La commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, Président
La séance est ouverte à 9 h 00
Madame la secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, je vous souhaite chaleureusement la bienvenue devant notre commission.
Pour celles et ceux d'entre nous qui ne vous connaîtraient pas, je rappellerai à grands traits que vous êtes née à Sparte, en Grèce, que vous êtes diplômée de l'université de Rome La Sapienza et titulaire d'un doctorat en médecine. Spécialiste reconnue de l'endométriose, vous avez cofondé l'association Info-endométriose. Élue députée européenne en 2019, vous avez été vice-présidente de la commission du développement du Parlement européen et rapporteure sur l'élaboration de la nouvelle stratégie Union européenne - Afrique. J'aimerais d'ailleurs que vous nous donniez votre point de vue quant à la prise en compte de la déontologie et à la lutte contre la corruption dans cette assemblée où j'ai siégé de longues années et présidé la commission du contrôle budgétaire, contribuant à cette occasion à la fondation de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF).
En 2021, vous vous êtes investie dans la réponse au Covid-19 dans les pays les moins favorisés et vous avez notamment été élue coprésidente du conseil des actionnaires du programme Covax pour un accès équitable aux vaccins. C'est donc avec un regard un peu différent de vos collègues, mais tout aussi informé, que vous avez accédé à vos fonctions ministérielles en mai 2022.
L'aide publique au développement (APD), qui entre dans le champ de vos attributions, fait l'objet d'une attention toute particulière de la commission des affaires étrangères. Les sommes en jeu sont considérables, puisque les montants dévolus à l'APD auront atteint environ 14,6 milliards d'euros en 2022.
La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, à laquelle Marielle de Sarnez avait contribué de manière décisive avec l'aide de son homologue du Sénat – le mien désormais –, M. Alain Cambon, a été un exemple réussi de travail conjoint entre le Gouvernement et les deux chambres du Parlement. Vous avez maintenant la charge de cet enfant que nous avons porté sur les fonts baptismaux !
Or, l'installation de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement se fait attendre ; sur cette question, les membres de notre commission aimeraient obtenir des éclaircissements et, surtout, des avancées.
Si l'Agence française de développement (AFD) jouit d'une grande autonomie, vous êtes au Gouvernement l'autorité de contrôle qui veille à ce que l'action de cette agence soit conforme aux objectifs du Gouvernement et aux orientations votées par le Parlement. Nous n'avons aucun doute quant à la volonté de l'AFD d'aller dans la bonne direction ; il n'en demeure pas moins que c'est une nouveauté que de confier cette mission spécifique à un membre du Gouvernement.
Vos responsabilités ne se résument pas à la gestion de l'APD, puisque vous êtes également chargée de la francophonie et des partenariats internationaux.
Le nombre de locuteurs quotidiens du français se situe aux alentours de 321 millions de personnes. Cinquième langue la plus parlée dans le monde derrière l'anglais, le chinois, l'hindi et l'espagnol, le français est la langue de scolarisation de 93 millions d'élèves, la deuxième la plus apprise et la quatrième la plus présente sur internet. Par-delà les chiffres, il faut s'interroger sur l'attractivité de la francophonie comme espace politique et de coopération. À l'issue du vingt-sixième sommet des chefs d'État et de gouvernement du Commonwealth, qui s'est tenu à Kigali le 25 juin dernier, deux États africains non anglophones – et même ô combien francophones –, le Togo et le Gabon, ont ainsi rejoint cette organisation. C'est tout à fait leur droit, mais nous regardons cette évolution avec inquiétude. Il est pourtant une époque où le président Bongo était incollable sur la carte électorale française !
Enfin, vous avez effectué ces dernières semaines plusieurs déplacements significatifs en tant que secrétaire d'État chargée des partenariats internationaux. Outre les enseignements que vous en retirez, il serait particulièrement opportun pour notre commission que vous nous indiquiez les axes de la politique que vous comptez appliquer dans ce dernier pilier du triptyque de vos compétences.
Je suis ravie d'être devant vous aujourd'hui pour vous présenter mon action au service de la politique étrangère menée par le président de la République, la première ministre, auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna. Il est aussi important pour moi de répondre à vos questions et de partager les leçons que je tire de mes déplacements depuis sept mois dans près de trente pays – notamment en Afrique et dans l'Indopacifique –, de ma participation à une dizaine de sommets internationaux ainsi que de mes échanges avec les dirigeants et les populations du monde entier.
Je tiens à rappeler à cet effet que le secrétariat d'État chargé du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux est un nouveau portefeuille, qui répond à des enjeux majeurs tels que la question du développement, la protection des biens publics mondiaux et la place de notre pays dans les nouveaux équilibres internationaux. Ces enjeux sont au cœur de notre action extérieure et ont des répercussions dans le quotidien de nos concitoyens. Le sens de la création de ce portefeuille et de ma nomination prend sa source dans notre volonté de relever ces défis et de faire entendre la voix de la France sur les enjeux globaux.
Le développement et la francophonie sont des outils au service de la construction des partenariats internationaux, qui constituent la principale mission de mon portefeuille et dont le renforcement est selon moi essentiel pour trois raisons.
Premièrement, plusieurs visions du monde s'affrontent actuellement et nous devons donc trouver des alliés pour faire peser la nôtre et nos valeurs. Chaque jour, notre vision, qui défend le respect de la souveraineté, du droit international et qui promeut le multilatéralisme ainsi que la coopération, est concurrencée, voire contestée. L'agression russe contre l'Ukraine nous a brutalement rappelé que le reste du monde ne converge pas spontanément vers nos positions et notre vision. Nos alliances européennes et otaniennes sont certes solides, mais insuffisantes pour affronter les défis auxquels nous faisons face. Ainsi devons-nous sans cesse trouver des alliés, sur chaque sujet, pays par pays, afin de défendre et de promouvoir notre vision et nos valeurs. Nos alliances structurantes doivent être complétées par des coalitions ad hoc et des partenariats sur-mesure. Nous ne devons négliger aucun acteur car il n'existe ni de petits pays, ni de partenaires négligeables. Il n'y a que du respect, de l'écoute et de l'humilité.
Deuxièmement, nous sommes de plus en plus interdépendants. Les crises du Sud sont aussi les nôtres, et réciproquement : un virus parti de Chine peut faire vaciller nos systèmes de santé, une guerre en Ukraine aggrave les crises alimentaires dans la Corne de l'Afrique, les émissions des pays du Nord et des pays émergents représentent une menace vitale pour les pays du Sud. Nous devons donc travailler ensemble pour préserver les biens publics mondiaux que sont le climat, la santé mondiale et l'accès à l'énergie.
Troisièmement, le renforcement de nos partenariats est la seule manière d'éviter le risque croissant d'une fracture entre le Nord et le Sud, qui viendrait s'ajouter aux tensions entre l'Est et l'Ouest. Qui ne voit pas, à chaque sommet, la contestation dont les pays du Nord font l'objet lorsqu'il est question de l'injustice climatique, du manque de solidarité financière ou des conséquences de la guerre en Ukraine ? Le président de la République l'a souvent dit : la France a un rôle essentiel à jouer en tant que puissance d'équilibre pour favoriser le dialogue Nord-Sud et pour bâtir des solutions communes aux défis que nous rencontrons tous.
Pour les raisons que j'évoquais, cette construction commune donne tout son sens à mon action au service de nos partenariats internationaux. Leur renforcement passe tout d'abord par l'écoute, le dialogue et le partage : en me déplaçant sur le terrain, en échangeant avec nos partenaires du monde entier – bien au-delà des pays du G7 et du G20 –, je souhaite discuter des besoins, des positions et des attentes de chaque pays. La discussion est un préalable indispensable pour déterminer les domaines où la coopération est possible, ainsi que pour construire des partenariats bilatéraux et multilatéraux. Nous travaillons par exemple à la préservation des forêts tropicales avec les pays d'Afrique, d'Amazonie et d'Asie du Sud-Est, à la préservation des océans avec le Costa Rica, et nous avons approfondi notre partenariat relatif à la lutte contre le changement climatique avec le Vanuatu, qui n'avait pas reçu de ministre français depuis 1993. Loin d'être secondaires, les enjeux globaux, qui sont au centre des grandes dynamiques politiques d'aujourd'hui et de demain, font l'objet d'un travail renforcé de la part de nos ambassadeurs, en lien avec les équipes du Quai d'Orsay qui conjuguent leur remarquable expertise technique à leur savoir-faire diplomatique. Nos opérateurs – en particulier l'AFD, mais aussi Expertise France, Proparco, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) – jouent un rôle clé dans la construction et la mise en œuvre de ces partenariats.
Le renforcement de nos partenariats nécessite la défense du multilatéralisme, dont nous promouvons, sous l'impulsion du président de la République, l'inclusivité et l'efficacité tout en consolidant nos valeurs et nos intérêts. Par notre contribution historique de 1,8 milliard d'euros au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, nous avons œuvré en faveur de la santé mondiale. Lors de la COP27 et de la COP15, la France a joué un rôle moteur dans la réduction de la fracture Nord-Sud, tant en matière de financements que par la création du Fonds « pertes et dommages ». Aux assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), nous avons soutenu le besoin d'une réforme de l'architecture financière internationale.
Renforcer nos partenariats implique de promouvoir des initiatives nouvelles et originales pour répondre aux défis globaux, tel le programme Covax, fondé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), dont le but est d'assurer un accès équitable aux vaccins et de développer la souveraineté sanitaire de long terme par le développement de capacités locales de production. Je pense aussi à l'initiative Farm (mission pour la résilience alimentaire et agricole), qui renforce la solidarité de court terme et la souveraineté alimentaire de long terme des pays vulnérables, et à la coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, dont nous assurons la coprésidence avec le Costa Rica, et qui réunit désormais plus de 110 pays.
