La réunion

Source

La commission des affaires économiques a auditionné M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, nous vous avions entendu le 6 décembre dernier. Depuis cette date, pourtant récente, les circonstances justifiant votre nouvelle venue ont été profondément modifiées.

Il y a deux mois, vous étiez ministre du Gouvernement d'Élisabeth Borne. Vous occupez aujourd'hui les mêmes fonctions au sein du Gouvernement de Gabriel Attal.

Il y a deux mois, vous veniez nous présenter un projet de loi d'orientation agricole (PLOA) que vous vouliez concis, considérant que ce qui relève du domaine réglementaire devait être renvoyé au règlement et ce qui relève du domaine budgétaire devait être renvoyé au budget. Ce projet de loi d'une petite dizaine d'articles portait ainsi principalement sur l'attractivité du métier d'agriculteur et sur la formation des intéressés.

Or, depuis le 6 décembre, les agriculteurs français, et plus largement les agriculteurs européens, ont exprimé leur profond malaise dans des manifestations souvent de grande ampleur.

Nombre de députés, notamment des membres de la commission des affaires économiques, appartenant à tous les groupes, sont allés à la rencontre des manifestants sur les barrages ou dans les exploitations agricoles. Ce faisant, ils ont démontré, une fois encore, leur proximité avec la profession, leur sensibilité aux difficultés à l'origine du mouvement et leur écoute attentive du monde agricole, qu'illustrent les nombreux travaux menés ces derniers mois par nos commissaires.

Les revendications qu'exprimaient les agriculteurs avec colère, étaient multiples : fiscalité du gazole non routier, achat de leurs productions au juste prix, multiplication et enchevêtrement des normes, bureaucratisation de leur activité, délais de versement des aides diverses, concurrence de produits importés soumis à des normes plus souples, etc.

Le Premier ministre et vous-même avez entendu ces revendications et formulé de nombreuses propositions le 26 janvier et le 1er février derniers. Ces annonces ont conduit les principales organisations syndicales à lever les barrages. Mais, vous le savez, la traduction en actes est attendue, et au plus vite. Une échéance est déjà fixée : le salon international de l'agriculture à la fin de ce mois ; une délégation de notre commission s'y rendra d'ailleurs le 28 février.

Aussi, Monsieur le ministre, quelles mesures réglementaires comptez-vous prendre dans les prochaines semaines ? En quoi le projet de loi d'orientation agricole sera-t-il enrichi et quel est le calendrier envisagé pour son examen ?

Certaines mesures ne pourront pas être adoptées à court terme. S'agissant du point essentiel de la rémunération, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Bruno Le Maire a ainsi annoncé une mission sur l'évaluation des lois Egalim. De son côté, le bureau de la commission des affaires économiques a décidé d'avancer l'évaluation à trois ans de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Egalim 2. Parallèlement, nous avons déjà créé une mission d'application de la loi tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite « loi Descrozaille », qui s'intéresse également à l'avancement des négociations commerciales. Quelles sont les principales pistes d'évolution qui vous semblent devoir être privilégiées ?

Permalien
Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Je vous remercie de m'accueillir en ce moment particulier, deux mois après une audition au cours de laquelle avaient été évoqués plusieurs sujets sur lesquels il nous faut désormais avancer.

La mobilisation des agriculteurs est à la fois française et européenne. Cela doit nous amener à nous interroger sur les politiques européennes et sur le rapport que nous entretenons avec elles.

Sous l'autorité du Premier ministre, j'ai travaillé étroitement avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire. Parmi les mesures que nous avons annoncées, certaines relèvent du domaine législatif, d'autres du domaine réglementaire, l'Assemblée étant alors saisie dans le cadre de sa mission de contrôle et d'évaluation. Pour commencer, je voudrais vous faire part de premières avancées concrètes sur plusieurs points.

S'agissant de la trésorerie, un décret permettra aux agriculteurs de percevoir dès le mois de février une avance correspondant à 50 % du remboursement partiel de l'accise sur les produits énergétiques. Cela concerne le gazole non routier (GNR), pour lequel nous avons également décidé d'annuler la hausse de la fiscalité – autrement dit, la baisse de la défiscalisation. Ce sont ainsi 230 millions d'euros environ qui seront injectés dans la trésorerie des exploitations agricoles.

En outre, à partir du 1er juillet, la déduction sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sera appliquée directement sur la facture. Cette mesure de simplification assurera aux agriculteurs une trésorerie continue, leur évitant de souscrire des prêts dans l'attente du remboursement, sachant que près de 20 % des agriculteurs ne se lançaient même pas dans les démarches leur permettant d'être remboursés tant celles-ci étaient lourdes.

Pour les éleveurs bovins confrontés à la maladie hémorragique épizootique (MHE) – dont il est fort probable que nous connaîtrons une résurgence au printemps –, l'État prendra en charge les frais vétérinaires et ceux consécutifs à la mortalité des animaux à hauteur de 90 %. Le dispositif, qui a été élaboré avec les professionnels, est opérationnel depuis le début de la semaine afin que les premiers dossiers puissent être traités dès la fin du mois de février. Il est question de près de 4 000 dossiers, contre 1 500 pour la grippe aviaire. C'est donc une charge administrative très lourde. Je profite de l'occasion pour rendre hommage aux agents du ministère de l'agriculture et des autres ministères qui travaillent avec le monde agricole et pour leur apporter mon total soutien face aux attaques injustes dont ils ont parfois été victimes. Je regrette profondément certains propos qui ont été tenus à leur égard. Ils ne sont pas responsables des incohérences législatives ou réglementaires.

En ce qui concerne l'indemnisation des aléas climatiques, le processus déjà engagé se poursuit, avec les montants prévus initialement. En complément des dispositifs d'assurance climatique et du régime des catastrophes naturelles, lequel s'adresse plutôt aux sinistrés du Pas-de-Calais, nous doublons le montant du fonds de soutien exceptionnel à destination de la Bretagne et la Normandie, au profit des exploitations touchées par la tempête Ciarán. Des aides à l'investissement seront également déployées.

Pour ce qui est du vaste chantier de la simplification, le décret sur le curage des cours d'eau, qui couvre l'ensemble du territoire national et pas seulement le Pas-de-Calais, a paru. Il s'agit d'une mesure de bon sens qui était très attendue.

Dans le domaine réglementaire, nous avons commencé un travail visant, d'une part, à mettre fin au régime d'exception en matière de délais de recours contre les projets agricoles afin d'aligner leur durée sur le droit commun (soit deux mois) et, d'autre part, à accélérer le traitement des contentieux liés aux projets de stockage de l'eau ou aux bâtiments agricoles. Nous avons également assoupli l'obligation de mise aux normes d'accessibilité pour les bâtiments agricoles.

J'ai annoncé vendredi dernier un plan de soutien massif à la viticulture. Il comprend des mesures d'urgence, à hauteur de 80 millions d'euros, pour soulager la trésorerie des exploitations qui sont confrontées soit à la baisse des prix, soit à des aléas divers, notamment climatiques ; ainsi que des mesures plus structurelles, à hauteur de 150 millions d'euros, pour mener à bien une restructuration du vignoble dans un double souci : mettre un terme à la surproduction, qui n'affecte pas seulement la France, et développer davantage les cépages qui sont consommés aujourd'hui. Ces moyens viendront s'ajouter à 250 millions d'euros issus de l'organisation commune de marché (OCM) vitivinicole.

Il a également été décidé d'allouer à la filière bio – je sais que cela fait débat – 50 millions d'euros en sus des 100 millions déjà versés en 2023. Une réunion est prévue cette semaine pour examiner les besoins et les priorités de la filière.

S'agissant des lois Egalim, le comité de suivi des négociations commerciales s'est tenu en présence de Bruno Le Maire. Plusieurs participants ont relevé que si la loi avait été plutôt respectée, dans son esprit et sa lettre, sur la période 2022-2023, certains cherchaient, depuis l'ouverture des négociations en novembre, à la contourner par divers moyens : le recours à des centrales d'achat européennes, le non-respect pour les produits vendus sous marque de distributeur (MDD) de la non-négociabilité de la matière agricole – qui était l'un des sujets de la loi Descrozaille. Nous souhaitons donc renforcer les contrôles – le ministre de l'économie et des finances a été très clair sur sa détermination à prononcer les sanctions qui s'imposent. Ensuite, avant de procéder à d'éventuels ajustements, nous attendrons de connaître les conclusions des rapports en cours et de pouvoir tirer les leçons du cycle de négociations. Sur 1 000 contrôles effectués, 120 contrats ont révélé des anomalies qui donneront lieu à des procédures judiciaires.

Enfin, sur le plan européen, la dérogation que demandait la France à l'obligation de laisser 4 % des terres en jachère a été acceptée. C'est une première réponse, il y en aura d'autres. Nous devons y travailler avec la Commission en ayant à l'esprit l'impératif de souveraineté alimentaire alors que l'Union européenne a importé, en 2023, 40 millions de tonnes de céréales.

La France a également obtenu l'instauration de clauses de sauvegarde dans le cadre commercial adopté en soutien à l'Ukraine, lesquelles concernent pour l'instant la volaille, les œufs et le sucre. Nous défendons désormais leur extension aux céréales ainsi qu'une évolution de l'année de référence.

J'en viens aux mesures de moyen terme. Le Parlement examinera au premier semestre 2024 un projet de loi d'orientation agricole, l'objectif étant de réunir une commission mixte paritaire d'ici au mois de juin. Le texte est en train d'être enrichi de certaines dispositions qui avaient été proposées dans le pacte d'orientation et d'avenir agricoles – l'inscription du principe de souveraineté alimentaire dans la loi, l'accélération des contentieux liés aux projets de stockage de l'eau ou aux bâtiments d'élevage par l'application d'une présomption d'urgence, etc. Nous souhaitons transmettre le texte au Conseil d'État d'ici à la fin du mois de février.

Certains d'entre vous avaient regretté le manque d'ambition du projet de loi. La nécessité de le compléter avait d'ailleurs fait débat également en interministériel. Saisissons l'occasion qui nous est donnée de renforcer la souveraineté mais aussi de clarifier les règles et d'accélérer les procédures – je pense notamment aux haies. Nous pouvons nous appuyer sur les échanges qui ont déjà eu lieu avec certains d'entre vous dans le cadre de la préparation du projet de loi et du pacte et les poursuivre.

Quant au plan Écophyto 2030, la pause annoncée, qui suscite de vives réactions, signifie, comme son nom l'indique, qu'il faut prendre le temps de la réflexion. Reconnaissons que, jusqu'à présent, le plan Écophyto, qui date de 2009, n'a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés. La réflexion, qui s'inscrit dans une logique de non-surtransposition, porte d'abord sur les indicateurs : nous devons nous doter d'indicateurs partagés au niveau européen pour éviter les incohérences dans les comparaisons et revoir l'indicateur assis sur le nombre de doses unité (Nodu), qui présente l'inconvénient, souvent souligné, de ne pas prendre suffisamment en considération la toxicité du produit – malgré l'usage d'un produit moins toxique, l'indicateur peut être plus mauvais dès lors que le nouveau produit doit être utilisé plus fréquemment. Nous devons aussi travailler sur des mesures de simplification. Un comité d'orientation stratégique et de suivi (Coss) Écophyto aura lieu la semaine prochaine en présence de Sylvie Retailleau et de Christophe Béchu.

Le dernier chantier à moyen terme concerne les relations avec l'administration. Il s'agit d'améliorer le déroulement des contrôles et leur perception, en écho au rapport présenté par Anne-Laure Blin et Éric Martineau dans le cadre du groupe de travail sur les contrôles opérés dans les exploitations agricoles. Là aussi, notre objectif est de présenter de premières propositions au salon de l'agriculture.

