Intervention de Jean-Christophe Combe

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées :

Je suis très heureux de vous retrouver ce matin, car cette audition va permettre de rappeler la richesse de cette mission Solidarité, ainsi que l'importance des actions qu'elle permet de financer. Cela fut d'autant plus le cas durant l'année 2022, année marquée par d'importantes évolutions sur lesquelles je voudrais insister.

Nous avons considéré qu'il ne pouvait en être autrement dans un contexte de forte inflation. La hausse des prix, notamment des denrées alimentaires, frappe en effet durement certains de nos concitoyens. Face à cela, la mission Solidarité a pleinement joué son rôle d'amortisseur social, grâce à la fois aux mesures qu'elle finance en gestion habituelle et aux traductions, inscrites en cours d'exercice, de l'intervention accrue décidée par le gouvernement pour faire face à la crise.

Ce temps de la loi de règlement permet d'en prendre pleinement conscience. Je tiens à citer un exemple pour commencer : la revalorisation anticipée du montant des prestations sociales de 4 % intervenue au 1er juillet 2022, en vertu des dispositions de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Cette décision s'est traduite pour la mission Solidarité par une ouverture de crédits de plus de 387 millions d'euros, qui a permis, une fois complétée par la revalorisation légale intervenue au 1er avril dernier, de porter l'augmentation totale de ces prestations à 5,6 %, soit un montant proche de l'inflation sur un an.

Cette revalorisation, qui a concerné la prime d'activité, le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation financière d'insertion sociale (Afis), s'est accompagnée, de l'aide exceptionnelle de solidarité destinée aux foyers modestes et qui, pour un montant total de 1 130 millions d'euros, a représenté un versement moyen de 160 euros par ménage concerné. Ces deux mesures illustrent, autant que celles visant à contenir la hausse des prix de l'énergie, la détermination du gouvernement à agir pour atténuer les conséquences de l'inflation sur les plus modestes. Nous poursuivons bien sûr cet effort, avec par exemple le trimestre anti-inflation que portent Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et Madame Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme.

Concernant les enjeux alimentaires, je souhaite détailler les évolutions, budgétaires apportées au cours de l'année 2022 et traduites dans la mission Solidarité. Au total, trois mouvements distincts et d'importance ont été opérés.

Les deux premiers sont issus de la loi de finances rectificative (LFR) du 16 août 2022. Tout d'abord, une enveloppe exceptionnelle de 40 millions d'euros a été ouverte pour soutenir les associations d'aide alimentaire. Ces montants ont permis de compenser la quasi-intégralité de leur perte de ressources liée aux marchés européens infructueux (28,5 millions d'euros déployés pour financer des achats directs auprès des producteurs) et de doubler les crédits locaux disponibles en soutien des associations de proximité (11,5 millions d'euros).

La LFR a aussi ouvert une enveloppe de 15 millions d'euros en faveur de l'aide alimentaire en outre-mer, afin de tenir compte de la vulnérabilité particulière de ces territoires. Enfin, le troisième mouvement de l'année porte sur une nouvelle enveloppe de 40 millions d'euros, qui a été ouverte par voie d'amendement lors de l'examen de la seconde LFR, promulguée le 2 décembre dernier.

Ces crédits ont notamment permis d'affecter en urgence 10 millions d'euros à l'aide alimentaire à destination des étudiants. Les 30 millions d'euros restants sont en cours de déploiement et doivent permettre aux associations de faire face à la hausse des dépenses énergétiques, à l'inflation des prix des denrées et à l'accroissement du nombre de bénéficiaires.

Au total, 95 millions d'euros ont été ouverts en lois de finances rectificative pour 2022. Les crédits de l'État en faveur de l'aide alimentaire ont donc été portés à 140 millions d'euros au total en 2022, soit près de trois fois plus que le montant initialement inscrit.

