Intervention de Daniel Labaronne

Réunion du mercredi 31 mai 2023 à 9h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Labaronne :

On peut être sensible aux trois objectifs que le rapporteur détaille dans l'exposé des motifs de la proposition de loi : faire contribuer le secteur financier, trouver de nouvelles ressources pour l'État et lutter contre la spéculation. Le problème est que l'élargissement de l'assiette de la TTF ne fera rien de tout cela.

En ce qui concerne le premier objectif, vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que ce n'est pas le secteur financier qui paie la TTF, mais les entreprises ou les épargnants, c'est-à-dire les acteurs de l'économie réelle. Le référé de la Cour des comptes que vous avez évoqué le dit très bien : relisez-le !

S'il s'agit de trouver des ressources pour l'État, viser les transactions les plus volatiles et mobiles est une mauvaise stratégie : ces transactions sont facilement délocalisables. Votre taxe aura un rendement nul, comme le prouvent les expériences suédoise et italienne ainsi que la taxe sur le trading à haute fréquence instaurée en France. Pire, elle risque d'encourager les entreprises émettrices à déplacer leur siège social ou les intermédiaires financiers leurs activités, donc leur emploi, ce qui exposerait au risque d'une perte d'IS et d'IR.

Enfin, pour lutter contre la spéculation, c'est une mauvaise idée d'agir de manière unilatérale, au niveau français, sur des transactions très facilement délocalisables. Il n'y a qu'au niveau européen, au moins, que l'on peut espérer avoir un effet sur un système mondialisé. Et la France, en la matière, est à la pointe, contrairement à ce que vous avez dit.

L'élargissement de l'assiette de la TTF à l' intraday et aux produits dérivés pose un problème juridique et pratique insurmontable. Il a déjà été tenté deux fois en France ; chaque fois, le Gouvernement est revenu sur la mesure, pour des raisons juridiques. On peut le faire une troisième fois, mais voter des mesures inapplicables n'est pas de bonne pratique législative.

Si on veut lutter contre la spéculation, il faut s'attaquer au shadow banking et aux dark pools, ce que vous ne faites pas dans cette proposition de loi. Celle-ci manque ses objectifs et aurait des conséquences négatives sur notre économie, le financement de nos entreprises, nos emplois et nos recettes fiscales.

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