Je ne peux pas ne pas mentionner le chantier européen. Le succès sur la jachère – la dérogation aux bonnes conditions agricoles et environnementales 8 (BCAE 8) dont le respect ouvre droit aux aides de la politique agricole commune (PAC) – a ouvert une brèche. Je note avec intérêt et satisfaction les déclarations de la présidente de la Commission européenne en faveur de simplifications immédiates et d'une réflexion globale sur la PAC. La France a été sollicitée pour faire des propositions. Je suis convenu avec plusieurs de mes homologues à Bruxelles, mercredi dernier, que nous présenterions des mesures communes de simplification de la PAC – certaines pourront être mises en œuvre sans changer le cadre réglementaire, d'autres nécessiteront des modifications législatives. Pour obtenir gain de cause, il faut réunir des coalitions, comme nous avons su le faire pour la BCAE 8 – une vingtaine de pays étaient mobilisés aux côtés de la France pour l'occasion.

J'ai déjà évoqué l'Ukraine. De manière plus générale, il reste à trouver comment mieux conjuguer Green Deal et souveraineté. C'est le principal motif de préoccupation du monde agricole, français mais aussi européen.

Le revenu demeure un sujet central. En ce qui concerne les retraites, le rapport prévu par la loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses, adoptée à l'imitative de Julien Dive, montre des effets de bord qu'il nous appartient désormais de corriger. Dans ce travail, qui demandera plusieurs semaines, nous entendons être fidèles à l'esprit des lois Chassaigne 1 et 2.

Dans la perspective d'un Egalim européen, indispensable pour contrecarrer les pratiques de la grande distribution, j'ai rencontré le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, sur lequel je compte pour m'aider dans cette tâche. Je rappelle qu'Egalim est le fruit d'une surtransposition française au bon sens du terme : toute surtransposition n'est donc pas condamnable en soi !

Nous devons aussi défendre un autre outil européen, les clauses miroirs dans les accords de libre-échange. La France, par la voix du Président de la République, s'est opposée à la signature de l'accord entre l'Union européenne et le Marché commun du Sud (Mercosur) – je le répète, il ne peut y avoir d'accord en l'état. Nous avons besoin d'accords commerciaux, à condition que la réciprocité s'y applique.

Dans l'espace européen, il nous faut trouver un modèle qui conjugue souveraineté et transition car nous devons mener cette dernière. Dans l'espace extra-européen, les accords commerciaux doivent garantir une concurrence moins déloyale. Dans ce même esprit, il est indispensable de disposer d'une force européenne de contrôle sanitaire et agricole pour vérifier que les normes européennes sont respectées, notamment par les produits agricoles importés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces dernières semaines ont été marquées dans notre pays par la mobilisation agricole de l'ensemble des secteurs de production et des territoires. De nombreux pays de l'Union européenne ont connu un mouvement similaire.

Les agriculteurs ont réaffirmé une ambition agricole nationale et européenne pour garantir la souveraineté alimentaire et demandé que soient levés les freins qui les entravent au quotidien. Comment continuer à produire plus et mieux ? Comment lutter efficacement contre le changement climatique dont les agriculteurs sont les premières victimes sachant qu'ils ont aussi entre les mains une partie des solutions ? Comment leur éviter de subir les affres de la concurrence déloyale de la part de plusieurs pays étrangers ? Quel avenir agricole français et européen voulons-nous dessiner pour garantir un revenu et répondre aux attentes sociétales ?

Nous vous félicitons, monsieur le ministre, d'avoir été, avec le Premier ministre, en première ligne pendant cette crise. Nous saluons la réactivité et la force des propositions du Gouvernement, qui reposent sur des principes clairs et ambitieux, des mesures d'urgence, un calendrier pour parvenir à des accords sur plusieurs sujets avant le prochain salon de l'agriculture ainsi qu'une méthode européenne. Il s'agit de mobiliser tous nos partenaires pour mener une politique cohérente au service d'une agriculture européenne sûre, saine et durable à laquelle des règles uniformes s'appliquent – mieux produire et protéger dans le dialogue et la transparence.

Vous avez évoqué le nouveau calendrier du projet de loi qui permettra de le compléter par un volet portant sur la simplification. Le travail collaboratif avec les préfets a d'ores et déjà été engagé dans de nombreux départements.

Pouvez-vous faire un point sur l'avancée des discussions avec les professionnels et avec vos homologues européens ? Quel est le calendrier ? Envisagez-vous une nouvelle session des états généraux de l'alimentation ainsi qu'une révision des plans de filières dont certaines connaissent des difficultés conjoncturelles et parfois structurelles – je pense à la filière bio qui s'est mobilisée devant l'Assemblée nationale aujourd'hui ?

Permalien
Marc Fesneau, ministre

En effet, l'enjeu est de produire plus et mieux et de réussir les transitions.

S'agissant de la simplification, vous avez eu raison de rappeler le travail mené par les préfets de département depuis le début de la semaine. Il s'agit d'identifier les éventuelles surtranspositions territoriales – ces normes départementales qui viendraient s'ajouter à la réglementation nationale et européenne – afin de parvenir à une certaine harmonisation. Je note toutefois qu'à l'inverse, certains réclament une différenciation adaptée aux contraintes locales, notamment climatiques. Je suis très frappé du nombre de propositions qui nous sont soumises. Manifestement, les simplifications – elles concernent les délais, les procédures, les formulaires, la PAC, ou encore l'incohérence des réglementations – étaient attendues, y compris dans les administrations. Il est trop tôt pour vous présenter des conclusions. Une fois compilés les travaux sous la houlette des préfets, nous procéderons rapidement aux simplifications de nature réglementaire avant de nous attaquer à celles qui demandent plus de temps.

En ce qui concerne les calendriers, la présidente de la Commission européenne espère des propositions d'ici à la fin du mois de février. Un conseil extraordinaire agriculture et pêche se tiendra sans doute à cette période, qui coïncide malheureusement avec le salon de l'agriculture, pour faire un point d'étape sur la simplification.

Nous devons poursuivre le travail engagé sur les filières – je pense à la filière fruits et légumes mais aussi viande bovine française – toujours dans le souci de restaurer notre souveraineté.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les récentes annonces gouvernementales pour répondre au mouvement historique de colère des agriculteurs semblent enfin faire droit à certaines des revendications que nous exprimons depuis des années.

De façon spectaculaire, vous prônez l'exact inverse de la politique que vous avez toujours menée. Vous vouliez davantage de contraintes environnementales, vous dites en vouloir moins ; vous vouliez accroître la contribution des agriculteurs à leur consommation de carburant, vous semblez admettre que c'est de la folie ; après avoir longtemps raillé le localisme cher au Rassemblement national, vous voulez inscrire dans la loi le principe selon lequel la souveraineté alimentaire est l'objectif central de la politique agricole française. Si l'on ajoute une botte de paille pour pupitre, l'image pourrait être parfaite sur le plan de la communication.

Pourtant, ces mesures demeurent largement insuffisantes. Faute de rompre avec les politiques de libre-échange qui exposent nos producteurs à la concurrence déloyale des fermes usines mondiales et de remettre en question le carcan européen, les doutes sur vos intentions sont nombreux.

L'annonce de l'annulation de la hausse progressive de l'accise pour le GNR a évidemment été accueillie avec soulagement. Il nous faut pourtant rappeler que cette hausse est inscrite dans l'agenda européen que la France applique avec soin. La réforme de la directive sur la taxation des produits énergétiques et de l'électricité du 27 octobre 2003 pourrait imposer un alignement de la fiscalité des carburants agricoles. Combien de temps comptez-vous épargner à nos agriculteurs le matraquage fiscal souhaité par Bruxelles ? Envisagez-vous de revenir sur la hausse de 2,85 euros par litre de la TICPE non remboursable, en vigueur depuis le 1er janvier ?

S'agissant de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, malgré les déclarations de l'exécutif sur son caractère inacceptable, il reste sur la table et, de l'aveu du vice-président de la commission, commissaire au commerce, il pourrait être conclu avant la fin de l'année 2024, peut-être par le biais de deux accords distincts afin de contourner la règle de l'unanimité en matière commerciale. Pouvez-vous aujourd'hui nous assurer solennellement que la France empêchera la conclusion de cet accord ?

Enfin, vous dites vouloir mettre fin à la surtransposition mais vous passez sous silence les innombrables cas dans lesquelles elle est déjà une réalité, à l'origine d'une distorsion de concurrence qui pénalise nos agriculteurs. Ainsi, en matière phytosanitaire, il existe cent substances actives interdites en France alors qu'elles sont autorisées au niveau européen. S'agissant de l'acétamipride, il est hors de question de revenir en arrière, avez-vous dit. Doit-on comprendre que le Gouvernement, qui prétend être le champion de la lutte contre les surtranspositions, ne s'attaquera pas à celles qui existent.

Nos agriculteurs attendent des réponses claires et précises à ces questions et non une tirade d'autosatisfaction, ni du mépris envers vos oppositions.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

On peut me taxer de tout sauf de mépris.

En ce qui concerne le GNR, la réforme est annulée – je ne sais pas comment le dire autrement – tout comme la hausse de 2,85 euros. Les dispositions budgétaires nécessaires vous seront soumises.

La simplification ne signifie pas le retour en arrière. La décarbonation est une nécessité pour l'agriculture comme pour tous les secteurs d'activité. Je rappelle que les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique.

Le localisme et la souveraineté alimentaire sont deux notions très différentes. Dans le premier, chaque ville se nourrit avec sa production tandis que, dans la seconde, il s'agit de reconquérir des parts de marché nationales.

Sur l'accord avec le Mercosur, la position de la France est claire : elle est en désaccord avec le texte posé sur la table. Cela n'a pas été sans effet puisque l'accord n'est toujours pas signé, contrairement à ce que certains souhaitaient. Nous avons besoin de trouver des alliés au niveau européen, nous continuons à y travailler.

Quant à la surtransposition, le travail de simplification est une manière de s'y attaquer. En revanche, en matière de santé publique, il est de notre devoir d'être vigilants. Nous sommes tous comptables – Parlement et Gouvernement – des décisions prises dans ce domaine. Je reviendrai ultérieurement sur votre affirmation erronée sur les cent substances interdites en France.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mathilde Hignet devait prendre la parole au nom du groupe cet après-midi mais elle est partie sur le terrain, comme vous avez eu le bon goût de le lui conseiller, il y a deux semaines, pour le seul plaisir de calomnier ma collègue qui est, je le rappelle, petite-fille et fille d'agriculteur, et travailleuse agricole en Bretagne.

C'est peut-être vous qui devriez aller sur le terrain pour prendre conscience du fait que vous trahissez les revendications des agriculteurs en colère. Alors qu'ils vous demandent juste rémunération et protection, vous leur offrez soumission et destruction – soumission aux multinationales et au chaos des marchés.

Vos prédécesseurs et vous-même avez tout dérégulé depuis vingt-cinq ans : les prix garantis, les quotas, les droits de douane. Quant à M. Macron, jamais un président n'avait signé autant d'accords de libre-échange. Aujourd'hui, il laisse la Commission européenne poursuivre les négociations avec le Mercosur, et je vous mets au défi, monsieur le ministre, de dire le contraire. Peut-être signerez-vous l'accord, le 10 juin, au lendemain des élections européennes ?

