La réunion commence à neuf heures trente.
La commission poursuit l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (n° 1682) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale, Mme Caroline Janvier et MM. Cyrille Isaac-Sibille, Paul Christophe et François Ruffin, rapporteurs).
Mes chers collègues, au rythme actuel il nous faudrait vingt-sept heures trente pour achever l'examen des amendements. Nous devons donc continuer à accélérer nos travaux. Je donnerai la parole à un orateur pour et à un orateur contre, sauf sur certains articles qui nécessiteraient un peu plus de débat.
Un amendement demandant un rapport sur le ratio entre soignants et résidents dans les Ehpad a été déclaré irrecevable parce qu'il constituerait une injonction. Je demandais, il est vrai, que ce rapport nous soit remis sous vingt-quatre heures, car il existe depuis le mois de mai – nous avions adopté l'an dernier un amendement en ce sens. J'avais d'abord demandé gentiment, dans une lettre recommandée, que nous puissions avoir connaissance du rapport. Le Gouvernement ne doit pas avoir peur que l'on se rende compte que Monique Iborra et moi avions raison : nous le savons déjà... Madame la présidente, madame la rapporteure générale, pouvez-vous demander, dans le cadre de vos fonctions, que ce rapport nous soit communiqué ?
Par ailleurs, nous n'abuserons pas des prises de parole mais nous aimerions qu'elles soient davantage possibles, lorsque c'est nécessaire, sur la troisième partie du texte.
Après l'article 11 (suite)
Amendements AS858 de M. Jérôme Guedj et AS299 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)
Nous proposons de taxer la publicité en faveur des boissons alcooliques. Je n'ai pas besoin de rappeler les ravages causés par l'alcool en France – 41 000 morts par an. Cette taxe, qui permettra de financer le Fonds de lutte contre les addictions, s'inscrit dans l'esprit de la loi Évin, qui a encadré, sans l'interdire, la publicité en faveur des boissons alcoolique. Nous devons faire de la prévention une priorité en matière de santé publique. À cette fin, le taux de la taxe sera de 3 % du montant, hors TVA, des dépenses de publicité.
L'alcool est à l'origine de 41 000 morts par an, comme vient de le dire Jérôme Guedj. Si nous voulons qu'il y ait vraiment de la prévention, il faut arriver à responsabiliser tous les acteurs, notamment les industriels. C'est pourquoi nous souhaitons taxer les publicités relatives à l'alcool.
De nombreux amendements ont été adoptés hier afin d'envoyer un message concernant la santé publique, ce qui correspond tout à fait au rôle de notre commission. Je suis néanmoins défavorable à la taxation qui nous est proposée, non parce qu'il ne faudrait pas taxer, mais parce que nous ferions mieux de travailler sur des propositions plus générales dans le cadre d'un véritable plan d'action publique. Il est un peu trop simple de dire qu'on va instaurer une taxe.
Comme de nombreux amendements allaient déjà dans le sens d'une fiscalité comportementale l'an dernier, un travail a été mené sur cette question dans le cadre du Printemps social de l'évaluation. Une des conclusions est qu'une telle taxation a une efficacité en matière de santé publique et permet, accessoirement, de dégager des ressources, non pour résorber le déficit de la sécurité sociale, mais pour financer des actions de prévention. Ce travail, dont Cyrille Isaac-Sibille a été un des artisans, n'a pas montré qu'il fallait systématiser la fiscalité comportementale. Ne continuons donc pas à procrastiner dans ce domaine.
Je ne suis pas favorable à ces amendements. Il ne faut pas croire qu'il n'existe pas de taxation sur les boissons alcoolisées : elles sont déjà soumises à la TVA et aux droits d'accise. Je pense plutôt que la publicité peut être un vecteur pour des messages de santé publique. Il faut encourager une consommation responsable au lieu de taxer, car ce n'est pas efficace à l'égard de certains publics.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS2776 de M. Cyrille Isaac-Sibille
L'idée que je défends a déjà été proposée hier, sous une autre forme, par Jérôme Guedj et Arthur Delaporte, et elle correspond à une des préconisations formulées dans le cadre du Printemps social de l'évaluation. Je pense, par ailleurs, que M. Bazin lui réservera un accueil favorable, puisqu'il ne s'agit pas d'une taxe. L'idée est d'imposer un prix minimum par gramme d'alcool, comme les Écossais le font depuis quatre ans.
Cette mesure présente plusieurs intérêts. Elle touche l'ensemble des alcools de manière équitable, qu'il s'agisse de la bière, du vin ou des alcools forts. Le fait qu'il s'agisse d'un prix minimum permet, par ailleurs, de respecter la filière vinicole, qui est importante dans notre pays – il y a, en effet, une dimension culturelle, celle des traditions. Ce ne sera pas bon pour l'État, en revanche, je le reconnais, puisqu'il ne bénéficiera pas d'une taxe, à la différence de ce que prévoyaient les amendements précédents.
On dit souvent qu'il faut des décennies pour que la prévention porte ses fruits. Or la mesure adoptée en Écosse il y a quatre ans a déjà des effets perceptibles : les morts attribuables à l'alcool ont diminué de 13 % et les hospitalisations de 4 %, notamment chez les personnes les plus défavorisées.
Votre demande est satisfaite par un amendement adopté hier, qui avait été déposé par M. Guedj.
Le mien est différent : la différence de prix reviendra non à l'État, mais au producteur. Les François boiront moins, mais mieux.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS1795 de Mme Joëlle Mélin et AS2527 de Mme Caroline Fiat, et amendements identiques AS94 de M. Philippe Juvin et AS2215 de M. Serge Muller (discussion commune)
Nous demandons une évaluation de l'impact de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 en ce qui concerne la consommation de produits du tabac achetés en dehors du réseau des buralistes. Nous avons parlé hier des méfaits de ce tabac potentiellement frelaté et des conséquences pour les finances publiques. Il nous serait agréable d'avoir un premier rapport assez rapidement, avant la fin de l'année 2024, puis des rapports annuels.
Je sens que je n'arriverai pas à vous convaincre davantage qu'hier. L'amendement est défendu.
J'entends les arguments relatifs à la fiscalité comportementale, mais ses effets sont encore plus limités dans les zones transfrontalières. En Lorraine, la consommation de tabac liée au marché parallèle a ainsi augmenté de 40 %, ce qui accroît les problèmes de santé publique. Nous en avions discuté avec Bercy dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 et 2019, et des plans de lutte avaient vu le jour. Il serait très intéressant qu'on fasse le point. Si une seule demande de rapport devait être retenue dans le cadre du recours au 49.3, ce serait celle-là, objet de l'amendement AS94. Nous avons besoin de connaître, département par département, les rendements fiscaux.
Le prix du paquet de cigarettes le plus vendu est passé de 7,50 euros en 2017 à 11,50 euros en 2023, ce qui a contribué à une explosion du marché parallèle, qui représenterait entre 20 % et 40 % de la consommation totale. Cette évolution a des répercussions graves sur la santé publique, car elle facilite l'accès à des produits moins chers, y compris pour les mineurs, et conduit à des problèmes de sécurité, du fait du développement de réseaux criminels, qui a été illustré par la découverte, en quatorze mois, de plusieurs usines de contrefaçon de cigarettes dans notre pays. Mon amendement prévoit donc une évaluation de l'impact, sur le comportement des fumeurs comme sur l'émergence de réseaux parallèles, de l'augmentation des droits d'accise sur le tabac. Madame la rapporteure générale, je vous demande un avis de sagesse sur cet amendement qui fait consensus.
Avis défavorable : nous pouvons tout à fait travailler nous-mêmes sur la question dans le cadre du Printemps social de l'évaluation. Les coprésidents de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, ici présents, seront ravis de se saisir de ce sujet, qui est effectivement important, en particulier dans les zones transfrontalières.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 12 : Compensation par l'État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
Amendements de suppression AS111 de M. Sébastien Peytavie, AS161 de M. Jérôme Guedj, AS924 de M. Yannick Monnet et AS2528 de M. Frédéric Mathieu
L'article 12 approuve, s'agissant de 2024, un montant de 7,1 milliards d'euros pour la compensation des exonérations, réductions ou abattements d'assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. Nous souhaitons vous alerter sur le montant réel de ces exonérations qui grèvent les comptes de la sécurité sociale. Selon l'annexe 2 au projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour l'année 2022, le montant des mesures d'exonération non compensées pour les régimes obligatoires de base s'élevait à 2,5 milliards, soit 3,6 % du total des exonérations. Le Gouvernement n'a eu de cesse d'augmenter les non-compensations, ce qui grève le budget annuel et renvoie l'image de contributions à deux vitesses. Compenser seulement de manière partielle des exonérations de cotisations revient à nous priver de ressources essentielles pour le financement notre système de protection sociale. Comme nous ne pouvons souscrire à l'estimation pour 2024, qui est bien loin du compte, nous appelons à supprimer l'article 12.
J'ai senti une certaine incrédulité lorsque nous avons débattu des exonérations de cotisations sociales : je confirme donc que 96,7 % d'entre elles sont compensées et que le reste, qui n'est pas compensé, contrairement à l'esprit et à la lettre de la loi du 25 juillet 1994, dite « loi Veil », représente 2,485 milliards d'euros.
La demande de suppression de cet article ne vise évidemment pas à ne pas compenser ce qui est compensé, mais à appeler l'attention sur la nécessité d'une compensation de la totalité des exonérations, notamment celles relatives aux mesures de désocialisation.
Une mauvaise décision a été prise hier lors de l'adoption de l'amendement de notre collègue Ferracci.
Notre amendement de suppression, qui est également d'appel, vise à souligner le poids exorbitant et croissant de l'ensemble des mesures d'exonération de cotisations de sécurité sociale, qu'elles soient compensées ou non. Les seuls allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires représentent 88 % du montant de toutes les exonérations de cotisations à la sécurité sociale en 2023. L'envolée du coût des exonérations semble hors de contrôle depuis le milieu des années 2010, notamment sous l'effet de la pérennisation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, ce qui creuse un manque à gagner pour les organismes sociaux qui n'est plus intégralement compensée par l'État.
Depuis 2021, le montant des exonérations ciblées non compensées est en augmentation. Il s'est élevé cette année-là à 2,3 milliards d'euros, ce qui représentait une hausse de 19 % par rapport à l'année précédente, en lien avec le rebond de la masse salariale. En 2022, ce montant est passé à 2,5 milliards d'euros, soit une hausse supplémentaire de 10 %. Il devrait atteindre 2,65 milliards en 2023, ce qui représente une hausse de 4 %, et 2,8 milliards en 2024. Nous pensons que ces milliards seraient bien utiles aux caisses de sécurité sociale. Ils correspondent à peu près à la somme que réclament les établissements de santé pour boucler leurs budgets en 2023.
Notre amendement AS2528 vise, dans la même veine, à lancer une alerte sur toutes ces exonérations de cotisations sociales, qui représentent à chaque fois un manque à gagner pour la sécurité sociale. Vous faites le choix d'assécher ses comptes, et le manque à gagner n'est pas toujours compensé : il a manqué à peu près 2,5 milliards d'euros en 2022. Cette manière de faire est dramatique, car elle creuse le trou de la sécurité sociale, et on sait très bien à qui vous demanderez ensuite de le rembourser : à l'ensemble des Français. Vous devez assumer vos choix en compensant les exonérations de cotisations sociales.
Nous en avons déjà débattu hier. L'adoption de ces amendements reviendrait à refuser les compensations et à faire perdre 7,1 milliards d'euros dont nous avons besoin.
Le tableau figurant à l'annexe 4 est vraiment très intéressant. Il permet de savoir, mesure par mesure, ce qui est compensé ou non. Ce sont les heures supplémentaires qui sont problématiques.
Il existe un flux, fixe, qui repose sur la TVA, mais quel sera le niveau des exonérations en 2024 ? C'est très difficile à déterminer. Le montant de 7,1 milliards d'euros qui est prévu peut être inférieur au chiffre réel. Pourrait-on faire un point d'étape en 2024 ?
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1142 de M. Frédéric Mathieu
Cet amendement permettrait de donner à l'État la possibilité de revenir sur les exonérations accordées aux entreprises, c'est-à-dire de garder la main. Nous dénonçons l'octroi d'exonérations sociales à tout-va : elles ont explosé depuis que vous êtes aux responsabilités. C'est un problème, a fortiori quand ces exonérations ne sont pas compensées. Vous mettez à mal les cotisations grâce auxquelles la sécurité sociale est censée fonctionner.
