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) traduisent les effets de la double revalorisation et de la croissance du nombre de bénéficiaires. Enfin, les compensations versées aux départements pour le financement de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) sont en hausse, en raison notamment de la création de la PCH « parentalité » et des soutiens versés aux départements en compensation de l'instauration d'un tarif plancher des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD), votée par nos soins dans le cadre de la LFSS pour 2022.
Ainsi, la branche autonomie, dernière-née de la sécurité sociale, fait d'ores et déjà les preuves de sa capacité à financer et à assurer le pilotage de mesures structurantes pour la politique de l'autonomie.
Je voudrais d'abord remercier notre rapporteur pour son propos très clair sur les finances d'un sous-secteur d'administration publique, celui de la sécurité sociale, dont notre commission est moins familière qu'elle ne l'est des comptes de l'État ou des collectivités territoriales, alors qu'elles représentent 26,6 % du PIB.
Je voudrais ensuite me féliciter à la fois de la tenue de ce nouvel exercice, le PLACSS, et des résultats qu'il traduit pour 2022.
Le PLACSS est une nouvelle séquence importante. Notre commission a l'habitude, depuis 1996, de se saisir pour avis des PLFSS.
Ces textes avaient, comme le notait notre ancien collègue Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales sous la précédente législature, « trois visages » : ils approuvaient les comptes des ROBSS de l'année précédente, ils comportaient des dispositions relatives à l'année en cours et, surtout, ils établissaient les recettes et les dépenses pour l'année à venir.
Bref, la LFSS réunissait une loi de règlement, une loi de finances rectificative et une loi de finances initiale, mais comme le relevait encore Thomas Mesnier, « riche d'informations, la première partie était souvent éclipsée par les autres dimensions » du texte.
À partir de 2017, et à l'initiative de nos collègues Éric Woerth, Joël Giraud et Amélie de Montchalin, nous avons souhaité revaloriser l'analyse de l'exécution et l'évaluation des politiques publiques. C'est le printemps de l'évaluation, auquel nous nous livrons depuis un mois.
La commission des affaires sociales nous a suivis, ce qui est une bonne nouvelle, mais nos collègues ne pouvaient s'appuyer sur aucun texte car, pour la sécurité sociale, l'exercice était justement clos très tard.
Avec la révision de la loi organique relative aux LFSS de 2022, a donc été créée une nouvelle catégorie de loi, spécifiquement dédiée à l'approbation des comptes sociaux.
Cette réforme se traduit aussi par le fait que de très nombreuses annexes sont désormais remises par le Gouvernement ou par des structures de contrôle au premier semestre, notamment par la Cour des comptes qui a la charge de certifier les comptes du régime général. Ses travaux confirment la gestion vertueuse des finances sociales que l'exécutif et notre majorité conduisent depuis six ans avec – je cite la Cour des comptes –, « un déficit légèrement moins important que prévu initialement », notamment grâce à « un rebond marqué des recettes », supérieures de 6,3 % à celles de 2021.
Que nous disent les chiffres du PLACSS pour 2022 concernant le solde et les recettes ?
Le déficit des ROBSS et du FSV atteint 19,6 milliards d'euros en 2022.
Le rapporteur pour avis a détaillé la contribution de chaque branche à ce solde agrégé. Je souhaiterais pour ma part insister sur la consolidation – mesurée, mais avérée – de ce chiffre par rapport aux prévisions de 25,2 milliards d'euros puis de 21,4 milliards d'euros établies au cœur de la crise sanitaire puis dans la LFSS pour 2022.
L'amélioration du résultat tient à la fois au reflux de l'épidémie de covid-19, même s'il nous faut rester prudents, et à la bonne tenue du marché du travail. Nous connaissons le taux de chômage le plus bas depuis 1982, à savoir 7,1 % au premier trimestre 2023.
Parmi les 572 milliards d'euros de recettes des régimes obligatoires de base et du FSV en 2022, l'État est un contributeur de premier ordre. Pourriez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, nous donner le chiffre de sa contribution en tant qu'employeur et celui de l'affectation aux régimes relevant de la LFSS d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ?
J'en viens, pour terminer, à quelques considérations sur les dépenses de la sécurité sociale.
Le rapporteur pour avis l'a dit, elles atteignent 591,6 milliards en 2022, soit 4,3 % de plus qu'en 2021. Ces résultats me permettent de rappeler un fait majeur : oui, l'inflation est forte, mais les dépenses de sécurité sociale permettent d'accompagner les Français durant cette période. Pour un grand nombre de prestations – par exemple, 80 % des prestations versées par la branche famille –, une double revalorisation a été appliquée en 2022 : la revalorisation classique qui intervient en janvier ou en avril bien sûr, mais également une revalorisation anticipée de 4 %, votée l'été dernier. Cette double revalorisation était nécessaire et elle a fortement contribué à la hausse des dépenses sociales.
Monsieur le rapporteur, des mesures de lutte contre l'inflation complémentaires à la revalorisation exceptionnelle de 4 % des prestations sociales ont-elles été prises ou sont-elles envisagées ?
L'exercice exigeant auquel nous sommes invités ce matin nous impose d'être rigoureux et transparents, pour assurer la pérennité de notre modèle social.
Ce texte budgétaire inédit, qui constitue une analyse des comptes sociaux de l'année écoulée, est un exercice de transparence et de rigueur budgétaire en ce qu'il met en lumière les avancées réalisées depuis le vote de la LFSS. À ce titre, nous pouvons remarquer la poursuite du rétablissement des comptes sociaux après une crise sanitaire majeure au cours de laquelle la protection sociale et le régime obligatoire ont été mis à forte contribution. Les ROBSS et le compris le FSV ont épongé la moitié de leur déficit, passant à moins de 20 milliards d'euros aujourd'hui alors qu'ils avaient atteint le double il y a deux ans.
Ensuite, les chiffres très positifs de l'emploi favorisent la bonne trajectoire de notre modèle social et assurent sa pérennité. La dynamique positive des recettes est marquante et elle devrait se poursuivre en 2023. N'oublions pas qu'elle est liée à l'emploi. La politique que nous avons menée pour réduire drastiquement le chômage a permis d'augmenter les recettes et nous devons tous nous réjouir de cet effet bénéfique pour les finances publiques. Le travail reste donc le meilleur moyen de réduire le déficit et d'équilibrer nos comptes. La lutte contre le chômage, la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle sont au cœur de notre politique économique. Certes, les déficits des branches maladie et vieillesse sont importants et c'est pour cette raison que nous avons souhaité trouver une solution rapidement, notamment en réformant les retraites.
Enfin, les mesures ambitieuses annoncées pour lutter contre la fraude sociale augurent une trajectoire de plus en plus sécurisée pour nos finances publiques. Nous luttons contre le travail non déclaré et la fraude aux prestations sociales et de santé. Depuis 2017, les redressements ont augmenté de 35 %.
Le groupe Renaissance votera pour le projet de loi.
Je concentrerai mon propos sur l'importance des erreurs qui affectent les prestations versées, ce qui fausse la représentation des comptes des branches.
Commençons par la branche vieillesse. Alors que des progrès avaient été relevés par la Cour des comptes en 2021, sous l'effet d'une mobilisation accrue de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et du réseau pour prévenir les erreurs de liquidation des prestations, de nombreuses erreurs continuent d'être commises en 2022 : elles ne concernent pas moins de 15 % des dossiers, en particulier chez les principaux organismes de la branche.
S'agissant de la branche maladie, la fréquence des erreurs portant sur les remboursements de dépenses de santé dépasse 10 % des remboursements. Une prestation de retraite nouvellement attribuée sur sept a été affectée d'au moins une erreur de portée financière en 2022, comme en 2021. C'était également le cas pour une indemnité journalière sur dix.
La Cour des comptes a considéré qu'elle n'était pas en mesure de certifier les comptes de la branche famille. Un quart des montants versés en 2022 au titre de la prime d'activité est affecté d'erreurs non corrigées, neuf mois après leur paiement. Cette proportion approche un sixième pour le revenu de solidarité active et un huitième pour les aides au logement.
Quelles dispositions comptez-vous prendre pour améliorer ces chiffres et réduire les risques d'erreur ?
Nous voterons contre le projet de loi.
Nous n'approuverons pas les comptes de la sécurité sociale pour 2022 car ce tableau donne à voir que la sécurité sociale va bien dès lors que les libéraux n'y mettent pas les mains. En ce jour si particulier où, dans la salle voisine, des députés s'apprêtent à créer l'un des incidents les plus graves de l'histoire parlementaire de la Vème République, vous justifiez cela au nom d'un déficit des retraites attendu de 12 milliards d'euros d'ici à 2027 – 12 milliards en cinq ans ! – alors que nous avons la preuve, sous nos yeux, qu'en 2022, les exonérations de cotisations sociales ont atteint 67 milliards d'euros ! Pas moins de 17 milliards d'exonérations pour la seule branche vieillesse !