Vous soumettez les agriculteurs au chaos des marchés en leur promettant des broutilles au premier rang desquelles les clauses miroirs qui ne changeront rien, on le sait, aux dégâts des accords de libre-échange ; deuxième broutille, d'éventuelles sanctions qui ne changeront rien aux graves défaillances des lois Egalim ; troisième broutille, 50 malheureux millions d'euros pour les agriculteurs biologiques en crise que nous avons rencontrés cet après-midi devant l'Assemblée nationale. Ils disent que vous les abandonnez.

Tout ce que vous proposez aux agriculteurs, c'est de détruire leur santé et notre environnement en annonçant de très graves reculs sur les pesticides ou les prairies. Écoutez les agriculteurs en colère, ils demandent une juste rémunération et non de se soustraire à la nécessaire transition écologique ; ils y sont favorables à condition d'être protégés des multinationales et de la concurrence internationale. C'est possible, c'est une question de volonté politique. Prix rémunérateurs garantis, protectionnisme écologique, refus de tout nouvel accord de libre-échange, activation des clauses de sauvegarde aussi souvent que nécessaire, contrat de transition agroécologique, plan de relance alimentaire imposant 100 %, ou au moins 80 %, de bio local dans la restauration collective d'ici cinq ans : voilà ce qu'il faudrait faire ! Mais qu'attendez-vous ?

Vous avez remisé votre loi de désorientation agricole tant elle était scandaleusement vide. Nous vous demandons une politique et une loi de profonde transformation de l'agriculture et de protection des agriculteurs. Si ce n'est pas le cas, il ne faudra pas s'étonner que des tracteurs bloquent à nouveau nos routes.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Je n'ai fait aucun grief à votre collègue et je sais qu'elle est agricultrice, mais tous les agriculteurs n'entendent pas les revendications de leurs collègues de la même manière.

J'ai pris connaissance des propositions de La France insoumise. Elles contiennent plus de normes et de contraintes au niveau national qu'au niveau européen. Ce n'est pas ce que demandent les agriculteurs qui manifestent, même si, vous avez raison, il faut travailler sur la rémunération. Je n'ai pas non plus entendu ces agriculteurs demander d'abroger la loi Egalim pour revenir à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) : ils demandent au contraire de faire plus d'Egalim et d'étendre ses dispositions au niveau européen. La question des contrôles, comme celle de l'évolution de la loi Egalim, sont importantes.

Vous appelez au repli sur nos frontières et au protectionnisme alors qu'il existe un problème de production dans l'espace européen – 40 millions de tonnes de céréales sont importées. Ne nous berçons pas d'illusions : nous devons trouver une trajectoire qui conjugue la transition avec l'accroissement de la production, y compris au niveau européen.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez retiré le 24 janvier dernier votre projet de loi d'orientation agricole. L'intention, exprimée par le Premier ministre, notamment lors d'un déplacement dans l'Aude le 26 janvier, et par vous-même, est de libérer le monde agricole en réduisant les règles et les taxes. L'article 8 de l'avant-projet prévoyait la mise en place d'outils de diagnostic visant à évaluer, lors de la transmission d'une exploitation, la qualité des sols afin de mieux valoriser, ou dévaloriser, la transaction, voire de servir d'appui pour un éventuel contentieux. Le texte que vous présenterez au Parlement reprendra-t-il cette disposition ?

Lors de votre audition devant cette commission le 6 décembre dernier, je vous avais alerté sur le stockage de l'eau, sur les négociations commerciales et sur le revenu agricole. Vous m'aviez alors répondu avec moquerie que j'étais adepte des grands soirs alors que je vous crois convaincu de l'intérêt de ces questions pour les agriculteurs. Mettons de côté les postures : les questions de la formation et de la transmission sont très importantes, mais la LOA répondra-t-elle également à celles que je viens d'évoquer ?

Il y a quelques heures, le Parlement européen a voté un texte autorisant l'usage dans l'Union européenne des nouvelles techniques génomiques, les NGT – New Genomic Techniques –, qui permettent de répondre aux enjeux environnementaux. Êtes-vous prêt à emprunter cette voie ?

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Nous avons toujours soutenu les NGT et les NBT – New Breeding Techniques. Nous avons demandé, et il a été fait droit à notre demande, que ces technologies servent un objectif de réduction de l'usage des produits phytosanitaires afin de faire sortir certaines cultures de l'impasse dans laquelle elles se trouvent. Elles doivent par ailleurs permettre d'avoir des plantes plus résilientes au dérèglement climatique et notamment au stress thermique, question trop peu évoquée, et au stress hydrique.

Je me félicite donc du vote du Parlement européen. J'avais d'ailleurs, avec d'autres de mes collègues, poussé pour que notre collègue espagnol en charge de la présidence inscrive ce vote au calendrier du dernier semestre 2023. La semaine dernière, j'ai fait part à mon collègue belge de notre volonté de faire le nécessaire pour obtenir ces technologies. Il nous reste un travail de conviction à réaliser, car nous n'avons aujourd'hui pas de majorité qualifiée au niveau européen.

Nous devons travailler sur la question du diagnostic des sols, à laquelle est liée celle de la productivité puisque la baisse de la matière organique et l'usure des sols portent atteinte à la productivité, ce qui, au passage, montre l'utilité des techniques de travail simplifiées. Le dispositif doit évoluer. Le diagnostic ne doit pas être obligatoire : il doit être un outil à la disposition de celui qui s'interroge sur la nature des sols.

Sur la question des revenus, nous devons tirer les enseignements de l'application de la loi Egalim pour pouvoir la faire évoluer, mais, comme les négociations commerciales, ce n'est pas une affaire de grands soirs. Vous êtes peut-être plus révolutionnaire que moi, mais tout ne peut se résoudre en un soir, car il faut prendre en compte le niveau européen et, concernant la rémunération, nous devons mener un débat avec les citoyens consommateurs afin de définir le juste coût et donc le juste prix.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les agriculteurs ont, au cours des dernières semaines, manifesté leur colère. Les questions du revenu agricole et du renouvellement des générations sont au cœur de leurs revendications. Le groupe Démocrate salue votre engagement, depuis votre prise de fonction, et notamment pendant cette période difficile, tant sur le terrain que dans les médias, pour relayer les problèmes de la profession.

Je me réjouis que le Gouvernement ait affirmé la nécessité de respecter les dispositions des lois Egalim relatives à la sanctuarisation des matières premières agricoles et au contrôle. Un autre volet mérite d'être mis en application : celui concernant les objectifs de consommation de produits locaux et bios dans la restauration collective. Ces objectifs ne sont pas atteints. Pour y parvenir, il faut structurer les filières locales.

Malgré la volonté exprimée par les territoires, on ne peut que constater les difficultés de mise en place des projets alimentaires territoriaux (PAT) en raison d'un problème de gouvernance. Il faut apporter un cadre clair aux territoires, avec une planification des engagements et des actions et avec des indicateurs de mesure. Les collectivités sont aussi contraintes par le code de la commande publique. Ces obstacles doivent être levés afin que les PAT deviennent un outil de transition capable de renforcer notre souveraineté alimentaire et d'aider à long terme la filière bio, qui est aujourd'hui en grande difficulté. J'aimerais connaître votre avis sur le sujet.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Nous n'avons pas assez avancé collectivement sur les objectifs de consommation de produits locaux et bio de la loi Egalim 1 de 2018. En ce qui concerne l'État – je me garde bien de faire des leçons aux autres –, l'objectif est d'être au rendez-vous en 2024 pour toutes les administrations, ce qui représente un surcoût de 100 millions d'euros pour atteindre la part de 50 % de produits locaux et bios.

Nous avons puissamment accompagné les PAT grâce au plan de relance, qui finance 170 PAT à hauteur de 80 millions. La loi de finances pour 2024 prévoit également des moyens pour les consolider, mais nous devons continuer à accompagner les territoires. Les choix relatifs à l'alimentation appartiennent aux collectivités territoriales et il ne m'appartient de me substituer à elles. Aujourd'hui, elles ne sont pas nombreuses à respecter la loi Egalim dans ce domaine. J'entends parfois certains responsables de collectivités interpeller l'État sur son action pour l'agriculture, mais si la loi était respectée, il n'y aurait pas de crise du bio. Nous devons donc poursuivre notre travail avec les hôpitaux, ce qui relève de la compétence de l'État, et avec les collectivités locales afin de les accompagner dans leurs politiques publiques – qui consistent à faire un arbitrage entre différents choix, puisque les budgets ne sont pas extensibles – valorisant l'alimentation, qui est un enjeu de santé publique et de transition. Nous devons les encourager à donner l'exemple, notamment grâce à des outils comme la plateforme « Ma Cantine ».

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons le sentiment très fort, et c'est pour nous une grande désolation, d'une sortie de crise par le bas. Je vais essayer de vous donner quelques pistes d'analyse et de dialogue pour que nous puissions construire ensemble une sortie par le haut.

L'accord fiscal sur le GNR, qui est au cœur de la crise, est inique. Dans quelle mesure en êtes-vous responsable ?

L'agriculture biologique vit une crise extrêmement profonde. Au-delà de l'aide publique de 50 millions, existe-t-il des mécanismes européens de régulation des marchés pour sauver une filière qui est une promesse pour nos territoires et pour la planète ?

Le Comité d'orientation stratégique et de suivi (COS) se réunira la semaine prochaine. La ministre de la santé y participera-t-elle ? Son silence sur la pause du plan Écophyto est assourdissant alors qu'il s'agit d'un enjeu de santé publique, tout particulièrement pour les agriculteurs. La communication gouvernementale, qui a justifié la pause par l'étude d'un indicateur alternatif au Nodu, ne nous trompe pas. Il faut certes des indicateurs européens, mais ils ne peuvent être moins exigeants que ceux retenus par la commission d'enquête que nous avons menée ensemble.

Vous avez annoncé des mesures fiscales pour la transmission. Pouvez-vous nous transmettre les études d'impact qui ont été utilisées ? Quel décile ces mesures concernent-elles ? Je suis effaré par les chiffres que j'ai vus. Ces mesures doivent favoriser l'installation hors succession et concerner l'ensemble des agricultures.

Le groupe Socialistes et apparentés a déposé une proposition de résolution, signée par soixante-dix-sept députés de groupes différents, afin de s'assurer que les mesures miroirs ne deviennent pas des miroirs aux alouettes. En avez-vous pris connaissance ? Comptez-vous la défendre à l'échelle européenne ?

On a beaucoup parlé durant cette crise de la loi Egalim et de l'alimentation, mais il ne faut pas oublier la question de l'agrofourniture. Êtes-vous prêts à envisager, comme nous le proposons, une extension, par la modification du code rural, des missions de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires vers l'amont des filières agricoles ?

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Nous souhaitons, nous aussi, une sortie par le haut. Vous déformez mes propos.

Vous passez votre temps à dire que vous ne voulez pas de surtransposition, mais, sur les indicateurs, c'est pourtant ce que vous demandez. La réduction de l'usage des produits phytosanitaires au niveau européen demande l'utilisation des mêmes indicateurs afin de ne pas faire peser sur nos agriculteurs des exigences plus lourdes que celles pesant sur nos voisins allemands, espagnols ou italiens. La recherche de tels indicateurs n'est pas incompatible avec la volonté politique de réduction de l'usage des produits phytosanitaires. La présidente von der Leyen a décidé de retirer le règlement sur l'usage durable des pesticides (SUR), car il pose problème, et pas seulement en France, mais dans l'Europe tout entière. Elle a convié les parties prenantes à s'asseoir autour de la table pour résoudre ce problème. Le nouveau règlement proposera une trajectoire de réduction pour laquelle, je le répète, nous aurons besoin d'indicateurs communs.

J'ai pris connaissance de votre proposition de résolution, mais les mesures miroirs demandent l'accord des pays européens et il y a donc une bataille européenne à mener. Reconnaissez avec moi que la France est le premier pays à avoir posé la question des clauses miroirs.