Il s'agit bien sûr de crédits d'urgence, mais ils permettent également d'engager des transformations profondes, ce dont permet aussi de rendre compte ce printemps de l'évaluation. Vous savez ainsi que la lutte du gouvernement contre la précarité alimentaire se concrétise en 2023 par la création d'un fonds pour une aide alimentaire durable au travers du programme « Mieux manger pour tous ». Ce fonds d'amorçage, doté de 60 millions d'euros en 2023, a vocation à financer des approvisionnements supplémentaires en denrées de qualité des associations habilitées à l'aide alimentaire et à promouvoir de nouvelles solidarités alimentaires au niveau local.

Ces moyens nouveaux s'inscrivent dans la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (loi Egalim) et sont ancrés au sein du comité de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa).

La mission Solidarité porte bien sûr de nombreuses autres transformations profondes. Certaines ont d'ailleurs un impact budgétaire déjà conséquent. Je pense par exemple à l'expérimentation de recentralisation du RSA : 749 millions d'euros sont mobilisés par l'État pour avancer en ce sens, depuis le 1er janvier 2022, avec les départements de la Seine-Saint-Denis et des Pyrénées-Orientales. Cette démarche suscite beaucoup d'intérêt et d'attentes, puisque l'expérimentation a été étendue à compter du 1er janvier 2023 au département de l'Ariège.

Une autre transformation particulièrement conséquente concerne la réforme de la solidarité à la source, dont l'impact budgétaire n'est à ce stade pas encore visible mais qui le sera dans les années à venir, et dans des proportions très importantes. Le programme 304, et plus particulièrement son action pour l'ingénierie, les outils de la gouvernance et les expérimentations, porte des crédits permettant de financer les travaux en cours visant à la modernisation de la délivrance du RSA et de la prime d'activité.

Il s'agit là d'une étape majeure de la réforme globale, dont je rappelle les grands objectifs :

- faire[WB1] baisser le non-recours aux prestations de solidarité ;

- simplifier les démarches de demande et de renouvellement des prestations ;

- calculer le juste droit, c'est-à-dire lutter contre la fraude, les indus et les rappels ;

- garantir que travailler rapporte toujours significativement plus que ne pas travailler.

Avec cette réforme, le plan anti-fraude annoncé par le ministre délégué chargé des comptes publics, Monsieur Gabriel Attal, mais aussi la mise en place de France Travail, nous menons une transformation profonde de notre protection sociale, pour un meilleur accès au juste droit et plus d'efficacité.

Je pourrais continuer longtemps à évoquer les nombreuses politiques fondamentales financées par cette mission. Je pourrais bien sûr mentionner les points principaux de bilan du programme 157 Handicap et dépendance, mais je ne veux pas être trop long dans ce propos liminaire.

Par ailleurs, il me semble qu'il serait peut-être plus approprié de les rattacher aux annonces faites récemment à l'occasion de la Conférence nationale du handicap. Je l'évoquerai justement cet après-midi au Sénat, et j'aurai plaisir à répéter l'exercice ici à l'Assemblée nationale. Je pense par ailleurs qu'il sera tout particulièrement intéressant d'évoquer la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH) qui sera effective au plus tard le 1er octobre.

Enfin, il me semble important de revenir sur un dernier point, concernant le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales. L'année 2022 présente des particularités qui sont parfaitement détaillées dans le rapport annuel de performance (RAP). Ainsi, plusieurs mouvements ont impacté le programme :

- les suites de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, avec des rapprochements qui se révèlent d'ores et déjà très positifs pour les publics bénéficiaires ;

- le prolongement de la crise sanitaire, avec une cellule de crise en administration centrale maintenue et renforcée ;

- les conséquences du conflit en Ukraine, avec l'accueil de près de 100 000 réfugiés qui a bien sûr mobilisé de nombreux services et conduit à des recrutements en renfort.

Là-encore, l'évolution des crédits consommés est précisément détaillée dans le RAP. Elle traduit également des mesures telles que la convergence indemnitaire des catégories administratives A et B, la hausse du point d'indice de la fonction publique, ou encore, pour les crédits hors titre 2, des opérations immobilières de grande ampleur

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