L'amendement adopté hier n'a aucun lien avec la question des compensations. Le renforcement des allégements généraux sur les salaires compris entre 1 et 1,64 SMIC ne met nullement en péril le financement de la sécurité sociale, puisque tout est compensé. La question des compensations concerne les heures supplémentaires : ne mélangeons pas tout.
Je m'inscris en faux contre ce qui vient d'être dit.
Concrètement, cet amendement permettra à l'État, s'il le souhaite, de revenir sur n'importe quelle exonération, qu'elle concerne ou non les heures supplémentaires. C'est une idée saine et simple. En effet, si l'on se rend compte qu'une exonération n'est pas justifiée ou qu'elle cesse de l'être parce qu'elle ne porte pas les fruits escomptés, il faut pouvoir revenir en arrière, notamment pour financer notre système de santé. Une liste serait établie en amont et personne ne serait pris au dépourvu.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 12 non modifié.
Article 13 : Tableaux d'équilibre pour 2024
Amendements de suppression AS112 de M. Sébastien Peytavie, AS162 de M. Jérôme Guedj, AS295 de M. Pierre Dharréville et AS1799 de Mme Joëlle Mélin
L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) hospitalier devrait progresser de 3,2 % en 2024, ce qui est largement inférieur à ce qu'il faudrait pour couvrir l'inflation et les dépenses d'investissement. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime qu'un abondement de 2 milliards d'euros est nécessaire.
Si la branche autonomie est présentée comme excédentaire, il ne faut pas exagérer : selon la FHF, trois Ehpad publics sur quatre sont déficitaires, à hauteur de 500 millions d'euros au total, et il faudrait relever l'Ondam de 700 millions pour les personnes âgées et de 100 millions pour les personnes handicapées.
Ce texte, en l'état, ne peut être considéré comme un projet de loi d'investissement dans notre système de soins et d'accompagnement.
L'article 13 tend à approuver les recettes et les dépenses des régimes de sécurité sociale. Or nous n'avons pas encore pu évoquer un « loup » dont le ministre nous a parlé lui-même : dans quelle mesure l'Ondam intègre-t-il un doublement des franchises médicales ? Le ministre nous a dit que le débat devait avoir lieu et qu'une trajectoire de responsabilisation de 1,3 milliard d'euros était prévue dans le cadre de l'Ondam, mais aucun article du PLFSS ne prévoit le doublement des franchises, qui passeraient de 50 centimes à 1 euro par médicament. L'amendement que nous avons déposé est d'appel : nous ne souhaitons pas supprimer tous les financements, mais la « responsabilisation » qui est prévue, en théorie. Je souhaite que chacun des groupes puisse s'exprimer à ce sujet.
Notre amendement de suppression dit notre désapprobation du tableau d'équilibre, par branche, pour 2024. Le budget de la sécurité sociale repose, en effet, sur un Ondam très contraint : sa progression de 3,2 % est insuffisante pour couvrir l'évolution tendancielle des dépenses de santé et répondre à l'ensemble des besoins, en particulier durant une période d'inflation élevée. Cela dénote une approche purement comptable, guidée non par la volonté d'apporter une réponse aux besoins mais par celle de suivre les règles fixées par les traités européens, notamment la limitation du déficit public à 3 % du PIB.
Cet article cache, en outre, 3,5 milliards d'euros d'économies qui se feront au détriment des Françaises et des Français, qu'il s'agisse de la refonte des arrêts maladie ou du doublement des franchises médicales, lequel ne figure même pas dans le projet de loi, mais sera imposé à tous par la voie réglementaire. Le ministre a dit très clairement qu'il était pour qu'on en discute, mais il n'a pas réellement précisé ses intentions. Cela pose un problème démocratique important : nous débattons du budget de la sécurité sociale, et donc de la santé, sans avoir de telles informations et même sans pouvoir prendre de décision en la matière. Nous demandons donc quelles sont les intentions de la majorité et du Gouvernement, et nous aimerions nous prononcer, même si j'ai bien compris que ce n'était pas à l'ordre du jour.
Toutes les caisses de sécurité sociale, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Caisse nationale d'assurance vieillesse, l'Urssaf, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie se sont prononcées contre ce budget. Toutes ont souligné son manque d'ambition face aux défis auxquels la sécurité sociale et la protection sociale sont confrontées. La FHF estime ainsi que l'Ondam devrait augmenter de 5,1 milliards d'euros. Alors que les besoins sont immenses en matière de grand âge, par exemple, le PLFSS ne prévoit que très peu de mesures nouvelles en la matière. De même, la branche accidents du travail et maladies professionnelles demeure excédentaire, mais les problèmes de sous-déclaration ne sont pas remis en cause.
Nous demandons également la suppression de cet article. À l'image du socle comparatif – les chiffres concernant l'année 2023 –, les prévisions pour 2024 sont sujettes à caution. Elles ne reflètent absolument pas la réalité des comptes et tous les périmètres de la comptabilité nationale ne sont pas pris en considération. Selon certains économistes – et cette idée semble faire peu à peu son chemin –, 40 milliards d'euros de subventions ne seraient pas comptabilisés, au bas mot ; le montant pourrait même aller jusqu'à 74 milliards.
Outre que le système comptable est relativement insincère, nous refusons le tableau d'équilibre parce qu'il se fonde sur des projections économiques totalement fantaisistes. L'inflation est ainsi estimée à 2,5 % alors que nous partons de 5 % – l'évolution prévue paraît difficile en six mois. Par ailleurs, le Gouvernement table sur une croissance de 1,4 %, quand les économistes s'accordent sur un maximum de 1 %.
On peut parler de responsabilité à propos de cet article, et c'est effectivement le bon cadre pour débattre des franchises. Le Gouvernement fait preuve de responsabilité avec la revalorisation de nombreux professionnels, notamment pour améliorer l'attractivité des métiers, avec l'augmentation de la valeur du point d'indice et avec la hausse de certaines dépenses, en lien avec l'inflation – la progression est de 5,1 %. Et si les recettes augmentent aussi, c'est parce que le Gouvernement et la majorité ont fait preuve de responsabilité en menant des réformes qui renforcent l'activité économique.
S'agissant des franchises, vous avez parlé, de même, de responsabilisation au sens où contribuer davantage aux dépenses de santé pourrait faire partie d'une sorte de responsabilité citoyenne. Le ministre a été très clair : les franchises ne relèvent pas forcément du domaine législatif – c'est d'ordre réglementaire. À ce stade, le texte sur lequel nous sommes appelés à voter ne comporte pas de dispositions relatives aux franchises, mais le ministre a dit lors de son audition qu'il fallait, dans un esprit de responsabilité, réduire concrètement le nombre de médicaments avalés par les Français – il est bien supérieur à celui des pays voisins, alors que les pathologies et la démographie sont quasiment identiques.
La baisse du volume des médicaments consommés nécessite un engagement de la part de l'industrie pharmaceutique – nous en avons déjà un peu parlé hier et d'autres articles du texte permettront d'y revenir – et des professionnels de santé, avec qui des discussions vont commencer dans le cadre des négociations conventionnelles. Par ailleurs, la question du reste à charge pour les citoyens ne doit pas être taboue. Si l'on regarde les pays comparables, notre reste à charge est un des plus faibles qui soit. Cela dit, le débat va au-delà des franchises et concerne toute notre société. Que sommes-nous prêts à dépenser pour notre santé ? Et comment augmenter notre richesse pour pouvoir dépenser plus dans ce domaine ? Il n'y a pas, à ce stade, de mesures d'économies liées aux franchises dans le texte, je l'ai dit, mais nous pouvons en débattre dans le cadre de cet article, si vous le souhaitez.
Les tableaux d'équilibre sont obligatoires. Néanmoins, c'est plutôt d'un déséquilibre qu'il s'agit : on observe une dégradation par rapport aux projections de l'an dernier. Par ailleurs, si nous n'avons jamais autant dépensé, cela ne se voit pas sur le terrain : il faudrait arriver à mieux dépenser. Les investissements dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux et les Ehpad doivent permettre, par exemple, de réduire les factures énergétiques. Nous devons aussi investir dans la famille : ce sont les cotisants de demain et donc la pérennisation de notre système par répartition, notamment pour la branche vieillesse, qui sont en jeu. Enfin, je m'interroge sur certaines dépenses : les fonds d'investissement régionaux multiplient les études réalisées par des cabinets de conseil, alors qu'on aurait surtout besoin de revaloriser les soins de ville.
Ce n'est pas une politique de santé que vous décrivez, madame la rapporteure générale, c'est une politique d'économies budgétaires. Votre levier, c'est d'augmenter le reste à charge, contre lequel nous nous sommes toujours battus. Nous pensons que la santé doit être remboursée intégralement. Le droit à la santé doit être acquis et la capacité de financement ne doit pas entrer en ligne de compte. On peut mener des politiques de prévention et d'éducation à la santé pour consommer et avaler moins de médicaments, mais ce n'est pas ce que vous êtes en train de faire.
Nous devons savoir avant le vote du PLFSS quelles sont les intentions réelles du ministère.
C'est important d'avoir le débat sur les franchises ! La rapporteure générale nous dit qu'il n'y a pas de franchises dans le texte, alors que le ministre a déclaré que l'option était sur la table. Quand nous l'avons questionné sur le rendement envisagé, il nous a répondu qu'il pourrait aller jusqu'à 800 millions d'euros en année pleine. N'allons pas voter un texte qui risque de provoquer un doublement des franchises, en prétendant ne pas être au courant. Dans nos circonscriptions, c'est nous qui serons accusés d'avoir voté une telle trajectoire.
Je n'ai pas compris de la même façon les propos du ministre lors de son audition. Il a dit, je crois, qu'il fallait diminuer le volume des médicaments. On peut voir aussi, selon les engagements pris lors des négociations conventionnelles avec les professionnels de santé, si la prescription et la consommation globales de médicaments diminuent en cours d'année.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS829 de M. Jérôme Guedj et AS1197 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)
Miracle de la recevabilité, je peux vous présenter cet amendement d'appel qui vise à compenser à l'euro près à la sécurité sociale l'exonération de la part salariale de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Son coût est de 2,485 milliards d'euros. Marc Ferracci ne pourra pas me dire que ces exonérations sont compensées. Ce serait un signal fort de notre commission.
Le Gouvernement a décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale. Une fois les dépenses effectuées par l'assurance maladie notamment, une partie de la dette covid a été transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), venant gonfler le montant de la dette que cette caisse est censée rembourser. Ainsi, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) a été prolongée après 2024 pour poursuivre son amortissement stérile.
Le remboursement de la dette sociale par la Cades est loin d'être anodin : 16 milliards d'euros supplémentaires sont immobilisés pour rembourser une dette que l'État pourrait faire rouler s'il l'avait reprise. Cela ne changerait pas le ratio d'endettement du pays puisque, selon les définitions européennes, la dette sociale est déjà prise en compte dans le total. Cette somme permettrait, par exemple, de supprimer tout reste à charge sur les dépenses de santé.
Par l'amendement AS1197, nous proposons donc que les recettes de la Cades soient redirigées vers la sécurité sociale et que la dette sociale soit reprise par l'État.
Vous voulez réduire l'objectif d'amortissement de la Cades, ce qui ferait porter notre dette aux générations futures. Avis défavorable.
S'agissant de l'amendement de M. Guedj, pour avoir découvert l'ampleur de la non-compensation des exonérations des heures supplémentaires dans un rapport que j'ai corédigé, même après avoir interrogé les différents acteurs, j'avoue avoir eu un peu de mal à comprendre quelle a été la genèse de cette décision. Pour faire vivre le débat et sans soutenir l'amendement, je souhaiterais que nous puissions échanger avec le Gouvernement sur les raisons d'un tel choix.
La Fédération nationale de la mutualité française parle de 7,5 milliards d'euros non compensés depuis 2019. Cela interroge. Je ne voterai pas l'amendement de Jérôme Guedj, mais nous devons pouvoir discuter et de la trajectoire et des atterrissages.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1198 de Mme Ségolène Amiot
Cet amendement de bon sens vise à réaffecter à notre système de retraite les 16 milliards d'euros de dette sociale, qui seront ainsi remboursés en 2024. Je suis là pour régler toutes vos difficultés ! Remerciez-moi au lieu de soupirer. Il est injustifiable de priver les régimes de retraite de 16 milliards, alors que l'État pourrait reprendre la dette covid et la faire rouler sans changer son ratio d'endettement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 13 non modifié.