Lorsque les mesures fiscales sur la transmission seront précisément posées sur la table, nous vous transmettrons les études d'impact. Notre objectif est d'éviter les effets d'aubaine afin de favoriser l'installation de davantage d'agriculteurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Après la mobilisation de ces derniers jours, il reste des questions en suspens, dont l'agriculture bio. Vous avez annoncé une enveloppe supplémentaire de 50 millions d'euros pour abonder l'enveloppe initiale de 100 millions, soit un montant total de 150 millions, mais les interprofessions, animales et végétales, l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, dite Agence Bio, et la Fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) estiment le besoin de soutien à la filière entre 250 et 300 millions. Il est donc nécessaire de définir rapidement les besoins afin de pouvoir apporter un soutien efficace. Cela me rappelle d'ailleurs le débat sur les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec).

Certains acteurs proposent la mise en place d'outils de retrait de plusieurs productions animales et végétales pour relancer la filière dont la production a du mal à trouver son marché, avec pour conséquence une accumulation des stocks. La grande distribution, qui a été tentée de faire des marges disproportionnées, a d'ailleurs sans doute contribué à ralentir le marché. Quant à la restauration collective, il me semble qu'un décret devait être publié pour, dans l'esprit de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, clarifier les rôles du ministère de l'éducation nationale et des collectivités territoriales afin d'atteindre l'objectif des 20 %.

Dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027, ne serait-il pas opportun de rouvrir les dossiers du premier pilier (P1) et du second pilier (P2) afin de distribuer moins d'aides aux surfaces agricoles et plus d'aides aux actifs, notamment à l'élevage et aux prairies ?

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Le débat sur le soutien à l'agriculture bio est effectivement de même nature que celui sur les Maec. Je me souviens d'un amendement chiffrant leur financement à 500 millions, ce qui ne correspondait pas au besoin. Je me méfie toujours des chiffres alignés sans que le besoin ait été documenté. Nous avons trouvé les voies et moyens pour donner droit aux demandes, mais, je le répète, le niveau de financement n'était pas de 500 millions.

Nous allons réunir les acteurs du bio afin de voir ce que nous pouvons faire pour les filières qui sont le plus en risque et de vérifier le besoin de mesures complémentaires. Le dossier n'est donc pas fermé, mais il faut documenter les choses et agir en bon ordre. L'objectif principal est d'éviter que les agriculteurs convertis au bio ne quittent ce mode de production. J'entends les propositions relatives à la mise en place d'outils de retrait, mais la relance de la consommation relève du moyen terme et devra être faite au niveau européen sans oublier que les habitudes de consommation ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Mon collègue autrichien m'a ainsi dit que l'Autriche n'a pas connu de baisse de la consommation des produits bios parce que la grande distribution avait joué le jeu, notamment en favorisant l'exposition de ces produits. Nous devons donc travailler avec la grande distribution, au-delà de ce qui est déjà fait dans le cadre des lois Egalim et des contrôles, en leur rappelant qu'ils doivent soutenir le bio, et pas seulement pour les opportunités qu'il représente, mais également en période de crise.

Le paiement pour services environnementaux n'est pas prévu dans la PAC 2023-2027 – et on peut d'ailleurs se demander si cette question relève de la PAC. Le débat sur les premier et second piliers de la PAC est un vieux débat. Il pourra être rouvert au moment des discussions sur la clause de revoyure en 2025, mais l'équilibre est très difficile à tenir, car le glissement d'un pilier vers l'autre s'accompagne de récriminations d'un territoire vers l'autre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« Le degré de certitude d'ores et déjà acquis sur les effets des produits phytopharmaceutiques commande de prendre des mesures fortes et rapides sauf à engager la responsabilité des pouvoirs publics » : cette phrase, extraite d'un rapport de décembre 2017 rédigé par des inspecteurs de votre ministère, conjointement avec des inspecteurs du ministère de l'écologie et du ministère de la santé, est une manière, pour ces fonctionnaires, de montrer qu'ils ont pris leur responsabilité et que la responsabilité est désormais politique. La réduction de l'utilisation des pesticides est inscrite dans la loi. Vous avez pourtant décidé de mettre cette trajectoire en pause et de casser le thermomètre en trafiquant les indicateurs – eau, haies, pesticides, tout y passe ! Ce reniement vient de loin : l'échec du plan Écophyto, le renoncement à l'interdiction du glyphosate et la loi autorisant les néonicotinoïdes sont éloquents.

Nous assistons au hold-up des firmes de l'agrochimie, dont vous êtes les serviles serviteurs, sur les revendications des agricultrices et des agriculteurs, que nous soutenons. Nous les avons écoutés sur les barrages et sur les ronds-points : « Le ministère de l'agriculture me doit 38 000 euros d'indemnisation de la grippe aviaire. » ; « Le ministère de l'agriculture a réduit l'enveloppe dédiée aux mesures agroenvironnementales dans le Poitou-Charentes. » ; « Le ministère de l'agriculture me doit 48 000 euros d'aides en tant qu'agriculteur biologique. ». Nous les avons également entendus dénoncer les accords de libre-échange que vous avez soutenus et que nous avons combattus : « Les camions qui circulent ici transportent du persil du Venezuela, des kiwis du Portugal et des poulets du Brésil ». Ils et elles remettent en cause le modèle productiviste qui sème la misère dans les fermes et la faim dans les ventres à l'autre bout de la chaîne et qui détruit la nature, tout autant que les femmes et les hommes que sont les travailleuses et les travailleurs de la terre. Cette colère du monde paysan, que nous soutenons, ne demande pas une politique d'empoisonnement alimentaire, mais de la cohérence, comme celle de nos amendements nos 1453 ou 897 au projet de loi Egalim de 2018 qui proposaient l'interdiction de l'importation et de la commercialisation de produits traités avec des pesticides interdits dans l'Union européenne et en France.

Monsieur le ministre, vous êtes en responsabilité. Ma question est donc simple : êtes-vous prêt à assumer la responsabilité des conséquences en termes de santé publique et d'effondrement de la biodiversité du renoncement du Premier ministre à la sortie des pesticides ? Je parle ici de responsabilité politique et civile mais aussi, peut-être, pénale car si, pour l'instant, la justice a établi le préjudice écologique et la carence fautive de l'État dans l'effondrement de la biodiversité et la pollution de l'eau résultant du non-respect du plan Écophyto, demain, il se pourrait que la justice pénale soit saisie.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Chacun doit certes prendre ses responsabilités sur la stratégie Écophyto, mais vous avez été ministre de l'écologie : le discours consistant à rejeter sur les successeurs la responsabilité de ce qui n'a pas été réglé par les prédécesseurs est sympathique, mais un peu lassant.

La stratégie du Gouvernement continue à être celle de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Quand m'auriez-vous entendu dire le contraire ? Cette stratégie est d'ailleurs en phase avec les recommandations du rapport de la commission d'enquête dont M. Potier était le rapporteur : « Améliorer la pertinence et la réactivité des indicateurs de mesure des usages de produits phytopharmaceutiques » et « soutenir l'adoption d'un indicateur européen ».

En comparaison avec les autres pays européens, la France est sans doute le pays le plus en avance sur la réduction de l'usage de produits classés CMR – substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – 1, avec une réduction de plus de 90 %, et 2, avec une réduction de plus de 80 %. Il est important de souligner que nous avons avancé sur ces questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Face à la crise, le Gouvernement a apporté des réponses en urgence qui ont, pour l'instant, calmé les choses, mais cette colère n'est domptée qu'en apparence. Les mesures – mise sous tutelle de l'Observatoire français de la biodiversité (OFB), mise en pause du plan Écophyto, soutien ponctuel à la viticulture et au bio – ne constituent qu'un énième plan d'urgence qui ne diffère guère des précédents. Vous y avez ajouté la simplification par voie réglementaire, mais jusqu'où cette simplification ira-t-elle ? Cette question m'amène au cœur du débat que je veux poser.

Vous avez parlé de brèches dans le dialogue européen. Je suis pour ma part très dubitatif quant à la possibilité de briser le plafond de verre d'une politique agricole européenne extrêmement libérale puisqu'elle s'appuie sur la concurrence et la compétitivité. Sans une véritable réorientation de la politique agricole commune dans les négociations qui sont en cours, la colère restera. Les plans stratégiques nationaux doivent être réformés en profondeur, car leurs insuffisances commencent à se manifester. Je parle de réformes structurelles pour assurer la juste rémunération des agriculteurs. L'État doit intervenir non seulement dans la détermination du prix de vente, mais également dans la répartition de la valeur ajoutée sur l'ensemble de la chaîne. Il doit construire une économie agricole régulée. Allez-vous prendre cette question à bras-le-corps ?

Sur la question des accords commerciaux et du libre-échange, le pouvoir fait mine de temporiser et d'agir au niveau européen, notamment en ce qui concerne les négociations avec le Mercorsur, mais il n'y a aucune remise en cause des grandes orientations en faveur de la libéralisation des échanges. Les échanges commerciaux sont nécessaires, y compris dans le domaine alimentaire, mais ils doivent se faire dans le respect des peuples et des territoires, ce qui n'est pas le cas des accords de libre-échange, dont l'alimentation devrait être exclue.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Avant de pouvoir changer profondément la politique agricole commune, il faut d'abord changer radicalement la politique commerciale européenne dans le sens des attentes que vous avez exprimées – je partage d'ailleurs certaines d'entre elles.

Si l'agriculture est un objet de souveraineté au même titre que l'énergie, les médicaments ou les technologies de pointe, alors elle ne peut être l'objet d'un troc dans le cadre des accords commerciaux, comme cela se passe depuis trente ans. Cela implique un changement de philosophie. Une fois ce changement effectif, il faudra travailler sur une politique agricole commune en alignement avec ces nouveaux objectifs. Les échanges commerciaux sont bien sûr nécessaires, mais je partage votre sentiment. La souveraineté alimentaire est une question de souveraineté tout court, surtout dans un contexte de dérèglement climatique et de guerre – je ne veux pas laisser le soin à M. Poutine de nourrir nos voisins. Nous avons commencé à travailler sur la politique commerciale européenne avec les mesures miroirs, mais nous sommes encore loin de ce que nous devons attendre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous allez présenter la future loi d'orientation agricole en Conseil des ministres au moment du Salon international de l'agriculture. Allez-vous associer les parlementaires, qui sont au contact du terrain, à l'élaboration de ce projet de loi ? Nous redoutons que vous ne fassiez des impasses sur certains sujets importants, tels que la transmission et l'accès au foncier. Vous avez annoncé que l'impératif de souveraineté alimentaire sera inscrit dans la loi, mais il l'est déjà – dans le code rural et de la pêche maritime – et il ne suffit pas de le décréter pour qu'il se réalise. Qu'allez-vous proposer concrètement ? Notre agriculture souffre d'une concurrence déloyale. Nous avons trop longtemps accepté d'importer des produits qui ne respectent pas nos règles environnementales et sanitaires. Un agriculteur gersois me faisait d'ailleurs remarquer à juste titre que personne n'accepterait d'acheter une voiture qui ne serait pas aux normes européennes, environnementales ou de sécurité. Les agriculteurs réclament depuis de nombreuses années des clauses miroirs dans les traités de libre-échange et les gouvernements successifs promettent toujours de se saisir de cette question ? Où en sont les négociations européennes ?