Rappelons également que 136 milliards d'euros de dette sociale accumulée en raison de la crise sanitaire ont été transférés à la Cades. Or le confinement étant un choix de l'État, il appartenait à celui-ci d'en gérer les conséquences politiques et financières. L'État peut faire rouler la dette – c'est-à-dire, n'en payer que les intérêts – tandis que la CADES ou les autres emprunteurs de la sécurité sociale devront payer non seulement intérêts, mais aussi les charges afférentes au capital de la dette. Ce n'est pas parce que vous seriez de mauvais gestionnaires que vous avez pris une décision injuste, c'est pour concrétiser un projet politique pensé, de destruction méthodique des ressources de la sécurité sociale, afin de verser les 800 milliards d'euros de la protection sociale dans les mains du privé.
En application de la loi organique du 14 mars 2022, nous examinons le PLACSS pour cette même année. Notre modèle social semble de plus en plus déséquilibré : les dépenses sociales représentent 30 % du PIB et la réduction des déficits mise en avant par le rapporteur général est en trompe-l'œil car elle se fonde sur une comparaison avec les années marquées par le covid-19, au cours desquelles la dépense sociale avait explosé ; si on compare les niveaux actuels à ceux des années 2017 à 2019, le tableau change. Surtout, un risque pèse sur l'avenir de l'ensemble des branches.
La démographie est en train de plonger en France ; il y avait 1,8 enfant par femme à la sortie de la crise du covid-19, peut-être qu'il n'y en aura bientôt plus que 1,4 comme chez nos voisins européens. Or le modèle social est bâti sur la solidarité entre les actifs et les inactifs, entre les jeunes et les moins jeunes. Il va donc falloir repenser notre modèle.
Les dernières prévisions gouvernementales faisaient état d'un déficit supplémentaire de 700 millions d'euros par rapport à ce qu'indiquait la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 et d'un déficit total arrêté à 19,6 milliards d'euros ; la Cour des comptes a certifié les comptes avec réserves, sauf ceux de la branche famille auxquels elle a opposé un refus de certification. Certains problèmes sont récurrents et datent, pour certains d'entre eux, de nombreuses années. Certaines erreurs tendent également à se répéter. La CNAF a commis des erreurs, dans un sens ou dans un autre, ce qui jette un doute sur l'ensemble de ses comptes : la juridiction calcule que les indus et les rappels représentent 5,8 milliards d'euros.
Comme nous n'avons pas voté le PLFSS pour 2022, nous voterons contre ce projet de loi et invitons tous les collègues à réfléchir à l'ensemble de notre modèle social, à sa générosité et aux modifications qui doivent découler de l'état de nos capacités de solidarité dans les années à venir.
Nous ne pouvons que nous réjouir d'examiner le premier PLACSS, qui offre, sur le même modèle que celui des lois de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'État, un temps parlementaire spécialement dédié à l'examen serein des comptes du dernier exercice, avant la présentation du PLFSS à l'automne. Le travail de contrôle budgétaire du Parlement s'en trouve clarifié et facilité.
Les comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022 font apparaître plusieurs constats.
Le solde des ROBSS s'améliore par rapport à 2021 grâce au recul des dépenses liées à la crise sanitaire et au dynamisme des recettes dû au rebond de l'activité économique et de l'emploi. Il est plombé par celui la branche maladie, lequel atteint 21 milliards d'euros du fait notamment des dépenses de la crise sanitaire – les mesures de lutte contre la fraude aux prestations de santé permettront de réduire ce déficit –, et celui de la branche vieillesse, qui s'établit à 3,8 milliards d'euros à cause principalement du vieillissement de la population. Ce dernier déficit, cumulé aux compensations du budget général qui atteignent 11 milliards, confirme l'obligation que nous avions de réformer notre système de retraite pour en assurer la pérennité.
Par ailleurs, le montant de la dette amortie cette année par la CADES, qui atteint 19 milliards d'euros, et celui qui nous reste encore à amortir nous incitent à continuer de réfléchir à des dispositions de résorption durable des déficits des ROBSS.
Rappelons enfin que ces comptes traduisent un exercice marqué par le déploiement de mesures cruciales pour la santé des Français, comme le remboursement de la contraception pour toutes les femmes jusqu'à 25 ans, celui des consultations de psychologie ou encore le renforcement du suivi des périodes précédant et suivant les accouchements.
Comme pour les projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 que notre commission a examinés la semaine dernière, il serait regrettable de ne pas adopter ce projet de loi qui constate simplement la situation comptable de l'année passée. Le groupe Démocrate votera en faveur de son adoption.
Le budget de la sécurité sociale représente chaque année plus de 500 milliards d'euros de dépenses publiques, inscrites dans les LFSS votées à l'automne. Comme pour le budget de l'État, le Parlement a, pour la première fois, l'opportunité de se prononcer sur l'utilisation des recettes.
La situation s'est améliorée en 2022 par rapport à l'année précédente, puisque le déficit de la sécurité sociale s'est réduit. L'exercice 2022 a vu le déploiement d'un ensemble de politiques visant à mieux protéger les Français ; cela se traduit par une progression des dépenses de santé et par des mesures d'augmentation des prestations sociales pour faire face à l'inflation, mais également par de bons résultats sur le marché de l'emploi.
Si la situation de la sécurité sociale se redresse, elle reste néanmoins préoccupante pour les années à venir : il nous faudra donc poursuivre les efforts de réduction des dépenses, afin de baisser durablement le déficit et la dette. Ce constat est l'une des raisons qui nous a conduits à adopter un projet de loi de financement rectificative réformant notre système de retraite. Ces mesures sont essentielles pour revenir à l'équilibre et continuer à protéger les plus fragiles sur le long terme.
La présentation de ce projet de loi rend compte de l'action du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la dépense publique. C'est un exercice de transparence auquel le groupe Horizons et apparentés est très attentif ; c'est dans cet esprit de responsabilité qu'il votera en faveur de l'adoption du texte.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera contre l'adoption du projet de loi : le Gouvernement estime qu'il faut encadrer les dépenses des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, alors que l'essentiel réside dans la maîtrise des dépenses globales. Nous regrettons la logique mécanique, similaire à celle du relèvement de l'âge légal de départ à la retraite, suivie dans ce texte ; le Gouvernement ne cherche pas de recettes nouvelles, alors que certaines ne pèseraient ni sur le travail, ni sur les ménages en difficulté.
La logique exclusivement comptable nous dérange également car derrière ce projet de loi se cachent des actions à dimension humaine comme la lutte contre la maladie, la défense des hôpitaux ou la prise en charge du grand âge.
Monsieur le rapporteur général, les cotisations acquittées par l'État en tant qu'employeur ont atteint 6,9 milliards d'euros en 2022. La fraction du produit de la TVA affectée aux ROBSS et au FSV s'est établie à 28 points de pourcentage, ce qui représente 57,4 milliards d'euros. Ce montant a fortement progressé : il ne représentait encore qu'une dizaine de milliards d'euros entre 2013 et 2018, puis il a franchi la barre des 40 milliards d'euros en 2019 et il est estimé à 61 milliards pour 2023. En 2022, les mesures visant à limiter les effets de l'inflation ont atteint des montants importants : ainsi, dans le dépassement de l'ONDAM, 2,7 milliards d'euros s'expliquent par des dispositions de compensation de l'inflation, comme la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et de l'équivalent pour les personnels des établissements privés pour 1,5 milliard d'euros, la compensation aux établissements de santé et médico-sociaux des augmentations de charges de fonctionnement dues à l'inflation pour 800 millions d'euros, ou des hausses tarifaires appliquées au transport sanitaire pour environ 100 millions d'euros.
Monsieur Cabrolier, j'ai lu comme vous l'acte de certification publié par la Cour des comptes : il y a en effet des incertitudes et des erreurs, assez nombreuses, que la Cour relève régulièrement. La non-certification concerne la branche famille, mais les CAF ne jouent que le rôle du payeur du revenu de solidarité active (RSA) et des aides au logement, la gestion du RSA relevant des départements et celle des aides au logement de l'État. Les erreurs ne sont donc pas seulement imputables à la CNAF. Pour les gommer, cinq caisses travaillent actuellement à l'amélioration des bases de données.
Monsieur Guiraud, vous nous avez encore accablés d'une tirade politicienne. Sachez que les 60 milliards d'euros d'exonérations sociales sont compensées à 91 % ; quant au montant restant, il finance des politiques publiques adoptées par le Parlement auxquelles il est normal que la sécurité sociale contribue. Dans votre bouche, « libéral » est un gros mot, mais, de mon côté, c'est l'économie de marché qui m'importe ; je la défends contre l'économie administrée et autoritaire : nous n'avons pas la même vision politique et je suis fier de porter celle de notre majorité.