Article 14 : Objectif d'amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes du Fonds de réserve pour les retraites et du Fonds de solidarité vieillesse
Amendements de suppression AS1800 de Mme Joëlle Mélin et AS2156 de Mme Caroline Fiat
Il faut une bonne fois pour toutes reposer le problème de la Cades, réfléchir à son rôle et au fait que, alors qu'elle devrait être fermée depuis longtemps, elle renaît sans cesse de ses cendres. Madame la rapporteure générale, vous avez mentionné la Cades en disant que ce ne seraient pas nos enfants qui paieraient la dette actuelle. Bien sûr que si ! Nous réalimentons en permanence un puits sans fond. Cet usage de la Cades est tout à fait problématique. Je sais qu'il est pratique, puisque, étant adossée à la Caisse des dépôts et consignations, elle n'apparaît pas dans les chiffres du pacte de stabilité : c'est un magnifique tapis sous lequel on a mis un maximum de poussière. Nous souhaiterions faire apparaître qu'elle prélève authentiquement un impôt pour rembourser un principal de dette.
L'amendement AS2156 vise à supprimer l'article 14 fixant les objectifs d'amortissement de la dette sociale par la Cades, soit 16 milliards d'euros, et les prévisions de recettes pour le Fonds de réserve pour les retraites et le Fonds de solidarité vieillesse. Le Gouvernement a décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale. Une fois les dépenses effectuées par l'assurance maladie notamment, une partie de la dette covid a été transférée à la Cades, venant gonfler le montant de dette que cette caisse est censée rembourser. Ainsi, la CRDS a été prolongée après 2024 pour poursuivre son amortissement stérile.
Le remboursement de la dette sociale est loin d'être anodin : 16 milliards d'euros supplémentaires sont immobilisés, soit une privation de ressources supérieure au déficit anticipé pour 2024. Sans cette affectation, les administrations de sécurité sociale seraient excédentaires à hauteur de 0,6 % du PIB l'année prochaine, soit de 4,8 milliards d'euros. Autrement dit, la sécurité sociale pourrait couvrir largement son déficit et même, mieux, couvrir les besoins, au lieu de rembourser une dette largement contestable puisque liée à des décisions de l'État, qui pourrait la faire rouler s'il l'avait reprise. Cela ne changerait pas le ratio d'endettement du pays puisque, selon les définitions européennes, la dette sociale est déjà prise en compte dans le total.
L'article 14 fixe l'objectif d'amortissement de la dette sociale à 16 milliards d'euros en 2024. La loi du 7 août 2020 a défini une trajectoire de 136 milliards d'euros d'amortissement qui prend fin en 2033. Je souhaite que, dans les mois et années qui viennent, nous puissions avoir une réflexion d'ensemble, cohérente et réaliste au sujet de la stratégie d'amortissement de la Cades et de retour à l'équilibre de nos comptes sociaux.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS927 de M. Yannick Monnet
Le grand frère de cet amendement avait été adopté l'année dernière. Nous avions décidé de refuser de faire porter à la sécurité sociale la dette covid, qui doit incomber au budget de l'État et qui coûterait moins cher ainsi. L'amendement n'a pas été repris dans le texte du 49.3, au déclenchement duquel il a d'ailleurs peut-être participé. En 2024, ce seront encore 16 milliards d'euros qui seront affectés au remboursement de la dette sociale, ce qui est irresponsable au regard des besoins que nous connaissons. Nous proposons donc de réaffecter ce montant aux caisses de la sécurité sociale.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendements AS2530 de M. Frédéric Mathieu et AS312 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
L'amendement AS2530 vise à modifier le montant de l'objectif de remboursement de la dette sociale de la Cades afin de garantir une sécurité sociale à l'équilibre. À cette fin, nous proposons de libérer 11,2 milliards d'euros en affectant seulement 4,8 milliards à la caisse, ce qui démontrera que le déficit de la sécurité sociale est artificiellement creusé par le Gouvernement, celui-ci ayant décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale. Une fois les dépenses effectuées par l'assurance maladie notamment, une partie de la dette covid a été transférée à la Cades, venant gonfler le montant de dette que cette caisse est censée rembourser. Ainsi, la CRDS a été prolongée après 2024 pour poursuivre son amortissement stérile.
En 2020, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a émis l'avis que la sécurité sociale ne devait pas être affectée par des décisions circonstancielles des différents ministères et plaidé pour un retour à une relation claire et stable entre l'État et la sécurité sociale.
J'analyse également comme un choix politique majeur d'avoir prolongé la Cades et de lui avoir affecté intégralement les 136 milliards d'euros de la dette covid, transformée de fait en dette sociale, avec amortissement du capital et des intérêts sur neuf ans. Un autre choix était possible : la faire rouler dans la dette de l'État, en considérant que cette dette procédait d'une situation absolument exceptionnelle, dont une partie des décisions incombait à l'État. Si le montant avait été affecté à un fonds exceptionnel d'aides d'État financé par les emprunts d'État, cela aurait coûté 1,5 milliard d'euros d'intérêts chaque année. Là, ça coûte 14 à 15 milliards d'euros. Votre choix vous a notamment empêchés de faire la loi grand âge, qui devait être financée en partie par l'affectation d'une partie de la CRDS. C'est pourquoi, en compensation, vous avez obtenu la création de la cinquième branche, une coquille sympathique mais sans financement. On connaît l'histoire !
Là où je vous rejoins, c'est que c'est un choix politique. Vous oubliez quand même de dire que 31 milliards d'euros ne relèvent pas de la dette covid. Je souhaite vraiment que nous puissions réfléchir à la Cades et à la stratégie d'amortissement de la dette.
Avis défavorable.
C'est en effet un choix politique d'instrumentaliser la sécurité sociale pour lui faire jouer un rôle qui n'est pas le sien et de la charger de cette dette qui n'est pas la sienne. Le déficit pèse sur sa capacité à répondre à de nouveaux besoins. Et ensuite vous nous expliquez qu'il faut maintenir un haut niveau d'exonérations et qu'il faut des franchises médicales. Cette perspective n'est pas sérieuse.
La dette sociale se crée quand il y a une accumulation de dépenses qui ne peuvent être couvertes par les recettes. C'est ce qui s'est produit avec les 31 milliards d'euros et les trois années covid, qui ont été à l'origine de dépenses supplémentaires conséquentes – et justifiées – et de baisses de recettes. Nous sommes bien dans le cadre dans la dette sociale.
Qu'elle doive ou non revenir à l'État, on peut en discuter, mais un point me paraît fondamental : la responsabilisation de la dette sociale, avec le remboursement du capital et des intérêts, forme le socle de l'autonomisation du budget de la sécurité sociale. Je suis très attachée à ce que le budget de la sécurité sociale reste autonome, parce que c'est ce qui permet à la sécurité sociale d'être un amortisseur social et financier.
La France est le seul pays européen qui se permette d'avoir un organisme centralisateur, l'ancien Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui autorise à creuser des déficits et à contracter des dettes.
Par ailleurs, sur les 136 milliards d'euros, 31 milliards correspondaient à un transfert contracté sur l'année 2019.
Vous nous accusez d'avoir créé la cinquième branche de la sécurité sociale. J'ai l'impression que c'est toujours le même procès en paternité. On ne l'avait pas promis et on l'a fait. Si vous parlez de coquille vide, c'est parce que vous faites de la politique, parce que l'on a transféré quelques recettes à l'intérieur de la Cades – rappelons les revalorisations applicables aux services d'aide et d'accompagnement à domicile, celles liées au Ségur. Il ne vous a pas échappé que l'on a fléché 0,15 % de CSG à l'échéance 2024, ce qui représente entre 2,4 et 2,6 milliards d'euros.
Vous voulez prendre les recettes de la Cades, mais elles sont pour parties adossées sur la CRDS. Je sais que vous aimez bien utiliser la CRDS, tantôt pour boucher le trou de la sécu, tantôt pour financer les retraites, et maintenant pour l'autonomie. Mais la CRDS est, par définition, destinée au remboursement de la dette sociale. C'est une taxe affectée.
À faire rouler la dette, ce seront les générations futures qui seront roulées à la fin.
Ce transfert de 136 milliards d'euros de dette sociale a fait débat. Mais une donnée a changé par rapport à 2020 : les taux d'intérêt augmentent de manière très importante. Plus c'est long, plus c'est coûteux. On émet beaucoup de dette – 38 milliards en 2022, un peu plus de 30 milliards cette année. Une partie de la dette des hôpitaux a été reprise, et je me pose une nouvelle fois la question de l'investissement patrimonial dans des bâtiments parfois superbes. Ne faudrait-il pas les sortir de l'assurance maladie pour qu'ils entrent dans le patrimoine de l'État, dans la mesure où il s'agit d'immobilier ?
C'est un choix politique. Quand on a fait le choix politique d'augmenter les salaires, ne fallait-il pas le faire ? Il le fallait, d'autant que cela n'avait pas été fait depuis de longues années. Ce choix catégoriel a été financé par la cinquième branche, c'est évident. Je continuerai à défendre une loi grand âge, mais faisons d'abord les réformes qui s'imposent, regardons les besoins et passons ensuite aux chiffres et aux annonces de milliards qui restent subjectives, d'autant que rien n'a été arrêté.
Je voudrais clarifier mon propos. La cinquième branche a été créée par un amendement parlementaire. Nous connaissons tous le fonctionnement de la Ve République. Aussi, pensez-vous sérieusement que la création d'une cinquième branche de sécurité sociale par le biais d'un amendement parlementaire n'illustre pas ce que j'évoquais ? Vous voyez bien que ce n'était pas la volonté première de ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Vous avez compensé l'affectation des crédits de la Cades qui devaient financer la loi grand âge, en vous disant que, puisque la loi grand âge n'était pas dans les tuyaux, vous pouviez créer cette coquille – je ne demande d'ailleurs qu'à la remplir par la définition d'objectifs et l'affectation de moyens. Ne racontez pas une histoire qui ne correspond pas à la réalité de ce que nous avons tous vécu, vous ici et d'autres depuis l'extérieur.
Vous racontez une histoire que vous n'avez pas vécue ! Nous sommes plusieurs dans cette commission à avoir vécu la création de la cinquième branche. Je suis très fier d'avoir été le député qui a déposé le premier amendement. C'est grâce à la pression de la commission et des parlementaires que le Gouvernement a accepté. L'histoire du covid et de la Cades, c'est venu après. Ne refaites pas l'histoire en disant que c'était une négociation ! Vous ne l'avez pas vécue.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'article 14 non modifié.
Article 15 : Liste et plafonds de trésorerie des régimes et organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes
La commission adopte l'article 15 non modifié.
Article 16 : Approbation de l'annexe A
Amendements de suppression AS113 de M. Sébastien Peytavie, AS165 de M. Jérôme Guedj, AS928 de M. Pierre Dharréville, AS1801 de Mme Joëlle Mélin et AS2532 de Mme Caroline Fiat
Nous sommes au cœur du réacteur, puisque cet article est le reflet de la loi de programmation des finances publiques qui est passée en force, avec un 49.3, et qui vient mettre le budget sous enveloppe fermée et bloquer toute évolution budgétaire autour du soin et de la santé pour les quatre prochaines années. Les prévisions de croissance nous semblent douteuses, tout comme la sincérité du budget. Alors qu'il a fallu augmenter à trois reprises l'Ondam cette année, le définir pour les quatre prochaines années pose problème et ne répond pas aux besoins d'investissement ni pour l'hôpital d'aujourd'hui ni pour celui de demain.
Nous sommes en effet dans le dur. Mais le dur, malheureusement, ne répond pas aux besoins sanitaires du pays, probablement parce que le mode de régulation ne se fait pas par les besoins mais par la maîtrise comptable – ce à quoi se réduisent les PLFSS avec vous. L'Ondam est insuffisant. La trajectoire pluriannuelle des régimes obligatoires de base est inadaptée face à la crise multiforme des hôpitaux et des acteurs de santé, y compris en soins de ville. Les effets de l'inflation sur les secteurs sanitaires et médico-sociaux ne sont pas suffisamment pris en compte, ce qui se traduit par une baisse en valeur réelle des dépenses considérées.