Nous devons maintenir le cap de la transition agroécologique, mais nous n'y parviendrons que si les agriculteurs gagnent un revenu suffisant. Nous regrettons à ce titre l'insuffisance des aides à la filière bio. Vous avez promis 50 millions alors que la filière évalue ses besoins à 271 millions. J'avais déposé un amendement en ce sens dans le cadre du débat budgétaire. Il avait été voté, mais n'avait pas été retenu après le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Par ailleurs, la réforme de l'assurance récolte, que j'avais évoquée lors de votre venue au mois de décembre, ne tient pas ses promesses : le nombre de souscriptions reste bas et le mécanisme de la moyenne olympique ne permet pas de couvrir les exploitations de façon satisfaisante.

Enfin, la viticulture gersoise m'a alerté sur ses besoins – qu'elle chiffre à 25 millions d'euros – pour faire face au mildiou. Sur les 80 millions annoncés, nous n'en aurons finalement que 5 millions en application de la règle de minimis, qui rend le dispositif inapplicable et injuste pour les viticulteurs.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Je vous ai reçu au ministère pour discuter du PLOA et nous allons poursuivre ce travail puisque le texte est en cours de rédaction. Il devrait être soumis au Conseil d'État à la fin du mois de février avant d'être présenté en Conseil des ministres. Nous ferons en sorte que les choses soient posées sur la table au moment du Salon de l'agriculture.

Il y a trois ans, personne ne savait ce qu'était une clause miroir, en tout cas pas dans la forme dans laquelle le débat est aujourd'hui posé. C'est la France qui a mis ce sujet sur la table et nous avons pu inclure des clauses miroirs dans l'accord du Ceta, ou Accord économique et commercial global. Nous devons maintenant faire en sorte d'inclure des clauses miroirs, en particulier sur les questions climatiques, dans l'ensemble des accords qui sont en négociation.

Plus de 36 % des surfaces agricoles sont couvertes par l'assurance récolte et nous sommes par exemple passés de 3 % à 10 % des surfaces pour l'arboriculture. Cela n'est pas parfait – nous allons d'ailleurs réunir les assureurs et les acteurs agricoles –mais nous sommes largement au-dessus de la trajectoire budgétaire prévue dans la programmation triennale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB) a manifesté aujourd'hui devant l'Assemblée nationale et nous sommes allés à leur rencontre. L'agriculture bio représente actuellement 14 % des fermes, 200 000 emplois, 0 % de chimie de synthèse et un accroissement de 30 % de la biodiversité dans les fermes. Nous avons voté des amendements au projet de loi de finances pour 2024 garantissant 271 millions d'euros d'aides au bio et 300 millions d'aides agroenvironnementales, mais vous avez tout effacé avec l'article 49, alinéa 3. Vous n'avez finalement concédé qu'une pauvre enveloppe de 50 millions.

Comptez-vous aider le bio à se développer ou préférez-vous le sacrifier face à votre incapacité à faire respecter l'objectif des 20 % de bio dans les cantines ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre agriculture défaille, mais il n'existe aucune obligation pour les cantines scolaires de donner la priorité aux produits français, ce qui est au mieux absurde et au pire catastrophique. Le levier de la commande publique est pourtant capital pour donner la priorité aux produits français afin de soutenir nos agriculteurs et d'éduquer notre jeunesse à manger équilibré et local. M. Attal a annoncé que des quotas de produits nationaux seront mis en place – encore une victoire idéologique du Rassemblement nationale, qui en parle depuis dix ans – mais une telle mesure est contraire au droit de la concurrence de l'Union européenne. Pour la santé de nos enfants et pour la défense de nos agriculteurs, quand remettrez-vous en cause le droit de la concurrence de l'Union européenne et comment le ferez-vous sans renégocier les traités ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, je reprends des propos que vous avez tenus sur la chaîne CNews : « La souveraineté alimentaire, c'est quoi ? Ce n'est pas l'autarcie, ce n'est pas l'autosuffisance. La souveraineté alimentaire, c'est que nous décidions que sur un certain nombre de filières où nous sommes déficitaires, fruits et légumes, ovins et d'autres filières, nous fassions en sorte de reconquérir cette souveraineté [...]. La souveraineté alimentaire, c'est plus de production française pour avoir plus de produits français [...]. La souveraineté alimentaire, c'est la capacité à reprendre notre destin en main en matière de production agricole [...]. La souveraineté, c'est une souveraineté générale. C'est devenu une arme de guerre [...]. J'ai besoin d'une souveraineté qui permettre de rayonner à travers le monde. »

Vous m'avez perdu avec ces tautologies, sophismes et banalités. Pour moi, la souveraineté alimentaire, c'est quand même l'autosuffisance et un objectif intérieur. Si la souveraineté n'est pas l'autosuffisance, quelle est votre approche des traités de libre-échange ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais que vous nous éclairiez, s'agissant du décret « curage », sur l'articulation entre les agriculteurs ou les maires et l'Office français de la biodiversité (OFB). Jusque-là, les menaces pénales étaient plus dissuasives que l'obligation d'assurer l'entretien courant des fossés et des cours d'eau, pour lesquels l'autorisation d'intervention était particulièrement restrictive.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie d'avoir pris en compte le rapport sur les contrôles opérés dans les exploitations agricoles que j'ai remis avec Anne-Laure Blin. Comme vous, je suis très sensible à la question du contrôle de l'origine des produits agricoles. Comment pensez-vous lutter contre leur francisation et la fraude ? C'est, à l'évidence, une nécessité pour sauver notre agriculture.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, la filière bio vous alerte depuis longtemps. Vous avez dit que vous ne vouliez pas de déconventionnement d'agriculteurs bio, mais il aurait peut-être fallu conserver les aides au maintien. Les exploitants vous disent que 50 millions d'euros sont une aumône – cela représente 800 euros par exploitation – et vous demandent près de 300 millions – 145 euros par hectare pour services environnementaux. Que leur répondez-vous ?

Pour ce qui est du plan Écophyto, vous voulez remplacer le Nodu, indicateur que vous critiquez, par un autre, probablement l'indicateur HRI1, qui est encore plus critiquable, puisqu'il n'ira pas dans le sens d'une réduction et peut créer des contradictions assez fortes. Qu'en sera-t-il ?

Enfin, êtes-vous prêt à instaurer une indemnisation pour les agriculteurs bio qui voient leurs champs contaminés par le prosulfocarbe et d'autres insecticides ou produits problématiques ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour l'action que vous avez menée, auprès du Premier ministre, durant le conflit. Élu d'une circonscription agricole, je serai vigilant, à vos côtés, et j'accompagnerai les politiques publiques qui seront menées dans les mois à venir.

La question de l'eau est centrale. Le barème et les annonces du Président de la République l'ont mise en lumière. Les exploitants attendent à présent des actions dans des domaines concrets, comme celui du stockage, quand il est opportun. Comment mieux accompagner les exploitants et leur donner un cadre clair ? Nous avons besoin, de manière générale, d'une meilleure visibilité dans la chaîne de décision et des acteurs mobilisés. S'agissant de l'utilisation et de la préservation de la ressource, dans quelle mesure pouvons-nous soutenir davantage, au plus près du terrain, ceux qui nous nourrissent ? Ne sous-estimons pas, au-delà des annonces en matière de simplification, ce sujet capital pour notre souveraineté et la pérennité de notre agriculture.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, l'agriculture française souffre d'un très grand mal, le double discours que vous incarnez. Vous prétendez vous être opposé à l'accord avec le Mercosur, alors même que la Commission européenne a confirmé que les négociations se poursuivaient. Pour qui prenez-vous les Français et nos agriculteurs, sinon pour de nouveaux dindons d'une mauvaise farce européenne ? Il faut arrêter : la France doit retirer son accord à tout mandat de négociation au lieu d'attendre tranquillement que les élections européennes soient passées pour signer l'accord, comme vous vous préparez à le faire. Vous vantez, par ailleurs, le taux de 20 % de produits bio dans la restauration collective, mais le maire de Faches-Thumesnil, Patrick Proisy, fait 51 % dans sa commune. Dans la région Pays de la Loire, qui est présidée par Mme Morançais et où votre propre parti, le MODEM, appartient à la majorité, le taux est de moins de 10 %, et même recule. Quand cesserez-vous donc votre double discours ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La Commission européenne a proposé de réviser la directive relative aux émissions industrielles (IED) pour tendre vers la neutralité carbone en 2050 : elle souhaitait inclure un plus grand nombre d'élevages industriels de volailles et de porcs, en abaissant les seuils de classement, et les grandes installations d'élevage bovin. Si ces dernières sont dorénavant exclues, les filières avicoles et porcines risquent d'être sérieusement affectées par de nouvelles contraintes, qui seront coûteuses. On risque ainsi de fragiliser la majorité des élevages à capitaux familiaux en Europe au profit de consortiums agro-industriels. Quelles sont, en la matière, la position du Gouvernement, celle de M. le Président de la République et celle de Mme von der Leyen ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La situation de l'agriculture française, et de la viticulture dans l'Aude en particulier, est explosive ces derniers temps. Nous vous avions pourtant prévenu, à plusieurs reprises. Malgré vos annonces, des zones d'ombre persistent en ce qui concerne la concurrence des vins espagnols. Les viticulteurs ont besoin de clarté, sans quoi les manifestations et les blocages risquent de se multiplier. Plus de 4 millions d'hectolitres de vin sont importés chaque année d'Espagne. Nous savons pourtant que la viticulture espagnole utilise des produits phytosanitaires interdits en France et que le secteur traverse une crise majeure. Monsieur le ministre, comment se fait-il que le vin espagnol puisse entrer sur le territoire français sans aucun contrôle sanitaire ? Agir dans ce domaine serait le moyen de diminuer drastiquement la concurrence déloyale que subissent notamment les viticulteurs du sud de la France, comme chez moi, dans l'Aude.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le secteur agricole a rappelé ces dernières semaines combien les normes et le droit peuvent être difficilement applicables sur le terrain. Par exemple, le coco de Paimpol, qui est une légumineuse aux caractéristiques gustatives exceptionnelles, a presque toujours été vendu dans des filets en plastique, du fait de son humidité. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) exige que l'on se tourne désormais vers le carton afin de réduire les emballages en plastique. Le secteur a donc lourdement investi pour adapter les conditionnements, mais la loi s'applique difficilement au coco, dont l'humidité ne permet pas une bonne conservation dans des emballages en carton. De la même manière, imposer des chaussures de sécurité aux plumeurs de coco – il faut vraiment ne jamais avoir plumé de coco pour faire une préconisation pareille… –, indépendamment du risque identifié dans les exploitations, apparaît disproportionné : ce n'est pas adapté au terrain. Le secteur agricole attend des simplifications : beaucoup, dans les barrages, me l'ont dit. Nous devons nous interroger, en tant que législateurs, sur l'applicabilité des normes que nous votons. Comment envisagez-vous de simplifier la déclinaison opérationnelle des normes, y compris pour le coco de Paimpol ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai une question pragmatique sur les conséquences des contraintes sanitaires liées à la MHE. Depuis le sommet de l'élevage de Cournon, début octobre, l'ensemble des bovins reproducteurs, notamment ceux de race limousine vendus par des éleveurs-sélectionneurs corréziens, sont bloqués dans les fermes et ne peuvent être exportés. Seules certaines organisations de producteurs peuvent aller au bout du processus de vente, en plaçant quelques animaux en quarantaine, en zone indemne, après avoir respecté le protocole sanitaire défini par le GD, le Groupement de défense sanitaire.

Si le décret qui a été publié permet de prendre en charge les frais vétérinaires, il mériterait d'être élargi à l'ensemble des frais inhérents à la quarantaine et au transport en zone indemne, afin d'atténuer les frais supplémentaires à la charge des éleveurs. La MHE risquant de s'installer durablement, il est primordial qu'un protocole européen unique, calqué sur le modèle qui s'applique déjà aux exportations de broutard, soit mis en place.