Monsieur Di Filippo, ce projet de loi se contente de constater l'état des comptes de la sécurité sociale à la fin de l'exercice 2022, il ne fixe pas, pas plus que la LFSS d'ailleurs, la politique sanitaire et sociale de la France. Vous avez raison d'insister sur la nécessité de mener une réflexion plus large, mais n'oublions pas qu'un texte rapporté par M. Frédéric Valletoux et portant sur la politique de santé sera bientôt examiné par notre Assemblée ; en outre, nous avons adopté la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, défendue par Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.
Monsieur Castellani, vous voudriez élargir le champ du projet de loi alors que tel n'est pas son office : encore une fois, il ne s'agit pas d'un texte portant sur la politique de santé.
La commission en vient à l'examen des articles du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022.
Article liminaire : Recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale pour l'année 2022
Amendement de suppression CF1 de M. Philippe Brun.
Je n'ai pas pris la parole tout à l'heure, mais, sans surprise et compte tenu des propos de mes collègues lors de l'examen de la loi organique du 14 mars 2022, le groupe Socialistes et apparentés votera contre l'adoption de ce texte.
L'amendement vise à supprimer l'article liminaire : le PLACSS constitue l'une des innovations de la loi organique qu'avait défendue Thomas Mesnier, mais la valeur ajoutée de ce texte nous semble très limitée car son contenu est essentiellement technique. Ce nouveau texte manque d'ambition et son article liminaire se contente de présenter les recettes et les dépenses de la sécurité sociale en points de PIB. Il aurait été opportun de faire figurer un tableau de bord plus riche et plus détaillé, contenant par exemple des indicateurs sur l'état de la santé de la population en 2022, sur la qualité de notre système de retraite, sur les inégalités de pension entre les femmes et les hommes, etc.
Lors de l'examen de la proposition de loi organique, nous avions avancé des propositions, qui n'ont malheureusement pas été retenues. Nous le regrettons et nous proposons de supprimer l'article liminaire du texte.
La loi organique impose le dépôt de ce projet de loi, qui présente les comptes de la sécurité sociale, et la présence en son sein d'un article liminaire. Vous regrettez l'absence d'indicateurs, mais personne ne conteste les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) contenus dans le texte ; surtout, plus de 2 000 pages – les dix annexes représentent plus de 1 500 pages, les trois rapports de la Cour des comptes pèsent plus de 600 pages et le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) est long de 250 pages – ont été jointes au projet de loi : elles portent sur tous les sujets que vous avez évoqués et vous y trouverez tous les éléments que vous recherchez. Mon avis est défavorable.
On aurait pu avoir à la fois toutes ces annexes et des tableaux synthétiques dans le corps du projet de loi. Par ailleurs, je n'ai pas trouvé votre rapport en ligne, mais peut-être ai-je mal cherché.
Je regrette que l'on fasse de la politique sur une photographie de nos comptes et que l'on ne se réjouisse pas de l'existence de ce nouvel outil à la disposition du Parlement. Vous nous dites, madame Pires Beaune, qu'il ne va pas assez loin, mais sa création représente déjà un progrès.
Monsieur Guiraud, vous nous reprochez dans le même temps d'avoir des comptes de la sécurité sociale en bon ordre et des compensations de l'État insuffisantes. Il est impossible de formuler ce double reproche.
Monsieur Castellani, vous vous plaignez d'une absence de maîtrise globale des comptes, mais il y a deux salles, deux ambiances : pourquoi avez-vous déposé une proposition de loi, actuellement examinée par la commission des affaires sociales, visant à mettre à mal notre système de retraite ? Il faudrait que vous nous répondiez sur cette contradiction.
La commission rejette l'amendement CF1.Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article liminaire non modifié.
Article 1er : Tableaux d'équilibre de l'exercice 2022
Amendements de suppression CF2 de M. Philippe Brun et CF5 de M. Jean-Philippe Tanguy.
Il s'agit également d'un amendement de suppression. Mon collègue Guiraud a évoqué les niches sociales, notamment les exonérations de cotisations sociales qui atteignent des montants très élevés et qui ont progressé de 9 milliards d'euros en deux ans pour s'établir à 71 milliards d'euros en 2023. Ce contournement par le Gouvernement de l'assiette principale du financement de la sécurité sociale au profit de revenus essentiellement défiscalisés et désocialisés ne nous convient pas. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l'article.
La loi organique relative aux LFSS impose également l'adoption de cet article. L'exposé sommaire de votre amendement évoque une aggravation de 700 millions d'euros du déficit de la sécurité sociale en 2022, mais vous ne retenez que les chiffres qui vous arrangent. En effet, si l'on regarde par rapport aux prévisions des LFSS pour 2021 et 2022, on constate une amélioration de 5,6 milliards d'euros et de 1,8 milliard d'euros. Celle-ci est due, en dépenses, à la résorption de l'épidémie de covid-19 et, en recettes, à l'efficacité de notre politique du travail car la bonne tenue de l'emploi augmente les ressources de la sécurité sociale.
La compensation par l'État des allégements de cotisations et de contributions sociales atteint 60,2 milliards d'euros : on ne peut donc pas parler d'un appauvrissement de la sécurité sociale. Je donne un avis défavorable à ces deux amendements.
On pourrait se dire que compenser 91 % des allégements est une bonne chose, mais 9 % de plus de 60 milliards représentent tout de même un manque de 6 milliards par an pour la sécurité sociale : en deux ans, vous creusez donc le déficit d'un montant équivalent à celui qui justifie votre réforme des retraites.
Quelle ressource finance la compensation ? La TVA. Les Français dépensent des sommes folles au supermarché pour acquérir les produits dont ils ont besoin : l'État gagne ainsi un argent considérable, qui n'alimente plus les politiques de redistribution mais les transferts à la sécurité sociale destinés à compenser les exonérations massives de cotisations sociales que vous avez décidées. À tel point que de 2013 à 2018, le montant de la TVA transféré s'établissait à 10 milliards ; en 2019, il a atteint 40 milliards et 57 milliards en 2022 ; cette année, il devrait être de 61 milliards. Votre politique consiste à faire payer par les Français, notamment les plus modestes qui consomment une part plus importante de leurs revenus, vos exonérations massives de cotisations sociales. Il y a donc un double problème : qui paie et à qui profitent les dépenses ?
Monsieur Guiraud, à la fin, entre l'État et la sécurité sociale, c'est le peuple français qui, par son travail et ses impôts, finance les dépenses : il n'y a pas d'un côté la poche de la sécurité sociale et de l'autre celle de l'État, il y a un besoin de financement de 270 milliards d'euros, soit plus d'un milliard par jour ouvré.
On entend beaucoup monter le débat sur la TVA : il ne faudrait pas faire croire aux Français que nous l'avons augmentée ou que l'État s'est enrichi grâce à la crise alors qu'il s'est endetté de plus de 300 milliards pour faire face au covid-19. Vous ne pouvez pas reprocher à l'État à la fois d'avoir été dispendieux et d'avoir gagné de l'argent sur le dos de la crise.
Les recettes de cotisations sociales ont beaucoup progressé l'année dernière ; les exonérations ne résultent pas d'un quelconque contournement du Gouvernement, madame Pires Beaune, mais d'un vote du Parlement, souverain en la matière : ce n'est pas le Gouvernement qui contourne la loi. Pour toutes ces raisons, il faut rejeter l'amendement.
Notre pays opère la plus forte redistribution en Europe : la sécurité sociale y contribue car elle couvre des risques – maladie, accident du travail, etc.
La fiscalisation des cotisations sociales, lesquelles sont au départ un mécanisme de solidarité entre les travailleurs, est une vraie question que l'on ne peut balayer en disant que les impôts perçus par l'État et les cotisations alimentant la sécurité sociale sont la même chose.
La commission rejette les amendements identiques CF2 et CF5.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er non modifié.
Article 2 : Dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse et dette amortie par la CADES
Amendement de suppression CF3 de M. Philippe Brun.
Monsieur Lefèvre, nous ne faisons pas croire aux Français que les taux de la TVA ont augmenté, en revanche, les prix ont, eux, subi une hausse, parfois scandaleuse pour certains produits, et nos concitoyens n'ont pas besoin de nous pour s'en apercevoir.
