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Intervention de Chrysoula Zacharopoulou

Réunion du mercredi 18 janvier 2023 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux :

Je suis ravie d'être devant vous aujourd'hui pour vous présenter mon action au service de la politique étrangère menée par le président de la République, la première ministre, auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna. Il est aussi important pour moi de répondre à vos questions et de partager les leçons que je tire de mes déplacements depuis sept mois dans près de trente pays – notamment en Afrique et dans l'Indopacifique –, de ma participation à une dizaine de sommets internationaux ainsi que de mes échanges avec les dirigeants et les populations du monde entier.

Je tiens à rappeler à cet effet que le secrétariat d'État chargé du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux est un nouveau portefeuille, qui répond à des enjeux majeurs tels que la question du développement, la protection des biens publics mondiaux et la place de notre pays dans les nouveaux équilibres internationaux. Ces enjeux sont au cœur de notre action extérieure et ont des répercussions dans le quotidien de nos concitoyens. Le sens de la création de ce portefeuille et de ma nomination prend sa source dans notre volonté de relever ces défis et de faire entendre la voix de la France sur les enjeux globaux.

Le développement et la francophonie sont des outils au service de la construction des partenariats internationaux, qui constituent la principale mission de mon portefeuille et dont le renforcement est selon moi essentiel pour trois raisons.

Premièrement, plusieurs visions du monde s'affrontent actuellement et nous devons donc trouver des alliés pour faire peser la nôtre et nos valeurs. Chaque jour, notre vision, qui défend le respect de la souveraineté, du droit international et qui promeut le multilatéralisme ainsi que la coopération, est concurrencée, voire contestée. L'agression russe contre l'Ukraine nous a brutalement rappelé que le reste du monde ne converge pas spontanément vers nos positions et notre vision. Nos alliances européennes et otaniennes sont certes solides, mais insuffisantes pour affronter les défis auxquels nous faisons face. Ainsi devons-nous sans cesse trouver des alliés, sur chaque sujet, pays par pays, afin de défendre et de promouvoir notre vision et nos valeurs. Nos alliances structurantes doivent être complétées par des coalitions ad hoc et des partenariats sur-mesure. Nous ne devons négliger aucun acteur car il n'existe ni de petits pays, ni de partenaires négligeables. Il n'y a que du respect, de l'écoute et de l'humilité.

Deuxièmement, nous sommes de plus en plus interdépendants. Les crises du Sud sont aussi les nôtres, et réciproquement : un virus parti de Chine peut faire vaciller nos systèmes de santé, une guerre en Ukraine aggrave les crises alimentaires dans la Corne de l'Afrique, les émissions des pays du Nord et des pays émergents représentent une menace vitale pour les pays du Sud. Nous devons donc travailler ensemble pour préserver les biens publics mondiaux que sont le climat, la santé mondiale et l'accès à l'énergie.

Troisièmement, le renforcement de nos partenariats est la seule manière d'éviter le risque croissant d'une fracture entre le Nord et le Sud, qui viendrait s'ajouter aux tensions entre l'Est et l'Ouest. Qui ne voit pas, à chaque sommet, la contestation dont les pays du Nord font l'objet lorsqu'il est question de l'injustice climatique, du manque de solidarité financière ou des conséquences de la guerre en Ukraine ? Le président de la République l'a souvent dit : la France a un rôle essentiel à jouer en tant que puissance d'équilibre pour favoriser le dialogue Nord-Sud et pour bâtir des solutions communes aux défis que nous rencontrons tous.