Le renforcement de nos partenariats consiste aussi à mieux travailler avec les pays du Sud en accompagnant leurs solutions, en leur apportant les soutiens techniques et financiers dont ils ont besoin et en renforçant leur souveraineté. J'évoquais hier avec vos collègues Barbara Pompili et Carlos Martens Bilongo la transition énergétique de ces pays, à laquelle la France participe en accompagnant l'Afrique du Sud et l'Indonésie, ainsi que d'autres pays avec lesquels nous sommes en discussion, dans leur sortie du charbon, et en construisant des partenariats pour une transition énergétique plus juste qui finance le développement des énergies renouvelables et soutient la transition vers de nouveaux emplois.
Nous renforçons aussi nos partenariats en construisant des solutions structurelles aux défis mondiaux. Ce sera notamment l'objectif du sommet pour un nouveau pacte financier avec le Sud que nous organiserons en juin à Paris.
Je tiens à souligner que ces partenariats ne sont pas uniquement des outils diplomatiques mais surtout des leviers de croissance, de promotion de nos intérêts et des garanties pour notre stabilité en France et en Europe.
J'aimerais maintenant revenir sur le plus important de nos partenariats internationaux : je veux parler de notre partenariat avec le continent africain.
Mon premier combat, c'est de changer nos perceptions de part et d'autre. L'Afrique est un continent qui nous fait face, à 14 kilomètres de l'Europe, et avec qui nous entretenons des liens historiques, humains et culturels dont chacun connaît l'importance et la valeur.
L'Afrique est le seul continent qui doit tout faire tout de suite ; c'est même le continent où les défis se posent actuellement avec le plus de vigueur. Le défi sécuritaire est existentiel pour beaucoup de pays africains. Je le rappelle sans cesse, nous ne faisons pas deux poids deux mesures avec la guerre en Ukraine : nous sommes aux côtés des populations africaines dans leur lutte contre le terrorisme. Outre le défi climatique, avec des sécheresses, des famines, des déplacements de populations et les conflits qui en résultent, l'Afrique doit aussi faire face à des défis alimentaires, énergétiques et sanitaires.
Mais l'Afrique est aussi un continent d'opportunités. Sa jeunesse, ses artistes, ses scientifiques et ses penseurs, chaque jour plus nombreux et énergiques, inspirent et réinventent le monde. Son économie présente un immense potentiel de croissance, avec un mouvement d'industrialisation dont nous sous-estimons l'ampleur. Ses innovations et ses entrepreneurs inventent chaque jour les solutions de demain. La voix de ce continent est chaque jour plus centrale puisque les candidats africains remportent de manière quasi systématique les élections dans les organisations internationales et que chacun rivalise par ailleurs de promesses pour renforcer la place de l'Afrique en leur sein.
Chacun doit comprendre que l'Afrique choisit aujourd'hui ses propres partenaires. Bien que la France et l'Europe entretiennent des liens solides avec ce continent, toutes les grandes puissances le courtisent. Certaines sont cependant animées d'une vision prédatrice et agressive qui s'oppose à la nôtre, fondée sur le respect de la souveraineté des pays et la création d'un partenariat d'égal à égal.
Prenant acte de nos interdépendances, nous voulons créer un véritable partenariat entre nos deux continents pour relever ensemble les défis globaux. Pour ce faire, le président de la République défend la création d'un axe euro-africain puissant et engagé : tel était l'objectif du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine organisé à Bruxelles en février 2022, pendant la présidence française de l'Union européenne, ainsi que des grands partenariats et investissements que nous déployons depuis.
Je suis consciente que la France est aujourd'hui vivement contestée, notamment en Afrique francophone et au Sahel. Contre la forte désinformation visant notre pays et nos valeurs, le Quai d'Orsay mène, en lien avec le ministère des armées, un travail important de riposte. Nous faisons fondamentalement face à un discours antifrançais, nourri par des puissances rivales, sur fond de rancœurs et de déceptions persistantes. J'ai pu le constater de près à chacun de mes déplacements en échangeant avec les jeunes des pays que je visitais. Je vois toutefois aussi une envie de travailler ensemble sur de nouvelles bases. L'enjeu est avant tout de montrer par nos actes que nous sommes un partenaire efficace, engagé et respectueux de la souveraineté de nos partenaires.
Pour toutes ces raisons, le président de la République a engagé, depuis 2017, un nouveau partenariat avec le continent africain, que je mets en œuvre depuis huit mois et qui constitue le cœur même de mon action. Il propose un changement de posture, qui peut se résumer en quelques mots : écoute, dialogue, humilité et respect pour la souveraineté de nos partenaires. Nous ne venons pas imposer des solutions, nous venons en soutien des solutions de nos partenaires, pour répondre à leurs priorités.
Cette nouvelle posture trouve une traduction concrète dans toutes nos coopérations. En matière de lutte contre le terrorisme, le président de la République a clairement affirmé dans son discours de Toulon que nous n'étions pas là pour nous substituer aux pays africains mais pour intervenir en appui de leurs forces nationales, alors que l'opération Barkhane s'est achevée et que nous réarticulons notre dispositif. Pour ce qui est du développement durable, la France travaille désormais avec ses partenaires africains pour renforcer leurs capacités en matière d'éducation, de santé, d'agriculture ou encore d'énergie. Enfin, dans l'esprit du discours de Ouagadougou, nous développons de nombreuses coopérations dans des domaines prioritaires pour la jeunesse, tels que l'entreprenariat, le numérique, le sport et la culture. Nous cherchons plus largement à créer des liens durables entre nos scientifiques, nos étudiants, nos artistes et nos entreprises, et nous voulons en faire encore plus pour embarquer le secteur privé vers l'Afrique.
Les deux priorités de mon action sont donc de renforcer nos partenariats internationaux et nos relations avec le continent africain. Pour les mener à bien, je pilote notamment la modernisation de deux instruments essentiels de notre politique étrangère : la politique de développement et la francophonie.
Notre politique de développement doit devenir une véritable « politique d'investissement solidaire », comme l'a indiqué le président de la République devant les ambassadeurs. C'est la raison pour laquelle, cette année encore, nous avons obtenu avec la ministre Catherine Colonna une hausse historique du budget consacré à notre politique de développement, qui a doublé depuis cinq ans.
L'AFD, avec ses formidables équipes, a su relever le défi de la mise en œuvre de ces moyens historiques dans de nombreux domaines et sur tous les continents. La France et l'Europe sont parmi les acteurs les plus solidaires avec leurs partenaires, en particulier avec le continent africain. Cela doit se savoir et avoir un impact positif sur notre image, notre influence et nos intérêts. Rendre notre politique de développement plus lisible et visible est pour moi une priorité. De même, il est essentiel d'expliquer davantage à nos citoyens qu'investir dans le développement de nos partenaires revient à renforcer notre propre stabilité et à favoriser notre propre croissance.
La tenue prochaine d'un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), autour de la première ministre, nous permettra d'avancer vers cet objectif. Ce sera notamment l'occasion de mieux aligner notre politique de développement avec nos intérêts, nos valeurs et nos priorités politiques, de repenser la répartition géographique de notre action, d'actualiser nos priorités thématiques en renforçant notre action en matière de formation professionnelle et de sécurité alimentaire, de moderniser nos instruments et nos moyens d'action afin de mobiliser davantage le secteur privé, ainsi que de défendre une trajectoire budgétaire ambitieuse s'inscrivant dans le prolongement des efforts historiques réalisés depuis 2017.
Le second outil pour créer des partenariats est la francophonie. Je sais que ce sujet est très important pour vous, comme il l'est évidemment pour Catherine Colonna et pour moi-même. Grâce au plan « Langue française et plurilinguisme » lancé en 2018 par le président de la République, nous contribuons grandement au rayonnement et à l'apprentissage de notre langue. Nous avons engagé 356 millions d'euros en 2020 pour soutenir les systèmes éducatifs des pays francophones d'Afrique. Depuis 2018, le réseau de l'enseignement français à l'étranger a gagné soixante-douze établissements et près de 40 000 élèves, dont les deux-tiers sont étrangers. Enfin, la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts ouvrira au public au printemps 2023 et la France accueillera le prochain sommet de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) en 2024. Je ferai en sorte que cet événement permette de nouvelles grandes avancées.
La langue française est une langue d'opportunités : alors que je suis née en Grèce et que j'ai vécu quinze ans en Italie, cette langue m'a donné l'opportunité d'être la représentante des Français au Parlement européen et, aujourd'hui, ministre de la République. Elle doit créer un espace de rencontres, d'échanges et de partenariats entre les entrepreneurs, les artistes et les étudiants du monde francophone ; elle doit offrir, à rebours de l'homogénéisation du monde, des opportunités en soutenant le multilinguisme. La francophonie doit renforcer les liens politiques entre ses membres, être un moyen de discussion entre les pays du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, nous permettre de porter une voix de plus en plus forte et unie avec les pays francophones en ce qui concerne les enjeux globaux. J'aurai enfin à cœur de mieux valoriser toute la diversité de la francophonie : ses idiomes, ses expressions et ses accents.
J'aimerais enfin vous exposer ma méthode pour atteindre tous ces objectifs. Dans un temps où la vie nationale se joue plus que jamais à l'international, je veux coconstruire avec tous les acteurs, à commencer par vous, les parlementaires, dont les idées, les remontées du terrain et les discussions me sont très précieuses. Ma porte vous sera toujours ouverte, tant pour relier nos territoires à l'action internationale que pour vous y associer. Ayant été députée européenne, je connais les bienfaits de la diplomatie parlementaire et crois profondément que nous devons nous entraider. Je tiens à consulter régulièrement la société civile, en particulier les associations, que je rencontre régulièrement. J'associe également nos territoires en organisant des déplacements réguliers à la rencontre des collectivités, qui jouent selon moi un rôle essentiel dans la solidarité internationale. Durant les prochains mois, j'impliquerai plus encore les diasporas au renouvellement de notre relation avec le continent africain.