Quand l'ensemble des fédérations, des collectifs et des acteurs de santé, qu'ils soient publics, privés ou associatifs, demandent une progression annuelle de l'Ondam d'au moins 4 % pour faire face au vieillissement démographique, aux mutations technologiques et à la croissance des affections de longue durée, vous devriez entendre leur message. Au-delà des chiffres, il y a les chocs exogènes auxquels les acteurs, particulièrement l'hôpital public, sont confrontés : le financement partiel du Ségur qui n'a toujours pas trouvé de règlement, le surcoût énergétique qui représente une charge considérable pour les établissements, l'inflation et les effets qui s'y rattachent, avec notamment des surcoûts pour les opérations de travaux. Nous n'avons toujours pas de visibilité sur les demandes de programmation des investissements envisagés. Soit vous corrigez cet Ondam, soit nous sommes obligés de rejeter l'article.
En réalité, l'autonomie du budget de la sécurité sociale et de la sécurité sociale elle-même est chaque année toujours plus une fiction. Lorsque l'on charge la sécurité sociale d'une dette qui n'est pas la sienne, c'en est le témoignage le plus éloquent. En plus, ces intérêts servent à financer les banques.
L'amendement dit notre désapprobation du rapport figurant en annexe A. Il est la justification des différents articles d'équilibre par branche dont nous avons précédemment demandé la suppression. Il comporte également les projections jusqu'à 2027. Ces dernières, ne serait-ce qu'au regard d'un Ondam toujours plus restreint, puisqu'il est en baisse constante dès 2025 à 3 % puis à 2,9 %, traduisent la poursuite de la politique d'austérité que nous connaissons. De plus, la branche vieillesse voit son excédent se creuser à 14 milliards d'euros en 2027, ce qui suffit à montrer toute l'inefficacité de la réforme des retraites imposée au pays. Pour mémoire, le Conseil d'orientation des retraites estimait que, de 2022 à 2032, la situation du système de retraite se détériorerait avec un déficit allant de moins 0,5 point à moins 0,8 point de PIB en fonction de la convention et du scénario retenus. Ce déficit devait ainsi s'établir entre moins 7,5 et moins 10 milliards d'euros en 2027.
Pour toutes ces raisons nous ne pouvons approuver le rapport.
Nous demandons également la suppression de l'article. La question à se poser devant la trajectoire budgétaire pour les trois ans est de savoir si l'on est capable de construire solidement. Or, à y regarder de plus près, cette trajectoire est la plus inquiétante et la moins solide depuis 1997, hors périodes de crise. Elle n'est pas maîtrisée. D'ores et déjà, le déficit de 10 milliards d'euros est envisagé à 18 milliards dans les années à venir. Aucune visibilité et surtout pas sur un retour à l'équilibre ! La trajectoire ne prend absolument pas en compte le moindre aléa. Imaginons n'importe quelle catastrophe sanitaire, nous ne serions pas solides. Les prévisions macroéconomiques sont trop à court terme et irréalistes. La croissance pour 2024 est estimée à 1,4 point, alors que tout le monde s'accorde pour dire que 1 point serait le maximum. De même, l'inflation à 2,5 points est irréaliste – passer de 5 à 2,5 serait un exploit. Les indicateurs étant irréalistes, nous ne pouvons pas souscrire à cette projection.
Impossible de voter cette trajectoire budgétaire, sinon irréaliste, en tout cas bien en dessous des besoins. Nous ne sommes pas les seuls à le penser. Tous les syndicats, les associations, les organisations sont contre votre trajectoire budgétaire : la FHF dit qu'il manque de l'argent ; à l'assurance maladie, personne n'a voté pour ce texte ; France Assos Santé dit que ça ne suffit pas et que ça ne répond pas aux enjeux structurels majeurs pour refonder notre système de santé ; la CGT, la CFDT, la Fédération nationale des infirmiers, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, l'Union nationale des syndicats autonomes et la Mutualité française, tous sont contre. Personne à part vous ne pense que ce budget va répondre aux besoins. Nous ne pouvons pas le voter, parce que notre but est de faire en sorte que tout le monde puisse être soigné et que notre hôpital soit robuste. Vous nous proposez tout l'inverse. C'est le sens de l'amendement AS2532.
Cette trajectoire est un point de repère. Nous ne faisons pas d'économies, nous ralentissons l'augmentation des dépenses. Avis défavorable.
Le problème, c'est que ce point de repère n'est pas bon ! Nous avons déjà dit à quel point votre budget a suscité la réprobation de l'ensemble des organismes concernés. Au-delà de vos arguments politiques, que répondez-vous à ces organismes ? Tenez-vous, au moins partiellement, compte de leurs propos et de leurs votes ? Nous avons le sentiment que non et que vous ne changez rien. Ce n'est pas acceptable.
Aucun des acteurs ne croit à votre budget ! Que répondez-vous à cela ? Vous dites que vous ralentissiez la hausse des dépenses mais, tous les ans, les besoins structurels augmentent. Quand on ne les suit pas, cela veut dire qu'on fait des économies. Que pensez-vous de l'analyse de la FHF ? Du vote de la Cnam ? De ce que disent les syndicats et les associations ?
Les dépenses augmentent de 5,1 % en 2024.
Ce que nous avons à répondre, c'est que nous faisons preuve de responsabilité : si l'on veut préserver la sécurité sociale, il faut maîtriser les dépenses. Il y a trois choses à faire : des réformes pour améliorer l'efficacité des dépenses ; accroître le PIB pour pouvoir, en proportion, augmenter les dépenses ; responsabiliser ceux qui sont chargés de tenir les engagements.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1243 de Mme Caroline Fiat
Il s'agit d'un amendement d'appel visant à supprimer la projection pluriannuelle de l'Ondam jusqu'en 2027.
Le Gouvernement s'est engagé envers Bruxelles à limiter la hausse des dépenses publiques à 0,6 % par an. Les dépenses évoluent beaucoup moins vite que les besoins – nous l'avons vu pour l'Ondam des établissements de santé. L'Ondam n'augmentera que de 2,3 %, 2,7 % et 2,6 % dans les prochaines années – bien malin celui qui peut prédire l'inflation, mais on imagine aisément qu'elle sera supérieure à la progression de l'Ondam. Le taux pour cette année ne permettra même pas de couvrir la hausse des charges.
La FHF évalue à 15 % la hausse des charges médicales, hôtelières et générales des hôpitaux publics. Les Ehpad et les hôpitaux sont dans une impasse financière. Leur situation, déjà catastrophique, va s'aggraver si le Gouvernement tient ses promesses.
La suppression de la trajectoire pluriannuelle aurait une valeur symbolique.
Je ne peux pas vous laisser donner des chiffres faux : la hausse de l'Ondam sera de 3,2 % en 2024, 3 % en 2025 et 2,9 % en 2026. Cette trajectoire reflète le ralentissement attendu de l'inflation. Elle montre aussi que nous continuons d'augmenter les dépenses, nous ne faisons pas d'économies. Enfin, ce sont les acteurs que vous nous reprochez de ne pas écouter qui demandent une projection pluriannuelle.
Avis défavorable.
Nous voterons l'amendement parce que la trajectoire pluriannuelle est profondément désespérante. Là où il y aurait besoin de donner du souffle à l'hôpital public et à notre système de santé, vous le maintenez sous la ligne de flottaison.
Madame la rapporteure générale, vous avez mis en avant votre esprit de responsabilité. Est-ce à dire que les conseils d'administration de la Cnaf et de la Cnam en sont dépourvus ? À leur décharge, les responsabilités que devraient exercer ces instances leur ont été progressivement retirées au fil des lois ayant organisé l'étatisation de la sécurité sociale, que nous condamnons. Vous ne pouvez pas leur dénier leur responsabilité : lorsqu'ils disent des choses, ces organismes savent très bien de quoi ils parlent.
La FHF a toujours présenté des chiffres dont le sérieux et la qualité ne peuvent être mis en doute.
Le Gouvernement a largement accompagné les hôpitaux ces dernières années afin de ne pas les mettre en difficulté, n'hésitant pas à aller au-delà des prévisions affichées chaque année. Il faut saluer cet effort.
La responsabilité dont je parle est politique. C'est celle que nous prenons lorsque nous affirmons vouloir maîtriser nos dépenses et contenir les déficits en dessous des 3 %. Je n'engageais aucunement la responsabilité des directeurs de caisses.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS2364 de M. Jérôme Guedj et AS2637 de M. Thibault Bazin
C'est l'amendement « respect de la parole donnée ».
Au moment de la réforme des retraites, l'engagement avait été pris par le Gouvernement de compenser la hausse de 1 point de la contribution employeur versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), confrontée à un déficit. Élisabeth Borne elle-même s'était engagée devant les représentants des collectivités locales.
Or la loi a été adoptée, si l'on peut dire, le 14 avril 2023 et depuis cette date, aucune mesure de compensation n'a vu le jour. Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin sur l'état des finances locales, prises en étau entre l'inflation et la crise énergétique, d'un côté, et de l'autre, l'augmentation de la cotisation. C'est la raison pour laquelle les élus nous alertent.
L'amendement est symbolique puisqu'il vise à rappeler dans l'annexe A l'obligation de compensation. C'est une invite, adressée à l'exécutif, à respecter la parole qui a été donnée aux élus locaux.
Le Gouvernement s'est engagé, dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2003, à compenser intégralement la hausse de 1 point de la cotisation versée par les employeurs publics à la CNRACL.
Or, alors que la réforme est mise en œuvre, la compensation n'est toujours pas effective et ses modalités restent inconnues à ce jour. L'amendement a pour objet de compléter l'annexe A afin de rappeler au Gouvernement ses engagements.
Nous soutenons les amendements.
Vous prétendez avoir une attitude responsable. Si j'en crois la définition, cela signifie « qui réfléchit, sérieux, qui prend en considération les conséquences de ses actes ». En quoi est-ce responsable de sous-financer les besoins de santé ? Selon France Bleu Limousin, les chiffres explosent au centre hospitalier universitaire de Limoges, des soignants disent qu'ils font des transfusions au milieu des couloirs. En quoi est-ce responsable de sous-financer l'hôpital et d'empêcher les soignants de soigner, faute de moyens ? Expliquez-moi !
Devant une situation si compliquée et si triste, à mes yeux, ce serait tellement bien s'il suffisait de mettre de l'argent pour qu'il n'y ait plus de gens dans les couloirs des urgences.
Mais l'argent ne suffit pas, regardez les dépenses que prévoit le PLFSS. La situation est largement imputable à la démographie médicale. Arrêtez ce discours caricatural !
J'ai travaillé pendant quinze années aux urgences. Le nombre de patients n'a cessé d'augmenter. On ne peut pas dire que des moyens humains et financiers n'ont pas été donnés. Ce secteur a constamment bénéficié d'une hausse des effectifs. Les financements ne sont pas la seule réponse, d'autres mesures sont nécessaires. Ainsi, le manque de médecins traitants explique largement la fréquentation, à des niveaux inédits, des urgences.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS830 de M. Jérôme Guedj
Je regrette, madame la rapporteure générale, que vous ayez renvoyé le débat à la séance. Notre parole aurait plus de poids auprès des ministres si nous avions adopté les amendements, au demeurant très modestes.
L'amendement concerne la non-compensation des exonérations des heures supplémentaires. J'ai entendu tout à l'heure les doutes de M. Ferracci et de Mme Panosyan-Bouvet sur l'ampleur de ces exonérations non compensées. Je vous propose de marquer la volonté de la commission des affaires sociales d'en finir, à un moment ou à un autre, avec cette anomalie.
« L'argent ne suffit pas », dites-vous ; cela vaut « l'État ne peut pas tout » que nous avons entendu à une certaine époque. Souvenez-vous comment cela s'est fini.
Le salaire des infirmières, le salaire des aides-soignantes, les équipements sont bien une question d'argent. J'en conviens, il y a un déficit conjoncturel de professionnels de santé mais vous n'attirerez pas les candidats avec des cacahuètes.
Le déficit peut avoir deux causes potentielles : soit il y a trop de dépenses, soit il n'y a pas assez de recettes. Selon vous, il faut maîtriser les dépenses pour maîtriser le déficit ; pour nous, le problème tient au manque de recettes. Vous préférez renoncer à soigner des gens et à équiper nos hôpitaux. C'est là notre désaccord de fond.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS836 de M. Arthur Delaporte
C'est un amendement très important, qui concerne l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Pourquoi pénaliser un dispositif qui marche ?
Nous nous accordons tous sur les effets positifs de cette expérimentation. Portée avec opiniâtreté depuis 2017 par ATD Quart Monde, rejointe par des grands acteurs de la lutte contre l'exclusion – Emmaüs, le Secours catholique, le Pacte civique, la Fédération des acteurs de la solidarité –, elle se déroule, avec des résultats probants, dans dix territoires pilotes et cinquante-huit territoires supplémentaires ont été choisis pour développer de nouveaux projets.
