Intervention de Delphine Batho

Réunion du mercredi 7 février 2024 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

« Le degré de certitude d'ores et déjà acquis sur les effets des produits phytopharmaceutiques commande de prendre des mesures fortes et rapides sauf à engager la responsabilité des pouvoirs publics » : cette phrase, extraite d'un rapport de décembre 2017 rédigé par des inspecteurs de votre ministère, conjointement avec des inspecteurs du ministère de l'écologie et du ministère de la santé, est une manière, pour ces fonctionnaires, de montrer qu'ils ont pris leur responsabilité et que la responsabilité est désormais politique. La réduction de l'utilisation des pesticides est inscrite dans la loi. Vous avez pourtant décidé de mettre cette trajectoire en pause et de casser le thermomètre en trafiquant les indicateurs – eau, haies, pesticides, tout y passe ! Ce reniement vient de loin : l'échec du plan Écophyto, le renoncement à l'interdiction du glyphosate et la loi autorisant les néonicotinoïdes sont éloquents.

Nous assistons au hold-up des firmes de l'agrochimie, dont vous êtes les serviles serviteurs, sur les revendications des agricultrices et des agriculteurs, que nous soutenons. Nous les avons écoutés sur les barrages et sur les ronds-points : « Le ministère de l'agriculture me doit 38 000 euros d'indemnisation de la grippe aviaire. » ; « Le ministère de l'agriculture a réduit l'enveloppe dédiée aux mesures agroenvironnementales dans le Poitou-Charentes. » ; « Le ministère de l'agriculture me doit 48 000 euros d'aides en tant qu'agriculteur biologique. ». Nous les avons également entendus dénoncer les accords de libre-échange que vous avez soutenus et que nous avons combattus : « Les camions qui circulent ici transportent du persil du Venezuela, des kiwis du Portugal et des poulets du Brésil ». Ils et elles remettent en cause le modèle productiviste qui sème la misère dans les fermes et la faim dans les ventres à l'autre bout de la chaîne et qui détruit la nature, tout autant que les femmes et les hommes que sont les travailleuses et les travailleurs de la terre. Cette colère du monde paysan, que nous soutenons, ne demande pas une politique d'empoisonnement alimentaire, mais de la cohérence, comme celle de nos amendements nos 1453 ou 897 au projet de loi Egalim de 2018 qui proposaient l'interdiction de l'importation et de la commercialisation de produits traités avec des pesticides interdits dans l'Union européenne et en France.

Monsieur le ministre, vous êtes en responsabilité. Ma question est donc simple : êtes-vous prêt à assumer la responsabilité des conséquences en termes de santé publique et d'effondrement de la biodiversité du renoncement du Premier ministre à la sortie des pesticides ? Je parle ici de responsabilité politique et civile mais aussi, peut-être, pénale car si, pour l'instant, la justice a établi le préjudice écologique et la carence fautive de l'État dans l'effondrement de la biodiversité et la pollution de l'eau résultant du non-respect du plan Écophyto, demain, il se pourrait que la justice pénale soit saisie.

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