Pour les raisons que j'évoquais, cette construction commune donne tout son sens à mon action au service de nos partenariats internationaux. Leur renforcement passe tout d'abord par l'écoute, le dialogue et le partage : en me déplaçant sur le terrain, en échangeant avec nos partenaires du monde entier – bien au-delà des pays du G7 et du G20 –, je souhaite discuter des besoins, des positions et des attentes de chaque pays. La discussion est un préalable indispensable pour déterminer les domaines où la coopération est possible, ainsi que pour construire des partenariats bilatéraux et multilatéraux. Nous travaillons par exemple à la préservation des forêts tropicales avec les pays d'Afrique, d'Amazonie et d'Asie du Sud-Est, à la préservation des océans avec le Costa Rica, et nous avons approfondi notre partenariat relatif à la lutte contre le changement climatique avec le Vanuatu, qui n'avait pas reçu de ministre français depuis 1993. Loin d'être secondaires, les enjeux globaux, qui sont au centre des grandes dynamiques politiques d'aujourd'hui et de demain, font l'objet d'un travail renforcé de la part de nos ambassadeurs, en lien avec les équipes du Quai d'Orsay qui conjuguent leur remarquable expertise technique à leur savoir-faire diplomatique. Nos opérateurs – en particulier l'AFD, mais aussi Expertise France, Proparco, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) – jouent un rôle clé dans la construction et la mise en œuvre de ces partenariats.

Le renforcement de nos partenariats nécessite la défense du multilatéralisme, dont nous promouvons, sous l'impulsion du président de la République, l'inclusivité et l'efficacité tout en consolidant nos valeurs et nos intérêts. Par notre contribution historique de 1,8 milliard d'euros au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, nous avons œuvré en faveur de la santé mondiale. Lors de la COP27 et de la COP15, la France a joué un rôle moteur dans la réduction de la fracture Nord-Sud, tant en matière de financements que par la création du Fonds « pertes et dommages ». Aux assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), nous avons soutenu le besoin d'une réforme de l'architecture financière internationale.

Renforcer nos partenariats implique de promouvoir des initiatives nouvelles et originales pour répondre aux défis globaux, tel le programme Covax, fondé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), dont le but est d'assurer un accès équitable aux vaccins et de développer la souveraineté sanitaire de long terme par le développement de capacités locales de production. Je pense aussi à l'initiative Farm (mission pour la résilience alimentaire et agricole), qui renforce la solidarité de court terme et la souveraineté alimentaire de long terme des pays vulnérables, et à la coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, dont nous assurons la coprésidence avec le Costa Rica, et qui réunit désormais plus de 110 pays.

Le renforcement de nos partenariats consiste aussi à mieux travailler avec les pays du Sud en accompagnant leurs solutions, en leur apportant les soutiens techniques et financiers dont ils ont besoin et en renforçant leur souveraineté. J'évoquais hier avec vos collègues Barbara Pompili et Carlos Martens Bilongo la transition énergétique de ces pays, à laquelle la France participe en accompagnant l'Afrique du Sud et l'Indonésie, ainsi que d'autres pays avec lesquels nous sommes en discussion, dans leur sortie du charbon, et en construisant des partenariats pour une transition énergétique plus juste qui finance le développement des énergies renouvelables et soutient la transition vers de nouveaux emplois.

Nous renforçons aussi nos partenariats en construisant des solutions structurelles aux défis mondiaux. Ce sera notamment l'objectif du sommet pour un nouveau pacte financier avec le Sud que nous organiserons en juin à Paris.

Je tiens à souligner que ces partenariats ne sont pas uniquement des outils diplomatiques mais surtout des leviers de croissance, de promotion de nos intérêts et des garanties pour notre stabilité en France et en Europe.

J'aimerais maintenant revenir sur le plus important de nos partenariats internationaux : je veux parler de notre partenariat avec le continent africain.

Mon premier combat, c'est de changer nos perceptions de part et d'autre. L'Afrique est un continent qui nous fait face, à 14 kilomètres de l'Europe, et avec qui nous entretenons des liens historiques, humains et culturels dont chacun connaît l'importance et la valeur.

L'Afrique est le seul continent qui doit tout faire tout de suite ; c'est même le continent où les défis se posent actuellement avec le plus de vigueur. Le défi sécuritaire est existentiel pour beaucoup de pays africains. Je le rappelle sans cesse, nous ne faisons pas deux poids deux mesures avec la guerre en Ukraine : nous sommes aux côtés des populations africaines dans leur lutte contre le terrorisme. Outre le défi climatique, avec des sécheresses, des famines, des déplacements de populations et les conflits qui en résultent, l'Afrique doit aussi faire face à des défis alimentaires, énergétiques et sanitaires.