Que nous disent les responsables du projet, parmi lesquels notre ancien collègue député Laurent Grandguillaume ? Le budget de 69 millions d'euros alloué dans le projet de loi de finances pour 2024 n'est pas suffisant pour financer les embauches prévues dans les cinquante-huit territoires retenus, ni pour étendre l'expérimentation à de nouveaux territoires. La Première ministre s'était pourtant engagée, lorsqu'elle était ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à ne laisser aucun territoire au bord du chemin.
C'est évidemment un amendement d'appel, mais un appel tonitruant. La lutte contre le chômage ne relève pas directement des politiques de sécurité sociale, quoique chaque fois qu'une personne retrouve un emploi, elle cotise à la sécurité sociale. Nous devons exprimer avec force notre inquiétude, voire notre désapprobation. Je crois qu'aucun d'entre vous ne doute de la pertinence de Territoires zéro chômeur de longue durée .
Devant le vent de contestation sur la recevabilité, j'explique brièvement pourquoi cet amendement a été déclaré recevable. L'amendement relève certes du budget de l'État, mais il porte sur l'annexe et n'a donc pas de portée financière.
En matière de politique économique, je suis d'accord avec vous, lorsque le chômage baisse, les cotisations augmentent. C'est tout l'intérêt de l'article liminaire que vous avez voulu supprimer.
Avis défavorable.
L'expérimentation mérite une évaluation. Dans le territoire dans lequel je suis élue, alors que le but de l'expérimentation est de redonner un travail aux personnes les plus éloignées de l'emploi, les embauches auraient pu être faites par Pôle emploi puisqu'elles concernaient des métiers en tension – bouchers, boulangers, maçons, etc. Il faut donc vraiment se pencher sur le respect de l'objectif affiché initialement.
Un projet de territoire zéro chômeur de longue durée doit être lancé dans le pays Monts et Barrages dans ma circonscription.
On peut évidemment fixer des règles pour s'assurer que le dispositif est conforme à son ambition initiale, mais chacun voit bien que ces projets réussissent à ramener vers l'emploi des personnes qui en étaient très éloignées. J'ai été surpris de voir à quel point les bénévoles et les salariés étaient impliqués et les bénéficiaires, très éloignés de l'emploi. Ce sont des personnes auxquelles on a donné la possibilité non seulement de se réinsérer, mais aussi de retrouver une dignité. Elles ont pu imaginer des projets dont elles ne se pensaient pas capables. Je ne conteste pas le besoin d'évaluation, mais les expérimentations fonctionnent et les 20 millions d'euros supplémentaires que réclame l'amendement sont justifiés.
La commission rejette l'amendement.
La réunion est suspendue de onze heures dix à onze heures vingt-cinq.
Amendement AS1252 de M. Jérôme Guedj
L'idée de l'amendement est née de la présentation par Agnès Firmin Le Bodo du plan interministériel pour la sécurité des professionnels de santé.
En 2022, 20 000 signalements de violences ont été recensés dans les établissements de santé – il s'agit d'injures, d'invectives, parfois de violences physiques. Le plan comporte des mesures intéressantes en matière de sensibilisation du public, de formation des soignants, de prévention des violences et de sécurisation de l'exercice des professionnels, notamment la création d'un délit d'outrage sur les professionnels de santé.
J'ai été alerté sur des cas d'établissements de santé qui, confrontés à des patients, ou à leur entourage, violents ou à tout le moins plus que désagréables, sont contraints de recourir à des vigiles pour assurer la sécurité des professionnels de santé et leur permettre de poursuivre leur mission.
L'amendement vise donc à demander une étude économique, juridique et financière sur la possibilité de faire supporter par le patient violent ou son entourage les coûts liés au recours aux organismes de sécurité. Il n'y a pas de raison que ce soit la sécurité sociale et l'hôpital public qui supportent ces coûts.
Je vous rejoins complètement. J'avais moi-même défendu des amendements pour renforcer les sanctions contre les auteurs de violences faites aux soignants, qui, comme toutes les violences, sont inadmissibles.
J'ai travaillé, il y a quelques années déjà, dans un hôpital gardé par des policiers. Ce sont des conditions de travail difficiles et insécurisantes.
Je ne donnerai pas un avis favorable à ce que je considère comme un amendement d'appel, mais je suis ouverte à un travail sur le sujet.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS540 de M. Thibault Bazin, AS603 de M. Jérôme Guedj et AS1430 de M. Laurent Panifous
La perte de confiance dans les responsables politiques tient au décalage entre la parole et les actes, budgétaires notamment. Parfois, il vaut mieux ne rien annoncer plutôt que de faire semblant. Face aux défis démographiques qui nous attendent, nous devons nous rassembler pour préciser comment nous entendons y faire face financièrement et écrire une nouvelle page de l'histoire de notre système de protection sociale.
Les départements, qui sont les acteurs de proximité en matière d'autonomie, bénéficieront des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) – c'est très bien. Mais le taux de compensation moyen par la CNSA des dépenses engagées par les départements est aujourd'hui de plus ou moins 40 %.
Par cet amendement, je vous propose de fixer l'objectif de concours à hauteur de 50 % en 2030. Cela n'a pas d'effet immédiat, mais cela donne la visibilité nécessaire pour programmer les investissements humains et matériels, et ainsi structurer le virage domiciliaire.
Le taux de couverture de 40 % masque des disparités très importantes puisqu'il dépend d'une série de critères, parmi lesquels le potentiel fiscal des départements, le taux de recours à l'allocation personnalisée d'autonomie ou à la prestation de compensation du handicap. Le taux de compensation peut ainsi n'être que de 10 %, le reste étant financé par les ressources propres du département, notamment la fiscalité sur laquelle l'autonomie des départements s'est émoussée au fil du temps.
Je suis attaché à la complémentarité entre le département et la CNSA. Je ne suis pas favorable à une recentralisation des prestations. Pour que ce couple continue à fonctionner, il faut garantir une répartition équitable, car l'insuffisante compensation fragilise l'action des départements. Nous aurons à aborder ce sujet dans le volet financier d'une loi de programmation sur le grand âge.
La démographie va connaître des bouleversements dans les années qui viennent. En 2030, plus de 20 millions de personnes auront dépassé 60 ans. Nous devons en tenir compte dans la trajectoire financière. C'est la raison pour laquelle l'amendement AS1430 tend à homogénéiser les concours de la CNSA autour de 50 % à l'horizon 2030.
Je suis défavorable à ces amendements.
Je ne conteste pas le fait que les départements ont besoin de ressources plus importantes. Mais nous aurions intérêt à écouter ce qu'a dit Mme Iborra tout à l'heure – et qui s'applique à nombre d'autres domaines de la sécurité sociale : travaillons à la gouvernance et à la transformation de notre système d'accueil des personnes âgées, qu'il soit en ambulatoire, en virage domiciliaire ou en établissement, avant de fixer la part des dépenses assumées par chacun. Commençons par définir les besoins avant d'inscrire des pourcentages de financement.
Depuis très longtemps, la politique du grand âge est l'objet d'un tête-à-tête entre les départements et les services de l'État, qui se résume finalement à un problème d'enveloppe budgétaire. Il faut sortir de cette logique. On sait bien qu'il faut de l'argent, que les départements ont certaines compétences et l'État, d'autres.
Les départements ne sont pas sur un pied d'égalité car ils n'ont pas tous les mêmes capacités. Sans une analyse des besoins et des réformes nécessaires, nous créons nous-mêmes les inégalités que nous cherchons à combattre. Il faut arrêter.
Madame Iborra, nous partageons votre constat. Nous faisions déjà le reproche à la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France d'ignorer les modalités de financement et de ne pas avoir mis les acteurs autour d'une table.
Certains sujets pourraient être évoqués. Nous l'avons fait hier par le biais d'amendements instituant un prélèvement obligatoire de solidarité nationale pour le financement de la cinquième branche. On pourrait aussi discuter d'un système assurantiel. Nous restons dans l'attente de propositions du Gouvernement alors qu'une mission transpartisane avait été envisagée par le prédécesseur de Mme Bergé.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte ensuite l'article 16 et l'annexe A non modifiés.
Puis elle adopte la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, modifiée.
TROISIÈME PARTIE : Dispositions relatives aux dépenses pour l'exercice 2024
TITRE Ier – DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
Chapitre Ier – Poursuivre la transformation du système de santé pour renforcer la prévention et l'accès aux soins
Article 17 : Déploiement de la campagne de vaccination HPV dans les collèges et suppression du ticket modérateur de certains vaccins
Amendement AS314 de M. Jérôme Guedj
Nous soutenons l'article 17, qui vise à faciliter la campagne de vaccination contre les infections à papillomavirus humains (HPV) dans un cadre scolaire et à supprimer le ticket modérateur de certains vaccins. En la matière, la France accuse un important retard par rapport au Royaume-Uni, à la Suède ou à l'Australie.
L'amendement vise à laisser aux syndicats représentatifs et à l'assurance maladie six mois pour négocier les modalités de la rémunération des professionnels de santé réalisant les campagnes de vaccination contre le HPV. Pour l'instant, les montants sont déterminés d'autorité par le Gouvernement dès le 1er janvier 2024. Pour être un succès, cette campagne doit s'appuyer sur des professionnels de santé pleinement investis.
Le très bel article 17 concerne le financement de la campagne de vaccination contre le papillomavirus – virus qui entraîne des risques de cancer, notamment des cancers ORL ou gynécologiques.
La campagne a été lancée en octobre dans les collèges. Vous avez dû constater qu'elle est bien accueillie. Je salue l'initiative du recteur et de la directrice de l'agence régionale de santé de ma région, qui ont conduit une expérimentation dans laquelle il a été proposé aux parents lors de la première injection de regarder où en étaient les rappels des autres vaccins pour pouvoir les faire lors de la seconde injection.
Vous souhaitez que la rémunération des professionnels donne lieu à une négociation mais de multiples professionnels sont impliqués dans cette campagne, parfois même des retraités, pour lesquels le recours à une convention ne serait ni simple ni efficace.
Votre amendement pose aussi la question du financement de la prévention. Les dépenses ont leur place ici puisque les recettes, ou plutôt les cas évités, font partie du financement de la sécurité sociale.
Avis défavorable à votre amendement.
Je salue la campagne de vaccination contre le papillomavirus pour les jeunes adolescents, garçons et filles.
Je l'ai mise en place dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, il y a deux ans, en la finançant sur ses fonds propres. J'avais été étonné de l'accueil très positif que recevaient les messages de prévention. Nous avons mené une étude avec les centres de cancérologie, dont il ressort que 160 cancers du col ont ainsi été évités.
La seule petite critique que j'émettrai porte sur le coût pour les industries pharmaceutiques de la campagne de vaccination. Alors que celle-ci est commandée par Santé publique France, elle ne donne lieu à aucune déduction de la clause de sauvegarde. Ce sont donc en quelque sorte les industriels qui paient la campagne ! On pourrait de manière générale tenir compte dans les clauses de sauvegarde des demandes nationales.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1803 de Mme Joëlle Mélin
Nous souhaitons que les organisations syndicales représentatives soient associées à la rédaction du décret qui déterminera les modalités de rémunération des professionnels de santé.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS2691 de M. Philippe Schreck
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS1309 de M. Stéphane Viry
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS313 de M. Jérôme Guedj
Il s'agit de demander un rapport sur l'opportunité d'élargir la campagne de vaccination contre le HPV au-delà des collèges, pour s'assurer que le maillage scolaire soit totalement efficace. Les jeunes concernés peuvent aussi être sensibilisés par des clubs sportifs, des associations, des maisons des jeunes et de la culture ou des centres sociaux.
Aurélien Rousseau a pointé l'angle mort que constitue le choix d'une partie des collèges privés de France de ne pas prendre part à la campagne de vaccination, du fait d'une certaine frilosité dans la circulaire qui leur ouvrait cette possibilité. Les collégiens qui fréquentent ces établissements pourraient donc échapper à la campagne de vaccination. Si nous voulons que tous les jeunes, indépendamment de l'établissement dans lequel ils sont scolarisés, puissent être vaccinés, je souhaite, si ce n'est rendre obligatoire la campagne dans les établissements privés sous contrat, la proposer en d'autres lieux où les jeunes peuvent être touchés.