Ensemble, grâce à cette politique de partenariats, nous diffusons une certaine idée de la France : une France ouverte, engagée et solidaire, qui prend et prendra toute sa place dans le monde. Nous avons tous un rôle fondamental à jouer dans le nouveau monde qui se dessine.
Votre dynamisme personnel, associé aux importants moyens financiers investis ces dernières années dans l'APD, devrait faire merveille ! Vous avez fait allusion à une certaine idée de la France : on songe évidemment aux premières pages des Mémoires du général de Gaulle qui, à propos de cette idée, disait que le sentiment l'inspirait tout autant que la raison. En vous écoutant, nous voyons bien que le sentiment vous l'inspire autant que la raison. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour votre enthousiasme et vos convictions, que je vous souhaite de conserver.
Nous nous réjouissons de l'accroissement, ces dernières années, du budget de l'APD. Vous inscrivez votre action dans le prolongement de la loi du 4 août 2021, qui prévoyait le relèvement de ce budget à 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022, contre 0,37 % en 2017. Cette loi définissait également des objectifs géographiques et sectoriels dont nous aimerions connaître l'évolution, ainsi que les éventuelles pistes d'amélioration ; nous déplorons encore un manque de clarté dans ce domaine. L'objectif de 0,7 % du RNB consacré à l'APD en 2025 est-il encore tenable ?
La loi a créé un mécanisme très intéressant, qui permet de restituer aux populations des biens mal acquis par leurs dirigeants, incitant ainsi notre pays à la justice et à l'exemplarité dont il doit faire preuve. Or, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, les documents budgétaires indiquaient qu'aucun État n'avait eu recours à cette possibilité. La situation a-t-elle évolué depuis l'été dernier ?
Enfin, nous nous inquiétons du brusque recul de 9,8 % de l'enseignement du français en Europe, alors que l'OIF souligne la baisse de l'usage de notre langue dans les organisations internationales.
Je vous remercie pour cette question, qui embrasse l'ensemble de mon portefeuille ministériel.
L'objectif de 0,7 % du RNB consacré à l'APD à l'horizon 2025 a été fixé par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Compte tenu de la situation, nous avons augmenté le budget de l'APD de plus de 17 % en 2023. Cela représente 860 millions d'euros supplémentaires. L'objectif de 0,7 % reste une priorité mais il faudra aussi prendre en compte le contexte général.
La première ministre a demandé l'organisation d'un CICID pour déterminer les priorités géographiques et sectorielles. Le travail a commencé et vous pouvez bien entendu alimenter nos réflexions par vos suggestions. La situation mondiale évolue mais les pays les plus vulnérables demeurent une priorité.
L'aide au développement, la francophonie et la coopération entre les peuples sont des sujets de premier plan pour le Rassemblement national. Comme vous le savez, notre présidente Marine Le Pen est en déplacement au Sénégal pour faire connaître notre position sur ces sujets. Afin de redynamiser le partenariat franco-africain, nous proposons de sortir des ornières du passé : non pas sur le thème de la repentance mais sur celui de l'ouverture, en donnant à l'Afrique un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Nous voulons également redorer le blason de la francophonie. En tant que membre du conseil d'administration de l'Institut français, je veux témoigner de la nécessité de recentrer cet établissement public sur l'apprentissage du français et de la culture française. N'en déplaise au président de la République, cette culture existe et nous tendons la main à ceux qui veulent la rejoindre.
Cette politique d'ouverture s'accompagnera d'une remise à plat de la doctrine de la dépense en matière d'APD. C'est non seulement la famine qu'il faut éradiquer, mais aussi et surtout l'opacité des mécanismes que votre Gouvernement alimente avec toujours plus d'argent public. Votre cheffe, Élisabeth Borne, a imposé au Parlement 1 milliard d'euros d'aides supplémentaires dans le dernier projet de loi de finances.
Nous demandons également une simplification des organismes et le retour à une aide strictement bilatérale. Nous refusons le multilatéralisme. Les Français ne veulent plus des organisations non gouvernementales (ONG) omnipotentes, qui interviennent à leur place. Au contraire, les politiques de développement bilatérales peuvent être évaluées précisément ; elles permettent de mieux cibler les besoins et aboutissent à des relations de confiance profitables pour la France. En matière d'aide au développement, il faut absolument tout refaire.
Je respecte votre position mais je ne la partage pas.
Le président de la République et le Gouvernement attachent une grande importance à un pilotage politique efficace, lisible et cohérent de notre action en matière de développement ainsi que de celle des opérateurs. L'AFD est un opérateur chargé de la mise en œuvre de cette politique, sous la tutelle de l'État, comme la loi du 4 août 2021 le rappelle clairement. Catherine Colonna et moi-même exerçons un pilotage politique précis, afin que l'action de cette agence soit bien alignée avec nos priorités, nos valeurs et nos intérêts. Je tiens personnellement des comités mensuels de suivi de l'AFD avec son directeur général. Cela permet de piloter de manière fine la répartition géographique des importants crédits alloués à l'agence, pour que leur distribution corresponde parfaitement à nos priorités politiques. Enfin, l'État fait entendre sa voix au conseil d'administration de l'AFD, où le Parlement est aussi représenté.
Je ne partage pas votre analyse quant à la prétendue opacité de notre aide. Conformément à la loi du 4 août 2021, nous publions l'intégralité des données sur un site internet public.
L'augmentation du budget de l'APD nous honore et nous oblige. C'est pourquoi nous sommes intransigeants au sujet des contrôles a priori et a posteriori, qui permettent d'éliminer les risques de corruption et de s'assurer que l'aide bénéfice directement aux populations.
La semaine dernière, vous avez été envoyée pour une mission de sauvetage au Burkina Faso, un pays qui, après le Mali, semble décrocher de la sphère francophone. Vous avez indiqué à cette occasion que la France n'imposait rien au Burkina Faso, ce qui est globalement exact. Mais le vrai sujet est de savoir comment redorer l'image de la France au Sahel, où elle s'est profondément dégradée, dans quel but et avec quels moyens.
Le Sahel est en crise globale depuis très longtemps. Cette crise sécuritaire, sociale, politique et écologique remonte à loin : on pourrait en situer l'origine aux années 1980 et 1990, au cours desquelles les plans d'ajustement du Fonds monétaire international ont détruit les États, accroissant ainsi les tensions sociales de toutes sortes.
L'attente était grande lorsque la France s'est engagée dans l'opération Barkhane, à la suite de l'intervention au Mali en 2013. Or, en l'espace de neuf ans, la France est passée de pays attendu comme un sauveur à responsable de tous les maux du Sahel. C'est très injuste, parce que la France et l'opération Barkhane ne le sont pas.
Il n'en reste pas moins que, comme nous l'avions dit dès le départ, le logiciel était mauvais. On a cru qu'on pouvait régler une crise aussi complexe uniquement par la guerre au terrorisme : ce fut une profonde erreur stratégique. S'y sont ajoutées des fautes politiques, avec des indignations à géométrie variable consistant à dénoncer les coups d'État au Mali et au Burkina Faso tout en adoubant un régime autoritaire au Tchad. L'intervention en Libye a eu aussi des conséquences désastreuses en amont.
Au lieu d'une remise en question, on assiste à une forme de déni. On a l'impression d'être passé de l'engagement militaire total à une sorte de fuite, où on laisse le vide s'installer et la situation pourrir. Dans ce contexte, certaines propagandes mensongères et injustes – notamment celle de la Russie – ont trouvé beaucoup d'écho. Il faut se demander pourquoi elles sont à ce point écoutées par les peuples et comment faire pour les combattre.
Quand le vrai bilan de ces dix années d'interventions au Sahel sera-t-il dressé ? Et quand organiserons-nous une véritable francophonie populaire, au service des peuples du Sahel et de leur souveraineté économique ?
La France a toujours été un partenaire engagé aux côtés du Burkina Faso, sur tous les plans, qu'il s'agisse d'action humanitaire, de développement ou de coopération en matière de sécurité. Elle est prête à le rester, dans les proportions et selon les formes que souhaiteront les autorités burkinabées. Tel est le message que j'ai apporté au président de transition Ibrahim Traoré.
En 2013, l'engagement de la France et de la communauté internationale aux côtés des États sahéliens a empêché l'effondrement du Mali et ralenti la progression de la menace terroriste. La force Barkhane a porté des coups importants aux groupes terroristes. Cela n'a malheureusement pas suffi à faire reculer définitivement cette menace.
Il faut désormais aller plus loin pour renforcer et déployer les armées nationales africaines et pour s'assurer que les territoires repris aux terroristes bénéficient des services de l'État et du développement économique.
Le 9 novembre, à Toulon, le président de la République a officialisé la fin de l'opération Barkhane. La France reste néanmoins engagée au Sahel et en Afrique de l'Ouest, mais de manière différente : dans le cadre d'une nouvelle dynamique, plus partenariale, et en appuyant la stratégie des armées locales.
L'État d'Israël, qui fait partie de ma circonscription, est très cher à mon cœur, tout comme le sont l'Italie et la Grèce, que vous connaissez bien. Alors que ce pays compte près d'un million de francophones et 200 000 Français, il est banni de l'OIF : c'est un scandale et une anomalie.
L'OIF comprend quatre-vingt-huit États, ce qui est une source de fierté magnifique pour nos compatriotes. Il est inconcevable que des pays comme le Qatar et la Guinée équatoriale, où la francophonie est insignifiante, puissent y adhérer et pas l'État d'Israël, « notre ami et notre allié », pour reprendre les mots du général de Gaulle. Ce boycott tient à une règle simple, celle de l'unanimité, qui permet au Liban de mettre systématiquement son veto. Or je rappelle que le Liban est la marionnette de l'Iran. J'ai d'ailleurs une pensée pour les Iraniennes et les Iraniens qui sont tués par le régime des mollahs ; on ne le rappelle pas assez et cela doit être l'un de nos premiers combats. Le Liban est en guerre contre Israël et veut l'anéantir via la milice chiite du Hezbollah, qui a tué nos parachutistes en 1983 lors de l'attentat du Drakkar.