Monsieur le ministre, prévoyez-vous d'indemniser les frais de quarantaine ? Un protocole unique au sein de l'Union européenne enverrait, de plus, un bon message à nos agriculteurs. Qu'en pensez-vous ? Enfin, un accord entre la France et le Portugal est sur le point d'être conclu. Où en est-on ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, depuis le début de cette audition, votre position, plus qu'ambivalente sur de nombreux points, est l'aveu clair de l'ambiguïté de vos annonces, qui va se traduire, je le crains, par un sentiment de trahison chez les agriculteurs. Vous aviez reconnu en novembre dernier, devant la commission d'enquête sur les produits phytosanitaires, les échecs des plans Écophyto, qui reposent sur un indicateur, le Nodu, totalement tronqué. Je vous avais expliqué les problèmes de cet indicateur, mais vous aviez refusé l'idée de le modifier. Deux mois et une crise agricole plus tard, vous acceptez enfin de le changer. Allez-vous retenir l'indicateur européen HRI1, qui montre une baisse de 35 % en dix ans de l'usage des phytos en France, tout simplement parce que nous avons diminué de 96 % l'usage des CMR1, c'est-à-dire les produits les plus dangereux ? Mme von der Leyen a annoncé, par ailleurs, le retrait du règlement SUR. Dans ce contexte, allez-vous abandonner le plan Écophyto, qui représente une surtransposition majeure et une distorsion de concurrence gravissime pour l'agriculture française ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il existe une solution très simple pour les indicateurs et les types de substances utilisés : c'est de passer à l'agriculture biologique. Le Parlement a voté 271 millions d'euros d'aide d'urgence pour l'agriculture biologique, mais vous avez remis en cause cette aide avec votre recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution. Les parlementaires vous posent des questions très claires, auxquelles vous répondez que vous allez organiser une réunion. Une catégorie d'agriculteurs n'est pas prise en considération, celle du bio, alors que nous nous trouvons dans une situation d'urgence absolue pour l'emploi, pour les filières et pour le vivant, qui a besoin de pratiques vertueuses. Sans vers de terre, sans pollinisateurs, sans agricultrices et agriculteurs, entendre assurer notre souveraineté alimentaire est une mystification.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis ravie de savoir que le rapport sur les contrôles dans les exploitations agricoles vous a inspiré. Nous l'avons voulu très concret, et il émane du terrain. Le placement des contrôles sous la tutelle du préfet est primordial, de même que le désarmement des agents de l'OFB, évoqué par le Premier ministre.

Ma question porte sur la multiplicité des normes. Il existe très clairement des fondements juridiques distincts, qui peuvent conduire à une appréciation différente de la conformité de situations ou d'actes identiques. C'est notamment le cas pour la gestion des haies et des cours d'eau. Il est donc primordial d'accorder aux agriculteurs, dans notre droit interne, un droit à l'erreur. Dans quelle mesure retiendrez-vous cette proposition issue de notre rapport ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, quand cesserez-vous votre double discours ? Lors des manifestations des agriculteurs, vous avez promis de revenir sur les surtranspositions de règles européennes. La filière betterave-sucre, dont 70 000 emplois dépendent en France, demande ainsi d'être soumise aux mêmes règles que ses voisins en matière de pesticides. L'interdiction par la France de l'acétamipride pour la betterave est idéologique : son usage est potentiellement dangereux pour les abeilles, mais tout le monde sait – et les apiculteurs le disent – que les abeilles ne vont pas sur les betteraves, car celles-ci sont récoltées avant leur floraison.

Pourquoi refusez-vous obstinément de réintroduire l'usage de l'acétamipride, comme je l'ai demandé dans une proposition de loi, en attendant des solutions alternatives ? Que proposez-vous ? Les chèques visant à pallier les pertes que vous faites subir aux betteraviers représentent un coût pour la France, alors que cette filière a pour vocation de créer de la richesse. En 2020, faute de solution face à la jaunisse de la betterave, la filière a déjà vacillé après avoir perdu 30 % des récoltes. Assumez-vous de sacrifier notre filière sucrière au profit de nos concurrents étrangers, au risque de tuer tout un équilibre local et d'aggraver le déficit record de la balance commerciale ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez annoncé, la semaine dernière, la mise en pause du plan Écophyto, qui avait été prolongé à plusieurs reprises depuis 2008. Je vous ai donc remis vendredi dernier, lors de votre venue dans ma circonscription, le livre Secrets toxiques, qui porte sur les dangers des pesticides.

Vous dites chercher « une alternative crédible » pour réduire l'usage de ces produits, qui sont à l'origine de cancers chez les paysans et les riverains et de la disparition massive des insectes, lesquels sont la base de la chaîne alimentaire et rendent les sols vivants, donc nourriciers. Pourquoi chercher une alternative crédible pour la sortie des pesticides alors que celle-ci est simple : ne pas laisser entrer des produits qui ne respectent pas les mêmes normes sociales et environnementales qu'en France. Il est vital d'éviter un nivellement par le bas.

Quel est le coût pour l'environnement et la société de la mise en pause qui a été décidée ? Par ailleurs, pouvez-vous nous dire quels sont les gains des fabricants de pesticides, en particulier de glyphosate, sur le marché français ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La principale revendication des agriculteurs, exprimée avec force ces dernières semaines, est la revalorisation de leurs revenus, par la juste rémunération de leur travail. Au même titre que tous les chefs d'entreprise, les agriculteurs aspirent à vendre à vendre leurs produits à un prix qui puisse couvrir les coûts de production. C'est une aspiration légitime à laquelle n'ont pas répondu pleinement les lois Egalim, constat dont je ne me réjouis pas.

C'est particulièrement vrai s'agissant des éleveurs, et plus encore ceux du Cantal et du Massif central, qui peuvent pourtant se prévaloir d'un modèle très vertueux, reposant sur des prairies naturelles qui contribuent efficacement à la fixation du carbone. L'élevage doit pouvoir bénéficier de mesures concrètes et fortes. Cela n'apparaît pas clairement à la lecture de vos premières propositions, mais vous allez certainement me rassurer. Êtes-vous disposé à inclure parmi les mesures que vous envisagez de mettre en œuvre un plan ambitieux en faveur de ce qui est, selon le manifeste soutenu par les élus du Massif central, un « élevage vertueux et durable » ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, vous connaissez bien l'agriculture méditerranéenne et vous savez que les Bouches-du-Rhône sont le département où la production maraîchère est la plus importante. Nous subissons en région Paca – Provence-Alpes-Côte d'Azur –, comme en Corse et en Occitanie, de graves pénuries de main-d'œuvre. Dans les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, certains métiers sont classés en tension dans les filières du maraîchage, de l'arboriculture et de la viticulture. À la suite de la promesse de révision du décret de 2021 relatif aux métiers en tension, qui avait été faite par Olivier Dussopt en novembre dernier, vous avez récemment fait des annonces. Pouvez-vous nous dire quand pourra être révisée la liste des métiers en tension et si la région Paca pourra en bénéficier pour ses filières maraîchères, arboricoles et viticoles ?

La moyenne d'installation est de 38 ans dans notre région. Le plafond d'âge de la DJA, la dotation jeunes agriculteurs, fixé à 40 ans, ne devrait-il pas être relevé, au moins pour certaines régions ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il aura fallu un soulèvement du monde agricole pour que le ministre de l'économie mobilise cent agents de la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – pour contrôler l'application des lois Egalim, comme l'avaient demandé Nicole Le Peih et l'excellent Grégoire de Fournas dans leur rapport de juillet 2022. Depuis le début de l'application des deux lois Egalim, qu'il s'agisse de la non-négociabilité de la matière première agricole ou de l'interdiction des prix dits abusivement bas, nous n'avons jamais entendu parler de contrôles ou de sanctions. Pouvez-vous nous dire clairement si des contrôles ont été effectués avant 2024 et, le cas échéant, quel en a été le nombre ? Vous avez annoncé que trois entreprises allaient être sanctionnées. Pourriez-vous le confirmer et indiquer à la représentation nationale les noms de ces entreprises ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, je réagis à vos propos selon lesquels trop d'écologie risquerait de diminuer notre production agricole. Cela me paraît une vision assez passéiste de l'agriculture : la modernité consiste à atteindre une double performance, économique et environnementale. Vous savez très bien que des réseaux de développement, comme les Civam – centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural –, le Cedapa – Centre d'étude pour un développement agricole plus autonome – ou les chambres d'agriculture, travaillent sur des techniques et des technologies permettant de concilier ces deux objectifs.

Les associations de céréales et de protéagineux conduisent ainsi à des rendements supérieurs à ceux du blé pur, la diversification de la rotation des cultures sur dix ans permet de diminuer les intrants chimiques par deux, tout en ayant à peu près le même rendement, et le 100 % herbager assure, grâce au pâturage tournant dynamique, plus de valeur ajoutée, plus d'emploi et plus de préservation de l'environnement, en diminuant, par ailleurs, les importations d'engrais azotés, ce qui est bon pour la balance commerciale. Vous n'avez en tête que la robotique, la génétique et le numérique : à quel moment allez-vous, enfin, mener une politique de soutien à l'agroécologie ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'Espagne est entrée en 1986 dans la Communauté économique européenne. Il y a un an, le traité d'amitié entre la France et l'Espagne était signé à Barcelone. Notre amitié avec ce pays est un bien précieux, mais elle est en danger quand nos partenaires espagnols voient attaqués sous leurs yeux leurs produits agricoles, que ce soit dans les barrages routiers ou sur les plateaux de télévision.

Grâce à l'Europe, l'Espagne respecte les mêmes critères que la France pour la production bio. Par ailleurs, la consommation moyenne de pesticides par hectare de terre agricole en Espagne est inférieure d'un quart à la moyenne française. Ensuite, n'oublions pas que si nous achetons chaque année 9 milliards d'euros de produits espagnols, la France reste le premier fournisseur de l'Espagne : nos agriculteurs lui vendent chaque année 6 milliards d'euros de produits, surtout du maïs, du blé tendre, des produits laitiers, du fromage, des poissons, des crustacés et des animaux vivants.

Ma question est à la fois simple et complexe : comment convaincre ceux qui, comme Ségolène Royal et d'autres ici, nient l'importance de l'intégration au marché européen de renoncer à leur discours protectionniste rétrograde ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'une des grandes revendications de la mobilisation agricole portait sur les traités de libre-échange, qui placent nos agricultures face à une concurrence déloyale. Le Premier ministre a répondu très partiellement à cette revendication en évoquant, au sujet du traité de libre-échange avec le Mercosur, une posture provisoire. Que pourriez-vous nous dire des traités avec la Nouvelle-Zélande, le Kenya et le Chili, pour lesquels les députés européens du groupe Renew ont voté et au sein desquels vous avez été incapables de négocier l'ajout de clauses miroirs ?

Plus généralement, votre position à l'égard du traité de libre-échange avec le Mercosur n'est-elle qu'une légère inflexion visant à calmer temporairement les agriculteurs ? Comptez-vous continuer à soutenir les traités de libre-échange et la concurrence déloyale qui s'exerce au détriment de l'agriculture française ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'avant-projet de loi d'orientation agricole comportait un volet installation, mais pas de volet transmission. Au vu de ce qui est en train de se passer dans l'agriculture, êtes-vous favorable à des mesures simples pour favoriser la transmission dans le cadre familial, c'est-à-dire des exonérations avec des contreparties, sur dix ou quinze ans, du même type que celles prévues par la loi Dutreil ?