Je trouve l'idée intéressante. On pourrait aussi examiner l'opportunité de vacciner les enfants plus tôt pour évacuer certaines critiques, infondées, liant cette vaccination, qui intervient en cinquième, aux relations sexuelles. On sait que le vaccin est plus efficace pour les femmes quand il est injecté avant la première relation sexuelle.
À titre personnel, avis favorable.
APF France handicap a appelé notre attention sur le fait que les établissements recevant des personnes en situation de handicap et les instituts médico-éducatifs risquaient de ne pas bénéficier de cette campagne de vaccination. Il importe de bien les prendre en compte.
La commission adopte l'amendement.
Madame la présidente, nous avons accepté ce matin d'aller plus vite sur les amendements relatifs aux recettes, parce que nous estimions que le débat avait eu lieu. Nous avons toutefois souligné que nous souhaitions, sur la partie relative aux dépenses et sur des sujets qui nous paraissent essentiels, pouvoir intervenir davantage qu'à raison d'un pour et un contre. Le papillomavirus est un sujet important et il est frustrant de ne pas pouvoir nous exprimer à ce sujet. Si vous nous invitez à aller vite sur les dépenses, cela ne va pas créer une très bonne ambiance.
J'ai indiqué tout à l'heure que je prendrais, sur chaque amendement, un pour et un contre. M. Peytavie avait demandé la parole avant vous et je la lui ai donnée. Mme la rapporteure générale a, en outre, émis un avis favorable sur cet amendement. Nous pouvons donc avancer.
Amendement AS1505 de M. Laurent Panifous
Le groupe LIOT salue la décision du Gouvernement de soutenir la campagne vaccinale contre l'infection au papillomavirus dans les collèges, à destination des enfants âgés de 11 à 14 ans. Cette campagne est la bienvenue, mais elle gagnerait à être encore plus diffusée, grâce à des mesures de sensibilisation susceptibles de toucher un maximum de jeunes et d'éviter les angles morts. Nous proposons qu'un rapport examine cette possibilité.
L'intérêt d'élargir la campagne de sensibilisation aux établissements et services sociaux et médico-sociaux ne fait pas de doute ; je ne pense pas utile de faire un rapport à ce sujet. J'espère que nous obtiendrons la levée du gage d'ici à la séance. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 17 modifié.
Ma collègue Caroline Fiat vient de quitter la salle en colère, car elle aurait souhaité s'exprimer sur cette question importante. À quoi sert le Parlement quand on sait, par ailleurs, que ce texte sera adopté par 49.3 ? Accepter qu'il y ait une prise de parole par groupe sur cet amendement n'aurait pas tellement allongé le débat. Ce coup de force me paraît inutile.
Je ne vois pas où est le coup de force : la rapporteure générale avait émis un avis favorable sur l'amendement et tout le monde était d'accord.
Après l'article 17
Amendement AS1228 de Mme Caroline Fiat
Le ministre de la santé, Aurélien Rousseau, a annoncé en grande pompe une campagne de vaccination contre le papillomavirus. C'est une excellente nouvelle, sachant qu'à la fin de 2021, seulement 45,8 % des jeunes filles de 15 ans étaient vaccinées, et à peine 6 % des garçons du même âge.
Or les élèves scolarisés dans les établissements privés sous contrat se trouveraient dans ce qu'il a appelé un « petit angle mort », puisque cette vaccination contre le papillomavirus pourrait ne pas leur y être proposée. Pour nous, la campagne de vaccination doit être obligatoire dans tous les établissements. Ce sujet de santé publique ne saurait être traité à la carte ; il n'y a pas de « petit angle mort » possible en la matière. La France a déjà pris beaucoup de retard et il n'est pas admissible que des chefs d'établissement s'opposent à cette campagne de prévention.
Hélas, nos discussions sont tout simplement inutiles, puisqu'il semblerait que le 49.3 devienne la règle à l'Assemblée nationale et que les débats ne soient plus possibles sur des sujets aussi importants pour la santé de notre jeunesse. Je le déplore vivement.
Je suis très défavorable à votre amendement, car je crois que c'est vraiment notre rôle de parlementaires d'aller voir comment se passe cette campagne et de faire remonter les difficultés éventuelles. Par ailleurs, nous pourrons revenir sur cette question dans le cadre du Printemps social de l'évaluation.
Ces établissements privés sont sous contrat avec l'État et touchent de l'argent public. Or le contrat, c'est aussi de veiller à la santé et à la sécurité des élèves et de transmettre des messages de prévention.
Le papillomavirus est la première cause du cancer du col de l'utérus. Une fois encore, ce sont les femmes qui paient le prix de choix politiques, en l'occurrence ceux des chefs d'établissement qui refusent de participer à une campagne nationale de prévention.
La commission rejette l'amendement.
Article 18 : Gratuité des préservatifs pour tous les assurés âgés de moins de 26 ans sans prescription
Amendement AS2501 de Mme Émilie Chandler
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission adopte l'amendement.
Amendement AS2347 de M. Sébastien Peytavie
Une prise en charge ambitieuse de la contraception pour les moins de 26 ans ne doit pas être restreinte à un seul type de contraception.
La contraception dite masculine ne se résume pas aux préservatifs. Depuis plusieurs années, la recherche s'intéresse enfin à de nouveaux moyens, tels que les anneaux thermiques ou les slips chauffants, qui permettent de réduire significativement la production de spermatozoïdes en augmentant de 2 degrés la température des testicules. La contraception hormonale masculine existe aussi depuis trente ans ; elle a fait l'objet d'un protocole validé par l'Organisation mondiale de la santé et expérimenté sur 1 500 hommes.
De plus en plus d'hommes envisagent de recourir à ce type de contraception, afin d'éviter à leur partenaire de supporter seule la charge mentale de la contraception. D'ailleurs, outre cette charge mentale, la contraception est aussi une charge financière pour les femmes, puisqu'après 26 ans, les contraceptifs ne sont remboursés qu'à 65 %. Dans un souci d'égalité et de santé publique, le Parlement a pleinement son rôle à jouer pour promouvoir une répartition plus égalitaire de la charge mentale contraceptive.
Je salue le remboursement des préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans – cette mesure fonctionne. Pour que des moyens contraceptifs soient pris en charge, il faut que les industriels en fassent la demande et que le dispositif qu'ils proposent soit homologué par la HAS. À ma connaissance, les dispositifs que vous évoquez ne l'ont pas encore été.
Avis défavorable.
Je trouve vraiment dommage que vous ne soyez pas favorable, au moins sur le principe, à la prise en charge de la contraception masculine. Cette position me paraît à la fois déplacée et décalée, étant donné le contexte actuel. Certains de ces dispositifs ont le mérite d'être durables : on peut les garder toute sa vie, contrairement aux plaquettes de pilules contraceptives qu'il faut acheter chaque mois.
Il serait temps de lâcher la bride aux femmes et d'encourager les hommes à se préoccuper de la contraception. Ce serait d'ailleurs un message fort à envoyer aux industriels que la prise en charge de leurs produits pour les jeunes de moins de 26 ans. La contraception féminine n'emporte pas seulement une charge mentale et financière, elle laisse des traces sur le corps des femmes. À long terme, la pilule contraceptive n'est pas neutre.
Quand vous appelez à favoriser l'implication de l'homme dans la contraception, je ne peux que vous suivre. En revanche, on ne peut pas rembourser des dispositifs dont on n'a pas évalué l'efficacité.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques AS1768 de Mme Émilie Chandler et AS2708 de Mme Brigitte Liso
Sur proposition du Président de la République, tous les jeunes de moins de 26 ans peuvent désormais obtenir des préservatifs gratuitement en pharmacie. L'article 18 ne mentionne pas explicitement les préservatifs féminins, également appelés préservatifs internes. Par l'amendement AS1768, nous proposons donc de préciser que cette prise en charge concerne à la fois les préservatifs externes et internes.
Neuf femmes sur dix connaissent l'existence des préservatifs internes, mais deux tiers d'entre elles pointent le manque d'information à leur sujet. Cet amendement vise donc à lutter contre la méconnaissance du préservatif féminin en France, qui explique aussi sa sous-utilisation. Cette précision permettrait de renforcer la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST).
Les préservatifs féminins, dits internes, restent assez peu connus, alors qu'ils pourraient permettre notamment aux travailleuses du sexe de se protéger lorsque leur client ne souhaite pas le faire. Et, pour une simple question d'équité, il faudrait que les deux types de préservatifs soient remboursés.
Il ne me paraît pas absolument indispensable de préciser que la mesure concerne à la fois les préservatifs internes et externes mais, si cela vous semble important, je peux émettre un avis favorable sur ces amendements.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS2350 de M. Sébastien Peytavie
Cet amendement a le même objet que les précédents et je ne comprends pas pourquoi il n'a pas été examiné avec les deux autres : il s'agit de préciser que le remboursement concerne aussi bien les préservatifs internes que les préservatifs externes. Il importe effectivement de mieux faire connaître les préservatifs internes. Ils ont l'intérêt d'être totalement maîtrisables par les femmes et sont aussi plus fiables, moins sujets à la déchirure que les préservatifs externes.
Cet amendement n'a pas été examiné avec les autres parce qu'il ne porte pas sur le même alinéa.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission adopte l'amendement.
Amendement AS2713 de Mme Brigitte Liso
Tout en saluant votre travail sur ces questions, madame Liso, je vous indique que votre amendement est satisfait, dans la mesure où ne peuvent entrer dans le cadre de l'article 18 que les préservatifs inscrits sur la liste de produits et de prestations.
Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement AS315 de M. Jérôme Guedj
Pourquoi arrêter la gratuité des préservatifs à 26 ans, alors qu'on sait que 62 % des personnes qui ont découvert leur séropositivité avaient entre 25 et 49 ans ? Garantir l'accès gratuit au préservatif sans barrière d'âge renforcerait considérablement la prévention. Cette mesure n'aurait pas un coût énorme : peut-être 10 ou 15 millions d'euros, sachant que la gratuité pour les jeunes de moins de 26 ans coûte 3,9 millions. Nous demandons un rapport pour étudier l'opportunité de supprimer cet âge limite.
Les préservatifs sont déjà remboursés, quel que soit l'âge de la personne, sur prescription. On peut aussi se procurer des préservatifs gratuitement auprès d'associations ou de centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD).
Avis défavorable.
Les préservatifs sont prescrits aux personnes qui risquent directement de transmettre une maladie ou d'être contaminés, du fait d'une fragilité. Quand on voit ce que coûtent la prophylaxie pré-exposition, le traitement post-exposition et les traitements contre le HIV, mettre des capotes à disposition gratuitement partout, pour tout le monde est une évidence. Et c'est le seul moyen d'éradiquer, un jour, le sida et toutes les IST.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS2354 de M. Sébastien Peytavie et AS1507 de M. Laurent Panifous (discussion commune)
Faciliter l'accès aux droits sexuels et reproductifs est une question de santé publique. L'État doit donc investir pour faciliter l'accès à tout type de contraception, en particulier pour les jeunes générations. Dans cette optique, démocratiser l'accès à des modes de contraception moins utilisés, comme les préservatifs internes, mais aussi la contraception hormonale ou thermique masculine, est non seulement une question de santé publique, mais aussi d'égalité. Parce que la contraception ne doit pas être seulement l'affaire des femmes, nous vous appelons à étudier la possibilité de renforcer la recherche, la prévention et la formation des professionnels sur la diversité des méthodes contraceptives.
Par l'amendement AS1507, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant l'opportunité d'étendre la gratuité des préservatifs aux bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), c'est-à-dire aux plus précaires et aux plus fragiles.
Nous voterons ces amendements. Je trouve que la proposition de notre collègue Jérôme Guedj a été balayée un peu vite. On sait qu'il y aura un 49.3 sur le texte ; nous pourrions au moins nous mettre d'accord pour demander un rapport sur l'opportunité de rendre les préservatifs gratuits pour tous, sans limite d'âge.
L'argument des préservatifs gratuits sur prescription n'est pas pertinent dans un contexte de désertification médicale : s'il faut attendre dix jours pour obtenir un rendez-vous, cela complique un peu les choses...
Il serait bon que la commission des affaires sociales montre qu'elle est favorable à l'accès de tous aux préservatifs. Pour l'heure, nous demandons seulement un rapport, mais cela permettrait d'avoir des données précises pour prendre de bonnes décisions l'année prochaine. Cette mesure serait peu coûteuse, mais elle aurait des effets considérables.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS2543 de Mme Caroline Fiat
Nous vous offrons une seconde chance de demander au Gouvernement un rapport sur la possibilité de rendre l'accès aux préservatifs gratuit pour tous, sans limite d'âge.
