Madame la rapporteure spéciale, je vous remercie d'avoir retenu cette année comme thématique d'évaluation La contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, dans le cadre à la fois de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, sur laquelle j'aurai plaisir à m'exprimer, et de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance, sur laquelle bien sûr je laisserais ma collègue Charlotte Caubel vous répondre.
Si elle est en bien sûr une facette très importante, la contractualisation entre l'État et les collectivités, qu'il s'agisse des départements ou des métropoles, ne résume pas à elle seule l'ambition de la stratégie de lutte contre la pauvreté menée par l'État. Il me semble d'ailleurs important, devant vous, de revenir sur l'exécution budgétaire 2022 de cette stratégie, que j'ai volontairement gardée pour cette seconde prise de parole.
En la matière, 2022 représente une nouvelle année de déploiement des principaux dispositifs de la stratégie. Je pense par exemple au soutien accru à l'alimentation des enfants de familles modestes avec une forte montée en charge de la tarification sociale des cantines. En 2022, cinq fois plus d'élèves ont bénéficié des tarifs à 1 euro ou moins que l'année scolaire précédente. Finalement, notre objectif d'atteindre 1 400 communes fin 2022 a été largement dépassé, puisque 1 888 communes ont bénéficié de ce dispositif. Le même constat de réussite s'applique aux petits-déjeuners gratuits à l'école, avec 245 151 élèves bénéficiaires contre 100 138 en 2021.
J'en viens maintenant au sujet précis de votre rapport thématique : la contractualisation entre l'État et les collectivités locales. L'année 2022 a constitué la dernière itération des contrats entre l'État et les conseils départementaux, les métropoles et quelques régions, en tout cas dans leur forme originelle.
Je rappelle qu'un nombre important des mesures de la stratégie de lutte contre la pauvreté passent par la contractualisation. Je pense notamment aux mesures suivantes :
- la garantie d'activité départementale pour les bénéficiaires du RSA, 200 000 d'entre eux ayant été concernés en 2021 ;
- le développement des plateformes de mobilité pour faciliter l'accès à l'emploi des publics qui en sont les plus éloignés ;
- la prévention des sorties sèches de l'ASE.
Evidemment, s'agissant d'une approche aussi innovante et aussi ambitieuse, l'évaluation a été à la fois indispensable et éclairante. Je retiens d'ailleurs de nombreux éléments de l'évaluation menée par l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la contractualisation, et partage par ailleurs très largement vos recommandations, madame la rapporteure.
Pour l'avenir, je souhaite ainsi refonder la démarche contractuelle afin de conclure de véritables pactes locaux des solidarités, autour des départements et des métropoles. Les précédents contrats ont permis de renouer un dialogue entre l'État et les collectivités, qui s'était fortement distendu sur les politiques sociales. Cette nouvelle dynamique de partenariat s'est construite autour de projets portés en commun et à forte plus-value sociale pour nos concitoyens.
Mais ils souffraient de quelques « défauts de jeunesse » qui en ont rendu la mise en œuvre souvent trop lourde, et le rapport de l'IGAS a sur ce point été éclairant. C'est pourquoi je pense comme vous, madame la rapporteure, que nous devrons nous améliorer sur plusieurs points. Il s'agit tout d'abord de réduire le nombre d'indicateurs. Nous devons nous concentrer au maximum sur la définition d'objectifs partagés plutôt que sur des indicateurs de moyens, car ce sont eux qui peuvent parfois conduire à des relations vécues comme un contrôle trop tatillon qui n'a bien sûr pas lieu d'être.
Je pense ensuite à la visibilité et la robustesse de notre partenariat. Nous devons aller vers une contractualisation pluriannuelle, qui donne de la visibilité à chacun, à l'échelle du quinquennat. Enfin, je souhaite évoquer l'adaptation à la diversité des territoires. Nous devrons trouver le meilleur équilibre entre deux éléments. Il s'agit d'une part de la définition d'éléments de cadrage construits à l'échelle nationale. Nous sommes d'ailleurs en train d'y travailler avec les représentants des collectivités. Il s'agit d'autre part de la nécessité d'élaborer des contrats réellement adaptés à la grande variété des réalités locales. C'est pourquoi les futurs contrats seront fondés sur des diagnostics territoriaux précis, en cours de formalisation. Au-delà du binôme État/collectivités, ils associent l'ensemble des parties-prenantes : caisses de sécurité sociale, Pôle Emploi, ARS, grandes associations de lutte contre la pauvreté, ainsi que d'autres acteurs le cas échéant, comme les entreprises.
Ces diagnostics nous permettront de nous appuyer sur la vision la plus précise et la plus complète des besoins des territoires, et de construire des réponses associant le plus grand nombre d'intervenants. Mon objectif consiste à finaliser ces contrats avant la fin de l'année, afin qu'ils soient applicables à compter du début de l'année 2024, en cohérence avec les calendriers budgétaires des collectivités.