On vous a posé beaucoup de questions, mais fort peu étaient réellement de fond. Le président de Coop a posé la grande question hier soir : quelles sont les principales mesures à prendre pour assurer la compétitivité des différentes filières agricoles de la France ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis l'été 2022, les Pyrénées-Orientales ont subi plusieurs épisodes de sécheresse exceptionnelle qui ont conduit à des mesures de restriction de l'usage de l'eau. La production départementale de vin et le rendement des vignes sont à leur plus bas niveau historique, et la trésorerie de nombreuses exploitations viticoles est fragilisée par la baisse significative de la production.

Je vous avais alerté en décembre 2023 sur la nécessité d'instaurer en urgence une aide exceptionnelle « sécheresse » pour compenser la baisse de trésorerie d'exploitations viticoles. Les viticulteurs de mon département constatent maintenant avec stupeur que seul 1,9 million d'euros leur est attribué, quand les besoins s'élèveraient à 10 millions. Le monde viticole catalan ne saurait se contenter de 80 euros par hectare, alors que ses rendements sont les plus faibles de France. Monsieur le ministre, quelle réponse concrète et immédiate avez-vous à apporter à ces viticulteurs qui souffrent ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est un député de Vaucluse, cinquième département le plus pauvre de France, qui vous parle. Nous sommes en train de perdre la lavande, la cerise et peut-être, demain, la fraise, parce que les produits phytopharmaceutiques nécessaires pour lutter contre les ravageurs sont interdits et ne sont pas remplacés. Ma question porte sur le rôle de l'Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) qui se cantonnait initialement à conseiller, sur le plan scientifique, le ministre concerné, à charge pour lui de prendre la décision politique de limiter ou d'interdire l'usage d'un produit. Depuis 2015, cet organisme a un pouvoir décisionnaire, notamment pour les produits phytopharmaceutiques utilisés par l'agriculture, et agit désormais de sa propre autorité, ce qui veut dire que le scientifique a pris le pas sur le politique. Monsieur le ministre, comptez-vous reprendre la responsabilité politique des décisions d'interdiction et, dans l'immédiat, allez-vous accorder des dérogations en cas d'impasse technique ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais poser une question de Pascal Lavergne, qui nous suit depuis son lit d'hôpital et pour qui nous avons donc une pensée. Notre collègue travaille avec Jean-Luc Fugit sur une proposition de loi visant à sortir du domaine de l'expérimentation, pour la rendre définitive, la possibilité de traiter par drone les vignobles en pente et les plantations de bananiers. Selon les investigations de nos collègues, l'article 82 de la loi Egalim ressemble fort à une surtransposition du droit européen. Seriez-vous ouvert, monsieur le ministre, à un travail sur ce sujet ? Les vignerons, les planteurs de bananiers et les ouvriers qui appliquent les traitements permettant de lutter contre certaines maladies affectant leurs cultures attendent des mesures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons tous été témoins, ces dernières semaines, de la forte mobilisation des agriculteurs partout en Europe : ils ont exprimé leur colère de ne pas pouvoir vivre de la vente de leur production. Je tiens à saluer la mobilisation du Gouvernement, en particulier la vôtre, monsieur le ministre, qui a permis de répondre rapidement et efficacement aux légitimes inquiétudes des agriculteurs français. Leur mouvement de colère est également lié à des facteurs européens, tels que les distorsions de concurrence et le recours des grandes centrales d'achats européennes à des contournements de la législation française.

Celle-ci, depuis les lois Egalim 1 et 2, vise à garantir un prix minimum d'achat aux agriculteurs français, qui pâtissent souvent de la guerre des prix entre la grande distribution et les fournisseurs de l'agro-industrie. Dans ce contexte, le Président de la République a annoncé jeudi dernier, depuis Bruxelles, qu'il souhaitait la mise en place d'un Egalim européen pour garantir la rémunération des agriculteurs au juste prix et faire de l'agriculture une exception française. Pouvez-vous nous dire quelles pourraient être les grandes lignes du projet d'Egalim européen ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question porte sur la prédation, toujours aussi présente en Auvergne-Rhône-Alpes, des loups, dont le nombre est visiblement sous-estimé par l'OFB. Le département de la Haute-Savoie a financé et mené, en lien avec la fédération des chasseurs, une étude qui évalue la population de loups à un nombre compris entre 80 et 105 dans notre territoire.

Compte tenu du désarroi, de la détresse de nos agriculteurs, quel est votre plan d'action pour sauvegarder l'élevage de montagne ? Entendez-vous soutenir un déclassement du loup qui ferait passer celui-ci du statut d'espèce strictement protégée à celui d'espèce protégée au niveau européen ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je dois vous dire, monsieur le ministre, que j'ai très profondément le sentiment que vous avez, en répondant par le bas à la crise, lâché les fauves. On met aujourd'hui en cause l'autorité scientifique, on dit que l'agroécologie est une option, et on est prêt, au nom de la souveraineté alimentaire, à faire à peu près n'importe quoi. Sur le plan de la bataille culturelle, les dernières semaines ont été un désastre.

Je vous invite, notamment sur la base des travaux de la commission d'enquête sur les pesticides, qui reposent exclusivement sur des données scientifiques, certifiées par des pairs, et sur des rapports produits par le Gouvernement lui-même, à engager un dialogue qui ne soit pas une manipulation et à regarder, point par point, en matière de phytopharmacie, comment on pourrait concilier production alimentaire, santé environnementale et santé humaine. Nous avons fait vingt-six propositions, qui visent en particulier à mettre en place un indicateur européen de qualité, correspondant à un cahier des charges.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En bon gascon, je suis un peu capbourrut, c'est-à-dire têtu. Monsieur le ministre, nous vous avons envoyé trois courriers depuis juillet dernier, et je vous ai interpellé en commission, ainsi que dans l'hémicycle, par des amendements, mais vous n'avez toujours pas répondu au sujet du budget dédié au mildiou. Le Gers est touché et a besoin de 25 millions d'euros. Or, selon vos derniers courriers, 5 millions sont prévus pour le département. Comment faisons-nous pour accompagner les agriculteurs, qui sont largement touchés ? Les 80 millions qui sont prévus au total doivent aussi couvrir des problèmes dans l'Hérault ou l'Aude où c'est plutôt la sécheresse qui est en cause. Il faut donc des engagements beaucoup plus forts.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Personne ne compte sacrifier l'agriculture biologique, madame Chikirou. La question n'est pas là.

M. Lopez-Liguori m'a demandé comment imposer aux cantines scolaires d'avoir recours en priorité aux produits français. Si nous le faisions, je suis certain qu'il ferait partie de ceux qui diraient ensuite qu'il faut que l'État accorde des moyens pour permettre aux collectivités de respecter cette nouvelle obligation. Il va falloir choisir : soit la libre administration, soit la tutelle. On ne peut pas avoir les deux. On peut certes dire que l'on ne respecte pas les règles quand elles ne nous conviennent pas ; après tout, c'est une position qui peut s'assumer. On peut aussi choisir de sortir de l'Union européenne. Demandez aux Anglais ce qu'ils en pensent. Je ne crois pas qu'ils en aient tiré une position plus avantageuse…

Monsieur Pilato la souveraineté alimentaire signifie être capable de nourrir sa population ; mais c'est aussi le fait de savoir que, par sécurité, d'autres sont en mesure de nous nourrir en cas de mauvaise récolte. Prenez l'exemple des Espagnols : l'an passé, ils n'ont pas pu couvrir leurs besoins en céréales en raison de la sécheresse. Il faut donc être capable d'échanger avec d'autres acteurs, pour garantir notre souveraineté alimentaire et la leur. On ne peut s'en tenir à une logique d'autarcie. La souveraineté alimentaire ne saurait être réduite à l'autosuffisance, car en agriculture le rendement n'est jamais le résultat mécanique des facteurs de production. On peut avoir un rendement de 20 quintaux une année et de 80 l'autre, mais on ne peut jamais garantir qu'il sera de 50 quintaux. La réalité biologique fait que cela ne marche pas comme ça. Si vous croyez que vous pourrez toujours compter sur ce rendement de 50 quintaux, il est garanti sur facture que tôt ou tard vous subirez une famine – il suffit d'étudier l'histoire pour le savoir.

M. Martineau m'a interrogé au sujet de la lutte contre la francisation de produits et contre les fraudes. Il faut réaliser davantage de contrôles dans les grandes surfaces, mais aussi s'en prendre à certaines pratiques destinées manifestement à tromper le consommateur, notamment dans le domaine du vin.

M. Fournier m'a posé une question sur les aides au maintien. Je rappelle qu'elles ont été compensées par un crédit d'impôt d'un montant au moins équivalent et qu'il ne s'agit donc pas d'un débat d'ordre budgétaire. Beaucoup de chiffres ont été brandis par les uns ou par les autres, mais je rappelle que la difficulté principale de l'agriculture biologique réside dans la baisse de 1,5 milliard de son chiffre d'affaires au niveau national. Résoudre cette crise passe par une relance de la consommation, faute de quoi on ne se contentera que de réagir. Je répète qu'un travail est en cours avec les acteurs de la filière. C'est un élément important.

M. Perrot a eu raison de m'alerter sur la question de l'eau. Il faut procéder à des mesures de simplification, mais aussi tirer les conclusions du développement de l'arythmie climatique. Alors que les inondations se répètent dans le Pas-de-Calais, l'ancien Languedoc-Roussillon connaît une sécheresse depuis trois ans. La manière de gérer le cycle de l'eau doit donc être repensée. Cela ne veut pas dire qu'il faut tout miser sur les réserves d'eau, même si l'on en a besoin. Je rappelle que, dans l'Aude, les Pyrénées-Orientales et l'Hérault, les réserves sont à sec. Il faut donc travailler à un système résilient et capable de faire face à plusieurs années sans eau, avec des réserves mais aussi en s'inscrivant dans un cycle long.

Je souhaite rassurer M. Tavel : le MODEM ne fait pas partie de la majorité de Mme Christelle Morançais dans la région Pays de la Loire. Nous avions élaboré une autre liste – je m'occupe un peu des élections au sein de mon parti, donc je sais à qui nous avons donné notre investiture. En l'occurrence, c'est M. de Rugy qui était tête de liste dans cette région, et vous auriez pu en citer beaucoup d'autres où les objectifs fixés par la loi Egalim n'ont pas été atteints – y compris certaines régions où vous gouvernez en participant à la majorité. Il faut donc que nous fassions un effort collectif et c'est un choix politique me semble-t-il important.

Monsieur Barthès, vous ne pouvez pas faire des reproches aux Espagnols. Je suis d'accord avec M. Vojetta sur ce point. On entend des discours absolument toxiques vis-à-vis de l'Espagne. Pourtant, il a suffi que je téléphone à mon homologue espagnol pour qu'il accepte de déroger à sa réglementation nationale à propos de la MHE. Il aurait pu bloquer nos bovins à la frontière, et vous imaginez les dégâts que cela aurait provoqués dans la filière ; il ne l'a pas fait.

Il faut donc faire attention à ne pas jeter l'opprobre sur nos partenaires. Nous n'avons à n'en prendre qu'à nous-mêmes en matière de surtranspositions. C'est la raison pour laquelle nous travaillons pour les identifier, définir des mesures de simplification et peser sur la trajectoire européenne.

Ensuite, un certain nombre d'acteurs – dont certains, disons-le, sont français – profitent de la crise pour faire rentrer des vins d'Espagne. Nous allons nous pencher sur cela et procéder à des contrôles. Chacun doit prendre ses responsabilités. Je suis d'accord avec votre constat, mais n'allons pas dire que c'est la faute des Espagnols.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Excusez-moi, mais c'était bien le sens de votre propos.