L'amendement vise à supprimer l'article car il entérine une augmentation trop faible de l'ONDAM. La Cour des comptes nous alerte d'ailleurs quant au niveau trop bas de l'ONDAM pour 2023 et les années suivantes. Elle formule plusieurs critiques : elle relève ainsi un écart supérieur à 10 milliards d'euros entre l'ONDAM voté dans la LFSS pour 2022 et celui constaté, à cause notamment de la crise sanitaire. Une telle différence conforte notre position historique sur l'ONDAM : il s'agit d'un outil comptable totalement déconnecté des besoins de santé. La Cour souligne que la croissance de l'ONDAM en 2023 et les années suivantes sera inférieure à l'inflation, ce qui exercera une forte contrainte sur les acteurs de la santé, à commencer par l'hôpital public. La Cour critique l'inaction du Gouvernement sur le pilotage des dépenses de médicaments : les économies potentielles se situeraient entre 10 et 12 milliards d'euros, montant à rapprocher de celui de la réforme qui anime, en ce moment, les débats de la commission des affaires sociales.
Je peux être d'accord avec vous pour reconnaître que l'ONDAM n'est pas un indicateur parfait, mais son niveau a tout de même progressé, hors crise sanitaire, de 6 % : on n'a jamais vu de telle hausse sous de précédentes majorités, dont celle que vous souteniez. Mais encore une fois, ce projet de loi a pour seul objet l'approbation des comptes. J'émets un avis défavorable.
Les dépenses en faveur de l'hôpital atteindront plus de 100 milliards d'euros en 2023, un montant inédit. Quand M. François Hollande était président de la République, le Gouvernement que vous souteniez n'a jamais augmenté l'ONDAM de plus de 3 %, alors qu'il a ensuite dépassé ce taux pendant plusieurs années consécutives. Ce même Gouvernement que vous avez appuyé, madame Pires Beaune, est le dernier à avoir augmenté la TVA, donc ne nous donnez pas de leçons à ce sujet.
Il est particulièrement malhonnête de présenter les taux de progression de l'ONDAM sans évoquer ceux de l'inflation. Il faut comparer chaque augmentation d'une prestation avec l'inflation, sinon cela n'a aucun sens. Pendant le quinquennat de M. François Hollande, l'inflation était nulle ! Actuellement, elle dépasse 6 %, cela change tout.
La commission rejette l'amendement CF3.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 non modifié.
Article 3 et rapport annexé : Approbation du rapport annexé relatif à la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures d'affectation des excédents ou de couverture des déficits
Amendement de suppression CF4 de M. Philippe Brun.
L'amendement est intéressant. L'État a fait des choix pendant la crise du covid-19 qu'il fait payer à la sécurité sociale : ce poids est de plus en plus lourd pour elle.
L'État gagne bien de l'argent grâce à la hausse des prix : la Cour des comptes et d'autres organismes officiels soulignent que jamais l'État n'a perçu autant de recettes – elles sont estimées à 323 milliards d'euros pour 2023. Cependant, au lieu de nourrir la redistribution, ces ressources sont transférées à la sécurité sociale ; en outre, vous avez asséché le financement autonome de la sécurité sociale en procédant à des exonérations massives de cotisations sociales : vous opérez des transferts avec l'argent des plus pauvres, puis vous nous expliquez que le système social n'est pas viable car il coûte trop cher et qu'il faut donc réformer les retraites. Tout se tient dans ce raisonnement de destruction de la sécurité sociale auquel nous nous opposons de toutes nos forces.
Vous condamnez les exonérations avec beaucoup de mépris et de hargne, mais ce sont les Français qui en bénéficient. Quand on exonère les heures supplémentaires, le revenu des salariés progresse.
Monsieur Guiraud, ce n'est pas l'État qui a fait ces choix, c'est nous, c'est le Parlement ! Vous ne célébrez la démocratie que quand cela vous arrange. Nous avons voté ces exonérations qui alimentent de véritables politiques publiques.
La commission rejette l'amendement CF4.
Elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 non modifié.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi sans modification.
Enfin la commission examine la proposition de loi vivant à élargir l'assiette de la taxe sur les transactions financières (n° 1145)
Cette proposition de loi doit être examinée en séance au cours de la journée réservée au groupe LIOT, le jeudi 8 juin. Le président de la commission des finances a déclaré irrecevables cinq des quarante-et-un amendements déposés. Quatre d'entre eux portaient sur les modifications de l'assiette de la TTF (taxe sur les transactions financières) ou sur l'affectation de ses recettes ; ils pourront aisément être redéposés assortis d'un gage de recettes permettant de les rendre recevables. Le cinquième demandait un rapport sur la création d'une agence nationale de trading : trop éloigné de l'objet de la proposition de loi, il tombait sous le coup de l'article 45 de la Constitution.
Lors des auditions, les acteurs du secteur financier nous ont dit que la taxe sur les transactions financières était un mauvais impôt, mais qui fonctionne bien. Je dirais plutôt, après étude, que c'est un impôt logique, mais qui pourrait fonctionner mieux et, surtout, être plus juste.
Cet impôt est logique parce qu'il taxe le capital – de manière relativement faible, d'ailleurs – en vertu d'un champ d'application simple : les achats d'actions de grandes entreprises cotées – plus de 1 milliard d'euros de capitalisation, ce qui correspond à 130 entreprises concentrant l'essentiel des volumes de transaction. Il existe peu de risques de le contourner, grâce à un principe d'« émission » : peu importent la nationalité de l'investisseur, le lieu de cotation ou la nationalité de la société. Son rendement spontané est en hausse constante : alors qu'il était de 766 millions en 2013, 1,7 milliard est prévu en 2023. Ses coûts de collecte sont faibles, bien plus que ceux de l'impôt sur le revenu (IR). Le recouvrement est délégué à Euroclear, unique dépositaire central en France.
L'impact de la TTF sur l'attractivité de la place est très modéré : malgré les craintes lors de la création de cet impôt, en 2012, les volumes de transaction augmentent tendanciellement, la volatilité n'a pas baissé à long terme et la place connaît une dynamique de croissance. Des pays dotés de places financières robustes appliquent des taxes semblables ou dont le taux est parfois même plus élevé.
Mais cet impôt peut être amélioré pour être rendu plus juste. Son assiette est trop étroite : on taxe les transferts d'actions qui matérialisent une prise de position de long terme, mais pas d'autres transactions qui ont pourtant une utilité sociale et économique plus discutable, voire sont surtout spéculatives et ne créent pas de valeur ajoutée. Ainsi, on ne taxe pas les transactions intrajournalières, qui représentent pourtant environ 80 % des volumes de transaction, ni les produits dérivés qui peuvent servir de couverture, mais aussi d'outils de spéculation. J'ai donc déposé un amendement qui limite l'extension de la taxation à ces derniers, c'est-à-dire aux dérivés d'actions ou d'indices. Enfin, les modalités de collecte de la taxe sont peu transparentes et insuffisamment contrôlées, comme l'a relevé la Cour des comptes dans un référé de 2017.
Je propose donc d'élargir son assiette en taxant les transactions intrajournalières et les dérivés.
Depuis vingt ans, avec les progrès technologiques et la déréglementation des marchés qui ont réduit les coûts de transaction, on constate une explosion des volumes des transactions intrajournalières ; mais pour quelle utilité sociale, puisque cela ne signifie pas plus de financements pour les entreprises ? Le nombre et le volume précis des transactions intrajournalières n'est pas connu, faute d'un registre. Le Parlement avait voté leur taxation dans le cadre de la loi de finances pour 2017, mais l'a abrogée l'année suivante, avant l'entrée en vigueur de cet élargissement.
L'administration et la place de Paris objectent un obstacle technique : il faudrait se fonder sur un transfert de propriété acté par le dépositaire central Euroclear, qui intervient seulement sur le solde net de transactions à la fin de la journée. Pourtant, le système est déjà en grande partie déclaratif. On pourrait donc taxer les ordres sur une base déclarative.
Les gouvernements successifs bottent en touche au motif de la nécessité d'une TTF européenne. Or la Commission européenne a proposé dès 2011 une TTF incluant les dérivés et les transactions intrajournalières. Sa version a tout pour plaire – une assiette très large, une taxe peu distorsive, un taux bas. Pourtant, c'est la France qui bloque l'avancée du texte en proposant une assiette bien trop étroite pour les autres pays.
Je propose donc à la France d'avancer et de taxer les ordres d'achat plutôt que les transferts de propriété actés par Euroclear, ce qui permet d'inclure les ordres d'achat annulés par une transaction intrajournalière inverse. C'est une recommandation du Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz.
Je proposerai également, par amendement, d'exempter les apporteurs de liquidité ( market makers ) pour préserver l'attractivité de la place de Paris.
S'agissant des dérivés, s'ils peuvent servir de couverture, donc avoir une utilité financière et économique, ce sont aussi des outils de spéculation risqués et « en aucun cas ils ne répondent à des besoins d'investissement de moyen ou long terme » comme l'AMF (Autorité des marchés financiers) en avertit le public sur son site internet – si même elle le reconnaît… En outre, les dérivés étant souvent négociés hors des marchés réglementés, il serait utile d'inciter à renforcer la connaissance de ces outils et la transparence quant à leur utilisation.