Mais l'Afrique est aussi un continent d'opportunités. Sa jeunesse, ses artistes, ses scientifiques et ses penseurs, chaque jour plus nombreux et énergiques, inspirent et réinventent le monde. Son économie présente un immense potentiel de croissance, avec un mouvement d'industrialisation dont nous sous-estimons l'ampleur. Ses innovations et ses entrepreneurs inventent chaque jour les solutions de demain. La voix de ce continent est chaque jour plus centrale puisque les candidats africains remportent de manière quasi systématique les élections dans les organisations internationales et que chacun rivalise par ailleurs de promesses pour renforcer la place de l'Afrique en leur sein.

Chacun doit comprendre que l'Afrique choisit aujourd'hui ses propres partenaires. Bien que la France et l'Europe entretiennent des liens solides avec ce continent, toutes les grandes puissances le courtisent. Certaines sont cependant animées d'une vision prédatrice et agressive qui s'oppose à la nôtre, fondée sur le respect de la souveraineté des pays et la création d'un partenariat d'égal à égal.

Prenant acte de nos interdépendances, nous voulons créer un véritable partenariat entre nos deux continents pour relever ensemble les défis globaux. Pour ce faire, le président de la République défend la création d'un axe euro-africain puissant et engagé : tel était l'objectif du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine organisé à Bruxelles en février 2022, pendant la présidence française de l'Union européenne, ainsi que des grands partenariats et investissements que nous déployons depuis.

Je suis consciente que la France est aujourd'hui vivement contestée, notamment en Afrique francophone et au Sahel. Contre la forte désinformation visant notre pays et nos valeurs, le Quai d'Orsay mène, en lien avec le ministère des armées, un travail important de riposte. Nous faisons fondamentalement face à un discours antifrançais, nourri par des puissances rivales, sur fond de rancœurs et de déceptions persistantes. J'ai pu le constater de près à chacun de mes déplacements en échangeant avec les jeunes des pays que je visitais. Je vois toutefois aussi une envie de travailler ensemble sur de nouvelles bases. L'enjeu est avant tout de montrer par nos actes que nous sommes un partenaire efficace, engagé et respectueux de la souveraineté de nos partenaires.

Pour toutes ces raisons, le président de la République a engagé, depuis 2017, un nouveau partenariat avec le continent africain, que je mets en œuvre depuis huit mois et qui constitue le cœur même de mon action. Il propose un changement de posture, qui peut se résumer en quelques mots : écoute, dialogue, humilité et respect pour la souveraineté de nos partenaires. Nous ne venons pas imposer des solutions, nous venons en soutien des solutions de nos partenaires, pour répondre à leurs priorités.

Cette nouvelle posture trouve une traduction concrète dans toutes nos coopérations. En matière de lutte contre le terrorisme, le président de la République a clairement affirmé dans son discours de Toulon que nous n'étions pas là pour nous substituer aux pays africains mais pour intervenir en appui de leurs forces nationales, alors que l'opération Barkhane s'est achevée et que nous réarticulons notre dispositif. Pour ce qui est du développement durable, la France travaille désormais avec ses partenaires africains pour renforcer leurs capacités en matière d'éducation, de santé, d'agriculture ou encore d'énergie. Enfin, dans l'esprit du discours de Ouagadougou, nous développons de nombreuses coopérations dans des domaines prioritaires pour la jeunesse, tels que l'entreprenariat, le numérique, le sport et la culture. Nous cherchons plus largement à créer des liens durables entre nos scientifiques, nos étudiants, nos artistes et nos entreprises, et nous voulons en faire encore plus pour embarquer le secteur privé vers l'Afrique.

Les deux priorités de mon action sont donc de renforcer nos partenariats internationaux et nos relations avec le continent africain. Pour les mener à bien, je pilote notamment la modernisation de deux instruments essentiels de notre politique étrangère : la politique de développement et la francophonie.

Notre politique de développement doit devenir une véritable « politique d'investissement solidaire », comme l'a indiqué le président de la République devant les ambassadeurs. C'est la raison pour laquelle, cette année encore, nous avons obtenu avec la ministre Catherine Colonna une hausse historique du budget consacré à notre politique de développement, qui a doublé depuis cinq ans.