J'en viens au coco de Paimpol, cher à M. Bothorel, car c'est un exemple typique. Tout le monde a trouvé la loi Agec formidable. Résultat : c'est une très belle surtransposition. Chacun doit prendre sa part de responsabilité, car cette loi a été adoptée à une très large majorité. De surcroît, une nouvelle réglementation européenne est en préparation. Il faut espérer qu'elle correspondra à la nôtre… C'est pour cela que je ne suis pas d'accord avec M. Potier : il ne suffit pas de s'enorgueillir d'une réglementation française qui serait tellement mieux-disante et de ne pas s'occuper de ce qui existe ou se prépare au sein de l'Union européenne. Si la réglementation européenne change, il faudra demander de nouveau aux producteurs de fruits et légumes de changer leur matériel. C'est bien cela qui est toxique dans le processus de surtransposition ; d'où le travail en cours sur la simplification, qui ne concerne pas seulement les conséquences de la loi Agec.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et s'agissant des chaussures de sécurité ?

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Il s'agit d'un autre sujet, qui relève de la réglementation de la santé au travail.

M. Dubois m'a interrogé au sujet des exportations de bovins.

Nous travaillons avec l'Union européenne pour alléger les procédures et rendre les choses plus fluides. C'est nécessaire car si la MHE était jusqu'à présent classée comme maladie émergente très peu présente en Europe, il est certain qu'elle va s'étendre – y compris dans les latitudes plus élevées.

Nous continuons à travailler à un accord bilatéral avec le Portugal, mais aussi avec l'Algérie car il s'agit d'un marché important. Si l'essentiel des échanges concerne l'Espagne et l'Italie, il faut malgré tout se préoccuper des débouchés dont les volumes sont plus réduits, sous peine de voir des concurrents y prospérer et déstabiliser le marché.

Monsieur de Fournas, les annonces ne sont pas ambiguës, y compris celles qui concernent la simplification. Mais il n'est pas si facile de simplifier des réglementations qui datent parfois de quinze, vingt, voire trente ans. En outre, d'un point de vue factuel, le plan Écophyto n'est pas une surtransposition. Il résulte de l'application d'une directive européenne. N'accusons pas ce plan d'être ce qu'il n'est pas.

Madame Blin, le Premier ministre a annoncé la limitation à un seul contrôle administratif par exploitation et par an. La question du contrôle concerne aussi le droit à l'erreur. Ce dernier nécessite des améliorations législatives, mais il faut aussi se pencher sur la manière dont les contrôles sont pratiqués, en privilégiant l'avertissement à la sanction immédiate. Cela vaut pour toute une série de contrôles, et pas seulement pour ceux réalisés par l'OFB. Le droit à l'erreur est désormais reconnu pour bénéficier des aides de la PAC, ce qui rend d'ailleurs plus complexes et plus longues les procédures de versement de ces aides.

J'ai déjà répondu en partie à la question de M. Vojetta et je n'y reviens pas. Les Espagnols ont adhéré depuis longtemps à l'Union européenne et ils ont été très actifs avec nous sur de nombreux sujets. Nous avons grandement besoin de partenaires. Merci pour ce que vous faites afin d'approfondir cette relation de confiance.

M. de Courson a évoqué la transmission des exploitations. Certaines mesures figureront dans le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, mais leur traduction budgétaire relève d'un projet de loi de finances. Le mécanisme Dutreil semble être assez peu opérant, mais nous aurons l'occasion d'en débattre. Dans le cadre de la concertation sur le pacte agricole et sur le projet de loi précité, il a été prévu que le réseau France Services agriculture jouerait un rôle pour faciliter la transmission des exploitations.

Madame Sabatini, vous pourrez témoigner du fait que nous n'avons pas du tout laissé tomber les Pyrénées-Orientales pendant la sécheresse.

Tout d'abord, nous avons travaillé sur la question de l'eau et pris les décisions nécessaires, avec le préfet de l'époque, pour que les agriculteurs ne se retrouvent pas désemparés – ce qui était le grand risque. Ensuite, nous avons consacré 2 millions d'euros à la prise en charge des cotisations sociales, 1 million à l'élevage et 6 millions au titre de la réserve de crise agricole – notamment pour l'arboriculture.

S'agissant de la viticulture, le Gouvernement a mis en place un fonds d'urgence de 80 millions. La répartition de ces fonds doit être opérée en fonction des volumes produits, ce qui en première analyse ne favorise pas les viticulteurs des Pyrénées-Orientales. Mais je rappelle que, sur ce total de 80 millions, 9 millions ont été placés en réserve et sont destinés à répondre par exemple aux besoins des viticulteurs des Pyrénées-Orientales. Je peux vous dire avec sérénité que nous n'avons pas abandonné ce département et que nous n'abandonnerons pas davantage les autres viticulteurs – y compris au cours de cette année qui s'annonce compliquée.

Cela me permet de répondre à M. Taupiac. Il a mentionné de nombreux montants d'aide qu'il juge nécessaires. Mais on ne peut pas m'annoncer simplement qu'il faut 20 millions ou même 1 milliard ; les besoins doivent être documentés. Nous avons essayé de répondre au problème du mildiou, qui n'était pas couvert par les assurances. Je suis très heureux que nous ayons décidé de prendre en compte les pertes liées à cette maladie et nous allons étudier les dossiers.

M. Lecamp a abordé la question des drones. Nous avons mené une expérimentation dont les résultats sont plutôt favorables et l'emploi des drones fera l'objet d'une mesure législative. Je vois bien la crainte que les drones suscitent. Mais dès lors que leur utilisation est encadrée, je ne vois pas pourquoi nous nous priverions de cette technologie. Il serait regrettable de ne pas tenir compte d'une expérimentation conclusive.

Vous m'avez posé une question sur l'extension d'Egalim à l'échelle européenne qui nécessiterait une réponse d'une heure, monsieur Girardin. Cela doit être un tropisme marnais, car il en était de même pour la question de M. de Courson au sujet de la compétitivité des filières agricoles. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Il faut s'inspirer de la loi Egalim pour que les règles européennes protègent la rémunération des producteurs de matière première agricole.

Je serais bien en peine d'entrer dans le détail du comptage des loups, madame Duby-Muller, car cela nécessite des expertises et des contre-expertises. Nous travaillons d'ailleurs sur la manière de réaliser ces comptages, ne serait-ce que pour disposer d'un indicateur qui soit de même nature à l'échelle européenne, afin de ne pas mélanger les choux et les carottes.

Ensuite, nous avons réalisé un travail assez profond avec le plan Loup, y compris en ce qui concerne les indemnisations, la simplification des protocoles de tir et le statut de l'espèce – dossier qui n'avait jamais été ouvert. Les États membres seront appelés à délibérer sur l'opportunité d'un passage de la catégorie « strictement protégée » à la catégorie « protégée ». Cela autoriserait des mesures de gestion de la population d'une autre nature, car cette espèce a atteint un niveau de population satisfaisant pour sa conservation et son intégrité génétique. Avec d'autres États, nous avons fait en sorte que la question soit posée. Nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin, mais nous avons avancé.

Monsieur Potier, personne n'a ouvert les vannes. Comment expliquez-vous que des manifestations similaires ont eu lieu en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Grèce et en Pologne ? Il faut tout de même se poser des questions quand autant d'agriculteurs disent que la sédimentation des normes leur pose des problèmes. Il faut peut-être les écouter, car ils n'ont pas forcément tort.

Ce n'est pas seulement une affaire française et d'ailleurs la coalition au pouvoir en Allemagne – que vous soutenez – a eu la même réaction que nous. Tous mes homologues européens disent que la PAC est trop compliquée et que nos règles sont inapplicables. Regarder la réalité en face – et je suis certain que nous pouvons le faire ensemble – ne signifie pas ouvrir les vannes.

Il arrive un moment où l'on ne peut pas rester complètement sourd quand des gens de bonne foi nous disent qu'ils ne savent plus comment faire pour produire.

Permalien
Marc Fesneau, ministre

Comme vous le savez, j'essaie de faire le tri entre les arguments.

Un problème d'accès à l'eau existe dans les Pyrénées-Orientales. Il va bien falloir lui trouver une solution, tout en proposant un modèle de cultures plus résilient. C'est d'ailleurs valable dans de nombreux départements. On ne peut pas se contenter du statu quo et dire que l'on ouvre les vannes simplement parce que nous essayons d'écouter les problèmes réels qui sont soulevés. Ces derniers sont liés à un contexte géopolitique, mais aussi climatique. Sur ce point, quelque chose doit aussi changer.

La PAC a été conçue sans que l'on pense au dérèglement climatique. Quant à la loi sur l'eau de 1992, elle ne traite nullement de l'arythmie des précipitations. Ce n'est pas une insulte. Simplement, le contexte est différent et on fait fausse route si l'on n'est pas capable d'adapter nos politiques en conséquence.

Je fais ma part de travail, mais il faut que nous agissions collectivement. Faute de quoi on montrera aux agriculteurs que l'on est totalement sourd et aveugle face à des réalités qui s'imposent à nous.

Il y a en effet des gens qui ne veulent pas en passer par la transition écologique. Mais l'immense majorité des agriculteurs la souhaite, car ils ne veulent pas qu'on les montre du doigt ou qu'on les laisse dans une impasse – comme cela a trop longtemps été le cas. Il vaut donc mieux les accompagner.

Informations relatives à la commission

1/ La commission a créé la mission d'évaluation à 3 ans de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite « EGALIM 2 ». Elle a nommé comme rapporteurs M. Frédéric Descrozaille (RE) et Mme Anne-Laure Babault (MODEM) pour la majorité et de Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES) et M. Julien Dive (LR) pour l'opposition,

2/ Elle a nommé M. Stéphane Vojetta (RE) rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (n° 2041), pour lequel la commission des lois a sollicité l'avis de la commission des affaires économiques sur 7 articles ( 1er, 2, 3, 18, 19, 33 et 34).

3/ Elle a nommé M. Christopher Weissberg (RE) rapporteur sur la proposition de loi visant à instaurer la transparence sur la fabrication des plats servis en restauration (n° 2099).

4/ Elle a nommé M. Luc Lamirault (Renaissance), Mme Sophie Panonacle, et MM. Stéphane Delautrette (SOC) et Hervé de Lépinau (RN) rapporteurs de la mission d'application de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie,

5 / Elle a, enfin, nommé M. Bastien Marchive (Renaissance) et Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES) rapporteurs de la mission d'application de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 17 h 30

Présents. – Mme Anne-Laure Babault, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, Mme Anne-Laure Blin, M. Éric Bothorel, Mme Maud Bregeon, M. Sylvain Carrière, M. André Chassaigne, Mme Sophia Chikirou, M. Julien Dive, M. Francis Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, M. Grégoire de Fournas, M. Charles Fournier, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, M. Alexis Izard, M. Guillaume Kasbarian, M. Luc Lamirault, Mme Hélène Laporte, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, M. Éric Martineau, M. Nicolas Meizonnet, M. Paul Midy, M. Nicolas Pacquot, Mme Sophie Panonacle, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. René Pilato, M. Dominique Potier, M. Charles Rodwell, Mme Anaïs Sabatini, M. Benjamin Saint-Huile, M. David Taupiac, M. Matthias Tavel, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Stéphane Vojetta

Excusés. – Mme Christine Engrand, M. Perceval Gaillard, M. Guillaume Garot, Mme Julie Laernoes, M. William Martinet, M. Max Mathiasin, Mme Louise Morel, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. – M. Christophe Barthès, M. Mickaël Cosson, M. Charles de Courson, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Martine Froger, M. Timothée Houssin, M. Pierre Vatin