Il est de la responsabilité morale et politique de la France de soutenir officiellement l'adhésion de l'État juif à l'OIF. Cela fait désormais dix ans que j'en parle ; ce fut même l'objet de ma première question au Gouvernement, lors de mon premier mandat. Rien n'a changé depuis.
À ce stade, bien entendu, l'État d'Israël ne demande pas officiellement son adhésion à l'OIF pour ne pas essuyer un refus. Le premier ministre israélien la souhaite pourtant – j'en ai parlé avec lui – car il est attaché à la France.
Il y va de l'identité de la famille francophone. La francophonie a vocation à être un espace de partage et d'échange. Les accords d'Abraham sont en train de changer la face du Moyen-Orient et la francophonie doit être une communauté de cœur et de valeurs. L'ostracisme n'y a pas sa place. Je ne veux pas admettre que notre pays n'ait pas le poids politique et symbolique pour enclencher une évolution. J'ajoute que ce serait une grande nouvelle pour tous les pays africains.
Je suis très attachée à une francophonie ouverte à tous les pays qui partagent nos valeurs et qui soutiennent l'apprentissage de la langue française.
Le sommet de Djerba a permis d'adopter le nouveau règlement relatif à la procédure d'adhésion à l'OIF. Israël et le Vatican peuvent donc présenter leur candidature, s'ils le souhaitent, comme s'apprêtent d'ailleurs à le faire plusieurs autres États. Le comité d'adhésion est présidé par le Luxembourg. Les candidatures seront examinées lors de la conférence ministérielle de la francophonie, qui se tiendra à Yaoundé à l'automne prochain. La décision sera prise par consensus.
Il faut souligner que plusieurs pays non-membres de l'OIF sont d'ores et déjà des acteurs actifs de la francophonie, grâce aux partenariats noués par des opérateurs multilatéraux implantés sur leur territoire. Je pense par exemple, dans le cas de l'État d'Israël, à l'université de Bar Ilan de Tel-Aviv, qui est membre associé de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF) et qui fait un travail extraordinaire.
La francophonie est à la croisée des chemins. La France s'y investit davantage et, en 2050, il pourrait y avoir 700 millions de locuteurs. Notre modèle de société est cependant concurrencé par la montée des nationalismes – jusqu'aux États-Unis et au Brésil, avec Bolsonaro – et des impérialismes, notamment chinois et russe. Les valeurs de la francophonie telles que la démocratie, l'État de droit et le multilatéralisme sont menacées, et ce même en France : on a entendu à l'instant que le Rassemblement national remet en cause le multilatéralisme.
Trois coups d'État ont récemment eu lieu en Afrique ; je mets à part le cas du Tchad. Ils résultent d'une gouvernance déficiente. L'influence de la France est contestée dans un grand nombre de pays africains.
Enfin, alors que le français était parlé couramment dans les institutions européennes, seuls 2 % des textes de l'Union européenne sont désormais publiés dans notre langue. Il y a cinquante ans, un tiers des publications scientifiques étaient écrites en français ; elles ne sont plus que 0,3 %. Ces exemples montrent à quel point l'influence de notre langue a diminué.
Le moment n'est-il pas venu de réenchanter la doctrine de la francophonie ? Elle a d'abord reposé sur la langue, l'histoire et la culture. Lors d'une deuxième étape, elle s'est étendue à la démocratie et aux questions de gouvernance. Ne faut-il pas inventer une troisième étape ?
Le président de la République a souhaité que la France soit candidate pour accueillir le prochain sommet de la francophonie, ce qui n'a pas été le cas depuis trente-trois ans. C'est une opportunité pour travailler ensemble et pour mieux faire connaître la francophonie, tout d'abord aux Français.
Le président de la République a une ambition forte pour la francophonie. Il veut que nous renforcions le soutien à l'enseignement du français à travers le monde, y compris en favorisant le multilinguisme. Nous veillerons à ce que notre langue rayonne dans les espaces diplomatiques, économiques et numériques. Il faut aller vers la reconquête.
La priorité en faveur de la promotion du français et de la diffusion de son enseignement dans le monde a été fixée en 2018 par le président de la République. Elle s'est traduite par un soutien financier de plus de 350 millions d'euros par an.
Il faut associer la francophonie, aux yeux des jeunes, à la notion d'opportunités en matière de formation, d'emploi et de mobilité. C'est ainsi que l'on pourra les motiver pour apprendre le français.
Enfin, en ce qui concerne la démocratie et l'État de droit, la France travaille au renforcement de l'identité politique de l'OIF. Cette organisation doit pouvoir se saisir de questions politiques globales, afin de bâtir un consensus entre les pays du Sud et du Nord et de proposer des partenariats et des solutions.
Ma question porte sur votre déplacement au Burkina Faso et, plus généralement, sur la situation au Sahel après la fin de l'opération Barkhane.
Les militaires français présents au Burkina Faso font face à la défiance de la population ainsi qu'à une perte de considération de la part des dirigeants de ce pays et de ceux de toute la région. Nos soldats s'interrogent également sur l'efficacité toute relative de leur lutte contre les organisations terroristes, savamment soulignée par les mercenaires du groupe Wagner.
Lors de votre déplacement, une cinquantaine de femmes ont été enlevées dans le Nord du Burkina Faso. Est-ce une coïncidence ou une provocation ?
On sent que notre présence n'est plus souhaitée au Sahel. Je voudrais connaître la position du président de la République face à cette situation épineuse. On voit bien que le groupe Wagner a tendance à remplacer progressivement l'opération Barkhane. Vous indiquez que nous allons travailler d'une manière différente. Quelle organisation comptez-vous mettre en place et pouvons-nous en espérer une certaine efficacité ?
Lors de mon déplacement au Burkina Faso, j'ai pu rencontrer le président de transition, la communauté française et des représentants de la société civile.
Il faut souligner que la France est intervenue en 2013 à la demande des États de la région. J'ai dit au président de transition, Ibrahim Traoré, que nous étions prêts à poursuivre notre engagement dans un cadre renouvelé avec les pays qui le souhaitent, y compris le Burkina Faso. La France peut faire plus ou peut faire moins. Nous n'imposons rien. Telle est notre position.
Nous continuons de travailler avec les acteurs de la société civile du Burkina Faso et poursuivons notre partenariat.
Le président de la République a par ailleurs annoncé le lancement d'une phase de discussions avec nos partenaires africains et avec les organisations régionales, qui jouent un rôle très important, pour faire évaluer le statut, le format et les missions des bases militaires françaises au Sahel et en Afrique de l'Ouest.
Nous sommes pleinement mobilisés face à la désinformation et aux manœuvres de nos rivaux, en particulier de la Russie. Ils veulent porter atteinte à notre sécurité, à notre image, mais aussi à toutes les valeurs que nous représentons.
Le 4 août 2020, la capitale du Liban, pays ami, a été victime d'une terrible explosion. Cet événement dramatique survenu dans le port de Beyrouth avait fait plus de 200 morts et 6 500 blessés. Dans un contexte politique et sanitaire complexe, le président de la République s'était rendu à Beyrouth dans les jours qui avaient suivi, afin de témoigner du soutien de la France au peuple libanais ; il avait mobilisé la communauté internationale pour qu'une aide massive lui soit apportée.
Deux ans plus tard, le président de la République est retourné à Beyrouth. Il a indiqué à la presse qu'il consacrait beaucoup d'énergie à accompagner le peuple libanais et qu'il partageait son souhait que justice soit rendue.
Pourriez-vous nous informer sur les actions mises en œuvre pour soutenir le peuple libanais et dresser leur bilan ?
Vaste question. Lors de la précédente législature, une délégation de notre commission avait effectué un déplacement au Liban. Nous en avions retiré le sentiment qu'il était très difficile d'agir efficacement dans ce pays qui n'est plus véritablement gouverné.
Le président de la République a réaffirmé il y a quelques semaines le soutien indéfectible de la France au Liban. Nous sommes aux côtés de ce pays, qui fait face à une instabilité et à de nombreuses fragilités. La France reste en première ligne pour subvenir aux besoins urgents de la population libanaise.
Après l'explosion de 2020, nous avons établi un pont aérien et maritime, envoyé 1 000 tonnes d'aide en nature et déployé plus de 700 militaires pour des missions d'assistance et pour accompagner la reconstruction de Beyrouth, ainsi que le relèvement du pays à plus long terme. Au cours de l'année 2020, plus de 85 millions d'euros ont été engagés pour aider directement la population libanaise. Le 4 août 2021, le président de la République a annoncé près de 100 millions d'euros de nouveaux engagements sur douze mois. Cette action a des effets concrets. Un an après l'explosion, elle a permis d'apporter des soins à près de 20 000 personnes, de restaurer 660 logements, de réhabiliter des hôpitaux et de soutenir 460 petites et moyennes entreprises (PME).
La France est toujours active pour mobiliser tous ses partenaires. Le président de la République a organisé trois conférences internationales de soutien au Liban, qui ont permis de collecter plus de 600 millions de dollars afin de reconstruire le pays.
Je ne voudrais pas qu'on interprète mon cri du cœur comme une marque de désintérêt pour le peuple libanais. C'est tout le contraire.
Lors de notre déplacement au Liban, nous avons pu constater les difficultés rencontrées par l'État libanais pour agir. Notre collègue Amélia Lakrafi, qui est la députée de la circonscription, peut le confirmer.
Vous avez tout à fait raison de souligner, madame la secrétaire d'État, que nous assumons des responsabilités concrètes, par exemple dans les domaines de l'enseignement et de la santé, pour aider de manière directe la société civile libanaise. Cette dernière déploie des efforts admirables alors que l'ensemble de la sphère publique est assez profondément défaillante.