L'AFD, avec ses formidables équipes, a su relever le défi de la mise en œuvre de ces moyens historiques dans de nombreux domaines et sur tous les continents. La France et l'Europe sont parmi les acteurs les plus solidaires avec leurs partenaires, en particulier avec le continent africain. Cela doit se savoir et avoir un impact positif sur notre image, notre influence et nos intérêts. Rendre notre politique de développement plus lisible et visible est pour moi une priorité. De même, il est essentiel d'expliquer davantage à nos citoyens qu'investir dans le développement de nos partenaires revient à renforcer notre propre stabilité et à favoriser notre propre croissance.

La tenue prochaine d'un comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), autour de la première ministre, nous permettra d'avancer vers cet objectif. Ce sera notamment l'occasion de mieux aligner notre politique de développement avec nos intérêts, nos valeurs et nos priorités politiques, de repenser la répartition géographique de notre action, d'actualiser nos priorités thématiques en renforçant notre action en matière de formation professionnelle et de sécurité alimentaire, de moderniser nos instruments et nos moyens d'action afin de mobiliser davantage le secteur privé, ainsi que de défendre une trajectoire budgétaire ambitieuse s'inscrivant dans le prolongement des efforts historiques réalisés depuis 2017.

Le second outil pour créer des partenariats est la francophonie. Je sais que ce sujet est très important pour vous, comme il l'est évidemment pour Catherine Colonna et pour moi-même. Grâce au plan « Langue française et plurilinguisme » lancé en 2018 par le président de la République, nous contribuons grandement au rayonnement et à l'apprentissage de notre langue. Nous avons engagé 356 millions d'euros en 2020 pour soutenir les systèmes éducatifs des pays francophones d'Afrique. Depuis 2018, le réseau de l'enseignement français à l'étranger a gagné soixante-douze établissements et près de 40 000 élèves, dont les deux-tiers sont étrangers. Enfin, la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts ouvrira au public au printemps 2023 et la France accueillera le prochain sommet de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) en 2024. Je ferai en sorte que cet événement permette de nouvelles grandes avancées.

La langue française est une langue d'opportunités : alors que je suis née en Grèce et que j'ai vécu quinze ans en Italie, cette langue m'a donné l'opportunité d'être la représentante des Français au Parlement européen et, aujourd'hui, ministre de la République. Elle doit créer un espace de rencontres, d'échanges et de partenariats entre les entrepreneurs, les artistes et les étudiants du monde francophone ; elle doit offrir, à rebours de l'homogénéisation du monde, des opportunités en soutenant le multilinguisme. La francophonie doit renforcer les liens politiques entre ses membres, être un moyen de discussion entre les pays du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, nous permettre de porter une voix de plus en plus forte et unie avec les pays francophones en ce qui concerne les enjeux globaux. J'aurai enfin à cœur de mieux valoriser toute la diversité de la francophonie : ses idiomes, ses expressions et ses accents.

J'aimerais enfin vous exposer ma méthode pour atteindre tous ces objectifs. Dans un temps où la vie nationale se joue plus que jamais à l'international, je veux coconstruire avec tous les acteurs, à commencer par vous, les parlementaires, dont les idées, les remontées du terrain et les discussions me sont très précieuses. Ma porte vous sera toujours ouverte, tant pour relier nos territoires à l'action internationale que pour vous y associer. Ayant été députée européenne, je connais les bienfaits de la diplomatie parlementaire et crois profondément que nous devons nous entraider. Je tiens à consulter régulièrement la société civile, en particulier les associations, que je rencontre régulièrement. J'associe également nos territoires en organisant des déplacements réguliers à la rencontre des collectivités, qui jouent selon moi un rôle essentiel dans la solidarité internationale. Durant les prochains mois, j'impliquerai plus encore les diasporas au renouvellement de notre relation avec le continent africain.

Ensemble, grâce à cette politique de partenariats, nous diffusons une certaine idée de la France : une France ouverte, engagée et solidaire, qui prend et prendra toute sa place dans le monde. Nous avons tous un rôle fondamental à jouer dans le nouveau monde qui se dessine.

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