Je souhaite que soient inclus les dérivés sur les actions. Il est paradoxal de taxer les détentions longues d'actions, mais pas les transactions plus spéculatives. Je suggère que nous nous inspirions de l'Italie, qui, malgré une taxation des dérivés, a la place financière la plus fréquentée en parts de marché, et taxe davantage les dérivés hors marché réglementé.
Il faut cependant préserver les atouts actuels de la taxe : un taux raisonnable qui ne décourage pas l'investissement de l'épargne en actions ni la cotation sur la place de Paris ; un champ d'assujettis protecteur, en conservant un seuil de capitalisation, dont on peut discuter le niveau, pour protéger les petites capitalisations moins liquides.
Cette proposition de loi servira à renforcer la transparence des marchés et le contrôle de l'application de la loi fiscale. La taxation des transactions intrajournalières et des dérivés incitera l'administration et la place à constituer enfin le registre des transactions et à donner les moyens de connaître la nature des transactions réalisées.
Je proposerai par amendement d'éclaircir les modalités de collecte de la taxe par Euroclear, qui préoccupent à juste titre plusieurs groupes, par la remise au Parlement, avant le prochain projet de loi de finances, d'un rapport détaillé qui fera également le point sur les contrôles mis en œuvre et sur les développements technologiques nécessaires à l'extension de l'assiette.
La proposition de loi contribuera enfin à désendetter l'État et à rééquilibrer la taxation du capital et celle du travail. La dette a augmenté de presque quinze points de PIB et dépasse 111 % du PIB en 2022 ; il est urgent de rétablir nos finances publiques compte tenu de la hausse des taux, qui aggravera la charge des intérêts. La taxation des transactions intraday et des produits dérivés pourrait générer plusieurs centaines de millions à plusieurs milliards selon différents rapports. Pourtant, le capital et le secteur financier ont bénéficié depuis 2017 d'allégements fiscaux importants – la flat tax sur les revenus du capital, la baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) à 25 % au maximum et la suppression progressive de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises).
Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. le rapporteur général ayant dû s'absenter, il prendra la parole à son retour.
On peut être sensible aux trois objectifs que le rapporteur détaille dans l'exposé des motifs de la proposition de loi : faire contribuer le secteur financier, trouver de nouvelles ressources pour l'État et lutter contre la spéculation. Le problème est que l'élargissement de l'assiette de la TTF ne fera rien de tout cela.
En ce qui concerne le premier objectif, vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que ce n'est pas le secteur financier qui paie la TTF, mais les entreprises ou les épargnants, c'est-à-dire les acteurs de l'économie réelle. Le référé de la Cour des comptes que vous avez évoqué le dit très bien : relisez-le !
S'il s'agit de trouver des ressources pour l'État, viser les transactions les plus volatiles et mobiles est une mauvaise stratégie : ces transactions sont facilement délocalisables. Votre taxe aura un rendement nul, comme le prouvent les expériences suédoise et italienne ainsi que la taxe sur le trading à haute fréquence instaurée en France. Pire, elle risque d'encourager les entreprises émettrices à déplacer leur siège social ou les intermédiaires financiers leurs activités, donc leur emploi, ce qui exposerait au risque d'une perte d'IS et d'IR.
Enfin, pour lutter contre la spéculation, c'est une mauvaise idée d'agir de manière unilatérale, au niveau français, sur des transactions très facilement délocalisables. Il n'y a qu'au niveau européen, au moins, que l'on peut espérer avoir un effet sur un système mondialisé. Et la France, en la matière, est à la pointe, contrairement à ce que vous avez dit.
L'élargissement de l'assiette de la TTF à l' intraday et aux produits dérivés pose un problème juridique et pratique insurmontable. Il a déjà été tenté deux fois en France ; chaque fois, le Gouvernement est revenu sur la mesure, pour des raisons juridiques. On peut le faire une troisième fois, mais voter des mesures inapplicables n'est pas de bonne pratique législative.
Si on veut lutter contre la spéculation, il faut s'attaquer au shadow banking et aux dark pools, ce que vous ne faites pas dans cette proposition de loi. Celle-ci manque ses objectifs et aurait des conséquences négatives sur notre économie, le financement de nos entreprises, nos emplois et nos recettes fiscales.
Notre groupe soutiendra évidemment cette excellente proposition de loi du groupe LIOT, qui prouve une fois encore en ce jour sa capacité à proposer des textes d'intérêt général, national et démocratique, permettant à tout le monde de discuter du fond – du moins quand on nous y autorise –, au lieu d'en rester à la forme comme on le fait trop souvent au sujet des textes du Rassemblement national. Nous aurions pu défendre sinon les mêmes dispositions, du moins la même philosophie : chercher l'argent là où il est et rétablir la justice fiscale ou, en tout cas, un ordre fiscal qui mette à contribution ceux qui doivent contribuer davantage, même si ce n'est qu'un début.
L'exposé des motifs le dit, les contribuables et les banques centrales sont venus à de nombreuses reprises au secours du système financier, qui était pourtant seul responsable de ses erreurs et de ses errements. La proposition de loi n'est donc qu'un juste retour des choses.
Vous avez aussi raison, monsieur le rapporteur, de viser les échanges intraday, qui non seulement ne produisent pas de valeur, mais sont toxiques pour l'économie française et occidentale en général. Il serait temps d'en tirer les conséquences alors que nous devons changer nos modes de production et de financement pour assurer la transition énergétique et le retour de l'industrie et des activités productives et rémunératrices pour les salariés.
Félicitations à vous, monsieur le rapporteur, et au groupe LIOT pour ce texte. Vous pourrez compter sur notre soutien. Il faut entendre la Macronie dire qu'il faut mieux lutter contre la finance internationale, alors qu'elle est en conflit d'intérêts permanent, entre ceux qui lui ont permis d'arriver au pouvoir et ceux qui lui permettent de s'y maintenir !
(Protestations sur les bancs du groupe RE.)
La commission des finances s'est subitement transformée en commission d'enquête express. Je n'ai pas à répondre aux interpellations des commissaires. Je ne peux que les renvoyer aux différentes affaires que traite le PNF (Parquet national financier), par exemple les 600 millions d'euros apparus dans le petit milieu français dans l'affaire de la vente d'Alstom. Ce ne sont peut-être que des salades, mais j'invite ceux qui nous regardent à s'y intéresser de près.
Évitons les invectives de part et d'autre et poursuivons nos travaux avec sérénité, même si le débat est passionnant et passionné.
L'idée de taxer les transactions financières n'est pas nouvelle. Dès 1930, Keynes était favorable à ce type de régulation du marché ; en 1972, James Tobin a été à l'origine d'un grand mouvement altermondialiste, dont Attac est l'une des héritières, visant à instaurer cette taxe sur la finance. L'efficacité de la taxe sur les transactions financières provient moins du gain financier attendu que de la limitation d'une spéculation nocive provoquée par l'absence de régulation.
Cette proposition de loi nous donne l'occasion d'agir pour une plus grande justice fiscale et d'abonder le budget de l'État. Sont en jeu les échanges intrajournaliers, qui s'additionnent sous l'effet des transactions à haute fréquence et créent un risque de spéculation touchant 25 à 40 % des échanges de la Bourse de Paris et 70 % des échanges mondiaux. Cette mécanique doit être mieux contrôlée grâce à l'augmentation des taux de l'impôt sur la finance et à l'extension de son assiette.
À la suite de la crise de 2008, l'ensemble du monde politique est sorti du bois pour réintroduire l'idée d'un contrôle accru des mécanismes financiers. Nicolas Sarkozy, longtemps réfractaire, a été obligé d'acter la TTF. Emmanuel Macron a quant à lui décidé de réduire son assiette en 2018.
L'élargissement réel de l'assiette de cet impôt pourrait contribuer à la lutte contre l'extrême pauvreté en allouant une part plus importante des fonds à l'aide publique au développement (APD). Nous espérons qu'un tel outil sera rediscuté au niveau européen, où le processus est bloqué depuis 2013. Appliquée aux pays du G20, une telle taxe rapporterait 156 à 260 milliards. Cette manne pourrait fournir les moyens nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique.
Ce type de taxe est indolore pour les ménages et les entreprises, car elle ne touche pas l'économie réelle. Elle rapporte aujourd'hui environ 2,2 milliards et son bilan a doublé depuis 2019. En dix ans d'application, les économistes n'ont révélé aucune perte d'attractivité.
Nous sommes donc favorables à cette PPL, qui a pour objectif plus de transparence et de régulation.
La droite a toujours été favorable à une taxation raisonnable de la spéculation. C'est d'ailleurs Nicolas Sarkozy qui est à l'origine de l'instauration en France de la taxe sur les transactions financières, dont Emmanuel Macron a toujours combattu l'extension aux transactions intrajournalières.