Lors du dernier sommet de la francophonie, en novembre dernier à Djerba, le président de la République a décrit le véritable déclin de la langue française dans les pays du Maghreb, où l'on parle moins français qu'il y a vingt ou trente ans.
L'OIF se bat pour promouvoir la langue française. Pourtant, les manques sont énormes, notamment au Maghreb et en particulier en Algérie, où les séquelles de l'époque coloniale pèsent encore lourd. Malgré tout, l'OIF estime qu'en 2065, plus d'un milliard de personnes parleront français, dont 85 % en Afrique, où l'influence française recule pourtant, comme l'ont relevé plusieurs de mes collègues.
Le président de la République a effectué, cet été, une tournée au Cameroun, au Bénin et en Guinée-Bissau, mais le moins que l'on puisse dire est que cela n'a pas permis de restaurer cette influence. Une réinvention de la francophonie pourrait le permettre mais les valeurs de la démocratie promises par la francophonie ne veulent plus rien dire si elles ne sont pas accompagnées de progrès politiques, économiques et sociaux. Alors que l'Afrique subira de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique dans les années à venir, la francophonie doit devenir un espace commun pour les peuples, vecteur de progrès social, d'émancipation et d'égalité.
Afin d'atteindre cet objectif, nous disposons de plusieurs outils d'influence. La France a annoncé l'ouverture, à Villers-Cotterêts, d'une Cité internationale de la langue française qui accueillera en 2024 le prochain sommet de la francophonie. Ce devrait notamment être l'occasion de s'interroger sur la fracture numérique dont souffrent les pays francophones africains. Elle empêche la progression du français, qui représente seulement 3,5 % des contenus sur internet, alors que la bataille de l'influence se mène désormais principalement sur les réseaux sociaux, où s'exprime le dynamisme des pays africains anglophones. Cette bataille de l'influence est d'autant plus importante que les chaînes YouTube et les comptes Twitter russes à destination de l'Afrique prolifèrent, tandis que de nombreux responsables politiques africains – dont certains sont au pouvoir – se déclarent en faveur de Poutine dans le conflit qu'il mène en Ukraine.
Je souhaite vous interroger sur vos priorités et sur la manière de réduire cette fracture numérique dans le cadre de la bataille que nous devons mener sur internet. Comment cette question sera-t-elle abordée lors du prochain sommet de l'OIF en 2024 ?
C'est exactement le diagnostic que j'ai fait à mon arrivée au ministère : la langue est synonyme d'influence. Au Parlement européen, j'ai observé la progression de l'anglais, qui entraîne une forme d'homogénéisation. Il revient à chacun de nous de promouvoir le français.
J'ai pu constater qu'il existait une envie pour le français et son enseignement en Afrique. C'est par exemple le cas en République démocratique du Congo (RDC), premier pays francophone en Afrique.
Le prochain sommet de la francophonie doit être l'occasion de moderniser l'OIF, afin de l'adapter aux enjeux du XXIème siècle et de tenir compte des critiques dont elle a pu faire l'objet dans le passé.
J'en viens à la question de la fracture numérique. J'ai rencontré des jeunes Africains qui ont créé des start-up pour développer des applications destinées à promouvoir la langue française. Voilà un exemple de ce que peut financer l'APD. Le secteur privé doit aussi se mobiliser pour soutenir ces initiatives.
Je vous sais attentif au changement climatique. Lors de la COP15 à Montréal, j'ai proposé aux représentants de quatre-vingt-huit États de signer une lettre commune pour demander que le français puisse être utilisé lors des négociations. Voilà le genre de batailles que l'on peut mener. Plus nous en gagnerons, plus nombreux seront les pays qui pratiqueront le français.
Le dix-huitième sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Djerba, s'est achevé le 20 novembre dernier. À l'issue des travaux, la France a été désignée pour accueillir le prochain sommet en 2024. Je tiens à saluer cette décision, qui constitue une réelle opportunité pour le rayonnement international de notre pays. Ce sommet pourrait être l'occasion de mieux définir notre stratégie vis-à-vis de la francophonie.
Le français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde. Selon les estimations de l'OIF, le français devrait devenir la troisième langue la plus parlée en 2050, en raison notamment de la croissance démographique du continent africain. Cependant, la réalité est plus complexe. L'OIF estime que les habitants des pays dont la langue officielle est le français sont francophones, ce qui n'est pas forcément le cas : la RDC est ainsi considérée comme le plus grand pays francophone au monde, alors que le lingala y est la langue la plus utilisée.
Dans certains pays, la francophonie souffre également de notre passé colonial ou de son instrumentalisation, comme c'est le cas dans plusieurs pays africains lors de récentes campagnes malveillantes visant à dégrader l'image de la France. À Djerba, le chef de l'État a ainsi lui-même reconnu la perte d'influence du français au Maghreb et en Afrique subsaharienne.
Il est donc important de redonner son attrait au français, afin que se concrétisent les prévisions qui placent notre langue à la troisième place dans le monde à l'avenir. Quelle stratégie la France souhaite-t-elle adopter pour les prochaines années – aussi bien dans les pays traditionnellement francophones que dans ceux qui ne le sont pas encore –, afin d'étendre la place de la francophonie dans le monde ?
L'absence d'un document de référence définissant la stratégie de la France en matière de francophonie est déplorée dans une très récente évaluation de la contribution du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à l'AUF, à l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), à l'Association internationale des maires francophones (AIMF) et à l'université Senghor. On se réfère aux allocutions du président de la République ou à divers autres textes mais pas à une doctrine cohérente.
Dans la perspective du sommet de 2024, la France dispose-t-elle selon vous d'une stratégie unifiée pour accroître l'utilisation et le prestige de notre langue dans le monde et pour mieux préciser les objectifs de notre coopération avec les instances de la francophonie ?
Je suis très heureuse de voir un tel intérêt pour la francophonie, qui suscite de nombreuses questions. Je constate que le président de la République et le Parlement ont les mêmes priorités. Il faut poursuivre notre action dans l'enseignement scolaire et universitaire, dans la recherche, sur internet, dans les entreprises et le monde économique ainsi que dans le domaine artistique et culturel.
Vous avez donné un bon exemple avec la cohabitation des langues locales et du français en RDC. Pour développer le français, il faut privilégier le bilinguisme et le respect des langues locales. C'est ce que font les pays anglophones, y compris pour supplanter le français dans certains pays.
Nous allons mettre en place une feuille de route pluriannuelle pour la francophonie, qui comprendra des objectifs précis et concernera notre action dans l'ensemble des structures francophones multilatérales.
En 2022, la coopération française internationale a permis de former 52 000 enseignants en français et la demande est encore plus forte dans ce domaine.
Nous pouvons donc encore nous améliorer mais il faut abandonner l'idée ancienne et encore trop souvent répandue selon laquelle un pays francophone est un pays dont la première langue est le français. Je le sais aussi par expérience personnelle, n'étant pas française de naissance : la Grèce est ainsi membre de l'OIF et le français y est enseigné dans les écoles.
Je me réjouis que la France consacre 10 millions d'euros au soutien des écoles francophones du Liban. Cette somme, bien qu'insuffisante au vu des besoins, est très importante pour les écoles libanaises.
Le système scolaire libanais accueille 1,2 million d'élèves, tous niveaux confondus, de l'école au lycée. Certains experts indiquent qu'environ 400 000 élèves risquent d'être déscolarisés en raison de la situation du pays.
Qu'en est-il du Fonds pour les écoles d'Orient, qui a été créé en 2020 en lien avec l'Œuvre d'Orient, une association qui permet à environ 300 écoles libanaises de fonctionner correctement ? Le président de la République a annoncé en février 2022 le doublement de la contribution annuelle française à ce Fonds, ce qui permettra de le porter à 4 millions d'euros au total. Cette somme est-elle comprise dans les 10 millions d'euros qui sont consacrés aux écoles libanaises ?
Ce Fonds est en effet très important, d'autant qu'il aide les élèves sans faire de distinctions. Je ne dispose pas de la réponse à votre question précise mais, en lien avec mes services, je vous répondrai par écrit d'ici ce soir.
Il ressort de nos échanges que nous sommes à une période charnière de la politique française d'aide au développement. Une réunion du CICID doit se tenir au cours du deuxième trimestre de 2023, afin de définir les nouvelles orientations de l'APD.
Vous avez longuement évoqué notre politique en Afrique. Dans un contexte d'aggravation des crises climatiques et politiques, ainsi que des tensions énergétiques et de l'insécurité alimentaire, la France a tout intérêt à poursuivre et même à accroître l'APD dans de nouvelles zones géographiques. Je pense à l'Amérique latine où, depuis 2009, l'AFD mène de nombreux projets avec succès, avec 11 milliards d'euros engagés. Pourtant, la France reste timide voire absente dans de nombreux pays de ma circonscription, notamment en Amérique centrale.
Dans la perspective de sa présidence du Conseil de l'Union européenne à partir de juillet prochain, l'Espagne a indiqué qu'elle voulait renforcer l'aide au développement en Amérique latine. Dans le même temps, le Joint European Financiers for International Cooperation (JEFIC) entend accroître ses investissements, tandis que l'Agence espagnole pour la coopération internationale et le développement (AECID) et l'AFD cherchent à mener des actions communes.
Quelle est la stratégie de la France en matière d'aide au développement en Amérique centrale et dans les Caraïbes, en particulier dans le contexte de la future présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne ?
De manière plus générale, nous sommes frappés par le retard accumulé pour réunir le CICID. Cela ne va pas. La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a été promulguée le 4 août 2021. Visiblement, la loi du 4 août 1789 n'a pas aboli le privilège de la lenteur. Il faut que ce comité se réunisse.