Quand, selon une étude, 10 % des femmes déclarent être tombées enceintes de manière imprévue entre 30 et 49 ans, cela signifie qu'une grande partie de la cible n'est pas couverte, ne serait-ce que sur la question de la contraception. Et l'importante recrudescence des cas de syphilis, de chlamydia, mais aussi de HPV – parce que les générations qui n'ont pas été vaccinées sont exposées au papillomavirus – montre que ce n'est pas mieux s'agissant des IST.
En outre, les campagnes de prévention ne sont pas diffusées partout en France. En particulier, elles ne le sont pas dans les lieux de privation de liberté. On croit à tort que la sexualité y est interdite – ce n'est pas le cas – et on en déduit que l'accès à des préservatifs n'y est pas nécessaire. Or c'est précisément dans les milieux clos que se propagent le plus les IST. Il me tient à cœur que les campagnes de prévention aillent jusque dans les prisons, les centres de rétention administrative et les hôpitaux psychiatriques.
Pour y avoir travaillé, je peux vous assurer qu'il y a un accès aux préservatifs dans les centres pénitentiaires. Peut-être faut-il faire davantage d'information, mais ils sont déjà à la disposition des détenus et gratuitement.
Avis défavorable.
Notre désaccord montre combien il serait utile que nous disposions d'un rapport sur la question.
À propos des préservatifs gratuits sur prescription, imaginez-vous que M. X et Mme Y, désireux d'avoir un rapport sexuel bien que mariés ou en couple chacun de son côté, vont aller voir leur médecin traitant, qui est aussi celui de leur conjoint ou leur conjointe, en lui disant : « J'ai prévu de le ou la tromper ; merci de ne pas le lui dire et de me prescrire des préservatifs » ? Ils n'iront jamais, car la réalité de la vie, c'est ça, et ils vont avoir une relation à risque. Au lieu de considérer qu'ils n'ont qu'à être fidèles, mettez les préservatifs gratuits !
Soyons un peu précis s'agissant du contraceptif testiculaire. C'est un dispositif qui agit dans le temps, puisque l'élévation de la température agit progressivement sur la formation des spermatozoïdes et entraîne un défaut de fertilité. Cela n'a rien à voir, ni avec les contraceptifs féminins, ni avec les préservatifs, qui protègent des maladies sexuellement transmissibles. Proposer ou imposer à un homme de porter un jean très serré – puisque des études américaines, dans les années 1960, ont montré que c'était très efficace –, c'est engager ce pauvre garçon dans une contraception de longue durée, qui sera problématique s'il tombe amoureux et s'il a envie d'avoir un enfant.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 18 modifié.
Après l'article 18
Amendement AS1364 de Mme Caroline Fiat
Nous souhaitons préciser le champ d'application de l'article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, afin de sécuriser l'accès des hommes transgenres à la prise en charge de la contraception d'urgence.
Certains de ces hommes ont encore un utérus et un cycle menstruel ; surtout, ils sont les personnes qui risquent le plus d'être violées. Du fait que la loi ne les mentionne pas explicitement, le dispositif étant destiné aux femmes, les hommes transgenres qui ont modifié la mention de leur sexe à l'état civil en sont exclus alors même qu'ils peuvent avoir besoin d'un contraceptif d'urgence, surtout s'ils ont été violés.
Sont aussi concernées les personnes nées intersexes, avec deux appareils génitaux. Elles ne sont pas aussi rares qu'on le croit, puisqu'elles représentent près de 1 % des naissances. Toutes les personnes qui ont un utérus doivent pouvoir bénéficier d'un moyen de contraception d'urgence.
Votre amendement est satisfait, je l'avais déjà indiqué l'année dernière. J'en profite pour rappeler, notamment aux jeunes, que la contraception d'urgence ne saurait remplacer la contraception habituelle. Je le dis, parce qu'il y a un risque de dérive, maintenant qu'elle est remboursée : si elle l'est, c'est pour des cas qui doivent rester exceptionnels.
Cet amendement est intéressant et il me donne l'occasion d'appeler l'attention sur le fait que les personnes transgenres ont des maladies spécifiques. Ainsi, les femmes transgenres présentent un taux de cancer de la prostate beaucoup plus important que la normale. Le nombre de personnes transgenres augmentant, il est de plus en plus fréquent que les maladies liées à leur sexe d'origine soient oubliées dans leur prise en charge. Quand une femme transgenre va consulter son médecin, celui-ci ne va pas forcément penser à vérifier son taux de PSA pour dépister un cancer de la prostate. Pourtant, les femmes transgenres gardent une prostate.
Notre amendement est peut-être satisfait mais nous recevons beaucoup de témoignages de personnes qui nous disent qu'il ne l'est pas dans les faits, dans leur vie de tous les jours : il doit donc y avoir une faille quelque part.
Durant l'examen du projet de loi relative à la bioéthique, les débats étaient plus dignes et on n'a pas entendu de rires et de sarcasmes, comme à l'instant, lorsque notre collègue a défendu son amendement. Ces questions ne prêtent vraiment pas à rire.
Je comprends que vous preniez ce sujet à cœur, il est effectivement important, mais nous sommes en train d'écrire la loi et votre amendement est satisfait. Que l'on soit un homme ou une femme – et donc un homme ou une femme transgenre –, on a droit à ce remboursement.
La commission rejette l'amendement.
Article 19 : Lutter contre la précarité menstruelle
Amendement AS901 de Mme Sandrine Rousseau
Les propos de M. Rousset sur la contraception testiculaire témoignent d'une méconnaissance totale du sujet, car ces dispositifs sont réversibles et n'ont aucune conséquence sur la santé des hommes. Si nous ne vivions pas dans un système patriarcal, ce type de contraception serait utilisé depuis déjà longtemps, et très largement.
Mon amendement vise à étendre la prise en charge des protections périodiques aux protections réutilisables. On estime que les protections périodiques coûtent 5 360 euros à chaque femme en moyenne au cours de sa vie, ce qui est considérable. Avec l'inflation, près de 4 millions de personnes sont en précarité menstruelle. Il est donc absolument nécessaire d'élargir le socle de remboursement de ces protections périodiques. Pour l'avoir appliqué pour la première fois dans une université, à Lille, je peux vous dire que les files d'attente étaient plus longues que celles de l'aide alimentaire, ce qui montre combien ce type de dispositif est nécessaire.
L'article 19 est un très bel article de notre PLFSS. Votre amendement est totalement satisfait, puisqu'il est déjà prévu que cette prise en charge concerne les protections réutilisables inscrites sur la liste des produits et prestations, qui peuvent concerner différentes formes de protections – culottes menstruelles et coupes, notamment.
Madame Rousseau, je crois que vous n'avez pas très bien compris ce qu'a dit notre collègue Jean-François Rousset tout à l'heure. Il faut distinguer la question de la contraception et celle de la protection contre les maladies sexuellement transmissibles. Ce que notre collègue a dit, c'est que le réchauffement testiculaire est efficace et réversible comme moyen de contraception, au même titre que les jeans serrés, mais qu'il ne protège pas contre les maladies sexuellement transmissibles. La seule mesure de contraception relativement irréversible chez l'homme est la vasectomie, et elle n'a pas été évoquée. Le message, c'est qu'il vaut mieux utiliser un préservatif, parce qu'il permet à la fois d'éviter les grossesses non désirées et de lutter contre les maladies sexuellement transmissibles. Inutile d'en faire un plat.
Ce n'est pas exactement ce qui a été dit. En l'occurrence, ce genre de contraception, qui est encore très peu connu et qui suscite beaucoup de fantasmes et de peurs, peut être intéressant pour des personnes qui ont des relations sexuelles avec un nombre de partenaires limité.
La commission rejette l'amendement.
Amendements AS2365 de M. Sébastien Peytavie et AS2547 de M. Frédéric Mathieu (discussion commune)
Les menstruations ne concernent pas uniquement les femmes : certains hommes transgenres et personnes non binaires peuvent aussi avoir leurs règles. Il serait totalement injuste de les exclure de ce dispositif, dans un contexte où les personnes transgenres sont particulièrement victimes de précarité. En effet, 64 % d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, et 33 % doivent se contenter de moins de 600 euros par mois.
Parce que notre rôle de parlementaires est de légiférer pour toutes et tous, sans distinction de genre, nous appelons à ce que la promotion de la santé menstruelle n'exclue pas les hommes transgenres et les personnes LGBTQ+ concernées par les règles. Aussi mon amendement propose-t-il une rédaction inclusive de l'article 19.
L'amendement AS2547 vise à remplacer le mot « assurées » par le mot « personnes ». Nous sommes en train d'écrire la loi et nous voulons la rendre inclusive.
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, toutes les personnes menstruées sont concernées par l'article 19. Or le terme « assurées », au féminin, désigne non les personnes porteuses d'un utérus mais celles dont la carte d'identité précise qu'elles sont une femme. La rédaction actuelle de cet article est donc discriminante pour toutes les personnes intersexes et transgenres – autrement dit, pour toutes les personnes qui ont un utérus, mais pas forcément le genre féminin inscrit sur leur carte d'identité.
Vous nous disiez tout à l'heure, madame la rapporteure générale, que la loi allait déjà dans ce sens. Je suis donc à peu près certaine que la rédaction de l'article 19 résulte d'une inattention, que mon amendement n'est, en quelque sorte, que rédactionnel et qu'il fera consensus.
La rédaction de l'article 19 peut effectivement poser question. Cependant, celle que vous proposez engloberait absolument tout le monde : je n'y suis donc pas favorable. Je propose que nous réfléchissions à une autre rédaction d'ici à la séance.
On pourrait imaginer, par exemple, que des hommes achètent des protections périodiques pour les revendre ensuite... La rédaction que vous proposez englobe décidément trop de monde : je réitère donc ma proposition d'y réfléchir ensemble d'ici à la séance.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Malgré tout le respect que j'ai pour vous, madame la rapporteure générale, vous êtes d'une mauvaise foi absolue. Revendre un produit gratuit, c'est quand même un peu ridicule ! Par ailleurs, votre vision du monde est sexiste : les hommes ne sont ni plus honnêtes ni plus malhonnêtes que les femmes. Vous chipotez, peut-être pour satisfaire une frange transphobe de votre électorat. Honnêtement, mon amendement ne coûte rien. Vous avez dit vous-même, il y a quelques minutes, que la loi n'était pas discriminante : faisons donc en sorte qu'elle ne le soit pas.
Vous avez dit qu'elle était transphobe, ce qui est faux. Vous avez complètement détourné son avis.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1471 de M. Sébastien Peytavie et sous-amendement AS2864 de Mme Stéphanie Rist
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a relevé en 2018 la présence d'un certain nombre de composés chimiques toxiques, notamment de perturbateurs endocriniens, dans les serviettes hygiéniques. On y retrouve notamment le fameux glyphosate, dont l'utilisation est à l'origine du scandale Monsanto, ainsi que des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des phtalates, y compris dans les tampons féminins. Ces substances sont considérées comme cancérogènes, reprotoxiques ou mutagènes ; dans tous les cas, elles figurent dans la longue liste des perturbateurs endocriniens. Le manque de transparence lié à l'absence d'informations sur les matériaux de fabrication des protections pose un réel problème. Nous demandons donc que les consommateurs puissent bénéficier d'une explication précise s'agissant des produits contenus dans les protections hygiéniques.
L'Anses se prononce déjà sur les enjeux sanitaires et environnementaux des protections féminines ; son avis me paraît effectivement utile. En revanche, un avis de la HAS, compétente en matière de produits de santé, ne me semble pas adapté. Sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement, je donnerai un avis favorable à votre amendement.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Amendement AS2369 de M. Sébastien Peytavie
Il s'agit d'intégrer les associations expertes en santé menstruelle dans le processus de définition des critères de référencement des protections. Ce sont ces associations qui ont appelé à davantage de transparence dans la composition de ces produits et qui ont dénoncé l'application honteuse d'un taux de TVA de 20 % sur les protections menstruelles, avant que ce taux soit ramené à 5,5 %.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS2371 de M. Sébastien Peytavie
Si les protections périodiques lavables améliorent sans aucun doute le confort pendant les règles, il a été constaté, dès leur apparition, une indisponibilité généralisée des tailles au-delà du XL. Alors qu'avoir ses règles est encore un tabou et que la précarité menstruelle touche 4 millions de personnes en France, on ne vit pas ses règles de la même manière selon son poids. Il faut que toutes les tailles de protection soient disponibles.