La proposition de loi tend à augmenter le nombre d'activités imposables au titre de la TTF, afin d'accroître les recettes de l'État, mais en réduisant le champ aux activités spéculatives qui déstabilisent les marchés et ne financent pas l'économie réelle.
Nous sommes à un moment de la vie politique de notre pays où la justice sociale impose que l'effort soit demandé à tous.
On qualifie de bonnes taxes celles dont l'assiette est large et le taux réduit. Ce serait le cas de la TTF à la suite de cette proposition de loi. Toutefois, la taxation doit rester raisonnable – un tel équilibre fait partie de l'ADN de la droite – et non punitive, pour ne pas faire fuir les capitaux hors de France, ce qui serait totalement contre-productif.
Nous nous opposerons donc à tous les amendements visant à augmenter le taux ou à modifier le seuil d'éligibilité, mais nous voterons la proposition de loi, car elle rapporte des revenus élevés, est fortement redistributive, n'engendre pas de distorsion, n'entraînera que peu de fuite de capitaux et aucun renoncement à des transactions.
Le groupe Démocrate est favorable à une taxation des transactions financières, qui nous semble le bon outil pour imposer efficacement le secteur.
Nous sommes néanmoins conscients de ses limites. Ainsi, la taxe ne régule pas clairement la volatilité, donc la spéculation. Elle a des effets négatifs sur le volume des transactions et, pire encore, sur la liquidité, réduisant la possibilité pour les épargnants de céder leurs titres sans subir une décote. Elle peut augmenter le coût du financement pour les entreprises alors que l'économie française a un besoin criant de fonds propres, notamment pour financer les investissements de demain. Enfin, elle peut conduire à un déplacement des capitaux vers d'autres zones non taxées, ce qui devrait nous encourager à l'instaurer dans la zone géographique la plus large possible, au moins au niveau de l'Union européenne. La discussion a été portée devant le G20, sans résultat pour le moment.
Au-delà des principes généraux, le texte en lui-même a des limites. L'élargissement de la taxe aux transactions intrajournalières a été tenté en 2016 et abandonné dès les années suivantes à cause des difficultés de mise en place – il fallait un changement complet des modalités de taxation. Avant d'essayer de nouveau, ne faudrait-il pas un vrai travail de fond et une vraie étude d'impact ?
Quant à la taxation des dérivés proposée, à un taux trente fois supérieur à celui que suggérait la Commission européenne en 2011, elle me semble néfaste. Qu'est-ce qu'un actif dérivé, sinon un contrat de couverture des risques ? Ce n'est pas un artifice de la grande finance, mais un outil utile à beaucoup d'entreprises. Un de nos collègues, agriculteur de métier, me rappelait hier qu'au sein de sa coopérative, on y avait recours chaque année pour sécuriser son revenu dans le temps en réduisant la très forte volatilité des prix agricoles. Je ne suis pas sûr que soumettre ces contrats à une taxe soit une bonne idée, surtout à ce taux.
Enfin, la France est vraiment en avance sur ses partenaires européens en la matière. Gardons-nous donc de fragiliser le secteur français. La priorité est d'avancer vers une taxe européenne, y compris dans le cadre d'une coopération renforcée. La proposition de la France et de l'Allemagne va dans le bon sens.
Nous voterons contre le texte, car cette belle idée doit progresser au niveau européen.
Cette proposition de loi est bienvenue. Les parlementaires socialistes demandent depuis au moins 2013 l'inclusion des transactions intrajournalières et des produits dérivés dans l'assiette de la TTF. Elle a été adoptée en 2016, mais censurée par le Conseil constitutionnel ; réadoptée définitivement début 2017, elle a malheureusement été enterrée à l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée. Depuis, nous n'avons de cesse de la demander à chaque budget, par des amendements défendus notamment par mon collègue Dominique Potier ou par moi-même.
Si le Président de la République a trouvé en 2017 qu'il était urgent d'attendre, c'est qu'il était convaincu que fragiliser la TTF permettrait à la place de Paris de rester compétitive, donc de voler les traders de la City une fois le Brexit venu. Manque de chance, ce n'est pas arrivé. Le pari était surprenant pour qui sait que le Royaume-Uni applique déjà lui aussi une taxe sur les transactions financières, dont le taux, de 0,5 %, est d'ailleurs supérieur à celui de la nôtre, ce qui n'empêche pas la City de respirer.
Augmenter le taux est l'objet de l'un de nos amendements. Au Royaume-Uni, la taxe rapporte 3 à 4 milliards d'euros par an. Elle pourrait rapporter autant en France, voire plus. Surtout, la taxe étendue pourrait impulser un mouvement pour une taxe européenne, alors que les débats sont au point mort à cause, notamment, de la position française en faveur d'une TTF minimaliste. L'Autriche menace même de quitter les négociations si la proposition de la France reste sur la table !
Le vote de la proposition de loi serait un signal fort du Parlement français à Emmanuel Macron afin que celui-ci révise la position française et propose enfin à l'Union européenne une TTF ambitieuse intégrant les transactions intraday et les produits dérivés, en ligne avec les résolutions du Parlement européen. Ce serait aussi un signal fort à l'approche du sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui se tiendra les 22 et 23 juin.
L'idée de faire davantage contribuer le secteur financier revient régulièrement dans nos débats à propos de l'impôt et des diverses taxes existantes. Si l'intention est louable, le projet comporte de nombreuses difficultés.
L'élargissement de la TTF aux transactions intrajournalières pose un problème technique majeur : il reviendrait à taxer les transactions même lorsqu'elles ne donnent pas lieu à un transfert de propriété ; la taxe porterait ainsi sur le flux et non sur l'acquisition réelle de l'action. Cela soulève de nombreuses questions juridiques qui ont déjà fait l'objet d'un débat dans notre assemblée, lequel s'était conclu par l'abrogation du dispositif, principalement en raison de ces difficultés techniques d'application. La Cour des comptes avait relevé les mêmes difficultés de mise en œuvre et les risques élevés de contentieux. Le texte qui nous est proposé aura les mêmes inconvénients.
La seule modification qu'il apporte consiste à étendre la taxe aux produits dérivés en France, ce qui nuirait considérablement à l'attractivité de notre place financière par rapport aux autres pôles financiers européens.
Pour ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi.
Le groupe Écologiste accueille bien sûr favorablement cette proposition de loi. Il s'agit de faire contribuer la finance la plus spéculative à nos politiques publiques, en particulier à la transition écologique. C'est une disposition que je défends par amendement au projet de loi de finances depuis cinq ans. Comment la refuser à l'heure où les inégalités sont de plus en plus criantes, où les plus modestes de nos concitoyens sont fragilisés par l'inflation et où les superprofits explosent ?
Les arguments d'infaisabilité technique que nous avons entendus sont les mêmes que ceux que l'on nous opposait au moment de la création de la taxe sur les transactions financières. En quatre ans seulement, ses recettes ont plus que doublé, pour atteindre plus de 2 milliards en 2023, selon les prévisions de l'État lui-même. On nous a aussi parlé d'harmonisation européenne ; on nous en parle depuis 2017. Vous nous avez dit, monsieur Labaronne, que la France était à la pointe en la matière ; je ne crois pas en avoir jamais entendu parler au moment de la présidence française de l'Union européenne.
Là n'est pas la question : avez-vous entendu le président Macron parler de la TTF pendant sa présidence de l'UE ?
Je veux cependant vous alerter sur un point. L'objet de la taxe créée par Nicolas Sarkozy est de financer la solidarité internationale. Comme beaucoup de taxes affectées, elle comporte une part affectée à son objet et une autre affectée au budget général. La part affectée à l'objet a été plafonnée à 528 millions, soit, à l'époque 50 % de ses recettes, mais seulement un quart aujourd'hui du fait de leur forte augmentation. J'espère que la proposition de loi sera votée et permettra d'accroître les recettes de la TTF, mais cela va faire paradoxalement baisser la proportion affectée à son objet. J'ai bien compris que l'article 40 allait nous empêcher de relever le taux affecté à la solidarité internationale, mais nous proposerons de le faire par amendement au projet de loi de finances.
On nous dit que cette proposition va réduire l'influence de la place de Paris, mais elle ne vise que les transactions spéculatives. On nous dit qu'il faut attendre un règlement à l'échelle européenne, mais on risque d'attendre longtemps, puisque les choses sont au point mort depuis 2013. On nous dit que cette proposition va réduire le volume des transactions, mais il faut faire le rapport entre le coût et l'avantage. L'impôt sur les sociétés a aussi un effet d'éviction : faut-il pour autant le supprimer ? La réponse est non. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'élargissement de l'assiette de la taxe sur les transactions financières.