J'ai en outre écrit il y a quelques mois à la ministre Catherine Colonna au sujet de l'installation de la commission d'évaluation de l'APD. Nous considérons que le décret du 6 mai 2022 n'est pas conforme au texte de la loi de programmation. Nous ne comprenons pas la lenteur constatée pour mettre en place cette commission. Pour le rapporteur de la loi – et désormais votre collègue au Gouvernement –, Hervé Berville, cette commission était un élément central du texte voté par le Parlement.
Comme vous l'avez indiqué, l'Espagne assurera la présidence du Conseil de l'Union européenne à partir du 1er juillet prochain. Comme la France avec l'Afrique, l'Espagne entretient des relations particulières avec l'Amérique latine en raison de la langue commune.
L'Amérique latine est l'une de mes priorités et je m'apprête à m'y rendre en déplacement. Les pays de cette région ont envie de travailler avec nous, en particulier sur les questions climatiques et de protection des forêts. Le président de la République participera en mars à un One Forest Summit au Gabon et nos amis latino-américains en seront des acteurs importants.
Ces pays aiment le français. L'enseignement de notre langue est obligatoire dans certains d'entre eux. Les trente-sept établissements français d'enseignement homologués sont considérés comme des établissements d'excellence en Amérique latine. Cela nous donne envie de travailler davantage dans cette zone, qui n'est pas le moins du monde oubliée.
Que la secrétaire d'État chargée de la francophonie ne soit pas issue d'un pays francophone constitue un beau symbole. La France n'a pas de tradition bilingue, d'où l'importance de votre nomination. Je souhaite d'ailleurs vous interroger sur le développement des programmes de la francophonie dans les pays non francophones, au moment où le président de la République a annoncé, à La Nouvelle-Orléans, le lancement d'un programme de français très prometteur.
Au Québec, le français est une question d'identité et presque de survie. La province a déployé des programmes visant à favoriser la mobilité internationale des jeunes. Pour redorer le blason de la francophonie auprès de ces derniers, ne faudrait-il pas créer un Erasmus de la francophonie ?
Dans le monde de la francophonie, il y a effectivement ceux qui sont nés avec le français et ceux qui l'apprennent. Aux États-Unis, le président de la République a lancé l'initiative French for all – nom qui n'est certes par français –, destinée à un large public, afin de battre en brèche l'idée – très prégnante quand j'étais jeune – selon laquelle le français serait une langue d'élite. Nous voulons donner une nouvelle dimension à la francophonie américaine, afin de montrer que le français peut être une langue d'affaires et d'échanges.
Il est important de développer la mobilité entre les pays francophones. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a, par exemple, lancé l'Alliance des patronats francophones. Il existe de nombreuses initiatives destinées à développer l'apprentissage des langues.
En défendant trop souvent les intérêts de sociétés à capitaux français plutôt que ceux des peuples, la France a incontestablement perdu de son charme à l'étranger. Les nouvelles générations ne se sentent pas aussi liées que les précédentes par une langue ou une histoire autrefois communes. Il convient de changer de cap car rien n'est pire que les amours contrariées.
Je reviens du Sénégal, où, dans le cadre d'une mission d'information d'Oxfam menée auprès des populations, nos interlocuteurs ont regretté le manque de reconnaissance de notre histoire commune, la verticalité de relations tissées entre les élites plutôt qu'entre les peuples et l'asymétrie des décisions : on refuse dans un sens les visas de tourisme que l'on accorde sans difficulté dans l'autre.
Un enseignant de l'Alliance française aux Comores a été accusé en juillet dernier d'avoir filmé et publié ses ébats sexuels avec des jeunes filles ; deux victimes présumées sont actuellement poursuivies dans leur pays pour fornication et risquent de lourdes peines. Une enquête est certes ouverte en France contre l'enseignant mis en cause mais l'Alliance française de Fomboni a discrètement rouvert ses portes il y a un mois sans qu'aucune parole forte ne rompe le sentiment d'impunité qui prévaut sur place.
Quels actes forts comptez-vous entreprendre pour que la France noue enfin des relations d'égalité avec les peuples et les nations du monde et rompe ainsi avec les désastreuses habitudes postcoloniales ?
Je ne partage pas du tout votre avis ; je ne m'arrêterai pas à un cas particulier et tenterai de vous brosser un tableau plus général.
Nous soutenons les sociétés civiles et non les élites, contrairement à ce que vous dites. Vous avez évoqué le Sénégal : accompagnez-moi dans ce pays, je vous montrerai toutes les actions positives qui sont conduites avec la société civile, notamment les jeunes. Nous les aidons notamment à préparer les Jeux olympiques de la jeunesse d'été, qui se tiendront à Dakar en 2026.
Dès que nous avons eu connaissance, en juillet 2022, des accusations d'agression sexuelle portées contre un enseignant d'un lycée français des Comores, les services compétents ont effectué un signalement au procureur de la République : c'est au parquet de décider des suites judiciaires à donner à cette affaire.
Notre Assemblée aura à cœur de contrôler l'action du Gouvernement impulsée par la loi du 4 août 2021. La trajectoire ambitieuse des crédits de l'aide au développement est-elle maintenue ? Je m'associe à l'alerte du président Bourlanges et déplore l'absence de la représentation nationale dans le suivi des politiques au sein de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement.
Je salue à nouveau votre action, connue, en faveur des femmes, notamment de leur accès aux soins et à l'éducation. La diplomatie féministe se matérialise dans l'orientation de l'aide au développement vers les droits des femmes et des filles via des marqueurs de genre. Pouvez-vous nous confirmer que ces derniers seront bien respectés ? Nous attendons impatiemment le CICID pour examiner cette question plus en détail.
S'agissant de l'objectif, fixé par la loi, de consacrer à terme 0,7 % du RNB à l'aide au développement, nous avons respecté les cibles définies en 2017 : la France se situe actuellement à 0,55 % et notre pays est le seul au monde à avoir tout à la fois un ratio et des dépenses en valeur absolue d'aide au développement élevés. En outre, la dynamique de nos dépenses d'APD est tout à fait remarquable, eu égard à la période que nous vivons.
Nous partageons votre attachement à la place des questions de genre, de l'égalité et de la diplomatie féministe dans notre politique de développement, qui constitue, depuis 2017, l'une des grandes priorités du Gouvernement. Nous avons annoncé aux Nations Unies le renouvellement pour trois ans du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF) ; cette décision a été largement saluée car il s'agit d'un instrument innovant pour lutter en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes dans ce contexte difficile. Je vous confirme que le prochain CICID intégrera pleinement cet enjeu fondamental.
Je souhaiterais connaître votre plan de bataille pour faire respecter le français dans les institutions internationales, notamment au sein de l'Union européenne. Tous les chiffres montrent que notre langue recule fortement, le président Bourlanges en a suffisamment parlé.
La francophonie commence par le respect du français par les ministres et par le président de la République dans les instances internationales ; or le chef de l'État s'exprime souvent en anglais à l'étranger. Cela inquiète nombre de nos partenaires : je me souviens d'un ministre africain nous disant qu'il ne voyait pas pourquoi les habitants de son pays continueraient à apprendre le français quand les ministres français et le président de la République intervenaient en anglais dans les instances internationales. Lorsque l'on sollicite l'Union européenne, on nous répond en anglais, et l'administration de Bercy elle-même répond en anglais à la Commission européenne. En matière de francophonie, le Gouvernement tient en réalité un double discours. Que comptez-vous faire concrètement pour mettre un terme à cette situation ?
Le français reste une grande langue dans le monde. Le président de la République et nous, membres du Gouvernement, parlons tous français. Lier le recul du français à la primauté de l'anglais, langue au cœur des échanges internationaux, est une mauvaise façon de poser le problème. Je vous le dis alors que je parle anglais, italien et grec. Quand j'étais députée européenne, je m'exprimais toujours en français, mais vous savez très bien que les instances internationales manquent d'interprètes. Quand je m'exprime en anglais, c'est qu'il n'y a pas d'interprète pour traduire mon français : par respect pour mes interlocuteurs, je dois me faire comprendre.
Dans un monde multilingue, ne pas toujours parler notre langue n'est pas le signe d'une négation de celle-ci, ni de notre identité.
Je vous rejoins quant à la nécessité de mener un travail sur ce sujet dans les instances internationales. Comme je l'ai dit à monsieur Taché, nous devons travailler avec les pays francophones pour promouvoir notre langue au sein de ces organisations.
Cet échange me rappelle l'anecdote suivante : alors qu'il était interrompu lors d'une intervention en français devant le Conseil des ministres de l'Union européenne par son homologue britannique, qui lui demandait de s'exprimer dans une langue compréhensible par la majorité des personnes présentes, l'un de mes prédécesseurs à ce fauteuil, monsieur Roland Dumas – qui avait plus d'un tour dans son sac –, avait poursuivi en allemand son exposé, en réponse à cette interpellation tout à fait incorrecte.
Vous étiez la semaine dernière au Burkina Faso où vous vous êtes entretenue avec le président de transition, Ibrahim Traoré. Fin décembre, le ministère des affaires étrangères burkinabé a demandé le remplacement de notre ambassadeur, Luc Hallade, en poste à Ouagadougou depuis 2019. Vous avez déclaré souhaiter « traiter le sujet en bonne entente dans le cadre diplomatique ». Où en êtes-vous de ce traitement en bonne entente alors que l'ambassade de France a été attaquée en octobre dernier, que notre pays et ses intérêts font l'objet d'attaques concertées et que la présence des forces spéciales de l'opération Sabre est en sursis ?
Alors que l'hostilité du Burkina Faso à l'égard de la France ne cesse de s'intensifier, comptez-vous remettre en cause, à l'occasion du prochain CICID, l'aide publique au développement à destination de ce pays ?
Notre ambassadeur s'est entretenu avec le président de transition. Il a accompli son devoir pour protéger nos compatriotes. Une décision sera prise sur son avenir avec le souci de trouver une solution diplomatique respectueuse des deux parties.