Une telle précision ne me semble pas utile, d'autant qu'elle risque d'être interprétée de manière restrictive. Si les industriels proposent les protections inscrites sur la liste des produits référencés dans de grandes tailles, elles seront évidemment remboursées.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS317 de M. Jérôme Guedj
Dans le même esprit que l'amendement défendu tout à l'heure par M. Peytavie, mon amendement vise à s'assurer que les protections périodiques réutilisables remboursables répondent à des critères écologiques, autrement dit qu'elles ne portent pas atteinte à l'environnement.
Votre amendement est satisfait : l'inscription des articles sur la liste des produits remboursables est conditionnée au respect de spécifications techniques et de normes relatives à leur composition et à leur qualité.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS2548 de Mme Caroline Fiat
Nous vous proposons de faire d'énormes économies en interdisant les produits cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques et les perturbateurs endocriniens dans les protections hygiéniques. Cela permettrait de réduire le nombre de cancers causés par l'exposition à ces substances, le nombre d'actes de procréation médicalement assistée rendus nécessaires par l'altération de la fertilité des couples ainsi que le nombre de maladies provoquées par les pesticides présents dans les protections hygiéniques jetables. Si l'on mettait devant vous ces produits absolument immondes, en quantité équivalente à ce que contiennent toutes les protections portées par une femme en une année, aucun d'entre vous n'accepterait de les ingurgiter ou de les poser sur sa peau ; c'est pourtant ce que l'on impose à toutes les femmes qui utilisent ces protections. Il est grand temps d'arrêter de se voiler la face, de responsabiliser les industriels et de cesser d'empoisonner les femmes.
Le dispositif de votre amendement ne correspond pas tout à fait à ce que vous venez d'expliquer. Demande de retrait, pour les mêmes raisons que précédemment.
Nous avons bien compris le sens de votre amendement, mais en le défendant, vous avez fait un raccourci que je ne m'autoriserais pas. L'Anses n'a pas établi de lien de causalité entre l'exposition des femmes à ces substances, dans les quantités qu'elle a relevées, et l'apparition d'un cancer. Par honnêteté intellectuelle, il faut être prudent dans les termes que l'on emploie. Je ne me prononce pas en faveur de ces substances toxiques, mais je rappelle qu'il existe un effet de seuil : tant qu'un individu est exposé à une dose inférieure à ce seuil, cela n'entraîne pas une mutation susceptible de provoquer un cancer.
Je veux bien qu'il existe des effets de seuil, mais imaginez que je mette tous ces produits devant vous et que je vous demande de vous les appliquer sur la peau, pour voir si vous atteindrez ou non ce seuil fatidique et si vous développerez ou non un cancer... Les industriels jouent avec la santé des femmes. Certaines me diront sans doute qu'elles ont porté des serviettes hygiéniques toute leur vie sans avoir jamais eu de cancer. Mais heureusement ! De même, certaines personnes ont fumé toute leur vie sans avoir jamais été atteintes d'un cancer du poumon.
Maintenant que nous savons que les serviettes hygiéniques contiennent des produits toxiques, allons-nous continuer à autoriser leur fabrication ? Ensuite, ces protections sont jetées et on retrouve des traces de ces substances partout dans la nature...
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS2368 de M. Sébastien Peytavie
L'année qui vient de s'écouler a été marquée par des pénuries d'amoxicilline, de paracétamol et de pilules abortives. Dans ce contexte, il convient d'assurer une planification des modalités de distribution des protections menstruelles réutilisables. Alors que ce dispositif concernera quelque 10 millions de personnes, nous ne pouvons pas prendre de risque.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS1462 de M. Sébastien Peytavie
D'après un récent sondage, 31 % des femmes menstruées de 18 à 50 ans seraient concernées par la précarité menstruelle. Les plus jeunes, âgées de 18 à 24 ans, seraient même 44 % à éprouver des difficultés financières à se procurer un nombre suffisant de protections périodiques. Ni la protection de la santé des femmes ni celle de l'environnement ne peuvent être réduites à une question de prix. C'est pourquoi le groupe Écologiste-NUPES est favorable à un remboursement intégral des protections hygiéniques réutilisables, à tous les âges de la vie. Il s'agit d'une question de santé publique.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendements AS2372, AS2373 et AS2375 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune)
L'article 19 prévoit la prise en charge, par l'assurance maladie, des protections hygiéniques réutilisables pour les personnes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la C2S. Nous devons cependant prendre en compte le tabou encore omniprésent sur les menstruations ainsi que la banalisation des violences sexistes et sexuelles dans tous les domaines. Chaque année, 213 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Neuf jeunes femmes âgées de 12 à 24 ans sur dix affirment avoir déjà subi des violences conjugales.
Par l'amendement AS2372, nous proposons que les protections menstruelles réutilisables s'accompagnent systématiquement d'un document de sensibilisation sur la santé sexuelle, gynécologique et reproductive, sur la notion de consentement ainsi que sur la lutte contre les violences sexistes, sexuelles ou dirigées contre les personnes LGBTQ+. Cette notice préventive devrait également mentionner les coordonnées d'associations de planification familiale et de lutte contre les violences et le harcèlement.
Les amendements AS2373 et AS2375 sont des amendements de repli. Le premier limite le contenu de la notice à des informations de sensibilisation sur la santé menstruelle et gynécologique et sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, tandis que le second ne retient que les informations de sensibilisation sur la santé menstruelle et gynécologique.
Je vous remercie de rappeler l'importance de ces sujets. Nous devons mieux faire connaître les nombreuses mesures mises en place ces dernières années en faveur des femmes victimes de violence : je pense, par exemple, à l'accès aux pharmacies et aux signaux faits avec les doigts pour lancer une alerte, ou encore à la création d'un numéro de téléphone dédié. Cependant, le contenu des notices ne relève pas du domaine de la loi.
Avis défavorable, donc.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AS985 de M. Stéphane Viry, AS1765 de Mme Émilie Chandler, AS1821 de Mme Fatiha Keloua Hachi et AS2376 de M. Sébastien Peytavie
Par l'amendement AS1821, nous souhaitons que toutes les personnes menstruées de moins de 26 ans puissent bénéficier de cette mesure. Il convient donc de supprimer l'alinéa 17, qui rend facultative la prise en charge des protections périodiques par les complémentaires santé.
Comme l'a expliqué M. Guedj, l'alinéa 17 rend facultatives certaines prises en charge complémentaires. Nous demandons sa suppression afin que toute personne ayant recours à des actes de préservation de la fertilité ou d'assistance médicale à la procréation, quelle qu'en soit la raison, puisse systématiquement bénéficier d'une prise en charge.
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette les amendements.
Amendement AS2397 de M. Sébastien Peytavie
Cet amendement de repli fait écho aux réticences exprimées tout à l'heure par Mme la rapporteure générale alors que nous défendions l'inclusion dans ce dispositif des personnes transgenres, intersexes et LGBT ayant des menstruations. Nous déplorons que la rédaction actuelle de l'article 19 exclue un certain nombre de personnes dont la reconnaissance dans la loi et dans notre société doit être pleinement garantie. Si vous souhaitez lever le tabou sur la précarité menstruelle, il faut également lutter contre de nombreux stéréotypes transphobes encore bien présents. Nous proposons donc de compléter l'article 19 par un alinéa qui, bien qu'insuffisant, précise au moins que la modification de la mention du sexe à l'état civil ne fait pas obstacle au bénéfice de ces dispositions.
Mon avis est cohérent avec celui que j'ai déjà donné tout à l'heure et qui a été mal interprété par certains de nos collègues, si j'en crois certaines insinuations sur lesquelles je n'ai pas envie de revenir.
Je vous demande de retirer votre amendement, qui n'a plus de sens dès lors que nous essaierons de faire évoluer la rédaction de l'article 19. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement AS318 de M. Jérôme Guedj
De même que nous contestions tout à l'heure la limite d'âge pour bénéficier de la prise en charge des préservatifs, parce que la prévention des IST ne s'arrête pas à 26 ans, nous considérons que la précarité menstruelle va bien au-delà de cet âge.
Faut-il instaurer la gratuité intégrale de l'ensemble de ces dispositifs ? En France, 100 millions de préservatifs sont vendus chaque année, dont 41 millions seulement en pharmacie ; la moitié sont distribués gratuitement par des collectivités locales, des CeGIDD ou des centres de protection maternelle et infantile, par exemple. Les préservatifs Eden et Sortez couverts, les deux marques distribuées dans le cadre du dispositif de prise en charge, ne coûtent pas très cher, de l'ordre de 15 ou 17 centimes l'unité : il ne serait donc pas incongru de prévoir la gratuité de certains modèles. Ceux qui préfèrent du haut de gamme, des produits lubrifiés ou nervurés, pourront toujours se les payer ! Pour en revenir à la précarité menstruelle, on pourrait aussi assurer la gratuité des protections pour une partie de la population afin de prévenir des problèmes de santé publique liés à une mauvaise prise en charge des menstruations. C'est un beau débat !
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS2244 de M. Laurent Panifous
Suivant l'avis de la rapporteure générale, la commission rejette l'amendement.
Amendement AS2546 de M. Frédéric Mathieu
La précarité menstruelle touche de nombreuses jeunes femmes – on a dit tout à l'heure que 44 % d'entre elles étaient concernées. L'association Règles élémentaires, quant à elle, estime à 4 millions le nombre de femmes victimes de précarité menstruelle en France en 2023 – un chiffre qui a doublé depuis 2021, en partie en raison de l'inflation. Or 75 % de ces femmes sont âgées de plus de 25 ans. À ces femmes se déclarant déjà en situation de précarité menstruelle s'ajoutent 1 200 000 personnes craignant de s'y retrouver, dans les douze prochains mois, du fait de l'augmentation du coût de la vie.
Au vu de l'objectif visé par l'article 19, rien ne justifie d'exclure 75 % des femmes en situation de précarité menstruelle de la possibilité d'obtenir le remboursement des protections périodiques réutilisables. Nous demandons donc la suppression de la limite d'âge de 26 ans et l'élargissement du dispositif à l'ensemble des personnes ayant besoin de protections périodiques. Pour des raisons de recevabilité financière, notre amendement prend la forme d'une demande de rapport.
Avis défavorable.
Ma réponse à M. Guedj a sans doute été un peu lapidaire car je ne voulais pas ouvrir un grand débat. La question de la généralisation de la gratuité peut effectivement se poser, mais dans le cadre du financement de la prévention, qui pourrait être décalé. Il faudrait analyser du point de vue économique les bénéfices d'une telle mesure.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 19 modifié.
Après l'article 19
Amendement AS1461 de M. Sébastien Peytavie
Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport étudiant notamment l'opportunité de relever l'âge d'accès à la prise en charge à 100 % de la contraception d'urgence et du dépistage des IST.
J'ai admis tout à l'heure que la question pouvait se poser s'agissant de la contraception d'urgence. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement AS1365 de Mme Caroline Fiat
Les CeGIDD assurent la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement ambulatoire des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites et des autres IST, ainsi que l'accompagnement des patients dans la recherche de soins appropriés et la prévention des autres risques liés à la sexualité. Ils peuvent rencontrer des difficultés à exercer leurs missions, qui constituent également des freins, notamment au dépistage, pour les patients : temps d'attente trop long, encombrement de la salle d'attente qui rend difficile l'anonymat pourtant imposé par l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, manque de personnel qui empêche la bonne prise en charge des patients, en particulier l'écoute et le conseil en matière de santé sexuelle. Nous demandons donc un rapport dressant un état des lieux de la situation de ces centres afin de pouvoir, ensuite, répondre aux attentes des personnels et des patients.
Cette demande peut s'inscrire dans le débat sur l'opportunité de décaler le financement de la prévention. Avis favorable.
Pourrez-vous faire en sorte que les amendements adoptés par notre commission après avis favorable de votre part soient retenus dans le texte sur lequel le Gouvernement engagera sa responsabilité ? L'année dernière, vous avez été brillante dans cet exercice.
La commission adopte l'amendement.
La réunion s'achève à douze heures cinquante-cinq.
Présences en réunion
Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Ségolène Amiot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, M. Louis Boyard, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Paul-André Colombani, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. Philippe Frei, M. Jérôme Guedj, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, M. Damien Maudet, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, Mme Angélique Ranc, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal
Excusés. - M. Elie Califer, Mme Rachel Keke, M. Olivier Serva