La spéculation strictement financière a explosé. Elle est presque déconnectée de l'économie réelle et le capital devient une matière première que l'on transfère à l'infini, dans des montages de plus en plus complexes. Les excès de la spéculation ont déjà déstabilisé à plusieurs reprises notre vie économique et sociale et elle menace en permanence l'équilibre mondial.
Cette proposition est une bonne chose, à la fois pour nos finances publiques et pour l'équilibre mondial de la vie économique et sociale, et nous espérons que vous la soutiendrez.
Je veux tout d'abord remercier M. Tanguy, M. Sala, Mme Pires Beaune, M. Julien-Lafferrière et M. Castellani pour leur soutien, et Mme Bonnivard pour avoir parfaitement résumé la situation en disant que nous sommes à un moment où nos concitoyens ont soif de justice sociale. Cette proposition de loi ne vise que les produits purement spéculatifs ; elle ne remet pas en cause la place de Paris ; et, surtout, elle vise à garantir davantage de justice sociale.
Monsieur Laqhila, cette proposition n'aurait aucun impact sur les liquidités des entreprises, car elle vise uniquement celles dont la capitalisation est supérieure à 1 milliard. Elles sont au nombre de 130 et n'ont aucun problème de liquidités. Certains amendements proposent d'ailleurs d'abaisser le seuil de capitalisation mais, à titre personnel, je n'y suis pas favorable, précisément parce que des entreprises qui ont moins de liquidités seraient alors visées.
Vous dites que cette mesure serait difficile à mettre en œuvre. Afin d'en simplifier l'application, je proposerai, par voie d'amendement, de supprimer la référence au transfert de propriété, ce qui ne posera pas de problème, dans la mesure où le système est déjà largement déclaratif. Par ailleurs, la taxation des dérivés ne sera pas trente fois supérieure à ce que propose l'Union européenne, car je proposerai de la ramener de 0,3 à 0,03 %, afin de l'harmoniser avec le rapport Barroso.
Vous avez prôné, pour finir, une coopération renforcée au niveau européen, mais je confirme ce qu'a indiqué Mme Pires Beaune : l'ancien ministre des finances autrichien, M. Gernot Blümel, a fait savoir que si le Parlement européen vote une taxation sur les transactions financières dont l'assiette est trop étroite – comme le souhaite la France –, il se retirera de tout accord de coopération.
La position de la France est pour le moins paradoxale. À l'échelle nationale, elle est pour la taxation des transactions financières, mais cela fait des années que c'est elle qui bloque l'adoption par le Parlement européen d'une telle taxation. Nous votons parfois la surtransposition de directives européennes qui ont des effets beaucoup plus négatifs sur les entreprises françaises que n'en aurait une taxation sur les dérivés à 0,03 %. Je vous invite donc à donner l'exemple en adoptant cette proposition de loi : la France ouvrirait ainsi la voie à une future taxation des transactions financières au niveau européen, que j'appelle aussi de mes vœux.
Monsieur Labaronne, c'est en 1984 que la Suède a introduit une taxation sur les transactions financières et elle l'a supprimée en 1990. Pour notre part, nous ne sommes pas restés bloqués dans les années 1990.
Article unique
Amendements de suppression CF1 de M. Charles Sitzenstuhl et CF28 de M. Daniel Labaronne.
Il y a ceux qui veulent aider la place financière de Paris et ceux qui, en soutenant ce texte, vont la plomber durablement. Nous pouvons être fiers de l'industrie financière et bancaire française qui, grâce à notre majorité, a formidablement su tirer profit du Brexit. L'idée d'élargir l'assiette de la taxe sur les transactions financières, qui peut avoir quelque chose de séduisant a priori, ne sera, en l'absence d'harmonisation européenne, qu'un formidable cadeau pour les places européennes concurrentes que sont notamment Francfort et Amsterdam. Le capital, parce qu'il est mobile, fuira notre pays. Rappelons-nous ce qui est arrivé à la Suède dans les années 1980 : elle est vite revenue sur cette taxe, parce qu'elle a été désastreuse pour sa place financière. En quelques années, elle s'est retrouvée durablement affaiblie : ne faisons pas la même erreur.
Cette proposition de loi, si elle est adoptée, aura des conséquences dommageables sur le financement de nos entreprises. D'abord, elle risque d'augmenter le coût de transaction sur les actions. Vous parlez des entreprises émettrices, mais je vous rappelle qu'il y a, en face, des gens qui achètent des actions, par l'intermédiaire d'un courtier, et que c'est ce courtier qui verse à Euroclear le montant de la taxe pour le Trésor public. Vous allez renchérir le coût des actions, au moment où les entreprises ont besoin de fonds propres. Elles vont donc abandonner le marché des actions au profit des marchés bancaire et financier. Par votre proposition, ce sont ces secteurs que vous allez finalement favoriser.
Par ailleurs, si vous élargissez l'assiette, vous allez priver les entreprises de liquidités pour équilibrer le marché entre ceux qui offrent et ceux qui vendent des actions. Vous allez, enfin, priver les entreprises d'outils de prévention des risques opérationnels.
Je suis évidemment défavorable à la suppression de l'article unique, car je souhaite que nous puissions examiner les amendements déposés sur ce texte, qui répondent à nombre des préoccupations formulées au cours de la discussion générale.
Pour revenir à la taxe suédoise, le contexte économique était très différent dans les années 1990 et, surtout, la Suède n'avait pas adopté, comme je le propose ici, le principe d'émission, qui est beaucoup plus difficile à contourner.
J'ai déjà rappelé que cette proposition de loi ne vise que les entreprises dont la capitalisation est très élevée et qui n'ont aucun problème de liquidités. Par ailleurs, j'ai déposé un amendement qui vise à exempter de cette disposition les apporteurs de liquidités, ou market makers : par conséquent, votre argument tombe.
Je voterai ces amendements, non pas tant parce que je serais opposé sur le fond à l'élargissement de l'assiette de cette taxe que parce qu'il paraît évident que cet élargissement doit se faire, au minimum, sur la base d'un accord unanime des pays membres de la zone euro. Certains pays, comme l'Allemagne ou l'Autriche, n'ont même pas de taxe nationale et nous, nous irions élargir l'assiette de notre taxe ?
J'aimerais revenir, d'un mot, sur l'historique. Lorsque les socialistes ont adopté la taxe, en 1997, elle était à un taux zéro : elle était donc totalement inopérante et il y avait beaucoup d'hypocrisie derrière tout cela. Le premier Président de la République qui a relevé ce taux, c'est le président Sarkozy, en 2012. Mais de 2002 à 2012, si la droite n'est pas revenue sur ce taux, c'est précisément parce qu'elle savait que cela risquait de pénaliser la compétitivité de notre pays.
Monsieur Julien-Laferrière, l'aide au développement a beaucoup augmenté sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, puisqu'elle est passée de 10 milliards en 2017 à 15 milliards en 2022. Personne n'a à rougir de ce qu'a fait le Président de la République en faveur de l'aide au développement.
Le refus de débattre va-t-il devenir la marque de fabrique de la majorité ? Vous savez très bien que si vous supprimez l'article unique, vous mettez fin au débat. Laissez-le avoir lieu dans l'hémicycle ! De quoi avez-vous peur ? Ce texte est inscrit dans la niche parlementaire du groupe LIOT !
Nous avons déjà eu ce débat et il n'a rien de scandaleux. Nous avons des positions divergentes et chacun doit pouvoir exposer ses arguments dans l'hémicycle. Vous êtes en train de prendre de très mauvaises habitudes, qui sont dangereuses pour la démocratie.
Je précise qu'il y a plusieurs amendements portant article additionnel après l'article unique : même si ces amendements de suppression sont adoptés, l'examen du texte n'est donc pas terminé.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article unique est supprimé et les autres amendements tombent.
Madame la présidente, pouvez-vous nous préciser combien il y a eu de voix pour et de voix contre ?
Après l'article unique
Amendements identiques CF18 de M. Karim Ben Cheikh et CF21 de M. Hubert Julien-Laferrière.
Alors que la TTF dégage des recettes de plus en plus élevées depuis plusieurs années, la part allouée à l'APD reste plafonnée, ce qui constitue un frein à la solidarité internationale.
Ce que nous critiquons, ce n'est pas tant le montant de l'APD française, qui est effectivement élevé, que sa structure, puisqu'elle consiste essentiellement en des prêts et que le niveau des subventions, insuffisant, ne permet pas d'intervenir, ou très peu, dans des zones pourtant prioritaires, comme le Sahel. Dans les zones où les États ne sont pas éligibles aux prêts, le seul mode d'intervention est la subvention, or son niveau a été très inférieur aux besoins depuis dix ans.