La suspension de notre aide au développement du Burkina Faso n'est pas d'actualité. Pour le moment, nous continuons de soutenir le développement de ce pays et de lui apporter une aide humanitaire.
Nous avons tous conscience que nos valeurs sont de plus en plus attaquées, que notre réputation se trouve de plus en plus mise en cause par certains peuples ou certains États et que la place de notre langue est contestée. Il s'agit d'une tendance lourde, non imputable à telle ou telle action gouvernementale. Nous devons nous poser cette question préoccupante : comment peut-on construire une politique de coopération dans une atmosphère de relatif déclin séculaire de la présence occidentale, européenne et française dans ces pays ?
Si vous en avez l'occasion, je vous conseille de lire le compte rendu de la séance publique du 22 février dernier portant sur une déclaration du Gouvernement relative à l'engagement de la France au Sahel, suivie d'un débat en application de l'article 50-1 de la Constitution. Nous avions entendu des interventions très remarquables, notamment celle de Jean-Louis Thiériot, membre de la commission de la défense nationale et des forces armées, qui avait expliqué les difficultés militaires rencontrées par notre pays dans cette région, et celle de Jean-Luc Mélenchon. Présent au banc des commissions, j'avais dit à Jean Castex, alors premier ministre, que monsieur Mélenchon avait été le meilleur orateur de la majorité ; il avait en effet pris de la hauteur par rapport aux événements et affirmé sa solidarité avec l'armée et l'État français tout en faisant part de son extrême inquiétude devant des dérives démagogiques comme celle du colonel Goïta.
La question que j'ai soulevée se pose indépendamment de toute appartenance partisane et représente un défi pour nous tous.
La dernière COP27, qui s'est tenue à Charm el-Cheikh en novembre dernier, a trouvé un accord de principe sur un mécanisme onusien de pertes et dommages. Ce Fonds a pour ambition de venir en aide aux pays les plus vulnérables face aux conséquences du dérèglement climatique. Parmi ces régions figurent les territoires d'outre-mer de la région du Pacifique ; en effet, la situation en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française est particulièrement inquiétante, certaines populations quittant même leur commune à cause de la montée des eaux. Il en va de même dans les petits États insulaires, qui comptent environ 65 millions d'habitants : selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas drastiquement réduites, les Maldives, l'archipel de Tuvalu, les îles Marshall, Nauru et l'archipel de Kiribati pourraient être engloutis sous les eaux. Les collectivités et les États du Pacifique ont interpelé la communauté internationale, dont la France, et s'appuient sur leurs soutiens pour obtenir des aides financières importantes. Qu'en est-il de ces aides pour ces États insulaires ?
Je vous remercie de mettre en valeur ce domaine de mon portefeuille auquel je tiens beaucoup. La lutte contre le changement climatique est pour les îles indopacifiques une question de survie, comme vous l'avez souligné. En tant que pays du Pacifique, nous sommes engagés dans ce combat ; c'est pourquoi je me suis rendue au Vanuatu pour une rencontre interministérielle.
L'initiative Kiwa vise à aider les pays à s'adapter au changement climatique et à préserver la biodiversité, qui est vitale pour eux. Dans notre nouvelle programmation, nous avons décidé, avec la ministre Catherine Colonna, d'allouer cette année 20 millions d'euros de subventions, via l'AFD, aux pays du Pacifique, ce qui représente presque un triplement par rapport à l'année dernière. La France doit être fière de se trouver aux côtés de ces îles confrontées à un vrai danger.
L'année 2022 s'est achevée avec un sentiment antifrançais très répandu dans le continent africain : l'incompréhension grandit et le divorce se profile entre la France et les pays d'Afrique francophone ; nous venons d'évoquer l'exemple du Burkina Faso. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour répondre à ce sentiment antifrançais qui se propage en Afrique, notamment via les réseaux sociaux ? Vous avez déjà partiellement répondu à la question en annonçant vouloir inscrire ce sujet à l'ordre du jour du prochain sommet de la francophonie mais ne pensez-vous pas que nous accusons du retard pour traiter ce problème qui se pose depuis déjà plusieurs années ? Les budgets que la France consacre à cette question ne sont-ils pas insuffisants par rapport à ceux déployés par d'autres pays pour leur propagande antifrançaise menée sur internet ?
Je ne pense pas qu'il y ait de sentiment antifrançais ; en revanche, il existe un discours antifrançais développé par d'autres puissances. Nous, citoyens de la nation, avons tous la responsabilité de montrer au monde qui nous sommes. Les postures ne peuvent pas changer du jour au lendemain dans les pays francophones avec lesquels nous avons noué des liens depuis tant de temps.
La désinformation que nous subissons vise les valeurs que nous défendons. Nous devons faire plus : mon ministère et celui des armées travaillent ensemble dans cette optique. Encore une fois, nous ne devons jamais oublier ce que nous sommes et nous devons avoir le courage de l'assumer et de le proclamer.
Le secrétariat général de la francophonie est actuellement assuré par le Rwanda en la personne de madame Louise Mushikiwabo ; on peut s'étonner de cette élection dans la mesure où l'enseignement du français décline dans ce pays par rapport à l'anglais. Au-delà de cette légitimité plus que discutable se pose la question du déploiement, par l'OIF, de dispositifs concrets : que compte-t-elle faire avec les pays comptant le plus de locuteurs français, comme la RDC ? Il convient d'insister sur la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique, sur le soutien à l'éducation, à la formation, à l'enseignement supérieur, à la recherche et au développement, ainsi que sur l'approfondissement de la coopération économique au service du développement durable.
Les missions de l'OIF impliquent également de promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l'Homme. Aussi, comptez-vous dénoncer auprès de la secrétaire générale l'aide apportée par le Rwanda aux rebelles du M23 dans l'Est de la RDC ? Au-delà des communiqués et des condamnations officielles, quelle action la France décidera-t-elle pour que cesse l'engagement du Rwanda auprès d'organisations criminelles ?
Je connais très bien ces deux pays, le Rwanda et la RDC. J'agis pour la francophonie mais je ne représente pas l'OIF. Cette organisation rassemble quatre-vingt-huit pays, qui ont élu madame Louise Mushikiwabo au poste de secrétaire générale ; nos amis de la RDC n'avaient d'ailleurs pas présenté de candidat. La France n'est qu'un membre de l'OIF aux côtés de quatre-vingt-sept autres et elle ne peut pas décider seule. Je me suis rendue en RDC, où j'ai condamné le soutien rwandais au M23. La France condamne les offensives du M23 et lui demande de se retirer de tous les territoires qu'il occupe.
L'usage d'anglicismes se développe dans le langage courant des Français – que l'on songe à la publicité – comme dans les discours politiques. Chaque année, des mots tirés de l'anglais alourdissent notre vocabulaire. En 2014, 14 % des nouvelles entrées dans le dictionnaire étaient des anglicismes, cette proportion ayant atteint 22 % en 2022. Les circulaires ministérielles acceptent davantage les anglicismes que l'Office québécois de la langue française ; les Québécois défendent d'ailleurs plus la francophonie que nous. Si encore ce mouvement conduisait à ce que la majorité des Français maîtrisent la langue de Shakespeare, on y trouverait une consolation, mais notre pays se classait, l'année dernière, à la trente-sixième place sur quatre-vingt-huit pays dans ce domaine – et ce classement me paraît fort indulgent à notre égard. Quelle est votre position sur les anglicismes ?
Ce n'est pas à moi qu'il revient de répondre à cette question, mais plutôt à l'Académie française, à qui je vous suggère de vous adresser.
La question implicite de notre collègue a trait à l'application de la loi Toubon, qui avait pour objet de proscrire certains emprunts abusifs à la langue anglaise. Fortement contestée au moment de son élaboration, son application est, tous gouvernements confondus, extrêmement discrète.
Je voudrais alerter mes collègues sur les remises en cause de notre propre travail collectif. Chers collègues du Rassemblement national, l'opacité ou la transparence de l'APD est notre problème, comme le signifie la Constitution. Chers collègues de La France insoumise, le bilan de la décennie a été dressé dans la loi de programmation du 4 août 2021, que nous avons votée à l'unanimité. Nous avons le droit d'être en désaccord entre nous, mais nous devons tous respecter notre rôle et ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
J'ai une question assez technique sur l'articulation entre la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, que nous attendons tous, et la présence de parlementaires dans les conseils d'administration des gros opérateurs ; je rappelle que nous contrôlons chaque projet de l'APD après sa présentation par les équipes dédiées. Avez-vous déjà réfléchi à cette articulation ?
Mon propos sur ce point servira aussi de réponse à votre question antérieure sur le sujet, monsieur le président, ainsi qu'à celle de madame Clapot.
La commission indépendante d'évaluation de l'APD constitue une grande avancée de la loi du 4 août 2021 ; elle nous aidera à atteindre notre objectif commun d'une plus grande efficacité de l'aide au développement.
Comment contrôler l'efficacité de notre action ? Il s'agit d'une tâche technique. Le décret d'application de la loi a été publié le 6 mai dernier. Cette nouvelle commission, qui doit être placée auprès de la Cour des comptes, aura pour président l'un de ses membres, élu par ses pairs. L'amendement au projet de loi de finances pour 2023 déposé au Sénat aurait pu être une solution mais nous avons pris acte du texte finalement adopté par le Parlement. Nous travaillons à l'élaboration d'un schéma de gouvernance acceptable par tous, afin que la commission commence ses travaux aussi vite que possible, dans un cadre sûr. La réflexion technique est déjà bien avancée, notamment sur l'organisation et le programme de travail, le but étant que la commission, dont les députés seront membres, soit opérationnelle immédiatement après son installation.
Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire concernant la place des députés. L'inquiétude que j'ai exprimée dans ma lettre du 15 novembre 2022 à la ministre Catherine Colonna tient au fait que la loi prévoyait la création d'un collège d'experts indépendants composé de dix personnalités qualifiées, désignées par décret. Un autre décret devait préciser les modalités de fonctionnement de la commission ; or celui-ci ne porte pas sur ce sujet mais sur la composition de la commission. En outre, il dispose que cette instance, au lieu de compter dix experts, sera composée pour moitié de membres de la Cour des comptes.
Je n'ai malheureusement pas reçu votre courrier, monsieur le président.
Je ne veux pas m'immiscer dans l'organisation du cheminement du courrier au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères mais la situation n'est pas sans gravité.
La commission d'évaluation serait donc composée pour moitié de membres de la Cour des comptes et présidée par le premier président de cette juridiction. La Cour des comptes jouera un rôle de régulateur et recevra les curriculum vitae des candidats mais on ne peut accepter qu'elle soit à la fois juge et partie. Même si on peut tout à fait concevoir qu'un conseiller de la Cour siège dans cette commission, cette juridiction contrôle déjà l'AFD : comment peut-on être à la fois responsable de l'évaluation, en amont, et du contrôle, en aval ?
Le premier président de la Cour des comptes est un homme extrêmement compétent qui serait un président de toute première valeur pour cette commission mais la situation serait pour le moins curieuse car il rendrait des avis dans la commission d'évaluation puis contrôlerait, via la quatrième chambre de la Cour, la politique de l'AFD une fois celle-ci déployée. La loi ne prévoyait pas une telle configuration mais le décret l'institue de manière abusive, ce qui pose des problèmes importants.
Nous souhaitons que cette affaire soit rapidement résolue afin d'éviter que cette situation serve de prétexte pour ne pas installer la commission d'évaluation.
Je suis tout à fait confus que vous n'ayez pas reçu la lettre que j'ai adressée à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dont l'administration avait piloté l'élaboration de la loi.
Je comprends votre position, monsieur le président. Je vais prendre connaissance de votre lettre, puis je reviendrai vers vous le plus vite possible pour faire la lumière sur ce dossier.
Autant je suis inquiet que vous n'ayez pas été mise au courant de cette lettre, autant je suis rassuré par votre engagement à vous pencher sur le sujet. Je ne vous fais aucun reproche car vous ne pouviez pas répondre à une question dont vous n'avez pas été saisie. Maintenant que vous l'êtes, il vous faut discuter de ce problème avec madame Catherine Colonna, parce que cette affaire constitue ce que l'on appelle, dans le langage diplomatique, un « irritant » entre le ministère et nous.
Le prochain CICID est très attendu parce qu'il fixera les objectifs de l'APD pour les années à venir. Sans ces objectifs, l'AFD ne peut pas adopter de contrat d'objectifs et de moyens et navigue à vue.
La part de l'APD consacrée aux services sociaux de base, comme la santé ou l'accès à l'eau, doit être relevée car elle n'atteint actuellement que 18 %. La sécurité alimentaire et la petite enfance seront-elles considérées comme des priorités alors que les manques en la matière sont importants, comme l'a montré le rapport pour avis de notre commission au projet de loi de finances pour 2023 sur l'aide publique au développement ? Défendrez-vous une hausse de l'APD destinée aux pays les moins avancés ? Quelles seront les cibles géographiques de l'aide en Afrique ?
Je me réjouis de votre réponse à une question portant sur le Burkina Faso : les peuples ne doivent en effet pas pâtir de la dégradation des relations diplomatiques entre les États.
Associerez-vous le Parlement et les ONG aux travaux du CICID ? On parle souvent de redevabilité en matière d'APD : y aura-t-il également une redevabilité du Gouvernement ?
Je défends un CICID inclusif. Nous travaillons avec la société civile et j'ai déjà rencontré tous les acteurs, membres de l'Assemblée nationale et du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), pour que chacun apporte ses idées et sa contribution.
Nous souhaitons réunir le CICID au cours du premier semestre de cette année afin de signer un contrat d'objectifs avec le directeur général de l'AFD. Le CICID sera l'occasion d'étudier les zones géographiques cibles de l'APD.
S'agissant de la sécurité alimentaire, nous travaillons pour acheminer les engrais dans les pays qui en ont le plus besoin. Nous avons versé 7,5 millions d'euros au Programme alimentaire mondial (PAM), qui a transporté 20 000 tonnes d'engrais vers ces pays. La sécurité alimentaire reste une priorité pour tous les pays et leurs habitants, notamment les enfants.
Rattachée à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, la francophonie figure dans votre portefeuille. Cette compétence ne constitue cependant pas une simple ligne supplémentaire dans vos attributions : elle concerne tous les locuteurs français. Elle consiste également à entretenir et à valoriser notre langue millénaire en constante évolution. Malheureusement, la langue de Molière est en perte de vitesse et elle se trouvera peut-être bientôt en dérapage incontrôlé.
Que ce soit sur notre continent ou en Afrique – qui compte la moitié des francophones de la planète –, on constate que le rejet de notre pays et de nos forces armées s'accompagne de celui de notre langue. Le président Bourlanges a évoqué ce problème au début de notre réunion en parlant du Togo et du Gabon, et on peut ajouter l'exemple du Burkina Faso. Devons-nous craindre une aggravation de l'effacement du français au profit de l'anglais, du mandarin ou de l'arabe ?
Quelles dispositions urgentes et concrètes comptez-vous prendre, au-delà de ce que vous avez déjà indiqué, pour contribuer au maintien et au développement de la francophonie dans le monde et pour lutter contre l'appauvrissement et l'hybridation de notre langue dans notre pays ?
Je pense avoir déjà répondu à votre question. Un nouveau monde est en train d'éclore, dans lequel la francophonie peut être un outil utile pour promouvoir nos valeurs. Voilà ce que je fais dans le cadre des partenariats internationaux. À travers la langue, nous pouvons mener ensemble de vrais combats.
Il convient de redynamiser l'OIF pour répondre aux défis de ce nouveau monde. La France peut faire sa part et l'OIF la sienne.
Je souhaite vous interpeller sur le sort des francophones vivant dans la province d'Acadie, située tout à l'Est du Canada. Cette région est l'un des principaux foyers de la francophonie en Amérique du Nord, avec le Québec et la Louisiane. Le déclin démographique de cette population accompagne la perte d'influence, si ce n'est française, du moins francophone et francophile.
Au XVIIIème siècle, les populations francophones d'Acadie ont subi une déportation massive et un nettoyage ethnique visant à éradiquer l'influence française. Nous avons le devoir d'agir pour maintenir l'héritage français dans cette région.
Que comptez-vous faire : vous battre pour défendre cet héritage, ou laisser la langue, la culture et les populations françaises disparaître ?
Je comprends votre intérêt pour l'Acadie. J'ai eu un échange avec mon homologue au Québec, notamment sur le français, qui est une question de politique intérieure dans cette région. Elle m'a parlé de la minorité vivant en Acadie. Je travaille avec elle sur les questions relatives à la langue française, que ce soit dans le cadre de notre relation bilatérale ou dans celui de l'OIF.
Nous n'oublierons pas cette communauté, notamment grâce à la position du Québec ; nous préparons d'ailleurs ensemble le prochain sommet de l'OIF, ce qui pourra nous aider à mettre ce sujet à l'ordre du jour.
Madame la secrétaire d'État, chacun a pu mesurer en vous écoutant la grande difficulté des dossiers dont vous êtes chargée. La diplomatie culturelle et linguistique de la France n'est pas à la fête, notamment en Afrique, depuis maintenant de nombreuses années.
Je salue le fait que vous vous occupiez de francophonie alors que vous n'êtes pas francophone d'origine : il s'agit d'un atout considérable qui, associé à votre dynamisme, vous permettra de mener ce combat qui exige d'établir des priorités, d'effectuer des changements et de prendre certains virages. Cette mission est très délicate, mais vous avez l'énergie et le regard neuf nécessaires pour l'accomplir.
Vous avez pu voir que les membres de cette commission, toutes orientations politiques confondues, étaient très sensibles à ces enjeux. Les dossiers dont vous êtes chargée sont très importants pour nous ; je sais qu'ils le sont également pour vous, ce qui nous aidera à approfondir notre coopération dans les mois qui viennent. Votre action trouvera un relais très utile dans notre commission.
Vous avez raison, monsieur le président, mes dossiers ne sont pas classiques. J'aime la France et je lui apporterai mon engagement. Je porte un visage de la France ouvert au monde, je parle avec mon accent en commettant quelques erreurs et j'aurai besoin de vous tous. Mon ministère vous est ouvert : en vous, je ne vois pas des soutiens ou des opposants mais des Français.
J'espère porter le mieux possible la voix de la France car j'ai adhéré à ce pays pour la force des valeurs qu'il incarne. Le monde entier a besoin de la France.
La séance est levée à 11 h 30
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Nadège Abomangoli, M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Clémentine Autain, Mme Véronique Besse, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Nicolas Forissier, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, M. Philippe Guillemard, M. Michel Guiniot, M. Meyer Habib, Mme Marine Hamelet, M. Michel Herbillon, M. Alexis Jolly, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, M. Sylvain Maillard, Mme Emmanuelle Ménard, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Bertrand Pancher, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, Mme Barbara Pompili, M. Jean-François Portarrieu, M. Adrien Quatennens, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Vincent Seitlinger, Mme Ersilia Soudais, M. Aurélien Taché, Mme Liliana Tanguy, M. Lionel Vuibert, M. Christopher Weissberg, Mme Caroline Yadan, M. Frédéric Zgainski
Excusés. - M. Damien Abad, M. Moetai Brotherson, M. Sébastien Chenu, Mme Julie Delpech, M. Olivier Faure, M. Guillaume Garot, M. Tematai Le Gayic, Mme Marine Le Pen, Mme Élise Leboucher, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Marcangeli, Mme Mathilde Panot, Mme Laurence Vichnievsky, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa
Assistaient également à la réunion. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Christophe Naegelen