C'est pourquoi nous demandons que, dans un délai de trois mois après l'adoption de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'affectation des recettes de la taxe sur les transactions financières et la pertinence d'augmenter la part allouée à l'aide publique au développement, actuellement fixée à 528 millions d'euros.
Cette taxe a été créée pour financer la solidarité internationale. Je ne suis pas opposé à ce qu'une partie des recettes qu'elle engendre aille au budget général, mais il est curieux que l'aide publique au développement, qu'elle était censée financer, ne profite absolument pas de l'augmentation de ces recettes.
Je ne conteste pas, et j'ai toujours salué, l'augmentation du budget de l'APD sous le précédent quinquennat, mais là n'est pas la question. Il n'y a jamais trop d'argent pour la solidarité internationale, d'autant que nous n'avons toujours pas atteint l'objectif, fixé en 1960, de lui consacrer 0,7 % de notre PIB. Il semblerait logique d'augmenter, ne serait-ce qu'un peu, la part de TTF affectée à l'APD. On a bien compris qu'on ne pourrait pas le faire dans le cadre de cette proposition de loi, mais il faudra en débattre lors de l'examen du projet de loi de finances.
Le financement de l'aide publique au développement mérite un débat à part entière et ce n'est pas l'objet de cette proposition de loi. Je vous invite donc à retirer vos amendements.
Madame Pires Beaune, vous savez très bien que ce texte sera examiné dans l'hémicycle et qu'il n'est pas question pour nous de le censurer. Toutefois, puisqu'il ne comporte qu'un article et que nous y sommes fondamentalement opposés, il est logique que nous ayons souhaité le supprimer. Nous privilégions une approche européenne, car nous ne voulons pas brider le potentiel de la place française.
Par ailleurs, il me semble que, sur le texte précédent, vous n'avez vous-même déposé que des amendements de suppression.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CF19 de M. Karim Ben Cheikh et CF22 de M. Hubert Julien-Laferrière.
Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le rendement attendu d'un élargissement de l'assiette de la taxe sur les transactions financières aux transactions intrajournalières ainsi que sur sa faisabilité technique et sur l'inaction de l'administration à ce sujet, alors même que cet élargissement avait été voté dans les PLF pour 2016 et pour 2017.
L'audition de la direction générale du Trésor nous a montré les difficultés techniques que pose l'élargissement de l'assiette.
Plutôt que de rendre les armes, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport explorant les diverses possibilités techniques qui s'offrent à nous. À l'époque, on répétait à Tobin que sa taxe était impossible à mettre en œuvre techniquement. Aujourd'hui, elle rapporte plus de 2 milliards au budget de la nation. Il faut donc creuser les pistes d'un élargissement de son assiette.
L'amendement CF41, que je défendrai dans un instant, est une demande de rapport qui englobe ces questions. Je vous invite donc à retirer vos amendements et à travailler, en vue de la séance, à un amendement commun à tous les groupes.
Les amendements sont retirés.
Amendement CF13 de M. Jocelyn Dessigny.
La taxation des opérations de trading à haute fréquence et intrajournalières se heurte à une impossibilité matérielle. En effet, l'assiette juridique retenue pour cette taxe est le transfert de propriété et il n'y en a pas dans les opérations précitées.
Toutefois, des auditions menées par M. le rapporteur, il ressort que la technologie blockchain pourrait permettre d'identifier en temps réel les donneurs d'ordre de ces opérations. Dès lors, cette technologie pourrait permettre à l'administration fiscale de saisir dans son périmètre d'imposition les opérations de trading visées.
Pour amorcer cette perspective de travail, le groupe Rassemblement national demande au Gouvernement de bien vouloir remettre au Parlement un rapport sur l'apport possible de cette technologie pour la mise en œuvre d'une taxation des opérations de trading à haute fréquence et intrajournalières.
Je vous ferai la même réponse que sur les amendements précédents : mon amendement CF41 reprend ces éléments.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CF41 de M. Christophe Naegelen.
Cet amendement regroupe les différentes demandes de rapport qui ont été formulées.
Je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport : sur le rôle et l'efficacité du dépositaire central, à savoir Euroclear et, le cas échéant, d'autres infrastructures post-marché, dans la procédure de recouvrement ; sur le nombre et la portée des contrôles opérés par le dépositaire central et par l'administration fiscale et économique ; sur le volume et la nature des opérations financières concernées par la taxe ; enfin, sur les développements informatiques et technologiques nécessaires pour assujettir effectivement à la taxe sur les transactions financières les transactions intrajournalières et les produits financiers dérivés.
Je sais que les demandes de rapport sont toujours mal vues, parce qu'on les considère comme une perte de temps, mais celle-ci paraît légitime, compte tenu de l'ampleur du problème, des volumes de capitaux en jeu et de la complexité des mécanismes. Nous sommes face à un système qui peut déstabiliser la vie économique et sociale mondiale.
Alors qu'on demande à tous les propriétaires de déclarer au fisc leur date de naissance, la nature de leurs propriétés, la date et le lieu de naissance de leurs locataires, on laisse des milliards s'échanger tous les jours, sans savoir qui se cache derrière. Nous voterons donc cet amendement.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Amendement CF36 de M. Jean-Philippe Tanguy.
L'abandon de l'extension de l'assiette de la taxe sur les transactions financières a été en partie motivé, officiellement, par des difficultés techniques de mise en œuvre, pour la partie relative au trading haute fréquence.
Selon un rapport de la Cour des comptes de 2017 sur le sujet, l'organisation actuelle de l'administration fiscale ne permettrait qu'un contrôle a posteriori et laborieux. En effet, la gestion de la taxe sur les transactions financières repose sur une perception principalement effectuée par Euroclear France, unique dépositaire central agréé en France par l'Autorité des marchés financiers, lié à l'administration des finances par un protocole conclu le 7 septembre 2012 avec la direction générale des finances publiques et la direction générale du Trésor.
Or Euroclear France, en dépit de sa fonction de dépositaire central, n'aurait pas connaissance de l'ensemble des transactions potentiellement assujetties à la taxe. Cela découle notamment du fait que les opérations de règlement-livraison interviennent en fin de traitement des transactions et portent sur des montants consolidés, les achats étant compensés par des ventes.
Par ailleurs, Euroclear France n'avait, en 2017, jamais signé de convention avec des plateformes de négociation ou des chambres de compensation en vue d'obtenir des informations sur les transactions effectuées et de les comparer à celles qui lui sont déclarées.
Afin de lever ces difficultés techniques préalables à l'extension de l'assiette de la TFF au trading haute fréquence, le présent amendement demande la production d'un rapport sur la révision des relations entre Euroclear France et l'administration fiscale, nécessaire à la mise en œuvre de la présente proposition de loi.
Votre amendement est satisfait par l'adoption de mon amendement CF41. Je vous invite donc à le retirer.
La commission rejette l'amendement.
Titre
Les amendements CF32 de M. Daniel Labaronne et CF20 de M. Mathieu Lefèvre sont successivement retirés.
Amendement CF2 de M. Charles Sitzenstuhl.
Je vais retirer mon amendement, mais je voudrais revenir sur le cas suédois, que je ne prends pas à la légère. Je vous renvoie à la documentation économique et aux déclarations que les différents ministres suédois des finances ont faites dans les années 2000 pour expliquer les problèmes qu'a causés cette taxe et les raisons pour lesquelles la Suède l'a supprimée.
À l'époque, le capital était déjà mobile, mais moins qu'aujourd'hui. Cette nouvelle mouture de la taxe poserait encore plus de difficultés et aurait des conséquences encore plus graves qu'à l'époque en Suède.
L'amendement est retiré.
Je me réjouis, chers collègues, que vous ayez renoncé à défendre vos amendements tendant à modifier le titre de la proposition de loi, car ils n'étaient pas très sérieux.
Je regrette que nous n'ayons pas pu débattre des amendements déposés sur l'article unique, car ils auraient écarté les inquiétudes qui se sont exprimées au cours de la discussion générale. J'espère que nous pourrons en discuter dans l'hémicycle.
Pour revenir une dernière fois à la Suède, en choisissant, dans cette proposition de loi, le principe d'émission, nous ne risquions pas de connaître la même situation que la Suède dans les années 1980.
Je remercie les collègues qui ont soutenu cette proposition de loi et je déposerai en vue de la séance publique un amendement de rétablissement de l'article unique, intégrant les amendements que j'avais déposés pour modifier le texte initial.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9 heures
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Karim Ben Cheikh, Mme Émilie Bonnivard, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, M. Victor Habert-Dassault, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, Mme Marianne Maximi, M. Benoit Mournet, M. Christophe Naegelen, Mme Mathilde Paris, M. Emmanuel Pellerin, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Philippe Schreck, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier, M. Stéphane Travert
Excusées. - Mme Justine Gruet, Mme Karine Lebon, Mme Lise Magnier
Assistaient également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Véronique Louwagie